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Que faire après la grève du vote des jeunes et des couches populaires aux élections de 2021 ?

par Évariste

 

Le premier tour légal et le deuxième tour légal n’ont plus de légitimité démocratique. Comme le disait Max Weber, la légitimité se rapporte à la reconnaissance sociale et non pas au juridique. Environ 66 % d’abstentions par rapport aux inscrits sur les listes électorales pour les deux tours. Si on ajoute les 6 % que l’INSEE a calculés comme personnes non inscrites sur les listes électorales, on peut dire que moins de 28 % des électeurs ont voté les dimanches 20 et 27 juin 2021 pour environ 72 % d’abstentionnistes. C’est une véritable grève du vote qui vient d’avoir lieu. C’est la nouvelle conséquence électorale du mouvement des gilets jaunes dont les revendications de transformation sociale ont été soutenues par la majorité des Français et n’ont pas été prises en compte par le pouvoir central. Contrairement à un certain discours des médias qui dit que l’abstention retrouvera son bas niveau à la présidentielle (qui serait considérée par les électeurs comme la seule élection qui ait un impact dans la vie politique), un sondage de l’IFOP du 27 juin 2021prévoit pour la présidentielle une abstention record – pour une présidentielle – de 45 % des inscrits !
Par ailleurs, les vices de la Ve République et les changements constitutionnels permanents de la Constitution (108 articles contre 92 à l’origine, dont 2/3 ont été modifiés, notamment en donnant la primauté des décisions aux directives européennes par rapport à un peuple de moins en moins souverain(1)Jean-Claude JUNKER, président de la Commission européenne de 2014 à 2019 : « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens. » ont permis la délégitimation populaire de la Ve République. La soumission à l’exécutif et à l’oligarchie capitaliste du parlement, de l’autorité judiciaire, de la presse dominante et des autorités administratives soi-disant indépendantes est de plus en plus ressentie comme une volonté plus ou moins subtile de manipuler les citoyens et citoyennes. Aujourd’hui, les études d’opinion montrent la part grandissante des électeurs des couches populaires qui pensent que les élections ne changeront rien aux malheurs qu’ils subissent. Et cela se traduit notamment par la croissance d’années en années de l’abstention des jeunes et de la classe populaire ouvrière et employée (plus de la moitié de la population).

Vers l’instauration d’une démocrature confortée par une privatisation de la distribution des documents électoraux

Une fois de plus, nous sortons de la démocratie pour aller de plus en plus vers la démocrature. La première condition de la démocratie consiste à porter à la connaissance de tous les électeurs les propositions de tous les candidats. Cette condition n’est plus respectée par l’État dirigé par l’extrême centre macroniste. Alors qu’auparavant les circulaires électorales étaient triées et distribuées à part par le service postal de La Poste contre un forfait donné (84 millions pour la présidentielle de 2017 par exemple), aujourd’hui l’État donne ce même travail à la Poste (distribué en même temps que le courrier habituel) et à une société privée Adrexo conformément aux directives de l’Union européenne de procéder à des appels d’offres. À noter que maintenant, la Poste devient par ailleurs un sous-traitant d’Adrexo pour la distribution des imprimés publicitaires. Résultat : la première condition de la démocratie n’est plus respectée. Environ 10 % des circulaires n’ont pas été distribuées car les opérateurs en étaient incapables avec un personnel insuffisant en nombre. Alors, le ministre Darmanin qui a soutenu la destruction du service public postal, les suppressions de postes des facteurs, ose proposer dans une audition au Sénat, l’éventualité d’un changement législatif pour remettre la distribution du matériel électoral à l’opérateur public !!! Comment pouvons-nous tolérer cet état de fait !

Abstention : suffrage censitaire de fait ?

Pire encore, une étude réalisée par Ipsos-Sopra Steria « Sociologie des électorats et profil des abstentionnistes » pour Radio France et France télévisions, montre que plus on est jeune, plus on s’est abstenu. 87 % (79 % au deuxième tour) des 18/24 ans et 83 % (79 % au deuxième tour) des 25/34 ans ont boudé les urnes toujours par rapport aux inscrits et sans compter les 6 % de non-inscrits sur les listes électorales.
Si on part du vote des sondés de l’élection présidentielle de 2017, ce sont les électeurs de Marine Le Pen qui se sont massivement abstenus (73 %), suivis de ceux de Jean-Luc Mélenchon (67 % pour le premier tour et 70 % pour le deuxième tour) et de Nicolas Dupont-Aignan (67 %), de Macron (60 %), de Benoît Hamon (55 %) et François Fillon (44 %).
Sur le plan du niveau de diplômes, la proportion des abstentionnistes de ceux qui n’ont que le baccalauréat comme diplôme est de 72 % par rapport aux inscrits ce qui augmente légèrement le nombre d’abstentionnistes dans la classe populaire ouvrière et employée (classe en soi représentant la moitié de la population) par rapport aux dernières consultations. Dans les faits, c’est un peu comme si nous revenions au suffrage censitaire d’avant l’instauration du suffrage universel.

Quelle stratégie ou tactique pour l’oligarchie capitaliste : extrême-centre macroniste ou droite ?

