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  1. chronique d'Evariste
    1. Inventaire 2006, par Évariste
  2. Numéro Spécial: le meilleur de Respublica
    1. Les banlieues s'enflamment : à qui profite le crime ?, par Marie Perret, Nicolas Gavrilenko
    2. Différences et diversités contre l'égalité et la laïcité, par Jean-Claude Santana
    3. Le monolinguisme au secours de sociétés multiculturelles en faillite, par Christian Gaudray
    4. De Sohane à Ilan, par Évariste
    5. Les enjeux sociaux et républicains de la bataille contre le contrat première embauche, au sein des entreprises, par Pierre Cassen
    6. MILOSEVIC, RUGOVA, TUDJMAN, IZETBEGOVIC, les fossoyeurs de la solution républicaine en ex-Yougoslavie, par Hubert SAGE
    7. Lettre ouverte à tous les députés, par Bernard Teper
    8. A Saint-Nicolas-du-Chardonnet, une messe pour l'OAS et les nostalgiques de l'Algérie française, par Jocelyn Bézecourt
    9. Le monde selon Mucchielli et les "Indigènes", par Jeanne Bourdillon
    10. Vincent Geisser, Hani Ramadan et Hassan Iquioussen : une sainte trinité prêche au Bourget pour l'UOIF, par Jocelyn Bézecourt
    11. Les tourments de la Ligue des Droits de l'Homme, par Marie Perret
    12. Déclarons l'insécurité sociale illégitime, par Bernard Teper
    13. En trente ans, les salariés ont perdu beaucoup d'argent, par Pierre Cassen
    14. Contre la barbarie, le soutien à Robert Redeker doit être sans réserve, par ReSPUBLICA
    15. Où va la France?, par Bernard Teper
    16. Les raisons de sauver Anas Jazouli et sa famille, par Kebir Jbil
    17. Cocktail dangereux en banlieue, par Frédéric Antoine
    18. La misère qui déferle aux Canaries, où ailleurs, par Mireille Popelin
    19. Solidarité avec les femmes polonaises, par Jocelyne Clarke
    20. Vous avez dit "Belphégor" ?, par Brigitte Bré Bayle
    21. Le diable et l'ange, par Évariste
    22. Il est minuit en 2006 : nous avons la gauche anti-libérale la plus bête du monde !, par Jérôme Manouchian
  3. Agenda

1 - chronique d'Evariste

1.1 - Inventaire 2006

Les hommes qui commencent à avoir les tempes argentées, et les femmes qui les dissimulent parfois, doivent se souvenir de ce tube de Michel Delpech, "Inventaire 66". C'était il y a quarante ans, le chanteur évoquait tous les faits marquants (pour lui), comme l'apparition de Mireille Mathieu, les bottes Courrèges, les mini-jupes, l'étrangleur, etc. Et tous ses couplets se terminaient par "Et toujours, le même président!". L'an prochain, il y aura un autre hôte à l'Elysée, on prend les paris!

La rédaction de Respublica a décidé de faire un "Inventaire 2006", cette année, avec plusieurs objectifs. D'abord, vous proposer un texte de chaque collaborateur. Ensuite, chronologiquement, publier, de janvier à décembre, les faits marquants, pour nous, de l'actualité.

Comme nous ne voulons pas faire un numéro trop long, vous pourrez, à juste titre, nous reprocher de ne pas avoir évoquer un sujet qui vous paraissait important, mais dans une rédaction, il faut faire des arbitrages.

Nous avons commencé par le texte de Marie Perret et Nicolas Gavrilenko, "Les banlieues s'enflamment, à qui profite le crime ?", bien qu'il date de novembre 2005. Cet article est capital pour notre ligne. Il signale une double faillite, devant les violences de novembre. D'abord, celle du ministre de l'Intérieur, enfermé dans le seul discours sécuritaire, ensuite celle d'une partie de la gauche et de l'extrême-gauche, victime du discours compassionnel des "Indigènes de la République", qui ont cru voir dans les émeutiers l'avant-garde d'une révolte sociale.

En janvier, nous avons sélectionné un article de Jean-Claude Santana, montrant l'offensive du communautarisme dans la société française: "Différences et diversité contre égalité et laïcité."

En février, sur un thème semblable, Christian Gaudray, nous avait proposé: "Le monolinguisme au secours des sociétés multiculturelles en faillite". Un hymne pour une langue unique, à l'école, au service de la cohésion nationale, face à la faillite des modèles britanniques et hollandais.

En février, j'avais écrit "De Sohane à Ilan", en souvenir de l'affreuse mort du jeune Halimi, que j'avais rapproché d'autres actes barbares, commis contre des jeunes femmes comme Sohane, Ghofrane ou Shérazade.

Fin février, Pierre Cassen, dans un article sur le CPE, expliquait la complémentarité du combat républicain et du combat social, dans le bras-de-fer qui allait opposer, plusieurs semaines durant, le gouvernement et le mouvement social.

En mars, Hubert Sage, réagissait, suite à la mort de Milosevic, sur l'éclatement de la Yougoslavie, et la haine intercommunautaire qui en a suivi.

Bernard Teper, président de l'Ufal, écrivait à l'ensemble des députés et sénateurs pour protester contre la proposition de loi du député UMP Roubaud, entendant réintroduire le délit de blasphème.

Fin mars, Jocelyn Bézecourt avait assisté à une messe intégriste, à Saint-Nicolas du Chardonnet, en faveur de l'OAS, pour nous y décrire la nostalgie de ces milieux d'extrême droite pour le colonialisme.

En avril, Jeanne Bourdillon avait réagi à un article du sociologue "Indigènes de la République", Laurent Mucchielli, qui, égal à lui-même, transforme, dans les quartiers populaires, les bourreaux en victimes, et vice-versa.

Après l'extrême droite catholique en mars, Jocelyn a écouté, en mai, l'extrême droite islamiste au Bourget, avec les sympathiques Hani Ramadan, Hassan Iquioussan, et leur complice Vincent Geisser. Croustillant, également!

En mai, Marie Perret nous a parlé des tourments de la direction de la Ligue des Droits de l'Homme, déstabilisée par le texte "Un cri contre le racisme et l'intégrisme", publié dans "Libération" par notre collaborateur Pierre Cassen, Caroline Fourest et Corinne Lepage.

En août, Bernard Teper proposait de "rendre l'insécurité sociale illégitime", profitant des vacances pour se livrer à une analyse du monde aujourd'hui.

En septembre, Pierre Cassen montrait, chiffres en mains, combien les salariés avaient perdu de pouvoir d'achat, dans les vingt-cinq dernières années.

En octobre, suite aux menaces de mort contre le professeur de philosophie toulousain Robert Redeker, Respublica avait impulsé une pétition signée aujourd'hui par plus de 5000 personnes, avec des signatures significatives.

Bernard Teper complétait ce texte par un article intitulé "Où va la France", mettant en avant ce qu'était le modèle républicain de notre pays, avant que libéraux et communautaristes ne veuillent le détruire.

Kebir Jbil appuyait ce texte dans un article "Les raisons de sauver Anas El Jazouli et sa famille", soutenant un militant laïque marocain condamné à mort par les islamistes, que le gouvernement voulait malgré tout expulser.

En octobre toujours, Frédéric Antoine s'inquiétait de la multiplication d'agressions de policiers, et sentait que tout cela devenait malsain, à la veille de l'anniversaire des émeutes de 2005.

Mireille Popelin parlait, elle, de la misère qui déferle aux Canaries et ailleurs, et montrait son inquiétude, sur la question de l'immigration, devant les propositions de Sarkozy ou de Ségolène Royal.

En novembre, Jocelyne Clarke parlait de la solidarité avec les femmes polonaises, victimes de la montée de l'extrême droite catholique.

Brigitte Bré Bayle, elle, s'indignait devant la recrudescence des voiles intégraux dans la rue, dénonçant les "Belphégor" dont la tenue est une agression pour les luttes féministes du monde entier.

Je m'étais un peu lâché, fin novembre, dans un papier persifleur, intitulé "Le diable et l'ange", comparant Ségolène à la Vierge, Hollande à Joseph, et Sarkozy à un diablotin azimuté. C'est promis, je serai plus sérieux en 2007 !

En décembre, nous ne pouvions pas ignorer, bien sûr, la débandade de la gauche anti-libérale, et Jérôme Manouchian s'est mis au travail en parlant de "la gauche antilibérale la plus bête du monde".

Voilà, comme disait Michel Delpech, "il y a eu tout cela, et puis malgré tout cela, quand je t'ai rencontré, il y a eu autre chose...".

3.500 nouveaux abonnés nous ont rencontrés en 2006.

En janvier 2006, nous avions 20.000 abonnés, et nous sommes passés à plus de 23.000 en décembre ! Nous avons publié, à raison de deux par semaine, 91 numéros.

Nous avons installé un nouveau site, travaillé sur une nouvelle présentation.

On va tout vous dire. Nous seules ressources proviennent de vos dons. Nous n'avons aucun permanent, et, à part deux retraités, tous les membres de la rédaction vendent leur force de travail. Grâce à vous, nous avons reçu, en dons, trois mille euros dans l'année. Mais les frais de fonctionnement, notamment trouver un nouvel hébergeur, payer (le moins cher possible) le camarade qui a passé des dizaines d'heures à nous installer notre nouveau site, nous a coûté 2.200 euros. On n'est pas ruinés, mais on n'est pas reluisants non plus !

Alors, comme toujours, on compte sur vous pour plein de choses. D'abord, un chèque avec plein de zéros avant la virgule ! Ensuite, invitez-nous, l'année s'y prête, montez des réunions publiques, et proposez, sur les thèmes qui sont les nôtres, nos animateurs de venir les animer.

Nous avons commencé, cette année, des banquets républicains des "Amis de Respublica", il faut en faire partout où cela est possible.

On veut bien qu'en ce moment, ce sont les fêtes, mais après, au boulot !

Gagnez nous de nouveaux lecteurs, on veut être 25.000 l'année prochaine.

On vous souhaite à tous une bonne année 2007, on vous embrasse.

Évariste Pour réagir aux articles,
écrire à evariste@gaucherepublicaine.org

2 - Numéro Spécial: le meilleur de Respublica

2.1 - Les banlieues s'enflamment : à qui profite le crime ?

Paru dans le Respublica 395, numéro spécial, lundi 7 novembre 2005

Les émeutes qui se déroulent actuellement dans les banlieues suscitent un certain malaise. Tout se passe comme si l'analyse était prise dans une véritable antinomie : celle de la compassion et de la répression. Tout se passe comme si le citoyen était sommé de prendre parti pour l'un de ces deux discours, le discours compatissant, d'une part, le discours purement répressif, d'autre part.

Le discours compatissant fait de l'émeutier une victime. La victime d'une politique inique menée par un gouvernement de droite incapable de résoudre les problèmes de banlieues. La victime de la discrimination, du chômage, de la désespérance. Le discours compatissant se penche volontiers sur les causes, et convoque l'expertise sociologique : l'émeutier, c'est le jeune désoeuvré, qui n'a pas d'autres perspectives d'avenir que le désert urbain auquel il est assigné.

L'émeute est alors perçue comme un symptôme : le symptôme d'un malaise plus profond, d'un malaise social grandissant, dont les jeunes ne sont en rien responsables. Lorsque l'on tient le discours de la compassion, on est tenté par l'indulgence, on reporte la faute sur les causes sociales. Face au discours de la compassion, majoritaire à gauche, le discours de la répression : Sarkozy en est le chantre, et est parvenu, grâce à lui, à recréer une bien improbable unité gouvernementale. Le discours de la répression s'attache moins aux causes qu'aux réponses immédiates : il faut ramener l'ordre. Il faut faire preuve de fermeté. Il faut appliquer le principe de la tolérance zéro. L'émeutier, c'est la racaille, qu'il faut nettoyer au karcher. L'émeutier, c'est la gangrène, qu'il faut traiter de façon chirurgicale. L'émeute est moins le symptôme d'un malaise social, que l'expression d'une rébellion intolérable.

