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Pourquoi la stratégie de Syriza est-elle riche d’enseignements ?

par Évariste
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Jusqu’ici la stratégie de la douceur pour faire plier Angela Merkel a échoué. François Hollande pensait que sa victoire électorale dans la deuxième économie de la zone euro lui permettrait d’aller quémander un assouplissement de la politique néolibérale à la chancelière allemande. Un mois après son élection, il acceptait le diktat allemand qui refusait de faire payer ses contribuables. De même Matteo Renzi pensait que sa victoire électorale dans la troisième économie de la zone euro lui permettrait d’aller quémander lui aussi un assouplissement de même nature. Il eut droit à un ridicule plan Juncker. Ce matamore accepta le diktat allemand qui refusait une fois de plus de faire payer ses contribuables.

Alexis Tsipras et de Yannis Varoufakis ne pouvait pas tenter une troisième fois d’engager la stratégie de la douceur car l’économie de la Grèce est encore moins forte que celle de la France et de l’Italie. A noter que ce ne sont plus les banques qui sont majoritaires dans la masse des créances grecques, mais les institutions européennes et donc les Etats de la zone euro1. D’autre part, l’économie grecque est, selon le ministre grec des finances Yannis Varoufakis, « aux abois » car les échéances des remboursements des dettes sont proches (cet été pour la BCE).

Et comme la majorité de Syriza a donné au congrès de 2013 un mandat de renégociation et de volonté de restructuration de la dette(les partisans de la sortie de l’euro et de l’Union européenne étant minoritaires), Alexis Tsipras et Yannis Varoufakis ont engagé la dernière possibilité qui leur reste, après les échecs(on peut se demander cependant si leur alignement face à la chancelière n’était pas prévu d’avance !) en rase campagne de Hollande et de Renzi, celle d’engager la stratégie du faible au fort, c’est-à-dire d’entrer dans une rude confrontation avec les autorités allemandes et celle de la BCE. Rappelons que Draghi qui est le directeur de la BCE, ancien de Goldman Sachs, est quelque peu comptable des faux bilans fournis par la Grèce sous les conseils de Goldman Sachs lors de leur entrée dans l’euro2.

Voilà pourquoi Yannis Varoufakis a rejeté d’un revers de main les 7 milliards d’euros que la Grèce devait recevoir selon l’accord accepté par l’ancien président grec. « Aux abois » car comme la dette grecque est de plus de 300 milliards d’euros dont certaines échéances sont proches, les 7 milliards ne permettent pas à l’exécutif grec de répondre au choix des électeurs grecs.

La BCE, institution de la lutte des classes au service de l’oligarchie, a, pour satisfaire les néolibéraux allemands (voir plus loin dans le texte), supprimé l’avant-dernier moyen de financer les banques grecques sur le marché secondaire des titres. Les banques grecques ont, encore, jusqu’au 28 février seulement, dernier délai, la possibilité d’utiliser la procédure ELA de la liquidité d’urgence. Il y a donc le feu au lac !

Alors que peut-il se passer ?

D’abord, la Grèce est au bord du défaut de paiement. Si la BCE met ses menaces à exécution, la Grèce est obligé de sortir de la zone euro en catastrophe, réimprimer une monnaie nationale avec des conséquences sociales immédiates et traumatisantes pour le peuple grec.

Mais cela entraînera aussi une nouvelle crise dans la zone euro. Finie l’irréversibilité de l’euro : les investisseurs changeront de politique sur les marchés en réévaluant le risque sur l’euro. Et là, il faudra payer la note de la politique d’assouplissement quantitatif (en langage populaire cela veut dire « politique de la planche à billet », c’est-à-dire de la création monétaire sans contrepartie) que la BCE mène depuis plusieurs années qui a produit une bulle financière qui pourrait alors éclater ! Les pompiers pyromanes de l’Union européenne avait alors prévu d’utiliser un programme d’opérations monétaires sur titres (OMT) pour essayer de mettre un terme à la crise. Ce programme prévoit la possibilité pour la BCE d’acheter sans limites des emprunts d’Etat d’une maturité de 1 à 3ans des pays en difficulté ayant fait appel à l’aide tout en acceptant des conditions. Mais patatras, suite à la contestation de 35.000 citoyens allemands, la cour constitutionnelle de Karlsruhe a jugé que le programme OMT outrepassait les pouvoirs de la BCE. Le différend a donc été soumis à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Pour l’instant, ce système a donc du plomb dans l’aile. Un nouvel éclatement de la crise systémique est donc toujours possible possible. Le renforcement des partis eurosceptiques serait alors accéléré. Mais en France, comme l’Autre gauche n’est malheureusement pas à la hauteur des enjeux , ce sera principalement l’extrême droite qui sortira renforcée comme dans les années 30 (voir nos nombreux articles sur ce sujet et ci-après).