Commençons par le parti présidentiel dans l’analyse du second tour. C’est la plus grande déroute d’un parti présidentiel sous la Ve République. Rassembler 3 % des électeurs inscrits, c’est à inscrire dans le livre des records. Non, Emmanuel Macron ne pourra pas enjamber ce désastre sans y répondre. François Hollande avait essayé avec le succès que l’on sait. La volonté des médias dominants et des sondeurs (avec leurs correctifs avant publication non dévoilés aux citoyens) ont fait croire que le match de la présidentielle était plié. Les personnalités « bac+35 » de la société civile ont fait long feu. La base sociale du président Macron semble trop faible. De la stratégie du « et de droite et de gauche » à la stratégie de l’élargissement de l’extrême centre macroniste vers la droite, cette dernière ne semble pas pour l’instant porter ses fruits. Nous attendons les décisions de l’oligarchie patronale pour voir quelle sera sa troisième  stratégie depuis 4 ans. Va-t-elle s’appuyer sur Macron ou trouver un autre homme « nouveau » présenté comme providentiel pour maintenir son système en place ?
Concernant le Rassemblement national, ce sont les électeurs des couches populaires qui ont été ceux qui ont fait défaut aux candidats de ce parti. Après la stratégie de la dédiabolisation et un début d’ancrage populaire minoritaire (la majorité des ouvriers et des employés restent dans l’abstention), un nouveau reflux populaire vient d’avoir lieu vers l’abstention suite à sa stratégie visant plus à rallier un électorat LR plutôt qu’un électorat populaire.
Concernant la droite installée, elle a maintenu ses positions à l’élection régionale et elle a ravi au PCF son dernier département, le Val-de-Marne, par le gain de trois nouveaux cantons. Elle a surtout résisté aux stratégies de l’extrême centre et de l’extrême droite. Probablement, l’oligarchie capitaliste tentera d’une façon ou d’une autre de garder le pouvoir à l’élection présidentielle via l’extrême centre macroniste ou via la droite installée.

Confirmation de l’étiage à gauche

Concernant le PS, il a maintenu ses positions régionales et départementales. La petite poussée écologiste va lui permettre d’augmenter le nombre de cantons. Le PC perd la direction du Val-de-Marne, recule en nombre de cantons et s’est en général allié avec le PS. Pour la France insoumise, c’est un échec cuisant d’autant que la stratégie était opportuniste (ici avec le PCF, là, en union de la gauche sans contenu comme dans les Hauts-de-France, ou en alliance avec le gauchisme identitaire et ailleurs derrière un député élu dans la vague macroniste en 2017 comme en Pays de Loire, qui a voté toutes les lois anti-sociales proposées par Macron puis qui a quitté LREM pour être tête de liste EELV soutenu par la FI) ! Par contre, quelques militants de la garde rapprochée de Jean-Luc Mélenchon entrent dans les conseils départementaux et régionaux. Mais quand on défalque les voix du PCF (crédité actuellement entre 2 et 3 % pour la présidentielle), on remarque que la France insoumise est entre 4,5 à 8 % avec des pointes au-dessus de 9 % dans les lieux les plus activistes. En quatre ans, dans la majorité des territoires, la FI est passée d’une position en tête de la gauche à une position où elle est largement distancée par le PS et EELV mais toujours avec une gauche toute additionnée faisant moins du tiers des votants du fait de la grève du vote organisée par les jeunes et la classe populaire ouvrière et employée. Pour les militants de gauche, il faut la culture de l’entre-soi sur les boucles Signal, Télégram ou Whatsapp et les algorithmes de Facebook qui ne vous mettent en contact qu’avec ceux qui ont le même profil que vous pour penser que la victoire de la gauche est pour demain matin 8 h 30 !

Nécessité de déplacer l’hégémonie culturelle de l’oligarchie capitaliste vers celle du peuple

C’est pourquoi nous entrons dans une campagne d’explication et de débat à gauche dans toute une série de visioconférences entre le 29 juin et le mois de septembre. Nous allons montrer la nécessité de mener la lutte des classes dans des combats démocratiques, laïques, sociaux et écologiques pour une République sociale dans une perspective de constitution d’un bloc historique constitué avec notamment la classe populaire ouvrière et employée (qui représente la moitié de la population) et au-delà soit près de 80 % de la population… Nous montrerons les résultats d’une étude intitulée « Dis-moi où tu habites, je te dirais pour qui tu votes » pour mettre en lumière la ségrégation sociale et spatiale. Nous continuerons à promouvoir la liaison du combat laïque et du combat social, à pratiquer de la formation et de l’éducation populaire refondée, à analyser le carcan de l’Union européenne et de la zone euro, à promouvoir une Sécurité sociale du XXIe siècle, des services publics répondant aux besoins des citoyens, des travailleurs et de leurs familles, une école qui émancipe, conscientise et augmente la puissance d’agir rationnellement des futurs citoyens.

Notes de bas de page

1 Jean-Claude JUNKER, président de la Commission européenne de 2014 à 2019 : « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens. »
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Dans quelle crise sommes-nous ? n°13

par Philippe Hervé

 

Note de la Rédaction : Ce numéro n° 975 de ReSPUBLICA est envoyé le lundi 28 juin 2021 avec l’importante contribution annuelle de Philippe Hervé sur la crise. Un numéro 975 bis partira le mardi 29 juin avec l’analyse des élections régionales et départementales des 20 et 27 juin : ne le manquez pas !

Voir dans la Librairie militante du site  la compilation des chroniques de 2009 à 2019 parues dans ReSPUBLICA sous forme d’ouvrage, ainsi que  le n°11 et le n°12, pour les deux dernières années.