Optez pour le discours de la compassion : vous serez immédiatement accusés par les tenants de la répression de laxisme et d'angélisme, vous ferez alors parti du camp de ceux qui excusent l'inexcusable. Vous serez l'ange qui fait la bête. Optez pour le discours de la répression : vous serez immédiatement taxé d'odieux fasciste, vous ferez parti du camp de ceux qui s'aveuglent à la misère sociale. Comment sortir de cette antinomie ? En posant une question simple : à qui profite le crime ? Donnons à cette question la traduction philosophique qui s'impose : qui a intérêt à l'état de nature ? Deux figures : une figure évidente, d'abord, celle qui a droit aux feux de la rampe : la figure du petit délinquant d'un soir, qui profite de la situation de chaos de façon immédiate. Qui jouit de l'état de nature en tant que tel, parce que le désordre généralisé lui permet de donner libre cours à ses pulsions. Mais l'état de nature profite également à une autre figure, moins évidente, mais plus dangereuse, car porteuse d'un véritable projet politique. Le projet qui consiste à communautariser la société, afin de mieux livrer le corps social à l'ultralibéralisme. Or, ce programme est précisément celui de Nicolas Sarkozy. Que le projet de Nicolas Sarkozy soit ultralibéral, cela relève de l'évidence : ses liens avec le MEDEF suffisent à l'attester. Mais ce qui est moins évident, c'est la stratégie de Nicolas Sarkozy.

Cette stratégie, inédite, consiste à lier le combat anti-social et le combat anti-laïque. Premier acte : Nicolas Sarkozy courtise les communautaristes religieux. Il déclare publiquement, dans son livre d'entretien (Nicolas Sarkozy, La république, les religions, l'espérance, éditions du Cerf, Paris, 2004) que la République ne peut se passer de la foi. Qu'il incombe aux religions de prodiguer le divin opium qui redonnera aux citoyens l'espérance. Deuxième acte : Nicolas Sarkozy annonce le toilettage de la loi de 1905 et met en place une commission ad hoc. Le gouvernement se divise : Ni Chirac, ni De Villepin ne l'entendent de cette oreille.

Qu'à cela ne tienne : il suffit d'ouvrir le troisième acte. Et c'est celui-ci qui se déroule actuellement sous nos yeux. Nicolas Sarkozy donne aux imams le blanc-seing pour gérer les fauteurs de troubles. Lesquels imams en profitent, bien sûr, pour valider la thèse de Sarkozy. Dans un article du monde (daté du 7 novembre 2005), Xavier Ternisien rapporte les propos de l'imam Mamoun : " l'Islam est un facteur d'intégration. Il n'y a que les extrémistes laïcards pour penser le contraire. Si les jeunes ne respectent pas l'Etat de droit, ils respectent la religion. Un jeune délinquant qui ne respecte rien, il suffit de lui parler du prophète pour qu'il baisse les yeux ". Et l'imam Manoun se prend à rêver de remplacer les cordons de CRS par de respectables personnes âgées et des religieux. L'imam Mamoun et Nicolas Sarkozy partagent le même rêve : communautariser la gestion des problèmes sociaux dans les banlieues. Le premier, par pur prosélytisme : pour mieux implanter la religion dans les cités. Le second par pur opportunisme : pour mieux mettre à sac le modèle républicain, qui constitue le dernier rempart contre l'ultralibéralisme.

Pendant que les jeunes des banlieues entendront parler du prophète, Sarkozy pourra réaliser son programme ultralibéral. Lier le combat anti-social et le combat anti-laïque, telle est la stratégie. Pour mettre en oeuvre cette stratégie, il suffisait de confier la gestion sociale des quartiers aux adversaires déclarés de la laïcité. D'où l'alliance objective entre les imams et Nicolas Sarkozy. Le scénario avait déjà été écrit : il suffisait de trouver les faits qui serviraient à légitimer la thèse.

La situation d'émeutes dans les banlieues, à ce titre, tombe à point nommé : pour les communautaristes religieux, à qui on ouvre les colonnes d'un grand quotidien national pour qu'ils puissent clamer à l'envi l'impuissance de la République et la toute-puissance du nom de Dieu. Et à Nicolas Sarkozy, qui est parvenu à recréer autour de lui l'unité du gouvernement. Et à gagner des points pour les présidentielles. Car Nicolas Sarkozy a, au passage, récolté quelques suffrages.

Le discours de la répression, mâtiné d'une rhétorique propre à séduire l'extrême droite, permet à Nicolas Sarkozy d'aimanter, au second tour des présidentielles, les voix qui se porteront, au premier tour, sur De Villiers et Le Pen. Car tout est désormais mis en place pour que l'extrême droite, divisée entre ces deux figures, ne passe pas la barrière du premier tour et reporte ses voix sur le chantre de la " tolérance zéro " face à la " racaille " des banlieues. Mais Nicolas Sarkozy aura également réussi l'exploit de s'assurer du soutien des dignitaires de la communauté musulmane, installés par ses soins, qui sauront sans aucun doute se rappeler du cadeau concédé par le ministre de l'Intérieur et des cultes : le projet de financement public de la construction des mosquées.

Appâter les voix des communautaristes musulmans et celles de l'extrême droite, il faut bien avouer que l'exercice était hautement périlleux. Gageons que Nicolas Sarkozy est en train de réussir cette improbable acrobatie. Pour échapper au piège qui est actuellement tendu, à savoir l'antinomie stérile entre le discours de la compassion et celui de la répression, il est urgent d'opposer à la stratégie Sarkozy celle de Jean Jaurès : il faut lier le combat social et le combat laïque.

Le modèle républicain a rarement subi une attaque d'une telle envergure : la presse internationale conclue de la situation des banlieues à l'échec du modèle d'intégration à la française. Les communautaristes musulmans distillent la thèse selon laquelle la république ne peut se passer des grands frères et des imams pour pacifier les " quartiers ". Ils jouissent, en cela, à la fois de la bienveillance de Nicolas Sarkozy et de la complaisance des islamo gauchistes, qui en profitent, au passage, pour légitimer les auteurs des émeutes, transformés pour l'occasion en icônes de la révolution indigène contre l'Etat colonial.

N'en déplaise aux promoteurs de l'ultralibéralisme, n'en déplaise aux islamo gauchistes, n'en déplaise aux communautaristes religieux : on ne pourra déployer un authentique projet social pour les banlieues qu'en se réglant sur le modèle républicain. Au lieu d'éreinter la république, il convient, au contraire, de la convoquer à être à la hauteur de ses propres principes : d'oeuvrer pour que la puissance publique donne aux couches populaires les moyens d'échapper à la ghettoïsation (par la réouverture des services publics, par la garantie d'un logement digne pour tous, d'une école à la hauteur de sa mission d'instruction, etc.), et, de ce fait, à la stigmatisation. La république laïque et sociale est en effet le seul modèle politique qui permet aux jeunes des banlieues d'échapper à ces deux caricatures que constituent la victime ou la racaille : d'être des citoyens.

Marie Perret professeur agrégée de philosophie

Nicolas Gavrilenko

2.2 - Différences et diversités contre l'égalité et la laïcité

Paru dans Respublica 417, Mardi 31 janvier 2006

"La démocratie n'est autre que l'Egalité des droits. Hors, il n'y a pas Egalité de droits si l'attachement de tel ou tel citoyen à telle ou telle croyance ou telle ou telle religion est pour lui une cause de privilège ou une cause de disgrâce. Dans aucun acte de la vie civile, politique ou sociale, la Démocratie ne fait intervenir légalement la question religieuse. Démocratie et Laïcité sont indivisibles : la démocratie ne peut réaliser son dessein : l'Egalité des Droits que dans la Laïcité.

La démocratie a le devoir d'éduquer l'enfance et l'enfance a le droit d'être éduquée selon les principes mêmes qui assureront plus tard la liberté de l'homme. Il n'appartient à personne de s'interposer entre le devoir de la Nation et ce droit de l'enfant"                                J. Jaurès : discours de Castres 1904

De l'EGALITE aux DIFFERENCES dans le droit

La déclaration universelle des droits de l'homme proclame le principe de l'Egalité en droit de tous les hommes.

Les hommes naissent et demeurent égaux en droit. Ils sont égaux devant la Loi. Mais ce principe d'Egalité Formel est soumis aux turbulences du réel qui vont le mettre à mal.

Le droit est constitué d'un ensemble de normes. C'est aussi un discours qui est soumis à la dynamique sociale. Ce discours donne lieu à des glissements qui altèrent le sens du principe d'Egalité. Le principe d'Egalité se pense aujourd'hui comme un principe de non discrimination. A partir de ce déplacement, la réflexion sur les inégalités sociales se porte sur les causes objectives qui les génèrent. Les différences de situation nuancent le principe d'Egalité. Cela conduit aujourd'hui à penser et promouvoir un nouveau principe : celui de l'Egalité des Chances "qui incite à développer des mesures particulières en faveur des personnes défavorisées". C'est cette problématique qui conduit à évoquer la "discrimination positive" qui finalise les différences de traitement juridique sans assumer la correspondance entre situation de fait et traitement de droit. La discrimination positive dispose de deux champs d'expression possibles : l'un est social, l'autre est culturel. Cependant, les fondements révolutionnaire et la philosophie républicaine du système juridique français ne permettent pas d'inscrire dans les textes juridiques les différences culturelles.

En effet l'Egalité se pense avec les différences. L'égalité ne se comprend que parce qu'il existe des différences. Ce principe s'applique à l'encontre des différences qui résultent d'un contexte historique, politique, social ou encore naturel. La loi garantit à la femme des droit EGAUX aux hommes : c'est à dire les mêmes droits. La loi qui pose le principe de la parité est en contradiction avec le principe d'Egalité. Le danger essentialiste pointe. L'Egalité n'entrave pas la liberté de la dissemblance. Le principe de l'Egalité s'exprime dans un principe de Liberté.

Pour assurer la lutte contre les discriminations, le législateur emploi l'expression : "sans distinction d'origine, de race, de religion". Il exprime ainsi son rejet des politiques racialisantes, essentialistes. Il exprime sa condamnation de toute discrimination. La discrimination est une distinction juridique injustifiable, condamnable : elle est INTERDITE.

L'article 225-1 du code pénal (loi de 16 nov. 2001) stipule: "Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur apparence physiques, de leur patronyme, de leur santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétique, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non appartenance, vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée." Que n'a t'on oublié ? Y a t'il quelqu'un qui échappe à ces catégories ?

L'Egalité en droit s'est vu atténué, déformé par la jurisprudence, les discours. Désormais l'uniformité de la législation n'a plus a être assuré sur l'ensemble du territoire. Désormais le principe d'Egalité s'interprête comme un principe de discrimination. Le législateur interprète de manière différente des situations différentes. Les différences de situation sont au coeur des différences de traitement. Mais lorsque les situations individuelles sont définies par rapport à des considérations collectives, communautaires, culturelles elles sont alors en pleine contradiction avec le principe d'indifférenciation du peuple.

Sur le plan économique et sociale : Il n'y a pas des Différences il y a des Inégalités.. Les inégalités sont le produit de politiques publiques, de choix économiques qui influencent la production juridique. Ces évolutions expriment un changement profond de valeurs.

Dans les années soixante s'est opéré un virage à 180 degrés : discipline, obéissance, sens du devoir, ordre, autorité sont apparus comme l'expression de la domination bourgeoise sur les " travailleurs ", des valeurs de droite qu'il fallait combattre pour remettre la société en marche. Une ère nouvelle apparaît, plaçant l'individu maître de son destin, de son corps. Dans les années 80, avec la gauche au pouvoir, l'entreprise et la réussite de managers tels B. Tapie maquent l'avènement d'une nouvelle psychologie collective : désormais l'enjeu ne s'exprime plus dans la question que m'est-il permis de faire, mais suis je capable d'être l'entrepreneur de ma vie.. : A l'Ecole, l'élève devient Acteur de sa réussite ou de son échec. Dans l'entreprise la direction participative par objectif se met en place. La dynamique d'émancipation des années 60 s'est développée et accentuée au point de parvenir, avec l'aide des émissions de télé réalité à une véritable totémisation de soi exploitée par une société consumériste. Dans une société en crise marquée par un fort taux de chômage, la reconstruction du lien collectif se fait au travers des communautés. C'est ce qui permet aux communautaristes de tout poil d'exploiter un terreau fertile pour espérer obtenir des droits spécifiques compte tenus de leurs différences...