Il est donc probable que la négociation aura bien lieu. Et alors, tout dépend alors du résultat de la négociation. Une restructuration faible mécontentera les électeurs de Syriza et renforcera l’extrême droite. Une restructuration forte fera payer les contribuables des pays européens à commencer par l’Allemagne. Pour l’instant, cela n’en prend pas le chemin.

Alors que les thuriféraires de l’ordolibéralisme nous faisaient croire que la sortie de crise était proche, le réel est donc revenu au galop. Le risque est aujourd’hui plus grand d’avoir une sortie de crise à chaud par l’éclatement de la crise systémique. Là encore, nous voyons que la plupart des « économistes atterrés » et pour certains atterrants, que la plupart des responsables de l’Autre gauche, englués dans la vision de la possibilité d’un euro social, sont pris à contre-pied par l’actualité.

D’autant, que les années 30 en Europe ou les années 70 en Amérique latine et en Italie ont montré que les dirigeants du capitalisme ont toujours la possibilité d’utiliser des forces non conventionnelles tels qu’assassinats, stratégie de la tension, ou développement de l’extrême droite. Il faudrait alors qu’une gauche de gauche soit à la hauteur des enjeux !
En attendant, nous devons soutenir la politique de Syriza et surtout développer les initiatives d’éducation populaire3 pour aider à la prise de conscience populaire qui seule peut renverser la table!

A lire :

Notes :

  1. Sur 320 milliards d’euros de dette publique grecque, 32 milliards sont détenus par le FMI, 141,8 milliards par le Fonds européen de stabilité financière (FESF) et donc par chaque Etat au prorata de leur importance, 27,7 milliards par la BCE, 53 milliards par des États européens ayant accordé des prêts bilatéraux. []
  2. Le « conseil » de Goldman Sachs a été de dissimuler une partie de la dette grecque par des « swaps » qui sont des titres hors bilan. Par ailleurs, Goldman Sachs « conseillait » ses autres clients d’acheter des CDS (assurances contre une faillite sans être obligé d’acheter les titres correspondants). []
  3. Pour vos initiatives, vous pouvez utiliser les intervenants du Réseau Education Populaire (REP) ]
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Le spectre des années 30 se rapproche

par Bernard Teper
Co-animateur du Réseau Éducation Populaire (REP). Co-auteur de : Néolibéralisme et crise de la dette ; Contre les prédateurs de la santé ; Retraites, l'alternative cachée ; Laïcité: plus de liberté pour tous ; Penser la République sociale pour le 21e siècle ; Pour en finir avec le "trou de la Sécu", repenser la protection sociale du 21e siècle.

 

Dans la quatrième circonscription du Doubs, le Front national fait 49 % au deuxième tour. La digue entre l’UMP et le FN est rompue. Ce cataclysme a entraîné le mutisme des dignitaires de l’UMP. Toutes les forces politiques reculent sauf le FN. Quant au score de l’Autre gauche qui fut une alliance des partis du Front de gauche avec le NPA et le MRC. Cela fait 3,6 % ! Si après cela, les militants et les dirigeants de l’Autre gauche ne se remettent pas en question, c’est qu’ils se satisfont d’être uniquement des sentinelles sans efficacité.

Que s’est-il passé dans les années 30 ? Après la crise de 1929, aucune force politique n’a été capable de résoudre cette crise. Ce sont les destructions de capital de la guerre 39-45 qui ont résolu cette crise. A quel prix ! Et c’est le patronat allié avec l’église dominante qui a permis l’alliance de la droite et de l’extrême droite en Allemagne d’abord et en France ensuite.