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 « La crise c’est quand le vieux se meurt
et que le jeune hésite à naître. »
Antonio Gramsci

La Covid-19, qui a causé des millions de morts à travers le monde, en particulier dans les pays développés de l’OCDE, a eu un effet de remise à niveau générale. Certains « grands prêtres », à la suite de Klaus Schwab, patron du Forum de Davos, ont même parlé de « réinitialisation ». En fait, en cette année 2021, nous constatons surtout une incertitude historique. Jamais n’a été aussi pertinente la citation de Gramsci que nous avons mise en exergue de notre série d’articles depuis treize ans… Oui, « le jeune monde hésite à naître » ! Nous sommes arrivés au moment où nos hypothèses initiales, émises dès 2009, date de notre première édition, deviennent réalité : la fermeture du pli historique ouvert au XVIe siècle et la fin définitive du capitalisme de marché. Ainsi, deux possibilités étaient théoriquement ouvertes : soit l’émergence d’un nouvel âge du capitalisme que l’on commence à nommer « capitalisme numérique », soit une sortie révolutionnaire de ce mode de production… Nous semblons nous orienter vers la première branche de cette alternative… pour le moment, et sans présager aucunement de l’avenir.

Limites du capitalisme assisté et capitalisme de contrôle

Pour la bourgeoisie financière mondialisée, le danger était pourtant énorme. Son pouvoir pouvait être remis en cause par son incapacité à gérer les conséquences de l’implosion du dispositif financier et boursier lors de la crise dite des subprimes Lehman de 2007-2008. Le système fut touché à la tête par une sorte d’AVC bancaire. En fait, cette crise n’a jamais connu de résolution. Une batterie d’expédients, extrêmement dangereux à terme sur le plan monétaire, a été mise en place pour simplement gérer au jour le jour les conséquences de la banqueroute par l’injection massive de liquidités (quantitative easing). Bref, la fausse monnaie a chassé la vraie ! Ces expédients ne pouvaient durer toujours. La mise en place d’un « capitalisme assisté », par ce que nous nommions le grand radiateur monétaire (injection de liquidités par le haut et soustraction d’une masse monétaire plus ou moins équivalente par érosion des prestations sociales et dévalorisation des biens communs, par le bas), a trouvé ses limites.
La contestation sociale pouvait renverser l’ordre financier, à l’instar du mouvement des « gilets jaunes » en France. Dans cette conjoncture, la pandémie est arrivée comme une « divine surprise » pour la bourgeoisie mondialisée. Certains penseurs de la gauche radicale, en particulier en Italie, prophétisent la victoire définitive d’un « capitalisme de contrôle », disposant de tous les atouts pour réduire l’ensemble des contestations du système d’exploitation. Cette vision d’un pessimisme noirâtre est fausse. La réalité est une contradiction dialectique permanente : plus l’ordre du Capital développe son contrôle, plus il suscite une opposition et une prise de conscience de son injustice érigée en système. La mise en place de ce « capitalisme de contrôle » est une usine à fabriquer des soulèvements et à produire des consciences anticapitalistes.

Pendant la pandémie, la lutte des classes continue, surmultipliée

Il est vrai que la crise sanitaire que nous traversons devait rester sous contrôle de la classe dominante… et c’est bien le cas, jusqu’à aujourd’hui. Les différentes bourgeoisies nationales ont réussi partout à garder le contrôle de la situation, sauf peut-être dans quelques pays latino-américains. La lutte de classe, moteur de l’histoire, continue en période de guerre ou de pandémie mais sur un rythme surmultiplié. Or, complètement sidérées par la situation sanitaire, les couches populaires n’ont pas pu prendre leur autonomie, même partiellement, en créant un double pouvoir, c’est-à-dire en prenant en main la lutte sanitaire contre la pandémie, sauf au Chili semble-t-il. Les contraintes liées au coronavirus tueur ont été admises, faute de mieux, y compris lorsque ces mesures décidées par les gouvernements étaient absurdes ou reflétaient une désorganisation crasse… notamment en France.

Cela dit, tentons de résumer la situation liée à la pandémie Covid-19 et d’en dégager les facteurs d’oppression et les facteurs de soulèvement. Il s’agit bien d’une contradiction fondamentale. La source de cette opposition entre oppression et révolte se trouve dans la dialectique contradictoire du développement des forces productives et des rapports de production. Laissons la parole à Karl Marx, car cette citation éclaire exactement de la période historique que nous traversons :

« Dans la production sociale de leur existence, les hommes nouent des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté ; ces rapports de production correspondent à un degré donné du développement de leurs forces productives matérielles. L’ensemble de ces rapports forme la structure économique de la société, la fondation réelle sur laquelle s’élève un édifice juridique et politique, et à quoi répondent des formes déterminées de la conscience sociale. Le mode de production de la vie matérielle domine en général le développement de la vie sociale, politique et intellectuelle. Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience. À un certain degré de leur développement, les forces productives matérielles de la société entrent en collision avec les rapports de production existants. » (Préface de la Contribution à la critique de l’économie politique,1859)

La pandémie réorganise la composition organique des forces productives

Tout est dit, car la tension entre ces deux pôles, forces productives et rapports de production, a évolué et s’est renforcée comme jamais. Illustrons avec un exemple relatif à l’innovation et à la production, donc à l’évolution des forces productives : il n’a fallu que quelques mois pour créer, expérimenter et produire des vaccins efficaces. Un processus qui prend entre cinq et dix ans en période « normale ». Encore plus fort, la vaccination par ARN messager semble être la plus efficace. Cette application du principe de l’ARN messager ouvre des perspectives immenses, en particulier en matière de lutte contre le cancer. C’est un exemple parmi d’autres car l’ensemble de l’économie high-tech connaît une explosion depuis une quinzaine de mois. Il est clair que la pandémie réorganise la composition organique des forces productives et, par là même, la nature de l’extorsion de la plus-value.

