Chronique d'Evariste
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Le triptyque de la protection sociale des néolibéraux de droite et de gauche : austérité, étatisation et privatisation

par Évariste
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 L’ensemble de la protection sociale pèse plus de 30 % du PIB soit plus de 600 milliards d’euros. C’est de loin le premier budget humain, qui pèse près de deux fois plus que le budget de l’État tous ministères confondus. C’est la préoccupation majeure des citoyens et de leurs familles si on globalise l’ensemble de la protection sociale (retraites, santé et assurance-maladie, politique familiale, accidents du travail et maladies professionnelles, perte d’autonomie, assurance-chômage et les politiques d’assistance). Et pourtant, cela ne semble pas la priorité des partis politiques de gauche, y compris de la gauche de gauche. La dernière motion votée à plus de 95 % au dernier congrès du Parti de gauche ne s’est pas étendue sur ce sujet. Un peu avant, le congrès du Parti communiste l’a évoqué mais sans en faire une priorité. Quant aux partis de gouvernement, ils laissent le gouvernement déployer une offensive néolibérale gigantesque. Cela rechigne à la base, dans l’aile gauche du PS, dans les structures de base du Front de gauche où on voit se développer, ici et là, des réunions publiques sur ce domaine. Cela n’est pas sans conséquence sur le fossé grandissant entre les couches populaires ouvriers et employés (53 % de la population française) et la gauche. Rappelons que les préférences électorales de ces couches sociales sont dans l’ordre : d’abord et de loin l’abstention, puis le Front national, puis le PS, puis l’UMP et enfin le Front de gauche. Quand est-ce que la gauche en général et la gauche de gauche en particulier va prendre cela en compte et changer ses priorités stratégiques ? Il ne peut pas y avoir transformation sociale et politique sans combler ce fossé.
La mobilisation est cependant plus forte dans le mouvement syndical revendicatif (CGT, FO, Solidaires, FSU et Confédération paysanne) et dans les batailles défensives locales (proliférations de collectifs de défense locaux). Le dernier congrès de la CGT, pour ne parler que de celui-là, en a abondamment débattu et on a pu d’ailleurs voir l’état du débat entre les différentes pistes alternatives. Sans doute l’expression d’un ancrage plus populaire que dans les partis politiques de gauche actuellement.
Et pourtant l’enjeu politique est d’importance car la conséquence du triptyque n’est pas une simple politique de rigueur mais une croissance exponentielle des inégalités sociales de santé, de retraites, de logement, scolaires, parentales, dans la perte d’autonomie, dans l’emploi, etc.
Et en 2013, le gouvernement met la surmultipliée en fanfare. Le 11 janvier, il applaudit l’accord régressif interprofessionnel repoussé par la majorité des salariés. Le 15 janvier, il applaudit via Cahuzac à une proposition du Medef de désindexer les retraites complémentaires sur le coût de la vie entrainant mécaniquement une perte de pouvoir d’achat de 1 à 1,5 % par an. Le 10 mars, c’est Touraine qui monte en ligne pour dire que la lutte contre les déficits va faire baisser les acquis sociaux. La lettre de mission donné par Ayrault à Hubert Fragonard sur la politique familiale demande 2,2 milliards d’économies dans la branche Famille (voir l’article ci-dessous). Et on n’a pas encore idée de ce qui se trame sur la perte d’autonomie.
Pour les retraites, le montant moyen de la pension (hors réversion et hors majoration pour trois enfants et plus) est de 1 552 euros pour les hommes et 899 euros pour les femmes(quand est-ce que le mouvement féministe va prendre ce problème à bras le corps?). Eh bien, pour l’oligarchie, c’est trop! Pour la santé plus de un assuré social sur cinq fait du refus de soins pour cause financière, plus qu’un chirurgien dans le Gard en secteur 1, une croissance exponentielle des restes à charge, la fermeture des centres de santé, des hôpitaux et maternités de proximité, les délais d’attente grandissants aux urgences, la croissance exponentielle des cotisations des complémentaires santé - qui rappelons-le ont des frais de gestion de 15 à 22 % au lieu de 4,5 % pour la Sécu et, de plus en plus, remboursent très mal -, une désertification médicale grandissante, etc.
Pour la branche famille, le manque de crèches collectives et familiales se fait de plus en plus sentir et pour les couches populaires ; c’est la double peine, puisque les tarifs pour une assistante maternelle ne sont pas aussi dégressifs que dans les crèches familiales et collectives ou gratuites comme dans les maternelles. Pour les deux à trois ans, à noter la suppression de plus de 100.000 places de maternelle depuis le début du siècle. Et la marche vers la fin de l’universalité de la politique familiale est à l’œuvre.
Le gouvernement poursuit la ligne d’action schématisée dès 2007 par Denis Kessler1 Il n’y a pratiquement plus de démocratie sociale, toute la protection sociale publique est étatisée. Le CNR avait sanctuarisé la Sécurité sociale, ce gouvernement accélère la future privatisation du secteur. Déjà la France est championne d’Europe pour ses 23 % des lits hospitaliers à but lucratif pour les actionnaires, également dans le peloton de tête pour la privatisation des maisons de retraites (et il en coûte souvent plus de 3 000 euros par mois dans les maisons médicalisées à but lucratif pour les actionnaires), etc. Les sociétés d’assurance se frottent les mains avec le recul des pensions de retraite, ils vont proposer aux plus aisés une croissance de la capitalisation qui fera croître d’autant la spéculation financière internationale qui a déjà fait tant de mal au peuple. Déjà les pensions ont perdu 20 % de leur valeur depuis 20 ans, le Conseil d’orientation des retraites a calculé que la perte d’ici 2020 (c’est demain ) sera de 8 % de plus. Le but du néolibéralisme est de transformer tous les régimes de base des retraites en régimes à points où la “neutralité actuarielle” fera baisser les pensions automatiquement sans négociation des partenaires sociaux. Et bien sûr d’augmenter indéfiniment la part de capitalisation qui ne fera que grandir les inégalités sociales de retraite.
Ainsi les trois axes révolutionnaires du Conseil national de la Résistance sont petit à petit défaits : 1/ la gestion de la Sécurité sociale par les élus des assurés sociaux, remplacée par le double mouvement d’étatisation et de privatisation des néolibéraux ; 2/ le financement universel par la cotisation sociale ou salaire socialisé (prélèvement dès la création de richesse) remplacé par une fiscalisation décroissante permettant l’évasion fiscale et  l’étatisation ; 3/ le principe de solidarité (à chacun selon ses besoins, chacun y contribuant selon ses moyens) permis par une extension du champ du droit social, remplacé par la charité et l’assistance de la doctrine sociale des églises pour les plus pauvres et la privatisation spéculative pour les plus aisés, à quoi s’ajoute la distorsion du partage de la valeur ajoutée qui, au lieu d’augmenter régulièrement la part du salaire (salaires directs et prestations sociales), privilégie l’attribution de valeur ajoutée au profit des actionnaires, allant de pair avec une baisse des investissements productifs dans l’entreprise.
Ainsi, nous sommes bien dans une intensification de la lutte des classes au profit de l’oligarchie. Comme la gauche de gauche n’est pas à la hauteur des enjeux, nous risquons la double peine : accroissement des politiques d’austérité sans fin et mécontentement du peuple qui risque de bénéficier à la droite et à l’extrême droite comme l’a montré l’élection partielle de l’Oise de mars 2013.
Militants et citoyens éclairés de la gauche de gauche, travaillons à construire une perspective de République sociale pour terrasser les politiques néolibérales !

  1. Ex-n°2 du Medef, ex-président du Medef de l’Assurance, et actuellement président de la plus importante société de réassurance d’Europe, dans la revue Challenges où il déclarait qu’il fallait « défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance (CNR) ». []
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Prestations familiales : du sable dans la machine à raboter

par Monique Vézinet, Bernard Teper

 

On nous répète que les Français sont plus que d’autres attachés à l’égalité, aspirent à la justice, d’où le débat toujours aussi vif sur les politiques fiscales. Or les questions d’égalité et de justice reviennent par la fenêtre à propos de la politique familiale, face à la volonté gouvernementale de « gratter » 2,2 milliards d’euros sur plus de 61 milliards d’euros de prestations familiales1).

Nous récusons cette mesure car la branche famille doit revenir à l’équilibre en 2019 de façon mécanique et parce que ce déficit est dû à la décision des gouvernements de financer la branche retraites par la branche familles (pour 9 milliards, une paille !) mais aussi à la déformation du partage de la valeur ajoutée depuis 30 ans.
Le Haut Conseil de la Famille, dans son avis du 8 avril dernier sur le rapport Fragonard, s’est opposé à la mesure néolibérale de suppression de l’universalité des allocations familiales demandée par le MEDEF (d’où notre titre !) et approuvée par le gouvernement Hollande-Ayrault, la CFDT, l’UNSA et le CNAFAL (très lié à l’UNSA Education et de ses associations proches du CNAL). C’est très bien ainsi ! Bravo à la CGT, à FO, à la FSU, à diverses organisations familiales dont l’UFAL et la CSF2.

La fausse évidence opposée aux prestations universelles

Les néolibéraux des gouvernements UMP et PS depuis plusieurs décennies avancent une idée simple. Les inégalités augmentent donc il faut supprimer les prestations universelles de la protection sociale pour regrouper les dépenses existantes dans  le champ de l’assistance pour les plus pauvres. Ils déclarent ensuite (comme Margaret Thatcher) qu’« il n’y a pas d’alternative », que la dette nous oblige de diminuer les dépenses et que l’universalité des prestations est un luxe que l’on ne peut plus se payer. CQFD.