Ce contexte est opportunément saisi par les politiques qui inscrivent dans le droit un principe " d'Egalité des Chances ". Cela évite d'avoir à interroger (et à combattre) les causes des inégalités économiques et sociales. Puisque les inégalités résulteraient des différences, inscrivons dans la loi des droits spécifiques en fonctions des différences.. Et pour ceux qui n'auront pas su saisir leur chance, prévoyons un système d'assistance car les pauvres n'ont pas su saisir les opportunités qui leur étaient offertes... " Ils sont nuls les pauvres.. !! "

Et pour couronner le tout, on impute au modèle républicain les difficultés actuelles alors que l'échec résulte davantage de l'abandon des valeurs républicaines que de leur mise en oeuvre. Le communautarisme est en marche dès lors que l'on favorise par des mesures spécifiques tel ou tel groupe sur la base de considérations culturelles et l'on prend la responsabilité de dresser les communautés les unes contres les autres. En contradiction avec la méritocratie, des mesures sont prises pour favoriser la Diversité, les communautés qui s'estiment en sous visibilité revendiquent avec quelques succès, une plus grande visibilité (notamment dans les médias, dans la police, à la SNCF...) En vue de l'élection présidentielle de 2007, les communautés en concurrence, sur des bases culturelles et ethniques constituent des chartes de la diversité qu'elles soumettront aux futurs candidats à l'élection présidentielle. La libanisation de la société française est en plein essor ! Faut il rappeler que La République ne connaît pas les communautés, elle est constituée de citoyens égaux en droit. Le racisme, la xénophobie et le populisme se nourrissent du ressentiment. La démocratie est en péril.

Jean-Claude Santana militant UFAL et syndicaliste SNES

2.3 - Le monolinguisme au secours de sociétés multiculturelles en faillite

Paru dans le Respublica 419, Mercredi 8 février 2006

Certains avaient voulu voir dans les émeutes de l'automne dernier la faillite de l'intégration à la française. Mais curieusement, cette analyse émanait plus de français fascinés par le modèle anglo-saxon que des pays où sévit le multiculturalisme. Bien des voix s'étaient alors élevées pour dire qu'au contraire, c'est parce que la classe politique refusait d'avancer vers la République laïque et sociale que nous avions vécu ces événements.

Une des caractéristiques françaises est de mettre la langue au service de la cohésion sociale. La langue est en effet le premier des liens sociaux... lorsqu'elle est la même pour tous. Elle est alors facteur d'intégration sociale. Garantir la primauté du français et l'accès au français pour tous est une exigence républicaine.

Le multiculturalisme privilégie au contraire la diversité linguistique, conformément à sa ligne d'enfermement communautaire. La langue devient alors le premier des facteurs d'exclusion.

Mais lorsque 90 % des enfants d'une école parlent leur langue maternelle, différente de celle du pays dans lequel ils vivent, les limites du système sont évidemment dépassées. C'est le cas dans le quartier du Wedding à Berlin. La direction de l'école Herbert-Hoover a donc décidé d'inscrire dans son règlement intérieur que la seule langue qui doit être parlée dans l'enceinte de l'école est l'allemand. Bien sûr, les Verts crient à la discrimination, mais le SPD soutient l'initiative. Le résultat, ce sont des résultats scolaires en progrès, des parents ravis, et des inscriptions qui augmentent de 20 %.

Autre exemple dans un pays emblématique, la Hollande. La très droitière ministre de l'intégration a évoqué l'instauration d'un " code de normes et valeurs néerlandaises " qui proscrirait l'emploi d'une autre langue que le néerlandais dans la rue. Des initiatives municipales existent déjà comme à Rotterdam, où la droite populiste a édicté un " code de comportement " visant à améliorer les relations entre citoyens recommande que le néerlandais soit utilisé comme langue " à l'école, au travail, dans la rue et dans les maisons de quartier ".

On voit bien les difficultés qui surgissent pour prendre des mesures après s'être abandonné sans retenue au multiculturalisme. Absence de projet politique émancipateur et d'intégration, absence de séparation de la sphère publique et de la sphère privée, autant de préalables qui manquent pour que les initiatives prisent au pied du mur n'entravent pas les libertés individuelles. Pour autant, il est intéressant de constater que la langue est reconnue comme premier instrument pour assurer la cohésion sociale et fonder le sentiment d'appartenance à la communauté nationale.

Christian Gaudray

2.4 - De Sohane à Ilan

Chronique du numéro 422, vendredi 4 février

Je ne sais pas pourquoi, je n'avais pas envie d'écrire sur cet acte de barbarie qui remue la France entière, aujourd'hui. Mon premier réflexe a été l'identification à la victime, à sa famille et à ses amis. Tout le monde a un fils, un frère, un ami de l'âge d'Ilan. Imaginez qu'un être que vous aimez ait pu subir trois semaines d'actes de tortures, de sadisme et de cruauté sans nom me rend déjà malade. Je n'ai pas voulu, au début de cette affaire, entrer dans le débat : a-t-il subi tout cela parce qu'il était Juif ? Je l'avoue : j'ai fui cette question, car je n'avais pas envie que tout se cristallise autour, et occulte le reste.

Mon deuxième réflexe a été de penser à Sohane Benziane. Elle avait dix-huit ans quand un petit caïd de Vitry s'est senti le droit de lui interdire l'accès à son territoire. Devant le refus de Sohane d'obtempérer, il l'a aspergée d'essence, et brûlée vive dans une cave. Je revois très bien cette période. Le même jour, Bertrand Delanoë avait été poignardé par un homophobe, en pleine nuit de fête, à Paris. Je me souviens de la mort de Sohane comme si c'était hier, de mon indignation devant l'indifférence médiatique, la volonté d'étouffer l'affaire, le silence gêné des organisations féministes traditionnelles, de toute la gauche, de toute la classe politique.

Il ne fallait pas stigmatiser, en révélant l'affaire, une jeunesse déjà victime des injustices sociales et du racisme, et tant pis pour les jeunes femmes qui, comme Samira Bellil, subissent depuis qu'elles sont jeunes ados des viols collectifs appelés tournantes.

Dans ce contexte, l'arrivée d'un mouvement comme " Ni Putes Ni Soumises " a été une aubaine pour tous les jeunes hommes et jeunes filles, souvent enfants issus de l'immigration, doubles victimes du machisme des grands frères et de l'offensive cléricale des intégristes islamistes, dans les quartiers populaires.

Mais sur le dossier de Sohane Benziane, il aura fallu toute la pugnacité de notre amie Annie Sugier, présidente de la Ligue Internationale du Droit des Femmes, pour lutter contre la volonté de minimiser la gravité de cet acte commis à quelques kilomètres de Paris : se croire autorisé, en France, à brûler vive une jeune fille.

On a été jusqu'à raconter des mensonges, comme le fait que Sohane ait été l'ancienne copine de l'assassin, et que finalement ce n'était qu'un crime passionnel, avec toutes les circonstances atténuantes que cela mérite.

L'assassin va être jugé dans quelques semaines. Il a été applaudi par sa bande, lors de reconstitutions sur le meurtre, à Vitry. Les pressions ont été énormes, auprès de la famille Benziane, pour " laisser tomber l'affaire ", et ne pas militer pour le souvenir de Sohane, pour qu'un tel drame ne se reproduise plus.

Pourtant, il y a quatre mois de cela, Sherazade Belayni, jeune femme de dix-huit ans, elle aussi, se voyait, à son tour, aspergée d'essence par un garçon, parce qu'elle avait eu le malheur de refuser de l'épouser, comme l'homme le lui avait demandé, sans que Sherazade ne le connaisse, ni ne soit sorti avec lui, ni n'ait même parlé avec lui. Il l'avait choisi, elle devait dire oui.

Et puis, quelque temps auparavant, Ghofrane Haddaoui, retrouvée massacrée à coups de pierre dans un terrain vague, près de Marseille, une exécution qui rappelle, par les méthodes employées, les exécutions contre les femmes dans des pays sous dictature islamiste, même si ce parallèle continue à heurter quelques bonnes âmes.

Et puis, en Corse, un père de famille s'est cru autoriser à poignarder sa fille de 24 ans, parce qu'elle avait décidé de vivre avec l'homme qu'elle aimait, qui avait le défaut de ne pas être musulman.

Je parlais de Samira Bellil, que dire de toutes ces jeunes filles, victimes de longues semaines de viols, et de la terreur de parler qui s'empare d'elles, et parfois de leur famille, devant la loi du nombre, les intimidations et les menaces.

Mais que dire aussi des agressions parfois gratuites, subies par des jeunes garçons par d'autres jeunes, pour un regard, ou simplement pour s'être trouvé là au mauvais moment.

La semaine dernière, la mère de ma fille, qui travaille dans une cité, est arrivée toute tremblante chez moi. Elle venait, à 14 heures, en semaine, d'être témoin d'une agression dont la sauvagerie l'empêche encore parfois de dormir. Cinq garçons, par ailleurs blacks et beurs, étaient en train de massacrer un jeune homme d'une quinzaine d'années, par ailleurs blond et blanc, à coups de poings et à coups de pied, au bord d'un trottoir. Puis ils trainaient le môme sur la route, pour l'abandonner en plein milieu de la chaussée.

Ne voyant personne intervenir, bien que femme assez frêle, elle est descendue de sa voiture, et a commencé à crier très fort, pour qu'il se passe quelque chose. Elle a été insultée, menacée, traitée de sale pute, bien sûr, par les cogneurs, mais sa détermination a été telle qu'ils sont partis, attendus par une voiture qui faisait le gué à quelques mètres de là.

Impossible de savoir si le racisme était déterminant dans la violence de cette agression. Le môme, au visage massacré et tuméfié, a refusé d'aller porter plainte, et s'est enfui, terrorisé, dès qu'il a retrouvé quelques forces. Une agression comme tant d'autres, qui ne laissera aucune trace, et n'entrera sans doute dans aucune statistique.

Je rappelle tout cela pour dire qu'il n'y a pas eu besoin de ce drame d'Ilan pour savoir que, sur le territoire français, depuis des années, des actes barbares, viols, mariages forcés, excisions, crimes d'honneur, lynchages, peuvent exister, souvent dans une ambiance où ceux qui savent préfèrent se taire pour éviter les représailles, et où les pouvoirs publics ont tendance à minimiser la gravité des faits, voire parfois à les nier.

Bien évidemment, l'extrême droite s'appuie sur ces événements pour expliquer que le choc des civilisations est inévitable, et que cela eux ou nous, en avant pour les croisades ! Pourtant, ce sont donc le plus souvent les jeunes hommes et les jeunes filles des quartiers populaires de toutes les origines qui sont les principales victimes, au quotidien, du règne des chefs de bande et autres petits caïds, style Barbares de Bagneux, fascinés par le modèle américain et sa guerre des gangs. Ce sont eux qui veulent le plus être reconnus comme des citoyens français de plein droit. Ce sont eux qui appellent au secours la République, l'Etat, les institutions, pour qu'elle les protège de la barbarie et de l'obscurantisme.

Pourtant, le cas d'Ilan Halimi amène une donnée nouvelle, dans l'horreur. Il est de plus en plus évident que, comme le dit sa mère, si Ilan n'avait pas été juif, il serait encore vivant. L'enquête amènera des informations nouvelles, mais le " gang des barbares " pensait que kidnapper des juifs était rentable, puisque cela est bien connu, Juif = banquier.

Comment ne pas penser, d'autre part, que l'ensemble des discours antisémites entendus, rabâchés, dans certains milieux ou circule librement le Protocole des Sages de Sion, n'ait pas eu une influence décisive sur la barbarie des tortionnaires. " Pour une fois qu'on en tient un, il paiera pour les autres, vengeons nos frères ".

Qui mesurera un jour les dégâts, dans de jeunes cerveaux, des discours à la Dieudonné, ou de ceux qui se servent du conflit israélo-palestinien pour stigmatiser tous les Juifs complices de l'Etat hébreux ? Des discours qu'alimentent, à leur façon, les pratiques communautaristes de certains religieux juifs, qui se permettent parfois, notamment dans le Val d'Oise, des pressions sur des élus UMP ou PS, au discours particulièrement laïques quand il s'agit des musulmans, et très complaisant avec la laïcité quand il s'agit des Juifs.

Il convient de rappeler, à ce sujet, qu'il n'est pas plus acceptable que le chef de l'Etat et le Premier ministre, représentants d'un pays laïque, assistent, en tant que représentants de la République, ce jeudi, à un office religieux, par nature privé, à la mémoire d'Ilan, pas plus qu'il n'était normal que Villepin ne soit présent à la mosquée de Paris lors de l'affaire des otages, ou qu'on mette les drapeaux de la République en berne pour le décès du chef de l'Eglise catholique.