Où en est-on aujourd’hui ? Qui résoudra la crise de 2007-2008 ? Déjà pas ceux qui la nient ou qui disent que c’est surmonté ! Ni les néolibéraux de droite ou de gauche qui sont co-responsables avec le patronat des politiques d’austérité qui augmentent la misère, la pauvreté, le travail précaire, les inégalités sociales de toutes natures,etc. Ni l’Union européenne dont le but est de maintenir des hauts taux de profits à l’oligarchie. Ni la zone euro qui est actuellement un euromark. Ni l’extrême droite qui, comme d’habitude, attend le soutien du patronat qui poussera alors à une alliance entre l’extrême droite et une partie de la droite néolibérale « relookée » pour engager une nouvelle stratégie du choc. L’Autre gauche (Front de gauche et consorts) continue actuellement sur une stratégie perdante qui la marginalise. Pourtant, il ne suffit pas de se dire solidaire de Syriza, il faudrait comprendre en quoi la stratégie de Syriza est contradictoire avec l’actuelle stratégie du Front de gauche (et de l’extrême gauche) comme le montre la dernière chronique d’Evariste. Répondre aux besoins immédiats de ceux qui souffrent, pratiquer l’éducation populaire pour mener la bataille de l’hégémonie culturelle (ce que ne fait aucun parti français de l’Autre gauche), et refuser toute alliance avec les néolibéraux et l’extrême droite qu’elle soit politique ou religieuse, est aujourd’hui une nécessité stratégique. Auquel nous rajoutons car nous sommes en France après les assassinats des 7, 8, 9 janvier, le nécessaire combat contre le déficit de laïcité car on ne peut pas faire comme si ces assassinats n’avaient pas eu lieu. Si tout cela était acté, il restera alors le débat sur la ligne politique (rapport à l’UE, à l’euro, promouvoir la démocratie ou pas y compris dans l’entreprise, globalisation des combats laïques, sociaux, écologiques, féministes, débats institutionnels, école, services publics, protection sociale, etc.).

Mais disons le tout fort, le débat sur la ligne politique n’a aucune efficacité s’il ne s’appuie pas sur une stratégie claire – ce qui n’est pas le cas actuellement en France. C’est d’abord cela qui manque à l’Autre gauche.

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Podemos : analyse d'un phénomène politique de masse

par Florent Marcellesi

 

Note de l’auteur : Ces notes ont été écrites afin d’apporter aux Verts quelques éléments de réflexion et une grille de lecture sur Podemos, le nouveau phénomène politique de masse en Espagne. Étant donné la grande volatilité de la situation politique en Espagne et du flou qui entoure encore certains aspects de Podemos (parti en construction), certaines dynamiques et remarques évoquées peuvent évoluer très rapidement.
Florent Marcellesi, porte-parole d’EQUO au Parlement Européen. Janvier 2015.

