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République sociale : vers la socialisation des entreprises

par Évariste
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NDLR - Remerciements à Pierre Nicolas pour sa contribution à cet article.

Nous allons engager une série d’articles sur le projet alternatif au capitalisme qu’est la République sociale. Nous avons déjà fait des propositions concernant la sphère de constitution des libertés (école, services publics et protection sociale) qui devra devenir démocratique et « sanctuarisée » par rapport aux marchés. Nous proposons donc d’ajouter à cette réflexion celle sur la socialisation progressive des entreprises, sachant que nous sommes également favorables à la constitution d’entreprises publiques dans les secteurs clés, au moment où le problème se posera, entreprises cogérées par les salariés et l’État
Nous nous intéresserons principalement ici aux entreprises privées qui fournissent une part importante de la valeur ajoutée.

Disons-le tout net, nous ne participons pas au dualisme entre économie sociale et solidaire (l’alouette…) et entreprises privées capitalistes (le cheval…), car dans ce cas, l’alouette sert d’alibi au cheval qui détermine les rapports de production. Nous ne participons pas plus du projet de capitalisme d’État de type soviétique. Mais il va de soi que nous ne proposons pas un projet à prendre ou à laisser. Cet article est en fait une proposition de débat ou une proposition d’un travail d’éducation populaire sous des formes à définir.1

Dans ce cadre, les salariés détiendront une part croissante de la propriété et des droits de vote correspondant des entreprises.
Ils détiendront ces actions ou ces parts de société dans une structure collective. Cette structure collective gérée de façon démocratique touchera les dividendes éventuels qui abonderont le fonds salarial. Les salariés ne toucheront donc pas personnellement de dividendes mais participeront de plus en plus aux choix de la société (voir dans ce numéro le texte relatif à l’évolution de la répartition des marges pour mesurer à quel point ces choix pourraient s’en trouver modifiés). Comme les salariés ne toucheraient comme tous les autres salariés que leur salaire direct et leur salaire socialisé (assurance-maladie, prestations familiales, etc.), chaque année, le fonds salarial de l’entreprise se verra abondé. C’est-à-dire que chaque année, le fonds salarial se verra attribuer une part du profit distribué, au prorata de la masse des salaires dans la valeur ajoutée.
Les subventions aux entreprises par les pouvoirs publics seront interdites comme seront interdites les exonérations de cotisations sociales (salaire socialisé). Mais les pouvoirs publics pourraient aider les entreprises par un apport au capital avec les droits de vote correspondant.
Les actionnaires privés de départ pourraient également faire des apports en capital avec les droits de vote correspondants.
Avec ce système, le fonds salarial de l’entreprise doit devenir au bout de quelques années majoritaire dans l’entreprise.

Il va de soi que cette proposition part de l’idée que la propriété de l’entreprise est partie intégrante d’un changement de rapports de production appelant un changement du régime de propriété.
Cette proposition va donc à l’encontre de toutes les idées « à la mode » selon lesquelles la forme de la propriété n’est pas déterminante, que c’est une question dépassée et que l’avenir se construirait avec la fin du travail dans une société donnant de plus en plus de temps aux loisirs, dans une autoproduction en petites unités autogérés dans une belle harmonie, avec un revenu universel et l’essor de la gratuité pour tous. Cela rapelle les années 70 où il se disait que les managers avaient le pouvoir et non plus les propriétaires du capital. On a vu ce qu’est devenue cette thèse. Il en sera de même pour les idées de Gorz, Postone, Rifkin autour de la troisième révolution informationnelle (qui mènerait, d’après ces prophètes, à l’extinction du marché et du salariat par l’essor de l’autoproduction, de la mise en commun et de la gratuité) et de certaines formes d’un écosocialisme toujours mal défini. Dès 2004, Michel Husson a écrit ce qu’il fallait sur la fin du travail que nous promettaient ces prophètes (voir http://bellaciao.org/fr/spip.php?article11155 ).

L’idée que la création d’une société « harmonieuse » à côté du capitalisme, grâce à la troisième révolution informationnelle, allait éradiquer le capitalisme lui-même est une idée généreuse mais peu porteuse d’avenir. En fait, cette proposition de l’écologie politique ne remet aucunement en cause le capitalisme lui-même. Au lieu de dire que l’augmentation des salaires met en danger l’entreprise - comme le dit le patronat - ou met en danger les finances publiques - comme le disent les néolibéraux de droite et de gauche -, les tenants de l’écologie politique diront que cela remet en cause l’écosystème.

Cette proposition va à l’encontre aussi de tous ceux qui ont rêvé dans les années 70 de séparer le pouvoir de la propriété dans l’entreprise. Mais aussi de ceux qui pensaient qu’il suffisait de prendre le pouvoir de l’État sans changer les rapports de production et de propriété pour construire le socialisme (comme en 1981 ?…).

Et en conclusion, quelques citations de Jean Jaurès, qui restent des idées-forces pour aujourd’hui.

Textes choisis : Jean Jaurès, Socialisme et liberté

« Nul ne peut dire avec certitude par quelle voie sera institué l’ordre nouveau. Il est fort probable que l’avènement du prolétariat aura, comme naguère celui de la bourgeoisie, un caractère révolutionnaire. Quand le prolétariat socialiste aura été porté au pouvoir par les événements, par une crise de l’histoire, il ne commettra pas la faute des révolutionnaires de 1848 : il réalisera d’emblée la grande réforme sociale de la propriété. »

« Entre le collectivisme et le socialisme d’État, il y a un abîme.
Le socialisme d’État accepte le principe même du régime capitaliste : il accepte la propriété privée des moyens de production, et, par suite, la division de la société en deux classes, celle des possédants et celle des non possédants. Il se borne à protéger la classe non possédante contre certains excès de pouvoir de la classe capitaliste, contre les conséquences outrées du système. Par exemple il intervient par la loi pour réglementer le travail des femmes, des enfants, ou même des adultes. Il les protège contre l’exagération de la durée des travaux, contre une exploitation trop visiblement épuisante. Il organise, par la loi, des institutions d’assistance et de prévoyance auxquelles les patrons sont tenus de contribuer dans l’intérêt des ouvriers. Mais il laisse subsister le patronat et le salariat. Parfois, il est vrai, et c’est une tendance croissante, il transforme en services publics, nationaux ou communaux, certains services capitalistes. Par exemple, il rachète et nationalise les chemins de fer, il municipalise l’eau, le gaz, les tramways. Mais, même dans cette création des services publics, il reste fidèle au système capitaliste. Il sert un intérêt au capital qui a servi à l’établissement des voies ferrées ; et que les salariés soient tenus de fournir le dividende du capital privé ou l’intérêt des emprunts d’État, c’est tout un. Ce qu’on appelle socialisme d’État est en fait, dans les services publics, du capitalisme d’État. »

« Par quelle confusion étrange dit-on que, dans la société nouvelle, tous les citoyens seront des fonctionnaires ? En fait, c’est dans la société présente que tous les citoyens ou presque tous aspirent à être “ des fonctionnaires ”. Mais il n’y aura aucun rapport entre le fonctionnarisme et l’ordre socialiste. Les fonctionnaires sont des salariés : les producteurs socialistes seront des associés. »

  1. Vous pouvez nous joindre sur notre site ]
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Keynésianisme et austérité. 1 - OCDE et FMI contre l’austérité, donc keynésianistes ?

par Michel Zerbato
Universitaire.
Auteur de "Néolibéralisme et crise de la dette, aux éditions "Osez la République Sociale"

 

Après l’OCDE1, le FMI s’inquiète, dans ses rapports sur la France et sur l’Allemagne2, du risque d’essoufflement de la reprise (qui serait bien là, mais trop pépère) et d’enlisement dans la récession dû à de trop de rigueur dans la gestion des finances publiques. Selon lui, « compte tenu de ce qui a déjà été fait et du caractère encore hésitant de la reprise, le gouvernement devrait ralentir le rythme de l’ajustement ». Il semble ainsi rejoindre l’« atterré » et député européen Liêm Hoang-Ngoc, par exemple, qui appelle « à ne pas “pénaliser la demande” […] que ce soit au niveau européen ou national, “on reste encore insuffisamment keynésiens” ». (Libération du 14 août). Keynes étant la référence des opposants à l’austérité, de ceux qui, « atterrés » et autres, réclament « une autre politique », le FMI serait-il en cours de virer sa cuti et d’opposer le keynésianisme à l’austérité ?
Rien de tel, en réalité, car FMI et OCDE n’appellent aucunement à la fin de l’austérité, seulement à un ralentissement du retour à l’équilibre des finances publiques. En bons libéraux qu’ils sont et restent, ils font reposer la reprise qui s’annoncerait, sur les réformes structurelles, c’est-à-dire la flexibilisation du marché du travail (modération salariale, gel et si possible contournement du salaire minimum, etc.) et la baisse du salaire socialisé, via moins de dépenses publiques et non via plus d’impôts, le financement des retraites par allongement de la durée du travail, et non par augmentation des cotisations, etc. Des efforts ont déjà été faits du côté de l’offre, reconnaissent-ils, qui commencent à porter leurs fruits, et il faut en redoubler, mais il ne faudrait pas les annuler par une action négative sur la demande qui tuerait la croissance dans l’œuf.