C'est en respectant ces principes laïques de base que les autorités de ce pays contribueront à ce que chacun, dans ce pays, qu'il soit croyant - catholique, protestant, musulman, juif ou autre - athée ou agnostique, se sente un citoyen égal à tous les autres citoyens, et contribueront au vivre ensemble.

Je me souviens de la profanation de tombes juives, à Carpentras. J'avais partagé l'indignation générale qui s'était exprimée. Pourtant, j'avais refusé d'aller manifester, ce jour là, car l'espèce de bonne conscience collective, l'unité nationale et l'hypocrisie que j'avais sentis autour de cet acte inqualifiable m'avait exaspéré, et mis fort mal à l'aise. Peut-être y aura-t-il, ce dimanche, des similitudes avec ce que je ne supportais pas, il y a vingt-cinq ans. Mais cela ne me parait pas l'essentiel.

Il faut être présent, à Paris place de la République, ou partout ailleurs où des initiatives se dérouleront. Tout simplement pour la famille et les amis d'Ilan. Pour dire non à l'antisémitisme, non à la barbarie, et faire en sorte qu'en France, plus personne ne puisse endurer ce qu'a subi Ilan Halimi.

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2.5 - Les enjeux sociaux et républicains de la bataille contre le contrat première embauche, au sein des entreprises

Paru dans le Respublica 424, Vendredi 24 février 2006

En 1994, Alain Madelin, alors membre de feu " Démocratie Libérale ", proclamait : " Le contrat qui lie un salarié à une entreprise doit devenir une exception ". Il développait la société de ses rêves : transformer les salariés en artisans, signant des contrats de travail ponctuels avec des entreprises.

La conception de " liberté " de l'entrepreneur, version Madelin, était fort simple. Il faisait travailler un salarié, devenu artisan, le temps jugé nécessaire pour effectuer un travail, et le payait en brut. Charge au salarié, ensuite, de financer avec ce salaire son assurance-maladie, sa retraite, ses vacances et l'ensemble de ce que les libéraux (de droite comme de gauche) appellent les charges sociales, et que nous devons appeler le salaire différé, ou bien les cotisations sociales. A lui, ensuite, de démarcher pour trouver du travail, pour qu'on en finisse avec les salariés rentiers qui touchent leur chèque de fin de mois quoi qu'il arrive ! Pas de travail, pas de sous !

Le discours de Madelin, dont la cote n'a jamais dépassé les 3 à 4 % dans les sondages, preuve du refus des Français du modèle économique anglo-saxon, ne doit jamais être oublié, même si il n'a jamais été encore appliqué en France.

La cible était déjà, il y a douze ans, le contrat de travail à durée indéterminée (CDI), jugé comme un obstacle à l'embauche par l'aile la plus libérale du patronat, les mêmes qui, en 1986, nous avaient dit que si on supprimait l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail, en cas de licenciement, on créerait 600.000 emplois. On a supprimé l'autorisation, et on n'a pas créé un emploi supplémentaire.

En 1994, ils ont donc essayé le Smic jeunes. On embauchait des jeunes en entreprises, à 80 % du salaire minimal conventionnel. La mobilisation de la jeunesse, et du mouvement social, et la peur de Balladur, alors grand favori dans les sondages pour la présidentielle de 1995, d'aller à l'affrontement, ont fait que le gouvernement a reculé, sur ce projet. Douze années plus tard, Villepin remet le couvert, toujours avec les mêmes arguments, empruntés au discours du Medef : " Trop de code tu Travail, trop de contraintes, trop de lourdeurs, on vaincra le chômage en pouvant mieux licencier ".

Première étape : il se fait la main sur le Contrat Nouvelle Embauche (CNE) qui ne devait concerner que les entreprises de moins de vingt salariés.

Deuxième étape : puisque cela passe, pourquoi ne pas élargir, et transformer le CNE en CPE, sur l'ensemble des entreprises, pour les moins de 26 ans.

Troisième étape : si cela marche, pourquoi ne pas élargir encore, à l'ensemble du salariat qui postule à un nouveau travail, quelque soit son âge.

Les employeurs seraient, bien sûr, les grands gagnants d'une telle opération. Déjà, dans les entreprises, la cohabitation de plus en plus fréquente de CDI avec des salariés d'entreprises sous-traitantes, ou des CDD, rend très difficile la solidarité des luttes. Si Villepin en reste à sa deuxième étape, la solidarité intergénérationnelle, et l'adage républicain du monde du travail " A salaire égal salarie égal " sera mis à mal. Comment convaincre un jeune qui peut se faire éjecter sans motif, du jour au lendemain, de se syndiquer, et d'être solidaire d'une action des autres salariés de l'entreprise ? Surtout, comment, avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête, demander une augmentation de salaire, le paiement d'heures supplémentaires à un employeur peu scrupuleux, une journée de vacances, le droit de partir plus tôt un jour, ou simplement d'être malade ? Comment, pour une jeune femme, refuser de se faire raccompagner chez elle par un chef de service libidineux ? Les premiers témoignages commencent à arriver au Conseils des prudhommes.

Mais si Villepin gagne la bataille, et applique la troisième étape, il convient de réfléchir à ce que deviendrait la vie des salariés, au sein des entreprises. On gèrera les " dinosaures ", les " archéos " qui ont un CDI, et on ne fonctionnera plus qu'avec des CPE, dispensés de cotisations patronales (comme pousse-au-crime anti-CDI, on ne fait guère mieux). Très rapidement, avec la multiplication des départs en retraite de la génération de l'après-guerre, fort nombreuse, les salariés avec un CDI seront minoritaires, et leur départ sera remplacé par des CPEE, qui seront le contrat premier emploi... dans l'entreprise. Bien évidemment, on montera les nouveaux arrivants contre les privilégiés qui s'accrochent à leurs privilèges, qui empêchent l'entreprise d'acquérir de nouveaux marchés, etc. Le patronat aura là les outils pour souffler sur les braises de la division du salariat, et jouer, en période de crise sociale, sur les plus vulnérables pour affaiblir les travailleurs les mieux organisés.

Pour le patronat, il est d'autant plus nécessaire de jouer sur la précarisation des futurs salariés que le départ massif à la retraite des anciens va créer un appel d'air, et des espaces professionnels pour les jeunes, pour la première fois depuis les années de chômage de masse.. La possibilité pour l'ensemble du salariat de récupérer une partie des 10 points du PIB qui ont disparu de ses poches en quinze ans pour aller dans celles des actionnaires inquiète bien évidemment ceux qui sont payés pour réfléchir et anticiper les " problèmes sociaux ".

D'où l'absolue nécessité de mettre en place un système qui, avec des alibis bidon sur l'employabilité facilitée des jeunes, vise surtout à fragiliser l'ensemble du salariat, à briser les solidarités et à décourager toute action revendicative.

Mais le patronat, au-delà du CPE, aura, demain, la possibilité d'utiliser deux autres mécanismes pour casser les solidarités. Le cas que la CGT vient de signaler, dans le Mantois, avec l'utilisation, à Porcheville, dans une centrale électrique, de salariés polonais travaillant pour 400 euros par mois est une autre arme redoutable. En ce sens, le Medef se satisfait totalement du discours - que tenait d'ailleurs Madelin - sur la liberté de l'immigration, et la possibilité qu'elle offre, même en période de chômage de masse, de tirer les salaires et les conditions de travail vers le bas. La politique de Nicolas Sarkozy, sur l'immigration choisie, ne dérange pas davantage le Medef, puisque, loin de contraindre les employeurs à rendre leurs conditions de travail compatibles avec le niveau de vie justement revendiqué par les salariés de France, il fait passer un autre message : adaptez-vous aux conditions actuelles, ou bien on fait venir de la main-d'oeuvre étrangère pour travailler à votre place.

Un autre mécanisme serait une aubaine pour le patronat. Suite aux violences des quartiers de novembre-décembre dernier, le chef de l'Etat a relayé les discours communautaristes de Nicolas Sarkozy et d'Azouz Begag, sur la discrimination positive, et a envisagé de contraindre les entreprises à se plier à ces nouvelles règles. Imaginez des employeurs contraints d'embaucher, par la loi, des quotas, des salariés, en fonction de leurs origines supposées, voire de leurs pratiques sexuelles.

La réaction de soutien au CPE de Villepin d'une association communautariste comme l'Union Française de la Cohésion Nationale (UFCN), animée par le nommé Mustapha Lounès, devrait interpeller tous les militants qui mènent le combat social, en oubliant de mener le combat laïque. L'UFCN soutient le projet de Villepin, et calomnie les militants qui le combattent. Ce groupuscule présente régulièrement une militante voilée dans les élections locales, a multiplié les recours contre la loi contre les signes religieux à l'école du 15 mars 2004, et entend imposer les règles de l'islam à la République. Il fait passer un message limpide au patronat : embauchez les salariés de notre communauté, et vous n'aurez pas de problèmes sociaux avec nous.

Les possibilités données, pour les employeurs, de miser sur une division communautariste, ethnique, religieuse ou autre, au sein de l'entreprise, bouleverserait les règles sociales actuelles, au détriment du salariat.

Encore aujourd'hui, la solidarité de classe sociale prend encore le pas, malgré des discours style " Indigènes de la République ", sur la solidarité communautariste dans les lieux de travail.

Rappelons-nous les propos de Madelin en 1994. On n'en est pas à cette étape. Mais le CPE de Villepin, et la division communautariste du monde du travail, serait une bonne transition pour y parvenir. Il n'en demeure pas moins que la droite a souvent cru, par le passé, que le rapport de forces lui était favorable, suite à une première victoire, pour aller plus loin, que cela soit sur le combat laïque ou le combat social.

Elle a cru que les accord Lang-Cloupet de 1992 lui permettait, un an plus tard, de remettre en cause les limites de financement des écoles privées.. Il y a eu le 16 janvier 1994.

Elle a cru que sa victoire de 1995 lui permettait d'attaquer de front la sécurité sociale solidaire, les retraites et les services publics, il y a eu le mouvement de décembre 1995. La droite a attaqué de nouveau sur les retraites, en 2003, et là, a tenu bon, malgré six journées de grève, et onze dans l'Education nationale.

Faire reculer Villepin, en campagne électorale, et infliger une défaite à ce gouvernement ne règlera pas tout, chacun en est conscient, les risques cités plus haut demeureront. Mais si Villepin gagne, l'accélération d'une mise en place d'une machine de guerre contre le salariat va se mettre en place très vite.

Les enjeux de la bataille du CPE sont à ce niveau. Les jeunes commencent à s'organiser dans les lycées et dans les universités. De la jonction du mouvement de jeunes et du mouvement syndical, et de l'ampleur des mobilisations dépendra durablement le rapport de forces entre le salariat et les employeurs, au sein des entreprises.

Conclusion : il faut gagner, et infliger une défaite au gouvernement Villepin-Sarkozy sur ce terrain là.

Première étape : réussir la mobilisation du 7 mars, dans la rue, partout en France.

Pierre Cassen

2.6 - MILOSEVIC, RUGOVA, TUDJMAN, IZETBEGOVIC, les fossoyeurs de la solution républicaine en ex-Yougoslavie

Paru dans le Respublica 427, mardi 14 mars 2006

Ca y est, le dernier du quatuor des fossoyeurs de la Yougoslavie est décédé, après ses 3 comparses, le kosovar albanais Rugova, et le croate Tudjman, et le bosniaque Izetbegovic. Ils ont été à l'origine du massacre de centaines de milliers de leurs concitoyens qui ont cru en eux, mais ils sont morts de maladie dans leurs lits!, même si le dernier vient de mourir dans une prison (confortable) du TPI afin d'y subir les foudres de la justice (partiale) d'une vision communautariste de la communauté internationale.

Un peu de rappel historique ne fait pas de mal: Le croate TITO avait cru pendant la guerre 39-45 à la création d'une nation yougoslave à partir de la réunion dans un même état de plusieurs nations d'origine slave, slovène, macédonien, serbe, croate, bosniaque(de culture musulmane) sous une forme fédérale, avec l'agrégation de 2 nationalités irrédentistes, les hongrois de la Voïvodine et les albanais du Kosovo sous forme de provinces autonomes rattachées théoriquement à la Serbie. Cet état fédéral devait amener au fil des temps à la constitution d'une nation yougoslave; cela faillit réussir, puisque aux derniers recensements avant l'éclatement de la Yougoslavie, 20% des citoyens se déclaraient de nationalité yougoslave comme primordiale avant leur nationalité d'origine.