Podemos, le Yes We Can espagnol contre la caste

A bien des égards, il faut se réjouir que le ras-le-bol s’exprime en Espagne au travers de Podemos —qui est dans le groupe de gauche unitaire au Parlement Européen— plutôt que dans l’extrême-droite.
Car Podemos c’est un coup de balai dans la politique et le système corrompu espagnol. C’est un synonyme d’espoir face à une élite renfermée sur soi-même et insensible aux souffrances de la majorité. L’impressionnante mobilisation des Indignados de la Puerta del Sol d’ailleurs s’était abîmée dans le refus d’entrer dans le jeu politique au moment des élections générales, rendant plus tragique encore l’arrivée au pouvoir de Rajoy et du PP, élus par défaut sur un programme d’austérité et de coupes sombres dans l’éducation et la santé. La force de Podemos repose aussi sur ce raté : ils ont su représenter les attentes des indigné-e-s et catalyser leur hégémonie culturelle (les indigné-e-s avaient la sympathie de plus de 80% des espagnol-e-s) pour la transformer en hégémonie politique autour de nouveaux axes. Ainsi, Podemos (qui refuse de se situer sur un axe gauche-droite) se présente comme le « neuf » contre le « vieux », la « démocratie » contre la « dictature », le « peuple » contre la « caste ». Le « bipartisme » tremble et pourrait bien tomber… pour faire place à un tripartisme (Podemos, PP, PSOE).
C’est effectivement le « Yes, we can » à l’espagnole, qui s’est d’ailleurs appuyé sans réserve sur les techniques électorales d’Obama et des publicitaires américains : 1) raconter une histoire, 2) être bref, 3) faire de l’émotionnel.
Pour rendre possible ce Yes We Can espagnol, le rôle de la télé a été fondamental. C’est là que Podemos, à travers Pablo Iglesias, conquiert ses lettres de noblesse et sa popularité, chaque intervention à la télé étant préparée au millimètre près. Ce n’est qu’ensuite que Podemos commence à utiliser de façon massive les réseaux et la mobilisation dans la rue pour créer une rétroalimentation terriblement puissante entre mass média-internet-rue.
A mi-chemin entre un parti structuré et l’explosion mouvementiste, Podemos reste tout de même un OVNI politique difficile à définir :
– Malgré leur rejet de l’axe droite-gauche, il se retrouve identitairement dans la gauche radicale européenne comme par exemple au Parlement Européen, s’identifiant volontairement très fortement à Syriza (alors que structurellement, historiquement et idéologiquement Syriza ressemble bien plus à Izquierda Unida en Espagne ou le Front de Gauche en France).
– Ils séduisent un électorat populaire semblable à celui qui vote Front National et UKIP, c’est-à-dire qui se retrouve non pas dans un discours de classe mais plutôt dans un discours de type « ancien régime » orienté autour du peuple contre l’élite. Bien évidemment, ils s’en séparent en se reconnaissant comme les héritiers de la lutte anti-fasciste. Notons d’ailleurs qu’en Espagne, le « PPSOE », équivalent de « l’UMPS », est un héritage des Indignados.
– Ils reprennent bien des éléments de démocratie 2.0 de Beppe Grillo et ses 5 Stelle en Italie (utilisation des réseaux, d’internet, etc.).
– C’est l’histoire d’une évolution à grande vitesse d’une vision de gauche populiste et radicale latino-américaine à un pari clair et net pour la social-démocratie rénovée style nordique Suède ou Danemark (leurs nouvelles références).
Une donnée intéressante sur Podemos ((http://www.eldiario.es/politica/ENCUESTA-cuarta-Podemos-procede-PP_0_326868090.html) : un quart de ceux et celles qui veulent maintenant voter Podemos étaient des électeurs du Parti Populaire (c’est-à-dire de la droite espagnole) ! L’autre quart venant du PS espagnol et 15 % d’Izquierda Unida. Ni de gauche, ni de droite, ce n’est plus un slogan et un objectif pour Podemos, c’est devenu un fait : ils ont réussi leur pari de « transversalité ».

Podemos, caractéristiques et organisation d’une machine à gagner les élections.