Au total, FMI et OCDE ne reviennent pas sur le programme néo-libéral de casse des salaires, mis en œuvre depuis plus de trente ans, ils en redemandent. Mais, en même temps, ils souhaitent éviter qu’une pression fiscale et une restriction monétaire excessives induisent une trop forte perte de pouvoir d’achat des consommateurs et de confiance des entrepreneurs ne grippe les moteurs de la croissance que sont la consommation et l’investissement. Et ils précisent qu’un tel relâchement dans la discipline peut s’envisager étant donné l’absence de risque inflationniste. Fort bien, mais toute cette argumentation repose sur le jeu des mécanismes globaux keynésiens !

Pour dissiper le trouble que cette remarque pourrait amener, il suffit tout simplement de distinguer les mécanismes de fonctionnement mis à jour par Keynes, de l’utilisation qu’en font les libéraux. Keynes avait certes, comme Marx, une approche en termes de système, opposée à celle des économistes classiques, dont le raisonnement en termes de comportements individuels conduisait « naturellement » la doctrine libérale et à la baisse des salaires en cas de crise. Mais, à la différence de celui de Marx, le système de Keynes, de type thermodynamique, était un système d’interactions entre grandes fonctions et relevait d’une approche positive, et non dialectique. Elle lui a certes permis de mettre à jour des lois de fonctionnement du capitalisme (rôle de la demande, de la monnaie, etc.), mais elle lui a évité de devoir conclure à son nécessaire dépassement communiste, puisqu’il était possible de l’amender pour sortir de la crise par le haut, sans casse sociale susceptible de détourner les salariés vers d’autres horizons. C’est ainsi que les interventionnistes ont pu concevoir le keynésianisme, pour gérer les salaires et les prix pendant les trente glorieuses par des séquences d’austérité molle, puis que libéraux ont pu en intégrer les mécanismes dans leur promotion d’une véritable austérité, beaucoup plus dure.

1. Le keynésianisme pour les nuls

Keynésianisme est généralement synonyme d’intervention de l’État dans la marche de l’économie par la voie de politiques monétaire et budgétaire actives, c’est-à-dire anticycliques. À l’opposé, les néo-libéraux préconisent des politiques passives, neutres, enlevées des mains des politiques, pour plus de sécurité, seuls quelques ultra-libéraux extrêmes, les libertariens, excluant toute idée de politique économique.
La politique a pour fonction de régler les rapports entre les classes sociales, dans un sens qui dépend des rapports de forces sociaux, eux-mêmes dépendants des conditions économiques. Dans une économie de marché, la politique économique est incontournable, en tant qu’instrument d’ordre politique pour pallier deux lacunes du marché dans la détermination des prix : la fixation des salaires et celle des taux d’intérêt, qui sont du domaine du rapport de forces entre classes sociales3. Les doctrines économiques définissent des normes de gestion en fonction de leur perception dudit rapport de forces, que leurs recommandations traduisent.

Dans la tradition libérale, les économistes classiques expliquent la crise par l’excès des salaires, ce qui est « rationnel » du point de vue du capital, de son expérience et de sa pratique. Dans cette tradition, une économie saine est une économie qui travaille au juste prix, une économie qui épargne et qui donc a les moyens d’investir. Si le jeu du marché est « libre et non faussé » les maux économiques ne peuvent résulter que d’une mauvaise gestion publique, par la dépense à crédit, qui favorise l’inflation et engendre les fléaux qui lui sont attachés : ruine du rentier et donc de l’épargne, perte de compétitivité, perte de débouchés, chômage, désordres sociaux, etc. Si les affaires publiques sont gérées « en bon père de famille », c’est-à-dire à l’équilibre, en ne dépensant que ce que l’on gagne, l’économie fonctionne normalement4. Si, au contraire, la volonté politique d’améliorer le sort de certains conduisait au laxisme, cela se traduirait globalement par une hausse des coûts salariaux et les conséquences en seraient néfastes, la situation ne faisant qu’empirer. Le retour à l’équilibre exigerait alors une cure d’austérité : orthodoxie financière, rigueur monétaire pour obliger les entreprises à tenir les salaires et être compétitives grâce à des prix bas, etc.

Pour le libéralisme, les comportements individuels sont donc naturellement rationnels, et laissés à leur libre jeu, ils déterminent un « meilleur des mondes possibles », celui d’un équilibre général issu de la rigueur à tous les niveaux. Les causes de la crise, et les solutions, donc, sont à chercher du côté de l’offre, dans des salaires excessifs en regard de la productivité du travail. Cela vient de ce que tout au long de l’histoire, la pratique des autorités conservatrices les a confortées dans l’idée qu’il n’y a aucun problème économique que la baisse des salaires ne saurait résoudre. Fût-ce au prix de quelques dommages collatéraux, il était logique que dans les situations critiques, monétaires ou financières, le retour à la rigueur paraisse rationnel pour combattre le fléau premier, l’inflation, qui est une forme de taxe sur les revenus fixes, ceux du rentier.

Pour Keynes, au contraire, le monde économique et social le plus libre serait-il, n’est pas naturellement à l’optimum, car rien ne garantit le niveau de la demande adéquat, à cause de l’incertitude qui plane sur toute décision quant à ce que sera le futur. Car selon Keynes, les entreprises n’investissent pour produire que si elles anticipent des débouchés profitables. La demande est donc centrale, or, restreindre les salaires, c’est fermer des débouchés, tandis que l’argent trop cher dissuade d’investir. Ce sont donc les opinions des consommateurs et des entrepreneurs sur ce que seront les revenus et les débouchés qui déterminent le niveau de l’investissement et en conséquence celui de l’emploi. Puisque les forces du marché ne garantissent pas un pouvoir d’achat suffisant pour générer l’activité adéquate au plein emploi, il appartient à l’État de les accompagner pour construire une économie optimale.

Dès après le première guerre mondiale, Keynes, qui voulait détourner les salariés du bolchevisme, avait milité pour une baisse du coût de l’argent, l’abandon de l’étalon or devant permettre une politique de bas taux de l’intérêt qui inciterait les entreprises à investir, de même qu’elle affaiblirait la monnaie et favoriserait les exportations. Mais il avait par la suite douté de l’efficacité de cette seule approche incitative, allant même jusqu’à recommander, dans les situations extrêmes telles une grande crise ou une guerre, que l’État prenne en charge l’essentiel de l’investissement. Et il estimait nécessaire de compléter l’action des autorités publiques par une politique fiscale qui veille à une répartition plus égalitaire des revenus, qui favoriserait la consommation, sachant que les riches ont une propension à épargner plus élevée que les pauvres. De même, une lourde fiscalité sur les successions éviterait que le capital ne se transmette vers des mains incompétentes, au détriment du potentiel national de création de richesses. Au total, le plein emploi suppose « l’euthanasie du rentier ».

En fait, les idées de Keynes n’intervinrent en rien dans la solution de la crise des années trente, puisqu’il fallut en passer par une guerre mondiale. Cependant, à la sortie, les conditions étaient réunies pour que le keynésianisme puisse faire florès en formalisant une théorie, dite keynésienne, reposant sur les seuls mécanismes globaux de la demande et de la monnaie, épurés de toute dimension doctrinale5. Dans cette approche que nous dirons keynésianiste, le pilotage du système était réduit à un « fine tuning » (réglage fin) hydraulique de robinets plus ou moins ouverts ou fermés selon le niveau requis dans la baignoire.

Ce niveau n’était pas celui du total plein emploi, car l’intervention publique se confrontait à trois dangers, dont Keynes était conscient : l’inflation, l’endettement public et l’endettement extérieur. En effet, soutenir l’activité faisait pression sur les coûts et poussait les prix à la hausse, induisant ce que Keynes appelait inflation de sous-emploi. Car l’activité générait des goulots d’étranglement sur les matières premières et autres moyens de production, de même que la baisse du chômage renforçait la capacité de négociation des salariés. De même, la hausse de l’activité induisait une hausse des importations, tandis que la hausse des prix gênait les exportations. Le déficit commercial traduisait une perte d’emplois, puisque importer des marchandise c’est exporter du travail. Enfin, quant au déficit public, il risquait de devenir cumulatif en cas de hausse du taux d’intérêt si la croissance était insuffisante pour dégager les moyens de servir la dette.

En prenant en compte ces trois effets pervers, Keynes avait introduit le cheval de Troie néo-libéral dans son analyse, et le keynésianisme put développer la dimension de l’offre, jusqu’à la rendre prééminente. Les mécanismes keynésiens devenaient des outils de pilotage de l’austérité libérale. Austérité est le nom que donnent à la rigueur les opposants à ceux qui la préconisent. Au delà de la sémantique, le terme recouvre une seule et même réalité, la casse des salaires, qui se manifeste sous des formes différentes, plus ou moins brutales selon les circonstances économiques, sociales et politiques.

2. Keynésianisme et austérité molle

Pour la disqualifier, on appelle généralement politique d’austérité une politique de retour à l’équilibre des finances publiques et dont le but est de combattre l’inflation générée par une politique de relance par la dépense publique à découvert. On y associe généralement le resserrement de la création de monnaie, via le marché, par la hausse des taux d’intérêt, ou des mesures administratives, tel l’encadrement du crédit. Il s’agit, selon le schéma keynésianiste, de réduire la demande pour soulager la pression sur les salaires et sur les prix, afin de rétablir la compétitivité et échapper aux trois dangers susdits.