La fin de l’économie de bureau et des bullshits jobs ?

Sur le plan des rapports de production, l’évolution du télétravail ouvre par exemple des perspectives de rebonds de productivité et de réduction des coûts justement dans la plupart des secteurs high-tech, moteurs des profits capitalistiques de demain. « L’économie de bureau », c’est-à-dire le travail posté dans des vastes espaces organisés et surtout financés par l’entreprise, appartient-elle au passé ? Microsoft vient d’annoncer qu’un tiers de ses employés en Recherche et Développement ne retourneraient plus au bureau… car ils n’en auront plus ! Se dégage un autre élément important de la conjoncture : la dégénérescence des bullshit jobs (« job à la con » en français) comme le regretté penseur David Graeber avait conceptualisé ces activités professionnelles parfaitement inutiles. En fait, ces « occupations rémunérées », ineptes et vides de sens, ne constituent pas une forme fondamentale de l’extorsion de la plus-value et de sa transformation en Valeur. La généralisation des bullshit jobs est due à la mondialisation et à la création d’un atelier du monde en Chine, qui ont entraîné la fermeture massive de sites industriels dans nombre de pays développés du premier monde. Cette allocation à l’inutilité pour préserver l’alliance de classe entre bourgeoisie et classes moyennes est un poids financier que le capital n’est plus prêt à payer en période de « vaches maigres » et de réorganisation complète de la chaîne de création de valeur. L’alibi du télétravail et la fermeture d’espaces bureautiques vont accélérer la liquidation de ces activités assez proches du chômage déguisé, qui ne servaient qu’à maintenir la paix sociale.

Dernier élément d’évolution des rapports de production, les secteurs archaïques ou sans valeur stratégique comme la restauration, le tourisme, les casinos ou les discothèques reviennent à leur véritable nature d’activités périphériques ou carrément parasitaires.

Ainsi, la réorientation du développement des forces productives, dont le réseau Internet est le média central, et l’adaptation indispensable des rapports de production vont créer une formidable vague de bouleversement humain et de contestation sociale et politique.

Le désespoir gagne les classes moyennes

Nous constatons d’ailleurs les premières prémisses de cette contestation, qui peut d’ailleurs se transformer dans quelques pays en une situation « ingouvernable ». En effet, cette modification des rapports de production induit une rupture du bloc bourgeois. Jusqu’à présent, la bourgeoisie monopoliste mondialisée et la bourgeoisie moyenne nationale des différents pays pouvaient compter, bon an mal an, sur le soutien de la piétaille de la petite bourgeoisie et surtout des classes moyennes. La limitation et la « délocalisation intérieure » par le télétravail et aussi la liquidation progressive des bullshit jobs provoquent une implosion progressive des classes moyennes. D’ailleurs, le désespoir les gagne et des symptômes apparaissent. Nous observons en Europe un véritable effondrement de la natalité dans ces couches sociales intermédiaires, de manière assez similaire à ce qui s’était passé en URSS dans les années 1980.

La monnaie, clé de répartition du profit

Toutefois, avant de poursuivre sur la question sociale, nous devons obligatoirement faire un détour par la question monétaire. Car en période de mutation fondamentale, celle-ci devient la question principale et l’indicateur des rapports de forces entre classes sociales bien sûr, mais aussi entre différentes fractions du Capital, tant au niveau mondial que national. Enfin, la question monétaire est un indicateur objectif du rythme de la crise et de son évolution.

Car il faut bien comprendre le rôle de la monnaie. Chez Marx, dans le Capital en particulier, le phénomène monétaire est détaillé tout juste après les définitions et la description de la création de plus-value, du profit, de la valeur et de la réalisation de cette valeur en prix. Car la monnaie, et en particulier la « forme monétaire », est la clé de répartition du profit réalisé entre les couches sociales. Une modification de la « forme monétaire » est tout simplement l’expression d’un nouveau rapport de forces au sein de la bourgeoisie et plus généralement la réalité concrète d’un mode de production. Ainsi, le capitalisme de marché s’est construit progressivement au XVIIe et XVIIIe siècle autour de la création et de la généralisation de la monnaie papier. Notre hypothèse est que la fermeture du pli historique ouvert au XVIe siècle engendre une modification de la « forme monétaire » et la fin progressive des monnaies étatiques, vers l’établissement de monnaies privées.

Vers le dépérissement lent de l’État ?