Mais les tenants du capitalisme, surgonflé par sa forme néolibérale après la chute de l'Union soviétique et la mort de TITO, veillaient: TOUTE STRUCTURE DE TYPE ETATIQUE FONDEE SUR LE SENTIMENT NATIONAL DOIT ETRE AFFAIBLIE, et a fortiori quand elle est en construction comme c'était le cas en Yougoslavie DETRUITE; afin que les forces financières du turbocapitalisme rencontrent le moins d'obstacles possibles politiques dans leur oeuvre de racket et d'exploitation. POUR CELA TOUT LEUR EST BON: l'exacerbation des passions nationalistes communautaristes est pour elles une arme de choix (et c'est du pain béni quand on trouve une église catholique croate soutenue par le Vatican attiser la haine nationaliste, une église orthodoxe serbe faire de même, avec l'appui de groupes islamiques prêchant l'intolérance en Bosnie et au Kosovo). Milosevic, Tudjman, Izetbegovic et Rugova (qui s'est fait passer pour un modéré, peut-être, mais qui avait dès le début demander l'indépendance du Kosovo en attisant les passions nationalistes des uns et des autres); chacun demandant l'indépendance de son territoire autoproclamé au détriment de l'autre, bien sur, ont été les fossoyeurs de l'idée laïque républicaine de la nation.

Et maintenant, sur tout le territoire de l'ex-Yougoslavie, c'est la haine entre nations morcelées et le conflit latent en permanence: les communautaristes, instrumentalisés par les forces du néolibéralisme, font agir leur arme préférée: segmenter les nations en plusieurs états et segmenter les états -nations en minorités communautaires aux droits différents, afin que la volonté politique résultant de l'intérêt général ne puisse s'exercer.

Izetbegovic voulait un état purement musulman, Tudjman un état croate ethniquement homogène, Milosevic voulait asservir les albanais du Kosovo au nom du nationalisme serbe, Rugova voulait l'indépendance du Kosovo et pour cela l'asservissement des serbes qui y vivent; Et les instances internationales vont concocter un ersatz d'état au Kosovo, sans pouvoir politique fort, avec des enclaves serbes pour bloquer tout processus d'état-nation.

Maintenant que le grand objectif d'état national yougoslave est mort, il est vrai qu'il faut revenir à la constitution des divers états-nation dans l'ancien territoire, seule possibilité de créer une dynamique de libération politique nationale contre les forces du turbocapitalisme, et pour que cela ne dérive pas en passions nationalistes sources de discriminations jusqu'à des persécutions et des massacres, il est nécessaires que chaque nation ait son territoire national, le Kosovo doit être partagé: le nord rattaché à la Serbie, le centre et le sud rattachés à l'Albanie; la paix reviendra alors; la construction politique d'une république européenne sera on ne peu plus à l'ordre du jour et devra définitivement enterrer le projet de traité constitutionnel européen dans lequel la souveraineté populaire était bradée pour longtemps au profit du " marché libre et non faussé " qui se plait à se développer dans des régions autonomes et communautés à droits spécifiques multipliées à l'infini.

Mais cela va être difficile; TUDJMAN, IZETBEGOVIC, RUGOVA, MILOSEVIC, sont morts: ils ont bien mérité des forces financières capitalistes. OUBLIONS-LES...

Hubert SAGE Président d'Initiative Républicaine

2.7 - Lettre ouverte à tous les députés

Paru dans le Respublica 428, Vendredi 17 mars 2006

Copie aux sénateurs

Messieurs les députés,

Un de vos collègues, Jean-Marc Roubaud, élu du Gard, vient de déposer une proposition de loi sur laquelle l'Union des Familles Laïques tient à attirer votre attention. Ce projet est ainsi rédigé : " Tout discours, cri, menace, écrit, imprimé, dessin ou affiche outrageant, portant atteinte volontairement aux fondements des religions est une injure ". Il demande donc l'interdiction de tout propos et acte injurieux contre une religion.

L'Ufal rappelle que le délit de blasphème, qui jusqu'à ce jour n'existe pas en France, est une vieille revendication de l'extrême droite catholique, qui, sous la direction de Romain Marie, membre du comité central du Front national, a multiplié les procès, au nom de l'Agrif (Alliance Générale contre les Racismes et pour le respect de l'Identité Française), contre les films et ouvrages qui traitaient avec humour de la religion catholique.

L'Ufal rappelle, d'autre part, que les caricatures du prophète Mahomet viennent de donner lieu à de nombreuses violences, avec mort d'hommes et destructions d'édifices publiques, dans des pays sous forte influence de l'islam.

En France, l'ensemble des composantes du Conseil Français du Culte Musulman, sous l'influence des intégristes de l'UOIF, a demandé une loi interdisant toute critique des religions. C'est la liberté de conscience, la liberté d'expression et la liberté de croire ou de ne pas croire, dans notre pays, qui est visée.

L'Ufal s'indigne, un siècle après la loi de séparation des Eglises et de l'Etat, qu'un élu de la République puisse déposer une proposition de loi qui relaie les discours des franges les plus intégristes des différentes Eglises.

L'Ufal est d'autant plus scandalisée par cette proposition que, dans le monde entier, les femmes et les hommes de culture arabo-musulmane, premières victimes du totalitarisme islamique, se tournent souvent vers la France, qu'ils considèrent comme un espoir, par le modèle républicain et laïque qu'elle incarne.

Le député Roubaud, en déposant un tel projet de loi, encourage les pressions de ceux qui, après avoir lancé une fatwa contre les écrivains Salman Rushdie et Taslima Nasreen, assassiné le cinéaste Theo Van Gogh, et contraint la député hollandaise Aayan Hirsi Ali à vivre sous protection policière, veulent aller plus loin. Aujourd'hui, les ennemis de la liberté demandent, en France, une loi contre l'islamophobie, voulant ainsi remettre en cause la libre critique de tous les dogmes, donc des religions, donc de l'islam, qui ne saurait se confondre avec le racisme, qui est un délit que la législation française sanctionne fort justement.

L'Ufal pense que la France, pays des Lumières, république laïque, pays de la liberté, est une démocratie digne de ce nom parce que, contrairement à beaucoup d'autres pays, on y a le droit de critiquer librement tout texte, tout dogme, dont les religions et leurs fondements, sous forme scientifique, rationnelle, humoristique ou artistique.

L'Ufal avait apprécié que la représentation nationale, prenant conscience que l'islam politique était le cheval de Troie d'une offensive cléricale contre la laïcité, ait voté, à une grande majorité, une loi contre les signes religieux à l'école publique, le 15 mars 2004.

Dans une période où les fanatiques religieux entendent intimider toutes les démocraties, et où le communautarisme, ethnique et religieux, veut supplanter le " vivre ensemble " et " l'égalité des droits ", l'Union des Familles Laïques appelle l'ensemble de la représentation nationale à bien mesurer l'apport de la laïcité pour maintenir la paix civile dans notre pays.

L'Ufal demande donc à la représentation nationale de condamner fermement une telle proposition de loi qui tourne le dos aux principes fondateurs de la République et déshonore l'élu du peuple qui ose l'émettre.

L'Ufal, qui avait été auditionné par la commission parlementaire présidée par Jean-Louis Debré, et par la commission Stasi, se tient à la disposition de tout député ou groupe parlementaire désirant évoquer l'importance des enjeux laïques de l'heure.

Fait à Paris, le mardi 14 mars 2006, pour l'UFAL

Bernard Teper

2.8 - A Saint-Nicolas-du-Chardonnet, une messe pour l'OAS et les nostalgiques de l'Algérie française

Paru dans le Respublica 431, mardi 28 mars 2006

Le 26 mars 1962, une manifestation organisée à Alger par l'Organisation armée secrète (OAS) se termine par un massacre dans la rue d'Isly avec quarante six morts. Chaque année, l'extrême droite catholique célèbre l'évènement par une messe de requiem en l'église Saint Nicolas du Chardonnet à Paris, temple de la superstition et du fanatisme qui donne asile à la haine du progrès, des Lumières, de l'avortement, de l'indépendance des anciennes colonies, de la laïcité, etc. Ici point de prêtre âgé ou souffreteux comme dans l'immense majorité des paroisses; les curés sont jeunes, cheveux très courts et déterminés à ramener les brebis égarés dans le droit chemin d'un christianisme viril... La cérémonie du 24 mars 2006 a été suivie par une assistance nombreuse et a débuté par le placement d'une douzaine de drapeaux français sur l'autel, portés par des anciens combattants, dont deux femmes, arborant médailles, calots et bérets. Un livret édité par l'Association des Familles des Victimes du 26 mars 1962 et de leurs alliés indiquait la liste des victimes de la rue d'Isly et le déroulement exact de la messe avec les soporifiques prières chantées en latin (Kyrie eleison, Dies irae, etc.). En outre, la statue de Notre Dame d'Afrique trônait sur l'autel, une vierge noire symbole des ardeurs évangélisatrices qui ont acculturé l'Afrique depuis que les Pères blancs y ont répandu leurs vices.

La messe à Saint Nicolas du Chardonnet n'étant pas dite selon les procédures mises en place par Vatican II, l'essentiel est en latin et le curé est de dos à l'assistance. Mais le prêche politique donné en français sur le thème du jour est prononcé depuis une chaire latérale, signe de l'importance de la déclamation. Les nostalgiques de la colonisation ont été comblés. Mais avant le souvenir du temps où la métropole régnait de l'autre côté de la Méditerranée, le curé a précisé, avec fermeté, les conditions d'admission à la communion. L'hostie doit être reçue à genoux et sur la langue, et pas donnée dans la main à une personne debout comme pratiqué habituellement ailleurs, à la condition 1) d'être baptisé dans la religion catholique, 2) d'être en état de grâce (ne pas avoir de péché grave sur la conscience), 3) d'être à jeun depuis au moins une heure (exit les affamés qui aurait croqué une friandise avant le saint moment), 4) d'être catholique pratiquant et 5) d'être en règle avec l'Eglise sur le mariage (divorcés et célibataires non vierges iront gober l'hostie ailleurs).

La mise au point faite, l'ensoutané s'engage alors dans le souvenir larmoyant de l'Algérie française : "La France est morte en Algérie un 19 mars 1962". Il salue les députés qui avaient défendu, en 2005, la loi décrétant le "rôle positif" de la colonisation française, cite aussi bien les généraux Salan et Jouhaux (les dirigeants de l'OAS) que le chevalier Bayard, exalte l'action des religieuses catholiques, des "frères enseignants" comme "des pères blancs dans leur mission d'éducation et d'évangélisation" et rappelle l'essence de la colonisation ("oeuvre des militaires, oeuvre des religieux, oeuvre des bâtisseurs"). Et naturellement aucun mot sur les algériens eux-mêmes, seuls comptent les français et les harkis.

Mais le plus symptomatique a été la conclusion du sermon : alors que le christianisme ne peut, actuellement, que constater sa débâcle et que l'islam montre une violence conquérante renouvelée, l'heure serait à la conversion des musulmans ! Interdit de rire : il faut, aujourd'hui, "prier et agir pour la conversion des musulmans, ce sera notre meilleure manière de réparer tout ce mal et tout ce sang versé." Et de se référer à de glorieux prédécesseurs : Mgr Lefebvre (qui déplorait la liberté religieuse et avait déclaré, le 7 juillet 1965, que "les musulmans sont eux aussi appelés à participer au corps et au sang de Notre Seigneur") et le cardinal Tisserand ("Il faut convertir les harkis au catholicisme et avec eux tous les musulmans", 12 juillet 1965). Colonisation, évangélisation et soumission à la croix chrétienne, exploitation des terres comme des populations conquises, l'extrême droite catholique continue à prospérer sur le terreau de ses vieux réflexes militaires.

Jocelyn Bézecourt www.atheisme.org

2.9 - Le monde selon Mucchielli et les "Indigènes"

Paru dans le Respublica 434, mercredi 5 avril 2006

Le sociologue Laurent Mucchielli, par ailleurs un des initiateurs des " Indigènes de la République ", a longtemps été considéré comme une référence par des associations comme le Mrap et la LDH, ou des partis comme les Verts ou des franges du PCF et de la LCR. La sortie du dernier livre, dont il est l'un des co-auteurs, est tout-à-fait dans la lignée de ses ouvrages précédents.