Le keynésianisme a pu triompher dans l’après seconde guerre mondiale parce que les circonstances étaient favorables : reconstruction, nouvelles technologies, nouveau management, protection sociale, idéologie planiste contre les dégâts du capitalisme concurrentiel, concurrence avec le modèle soviétique dont il fallait détourner les peuples, etc. Côté demande, garanties de pouvoir d’achat (via revenu garanti et échelle mobile des salaires), redistribution et salaire socialisé, assuraient des débouchés stables, c’était à l’offre de suivre, ce qui stimulait l’industrie nationale et créait des emplois.
Dans ces années « fordistes », où tout va bien, la demande et l’offre vont de conserve, la tendance est à la croissance, le keynésianisme proclame la fin des crises, et la politique économique n’a qu’à se focaliser sur la régulation au jour le jour de la conjoncture. En effet, quand l’activité était trop vive, les prix et les salaires avaient tendance à progresser trop vite et à mettre en danger les équilibres fondamentaux du système, il fallait donc les calmer, et le but de la rigueur était de réduire le pouvoir d’achat des salaires, afin de restaurer celui des rentiers en même temps que les profits.

Le souci des autorités publiques était donc d’arbitrer entre inflation et chômage, les deux pôles de l’activité de l’économie en croissance. Et le keynésianisme avait justement tout ce qu’il fallait pour cela dans sa boîte à outils appelée politique conjoncturelle : budget, monnaie, mais aussi taux de change et revenus (contrôle des salaires et des prix). Les autorités publiques l’utilisèrent pour agir dans le court terme, en considérant que la tendance de long terme était stable, ou maîtrisable par les moyens de la politique structurelle, qui, elle, vise le marché du travail, les marchés financiers, la protection sociale, etc., et qui relevait des luttes sociales (pour ne pas dire de la lutte des classes).
L’objectif de politique conjoncturelle était donc, soit d’assurer les débouchés et l’activité, c’était l’heure de la relance, ou du simple soutien, soit de « tenir » les salaires, de les empêcher de progresser, voire de les faire baisser en termes réels, par la grâce d’un peu d’inflation maîtrisée. Dans les manuels d’économie « keynésienne », on appelait « stop and go » cette politique alternée, de relance quand le chômage avait remonté et commençait de provoquer des remous sociaux, puis de freinage ou de refroidissement quand survenait la « surchauffe » de la hausse des prix et des salaires. Les opposants à la rigueur dénonçaient une politique d’austérité, ce qui était juste, mais il s’agissait d’une austérité bien molle en regard de la vraie austérité, celle qu’ont connue les peuples d’avant-guerre ou ceux de certains pays aujourd’hui.

La théorie keynésienne a formalisé des modèles macro-économétriques de plus en plus complexes censés mesurer tout cela le plus finement possible. Les autorités publiques devaient ainsi lisser les cycles conjoncturels et prévenir les remous sociaux par une navigation précise entre les écueils qui guettaient la croissance capitaliste. C’était le temps de « l’utopie de l’économiste » : pas de plan coercitif, mais pas de chaos de la concurrence, tout est maîtrisé pour peu que l’on soit raisonnable.
Ce bel édifice technocratique et idéologique s’est fissuré avec la crise du profit. Car le keynésianisme fait a priori référence à une relance par la consommation, par exemple par une hausse du smic, des salaires des fonctionnaires ou des allocations familiales. Ceux qui en bénéficient sont supposés exercer ce pouvoir d’achat supplémentaire auprès des entreprises qui vont devoir investir. Le cercle vertueux de la croissance de l’activité s’enclenche donc. Le problème est que les consommateurs peuvent préférer acheter des biens produits à l’étranger, du type magnétoscopes au début des années 80, ou smartphones aujourd’hui. Alors la relance échoue, puisque les entreprises nationales n’embrayent pas sur l’investissement, tandis que se creuse le déficit commercial, que s’impose la dévaluation, que s’accélère la hausse des prix, etc. Il faut alors freiner des quatre fers, faire de l’austérité un peu plus sévère, mais ça ne marche guère. L’idée peut être alors de relancer directement par l’investissement, mais les conséquences sont les mêmes : investissement, embauches, consommation, et la suite. Surtout si l’investissement est « d’aubaine », c’est-à-dire que les entreprises avancent des projets qui étaient de toutes façons dans les tuyaux.

Ces effets pervers ont longtemps été plus ou moins bien maîtrisés en piochant dans la boîte à outils, mais avec la crise des gains de productivité et du profit, plus rien ne marche dans le bon sens. Que l’on relance contre le chômage, et c’est l’inflation qui repart de plus belle, que l’on freine contre l’inflation, elle poursuit sur sa lancée, tandis que le chômage s’aggrave ! Les promoteurs de la relance de 81 en ont fait l’amère expérience, quand toute action entreprise se retournait contre eux en renforçant la « stagflation », et qui, après avoir vainement tenté d’arrêter les magnétoscopes à Poitiers, durent se résoudre à prendre en 83 le « tournant de la rigueur ».

Qui a lu Marx sait que dans une telle situation de crise du profit, la rationalité capitaliste est d’entreprendre une vraie casse des salaires6, et non plus seulement de les tenir par une austérité plus ou moins molle. Les outils du keynésianisme étaient donc devenus inopérants, mais la mécanique keynésianiste subsistait, et les néo-libéraux ont dû l’intégrer dans le cadre théorique qui légitimait leur action anti-sociale. C’est ainsi que le keynésianisme n’a jamais tout à fait disparu des radars, même quand les politiques structurelles furent orientées vers une austérité dure : vraie casse des salaires, directs ou socialisés, via la casse du code du travail, de la protection sociale, des services publics, etc.

A suivre.

  1. Par exemple : ]
  2. Respectivement ]
  3. Adam Smith expliquait que les salariés sont empêchés de s’unir par les lois sociales, tandis que nul ne peut empêcher « les maîtres du travail de dîner ensemble », de même que le prêteur avait un rapport de force favorable avec l’emprunteur et que l’État devait limiter l’usure à ce que la raison demandait. []
  4. Au premier rang des principes de saine gestion était la gestion en bon père de famille, connue sous le nom d’orthodoxie financière : on ne dépense pas plus qu’on ne gagne, le crédit étant réservé à l’investissement productif, puisque générateur de son propre financement. Ce principe prévaut encore en matière de finances locales : la section de fonctionnement doit être votée en équilibre. Au niveau de la nation, le budget de l’État s’est rapidement exonéré de cette contrainte, qui, de même que celle de l’or, bloquait son essor. []
  5. La mécanique du keynésianisme a à voir avec Keynes, certes, mais elle est expurgée de la doctrine sociale dans laquelle elle a pu naître. Voir ]
  6. Voir]
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A quoi ont servi les marges des entreprises : décryptage d'une imposture

par Mascomère Pierre
Actuaire

 

Contrairement aux affirmations venant, dit-on, de l’Insee, le taux de marge (EBE) des entreprises non financières en France, 28,4 % de la Valeur Ajoutée, en 2012, n’est pas à son plus bas niveau historique. En témoigne le tableau joint, justement tiré des comptes nationaux de l’Insee, entreprises non financières (S11), série longue.
En 1981 ce taux de marge était juste un peu supérieur à 23 %, puis il a augmenté jusqu’à atteindre 32 % en 1989 !
Bien sûr, les libéraux, le Medef et les médias, les présentateurs de JT flanqués de leurs pseudo-experts se sont empressés de répercuter ce mensonge. « Les entreprises sont exsangues, il faut d’urgence baisser les coûts salariaux pour que les entreprises puissent enfin investir et créer des emplois… ». La commission de Bruxelles a bien entendu surenchéri et demande que les coûts salariaux ne soient pas augmentés. Et justement que voit-on dans ce tableau ? Que le taux d’investissement fluctue mais reste relativement stable quels que soient justement les taux de marge.


On voit aussi que la part des rémunérations dans la valeur ajoutée a baissé de 9 points entre 1981 et 1989 !
Contrairement aux dires là aussi du Rapport Cotis, mentant par omission, « le partage de la valeur ajoutée n’a pas changé » - ce qui était vrai depuis 20 ans, mais faux depuis 30 ans. 9 points de baisse, plus de 70 Mds€ ! Un rien.
Cela rappelle l’ineffable « expert » François Lenglet qui montrait sur France 2, un tableau du partage de la Valeur Ajoutée, tableau dont il avait tellement tiré sur l’échelle que, devant sa courbe toute aplatie, ce savant clamait que le partage de la Valeur Ajoutée n’avait vraiment pas bougé !
Par contre une ligne du tableau attire l’attention : les dividendes distribués.
Ils représentaient 5 % de la VA en 1981, ils en représentent 24,9 % en 2008 et 22,4 % en 2012. Les entreprises versent 5 fois plus de dividendes qu’elles n’en versaient dans les années 80 alors même que la part du travail a largement baissé.
A quoi les marges ont-elles donc servi lorsqu’elles étaient plus fortes ? Le taux d’investissement étant resté relativement constant, les marges ont servi à augmenter les dividendes !