De leur côté, la majorité des couches moyennes supérieures et les « riches » affirment la main sur le cœur « On est prêts à faire cadeau de nos allocations familiales pour les pauvres… » Hypocrites, va ! Bien sûr, ils préfèrent « rendre » quelques centaines d’euros pour conserver les milliers voire les dizaines de milliers d’euros gagnés à l’occasion des cadeaux fiscaux octroyés par les gouvernements néolibéraux de droite et que les néolibéraux de gauche ont maintenus !

Pour mieux comprendre la fausseté de cette « évidence », rappelons que la protection sociale est couverte par trois champs : celui du droit social avec les prestations universelles, celui de l’assistance pour les plus pauvres, celui du privé lucratif. Les politiques néolibérales ont comme objectif de diminuer petit à petit le champ du droit social et d’augmenter les champs de l’assistance pour les pauvres et, de façon concomitante, du privé lucratif pour les plus aisés. Voilà pourquoi il y a une alliance entre les forces néolibérales et les forces cléricales communautaristes et intégristes, c’est parce que les néolibéraux préfèrent la charité envers les plus pauvres (doctrine sociale des églises) plutôt que l’application du principe de solidarité via les services publics.

Choisir la République sociale consiste à faire l’inverse

Voilà pourquoi elle est l’alternative. On peut montrer que dans les périodes d’extension du champ du droit social, les inégalités sociales de toute nature diminuent et que dans les périodes de régression du champ du droit social, les inégalités explosent comme depuis une trentaine d’années.

Développons. On peut montrer par exemple que depuis l’instauration de la CMU complémentaire pour les plus pauvres (champ de l’assistance), les inégalités sociales de santé ont explosé, les refus de soins pour cause financière touchent aujourd’hui plus d’un assurée social sur cinq, etc. Que faudrait-il faire ? Remplacer la CMU complémentaire pour les plus pauvres par un droit universel du champ du droit social à savoir un accès aux soins partout et pour tous avec un remboursement assurance-maladie à 100 %.3
Autre exemple, la majorité des 2 millions de familles monoparentales (dirigées par 96 % de femmes) sont en-dessous du seuil de pauvreté. Voilà pourquoi un droit à une retraite digne appelle à une retraite à caractère universel, non pas liée au nombre d’annuités mais à la qualification personnelle.

Pour le financement, il faudra bien sûr revenir sur la déformation du partage de la valeur ajoutée qui est, depuis 30 ans, de 9,3 points de PIB par an soit d’un transfert de plus de 180 milliards d’euros par an des salaires et prestations sociales vers les dividendes pour les actionnaires. Voilà une mesure de santé publique… Il faut donc faire le contraire de ce qui est proposé dans l’Accord régressif « made in MEDEF » du 11 janvier 2013 détruisant les acquis du droit du travail.

Voilà le projet de la République sociale. Extension du champ du droit social et des prestations universelles pour émanciper et entrer dans un dispositif de diminution des inégalités sociales. Diminution allant jusqu’à la suppression du privé lucratif dans la protection sociale solidaire. Diminution progressive du champ de l’assistance au fur et à mesure que le champ du droit social et ses prestations universelles améliorent le sort commun et l’intérêt général. Et pour le financement, application stricte du principe de solidarité : « à chacun selon ses besoins, chacun y contribuant selon ses moyens ». Donc oui, nous voulons plus de prestations universelles mais nous voulons aussi une justice plus grande dans les prélèvements sociaux (fiscalité progressive plus forte et une nouvelle dynamique de la cotisation sociale)4.
Et vive l’accès aux soins partout et pour tous avec remboursement Sécu à 100 %, vive un “vrai” droit au logement, vive un “vrai” droit à une retraite digne, un “vrai” droit à une place de crèche collective ou familiale, à un “vrai” droit contre la perte d’autonomie… Vive la solidarité, vive la République sociale et ses nouveaux droits universels !5

  1. ]
  2. Au HCF, outre les représentants des familles, siègent les partenaires sociaux, ce que l’Union nationale des associations familiales – UNAF – avait combattu : sur le caractère non représentatif de l’UNAF, voir un ]
  3. Cela éviterait les discriminations des bénéficiaires de la CMUC, cela éviterait que les assurés sociaux payent des complémentaires santé à frais de gestion de 15 à 22 % alors que l’Assurance-maladie a des frais de gestion de 4,5 %. []
  4. Pour la branche Famille que finance une cotisation patronale, l’idée qu’avait en son temps énoncée le rapport Bur n’est pas morte d’en dispenser les entreprises, au nom de la compétitivité, chez ceux qui espèrent casser le bloc de la Sécurité sociale en donnant à certaines prestations un financement par l’impôt plutôt que par la cotisation comme si, par « nature », les prestations familiales n’avaient rien à voir avec le salaire. []
  5. Et demandez le programme du ]
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Centres de santé mutualistes : "faire du pognon avant tout"

par Dr Alain Beaupin

 

Confrontés à de grandes difficultés financières, les 500 centres de santé de la Mutualité française doivent adopter un nouveau modèle économique, basé sur la rentabilité et la productivité. Un tournant radical contesté par le Dr. Alain  Beaupin, président de l’Union confédérale des médecins salariés et membre du bureau de l’Union syndicale des médecins de centres de santé.

Egora.fr : C’est la guerre entre les praticiens de centres de santé et la Mutualité ? Les mots employés dans votre communiqué sont très durs, vous évoquez le  “crépuscule de la Mutualité”, l’impératif de “faire rentrer du pognon” avant tout, les injonctions paradoxales que subissent les professionnels et la mise en place d’une “médecine productiviste”…

Dr. Alain Beaupin : Ce n’est pas la guerre, mais les médecins mutualistes font entendre leur point de vue. Nous sommes très déçus de constater qu’il n’y a rien de nouveau dans les recettes de cuisine que la Mutualité veut imposer, et qu’elle n’a rien compris aux nouveaux enjeux de la médecine de proximité. La médecine est une profession réglementée, qui obéit à des exigences extrêmement lourdes. Elle est à la fois un métier de vocation et un métier de responsabilité : on demande à un médecin de savoir dire “non”.  Il s’agit d’un métier tout à fait atypique, que l’on pourrait rapprocher du journalisme, qui dispose d’une clause de conscience. Dans ces métiers, la question de l’indépendance  du professionnel est fondamentale. Or particulièrement aujourd’hui, la Mutualité ou d’autres organismes employeurs ne prennent pas la mesure de l’indépendance des médecins. Du fait de l’ignorance et de leur acculturation en matière de management d’équipes médicales, les nouveaux managers emploient des méthodes du monde industriel. Ils veulent de la productivité, car ils pensent que ce sera la solution pour répondre à leurs besoins, alors que cela produit un effet particulièrement délétère.

Il y a pourtant un discours mutualiste  à contre courant de cela…

Oui. Malgré un discours de surface qui peut faire illusion, ces nouveaux managers ont beaucoup de mal à comprendre la problématique liée à la médecine de proximité, la médecine de parcours, le premiers recours, l’articulation avec le social ou l’hôpital. Ils n’ont aucun projet, aucune idée. Alors ils utilisent des expédients tirés de cet univers du management : face à un problème de financement, ils décident qu’il faut faire bosser les médecins, qu’il faut multiplier les actes, qu’il faut évaluer.  Or, cela ne marche pas et surtout, cela crée chez les médecins des situations d’injonction paradoxale puisqu’on leur demande à la fois de faire plus d’actes, mais aussi de faire plus de qualité. Le médecin se trouve en situation d’intense souffrance, de maltraitance.

C’est une logique économique basée sur le paiement à l’acte, proche de celle prévalant en médecine libérale.

Non, il s’agit d’une logique comptable, c’est très différent. La Mutualité ne dit pas qu’il faut faire des actes justifiés, elle dit qu’il faut faire des actes tout court, sans se préoccuper de l’utilité médicale et de l’intérêt des patients. Il faut faire revenir le patient. Or on sait  qu’une part importante des actes produits dans notre pays est constituée d’actes inutiles, de multiples études le démontrent.

En creux, vos propos contiennent une critique terrible de la médecine libérale de ville…

Non, je critique un système d’organisation qui repose sur le paiement à l’acte. Je défends le point de vue des médecins salariés, mais mes collègues libéraux disent exactement la même chose. Je suis en empathie avec mes collèges libéraux, en tant que médecin généraliste salarié, je travaille souvent en binômes avec eux. Je sais aussi qu’ils souffrent.