Cet ouvrage, intitulé " Quand les banlieues brûlent ", résume ainsi les événements de novembre. Le pays est gangréné par une France lepénisée jusqu'à la moelle, xénophobe, raciste, qui constitue " la face obscure de la République ". L'honneur aurait été sauvé par les émeutiers, qui ont su envoyer " un message de type politique, au sens le plus noble du terme ! ".

Donc, brûler les voitures des travailleurs et des chômeurs, incendier 250 écoles, des bibliothèques, des bus, même quand il y a des passagers dedans, des crèches, des entreprises où des salariés gagnent leur vie tant bien que mal est un acte politique noble ! Ce livre de sociologues oublie juste de donner la parole aux premières victimes des violences : les habitants des quartiers populaires. L'un des auteurs justifie cet oubli, en expliquant : " les adultes sont systématiquement hostiles aux jeunes, et les personnes âgées, sont le plus souvent craintives et fatiguées ".

Laurent Mucchielli avait déjà largement contribué à la défaite de la gauche, en 2002, par l'influence de ses discours. Il faisait partie des ces sociologues qui voyaient dans la demande de sécurité des classes populaires un phantasme, visant à stigmatiser les jeunes de banlieue, et prouvant la lepénisation des esprits. Ce discours, repris par la gauche bobo, style Mamère, et une partie de l'extrême gauche, a jeté dans les bras du Front national nombre d'électeurs confrontés à la réalité de la situation.

A l'époque où on juge l'assassin de Sohane, le même Mucchielli a produit des textes où il explique qu'il n'y a pas de violence spécifique contre les jeunes femmes des quartiers, et que tout cela contribue toujours de la même démarche fascisante : stigmatiser les enfants de ceux qu'il appelle " les Indigènes ".

On attend avec impatience les futurs ouvrages de ce sociologue, quand il va nous parler des violences qu'ont subies les manifestants, lors de la lutte contre le CPE. Déjà, la mouvance des " Indigènes " raconte les mêmes élucubrations qu'en novembre : les voyous nihilistes sont des combattants du mouvement social ! Dans cette lignée, pronostic du prochain texte de Mucchielli : " Une jeunesse blanche, de la petite bourgeoisie, raciste, a délibérément ignoré le malaise de la jeunesse des quartiers, exclue du travail, et donc pas concernée par le CPE. En ne les intégrant pas dans les défilés, en les provoquant avec leurs portables à la main, ils ne pouvaient que susciter un acte politique fort de jeunes révoltés des classes populaires.

Les quelques accrochages, dont la violence a été fortement amplifiée par les médias aux ordres de Sarkozy, étaient avant un appel pour lutter contre les injustices sociales, les discriminations et le racisme que subit la jeunesse de la part de la République colonialiste et policière qu'est devenue la France ".

Je vous parie qu'on ne sera pas loin d'un texte aussi délirant. Et dire que des organisations invitent encore à débattre des autistes pareils, déguisés en sociologues ! Ceux qui auront vu l'école de leur gamin incendiée en novembre, ou dont le gosse se sera fait savater à quinze contre un en pleine manifestation et dépouiller en mars, apprécieront.

Jeanne Bourdillon

2.10 - Vincent Geisser, Hani Ramadan et Hassan Iquioussen : une sainte trinité prêche au Bourget pour l'UOIF

Paru dans le Respublica 442, mercredi 10 mai 2006

Les congrès de l'UOIF au Bourget se suivent et se ressemblent. Même vieux fond idéologique des Frères Musulmans, même forte proportion de femmes voilées, mêmes barbus, même littérature obscurantiste et mêmes intervenants toujours aussi éloignés des valeurs de progrès, d'émancipation et de liberté. Hommes et femmes sont séparés dans l'assistance. Du fait de sa forte affluence, le rassemblement annuel est devenu le rendez-vous d'une autre population d'intervenants, non musulmans, avec, pour l'édition 2006, des cléricaux comme le père Michel Lelong (un habitué), le pasteur Marcel Manoel, des élus de droite (Christine Boutin, Jacques P. Martin, Claude Pernès), Olivier Roy (directeur de recherche au CNRS reconverti dans l'assistance à l'islam politique) et Vincent Geisser, sociologue et calomniateur né pour lequel toute critique de l'islam révèlerait des motivations racistes.

Pendant quatre jours, les gigantesques hangars du Bourget ont résonné au son des conférences, des prêches, des chants religieux et des appels à la prière. Le dimanche 7 mai, la bonne parole a été diffusée par une sainte trinité constituée par un islamogauchiste, un pédagogue de la lapidation et un antisémite. Premier à s'exprimer, Vincent Geisser est intervenu sur l'islamophobie et l'anti mahométisme. Il est, à la tribune de l'UOIF, en terrain conquis. Caution intellectuelle bon marché des jeunes filles en foulard, Geisser est venu en "ami". Présenté comme tel, il renvoie naturellement la politesse à l'UOIF, comme Nicolas Sarkozy en 2003 à la même tribune.

Déjà invité au Bourget en 2004, Geisser exploite un filon qu'il sait porteur : attaquer ou moquer l'islam ou ses représentations serait un détournement raciste de la liberté d'expression. Simpliste mais efficace. Rien de surprenant donc dans le propos d'un sociologue dont la célébrité auprès de la oumma ne serait rien sans son étiquette d'universitaire. Vincent Geisser, particulièrement virulent, hargneux, a joué la carte de l'amalgame entre caricature d'une religion et haine des croyants et a caressé les barbus dans le sens du poil. Comme il n'est pas de limite à l'excès, l'orateur a fait de Charlie Hebdo une publication chérie par l'extrême droite en affirmant que l'hebdomadaire aurait multiplié ses ventes par dix ou vingt grâce à un lectorat brun et raciste alors que le tirage de Charlie n'a été multiplié que par trois ou quatre et qu'il est lu par des bouffeurs de curés, d'imams et de rabbins.

Mais l'universitaire ne souhaite cependant ni une loi contre l'islamophobie ni la réinstauration du délit de blasphème. La réponse est en fait plus subtile : c'est au nom du respect des individus que la liberté d'expression doit être bridée. Toutefois, dans sa défense des croyants, le sociologue n'évite pas quelques accents paternalistes, ceux-là même qu'il croit voir chez certains politiciens voulant borner la liberté d'expression par le respect des opinions. Pourtant, un autre élément s'est dessiné chez l'orateur : l'évocation de lui-même. Vincent Geisser ne limite pas son propos à l'islam mais l'accompagne d'un sujet omniprésent : sa propre personne. Il mentionne ses conférences, ses voyages, se cite lui-même et assure son auto promotion. L'islam est une religion de servitude et on n'est jamais si bien servi que par soi-même.

A l'obsession islamophile de Geisser a succédé la froide sérénité de Hani Ramadan, le frère de l'autre. Si Hani et Tariq constituent les deux faces d'une même pièce, Hani ne revêt aucun masque et est plus direct, comme le lectorat du Monde avait pu le constater avec effroi dans un article qui y était paru en 2002 sous le titre "La charia incomprise". Au Bourget, Hani Ramadan a délivré le dogme, le verbe calme, assuré, parfois imprécateur, toujours glacial. Dogmatique implacable, Ramadan suit le Coran à la lettre et n'autorise aucune déviation ni existence en dehors de l'islam : "le Coran nous enseigne qu'il n'y a rien dans la création, dans les cieux et sur terre, qui ne soit soumis de gré ou de force au créateur". On s'explique mal, alors, l'existence du matérialisme dans un monde totalement inféodé à Dieu : "le combat de tous les prophètes qui a été de lutter contre l'idolâtrie et le matérialisme" apparaît paradoxalement comme le signe de l'impuissance de Dieu à créer un monde à l'abri du péril rationaliste. Heureusement, "la faculté prophétique permet de corriger les erreurs la raison". Le sermon du directeur du Centre Islamique de Genève s'acharne ensuite sur "la loi de la causalité qui devient fautive quand on veut l'appliquer à Dieu". Ou Dieu en dehors de la science, air connu. Plus proche des attentes de l'assistance, Hani Ramadan rappelle que le Coran impose aux femmes de cacher leurs cheveux. Une conférence du frère de Tariq est donc un effrayant retour dans un passé obscur où l'individu enchaîné végète dans un autre monde, hyper dogmatique, autoritaire, superstitieux, où l'individualité de chacun est niée par la soumission absolue aux mythes ("l'homme a été créé pour adorer Dieu").

Enfin, troisième larron, Hassan Iquioussen a montré qu'il était digne de figurer aux côtés des deux précédents. Ses prêches sont fort appréciés chez les jeunes musulmans mais L'Humanité puis Le Figaro avaient révélé le caractère antisémite de certaines de ses conférences. Sa participation au congrès de l'UOIF vaut donc absolution. Acclamé à son arrivée, Hassan Iquioussen a joué la carte jeunes. Vêtu d'un vêtement de sport blanc à capuche griffé JMF (Jeunes Musulmans de France), il parle sans note, use de mots simples et ne recourt à aucune référence à de sombres théologiens des siècles passés. Très pieux, il vante la crainte de Dieu, le jeûne et l'engagement accru pour la religion qui assurera le salut d'une jeunesse "fainéante". Culpabiliser pour mieux soumettre, une vieille méthode toujours utile. Ce moralisme passe d'autant mieux que l'homme est jeune et n'offre pas la face ennuyeuse d'un vieux cheikh.

Geisser, Ramadan et Iquioussen sont trois facettes de l'islam d'aujourd'hui. L'UOIF réussit l'habileté de marier la caution universitaire d'un kafir compatissant à la rigidité d'un obsédé du dogme en passant par le faux modernisme d'une jeunesse réactionnaire. La recette semble prendre et nombreux sont les cléricaux non musulmans à s'allier aux fous de Dieu pour apporter leur offrande au sacrifice de la laïcité sur l'autel d'Allah.

Jocelyn Bézecourt co-auteur avec Gérard da Silva de "Contre Benoît XVI. Le Vatican, ennemi des libertés"
Editions Syllepse 2006
www.syllepse.net/lng_FR_srub_37_iprod_297-Contre-Benoit-XVI.html

2.11 - Les tourments de la Ligue des Droits de l'Homme

Paru dans le Respublica 445, vendredi 19 mai 2006

La réaction de la Ligue des droits de l'Homme à la pétition lancée par C. Fourest, C. Lepage et P. Cassen confirme le profond clivage qui sépare aujourd'hui deux façons de concevoir la lutte contre l'intolérance. Les pétitionnaires défendent un antiracisme de combat et de principes. Un antiracisme de combat, d'abord : face à la montée de la haine et de l'obscurantisme, ils invitent tous les démocrates à s'unir à partir des principes républicains pour lutter contre toutes les formes de discrimination. Un antiracisme de principe, ensuite : les pétitionnaires s'autorisent d'un principe sur lequel on ne saurait céder, le principe de laïcité. Ne pas céder sur le principe de laïcité, c'est rappeler qu'on ne peut vouloir la segmentation de l'humanité : car diviser l'humanité à partir de la fétichisation d'un particularisme, c'est porter atteinte à la dignité de la personne humaine. Pour qui s'engage dans la lutte contre l'intolérance à partir du principe de laïcité, toutes les figures du préjugé doivent être traitées sur le même plan : le sexisme, le racisme, l'antisémitisme, l'intégrisme religieux sont autant de façons de diviser l'humanité et de particulariser le citoyen. Ce sont donc autant de préjugés qu'il faut combattre, sans concession.

Que reproche, au fond, la LDH aux pétitionnaires ? Leur trop grande clarté et leur trop grande conséquence. Le principe de laïcité permet en effet de désigner clairement la ligne de front : les démocrates laïques se doivent de combattre toutes les idéologies porteuses d'un projet totalitaire. Or, l'intégrisme islamiste est de toute évidence porteur d'un tel projet. Il ne tolère ni la liberté de conscience, ni la liberté d'expression. Il est particulièrement féroce à l'égard des femmes. Il se revendique d'un droit canon, la charia. Il est donc conséquent de combattre l'intégrisme islamiste, tout comme il est conséquent de combattre l'intégrisme catholique, le fantasme d'un Occident chrétien, ou le mythe de l'existence des races. Nos concitoyens de confession musulmane l'ont d'ailleurs bien compris : ils sont de plus en plus nombreux à lutter aux côtés des républicains contre le fanatisme, l'intégrisme, et l'obscurantisme religieux.