Podemos, c’est avant tout une machine électorale à prendre le pouvoir. Depuis son assemblée constituante (qui s’est finie le 15 novembre), Podemos est même désormais une structure officiellement hiérarchique, centralisée et basée sur l' »hyper-leadership » d’un leader charismatique.
Création « d’en haut » (top-bottom), par cinq universitaires d’origine marxiste et férus de Gramsci et Laclau, les « cercles » (« círculos », c’est-à-dire leurs assemblées locales) ne jouent qu’un rôle subalterne au niveau national : ils peuvent se réunir, débattre mais les décisions se prennent au sommet. Illustration éloquente, une des premières décisions de Pablo Iglesias comme secrétaire général du parti, fut de confier la rédaction de la première version du programme économique à des experts, un « gouvernement des meilleurs » (et pas un travail des adhérents, militants ou followers).
Aujourd’hui le « courant » de Pablo Iglesias contrôle 100 % de l’organisation nationale. Grâce aux règles que son équipe a réussi à imposer, sa liste s’est accaparée la totalité des représentants au sein de son conseil fédéral (« consejo ciudadano« ) et c’est Iglesias qui a bien sûr été élu « secrétaire général » (unique, car la désignation de co-porte-paroles est considérée comme inefficace). De plus, c’est aussi lui qui a désigné les 15 membres du bureau exécutif ; qui seront ensuite acceptés par le « consejo ciudadano » entièrement sous contrôle. Cerise sur le gâteau, le conseil statutaire est aussi composé à 100% de fidèles. Plus d’info : ici.
Au niveau local, même si l’emprise du courant majoritaire est un peu moins forte, seules quelques villes sont tombées dans les mains du secteur critique (mais pas les places fortes et plus grandes villes). Au niveau régional, les deux exceptions sont l’Andalousie et Aragón, principalement du fait de la présence de deux des eurodéputés les plus en vue comme têtes de liste (Teresa Rodríguez et Pablo Echenique). Conclusion, en terme de pluralisme et de démocratie interne, Podemos n’est pas vraiment à la pointe du renouvellement de la forme-parti.
Mais quel impact : en externe comme en interne Podemos est un véritable rouleau compresseur. L’hégémonie, que cela soit dans le sillage de Gramsci ou de Laclau, se traduit aussi par un manque de respect de la diversité et pluralité.
Forte exigence de démocratie réelle (« democracia real ya« ) mais omniprésence et besoin d’une figure charismatique. Refus des pouvoirs établis, méfiances envers les partis établis, mais enthousiasme et soutient pour cette forme collective qui se construit comme un parti politique centralisé. Cette contradiction n’apparaît pas rédhibitoire aux membres de Podemos. On retrouve là l’un des paradoxes de la participation politique que le mouvement 5 Stelle présentait déjà : des internautes qui se sentent partie prenante d’un mouvement collectif parce qu’ils ont cliqué sur un bouton « j’aime » quelque part. C’est une sorte d’appartenance collective provisoire qui se nourrit du sentiment de liberté individuelle. Car pour être votant à Podemos, il suffit de remplir le formulaire sur internet ; aucune cotisation n’est exigée. Lors des votes il y a un peu plus d’un mois des documents politiques et d’organisations, avaient voté 112.000 personnes sur un total d’environ 200.000 inscrits (soit 55 %). Pour élire les instances dirigeantes, ont voté 107.000 personnes sur environ 250.000 (soit 43 %). Pour élire les exécutifs locaux ont voté 85.000 votants (soit 34,25 %).
Notons d’ailleurs, que ce qui est important avec ce centralisme e-démocratique (au-delà de quelques espaces e-collaboratifs), c’est que ce ne sont pas les « cercles » (là où on débat, on change d’avis selon les arguments, etc.) qui ont le plus de pouvoir mais la « démocratie en ligne » où des gens isolés les uns des autres et qui suivent Podemos principalement au travers de la télé et maintenant aussi des réseaux, votent avant tout les documents et propositions du « leader ».
Mais derrière ce renouveau du parti de masse dématérisalisé, question programme, Podemos ressemble en fait de plus en plus à un « PSOE 2.0″ (le PSOE étant le PS en Espagne). Une nouvelle social-démocratie qui retrouverait sa radicalité des années 80, sa pureté loin de la corruption de ses cadres et qui introduirait en plus internet pour tous ses votes en ligne. D’ailleurs, Podemos revendique maintenant clairement de faire de la « vraie social-démocratie ». Leur programme (où depuis les élections européennes le « revenu universel » est devenu « RMI », la retraite à 60 passée à 65 ans, etc.) se rapproche de plus en plus de celui d’un candidat social-démocrate européen moyen (il y a donc évidemment des propositions avec lesquelles les écologistes seront d’accord). L’objectif est clair : remplacer le PSOE sur l’échiquier politique, offrir un visage pragmatique et « transversal » capable de séduire l’électorat du centre-gauche et du centre voire au-delà et remporter la mise aux élections législatives de 2015.

Et sur l’écologie ?

En ce qui concerne l’écologie,1

Sur le référendum catalan

Podemos a gardé un profil bas sur le référendum catalan et se retranche derrière le « droit à décider » de la Catalogne en déclarant qu’ils préfèrent que la Catalogne reste dans une « Espagne plurinationale » (concept qu’ils empruntent à la Bolivie). Ils n’ont pas trop communiqué autour du sujet avant la consultation du 9 novembre et ont des personnes de poids qui s’expriment de façon opposées dans les médias. Un article dans El País là-dessus : ici. Les indépendantistes ne les voient pas vraiment comme des alliés (voir ici ou ici) ce qui est logique, car ils ne viennent pas de l’axe souverainisme vs centralisme mais « caste » vs « peuple » ; et la caste c’est aussi (à raison) une grosse partie du souverainisme catalan (Pujol et CiU). Ne s’inscrivant pas dans cette axe de lutte aujourd’hui dominant en Catalogne, il sera très intéressant d’y suivre leur trajectoire et évolution (les sondages leur donnent pour l’instant de bonnes perspectives) d’ici aux élections catalanes de fin septembre 2015, c’est-à-dire dans un environnement socio-politique a priori plus difficile que dans le reste de l’Espagne.