Plusieurs médecins mutualistes des Bouches du Rhône ont été licenciés car ils refusaient les nouvelles règles que les gestionnaires de la mutualité voulaient leur imposer, notamment un système de paiement à l’acte rémunéré moins de 10 euros par consultation…

Oui, c’est la même logique. On a du mal à le croire, mais à la Mutualité, ils le disent et ils le font. Alors même que le Premier ministre prononce un discours très intéressant sur la médecine de parcours où l’on voit bien qu’une médecine isolée, basée sur le paiement à l’acte n’est plus adaptée à cette évolution. La Mutualité communique autour des actes de prévention et de santé publique non rémunérés effectués en centres de santé, et d’un autre, elle exige une rentabilité en paiement strict à l’acte. Elle a un double langage : un langage politiquement dans l’air du temps, qui n’est qu’une coquille vide, un affichage alors que les pratiques  sont strictement à l’opposé. Et comme il n’y a pas de pensée, de réflexion, de vision ou de projet, on a aujourd’hui une Mutualité qui licencie les médecins qui ne marchent pas droit. Pourtant,  dans les années 60-70, le mouvement mutualiste fut à l’origine d’une réflexion sur les pratiques innovantes. Aujourd’hui, nous avons vraiment l’impression que le dernier parti éteindra la lumière. Implicitement, si on regarde les faits, on comprend que la logique de la mutualité, c’est de “faire rentrer du pognon”,  dans une logique purement comptable. Et c’est une logique couteuse.

Une mission de l’Igas sur les centres de santé est en cours, pour comprendre l’origine des difficultés financières qu’ils traversent. Qu’en espérez-vous ?

A priori, la mission fait très sérieusement son travail, et nous avons plusieurs propositions à faire. Ainsi,  la Fédération nationale des centres de santé a évalué à 3,5 euros par acte facturé, le coût de gestion du tiers payant, sécurité sociale plus mutuelle. C’est assumé par les centres et c’est très lourd. Il faudrait pouvoir nous le financer. Nous pensons aussi que les centres de santé qui travaillent bien, en équipe, devraient pouvoir sortir du paiement à l’acte ou même carrément s’en passer hormis pour quelques actes ponctuels, comme l’urgence. On peut imaginer des paiements à la mission : pour des missions sociales, de vaccination, auprès des publics précaires, maintien à domicile de personnes âgées, etc. On peut aussi imaginer des financements au parcours de soins, autour de la médecine générale. La médecine salariée pratiquée en centres de santé peut vraiment intéresser les jeunes médecins et nous pensons qu’ils représentent une vraie réponse aux déserts médicaux.

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"Tu déconnes Jean-Luc", une lettre ouverte

par Hubert Hurard

 

Tu déconnes Jean-Luc. Tu déconnes. Chavez est mort et ce n’est pas l’Amérique du Sud ici. Il n’y a pas tous ces paysans sans terre et tous ces miséreux éloignés du civisme et de la démocratie. Tu déconnes Jean-Luc parce que tu sembles faire comme si tu étais tout seul. Faire le tribun c’est bien, c’est tonitruant, cela fait monter l’adrénaline militante et cela rassemble. Tu as raison, il faut faire le tribun parfois et offrir ces grands moments de communion collective au peuple de gauche.
Cela ne rempli pas l’assiette mais un peu le cœur C’est déjà ça d’pris.  Tu portes de belles idées Jean-Luc, des idées neuves, soucieuses de justice, de solidarité, de fraternité. Tu places l’individu au centre de tout et le fric comme moyen et non comme but. J’y adhère moi à tout ça. Depuis le PS j’y adhère, depuis notre départ de ce parti j’y adhère toujours. Je ne suis pas résigné et je lutte contre la pensée unique que les pseudos intellectuels bien pensants, ceux qui pensent pour tous voudraient me faire avaler sous prétexte que celui qui voudrait faire autrement serait un excentrique que l’on n’appellerait plus “excentrique” mais extrémiste de gauche ! Les mêmes qui appellent “populiste” celui qui parle enfin et tout simplement au peuple sans démagogie pour le coup. Parce que la démagogie, la vraie, elle s’est désormais glissée dans leurs discours policés riches de mots compliqués qui font croire qu’ils ont tout compris au monde complexe et bouleversé qui nous entoure.
Mais tu déconnes Jean-Luc et tu fais parfois comme si tu étais tout seul.
Notre projet Jean-Luc, il faut le rendre audible, il faut le rendre réaliste. Ne t’énerve pas. Ne gueule pas, je suis calme moi. Je le sais moi, qu’il l’est, réaliste ! Mais avec tes sorties verbales passionnées et quelques unes de tes propositions bolivariennes tu nous ramènes le projet à un stade d’utopie pour toutes celles et ceux qui ne veulent ou ne peuvent Jean-Luc, oui, ne peuvent décrypter et analyser ces propositions. Et oui, le monde ne fonctionne pas comme tu voudrais, comme nous voudrions qu’il fonctionne tout de suite !
Par exemple, qu’est ce que c’est que cette connerie de balancer lors d’une émission de télé que tu veux taxer tous les revenus à 100 % au delà de 360 000 euros annuels ? Tu disais 90 % et c’était bon. Non, t’as voulu montrer que t’en avais, t’as voulu assumer ton panache et vlan, t’es allé vers le caricatural ! Sur le fond pourquoi pas mais sur la forme, c’est une connerie qui veut dire : “voilà notre rêve, etc etc” et qui favorise un peu plus le classement de ton parti à l’extrême gauche. Une mesure comme ça elle discrédite le reste du programme. Que l’on soit d’accord avec elle ou pas n’est même plus le sujet. On devient Alice au Pays des Merveilles, LCR, LO enfin bref, tu marginalises le projet tout entier avec ce type de connerie et ce, malgré nous.
Là, tu veux organiser une manif le 5 mai. Est ce notre rôle Jean-Luc ? Début 2012, tu parlais de révolution citoyenne. Tu n’évoquais que cette révolution par les urnes. Je partageais cette vision républicaine car nous sommes toi et moi des défenseurs acharnés de la République mais alors pourquoi cette manif ? Sur le fond, nous partageons évidement le diagnostic mais les urnes Jean-Luc, les urnes ! Là, tu facilites le job de la presse. Elle se réjouira de te mettre encore dans des cases de contestataires, d’extrémistes etc etc… Je sais bien que tu as envie de rue. Mais c’est trop tôt Jean-Luc, c’est encore trop tôt. C’est encore, fort heureusement, le temps des urnes. Je suis comme toi. Je suis profondément socialiste. Nous avons du quitter le parti et nos copains Lienemann, Filoche et les autres quand celui-ci n’a voulu garder du socialisme que le nom. Ils ont peut-être eu peur d’assumer des idées qui nécessitaient des combats acharnés à l’échelle européenne, je ne sais pas… Peur d’inventer un autre monde. Résignés. Bref, nous, nous sommes partis. Mais nous sommes partis pour que nos idées soient un jour au pouvoir.  Pas pour faire marrer la galerie avec des coups de gueule discrédités par leur fréquence. L’indignation, la révolte, nous la portons tous avec toi Jean-Luc mais nous n’avons pas quitté notre minorité au PS pour s’inscrire dans l’éternité d’une minorité sur l’échiquier politique. Sinon à quoi bon ? Si j’avais voulu me faire plaisir avec seulement des coups de gueule j’aurais choisi l’original Jean-Luc. C’est à dire Olivier. Non, moi, ce que je voudrais, c’est que nous travaillons à rendre nos idées crédibles. Parce qu’elles le sont ! Le vote des ouvriers ? On ne l’a pas eu ! Il nous faut plus de temps et plus de pédagogie. Il faut continuer à taper sur Le Pen et sur ses idées nauséabondes. Ils oublient, ces idiots ou ces racistes qui votent pour elle, que ce sont ces idées là, de peur et de xénophobie qui ont causé la seconde guerre mondiale !
Cultivé, intelligent, courageux, généreux tu es tout ça. C’est une richesse pour le parti de gauche. Et puis tout d’un coup tu traites l’autre de salopard ! Tu déconnes encore ! Il est bien clair qu’un mec qui prône une telle politique ne peut, à mes yeux, être quelqu’un de bien. Mais “salopard” Jean-Luc, “salopard” ! Encore une sortie caricaturale qui nous emporte tous dans les méandres du clownesque ! C’est peut-être drôle, c’est peut-être insultant, que sais je, mais c’est tout sauf sérieux et en ce moment Jean-Luc, pour crédibiliser notre projet même si nous n’avons pas besoin de sérieux tout le temps nous n’avons pas besoin non plus de renforcer les journalistes qui nous poussent sur la gauche du terrain.
C’est nous la gauche Jean-Luc ! Pas l’extrême gauche, pas la sociale - démocratie ! La gauche ! Et la gauche, elle est crédible !!!
Alors cessons déjà un peu la personnification du parti. Tu es excellent Jean-Luc mais il faut désormais montrer que ce parti n’est pas celui d’un seul homme et d’un homme seul. Il faut imposer les Généreux, les Autain, les Delapierre et les autres… Nos savants, nos intellectuels, nos économistes, nos militants, il faut les faire monter au créneau.
On va y arriver Jean-Luc. Tu as fait un gros boulot aux présidentielles et aux législatives. On va y arriver. Mais fais nous davantage confiance et ne t’emballe pas aussi souvent. Nous avons la même révolte. Faisons dès lors en sorte que le chemin qui mènera nos idées au pouvoir soit le plus direct possible. Pour cela Jean-Luc, il faut aussi jouer avec les armes de l’adversaire. Et son arme favorite, c’est la com !