On s’explique mieux la rapidité des multiples mises au point, immédiats intox/désintox/antibobards etc. etc.. des médias libéraux lorsque l’attention a justement été attirée sur la formidable progression des dividendes servis. La CGT l’a indiqué , J.L. Mélenchon aussi et A. Montebourg ne disant, à propos de PSA, que des faits matériels et vérifiables.
Craignant que le pot aux roses ne soit découvert et mis sur la place publique, qu’ainsi leur matraquage sur la « faiblesse des marges » soit rejeté et donc que soit écartée en même temps, la nécessité de réduire les coûts salariaux
pour reconstituer ces marges, les entreprises pouvant alors investir etc. etc…. les libéraux s’empressèrent donc de dénoncer l’absurdité de la thèse selon laquelle « la progression des dividendes aurait diminué le taux de marge ». Les dividendes étant servis après la marge EBE et non avant, ce ne sont certes pas les dividendes qui peuvent grever ce taux de marge EBE. Circulez, il n’y a rien à voir. Dire que la progression des dividendes servis aurait diminué le taux de marge (EBE) est certes inexact. Mais la question réelle est toujours : qu’ont fait les entreprises de leurs marges ?
Elles n’ont pas investi plus, elles ont, bel et bien, distribué plus de dividendes !
Et il faudrait maintenant que les salariés voient leurs rémunérations globales baisser, pour que les entreprises fassent plus de profits et investissent plus…Mais il suffit de regarder le tableau. Cela ne s’est pas du tout passé comme cela et toute nouvelle augmentation de marge serait probablement comme hier consacrée à l’augmentation des dividendes.
Les entreprises auraient aujourd’hui des marges trop petites pour pouvoir investir et par exemple monter en gamme, dada de l’économiste Patrick Artus). Mais que ne l’ont elles fait dans les années 2000 quand elles le pouvaient (et il est
vrai que l’Allemagne l’a fait en grande partie…). Une étude de Patrick Artus - peu suspect de gauchisme -, montre (note 175 du 22/02/13) que ce ne sont pas des problèmes financiers qui ont empêché ces investissements d’augmenter – doux euphémisme d’un économiste distingué ! Rappelons d’ailleurs cette note 826 du 10/11/11, passée quasiment sous silence par les médias libéraux, dans laquelle Patrick Artus, montre que « les causes de cette baisse des marges bénéficiaires sont visiblement d’une part l’incapacité à transférer les hausses de prix des matières premières dans les prix de vente ; d’autre part l’appréciation du change ». Et les médias et les présentateurs des JT de clamer pourtant la responsabilité des coûts salariaux…Tricheurs !
Que les patrons demandent une baisse des coûts salariaux, qu’ils demandent que le contribuable prenne une part de plus en plus grande des coûts, c’est dans leur logique, et ils y ont intérêt. Que les médias répercutent ce seul aspect sans rechercher ce qu’il en est exactement montre que ces médias sont pour la plus part passés d’un rôle d’information à un rôle de relais de propagande.
Et il faudrait que les salariés (ou les contribuables) se serrent la ceinture sans savoir ce qui serait fait de ces marges nouvelles ?
La simple lecture du tableau permet de constater la formidable désinformation du public par les libéraux.
En fait, les entreprises ont augmenté les dividendes versés pour compenser une baisse de la valeur des actions, au détriment de la rémunération globale des salariés et au détriment de l’investissement…
Dans le système capitaliste, par construction, ce sont théoriquement les actionnaires, du fait de leur prise de risque en investissant, qui profitent de la bonne santé de l’entreprise, ou au contraire pâtissent de sa mauvaise santé. Au gré des résultats des entreprises, la situation des actionnaires est donc éminemment variable.
Aujourd’hui, l’actionnaire aurait tendance à devenir rentier et à transférer le risque sur les salariés, l’emploi et la rémunération des salariés devenant des variables d’ajustement !
Un nouveau capitalisme !

1er août 2013 - A partir d’une étude de Note économique CGT

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Notre chronique « De pire en pire »

par ReSPUBLICA

 

Le niveau de vie des plus modestes a baissé en 2009 et en 2010

Le ralentissement économique du début du quinquennat de Jacques Chirac, en 2002 et en 2003, avait frappé également le plus grand nombre. La dernière récession a été plus sélective : le niveau de vie des 40 % les plus modestes, soit 24,4 millions de personnes, est le seul à avoir baissé en 2009 et en 2010. Celui des 5 % les plus aisés, soit 3 millions de personnes, est le seul à avoir augmenté en 2010. C’est ce qui ressort de l’édition 2013 de l’ouvrage de l’Insee sur Les revenus et les patrimoines des ménages.

En 2010, la moitié de la population de France métropolitaine (30, 5 millions de personnes) disposait de moins de 19 270 euros par an (1 610 euros mensuels) pour vivre et la moitié disposait de plus. Ce niveau de vie médian a baissé de 0,5 % par rapport à 2009.

Si tous les déciles sont concernés par cette baisse, elle est plus marquée dans le bas que dans le haut de la distribution : entre – 1,3 % et – 1,6 % pour les 3 premiers déciles et – 0,3 % pour le 9e décile. Le niveau de vie des 40 % les plus modestes a baissé deux années de suite, alors que celui des cinq derniers déciles n’a diminué qu’en 2010.

Surtout, le niveau de vie plancher des 5 % les plus aisés (3 millions de personnes) a, lui,  augmenté de 1,3 % en 2010 après avoir stagné en 2009 (+ 0,2%). Par ailleurs, la masse des très hauts revenus - les 1 % les plus aisés, soit 610.000 personnes - a augmenté de 4,7 % en 2010 après avoir diminué de 4,3 % en 2009. Il est vrai qu’entre 2004 et 2008, ils avaient augmenté de 5,5 % par an. L’augmentation de 2010 provient pour 75% des hausses de revenus d’activité et pour 25% de la hausse des revenus du patrimoine.

L’Insee observe aussi que si les inégalités s’accroissent, cette augmentation n’en est pas moins amortie par le système de protection sociale. Ainsi, entre 2008 et 2010, le 1er décile de revenu par unité de consommation diminue de 3,2 % par an avant transferts, contre 1,2 % après transferts.

Dans une France où, comme dans la majorité des 27 pays de l’Union européenne, les inégalités se sont creusées, le taux de pauvreté monétaire (60 % du niveau de vie médian, 964 euros en 2010) est en hausse de 0,6 points à 14,1 %. La moitié des personnes pauvres vivent avec moins de 781 euros par mois. L’augmentation de la pauvreté concerne plus particulièrement les familles, avec 2,7 millions d’enfants pauvres, le taux de pauvreté des moins de 18 ans atteignant 19,6 % contre 10,2 % pour les retraités.

Inutile de rajouter que la politique étant resté la même jusqu’à aujourd’hui malgré la prise de pouvoir de la gauche solférinienne, les mêmes causes produiront les mêmes effets. Jusqu’à quand ?

Mais la crise profite à l’oligarchie organisée autour des grandes fortunes françaises

D’après Challenges, les 500 plus grandes fortunes de France ont grimpé de 25 % en un an. Un bond spectaculaire qui révèle les profits que tire de la crise une poignée de grands patrons, pendant que le pouvoir d’achat des Français a reculé de 0,9 % l’an dernier.
Les 10 premières fortunes de France ont augmenté leur richesse de 40 % en un an ! (selon Ecofin).

Toujours selon Ecofin, la richesse globale des « 500 » premières fortunes de France, classées le 11 juin par l’hebdomadaire Challenges, a quadruplé en une décennie et représente 16 % du produit intérieur brut du pays. Il compte aussi pour 10v% du patrimoine financier des Français, « soit un dixième de la richesse entre les mains d’un cent millième de la population », affirme la même source.

En Europe, l’austérité fait exploser la pauvreté

La Confédération européenne des syndicats (CES) tire la sonnette d’alarme sur la responsabilité des politiques de rigueur budgétaire sur la baisse des salaires, le chômage de masse et l’explosion de la pauvreté.

L’Institut syndical européen (Etui) a dévoilé une série d’infographies représentant les évolutions salariales dans l’Union européenne entre 2000 et  2012.
Les résultats sont sans appel. Les pays touchés par les politiques d’austérité sont aussi ceux dont les salaires ont le plus chuté. En première ligne, la Grèce, avec une perte de salaire vertigineuse de 4,88 % entre 2009 et 2012. Idem au Portugal, où la baisse est de 1,6 %.
L’Espagne et l’Italie ne sont pas loin derrière, avec respectivement un abaissement de 0,45 % et 0,56 %. La France se maintient avec un léger bond de 0,7 %. La diminution des salaires entraîne dans sa chute les rémunérations horaires. Par exemple, en Grèce, en 2012, le salaire horaire minimum décroît de 24,3 %.
Alors que les salaires plongent, ouvrant la porte à une plus grande pauvreté et exclusion sociale, tout en freinant la consommation, le chômage flambe.
En Grèce, les personnes sans emploi représentaient 7,7 % de la population active en 2008 contre 24,3% 2012, dont 57,2 % sont des chômeurs de longue durée.
La même tendance s’observe au Portugal. En 2008, le chômage était de 8,5 %, quatre ans plus tard, il plafonne à 15,9 %. L’Hexagone n’est pas en reste avec un passage de 7,8 % de la population active en 2008 à 10,3 % en 2012. Au total, 26,5 millions de personnes sont privées d’emplois sur le Vieux Continent.