Podemos, une stratégie électorale hégémonique

Au niveau national (élections en théorie en novembre 2015), Podemos souhaite conquérir « l’hégémonie politique » en solitaire. En d’autres termes, Podemos ne veut de coalition avec personne et ainsi obtenir la majorité absolue seuls (avec le système électoral espagnol, c’est un peu plus de 40% des voix… pour l’instant ils sont entre 25% et 35%). Leur méthode : ni gauche, ni droite, il faut « occuper la centralité de l’échiquier ».
Au niveau régional (la plupart aura lieu fin mai sauf Andalousie -en mars-, en Catalogne -septembre 2015-, Pays Basque et Galice), c’est une stratégie semblable à l’antérieure (et votée à l’échelon espagnol).
Au niveau municipal (fin mai), c’est un peu différent. Podemos a décidé de ne se présenter nulle part en tant que tel (pour ne pas prendre de risque de dévaluer leur « marque ») mais laisse libre ses cercles pour se présenter sous d’autres formes. En particulier, il y a un mouvement de « candidatures citoyennes » très intéressantes qui s’appellent les « Ganemos » —ou Guanyem en Catalogne— où se retrouvent pêle-mêle Podemos, Izquierda Unida (IU) et Equo. Dans certains cas, ces trois partis se présenteront ensemble (comme à Barcelone ou Madrid), dans d’autres cas juste Podemos et Equo, dans d’autres juste Equo et IU (et Podemos tout seul ou sans candidatures)… mais aucune liste n’aura Podemos et IU en tête à tête.

Pour conclure : une leçon de communication politique avec Podemos

Le philosophe qui inspire le groupe de professeurs qui ont créé Podemos, c’est Ernesto Laclau, penseur argentin mort récemment à Séville et auteur entre autres de « La raison populiste ».
Pour Laclau, le populisme n’est ni bon, ni mauvais en soi, il peut être fasciste ou progressiste – et pourquoi pas écologiste (cf. Dick Pels What’s wrong with Green populism?). Selon Laclau, le populisme peut surtout se convertir en puissant instrument démocratique en cas de crise de représentation car il est capable de récolter la chaîne de demandes des citoyens. Même si, notons bien, il n’en récolte aucune en particulier mais bien plus toute dans leur globalité…
Pour cela comme premier élément fondamental, Laclau défend l’utilisation des « signifiants vides », c’est-à-dire des « mots-valises ». C’est-à-dire des concepts fourre-tout qui ont la capacité de pouvoir être le récepteur d’attentes extrêmement disparates. C’est ce que Podemos fait en utilisant des mots valises comme « caste », « peuple », « patrie », etc. Le contenu n’y est pas important (d’ailleurs il faut éviter de trop concrétiser), ce qui est important c’est que chacun puisse s’y refléter à sa manière.
2ème élément fondamental : l’incarnation. Laclau défend que « les gouvernants se transforment en symbole des gouvernés, mais en même temps les gouvernés créént les fondements pour la constitution de ce leader ». Podemos a fait de même : chercher au maximum l’identification du peuple avec un leader, le leader incarnant le peuple (de façon très pratique les bulletins de vote de Podemos aux européennes n’avait pas le logo du parti mais le visage de Pablo Iglesias).
3ème élément fondamental : l’hégémonie. Le leader étant le peuple, le leader ne peut souffrir aucune contestation (sinon c’est le peuple que l’on remettrait en question…). La critique et la dissidence ne sont donc pas bien vues. En pratique cela signifie
1) que celui qui critique le leader ou le parti est forcément de la « caste » (c’est du binaire : avec ou contre moi)
2) on demande lors du congrès interne que ceux et celles qui perdent le congrès n’aspirent à aucun poste en interne
3) Cela donne une structure nationale à 100 % unicolore : l’hégémonie n’aime pas trop la pluralité.
Podemos est non seulement un phénomène politique de masse mais aussi un phénomène de communication politique.