Je t’embrasse Jean-Luc,
Hubert (http://huberthurard.over-blog.com/)

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La gauche et l'éducation

par Jean Robelin
ancien élève de l'Ecole Normale Supérieure, Professeur émérite en philosophie Université de Nice

Source de l'article

 

On ne peut nier les bonnes intentions de la gauche à l’égard de l’éducation nationale, ni son engagement financier, même dans des conjonctures difficiles. Mais ces bonnes intentions, l’effort même consenti, ont souvent été contre productifs.
Non seulement la gauche n’a pas enrayé la perte de qualité de l’enseignement public, ni la dégradation certaine des conditions de travail des enseignants, mais à bien des égards elle les a accélérées. Il faut bien reconnaître, pour quelqu’un qui, comme moi, a enseigné 16 ans dans le fameux neuf trois, avant d’aller faire le mandarin dans les universités, qu’à chaque période de gouvernement de gauche, que ce soit sous monsieur Savary, monsieur Jospin, ou l’inénarrable Claude Allègre, on a assisté à une montée de la violence dans les quartiers difficiles, de la démagogie partout. La gauche a participé à la création de la situation désastreuse que nous connaissons aujourd’hui.

Certes, la droite a fait pis, en asséchant les moyens de lutte contre l’échec scolaire, en tarissant les recrutements et en ghettoïsant l’école. La cour des comptes a démontré le caractère peu évangélique de sa politique : vêtir ceux qui sont déjà bien habillés. Mais cela ne nous dispense pas de réfléchir sur l’échec de la gauche, si vous voulons éviter le désastre vers lequel court l’enseignement français. Peut-on indiquer quelques pistes de solutions réalistes, et supportables dans le contexte économique douloureux que nous connaissons ?

Echec de l’apprentissage de la lecture et de la langue

L’échec le plus grave, le plus retentissant, mais aussi le plus emblématique, de l’école « de la République », est certainement le double échec lié de l’apprentissage de la lecture et de la langue. Le plus grave car il conditionne tous les autres, le plus emblématique, parce qu’il livre le drame de l’école française : l’échec de la lecture naît certes des difficultés des élèves, mais est accentué par l’imposition de méthodes de lecture issues des cerveaux des docteurs Mabuse des « sciences » de l’éducation, contre toute expérience concrète d’enseignants de terrain : une ancienne institutrice (mais oui) de ma fille s’insurgeait qu’on veuille lui interdire tout recours à une méthode syllabique qui donnait pourtant d’excellents résultats auprès des petits gitans à qui elle enseignait. Et l’instabilité de son public ne lui offrait que peu d’heures pour y parvenir. Combien d’élèves ai-je entendu ânonner en terminale puis à l’université ! L’exemple montre la vacuité des idéologies pédagogiques qui nous soumettent au prétendu rythme des élèves : ne jamais les forcer, donc apprendre à lire en deux ans ; sous des dehors démocrates, les mentors de l’éducation nationale affichent leur mépris des élèves, à commencer par ceux des quartiers difficiles.

L’échec de l’enseignement de la langue surajoute tout simplement la mauvaise formation des enseignants : on peut devenir instituteur (j’y tiens) avec en poche n’importe quelle licence, comme si on pouvait enseigner ce qu’on ne connaît pas, comme si on recrutait des philosophes ou des plombiers pour enseigner la musique dans les conservatoires. Et voici une première mesure qui ne coûterait pas cher : ne recruter que des enseignants ayant en poche un master de la matière qu’ils devront enseigner, en priorité le français et les maths. J’entends déjà les hurlements des pédagogues de service : les chers petits auraient au moins deux enseignants, l’un en français, l’autre en sciences. Or bien des écoles fonctionnent déjà avec des pôles, donc les enfants ont de fait plusieurs enseignants et ce, sans désastre. Il faudra bien un jour que l’expérience parle : un enseignant n’est pas le double d’une figure de mère ou de père, il fait partie de la multitude des figures annexes.

Que dire de ces enseignants qui se vantent d’ignorer ce qu’est un pronom relatif, parce que, n’est-ce pas ?- la grammaire, cela vient tout seul, par l’usage. Voilà qui simplifie la tâche des professeurs de langue : c’est tellement simple d’apprendre le fonctionnement d’une langue étrangère, quand on ne connaît pas celui de sa propre langue ! Remettons l’apprentissage de la langue au coeur de l’enseignement, tant par les exercices écrits qu’oraux, et contrôlons l’acquisition linguistique avant que les carences ne deviennent irréversibles. Y-a-t-il sens à tester les capacités linguistiques des élèves après l’entrée en Sixième ? Non, c’est bien au primaire qu’il faut le faire de même que c’est à la maternelle qu’il faut non pas évaluer (!) les élèves, mais détecter le plus tôt possible les dyslexies. Est-il normal qu’en terminale l’explication d’un texte français du 17e siècle soit un exercice de traduction ? Est-il normal que les commissions de sujet de bac en philosophie en soient réduites à donner des textes étrangers traduits plutôt que du Descartes ou même du Rousseau ? J’ai présidé de telles commissions plusieurs années…

Comment a-t-on pu en arriver à former des enseignants fiers d’ignorer ?

Ce n’est pas à eux que j’en veux : comment savoir l’importance de ce qu’on ne connaît pas ? C’est à une gauche qui a livré l’école à des gens mus par la haine du savoir, incarnée par les IUFM. Vieil héritage venu des écoles normales (où les étudiants qui voulaient s’inscrire à l’université étaient tenus pour des brebis galeuses) et de l’ancien SNI. Et dans la « société du savoir »,comme la désignent les documents de la Communauté européenne, on ne trouve rien de mieux que de réintroduire les enseignants bi- ou trivalents, c’est-à-dire des gens qui croient tout connaître sans avoir jamais rien appris.

J’entends encore les imprécations des pédagogues officiels. Ramenons la question à des faits. A quoi servent les expériences pédagogiques officielles ? A justifier les assertions du ministre qui les a ordonnées. Autrement dit, le propre des prétendues sciences de l’éducation, c’est de ne pas être falsifiables. Une théorie qui ne sert qu’à justifier les demandes du pouvoir n’est qu’un conformisme intellectuel. Tous les cas que je connais d’enseignants des IUFM à temps plein retournés enseigner dans un lycée se sont soldés par des catastrophes…sauf si l’enseignant en question refusait les sottises de la pédagogie officielle. Autrement dit, les gens censés apprendre aux autres à enseigner sont parfaitement incapables d’enseigner. Pas plus qu’on apprend à enseigner hors d’une classe, qu’on apprend à nager avant de se jeter à l’eau, on ne gagne les batailles de la pédagogie depuis un bureau d’IUFM. Ces derniers sont au métier d’enseignant, ce que Limoges ou Clermont-Ferrand étaient au front de la guerre de 1914.

Il est temps de changer totalement les voies de la formation professionnelle des enseignants. Monsieur Sarkozy n’a peut-être dit qu’une vérité dans sa campagne, c’est que les IUFM sont une catastrophe. Encore l’a-t-il couplée avec une contre-vérité, en se vantant de les avoir supprimés, alors qu’il n’a fait qu’en changer le statut. Que la partie théorique de cette formation, psychologie, sociologie, soit confiée à des spécialistes, donc à l’Université : cela évitera la psychologie de bazar qui envahit aujourd’hui l’éducation nationale. Mais l’essentiel est ailleurs : recensons ce qui « marche » dans les classes, confions la formation des nouveaux recrutés à des enseignants expérimentés, mais toujours en responsabilité, même s’ils doivent être largement déchargés pour accompagner leurs jeunes collègues et les aider à réfléchir leur attitude en classe. Cela suppose, mais ce n’est pas un secret, le retour à une véritable année de stage, même s’il est sain que les futurs enseignants aient eu des contacts avec une classe avant les concours. N’accordons pas toutefois une trop grande valeur exemplaire à ces stages anticipés:ils ne révèlent en rien aux futurs enseignants ce qui les attend. Ils ont généralement lieu dans des établissements protégés. Et si on envoyait les étudiants dans les établissements difficiles, 80% prendraient la fuite.

Il est temps aussi de redonner l’initiative de leur métier aux enseignants, de cesser de leur imposer des méthodes officielles, de les enchaîner par des dispositifs de contrôle relevant du management. Un enseignant prépare ses cours, se recycle pour être capable d’enseigner demain, corrige les exercice de ses élèves. Dans l’enseignement primaire et dans certaines disciplines du secondaire, on lui impose de passer plus de temps à justifier ce qu’il fait qu’à le faire, en le contraignant à remplir des fiches sans lien effectif avec la réalité, rédigées dans un jargon moliéresque qui n’a d’autre sens que de formater les esprits, pour satisfaire des inspecteurs érigés en managers,le tout au détriment du travail écrit des élèves.

« Vous ne seriez pas ici si vous aviez fait des études »

Remettons le savoir au cour de l’enseignement car c’est lui qui forme la véritable légitimité de l’enseignant. Et cette légitimité est perdue. Comme ont dit à ma fille (qui, outre les concours, a tout de même soutenu sa thèse), ses élèves du neuf trois : « vous ne seriez pas ici si vous aviez fait des études ». Voilà l’image sociale actuelle des enseignants : des gens sans savoir, donc sans qualification, donc sans autorité ni légitimité.

On ne peut s’étonner que cette école de l’ignorance perde toute fonction d’ascenseur social : c’est le savoir qui est le moteur de celle-ci. Si le fils de concierge illettrée que je suis a fini professeur d’université, c’est que je suis tombé sur des enseignants qui savaient, qui m’ont enseigné, qui m’ont orienté vers les lieux de savoir. Ce parcours, je ne le referais pas aujourd’hui, dans une école dont le maître mot est pourtant « démocratisation ». L’obtention du diplôme a pris la place du savoir et tant pis si on distribue des coquilles vides et des monnaies sans valeur. L’université est aujourd’hui censée parquer la jeunesse jusqu’à 27 ans, en distribuant des licences bradées et des masters fantômes afin d’éviter la crue des statistiques de chômage.