Pas de doute, pour Bernadette Ségol, secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats (CES), « les salaires sont la première cible des mesures d’austérité partout en Europe, ils sont devenus l’instrument clé du mécanisme d’ajustement d’une politique de dévaluation interne». Résultat, dans ces pays où les salaires dégringolent, la pauvreté a grimpé. En 2011, 31 % de la population risquait de tomber dans une grande précarité en Grèce et 24,4% au Portugal. En France, pas moins de 19,3 % des habitants sont concernés. Les richesses produites par les États sont aussi en berne. Alors que la rigueur est censée restaurer la confiance des marchés financiers et la compétitivité des pays, la richesse produite par État, au contraire, s’effondre. En Grèce, le produit intérieur brut (PIB) baisse de 6,4 % rien qu’en 2012.

Bernadette Ségol observe que « cette tendance [des politiques d’austérité – NDLR] n’a pas résolu les problèmes de compétitivité, en particulier dans les pays soumis à un plan de sauvetage financier. Cela a, au contraire, aggravé les problèmes existants en affectant les plus vulnérables ».

Ces politiques drastiques ont entraîné l’Europe dans une spirale, aggravant la crise économique et sociale. La CES met en garde les dirigeants européens: « Dix mois avant les élections européennes, chômage de masse et politiques de réduction des salaires constituent un cocktail dangereux qui nuit au soutien des citoyens pour le projet européen (…) Un changement de cap s’impose d’urgence pour restaurer la confiance et la croissance. » D’autant que le dogme de l’austérité commence à être sérieusement remis en cause. En avril, une étude avait démontré que les calculs des économistes de Harvard, théoriciens de la rigueur budgétaire, étaient erronés. Contrairement à leurs analyses fumeuses, une dette publique de plus de 90 % du PIB ne conduit pas automatiquement à la récession. Certains pays, comme les Pays-Bas, ont déjà retenu la leçon, en mettant en place des politiques de relance. Pendant que la plupart des pays d’Europe s’enfoncent toujours dans la rigueur.

En France, le chômage explose. Le taux de chômage a continué d’augmenter en juillet, pour le 26e mois consécutif. La CGT réaffirme que « la relance de l’économie passe par une relance de la consommation, qui permettra de faire repartir la croissance, et donc l’emploi ». Le syndicat, qui impute « les premières causes du chômage aux fins de CDD et aux ruptures conventionnelles qui ont explosé depuis leur création, en 2008 », en appelle à « mettre fin à la politique d’austérité ». « Il faut faire reculer la précarité, conditionner les aides aux entreprises et créer une vraie sécurité sociale professionnelle ».

Accueil des personnes âgées

Légère augmentation par le gouvernement Sarkozy-Fillon des places en établissements d’hébergement pour personnes âgées (Ehpa) mais diminution forte du nombre d’unités de soins de longue durée ( USLD) indique la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) dans les premiers résultats de son enquête Ehpa 2011
L’enquête a pris en compte les maisons de retraite, les logements-foyers, les unités de soins de longue durée (USLD), ainsi que les établissements d’accueil temporaire, les structures expérimentales et les centres d’accueil de jour.
Hors accueil de jour, au 31 décembre 2011, la France (métropole et outre-mer) comptait 10 481 Ehpa (+1,7 % comparé à fin 2007) et 720.483 places installées (+5,3 %). Près de sept établissements sur 10 étaient des maisons de retraite. Leur nombre a progressé depuis 2007 (7.225 structures, +11 %, 555.773 places, +18 %), tandis que celui des logements-foyers a diminué (2.559 structures, -8 %, 128.666 places, -10 %), pour représenter un quart des Ehpa.
Le nombre d’unités de soins de longue durée (USLD, au sein des structures hospitalières) a fortement diminué : 608 structures (- 33 %), 34.187 places (- 50 %).

Il faut comprendre que c’est conforme à la logique néolibérale de remplacer les USLD hospitalières par des Ehpad dont l’encadrement est moins important. Donc les maisons de retraite voient  arriver des personnes âgées de plus en plus dépendantes avec donc de moins en moins d’encadrement.
Le gouvernement Hollande-Ayrault a maintenu cette politique.

Financements publics pour des cliniques privées

En 2016, les cliniques Sainte-Odile, Diaconesses et Adassa se regrouperont sur un site unique au Port-du-Rhin. Ce projet, baptisé Tamaris, coûtera 100 millions d’euros. Une part devrait être financée par l’Etat, la communauté urbaine de Strasbourg mettant à disposition un terrain pour une bouchée de pain.
Syamak Agha Babaei, conseiller municipal PS et médecin urgentiste, pose la question de l’opportunité de financements publics pour ce projet privé. Lire.

Effondrement du poids de la France dans les demandes d’AMM centralisées en 2012

En 2012, 95 nouvelles demandes d’AMM centralisées ont été déposées auprès de l’Agence européenne du médicament (EMA), contre 99 en 2011 et 102 en 2008. La France a donc été en première ligne dans 6 % des dossiers l’année dernière, alors qu’elle l’avait été dans 14 % des cas en 2011 et 23,5 % en 2008.

Le rapport d’activité de l’Agence nationale de sécurité des médicament et des produits de santé ( ANSM) pointe aussi les ruptures de stock fréquentes de médicaments sans alternative thérapeutique.

Mais, soyez sûr les grandes multinationales pharmaceutiques françaises croulent sous un montant élevé de bénéfices !

Le réseau ferroviaire français à l’agonie

Augmentation des retards (par exemple,Vic-sur-Cère- Paris via Clermont-Ferrand qui devait arriver à 22h 57 le 24 juillet dernier à Paris-Austerlitz est arrivé en car avec près de 5 heures de retard !), mort d’usagers à Brétigny du Paris-Limoges parti de la gare d’Austerlitz, tout cela s’explique par le fait que la direction de la SNCF et les gouvernements successifs ont délaissé le réseau français hors TGV suite à une baisse des effectifs du personnel notamment de contrôle, par un accroissement des sous-traitance. L’état catastrophique du réseau ferroviaire français a donné lieu à plusieurs articles ces dernières semaines ainsi qu’à un rapport de la Cour des comptes. (Dès 2005, un rapport établi par l’École polytechnique de Lausanne avait déjà diagnostiqué cette situation catastrophique.)

Rappelons que le réseau ferroviaire français, long de 29 500 km, est la propriété de Réseau ferré de France (RFF) qui en assure l’exploitation et la maintenance (maîtrise d’ouvrage) mais avec de la sous-traitance notamment de la SNCF d’où des dysfonctionnements qui n’existaient pas lorsque SNCF et RFF ne faisaient qu’un.

Un tableau établi par Agora Vox permet de comparer le linéaire de voie pour les principales classes de trafic, et la part de trafic réel sur ces lignes. Ainsi 78 % du trafic total se fait sur 30 % du réseau (le réseau principal), alors que les 70 % restant n’en absorbent que 22 %, dont 46 % seulement 6 % !
On constate donc une distorsion troublante mettant en évidence la sous-utilisation de près de la moitié du réseau ferré français.

D’après Agora Vox, « ces lignes du réseau secondaire ont en général la typologie suivante : voie unique non électrifiée, dotée d’un système de signalisation hors d’âge, voyant passer quotidiennement deux ou trois allers-retours d’autorails et éventuellement quelques convois de fret. Les autorails, assurant des services omnibus, desservent des petites bourgades (de moins de 3 000 habitants), voire des gares ou haltes isolées en pleine campagne, et permettent de relier entre elles des préfectures ou sous-préfectures. » Et encore : « Ce réseau est à l’agonie. Ces lignes sont maintenues a minima et n’ont pas bénéficié d’investissement depuis des décennies. » Vive le néolibéralisme !

Or, depuis une dizaine d’années, les conseils régionaux ont lourdement investi dans l’acquisition de matériel neuf (autorails et automotrices) afin de renforcer l’offre des services des Transports express régionaux. Cette politique a eu pour effet une augmentation spectaculaire de la fréquentation de ces services jusque-là délaissés parce que ringardisés par le TGV et l’automobile.

Mais cette relance du transport régional va vraisemblablement se trouver dans l’impasse dans les cinq à dix ans à venir. Aujourd’hui, sur des portions de lignes de plus en plus conséquentes, des autorails flambants neufs se voient limités à 30 km/h voire 10 km/h !

Combien de temps accepterons-nous ce mépris des droits citoyens de transport ?

A propos du projet de directive européenne Marchés publics

Une directive européenne modifiant la passation des marchés publics est en préparation. Une mobilisation est en cours (voir la pétition). Cette Directive serait une étape vers la mise sur le marché des prestations des services publics, privés non lucratifs, en particulier sur les plans de la santé, du social, et de la protection sociale tels ceux visés à l’annexe XVI du projet. D’ores et déjà l’Union européenne ne retient pas dans ses traités la notion de services publics, elle ne reconnaît que la notion de Service d’Intérêt Economique Général (SIEG) et en leur sein les Services Sociaux d’Intérêt Généraux (SSIG).

Le paragraphe 2 de l’actuel article 106 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, issu de l’article 90 § 2 du Traité initial instituant la Communauté économique européenne, énonce en effet que les « entreprises chargées de la gestion de Services d’Intérêt Economique Général […] sont soumises aux règles du Traité, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie »

Les SIEG ont donc été conçus comme l’exception à une règle, celle de l’application du droit de la concurrence. Les textes européens distinguent en outre les entreprises chargées de la gestion de SIEG de celle de la mission particulière. Cette distinction qui ouvre la vanne de la concession du Service Public à une société à caractère commercial.