Depuis la fin 2020, nous assistons sur le plan de l’avenir monétaire à une bataille titanesque dont personne aujourd’hui ne peut prédire qui en sortira vainqueur. Avec l’option crypto-monétaire, et en particulier le Bitcoin, l’aile marchante du capitalisme financier mondialisé tend à se désolidariser des États-nations… et donc également des bourgeoisies nationales. Elle considère, en tout cas pour le « milliard de riches » habitant dans les pays de l’OCDE, que le contrôle des populations est arrivé à un tel stade de sophistication que l’État et son administration ne sont plus aussi indispensables et peuvent dépérir lentement mais sûrement. Cette situation est porteuse à terme d’une spoliation monétaire des bourgeoisies nationales. Ce nouveau dispositif monétaire peut engendrer à brève échéance de terribles conflits d’intérêts aux conséquences politiques multiples. Les secteurs bourgeois spoliés peuvent devenir d’une extrême agressivité, à l’image de Trump et de la tentative de prise du Capitole par des groupes extrémistes chauffés à blanc !

Le Bitcoin ou l’Ethereum étaient des options de dernière instance, l’ultime possibilité en réserve en cas de cataclysme. L’option a été ouverte en novembre dernier et le retour en arrière est quasiment impossible. L’événement monétaire de fin 2020 avec le « décollage » du Bitcoin marque le tout début de la mise en place d’une sorte de système bi-monétaire, qui ne dit pas son nom, avec l’adoption par les fonds financiers américains du Bitcoin comme une des réserves de valeur, et de quelques cryptomonnaies comme l’Ethereum comme support d’une finance débancarisée (DeFI, l’acronyme de Finance + Décentralisée. En anglais : Decentralized Finance). Les monnaies classiques (« fiat ») pourraient être donc soumises à une inflation, en particulier le dollar, du fait des injections monstrueuses de liquidités. Le nouveau gouvernement de Biden a ainsi décidé de financer par l’emprunt trois plans de relance (chèques pour chaque citoyen, plan pour les infrastructures et plan en direction des familles et de l’éducation) pour 5 500 milliards de dollars ! Les cryptomonnaies, elles, seraient hors de toute inflation par leur nature même.

Les monnaies classiques sacrifiées par un déluge d’injection de liquidités

A noter que nous avions vu juste dans le numéro 12 de « Dans quelle crise sommes-nous ? », puisque nous indiquions que le passage de la crise de la Covid-19 de courte période en moyenne période (3 à 5 ans) pourrait entraîner la création d’un système bi-monétaire. L’avantage d’une double monnaie pour le Capital est essentiel. En effet, la mise en place d’un nouveau dispositif des forces productives et l’adaptation des rapports de production en conséquence exigent une masse financière gigantesque… qui n’existe absolument pas, surtout en période de crise sanitaire et financière globale.

Alors comment faire ? Il est possible que les monnaies classiques soient sacrifiées par un déluge d’injection de liquidités. En fait, nous pourrions avoir une monnaie soumise à l’inflation pour l’achat d’oignons et de tomates et le paiement des pensions de retraite, et une autre monnaie cryptographique non inflationniste pour les valeurs capitalistiques (immobilier haut de gamme, marché de l’art, actions…). N’oublions pas que les cryptomonnaies sont des monnaies privées. Les États pourraient être dépossédées de la monnaie capitalistique… et il pourrait avoir scission entre l’Etat national et les structures fédérales ou assimilées, comme l’UE pour l’euro, et le Capital mondialisé. La direction informelle du Capital étant de fait l’œuvre des tenants du réseau Internet tel que les GAFAM. Car nous sommes parvenus au deuxième âge de l’Internet : le réseau commence à gérer en propre l’ensemble des flux vitaux de l’économie politique.

 


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L’hypothèse de l’instauration d’un système bi-monétaire

Cette prise de pouvoir serait multi plans : contrôle des populations, contrôle politique (cf. la censure de Trump, président des USA), contrôle sanitaire, contrôle monétaire. Il est piquant de constater que cette option de prise de pouvoir politique et monétaire a eu lieu au même moment, soit en novembre-décembre 2020 : annonce de PayPal sur l’adoption du Bitcoin et simultanément coupure des médias sociaux de Trump. Bien sûr, il est impossible de prévoir l’avenir, en particulier dans ce cas de figure. Car l’hypothèse de l’instauration d’un système bi-monétaire entraînant une spoliation des petites et moyennes bourgeoisies nationales représenterait un séisme de très forte intensité. Comment réagiront ces « fractions archaïques du Capital » ? Dans certains pays, une réaction politique peut se mettre en place et imposer passagèrement un blocage vers la transformation des monnaies traditionnelles en monnaies de singe ! Cette tension monétaire est un autre facteur « d’ingouvernabilité ».

Ainsi, et pour nous résumer, trois facteurs sont donc porteurs de déstabilisation : la modification du dispositif des forces productives, la nécessaire adaptation des rapports de productions et enfin la modification de la « forme monétaire » permettant la transformation de la Valeur en prix.

Défaite de front de l’extrême-droite dans la forteresse du capitalisme

Pour illustrer ce danger de situation « ingouvernable », ou en tout cas difficilement gouvernable provisoirement, nous allons détailler l’exemple des USA au cours de l’année écoulée et celle de notre pays aujourd’hui, à la veille d’un possible choc politique en 2022.