Face à une position claire et conséquente, quels sont les armes qui restent à la LDH ? Le mépris railleur, le procès d'intention et les arguties. Voilà pour le ton. En ce qui concerne le fond, la LDH s'appuie sur une argumentation éculée. On connaît la chanson : elle se compose de trois couplets : " c'est compliqué ", " il faut dialoguer ", et " il ne faut pas faire d'amalgame ".

" C'est compliqué " : les pétitionnaires, écrivent J-P Dubois, H. Leclerc et M. Tubiana, n'ont rien compris. On le sait, la réalité est toujours beaucoup plus complexe qu'on ne le croit : il faut être aveugle pour ne pas se rendre compte que l'intégrisme islamiste est une figure particulière du préjugé. Il prospère sur le terreau de l'exclusion, de la misère, des ghettos. Je doute que les pétitionnaires nient cette évidence : qui peut contester que la misère fasse le lit du préjugé ? Faut-il accorder pour autant à l'intégrisme islamiste le privilège d'un statut d'exception et le droit à la caution sociologique ? A en croire la LDH, l'intégrisme islamiste a droit à un traitement à part. Si la LDH entonne le couplet du " c'est compliqué ", c'est parce qu'elle est tourmentée : la LDH éprouve le tourment de celui qui ne sait pas sur quel pied danser. Lorsqu'elle est confrontée à l'intégrisme catholique, à l'antisémitisme d'un Le Pen, au racisme du skin head, la LDH danse sur le pied républicain. Elle se revendique du principe de laïcité, et dénonce l'intolérance. Pas question, alors, de se lancer dans une analyse sociologique. Les choses sont claires, évidentes, et simples. Mais lorsqu'il s'agit de l'antisémitisme qui sévit dans les banlieues, du racisme affiché contre les " babtou ", du sexisme cautionné par une lecture fondamentaliste du Coran, les choses, mystérieusement, se compliquent : la LDH ne danse plus sur le pied républicain, mais sur le pied communautariste. Il faut alors écouter, comprendre, et se garder de tout jugement " lapidaire ". Entendez : il faut renoncer à tout principe clair. Tel est le tourment du néo-laïque : laïque intransigeant face au préjugé venu du nord, laïque " ouvert " face au préjugé venu du sud. Face à la position tourmentée de la LDH, les républicains qui ont signé la pétition sont sans concession : aucune figure du préjugé ne saurait être traitée comme une exception. Tenir ferme sur ses deux pieds, combattre toutes les formes de préjugé, telle est la position que les pétitionnaires défendent.

Parce que " c'est compliqué ", " il faut dialoguer " : voici le second couplet. Les pétitionnaires, aux yeux de la LDH, sont des gens frustres et intellectuellement limités. Mais ils sont aussi intolérants. On pourrait penser qu'être tolérant, c'est avant tout militer en faveur du principe de tolérance. C'est défendre la liberté de conscience, la liberté d'expression, bref, les libertés démocratiques fondamentales, face à tous ceux qui les remettent en question. On aurait tort : pour la LDH, être tolérant, c'est d'abord avoir l'esprit ouvert, c'est favoriser le dialogue. Bien sûr, il ne s'agit pas de dialoguer avec n'importe qui, car la tolérance a ses limites : il ne saurait être question, pour la LDH, de dialoguer avec Le Pen, De Villiers, ou Boutin. Ce serait se compromettre, ce serait oublier que la tolérance s'arrête là où commence l'intolérance. En revanche, la LDH dialoguera volontiers avec Tariq Ramadan, avec les militants de l'UOIF ou avec les Frères musulmans. Pas question de les " diaboliser " : il faut au contraire les considérer comme des interlocuteurs respectables et éclairés. On peut en effet gager que le dialogue sera constructif, et qu'ils finiront par reconnaître le bien-fondé des principes républicains. Le néo-laïque est certes tourmenté, mais il est aussi animé par une espérance invincible : un jour prochain, les intégristes islamistes seront visités par la grâce et se convertiront aux valeurs de la République. On répondra à la LDH que la lutte contre l'intolérance ne saurait être à géométrie variable : le défenseur des libertés démocratiques ne saurait se compromettre avec un homme de préjugé. La seule position légitime consiste au contraire à s'en démarquer clairement. S'inscrire dans le camp des démocrates laïques, c'est nécessairement cliver : c'est se distinguer clairement des promoteurs de l'intolérance, de la haine et de l'obscurantisme.

La LDH reproche enfin aux pétitionnaires de faire comme De Villiers : ils diaboliseraient l'islam. C'est le troisième couplet : " il ne faut pas faire d'amalgame ". On répondra à la LDH qu'il y a deux façons de faire des amalgames : en diabolisant ou en " victimisant ". De Villiers diabolise : tous les musulmans, dit-il en substance, doivent être considérés comme une menace potentielle. La LDH " victimise " : tous les musulmans qui tombent sous la tutelle des intégristes religieux doivent être considérés comme des victimes. Dans les deux cas, on enchaîne les musulmans à une détermination qui les fige : De Villiers les soupçonnent par avance d'être des terroristes en puissance, la LDH les excuse par avance de devenir intégristes. La pétition " Contre le racisme et contre l'intégrisme " a aussi pour vertu de convoquer les musulmans à une position de citoyen : tout comme on peut être de confession catholique et combattre l'intégrisme, on peut être de confession musulmane et prendre position contre le fanatisme religieux. Le poids des déterminismes sociaux, historiques et culturels ne saurait justifier ni la diabolisation, ni la victimisation. Il ne saurait non plus abolir la capacité, propre à toute personne, de s'autodéterminer. Au lieu d'accuser les auteurs de la pétition de diaboliser l'islam, un mouvement qui s'inscrit dans le combat contre le racisme tel que la LDH devrait bien plutôt se réjouir qu'une telle pétition soit l'occasion, pour nos concitoyens de confession musulmane, de prendre parti en faveur des principes républicains.

La réaction de la LDH à la pétition " Contre le racisme et contre l'intégrisme " montre, si besoin l'était, qu'entre les partisans d'un antiracisme de combat et les chantres d'un antiracisme à géométrie variable, le divorce est consommé. On peut le déplorer : il est triste en effet que, face à la montée de la haine et de l'obscurantisme, le camp des démocrates, au lieu de se fédérer à partir de la défense des principes de laïcité et de tolérance, se divise à ce point. Mais on peut aussi s'en réjouir : ce divorce permet de clarifier les positions, de préciser les enjeux du combat contre l'intolérance, et de souligner certaines dérives. Bref, il est l'occasion d'introduire un peu de clarté et de distinction.

Marie Perret professeur agrégée de philosophie

2.12 - Déclarons l'insécurité sociale illégitime

Paru dans le RESPUBLICA 463, vendredi 18 août 2006

D'abord un peu d'analyse.

Depuis l'implosion du communisme soviétique, la mondialisation néolibérale (née au milieu des années 70) a mis le turbo. Ainsi, nous sommes depuis la fin des années 80 dans la phase du turbocapitalisme.

Cette phase est principalement caractérisée par une double extraordinaire accélération d'une part celle du processus de marchandisation et de privatisation généralisées de toutes les activités humaines et d'autre part celle de l'affaissement de 10 points (correspondant aujourd'hui à environ 160 milliards par an) en un quart de siècle de la part des revenus du travail et des cotisations sociales dans la valeur ajoutée (richesses produites symbolisées par les économistes par le PIB).

La conséquence de cette double caractéristique est que les actuels dirigeants du monde, pour construire une majorité démocratique(le néolibéralisme étant minoritaire dans tous les pays), ont élaboré une stratégie d'alliances avec tous les néocommunautarismes ethniques, religieux et identitaires y compris les intégrismes.

Pourquoi ? C'est simple à comprendre. L'aggravation des injustices sociales et l'accroissement de la pauvreté tant dans les pays du Sud que dans ceux du Nord, caractéristiques induites du turbocapitalisme, obligent les dirigeants du monde à fournir un ersatz remplaçant le principe de solidarité contenu dans le principe d'existence des services publics et de la protection sociale. Le processus de privatisation et de marchandisation généralisées des services publics oblige donc les dirigeants du système turbocapitaliste à développer, le principe de charité(privé ou institutionnalisé) promu par les communautés ethniques et religieuses en lieu et place du principe de solidarité des services publics.

Cette alliance du néolibéralisme et du néocommunautarisme est donc constitutive au turbocapitalisme et non une alliance secondaire comme certains veulent le faire croire.

C'est pour cela que les médias néolibéraux ou sociolibéraux ont intérêt à instrumentaliser et à soutenir les communautaristes de gauche et d'extrême gauche. Surtout s'ils sont favorables au non de gauche car cela permet, de leur point de vue, de diviser le non de gauche qui est, en France, le seul adversaire potentiel crédible depuis la victoire du non et leur 31,3% du non de gauche au référendum du 29 mai 2005.

Diviser le non de gauche est une nécessité pour les dirigeants français du turbocapitalisme. Ne pas comprendre cela, c'est ne pas comprendre la vie quotidienne des conflits au sein du non de gauche aujourd'hui.

Voilà pourquoi est structurante la contradiction entre d'une part des communautaristes de gauche et d'extrême gauche et d'autre part des laïques et les républicains de gauche et d'extrême gauche pour tous ceux qui souhaitent une alternative au turbocapitalisme. Cette contradiction revient à opposer les partisans conscients ou non du modèle communautariste anglo-saxon aux partisans du modèle laïque de la République sociale théorisée par Jean Jaurès. Nier cette contradiction, c'est nier les chances de construire les conditions de l'alternative au turbocapitalisme car personne n'a formulé, jusqu'ici, d'autres modèles depuis l'implosion du communisme soviétique (et de la social-démocratie qui lui était rattaché). Et donc aucun autre modèle n'a un soutien populaire.

C'est pour cela qu'il n'est pas crédible de vouloir combattre le turbocapitalisme en s'alliant avec les communautarismes voire pour certains des intégrismes. Cela reviendrait à se tirer une balle dans le pied pour avancer plus vite !!!!

Fort de cette analyse, combien apparaît irréel le soutien des néocommunautaristes du non de gauche aux régionalismes ethniques et aux communautarismes religieux voire aux intégrismes pour certains !!!

Combien cela peut apparaître choquant de voir les communautaristes de gauche et d'extrême gauche (dont certains dirigeants de l'opposition dans ATTAC) d'avoir, pendant les Forums sociaux européens de Paris et de Londres, organisé la " starisation " de Tariq Ramadan, Indigène de la république comme eux en éliminant du débat altermondialiste la laïcité qui n'est apparu qu'au Forum social européen d'Athènes.

D'ailleurs, l'instrumentalisation des néocommunautaristes du non de gauche par les médias néolibéraux et sociolibéraux est une des raisons (et non la seule) de l'incapacité actuelle d'avoir un candidat unique du non de gauche à la présidentielle pour représenter les 31,3% du non de gauche qui rappelons-le est majoritaire à gauche et est majoritaire dans le non.

Il est d'ailleurs symptomatique et troublant de voir l'inexistence de la critique du livre de Nicolas Sarkosy sur la religion et l'espérance chez les néocommunautaristes du non de gauche. Ce livre met l'accent sur le primat du lien des identités religieuses sur l'universalité des droits universels. Seuls les laïques et les républicains de gauche et d'extrême gauche ont compris que ce livre était un livre culte du turbocapitalisme français.

Et comme cette thèse du primat du lien identitaire ethnique ou religieux est également la thèse centrale des Indigènes de la république, dont un nombre non négligeable des dirigeants de l'opposition dans ATTAC ou du collectif du 29 mai sont signataires de leur pétition, on peut comprendre que le non-débat sur cette question est un des facteurs (et non le seul, bien sûr) de crise dans le non de gauche en général et dans ATTAC en particulier.

Et que le refus d'en débattre est troublant.

Revenons aux conséquences sociales du train turbocapitaliste à grande vitesse. La principale conséquence est le développement exponentiel de l'insécurité pour les citoyens et leurs familles.