La question de la marchandisation des Services Publics a été initiée par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) en septembre 1986 à Punta del Este (Uruguay).

En 1994 l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) oblige les États à créer un environnement compétitif entre entreprises publiques et privées. (En pratique, cela se traduit soit par une diminution des subventions aux premières, soit par l’aménagement d’aides particulières pour les entreprises privées.)

L’Accord Multilatéral sur les Investissements (AMI) en 1998, qui tente d’ouvrir la possibilité pour les multinationales de faire condamner les états, a donné lieu à une large mobilisation internationale. Ce sera un premier échec infligé au tout libéral. De même, la lutte contre la « directive Bolkestein » limitera la portée de la directive du 12 décembre 2006, pour les SSIG et les SIEG, en limitant la concurrence à l’intérieur des états. Mais elle ouvrira la porte dans notre secteur à la loi HPST, Hôpital Patient Santé et Territoire.

Une nouvelle étape serait franchie avec cette directive (complément de celle de 2006) étendant la concurrence au niveau européen dans un premier temps. Avec l’ouverture des négociations du Pacte transatlantique (visant à construire un espace de marché entre l’Amérique du Nord et l’Union Européenne) et du Pacte transpacifique, elle ouvre ainsi l’espace de la concurrence au niveau mondial.

Politique française
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Pas de congés payés pour les mauvais coups de la gauche solférinienne

par Bernard Teper
Co-animateur du Réseau Education Populaire.
Auteur avec Michel Zerbato de « Néolibéralisme et crise de la dette ».
Auteur avec Catherine Jousse et Christophe Prudhomme « Contre les prédateurs de la santé ».

http://wwww.reseaueducationpopulaire.info

 

La gauche solférinienne continue sur sa lancée : bonne politique sur le sociétal (mariage pour tous notamment), mais continuation de la néfaste politique sarkoziste sur l’économique et le social. Voici un patchwork des mauvais coups de ces dernières semaines en France :

1. Le décret n° 2013-707 du 2 août 2013 relatif au projet éducatif territorial et portant expérimentation relative à l’encadrement des enfants scolarisés bénéficiant d’activités périscolaires, dû aux ministres solfériniens Fourneyron et Peillon, est une transposition au périscolaire de l’article 25 du fameux décret Morano. Voyez vous-mêmes :

A titre expérimental, pour une durée de trois ans, les taux d’encadrement des accueils de loisirs périscolaires organisés dans le cadre d’un projet éducatif territorial peuvent être réduits par rapport aux taux prévus par l’article R. 227-16 du code de l’action sociale et des familles, sans pouvoir être inférieurs à :
1° Un animateur pour quatorze mineurs âgés de moins de six ans ; [au lieu de 10]
2° Un animateur pour dix-huit mineurs âgés de six ans ou plus. [au lieu de 14]
Par dérogation à l’article R. 227-20du code de l’action sociale et des familles, les personnes qui participent ponctuellement avec le ou les animateurs à l’encadrement des activités périscolaires sont comprises, pendant le temps où elles y participent effectivement et pour l’application de l’article R. 227-12du même code, dans le calcul de ces taux d’encadrement. [donc personnel non qualifié compté pour les ratios d’encadrement]
Par dérogation au 1° du II de l’article R. 227-1du même code, la durée minimale prévue pour les activités périscolaires par journée de fonctionnement est ramenée à une heure.

2. Marisol Touraine dit suspendre pour cause électorale ! NDLR] les fermetures des urgences de l’Hôtel-Dieu mais a voulu organiser le déménagement des lits de médecine interne !
« Ce vendredi 2 août, des camions de déménagements [étaient] à pied d’oeuvre devant l’Hôtel-dieu pour vider un service essentiel au fonctionnement des urgences de l’hôpital, celui de médecine interne” et “nous avons décidé de bloquer cette opération de démantèlement afin que l’hôpital du centre de Paris continue à soigner en toute sécurité », indique le comité de défense dans un communiqué.
Contacté par l’APM, l’urgentiste Gérald Kierzek, qui porte le projet alternatif de l’Hôtel-dieu et a été démis début juillet de ses fonctions de responsable du Smur, a observé que ces lits de médecine interne étaient indispensables alors que par exemple, mercredi, « le taux d’occupation des lits des services de médecine sur le site de Lariboisière ne permettra pas d’assurer l’accueil de l’ensemble des patients en cas d’afflux massif via le service des urgences, les jours à venir ».

3. Le gouvernement solférinien soutient les banques plutôt que les citoyens et leurs familles
Le gouvernement vient de décréter que 30 milliards d’euros supplémentaires issus des livrets A seront conservés par les banques privées, en échange d’une faible baisse de leur commission de collecte, au lieu d’être confiés au fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations. Déjà sous Sarkozy, les banques ont obtenu plus du tiers de l’agent des livrets A sans aucune contrepartie pour les citoyens.Pour nous, l’argent du livret A doit être géré en toute transparence pour le logement social uniquement par des banques publiques.
Le gouvernement solférinien a suivit le lobby bancaire
- dans le détricotage de la taxe sur les transctions financières souhaité par la commission européenne,
- dans le quasi maintien des frais bancaires contrairement aux propos initiaux du gouvernement.

4. La politique du logement de Duflot est catastrophique

La construction de logements neufs reste déprimée en France. Les mises en chantier ont certes progressé de 8 % entre avril et juin 2013, par rapport à la même période de l’année précédente. Mais sur un an, leur nombre est en baisse de 14,2 %, à 342 294 unités. La hausse du deuxième trimestre concerne les logements en résidence (+ 27,5 %) et collectifs (+16,4 %), alors que le secteur du logement individuel se stabilise. En revanche, sur douze mois, le repli des mises en chantier est plus marqué dans les logements collectifs (- 15,3 %) que dans les logements individuels (- 13,2 %).

Concernant les permis de construire, la baisse s’accélère. La construction de 101 700 logements a été autorisée en France au cours du deuxième trimestre de 2013, soit une baisse de 14,1 % par rapport au second trimestre de 2012. Sur un an, la baisse est de 8,4 % avec l’autorisation de la construction de 485 700 logements.

« Bienvenue dans le monde enchanté des HLM » titre le site Localtis.info du 29 juillet en remarquant : « Les HLM - et les quartiers qui abritent certains d’entre eux - ne sont pas voués à souffrir éternellement d’une image de voitures qui flambent, d’activités illicites et de cages d’escalier détournées de leur usage initial. Mais, pour cela, il faudrait que la récente étude de l’Insee sur bénéficie de la même diffusion que les images du journal de 20h. » Voici le résumé de l’étude Insee-Analyses de juillet 2013 : “Habiter en HLM : quels avantages, quelles différences ?

• Les logements sociaux, notamment ceux gérés par un organisme d’habitations à loyer modéré (HLM), offrent des loyers largement inférieurs au secteur locatif privé. En 2006, selon l’enquête Logement, les ménages logés en HLM s’acquittaient chaque mois, en moyenne, d’un loyer de 310 euros. Au regard des prix des locations privées présentant des caractéristiques et une localisation comparables, ils bénéficiaient d’un avantage implicite évalué à 261 euros par mois, représentant 46 % de la valeur locative du logement.
• Les ménages logés en HLM n’habiteraient pas le même type de logements s’ils n’avaient pas obtenu de logement social. L’emménagement en HLM permettrait ainsi d’occuper une habitation d’une valeur locative légèrement supérieure. Ce logement serait plus grand, de 2,5 m² en moyenne, mais serait moins souvent une maison et serait situé plus souvent dans un quartier modeste.
• Bénéficier d’un logement HLM améliore le niveau de vie. Les économies réalisées sur le loyer ont permis aux ménages concernés d’augmenter leur consommation hors logement et leur épargne d’un montant évalué à 227 euros par mois.
• L’avantage HLM en termes de loyer est plus important en Île-de-France et équivaut à 394 euros par mois, soit 53 % de la valeur locative du logement. Les locataires HLM de région parisienne habitent des logements d’une valeur locative supérieure à ceux qu’ils occuperaient dans le secteur privé, plus grands de 10,7 m², mais situés dans des quartiers nettement plus modestes.
• Le logement social ne bénéficie pas qu’aux ménages modestes. Les ménages aisés logés dans le parc social sont certes plus rares, mais ils habitent des logements pour lesquels l’économie de loyer est plus importante.

Par ailleurs, alors que la rente immobilière a explosé en France ces dernières années (la richesse immobilière privée est passée de 2 années de revenu national à 4 années de revenu national entre 1980 et 2010) et que les résidences secondaires se concentrent principalement entre les mains des 10 % les plus riches (qui possèdent par ailleurs 60 % du patrimoine total), le gouvernement choisit d’abaisser la fiscalité sur les plus-value immobilières par des exonérations fiscales significatives touchant aussi bien l’IR que la CSG (6 % par année de détention au-delà de la sixième année et exonération complète au-delà de 22 ans). Les effets anti-redistributifs de ce type de mesures seront vraisemblablement désastreux.