Si, comme nous le disions plus haut, la pandémie n’a pas entraîné la révolution, on ne peut pas dire que le mouvement social n’a pas été actif. La victoire de Biden, ou plus exactement la défaite de Trump, est en grande partie due à l’immense mobilisation Black Lives Matter. Dans la forteresse du capitalisme des USA, l’extrême-droite vient de subir une défaite de front ! Comparable à la victoire de Roosevelt en 1932, cette modification du rapport de force politique pour l’Atlantique Nord est porteuse d’éléments positifs contre le danger d’une éventuelle fascisation générale de l’Occident. Pour rester dans cette comparaison historique, certains diront qu’après novembre 1932 viennent janvier 1933 et la victoire d’Hitler en Allemagne. Cette ambivalence dialectique est parfaitement possible hier comme aujourd’hui. En période de pandémie ou de guerre, nous pouvons tout voir arriver, comme par exemple Biden en 2020 aux USA… et Le Pen en France en 2022 ! C’est plausible mais, espérons-le, pour l’instant encore très incertain. Car, dans ces phases paroxystiques, les oppositions au sein du capital sont également très vives. Chaque fraction bourgeoise nationale et internationale joue sa partition, chaque fraction du capital, innovante ou archaïque, joue sa peau à la roulette russe de l’histoire. Oui,  la dernière élection américaine, en dehors de ses aspects spectaculaires et presque délirants avec la mouvance QAnon  et la tentative de prise du Capitole par les partisans de Trump, marque une vraie inflexion du cours  politique des États-Unis et donc de l’ensemble des pays occidentaux.

La victoire du nouveau capitalisme numérique 

La contradiction au sein du capital américain, dont nous avions souligné l’importance dans les numéros précédents de notre série d’articles, a atteint son paroxysme et a abouti à la victoire du « nouveau capitalisme numérique » d’une courte tête sur la désignation des grands électeurs mais avec une avance de près de 8 millions de voix tout de même pour Biden. Le « capitalisme archaïque » des secteurs immobilier, industriel à faible valeur ajouté, pétrolier ou encore mafieux (jeux et casinos) regroupés autour de Trump l’aurait emporté sans la crise de la Covid 19. La gestion catastrophique de la pandémie par le fantasque Donald Trump, l’immense mobilisation Black Lives Matter, ainsi que l’activisme tous azimuts des GAFAM contre Trump avec la censure de ses comptes Twitter ou Facebook, ont eu raison de la réaction d’un capitalisme d’un autre temps.
Bref, la globalisation sous hégémonie US peut continuer avec l’intégration de nouveaux marchés, en particulier avec éventuellement la généralisation des cryptomonnaies. Cela dit, la contradiction entre intérêts divergents du Capital va perdurer. Trump ne renoncera pas à son combat politique, à moins d’une élimination par une procédure judiciaire… Ce qui serait tout de même la solution la plus simple pour le faire disparaître politiquement. Si Biden ne réussit pas à relancer l’économie des USA et à sortir les classes moyennes de la paupérisation, la situation politique peut échapper à tout contrôle. Or il existe une totale contradiction entre l’envol du « capitalisme numérique » à la mode GAFAM et la préservation des intérêts matériels des classes moyennes. Biden est donc coincé dans un hiatus historique dont il est pratiquement impossible de sortir sans casse.

La France, maillon faible des nations développées

Venons-en à la France. La Covid-19 a eu un effet dévastateur. Le peuple français vient de comprendre la véritable situation du pays. Les mythes ont la vie dure mais ils meurent aussi finalement un jour. Celui de la « première armée du monde » a pris fin en juin 1940 avec l’invasion allemande. Le pays du prix Nobel Monod, de l’Institut Pasteur et de Sanofi est décédé en 2020. La désindustrialisation, pire la « détechnologisation », si l’on peut employer ce néologisme, devient palpable pour le citoyen lambda. Nous avions à plusieurs reprises indiqué que notre pays pouvait être le « maillon faible » des nations développées. La crise sanitaire renforce notre conviction. Après la crise économique, sociale et idéologique, pointe à l’horizon la possibilité d’un tsunami politique en 2022, voire avant.

Comme toujours, et au travers des époques, c’est la faiblesse intrinsèque du capitalisme français qui pose problème. Une dizaine de monopoles financiers n’ayant quasiment plus de capacités productives tiennent le pays, à l’image de Sanofi. C’est au détour d’un procès comme celui de Dassault, ou d’une fuite rocambolesque comme celle de Carlos Ghosn au Liban, sous le contrôle du Hezbollah, que la vérité éclate, derrière le décor factice de la « bonne gestion » des quelques multinationales encore françaises ».

Rester dans le petit bain français

Par ces « faits divers », on entrevoit un instant dans sa réalité ce leadership un peu « canaille » avec comme figure de proue un Bolloré, reconnu coupable de corruption en Afrique. Ce dispositif capitalistique est dans l’incapacité de résister à la concurrence internationale. Ne sachant pas vraiment nager dans le « grand bain du capitalisme numérique », il peut être tenté de rester dans le « petit bain français ». Pourris de dettes garanties par l’État, ces groupes propriétaires des médias dominants n’ont qu’une solution : continuer à siphonner financièrement l’État en vivant aux crochets du contribuable. Ainsi, ils peuvent continuer à verser des dividendes de cavalerie à leurs actionnaires, alors même que ces entreprises sont des catastrophes financières. Bref, les dividendes totalement fictifs continuent à être distribués malgré les déficits… une belle performance de l’aberration comptable insincère !