  1. Sur le programme économique de Podemos, je recommande de lire l’analyse de Jean Gadrey: « Podemos, bien sauf sur la transition écologique » : ]
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Un scandale

par Jacques Sapir
Économiste, Directeur d’études à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales

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Le gouvernement polonais veut donc organiser le 27 janvier la commémoration de la libération du camp d’Auschwitz sans inviter Vladimir Poutine. C’est son droit. Il veut commémorer cela avec le gouvernement ukrainien, sans doute en mémoire des deux à trois mille volontaires ukrainiens qui aidèrent les nazis sur ce seul site (et bien plus ailleurs). C’est son droit. Mais qu’il assume alors l’énormité de son acte. Nous savons bien que ce n’est pas le peuple polonais qui s’exprime par la bouche de ce gouvernement. Qu’il ne le camoufle pas sous des prétextes divers.

La justification présentée par le ministre polonais des affaires étrangères est stupéfiante mais aussi très révélatrice. Il prétend qu’Auschwitz aurait été libéré par « des troupes ukrainiennes ». On ne sait ce qui doit le plus retenir l’attention : l’énormité du mensonge ou l’impudence avec laquelle il fut prononcé.

Auschwitz (Osewiscim) fut libéré par des hommes de la 332e Division d’Infanterie de l’Armée Rouge, appartenant au « 1er Front d’Ukraine ». Il faut savoir que dans l’organisation adoptée par l’Armée Rouge, un « Front » désigne un groupe d’armées chargé d’opérer sur une « direction stratégique ». Le 1er Front d’Ukraine était le nom du groupe d’armées qui avait combattu en Ukraine et qui, de là, remontait vers la Pologne. Ce n’était nullement une désignation « ethnique ». Cela, tout historien le sait. Les survivants furent traités par des médecins soviétiques, venus en toute hâte de Leningrad, car ils avaient le savoir-faire pour traiter les personnes dénutries.

Il sait aussi que les troupes du 1er Front d’Ukraine (2e armée de tanks, du général Bogdanov) avaient libéré le 25 juillet 1944 le camp de Maïdanek, découvrant l’horreur de l’extermination systématique et industrielle qui caractérise le nazisme.1 Les principaux correspondants de guerre soviétiques, Vassily Grossman (auteur de « vie et destin), Konstantin Simonov (auteur de Les Vivants et les Morts), Boris Gorbatov et Evgeni Kryler se rendirent les lieux. Leurs articles firent la une des quotidiens soviétiques. Mais, il fallut attendre avril 1945, que les anglo-américains découvrent à leur tour Bergen-Belsen et les camps situés à l’ouest, pour qu’on leur accorde un quelconque crédit. Simonov témoignera devant la commission d’enquête russo-polonaise2.

Rien ne justifie les mensonges du gouvernement polonais. Mais, sa complicité avec le gouvernement de Kiev, au sein duquel on trouve, hélas, les descendants idéologiques des Ukrainiens qui se sont associés aux Nazis l’explique.

L’ensemble des dirigeants de l’Europe devrait le dire haut et fort et refuser de participer à ce qui n’est plus une commémoration mais une mascarade. Si François Hollande se rend à Auschwitz, dans ces conditions, qu’il sache qu’il salit alors son nom et celui de la France.

Le 25 janvier 2015

  1. Note de la rédaction de ReSPUBLICA : Les vainqueurs n’ont pas découvert l’horreur des camps en janvier, les soldats peut-être, pas les dirigeants. Les bons historiens savent que les alliés de l’Ouest et les soviétiques savaient depuis longtemps, des années, ce qu’il s’y passait, mais qu’ils ont « priorisé » la victoire, ayant considéré que vaincre rapidement Hitler était le moyen le plus efficace de protéger les juifs. []
  2. Simonov K., Maïdanek – un camp d’extermination, suivi du Compte rendu de la commission d’enquête polono-soviétique, Éditions Sociales, Paris, 1948. []
Brèves
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Pour que vive la MJC-Centre Social de Chilly-Mazarin