Lutter contre le néo-libéralisme
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« Pour un débat public sur la santé ! » : importance d'un appel

par ReSPUBLICA

 


L’appel ci-dessous est d’une grande importance. S’il ne résout pas tous les problèmes nés des politiques néolibérales et du mouvement réformateur néolibéral qui lui est attaché, il fait franchir un cran dans la prise de conscience. Alors que le livre Contre les prédateurs de la santé écrit par Catherine Jousse, Christophe Prudhomme et Bernard Teper fut le premier livre qui engagea une réflexion critique contre les complémentaires santé, cette pétition est la première réaction publique d’envergure.
Il faut en mesurer l’importance quand on sait que les mutuelles étaient dans les années 80 majoritairement dirigées par des socialistes et minoritairement par des communistes. Cela avait eu comme conséquence que René Teulade, leader de la Mutualité française, soit nommé ministre de la santé. Et comme autre conséquence que l’ensemble de la gauche politique fasse le black-out sur toute critique contre les mutuelles présentée comme des organisations de gauche.

Cerise sur le gâteau, c’est un gouvernement « d’union de la gauche » incluant des socialistes et des communistes, le gouvernement scélérat de Lionel Jospin qui, en 2001, cédera aux injonctions de l’Union européenne en transformant le Code de la mutualité en code assurantiel. La totalité des mutuelles naguère socialistes et la majorité des mutuelles naguère communistes ont rejoint durant cette période le camp du néolibéralisme. La transformation scélérate du code en 2001 fut la mesure qui a accéléré ce phénomène démarré une quinzaine d’années plus tôt.
Aujourd’hui, la très grande majorité du mouvement mutualiste, alliée aux Instituts de prévoyance des amis de Guillaume Sarkozy (le frère de qui vous savez) et à la fédération Medef des assurances privées multinationales au sein de l’Union nationale des organismes complémentaires à la sécurité sociale (UNOCAM), est une machine qui travaille contre la sécurité sociale solidaire.

Il est donc temps de nettoyer les écuries d’Augias pour pouvoir mieux travailler à un projet alternatif de transformation sociale. Le livre et la pétition y contribuent chacun à sa manière.

Pour un  débat public sur la santé !

Les Français dépensent 12 % de la richesse nationale (PIB) pour se soigner, comme les Hollandais, les Suisses, les Canadiens ou les Allemands. La Sécurité sociale a eu pour ambition pendant un demi-siècle de permettre aux malades d’être soignés sans qu’il ne leur en coûte (trop) tout en cotisant en fonction de leurs ressources. Depuis une décennie, au lieu de renforcer  la lutte contre les dépenses injustifiées et de donner un nouvel élan au service public de l’assurance maladie, le choix a été fait de transférer progressivement  la prise en charge des soins courants (c’est-à-dire hors hospitalisation et hors affections de longue durée ALD) vers les assurances dites « complémentaires » (mutuelles, institutions de prévoyance et assureurs privés à but lucratif). Aujourd’hui, la Sécurité sociale ne rembourse plus qu’environ 50 % des soins courants et bien moins encore pour les soins d’optique, dentaires et d’audioprothèses. Si l’on poursuit dans cette voie, la protection sociale ne prendra bientôt plus en charge que les patients les plus démunis et les malades les plus gravement atteints.

Nous sommes en train de passer, sans débat démocratique, d’une logique de prise en charge solidaire pour tous à une logique d’assistance pour les plus pauvres et d’assurance pour les plus riches.

Or les assurances complémentaires sont :

- moins égalitaires, leurs tarifs varient selon la « gamme » des prestations remboursées et sont plus élevés pour les familles et les personnes âgées,
- moins solidaires, le plus souvent leurs primes n’augmentent pas en fonction des revenus des assurés
- plus chères, leurs frais de gestion dépassent souvent 15 % des prestations versées, contre moins de 5 % pour la Sécurité sociale.

De plus, les contrats collectifs d’entreprise, réservés à certains salariés, bénéficient d’exonérations d’impôts et de cotisations sociales, qui coûtent aujourd’hui plusieurs milliards d’euros à l’Etat et à la Sécurité Sociale, et demain plus encore à la faveur de l’accord national interprofessionnel (ANI) de 2013, quoi que l’on puisse penser de cet accord par ailleurs.

Les usagers et les professionnels de santé se mobilisent pour arrêter cette dérive qui sonne le glas de notre Sécurité sociale universelle et solidaire, et contribue à creuser les inégalités sociales de santé. Nous demandons que s’ouvre un large débat citoyen, suivi d’un vote solennel de la Représentation nationale, sur le choix entre le financement des dépenses de santé par la Sécurité sociale ou par un assureur privé dit « complémentaire ».

Appel lancé à l’initiative de François Bourdillon, Mady Denantes, Anne Gervais, Bernard Granger, André Grimaldi, Anne Marie Magnier, Martial Olivier-Koehret, Frédéric Pierru, Didier Tabuteau.

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Combattre le discours néolibéral de l’espérance de vie

par Didier Brisebourg

 

Les contre-réformes des retraites sont motivées par un discours qui affirme : « on vit plus longtemps, donc on doit travailler plus longtemps ». Cet argument passe sous silence les considérables gains de productivité qui pourraient être consacrés entièrement aux cotisations retraites, passe sous silence aussi le coût du capital, mais là n’est pas l’objet de mon message.
Non, il s’agit d’examiner cette affirmation centrale de l’allongement de la durée de vie.
Eurostat est un organisme de l’Union européenne qui fait des statistiques, un peu comme l’Insee en France. Ce n’est évidemment pas un repère d’opposants au capitalisme, c’est un organisme des plus officiels. Or que nous dit Eurostat ?
L”espérance de vie en bonne santé a baissé en moyenne, toutes catégories sociales confondues, en UE de 62,6 ans en 2007 à 62,2 ans en 2011.
- elle a baissé en Grèce de 67,4 à 66,9.
- en France de 64,4 à 63,6.
- à Chypre 62,9 à 61,4, etc.
Elle a augmenté légèrement en Allemagne de 58,6 à 58,7, mais on sait par ailleurs qu’en Allemagne, il y a une baisse de l’espérance de vie des plus pauvres.

Si on s’intéresse maintenant à l’espérance de vie en bonne santé à partir de 65 ans mesurée à la naissance, on constate la même tendance :

- elle a baissé en moyenne en UE pour les femmes de 9 à 8,6 ans,
- en Allemagne de 7,7 à 7,3
- en Grèce de 9,5 à 7,8
- en Espagne de 10,1 à 9,2
- à Chypre de 7,4 à 5,8
- aux Pays-Bas de 12,2 à 9,9
- elle a stagné en France à 9,9.

Ceci signifie, en clair :
- que l’espérance de vie des adultes qui ont eu 65 ans entre 2007 et 2011 a continué à augmenter en moyenne,
- que c’est l’espérance de vie en bonne santé à partir de 65 ans des nouveaux nés entre 2007 et 2011 qui a baissé. Il y a donc une dégradation de l’état de santé à la naissance.
La baisse est particulièrement sensible en Grèce, là où la dégradation de la protection sociale a été la plus forte. Il est difficile d’imaginer que les réponses apportées à la crise par les gouvernements n’y sont pour rien.

Ne nous faisons aucune illusion : les détenteurs des capitaux ne veulent pas, n’ont jamais voulu, intégrer les cotisations versés aux retraités, à la protection sociale de manière générale, dans les masses salariales. Ils veulent être les seuls décideurs de la composition de la valeur économique générée par le travail. Seule une opposition résolue pourra les contraindre.

Sources

http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/show.do?dataset=hlth_hlye&lang=fr

http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/table.do?tab=table&init=1&language=fr&pcode=tsdph220&plugin=1

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« Souvenirs d’un appelé anticolonialiste » : J. Tourtaux ou le refus de la guerre d’Algérie

par Mohamed Bouhamidi

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Originaire des Ardennes et issu d’un milieu très pauvre, ouvrier lesté d’un certificat d’études primaires, Jacques Tourtaux sort de l’adolescence en pleine guerre d’Algérie. Fait d’époque, son milieu ouvrier baigne dans l’identité communiste, devenue culture plus qu’appartenance organique, mélange de mémoire des luttes, d’identification sociale et d’humanisation de la misère par l’utopie d’un autre destin humain. Dans ce milieu, on adhère au parti communiste comme on accomplit sa condition sociale et comme on porte l’oriflamme.

Le témoignage de Tourtaux en est une nouvelle confirmation : il a adhéré au parti, comme on le disait, dans une sorte d’évidence qu’il ne pouvait s’agir que du parti communiste après cette seconde et terrible accoucheuse guerre mondiale. Il a adhéré comme on monte en première ligne, comme on se prend en charge, comme on devient adulte, comme on prend sa part du fardeau, comme on s’apprête au don de soi. Il écrit : « C’est tout naturellement que j’ai adhéré au Parti communiste français. » Tout naturellement. Et la suite vient tout naturellement aussi : « Avec des camarades de mon âge, en 1959, nous avons créé un cercle de l’Union des jeunesses communistes de France dont je fus le secrétaire. » D’où le lien direct avec sa réaction spontanée à son ordre de mobilisation : « A deux reprises, j’ai refusé de me présenter aux conseils de révision les 14 mars et 30 juin 1960. » Mais, justement, il baigne dans le milieu social du communisme, cela fait une sacrée différence avec l’organisation, avec l’appareil, avec le « parti ». Il écrit à un proche, pas à la direction de la cellule ou de la « fédé » : « Ma lettre était prête pour De Gaulle. Je lui écrivais mon refus de participer à cette guerre. Je ne voulais pas combattre le peuple algérien. J’ai écrit à un de mes oncles pour lui en faire part. Mon oncle, qui était cheminot, militait au PCF. Il m’a de suite répondu et déconseillé d’écrire à De Gaulle.
Il disait que les sanctions étaient très fortes, que le travail des jeunes communistes était de militer au sein de leur unité contre la guerre. » C’est donc son oncle, pas le parti, qui le guide, et ce fait à lui seul présente un intérêt extraordinaire : les principes léninistes avaient largement débordé les frontières du parti, pour devenir une culture de masse. L’oncle ouvrier cheminot discute avec son neveu ouvrier de la ligne politique, comme s’ils portaient « naturellement », comme le dit Tourteaux, la légitimité de l’appareil. Cela corrige sensiblement les approches académiques, tout en indiquant quel potentiel ce même parti s’est évertué à perdre, puisqu’il va perdre en cours de route ce même Tourteaux qui lui disputera la légitimité de l’identité communiste. Quelle perception de la guerre développaient le milieu ouvrier, le milieu communiste et enfin le parti ? La question doit déjà beaucoup à ce témoignage.