Aussi, pourquoi n’envisageraient-ils pas en 2022 une solution autoritaire en France ? Devenue euro compatible, acceptant la bureaucratie européenne et la monnaie unique, Marine Le Pen est peut-être une option pour faire passer en force la liquidation d’un certain nombre d’acquis sociaux et mettre au pas définitivement la contestation sociale. Visiblement sur ce plan, Macron n’a pas rempli son office. L’épisode des gilets jaunes ou la contestation de la « réforme » des retraites ont peut-être amené les trusts parasitaires français à passer à une nouvelle étape : la prise de pouvoir par l’autoritarisme d’extrême-droite pour préserver leurs dividendes. Tout est possible même le pire ! Dans ce contexte, seule une mobilisation populaire pourrait changer le rapport de force politique. Mais, pour le moment, la situation est délicate pour les partisans de la République sociale. « L’appel des généraux » ou encore la manifestation policière devant l’Assemblée nationale en sont deux exemples révélateurs.

Du côté de la Chine, le grand rebond en avant

Comme à notre habitude, nous terminerons ce treizième numéro par la puissance montante de notre époque, la Chine. Seul pays important en croissance avec  2,3 % d’augmentation du PIB en 2020, « l’empire du Milieu » n’a pas reculé, alors même que ses principaux adversaires connaissaient la récession, et parfois gravement. La Chine est le cas particulier, le cas unique. Pendant le même temps, les États-Unis subissaient un affaissement de 3,5 % de leur produit intérieur brut (PIB), leur pire performance depuis 1946 ! La même année, la zone euro voyait son PIB s’effondrer de 6,8 %… et la France de 8,4 % !

Le redressement économique chinois après cette année noire est encore plus spectaculaire. Pékin a enregistré une croissance hallucinante de 18,3 % au premier trimestre ! Le redémarrage en trombe du mastodonte économique intervient à un moment où les chaînes logistiques sont encore perturbées. Mais il est clair que le rebond chinois est d’une intensité remarquable. Le Parti communiste chinois et son chef Xi Jinping vont tenter de capitaliser politiquement cet avantage, certainement comme à leur habitude par une dynamique propre mais aussi en profitant systématiquement des erreurs de leur adversaire principal les USA… comme ils l’ont démontré brillamment sous la présidence brouillonne de Donald Trump.

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La liberté et la pluralité des médias menacées en France et à l’étranger !

Il faut soutenir les médias indépendants !

par ReSPUBLICA

 

Au début du mois de mai dernier, les audiences de la chaîne d’information CNews ont pour la première fois dépassé celles de leur concurrente, BMF-TV. Ce cap symbolique est le résultat d’une nouvelle ligne éditoriale entamée en 2016, portée par la mise avant d’éditorialistes et de chroniqueurs comme Eric Zemmour classés à droite ou à l’extrême-droite. Avec son émission vedette « L’Heure des pros », la chaîne s’est spécialisée dans les débats d’opinion et les clash (ce qui lui vaut d’être régulièrement l’objet de signalements auprès du CSA) délaissant la production d’informations. Surtout, la chaîne, considérée comme la Fox News française, contribue à la droitisation des idées dans notre pays et on en finit plus de relever les sorties toujours plus choquantes des chroniqueurs qui dans cette surenchère banalisent les opinions les plus droitières.

Europe 1 est en train d’être reprise en main par Vincent Bolloré

Le même sort que CNews (ex i-Télé) menace désormais Europe 1 dont les salariés se sont mis en grève durant cinq jours à partir du vendredi 18 juin, pour la première fois de l’histoire de la chaîne. Rappelons que Vincent Bolloré est le propriétaire de CNews via la groupe Canal +, en plus d’avoir impulsé un virage droitier à la chaîne d’information, il a également totalement enterré l’âme de Canal +, en mettant notamment fin aux Guignols de l’info. La chaîne de radio Europe 1 était historiquement détenue par le groupe Lagardère, mais comme Vincent Bolloré détient également 27 % du capital de ce groupe, il peut désormais étendre son influence dans l’univers radiophonique. C’est la mise à pied du journalise Victor Dhollande qui a déclenché le mouvement de grève, suivie largement par les salariés d’Europe 1. Ces derniers réclamaient la mise en place d’une clause de conscience leur permettant de quitter le média avec une indemnité. Plus généralement, les salariés sont inquiets de la tournure de la chaîne qui va prochainement coproduire des contenus avec CNews. La nomination en septembre dernier de Louis de Raguenel qui a fait ses armes à Valeurs actuelles à la tête du service politique avait déjà suscité la défiance de la rédaction. Les salariés de la radio ont finalement repris le travail mercredi après une rencontre avec Constance Benqué (la présidente de Lagardère News) qui a semblé ouvrir la voie à « une disposition pour que les journalistes qui le souhaiteraient puissent partir dans des conditions financières à définir. » Mais sur le fond, les discussions confirment le changement de ligne éditoriale et les salariés se préparent à des actions communes pour protester contre la fin de l’indépendance de la chaîne.