Si la gauche est coupable de cette situation, c’est que, portée par son idéologie pédagogiste, elle a encouragé le déni des problèmes et la culpabilisation des enseignants : elle a refusé de comprendre l’ampleur de la désocialisation dans les banlieues, elle a proclamé que la solution consistait à s’adapter sans condition aux élèves, et a retiré tout moyen d’action aux enseignants coincés entre les deux feux d’une administration souvent laxiste et servile, dont la promotion dépend du fait qu’elle ne punit pas, et de parents d’élèves consuméristes. La preuve : dans les banlieues, les parents d’élèves au fait de la situation fuient l’enseignement public, parce que dans nombre d’établissements on ne peut tout simplement pas travailler. La gauche a suivi les baratins sur la spontanéité créatrice des chers petits, qui viendront d’eux-mêmes au savoir transformé en jeu. Tant pis si cette prétendue spontanéité n’est qu’un mimétisme des situations sociales (les gosses qui jouent aux pompiers ou au docteur…) et tant pis si les sciences vont justement contre le sens commun et l’expérience immédiatement perçue, si en elles, c’est la théorie qui commande l’intuition ! Il faut bien à un moment ou à un autre se colleter avec un savoir qu’on ne maîtrise justement pas naturellement (je suis bien placé pour le savoir…). Les mathématiques sans larmes et la philosophie sans peine, cela n’existe pas. La gauche est coupable d’avoir cassé le thermomètre pour éviter la fièvre.

Se mettre à la remorque des élèves, c’est les priver de tout accès à un savoir auquel ils ne viendront pas tout seuls, sauf si bien sûr, leur milieu social d’origine les y insère. C’est donc renforcer les inégalités, c’est priver les élèves des milieux défavorisés de ce à quoi ils ont droit. Les bonnes intentions démocratiques pavent le chemin de l’enfer inégalitaire.

Ce faisant la gauche s’est privée du seul atout de resocialisation que possède l’école : le travail, mot abominable et proscrit, le travail qui seul pourtant réinsère dans la société. Car le problème des élèves en difficulté, ce n’est pas leur incapacité, leurs aptitudes, ni même leur manque de culture ; on peut combler ces carences : je les ai bien comblées, alors que je suis loin d’être Aristote ou Einstein. C’est un problème de socialisation, qu’on ne résout pas avec des recettes de convivialité, mais par un long et difficile chemin de réinsertion dans le travail. Il m’est même arrivé de le réussir…

Au nom de la spontanéité et de l’inutilité, on a supprimé les redoublements, on a oublié de dire que dans les pays où ce système donne des résultats, comme en Finlande, il y a généralement deux adultes par classe… Et ce n’est pas là une abstraite question de niveau scolaire : le travail, c’est d’abord une habitude, qui permet de triompher peu à peu des difficultés, de si bas que l’on parte. C’est cette habitude que les étudiants même ont perdue : vous les voyez à l’université, affolés d’avoir 20 pages à lire en un mois. La gauche -pas seule, bien sûr- est coupable d’avoir encouragé la formation d’une génération, même pas de paresseux, mais de gens qui croient travailler, qui se pensent accablés de travail, parce qu’ils ne savent pas ce que c’est. La moindre butte est devenue un Himalaya à franchir.

Un collège unique qui n’est le collège de personne

La gauche, aujourd’hui encore, défend un collège unique qui n’est le collège de personne. Les élèves en grandes difficultés ne peuvent de toute façon pas y travailler, car ils sont noyés dans les problèmes d’apprentissage de la lecture, de retard linguistique, de désintérêt pour des disciplines dans lesquelles ils ne peuvent pénétrer. Ils finissent de s’y désocialiser, opposant leur haine au rejet dont ils sont victimes. Le collège unique a aussi servi à prétendument intégrer des élèves relevant de structures spécialisées, parfois en psychiatrie, rendant la situation des enseignants impossible. Et comme par hasard, cette intégration se fait d’abord dans les établissements défavorisés : ces élèves perturbateurs, parce que très perturbés, ne sont pas envoyés dans les collèges des quartiers « chics », dont d’ailleurs les associations de parents d’élèves les feraient exclure. La France ne s’est jamais dotée non plus d’un enseignement technique et professionnel capable à la fois de réintégrer des élèves en difficulté en les ramenant vers le travail et de posséder des passerelles vers l’enseignement général et des filières supérieures de haut niveau. La seule tentative a été celle des bacs pros ; elle arrive trop tard ; elle ne sauve que ceux qui sont pour une part déjà sauvés. Et quand le Front National réclame la recréation des CAP, il ne fait que réclamer l’aiguillage vers des voies de garage, révélant la vérité antidémocratique de son populisme.

La gauche, en s’accrochant au collège unique, refuse de mesurer l’ampleur du fossé séparant les élèves qui suivent des études, et ceux qui décrochent. Et dire qu’il faut s’adapter à ces derniers, revient à dire qu’il faut cesser d’enseigner aux autres, ce qui d’ailleurs est le cas dans nombre d’établissements. On doit pouvoir réduire le taux d’échec scolaire dans l’enseignement général, on ne peut prétendre que c’est le seul enseignement démocratique, sauf à exhiber inconsciemment son mépris pour la formation professionnelle, alors même que la France a besoin d’hommes de métiers. Il faudra bien se dire un jour qu’un tailleur de pierres compétent est bien mieux formé qu’un étudiant badigeonné de savoirs éclatés dans une de ces sections fourre-tout supposées professionnaliser l’université.

Car il faut bien en venir à celle-ci. L’école française est une, de la maternelle au doctorat, et ce sont tous les maillons de la chaîne sans exception qui sont en train de sauter. D’abord parce qu’on confond désormais les savoirs constitués et les articulations de savoirs. La criminologie est proclamée une science, parce qu’on en fait une discipline à part. Non, c’est une articulation technique d’un ensemble de savoirs et de disciplines. C’est bien sûr le cas des sciences de l’éducation. Et l’on trouve des gens à l’université de Nice qui proclament une prétendue « science du visible », strictement invisible. L’université française meurt des sciences autoproclamées ou proclamées par proximité avec le pouvoir politique. Elle meurt d’une interdisciplinarité fourre-tout, supposée « professionnelle », vouée à tous les effets idéologiques de mode. Les étudiants dotés d’un master en développement durable où ils auront reçu une vague teinture de biologie et de physique, seront-ils capables d’affronter les x-ponts des grandes entreprises françaises, scientifiquement, rhétoriquement et politiquement bien mieux formés qu’eux ? Je n’en crois pas un mot.

Les diplômes sont-ils bradés ?

Régulièrement fleurissent des controverses sur les diplômes : sont-ils bradés ? Bien sûr, ils le sont, mais pas simplement par le système de compensation des notes : par la concurrence systématique entre les disciplines, par le fait que les crédits et moyens alloués aux département dépendent directement du nombre d’étudiants et pas de la cohérence des enseignements. Dès lors, il faut garder à n’importe quel prix les étudiants, pour éviter leur fuite vers les disciplines « conciliantes ». Seules les disciplines objets d’une forte demande, ou qui peuvent officiellement ou officieusement instaurer un concours ou un numerus clausus tirent leur épingle de ce jeu pervers : cessons de fermer les yeux sur la valeur des « certifications » universitaires. Il faudra se dire un jour qu’un diplôme n’est pas un droit démocratique, mais le résultat d’un travail, auquel désormais les étudiants sont très mal préparés. Derechef, l’éthique du travail prime sur le « niveau ». Mais derechef aussi il faut en finir avec le vieil argument : puisqu’il vaut mieux être diplômé que ne pas l’être, donnons le diplôme à tout le monde.

Bien sûr il faut encourager les élèves, surtout les plus jeunes et les élèves en difficulté. Mais au lycée et à l’université, nous avons un public de gens qui sont en âge de voter, qui participent à la gestion de budgets supérieurs à ceux de biens des communes, et le système actuel consiste à les bercer d’illusions jusqu’à 25 ans, sans jamais les mettre face à leurs responsabilités.

L’enseignement à l’université est désormais écartelé par deux tendances contradictoires : une spécialisation scientifique sans la culture qui permet aux gens de se recycler, et une professionnalisation par saupoudrage, reposant sur une interdisciplinarité sans principes, offrant l’équivalent de mauvais BTS, parce que les étudiants y sont moins bien pris en charge que dans ces sections de lycée. Le savoir y est trop souvent réduit à de prétendus protocoles d’apprentissage et à des méthodes extérieures, réclamés par les milieux patronaux incapables de déterminer -et pour cause- les savoirs utiles demain, et non aujourd’hui. Ici encore, ce qu’on oublie, c’est que ce sont pas ces méthodes qui permettront aux gens d’évoluer professionnellement, de s’adapter aux nouveaux savoirs et de rester performants économiquement. C’est une véritable culture scientifique.