par un collectif

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Pourquoi c’est important

La MJC-Centre Social « Gérard Blotnikas » est un lieu associatif d’échange, de formation et de diffusion que plusieurs générations d’adhérents, de bénévoles, de spectateurs ont investi depuis cinquante ans.
L’agrément « Centre Social » de la CAF lui permet, depuis 2009, de proposer plus largement ses activités familles.
Nous, signataires, tenons à affirmer notre attachement à l’existence sur le territoire de la commune de Chilly Mazarin d’une structure ouverte à tous, offrant une programmation et des activités à des tarifs accessibles, qui fonctionne avec une grande amplitude horaire et développe de nombreux projets et partenariats visant à renforcer le lien social.
Nous sommes opposés à une destruction dans l’urgence du bâtiment mis à disposition de la MJC-CS. Même si d’importants travaux s’avéraient nécessaires, ils devraient être menés en concertation avec les personnels et les usagers et n’être prétexte ni à l’arrêt d’activités, ni à des pertes d’emplois, ni à une remise en cause des projets que mène l’association.
Nous exigeons le maintien d’une convention entre la ville et la MJC-CS qui lui permette, tant par la mise à disposition de locaux que par les moyens financiers alloués, de poursuivre son action sur le territoire en toute sérénité.
Nous estimons que dans cette période troublée, le rôle éducatif et social du secteur associatif est plus que jamais essentiel au mieux-vivre ensemble.

Le collectif d’adhérents, usagers et sympathisants de la MJC-Centre Social

Voir aussi : L’avenir incertain de la MJC de Chilly-Mazarin

Lien vers la pétition : https://secure.avaaz.org/fr/petition/Aux_membres_du_Conseil_Municipal_de_ChillyMazarin_Pour_que_vive_la_MJCCentre_Social_de_Chilly_Mazarin/?cNHgYib

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Disparition de Gilbert Marquis

 

Ami-e-s et camarades

Nous avons la tristesse de vous annoncer le décès de notre camarade Gilbert Marquis à l’âge de quatre-vingt-quatre ans.

Gilbert aura fait montre d’une constance dans son engagement au service des travailleurs.

Son histoire nous ramène aux périodes les plus actives du mouvement trotskyste et autogestionnaire. Elle rappellera à beaucoup d’entre nous nombre d’évènements qui ont marqué notre propre vie et bien des amis qui sont aussi partis…

En souvenir de lui, et des combats qu’il avait menés, nous lui rendrons un dernier hommage à la salle du crématorium du cimetière du Père-Lachaise jeudi 12 février à 13 h 30.

Bien cordialement.

Ses camarades et sa famille.

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"Charlie et après. Que faire ?"

 

Nous sommes en période d’intensification des contradictions de toutes natures. Assassinats des 7, 8, 9 janvier, Grèce, Espagne, Ukraine… Tous ses évènements prennent la plupart des organisations à contre-pied et pour le moins surprennent les militants. Beaucoup de discours d’hier ne semblent plus faire le consensus.
Le fait que la majorité des militants continuent de « vaquer » à leurs activités traditionnelles sans tenir compte de la période nouvelle , amplifie le fossé entre l’Autre gauche et le peuple.
Quant à la demande de laïcité et de république du peuple français après les assassinats des 7, 8, 9 janvier, aucune réaction de la majorité de la militance de l’Autre gauche. Pire, les idées communautaristes et l’idéologie de type « Indigènes de la république » se radicalisent dans de nombreuses minorités des différentes organisations de l’Autre gauche. Ces communautaristes des différentes organisations avaient déjà lancé leur collectif large le 13 décembre dernier et se retrouveront de nouveau le dimanche 8 février 2015. Disons également que ce n’est pas avec l’adjonction d’un « catéchisme républicain » à la Najat Vallaut-Belkacem ni avec les incantations sans analyse des causes et sans changements de pratiques sociales d’autres groupes laïques que nous irons sur le bon chemin.
Nous devons changer nos pratiques, changer nos priorités, partir d’une analyse concrète de la situation concrète, remettre en cause les idées qui nous projettent dans la marginalité assurée. Voilà pourquoi la discussion est d’importance.
L’UFAL 94 propose de commencer cette discussion le mercredi 18 février 2015 à 19 h Salle Voltaire 5 place Voltaire à Ivry à 200 m du métro Mairie d’Ivry (ligne 7 ), pour travailler ensemble à la grande bifurcation nécessaire de l’éducation populaire et affronter les dirigeants du capitalisme qui sont les pompiers pyromanes des événements récents.