À Hong-Kong, Apple Daily a sorti sa dernière édition

Le combat pour l’indépendance des médias, vis-à-vis des grandes puissances financières, tout comme du pouvoir, a connu une lourde défaite cette semaine avec la fermeture du journal hong-kongais Apple Daily, acculé par le régime chinois.
Depuis l’entrée en vigueur de la « loi sur la sécurité nationale » imposée par le régime chinois à Hong-Kong il y a un an, toutes les formes de résistance ont été durement réprimées, mettant fin à l’exception démocratique qui régnait sur l’île et au principe d’« un pays, deux systèmes » censé duré jusqu’en 2047. Jimmy Lai, figure de proue du mouvement prodémocratie et l’une des rare voix critique envers le régime de Pékin, subit depuis un acharnement de la part des autorités chinoise. Arrêté en décembre 2020, le magnat de la presse, propriétaire du quotidien Apple Daily via son groupe Next Digital Limited, a été condamné en avril dernier à douze et huit mois de prison pour son rôle dans l’organisation en 2019 de deux manifestations en faveur de la démocratie. Puis en mai, ses avoirs personnels (qui servaient régulièrement à renflouer les caisses du quotidien) ont été gelés. Les autorités ont ensuite visé directement le journal en arrêtant le 17 juin, avec le concours de 500 policiers,  ses cinq principaux dirigeants dont le directeur général du groupe de presse Next Digital et le rédacteur en chef d’Apple Daily, toujours dans le cadre de la loi sur la sécurité nationale (ils sont « soupçonnés d’avoir conspiré en vue de complot avec des forces étrangères » du fait de l’écriture d’articles antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi). Les jours du journal, fondé en 1995 et qui avait soutenu le mouvement des parapluies en 2014 et les mouvements d’opposition en 2019, étaient comptés. L’arrestation de ses dirigeants et surtout le gel des actifs du journal a contraint la rédaction à annoncer sa disparition. La dernière édition est parue jeudi 24 juin, tirée à nombre record d’un million d’exemplaires. Une nouvelle et dernière fois, les Hongkongais ont marqué leur attachement au journal en allant déposer des fleurs devant le siège du journal et en faisant la queue toute la nuit pour acheter le dernier numéro. Apple Daily avec un tirage habituel modeste (80 000 exemplaires) était le dernier journal critique du régime de Pékin. Les autorités ont d’ailleurs commencé à censurer les collections du journal des bibliothèques de Hong-Kong, ainsi que les ouvrages de Jimmy Lai.

Ces deux récents événements montrent que la liberté de la presse est un combat ô combien d’actualité. Avec la prochaine élection présidentielle qui s’annonce, les grandes puissances et le capital s’organisent pour promouvoir leurs idées et leurs candidats. Face à cela, il faut que la résistance s’organise ! L’indépendance des médias est bien abîmée dans notre pays, comme le montre très bien l’infographie réalisée par le Monde diplomatique et Acrimed qui fait le point notre paysage médiatique. Dans ce contexte, nous vous invitons encore une fois à soutenir la démarche et le projet de ReSPUBLICA qui visent à faire exister une autre ligne politique pour œuvrer à la mise en place de la République sociale ! Nous préparons par exemple de nouveaux articles sur le sujet de la démocratie pour la rentrée prochaine. En attendant, vous pouvez toujours participer à notre collecte sur KissKissBankBank qui s’achèvera dans deux semaines.

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La réforme de l’assurance chômage suspendue

par La CGT

 
Le Conseil d’État vient d’annoncer sa décision suite à l’audience en référé suspension du 10 juin : la réforme de l’assurance chômage que le gouvernement voulait mettre en œuvre au 1er juillet est suspendue en attendant un jugement au fond pour annulation.

C’est un camouflet pour le gouvernement et pour Emmanuel Macron qui n’ont eu de cesse de saccager les droits des chômeurs, traités de fainéants et de tricheurs à chaque occasion et poursuivis de leur vindicte malgré la crise.
Le jugement courageux fait apparaître au grand jour la supercherie : la réforme a pour but de faire de violentes économies sur le dos des travailleuses et travailleurs précaires, tout en rendant encore plus malléable et disponible une main-d’œuvre, très jeune, servant d’armée de réserve au patronat.
La juge a estimé que les éléments complémentaires fournis par le gouvernement pour retarder l’échéance de quelques jours n’ont apporté aucun éclairage.
La ministre du Travail a continué de mentir d’un bout à l’autre en prétendant que cette réforme avait pour but « d’aider les travailleurs précaires » : leur couper les vivres allait leur permettre, soi-disant, de faire pression sur les employeurs pour leur proposer des CDI. Cette aberration n’a pas trompé le Conseil d’État, alors que toutes les études montrent que les salariés n’ont pas le choix de leur contrat, précaire ou non.
La juge retient le caractère urgent qui nécessite une suspension pour ne pas appliquer au 1er juillet la baisse drastique des droits (à travers le changement de calcul du salaire journalier de référence, véritable dévoiement de celui-ci).
Elle relève les profondes ruptures d’égalité que nous avions mises en lumière, notamment grâce aux travaux de Mathieu Gregoire et de l’Unédic. La censure du changement de calcul, si elle est confirmée à l’audience jugeant sur le fond, signifie que le gouvernement a tout faux et n’a même pas été capable de concevoir un instrument correspondant à ses discours.
La CGT se félicite de l’unité syndicale très large et de la convergence très grande avec de nombreuses associations et collectifs qui combattent cette réforme.
Après cette première victoire, la mobilisation doit continuer, non seulement pour empêcher définitivement l’application de la réforme de l’assurance chômage mais également pour imposer l’ouverture de droits pour tous les chômeurs et précaires et à terme une autre protection sociale. La CGT propose de construire une sécurité sociale professionnelle, pour ouvrir à toutes et tous des droits attachés à la personne, garantis collectivement dans un nouveau statut du travail salarié.

Montreuil, le 22 juin 2021



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