Le résultat de cette politique du savoir à l’université est encore plus pernicieux, car il façonne les enseignants eux-mêmes. Le fossé entre enseignement et recherche devient un gouffre, ce dont les enseignants se satisfont bien vite. L’invocation de la recherche justifie le mépris pour l’enseignement, les cours indéfiniment répétés d’une année sur l’autre, les cours d’histoire de la philosophie, pour balayer devant ma porte, préparés sur des traductions et l’abandon des cours de concours -dont les programmes changent- aux jeunes enseignants, voire aux moniteurs. Un de mes collègues, symptôme de ce narcissisme universitaire bien français, n’a-t-il pas osé dire à ses étudiants qu’ils représentaient 10% de son activité ? C’est d’ailleurs une des utilités des concours : c’est la seule épreuve dans laquelle les universités sont confrontées entre elles, la seule qui révèle les insuffisances dans la formation donnée. C’est tout simplement par les résultats aux concours et lors des doctorats que l’on peut évaluer la qualité d’un enseignement. Car il faut une évaluation nationale, soustraite aux cliques et aux petits potentats secrétés par la prétendue autonomie des universités.

A ces maux bien sûr, la solution est toute prête : que les universitaires sachent enfin faire des cours attrayants interactifs, pour parler le jargon d’aujourd’hui, et pour les y obliger, faisons les évaluer par les étudiants ; cela marche si bien à Harvard ! Comme s’il était difficile d’être « interactif » à Harvard ou à l’École Normale Supérieure, là où on est entre nous, où les ânes savants se frottent aux ânes plus savants. Faites un stage à Noisy-le-Sec, ce sera plus probant. Ce ne serait pas d’ailleurs une mauvaise idée que d’envoyer les enseignants du supérieur refaire périodiquement des cours dans l’enseignement secondaire. Accessoirement, cela leur remettrait les idées en place sur les privilèges dont ils jouissent. Mais Harvard, ce n’est pas les États-Unis. L’évaluation réciproque, c’est aussi le chantage et le troc : notre peau d’âne contre ta note. La solution n’est pas de répondre à la démagogie par la démagogie.

Voulez-vous améliorer le fonctionnement de l’école, de la maternelle à l’université ? Commencez par « foutre la paix » aux enseignants. C’est à cette condition que vous pourrez en exiger beaucoup. Redonnez leur l’initiative et la responsabilité de leur métier. C’est à cette condition que vous pourrez aussi sanctionner utilement les carences et les manquements. Redéfinissons simplement les missions des enseignants : connaître pour éduquer, vous redonnerez légitimité et respectabilité à l’école. Bien sûr, c’est là un long chemin, car on ne forme pas des hommes en deux ou trois ans. C’est plus difficile que de prendre quelques mesures spectaculaires et électoralistes. Mais la France a désormais le dos au mur : perdre son seul atout économique véritable, c’est-à-dire la qualification et la compétence de ses travailleurs, ou bien en revenir au sérieux d’un vieux mot aujourd’hui lui aussi si décrié : l’instruction.

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"Féminisme : la révolution inachevée" de F-A Benomar

par Emmanuelle Barbaras

 

Le féminisme sonne souvent comme un gros mot, un mot qui attire à celle ou celui qui le prononce autant de sobriquets que de franche critique. La rengaine de nos opposants ne cesse de revoir notre combat, nos analyses ou nos revendications à la baisse, pointant du doigt une sempiternelle ligne jaune derrière laquelle nous ne sommes que des extrémistes qui quittons le sens des réalités. Et pourtant, que nous dit-elle, cette réalité ? Aujourd’hui en France, il existe 27 % de différences entre les salaires des femmes et des hommes. 80 % des travailleurs pauvres sont des femmes. L’écart de leurs retraites est de 38 %. Une femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups de son compagnon. Une femme est violée toutes les sept minutes. Alors, est-ce le féminisme ou le machisme qui est aujourd’hui extrémiste et dominant ?

On connaissait le Mac pour les Nuls - ouvrage qui personnellement m’a été très utile, oui, oui je le dis ouvertement - voilà avec la parution de Féminisme : la révolution inachevée, une sorte de traité du féminisme pour les Nuls… autant dire que c’est un compliment de ma part ! Fatima-Ezzahra Benomar, proche du Front de Gauche et inlassable militante pour les droits des femmes, également co-fondatrice de la toute jeune association mixte Les efFRONT-é-es, a trouvé, je ne sais comment, le temps d’écrire cet ouvrage tout à fait digne d’intérêt. Elle signe donc, à moins de 30 ans, son premier livre, écrit d’une plume alerte, vivante et claire : elle nous apporte ainsi un document pédagogique, utile et astucieux. Divisé en huit chapitres, il retrace brièvement l’histoire du féminisme, les raisons de la trop longue existence du patriarcat, avec son cortège d’inégalités et de violences. Dans un style fluide et concis, elle rappelle à bon escient que les femmes constituent la plus grande majorité opprimée du monde, s’interroge sur la persistance des inégalités et la place de femmes dans la société.

Fatima raconte : « Je voulais montrer que le féminisme est aussi transversal que peut l’être le système patriarcal, et aborder plusieurs questions qui sont de fait minorées, comme l’absence des femmes dans les lieux de décisions politiques et économiques, les violences spécifiques faites aux femmes ou les inégalités salariales. Nous sommes dans une période où les enjeux sont d’importance, car en tant de crise, il y a une dégradation véritable de la situation des femmes. Il est donc crucial qu’une nouvelle génération de féministes reprenne le flambeau. La question féministe, même s’il y a depuis quelques années un véritable renouveau du mouvement, a encore tendance à passer à l’as. Elle aurait du être un thème important du Siècle des Lumières et de la révolution de 1789, mais les féministes ont été forcées de se débrouiller toutes seules pour gagner LEUR suffrage universel et leurs droits fondamentaux de citoyennes. »

Bruno Leprince, son éditeur, charmant quinquagénaire doux et sensible, passionné par son métier, explique : «  Je suis éditeur depuis 19 ans, j’ai été longtemps militant au PS, puis déçu, je me suis rapproché il y a cinq ans du Front de Gauche. J’ai édité alors plusieurs livres de Jean-Luc Mélenchon. C’est ainsi en militant que j’ai rencontré Fatima, qui était une des responsables de la question des femmes au sein du mouvement. Même si, étant jeune, je ne me définissais pas ainsi, j’ai toujours été pro-féministe, au sens où j’étais un vrai partisan de l’égalité. C’est sans doute lié à mon éducation, à ma sensibilité ; et puis j’ai rencontré beaucoup de féministes dans ma vie, et je dois dire que j’ai énormément appris d’elles ! De plus, à travers les thèmes abordés pendant la campagne de Jean-Luc Mélenchon, au vu de la parité qui règne au Front de Gauche, et grâce aux discussions que j’ai eues avec les unes et les autres, je suis devenu d’autant plus sensibilisé à cette problématique et conforté dans mes idées. Alors, tout naturellement, lorsque Fatima m’a proposé son livre, je n’ai pas hésité. Je ne dirais pas que je suis un militant actif, mais dans la vie quotidienne je lutte contre le sexisme, et publier ce livre est également pour moi une façon de m’engager, dans le domaine qui est le mien. »

Dans cet essai, l’auteure met à mal les idées reçues, explore tous les aspects de la domination masculine, du privé au politique, du sexe au cerveau, de la nature à la culture, de Tunis à Paris…Bref, ce livre pour tous, pour les curieux, les machos qui s’ignorent ou ceux qui ont envie de se remettre en cause, ce livre pour les pressés, les débutants ou les paresseux, confirme une fois de plus la devise : qui se conçoit bien s’énonce clairement ! A conseiller aux lecteurs de 12 à 90 ans, à un prix accessible à tous. A emporter même dans son sac, histoire de clouer le bec aux impénitents, si vous êtes trop fatigués pour convaincre ou encore si vous avez oublié vos fondamentaux.

Bio : Née au Maroc et très empreinte de l’idéal républicain et des principes humanistes enseignés par ses parents, Fatima-Ezzahra Benomar est arrivée en France à l’âge de 17 ans. En 2005, elle milite contre l’adoption du Traité Constitutionnel Européen, puis devient membre du bureau d’Osez le Féminisme, responsable du pôle « égalité professionnelle ». Pendant la campagne présidentielle de 2012, elle a soutenu le Front de Gauche et s’est occupée des questions féministes. Convaincue qu’il n’y a pas de droits des femmes qu’on puisse appliquer ou conquérir sous le joug de l’austérité, elle cofonde l’association Les efFRONTé-e-s dans le but de combattre le sexisme et les politiques de rigueur qui font reculer les droits des femmes. Titulaire d’un bac arts plastiques et d’un diplôme en cinématographie, elle est attirée par toutes les formes de l’expression artistique et a le goût de porter ses engagements via l’écriture, le cinéma et le dessin.

Format : 130 x 190 mm/120 pages
8 euros. Editions Bruno Leprince, préface de Marie-Georges Buffet

En librairie ou à commander sur www.bruno-leprince.fr

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Grandeur et décadence du capitalisme français : la Compagnie Générale d'Électricité. Épisode n°2

par Raphael Favier

 

Résumé du premier épisode : La Compagnie Générale d’Électricité, apparue en France en 1898 est finalement scindée au bout d’un siècle tout juste en trois entités distinctes (ALSTHOM, CEGELEC, ALCATEL) après avoir connu un siècle de croissance ininterrompue et accompagné l’État dans le développement du secteur productif français. Ou en sont aujourd’hui les anciennes pépites de ce conglomérat qui, tout en soignant ses actionnaires, a tout de même traversé et servi trois Républiques ?