Briser la volonté, briser les hommes

Il viendra donc en Algérie, en février 1961, suivi par sa fiche qui indique ses engagements et ses choix. Première destination, la compagnie d’instruction, sorte de bataillon disciplinaire, mais plus proche de la prison et du bagne que de la mise au pas. Le récit est surprenant de ce monde clos qui livre des appelés aux pulsions perverses des « sous-offs» tortionnaires qui bastonnent les jeunes recrues à coups de manches de pioches, obligent des détenus à faire des réveils sportifs avec des chants nazis, leur font subir des sévices, tous plus vicieux les uns que les autres, sous la haute autorité d’un commandant qui les appelle à rejeter la propagande du PCF et du PCA. Briser la volonté, briser les hommes, bien au-delà de la nécessité du redressement disciplinaire, ne pouvait se faire sans l’existence de ces malades de la torture et de la brutalité pathologique et de leurs fortes racines. La question reste posée de savoir comment l’armée française a pu livrer des conscrits français à des fascistes. Le lecteur a l’impression d’un monde illégal, fonctionnant en dehors des lois ou même de la simple humanité, et d’une sorte de « regard tourné ailleurs » de la hiérarchie militaire et civile. Un monde de l’enfer qu’aucune bonne âme parmi ces responsables ne peut regarder sans y découvrir son côté sombre, ses propres ressorts soigneusement maquillés. Du coup, s’éclairent pour un lecteur algérien quelques sources de la torture, des corvées de bois, du napalm sur les villages, des camps d’internement ou des camps de regroupement; bref, de l’extermination de masse de notre peuple. Aussaresses et Massu étaient tout entiers dans les personnages décrits par Tourtaux, l’adjudant Birr et le commandant qui venait « habiller » le sale boulot en mettant en garde les conscrits contre la propagande anticommuniste. Pourtant, Tourteaux et les communistes n’étaient pas seuls. Au passage, il nous signale la présence de deux séminaristes qui refusaient comme lui de faire cette guerre absurde à notre peuple. Comment et pourquoi tout ce potentiel anti-guerre a mis si longtemps à se manifester sans jamais vraiment se cristalliser et pourquoi une minorité fasciste a pu garder la haute main sur l’armée ? Car, c’était une minorité. La résistance au putsch, perpétré dans la nuit du vendredi 21 au samedi 22 avril, le prouve amplement.
La mémoire de Tourtaux nous permet d’avoir un panorama exceptionnel de la résistance multiforme qui s’organise au cœur de composantes techniques comme l’aviation ou parmi les bidasses avant même l’appel de De Gaulle. Témoignage passionnant par sa précision, par lequel on découvre qu’en fait, les régiments et détachements parachutistes et les légionnaires sont les plus infectés par les mercenaires et par l’idéologie fasciste ou nazie. C’est peut-être les chapitres à lire avec le plus grand soin dans ce livre. On mesure alors pleinement les contradictions qui traversent l’armée française et que seule la méthode du « bagne » d’Oued Smar pouvait contenir au profit du pôle fasciste. On mesure tout aussi pleinement que les luttes politiques anti-guerre ont manqué de la profondeur anticoloniale de principe qui aurait aidé à isoler les factions fascistes et les factieux et empêché l’impulsion socialiste de la guerre, puis sa prolongation gaulliste. On mesure enfin combien l’engagement colonialiste des socialistes et notamment celui de Mitterrand et de Guy Mollet ont pesé du côté des futurs putschistes, mais surtout combien ils ont retardé la cristallisation ou la coalescence d’une conscience française que la guerre d’Algérie était une guerre coloniale. On voit d’un autre œil le procès Jeanson, la lettre des 121 et celle de Sartre.

Réflexion

C’est absolument fascinant de découvrir comment l’armée française, délivrée par le putsch du contexte politique qui pesait sur ses contradictions, les laisse s’exprimer jusqu’au bout, jusqu’à la confrontation et parfois l’affrontement. Il est significatif de noter que les parachutistes et les légionnaires ont exercé un maximum de pressions et d’intimidations pour garder sous contrôle la masse des soldats de carrière, autant que les conscrits. Notons, en outre, ce que le livre de Tourteaux nous pousse à réfléchir. Le manque de détermination de l’appareil du PCF à peser sur les contradictions de l’armée, en vue de les résoudre en faveur de ses courants non fascistes. La révolution léniniste, le communisme comme la Troisième internationale et cette culture léniniste qui baignait Tourtaux étaient nés en rupture avec la gauche. Ce vote des pouvoirs spéciaux inaugurait la longue et souterraine rupture du PCF avec le léninisme et son retour dans cette gauche qui le ramènera dans le giron de la social-démocratie.
Ne serait-ce que pour l’échec de ce putsch, le travail de Tourtaux et des autres mérite une immense considération.  Ils nous auront évité encore plus de souffrances et plus de difficultés. Ils auront en tout cas fait évoluer les contradictions au sein de l’armée française en défaveur des courants fascistes et en les poussant dehors vers leur sinistre OAS.
Sur cette fin de guerre, Tourteaux nous livrera des témoignages précieux sur le fonctionnement interne d’une armée surpuissante qui a enchaîné le travail de destruction sans vaincre notre peuple. Les images qu’il ramène de Mouzaïa sont sans appel. Cette armée française victorieuse des maquis est obligée d’organiser le gardiennage de chaque ferme de colon. Au bout des destructrices opérations Challe, Jumelles, Pierres précieuses, aucun colon n’avait la paix ni l’arrogante assurance du maître. Le maquis n’était pas que dans la montagne. Lisez attentivement. Vous découvrirez sous le simple énoncé des faits cette confirmation d’une fusion du peuple et de l’ALN, qui gardait à ces maquis exsangues et démunis la force d’agir encore et d’inquiéter en cette transition du printemps 1961 vers l’hiver 1962. En tout cas, le combat n’aura pas cessé dans cette zone de la Wilaya IV. Atrocités inutiles, politique systématique de terreur, massacres, ratonnades, expéditions punitives continueront de marquer la fin de cette guerre, qui s’éternise dans sa pourriture.

Telaghma, le camp de regroupement

Tourtaux sera muté dans une base aérienne de sinistre réputation pour les Algériens, Telaghma. Il y sera soumis à toutes sortes de privations, de brimades inutiles, de menaces hors de saison, exposé à des risques sans les moyens pour se défendre. La défaite des putschistes a isolé le courant le plus fasciste, mais a laissé de beaux restes.  Tout cela va en « eau de boudin » derrière les barbelés de la base, des barbelés emprisonnant un peuple en haillons qu’on a regroupé dans un camp, loin de ses terres, de son agriculture, de ses maisons, un peuple que l’armée nourrit au compte-gouttes pour affamer le maquis. Un peuple qui dans cet au-delà de la douleur, qui dans son regard vitrifié sur la mort et le dénuement, partagera la moitié de sa faim avec ses enfants qui courent encore les montagnes. Bien sûr, des êtres cèdent sous ce poids insupportable. Des petits garçons et des fillettes viendront se prostituer pour un sou et Tourtaux entendra la hâblerie graveleuse de ceux qui se sont offert, parfois sans payer, le petit ou la petite.
Tourtaux le répète. Il est un simple ouvrier autodidacte.  Il est communiste, et pour le rester, quitte le Parti communiste français. Il a écrit dans son langage d’ouvrier et de fils du peuple. Impossible de faire de son écriture une coquetterie esthétique pour « salonnards » et donc de le récupérer en en faisant une expérience littéraire dans le style : « Tiens, une bête qui parle ou un ouvrier qui écrit. » Cette écriture ramassée sur les faits en dit beaucoup sur la France et sur l’armée.  Tourtaux est fier de la préface que lui a écrite Henri Alleg. Très fier. C’est la reconnaissance de sa lutte par un lutteur. C’est surtout la reconnaissance d’une ligne de conduite. Il la perpétue en se battant pour faire reconnaître et réparer les traumatismes produits par la guerre et par les traitements inhumains que l’armée lui a fait subir et fait subir à bien d’autres. Il la perpétue en tenant un blog - le blog de Jacques Tourtaux [où l’on trouvera le moyen de se procurer l’ouvrage] - dédié à l’anticolonialisme.