BILGER ou le (presque) fossoyeur d’Alsthom (source : la Bourse)

 Pierre BILGER, ENA, promotion Marcel Proust (1965-1967), inspecteur des finances, fut PDG d’Alstom de 1991 à 2003. Ses erreurs de management et de gestion ainsi que le désastre industriel intervenu dans le secteur des turbines conduiront la société au bord du dépôt de bilan. Comment a t-on pu en arriver là ?

1er acte : Une erreur stratégique majeure

Pierre Bilger avait convaincu le géant helvético-suédois ABB de s’allier avec lui pour former leleader mondial de la fourniture de centrales thermiques et de s’affranchir de la technologie américaine dans le domaine des turbo-alternateurs qui les équipent. C’était un objectif louable dans le principe mais qui va se révéler être un très mauvais calcul.
Un an plus tard en effet, il est obligé de racheter pour 1,25 milliards d’euros, la part d’ABB dans la société créée à cet effet, les investisseurs perdant petit à petit confiance et l’action cédant 15 % de sa valeur en un jour en raison des problèmes techniques rencontrés. Bilger doit d’ailleurs reconnaître publiquement que les 79 machines déjà livrées ou fabriquées à cette date présentent toutes de gros dysfonctionnements. Il déclare que 1,6 milliards d’euros devront être déboursés sur trois ans pour venir à bout des difficultés industrielles et techniques, ce qui suffit à ce moment à rétablir la confiance. Le cours de l’action remonte pendant tout le premier semestre 2001.
Mais le rachat initialement prévu à hauteur de 100 % des turbines d’ABB Power à Alsthom et sa finalisation ont coûté à ce denier la modique somme de 1,4 milliard d’euros en 99 et un autre milliard en 2000. Bilger est alors obligé de revendre le département turbines gaz à GEC, mais cela ne rapporte que 900 millions d’euros en 1999, contre près de 4 milliards qui seront déboursés au titre de l’acquisition d’ABB et de ses conséquences.
Il faut y ajouter les pénalités pour retard de livraison qui s’élèveront à environ 4,5 milliards d’euros cumulés en 2003, les turbines d’ABB continuant à ne pas donner satisfaction. En 2003, l’entreprise se trouve ainsi endettée à hauteur de 5,3 Milliards d’euros pour seulement 970 millions de fonds propres. Elle est alors virtuellement en dépôt de bilan.

2ème acte : la grande braderie

L’article de Libération du 6 août 2003 résume le cynisme qui entoure et précipite cet échec pathétique : Dès le 22 juin 1998 en effet, les deux actionnaires d’Alsthom, GEC et Alcatel, jugeant le groupe pas assez rentable à leurs yeux, décident de mettre en bourse 52 % de son capital. Le groupe devient alors Alstom et, juste avant d’être lâché, se voit ponctionné par les deux actionnaires (dont le tout nouveau patron du groupe Alcatel, S. Tchuruk, dont nous reparlerons), à hauteur de 1,2 milliards d’euros de dividendes exceptionnels.
Bien plus, Alstom se voit contraint par Alcatel de racheter Cegelec (filiale commune aux trois sociétés) pour 1,5 milliards d’euros. Or CEGELEC ne pourra être revendue en 2001 que pour la moitié de cette somme (756 millions exactement), à l’occasion du LBO monté par le PDG Claude DARMON, c’est-à-dire du rachat de l’entreprise par ses cadres.
Pour améliorer sa trésorerie, le groupe entreprend alors de vendre les autres activités rentables, comme en 2004 les turbines à vapeur industrielles, regroupées au sein de T&D (équipements, transmission et distribution électrique). C’est Areva qui s’en portera acquéreur pour 920 millions d’euros mais la revendra à Schneider en 2010, sur ordre de l’Élysée, pour 4 milliards d’euros !
Pour couronner le tout, le déficit d’exploitation s’élève en 2003 à environ 1,3 milliard d’euros. A partir de cette date, le cours en Bourse va plonger sans interruption. Endetté jusqu’au cou, le groupe multipliera en vain les plans de réduction des coûts. Et en mal de crédibilité, Bilger embauchera Philippe Jaffré, inspecteur des finances, et ancien patron d’Elf. Mais il devra céder sa place à
Patrick KRON, X mines, ex de Péchiney passé par les cabinets ministériels et ami de N. Sarkozy qui est alors ministre des finances (il sera présent au dîner du Fouquet’s).
Malgré le climat qui entoure son départ, l’assemblée des actionnaires vote tout de même le 2 juillet 2003, 5 millions d’euros d’indemnités à Pierre Bilger. Mais devant le scandale qui s’en suit, celui-ci finira par renoncer à ces indemnités.
Un salarié résume la situation :

«  Dans l’euphorie de la libéralisation du marché de l’électricité, on imaginait que le prix de l’électricité allait baisser par le jeu de concurrence, et que la demande allait exploser. Il fallait donc construire des centrales. Au lieu de mettre au point sa propre technique, Alstom, qui jusque-là travaillait sous licence avec General Electric, décida d’acheter le savoir-faire d’ABB, ce qui constituera une erreur fatale : la technique n’était pas au point. Outre une image de marque ternie, ce rachat coûtera à Alstom plus de 5 milliards d’euros. »

3ème acte : Un sauvetage à coup de fonds publics

La participation de l’État au plan de sauvetage est présenté comme indispensable à la mobilisation des banques. Mais elles n’apporteront que 625 millions d’euros de concours tandis que l’État devra s’engager à hauteur de 2,475 milliards de cautions nouvelles et 300 millions sous forme de souscription d’actions, sans compter 200 millions d’euros de prêts subordonnés.
Pour justifier le montage, le gouvernement invoquera « la place d’Alstom dans l’économie, les enjeux industriels et sociaux pour l’entreprise, ses clients et ses sous-traitants, et les savoir-faire technologiques uniques développés par Alstom en France comme dans de nombreux pays européens ». Il annoncera également que la participation de l’État à cet accord de financement ferait très rapidement l’objet d’une notification à la Commission.
En fait, commentant ensuite cet accord,
Francis MER (ministre de l’Industrie, X mines et ex PDG de la sidérurgie)déclarera finalement : « Ce n’est ni une nationalisation de pertes, ni de l’interventionnisme industriel. C’est avant tout le grand succès d’une négociation impliquant des efforts très importants d’Alstom et de tous ses créanciers, pour permettre à cette grande entreprise de repartir sur des bases saines. L’État a facilité ce résultat historique en réunissant l’entreprise et plus de 30 banques de tous pays sous son égide, et l’accompagnera en faisant un geste financier pour aider à la restructuration de l’entreprise».
A ce stade, la participation de l’État est évaluée à 3,175 milliards d’euros, sur un paquet total d’un montant de 7,1 milliards.
Des licenciements massifs ont lieu. L’entreprise est, de fait, partiellement renationalisée. Merci l’État !

Prochain article : Qu’est-il advenu de CEGELEC et d’ALCATEL ?

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Comment une Inquisition moderne, avec l’aide du pape François, réprima le mouvement de protection des pauvres

par George Monbiot

 

NDLR - Article de George Monbiot publié dans le Guardian, le 18 mars 2013, sous le titre “Péchés cardinaux” et traduit de l’anglais par Hervé Le Gall

« Lorsque je donne aux pauvres de la nourriture, on me donne le nom de saint. Lorsque je cherche à connaître les raisons de leur pauvreté, on me donne celui de communiste ». Ainsi s’exprimait l’archevêque brésilien Dom Hélder Câmara. Son adage met en lumière, d’une part l’une des principales lignes de faille à l’intérieur de l’Église Catholique, d’autre part la vacuité du discours papal, lorsqu’il prétend se trouver du côté des pauvres.

Les individus les plus courageux que j’ai rencontrés étaient tous des prêtres catholiques. Lorsque mon travail m’amena, d’abord en Papouasie Occidentale (1), puis au Brésil, j’y fis la connaissance d’hommes prêts à risquer leur vie autant de fois qu’il le faudrait, pour protéger celles des autres. Le jour où je frappai pour la première fois à la porte de la confrérie de Bacabal, qui se situe dans l’état brésilien du Maranhão, le prêtre qui l’ouvrit pensa qu’on m’avait envoyé pour le tuer. Il avait reçu, le matin même, la dernière d’une série de menaces de mort que le syndicat des propriétaires de ranchs de la région lui avait envoyées.
À l’intérieur de la confrérie, des paysans s’étaient regroupés, certains en pleurs, d’autres tremblants, des coups de crosses de fusils avaient couvert leurs corps d’ecchymoses et leurs poignets brûlés portaient la marque de cordes. Ils faisaient partie des milliers de personnes que les prêtres essayaient de protéger, au moment où des propriétaires avides d’expansion, soutenus par la police, les politiciens de la région, et un système judiciaire corrompu, incendiaient leurs maisons, les chassaient de leurs terres, et torturaient, ou tuaient, ceux qui résistaient.
J’appris quelque chose de la peur dans laquelle ces prêtres vivaient, le jour où la police militaire me tabassa, avant d’être tout près de m’exécuter (2). Mais contrairement à eux, je pus poursuivre mon chemin. Eux restèrent, afin de défendre ceux dont la lutte pour conserver leur terre était souvent une question de vie ou de mort : une expulsion était synonyme de malnutrition, maladie, puis d’assassinat dans un bidonville, ou une mine d’or.
Les prêtres appartenaient à un mouvement qui s’était propagé à travers l’Amérique Latine, à la suite de la publication en 1971 du livre de Gustavo Gutierrez, Une Théologie de la Libération. Les théologiens de la libération ne se contentaient pas de s’interposer entre les pauvres et les tueurs, ils mobilisaient également leurs ouailles afin qu’elles résistent aux expropriations, connaissent leurs droits, et perçoivent leur lutte comme un moment d’une longue histoire de résistance, que les Israélites initièrent lorsqu’ils s’enfuirent d’Égypte.

En 1989, à l’époque où je me joignis à eux, sept prêtres brésiliens avaient été assassinés. L’archevêque de San Salvador, Óscar Romero, avait été tué par balles, de nombreux autres, sur tout le continent avaient été arrêtés, torturés, exécutés.
Mais les dictateurs, les propriétaires, la police, les tueurs à gages, n’étaient pas leurs seuls ennemis. Sept ans après ma première mission là-bas, je repris la route de Bacabal, pour y rencontrer le prêtre qui avait ouvert la porte (3). Il ne put me parler. On l’avait réduit au silence, au cours de la grande purge de voix dissidentes à laquelle l’Église avait procédé. Des ânes guidaient les lions de Dieu. Les paysans avaient perdu leur protection.

C’est la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (un corps que l’on connaissait auparavant sous le nom d’Inquisition) qui lança l’assaut en 1984, lorsqu’elle publia un document rédigé par l’homme qui la dirigeait : Joseph Ratzinger, qui devint par la suite le pape Benoît XVI. Il dénonçait « les déviations, et risques de déviation », de la théologie de la libération (il ne niait pas ce qu’il appelait « la confiscation de la quasi-totalité des richesses par une oligarchie de propriétaires …  les dictateurs militaires, qui bafouent les droits humains élémentaires [ainsi que] les pratiques sauvages de certains détenteurs de capitaux étrangers » en Amérique Latine. Mais il insistait sur le fait que « c’est de Dieu seul que l’on peut attendre le salut, la guérison. Dieu, pas l’homme, a le pouvoir de changer les situations de souffrance ».
La seule solution qu’il proposait, consistait à conseiller aux prêtres de convertir les dictateurs et leurs tueurs à gages, à l’amour du prochain, ainsi qu’à l’entraînement à la maîtrise de soi. « Ce n’est qu’en faisant appel au « potentiel moral » de la personne, et au besoin permanent de conversion intérieure, que le changement social se réalisera … » (5). J’ai la certitude que les généraux, comme leurs escadrons de la mort, en tremblaient dans leurs bottes.

Cela dit, Ratzinger, qui vivait cloîtré au Vatican, pouvait-il au moins invoquer pour se défendre sa méconnaissance de ce qu’il contribuait à détruire. Au cours de l’inquisition, qui se déroulait à Rome, de l’une des figures de proue de la libération, le père Leonardo Boff, l’archevêque de São Paulo invita Ratzinger à venir constater par lui-même la situation des pauvres du Brésil. Il refusa – avant de dépouiller l’archevêque de la plus grande partie de son diocèse (6). Son ignorance était délibérée. Mais le nouveau Pape ne peut même pas se prévaloir de cette excuse.
Le Pape François connaissait le visage de la pauvreté, comme celui de l’oppression : plusieurs fois par an, il célébrait la messe dans le bidonville 21-24 de Buenos Aires (7). Pourtant, en tant que chef des Jésuites en Argentine, il dénonça la théologie de la libération, insistant pour que les prêtres qui cherchaient à défendre et mobiliser les pauvres déménagent des bidonvilles, et mettent un terme à leurs activités politiques (8,9,10,11).
Il soutient aujourd’hui qu’il « voudrait une église pauvre, pour les pauvres ». (12) Mais cela signifie-t-il donner aux pauvres de la nourriture, ou également chercher à connaître les raisons de leur pauvreté ? Les dictatures d’Amérique Latine ont mené une guerre contre les pauvres, qui s’est poursuivie en de nombreux endroits après l’effondrement de ces gouvernements. Au cours de cette guerre, des factions différentes de l’Église Catholique choisirent des camps opposés. Quelles que furent les intentions réelles de ceux qui agressèrent, réprimèrent la théologie de la libération, ils étaient les alliés objectifs des tyrans, des créanciers esclavagistes, des accapareurs de terres, des escadrons de la mort.

Aussi ostentatoire que soit son humilité, c’est leur camp que le pape François avait choisi.

NOTES
1. George Monbiot, 1989. Poisoned Arrows: an investigative journey through Indonesia. Michael Joseph, London.

2. L’histoire complèe est à lire dans George Monbiot, 1991. Amazon Watershed: the new environmental investigation. Michael Joseph, London.

3. http://www.monbiot.com/1996/07/09/hunting-the-beast/

4. Joseph, Cardinal Ratzinger, 1984. Instruction on Certain Aspects of the “Theology of Liberation” Congregation for the Doctrine of the Faith

http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_19840806_theology-liberation_en.html

5. Joseph, Cardinal Ratzinger ; voir ci-dessus.

6. Jan Rocha, August 2004 . Justice vs Vatican. New Internationalist magazine. http://newint.org/features/2004/08/01/social-justice/

7. http://www.guardian.co.uk/world/2013/mar/15/pope-francis-joy-humility-unbending

8. http://www.democracynow.org/2013/3/14/a_social_conservative_pope_francis_led

9. http://www.guardian.co.uk/world/2013/mar/17/pope-francis-first-sunday-prayer

10. http://www.guardian.co.uk/world/2013/mar/15/pope-francis-joy-humility-unbending

11. http://ncronline.org/blogs/ncr-today/papabile-day-men-who-could-be-pope-13

  1. http://www.guardian.co.uk/world/2013/mar/16/pope-francis-church-poverty

Brèves
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Un combat laïque en Maine-et-Loire

par Collectif vigilance Laïcité de Maine et Loire

 

Depuis plus de quarante ans des collectifs laïques se battent pour obtenir une cité scolaire laïque dans le canton de Beaupréau. Le Conseil régional socialiste a décidé d’ouvrir un lycée en 2015. Le Conseil général refuse d’y adjoindre un collège public prétextant que les collèges publics des cantons voisins ne sont pas saturés. En réalité, c’est pour protéger l’enseignement privé installé à Beaupréau (un lycée, un L.P., un collège).

En 2010, le CDEN de Maine et Loire, conformément au code de l’éducation (articles R211-3 et L 211-3), vote un vœu pour que la dépense du collège soit inscrite sur la liste des investissements du Conseil général. Le préfet de Sarkozy refuse de prendre en considération le vœu.
Le 10 novembre 2011, les collectifs laïques adressent un courrier aux candidat(e)s à l’élection présidentielle. Cette lettre explique la situation dans le canton de Beaupréau et informe des actions conduites par les collectifs laïques.
Le 26 janvier, Vincent Peillon, répond au nom de François Hollande. Il approuve les démarches des collectifs et affirme que “l’organisation de l’enseignement public, gratuit et laïque à tous les niveaux est un devoir de l’Etat”.
Fortes de cet engagement, les organisations laïques présentes au CDEN départemental réactualisent le 16 octobre 2012 le vœu de 2010. Ils en avertissent François Peillon alors Ministre.

Aucune réponse aux trois courriers adressés.
En revanche, une lettre du Recteur (informé par le Ministère) rappelant que la construction du collège est de la responsabilité de l’assemblée départementale. Le vœu est donc évacué. Puis, enfin, une lettre du Préfet, qui en reprenant les arguments de son prédécesseur informe qu’il ne donnera pas suite au vœu du CDEN.
Les non réponses du Ministre ainsi que les réponses des représentants de l’Etat, attestent du reniement de l’engagement de François Peillon sur le collège public de Beaupréau.

Les collectifs laïques ont donc décidé de publier une lettre ouverte au Ministre. Le reniement a en effet un sens politique à la veille de l’acte III de la décentralisation. Elle est accompagnée d’un courrier aux rédactions explicitant l’interprétation politique des collectifs du reniement de l’engagement électoral.

Lire la Lettre ouverte au Ministre de l’EN_ Maine et Loire (.pdf)

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Expulsions de Roms : le cas de Ris-Orangis

par ReSPUBLICA

 

Après ces deux photos “avant/après” tirées du reportage de l’expulsion sur http://perou-risorangis.blogspot.fr/, nous ne pouvons mieux nous indigner qu’en citant l’action solidaire

de la MJC de Ris-Orangis (Essonne) au travers du communiqué de la Fédération Régionale des Maisons des Jeunes et de la Culture en Ile‐de‐France qui : ” apporte tout son soutien à l’acte de solidarité, accompli simplement et dans l’urgence, en toute humanité, par la MJC/CS de Ris‐Orangis en accueillant, pour la nuit, dans les locaux mis à sa disposition 25 personnes, dont 12 enfants suite au démantèlement le mercredi 3 avril du camp construit par la population Rom au bord de la nationale 7.
Parce que les MJC visent à ce que chacun participe à la construction d’une société plus solidaire, parce qu’elles sont ouvertes à tous, sans discrimination, et qu’elles contribuent à la création et au maintien des liens sociaux dans la ville, parce qu’elles défendent l’éducation à la citoyenneté par la pratique, qu’elles sont des lieux où le débat est central dans le respect des valeurs de laïcité et du pluralisme des idées, les MJC d’Ile‐de‐France appellent l’ensemble des acteurs à trouver collectivement et sereinement une solution adaptée et digne à cette situation d’urgence.” (5 avril 2013)