Développement de l'insécurité qui a lieu dans tous les domaines : tendance accrue au chômage et à la précarité en lieu et place d'une marche vers le plein-emploi et le contrat à durée indéterminée pour tous (sauf dans quelques cas de travaux saisonniers bien répertoriés), crise du logement social en lieu et place de la mixité sociale, et d'un plan pluriannuel suffisant de construction de logement, tendance à la marchandisation des services publics et de la protection sociale en lieu et place d'un droit opposable dans la sphère publique dans ces secteurs, tendance accrue aux ghettos sociaux sans droit à la sûreté comme le stipule l'article 2 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 en lieu et place à un droit opposable en la matière, tendance accrue au communautarisme en lieu et place du droit universel à la laïcité, tendance accrue à l'Europe antidémocratique, anti-sociale et anti-écologique des régions et des communautés d'Europe en lieu et place d'une Europe laïque, démocratique sociale, écologique qui ne nie pas les Etats-nations, tendance accrue à l'oligopole des médias au service du turbocapitalisme en lieu et place de médias pluralistes, etc.

C'est cela que perçoivent nos concitoyens. C'est donc sur ces points qu'il faut que les laïques et les républicains de gauche et d'extrême gauche fourbissent leurs propositions alternatives.

Ce qui revient à dire que nous serions inconséquents si nous ne répondions pas à la demande sociale que nous venons de présenter schématiquement.

Mais le refus de prendre ce problème à bras le corps a plusieurs visages.

D'abord, il y a la tyrannie du consensus à priori qui veut que l'on ne débatte que sur les points ou on est d'accord. Alors que seule l'explicitation du dissensus peut permettre un compromis dynamique entre ceux qui le souhaitent.

Par exemple, dans le mouvement altermondialiste, parce que l'on est d'accord sur l'OMC, l'AGCS, les paradis fiscaux, la dette des pays du tiers monde, etc., on ne reste formellement que sur ces sujets. Alors que ces nouveaux paradigmes n'ont comme utilité que d'être incarnés dans les batailles du mouvement social sur les thèmes choisi par ce mouvement social.

Puis, il y a le repli sur les " fondamentaux " de l'organisation interdisant à ces adhérents d'avoir une pensée et un débat globaux. Car bien sûr, le principe des conservateurs est, lorsqu'un débat les gêne, de déclarer ce débat hors champ de l'organisation. Tout le monde a bien compris que si ce que certains appellent les " fondamentaux de l'organisation " ne s'incarnent pas dans la " vraie vie " (chômage et précarité, services publics, protection sociale, laïcité, logement, école, Europe, etc.), il n'y aura aucun soutien populaire aux idées émises. Pire, le travail indispensable d'éducation populaire laïque tourné vers l'action sera étranger à certaines couches sociales (ouvriers, employés notamment).

Qui a intérêt à cela ?

Mais il y a plus hypocrite encore. Quand les conservateurs (communautaristes ou autres) ne peuvent plus s'opposer à certains débats, ils ne proposent que des débats contradictoires courts pour empêcher une nouvelle pensée globale d'exposer la nouvelle cohérence.

Car une nouvelle pensée ne peut pas être expliquée en quelques minutes alors que les pensées conservatrices et connues le peuvent.

Toutes ces méthodes bureaucratiques sont bien connues. Il convient donc d'en être conscient et de faire en sorte que nous puissions continuer de déployer notre processus visant à une alternative au turbocapitalisme.

Dans la nouvelle période ouverte par les victoires du 29 mai et du CPE, développer notre manifeste alternatif sur le thème de l'illégitimité de l'insécurité pour les citoyens et leurs familles nous permet de répondre aux enjeux et aux questionnements du peuple. Mais cela demande d'en étudier la globalité du dossier, la faisabilité de l'alternative et de vérifier constamment le soutien populaire sur chaque partie du dossier.

Faute de cette étude globale, de la faisabilité de l'alternative et surtout du soutien populaire sur chaque proposition et sur l'ensemble du projet, nous ne ferons au plus que du " bougisme " sans suite.

Pour avoir le soutien populaire sur le manifeste alternatif, mieux vaut expérimenter les idées en contact avec le peuple que de suivre aveuglément les stars du microcosme intellectuel universitaire souvent coupés de la réalité sociale. Malheureusement, aujourd'hui, tous les manifestes et autres chartes anti-libérales ne sont l'oeuvre que de ces intellectuels qui ne considèrent le " bas peuple " que lorsqu'il applaudit à leurs éructations !

En conclusion, il convient donc aussi de révolutionner les modes de production intellectuelle et ne pas considérer les intellectuels dans le mouvement altermondialiste comme on les considère dans le monde universitaire. Nous avons besoin d'intellectuels organiques au sens d'Antonio Gramsci et non d'intellectuels qui reproduisent dans le mouvement altermondialiste le rapport aux intellectuels du turbocapitalisme.

Construisons contre vents et marées, l'espérance souhaitée par le peuple.

Bernard Teper

2.13 - En trente ans, les salariés ont perdu beaucoup d'argent

Paru dans le Respublica 467, lundi 4 septembre 2006

Souvent, j'entends mon ami Bernard Teper nous dire que le capital a pris 10 points du PIB au travail, soit l'équivalent de 160 milliards d'euros par an, dans les vingt dernières années. Même si le chiffre peut paraître énorme, il ne parle pas beaucoup à la majorité des auditeurs de ses conférences. Aimant les choses concrètes, j'ai donc recherché, en compagnie d'un ami "ouvrier du Livre CGT" ses vieilles feuilles de paie, et ai décidé de les examiner de près.

En 1979, il payait 4,50 % de cotisations sociales sur l'assurance maladie, 4,70 % sur l'assurance vieillesse, et 0,60 % pour les Assedic. Ses cotisations dans les caisses professionnelles s'élevaient à 4,60 %.

Vingt-sept ans après, en mai 2006, il est toujours régi par la même convention collective, et son coefficient est le même (spécificité de la profession). Mais le montant de sa cotisation assurance-maladie est passé de 4,50 % à 7,50 %.

Celui de son assurance vieillesse est passé, lui, de 4,70 % à 6,65 %. Sa cotisation pour les Assedic a progressé de 0,60 % à 4,9 %.

Ses cotisations professionnelles ont explosé, ainsi que la cotisation de sa mutuelle.

S'ajoute, grâce à l'action de Michel Rocard d'abord, puis celle d'Alain Juppé plus tard, la CSG, qui n'existait pas à l'époque. Il paie, comme tous les salariés, 5,1 % de CSG déductibles, et 2,4 % de CSG non déductible. A cela s'ajoute le RDS de Juppé, qui se monte à 0,5 %.

Je me livre à un rapide calcul. En 1979, le montant de ses cotisations sociales se montait à 11,1 % de son salaire brut.

En 2006, je constate que la différence entre le brut et le net se monte à 26,5 %.

J'ajoute un fait qui a son importance. Auparavant, grâce aux accords professionnels et au rapport de force syndical, il y avait dans cette branche l'échelle mobile des salaires.

Quand les indices annonçaient 3 % d'augmentation, il y avait automatiquement les 3 % de majoration, plus 10 %, soit 3,3%, ce qui limitait les dégâts face à des indices défavorables au monde du travail.

Grâce au " camarade " Delors, qui a voulu lutter contre l'inflation, il n'y a plus eu d'échelle mobile des salaires depuis 1982.

Depuis le passage à l'euro, qui s'est traduit par une augmentation très forte des prix, très peu répercutée dans les indices, mais qui se cumule à la fin de l'échelle mobile des salaires, je peux considérer que, depuis 1982, la perte de 0,5 % par an, avec effet cumulé, a fait baisser la valeur de son salaire d'environ 15 %, et je n'ai pas l'impression d'exagérer.

Pour être précis, ce camarade bénéficie d'un salaire de base d'environ 2500 euros par mois, mais tout compris, treizième mois, heures supplémentaires et primes inclus, il gagne 36.000 euros l'année, soit 3000 euros par mois. Pour ceux qui le traiteraient de nantis, je précise qu'il travaille tous les dimanches, cinq soirs par semaine et tous les jours fériés.

Je commence donc à faire les calculs avec lui.

Si Delors n'avait pas bloqué son salaire (et personne ne l'a débloqué depuis), il gagnerait aujourd'hui, non pas 3.000 euros par mois, mais quinze pour cent de plus, soit 3.450 euros nets, soit donc, avec les 26,5 % de cotisations sociales actuelles, 4350 euros brut.

Si le montant de ses cotisations sociales (je ne dis jamais charges sociales) était demeuré le même qu'en 1979, il gagnerait donc, en net, onze pour cent de moins que 4350 euros, soit la somme de 3875 euros.

Conclusion simple : par rapport à l'année 1979, il gagne, en valeur constante, la somme de 875 euros de moins tous les mois, quand j'ajoute le blocage de son salaire et à ses 15,5 % d'augmentation de cotisations sociales. Il me dit par ailleurs que pendant cette période, les employeurs n'ont eu de cesse de remettre en cause son salaire de base, et qu'ils ont été mis en échec par le rapport de forces syndical.

Certes, il est ravi d'avoir contribué à ce que les personnes âgées vivent plus longtemps, mais il constate qu'il est nettement moins remboursé qu'auparavant, que ses frais pour les yeux et pour les dents ne sont pratiquement pas pris en charge par le régime général. Mais ses cotisations vont payer, cette année, l'assurance des chirurgiens, dans une profession où les gros pontes libéraux se servent bien sur la bête.

Il est également ravi d'avoir contribué à ce que les anciens puissent profiter d'une retraite décente. Mais il constate que les nouvelles conditions créées par Balladur en plein été 1994 ont fait passé le mode de calcul des dix meilleures années aux vingt-cinq meilleures années, et que les modes de calculs indiciaires ont fortement amputé le niveau des retraites. Un camarade lui a démontré que sa retraite sera amputée, grâce à ce nouveau mode de calcul, de plus de 150 euros par mois.

Mais que dire des pertes subies par les citoyens en trente ans ?

En 1979, le montant de la TVA était de 17,6 %, et qu'aujourd'hui, elle se monte à 19,5 %, sans parler des taxes sur l'essence.

Le montant des impôts sur le revenu n'a pas diminué. Par contre, celui des impôts locaux à explosé, notamment le prix du ramassage des ordures ménagères, et le financement de ces nouveaux échelons d'élus que sont la Région, les communautés d'agglomération (sans oublier, sur d'autres budgets, les élus européens).

Cela n'a pas empêché la dette de la France de s'aggraver, les déficits des régimes de santé de continuer de s'accroître, malgré nombre de plans de redressements qui se traduisent par des cotisations sociales supplémentaires, et une privatisation accrue.

La richesse du pays, de par la vente, parfois la braderie, de ses services publics et son patrimoine, n'a cessé de diminuer.

Je ne parlerai pas de l'explosion du prix du mètre cube d'eau, des transports, des prix de rentrée scolaire et autres.

J'entendais deux propos, en quelques jours. Nicolas Sarkozy s'est fait ovationné debout par le Medef. Il a trouvé le remède à tous les maux, ce qui ne va pas en France, ce sont les 35 heures. " Comment a-t-on pu promettre aux Français qu'en travaillant moins, ils allaient gagner plus " glapit le démagogue, qui par ailleurs veut que les grèves se fassent maintenant par le vote à bulletin secret dans les entreprises. Mais ce que veut Sarkozy, ce qu'il n'ose pas dire à haute voix, à la veille d'une élection, et il ne fait que rejoindre le créneau de tous les libéraux, c'est que les Français doivent " travailler plus, et gagner moins ". Le smic est encore trop élevé, voilà le credo des patrons du Cac 40. Ce qui a été volé au monde du travail depuis trente ans ne leur suffit pas.

J'ai lu d'autre part une interview de Laurent Fabius, qui prétendait qu'il serait le candidat de la feuille de paye, et qui annonçait quelques mesures - bien timides - pour concrétiser cela.

Je ne doute pas de la bonne foi de Laurent Fabius, mais qu'il paraît loin du compte !

A part cela, celui qui montre une volonté politique, et donne une méthode pour aller vers la récupération de ces dix points du PIB au profit des salariés aura une oreille très attentive de la part du monde du travail.

Pierre Cassen

2.14 - Contre la barbarie, le soutien à Robert Redeker doit être sans réserve

Paru dans le Respublica numéro spécial 475, 1er octobre

                              Signer la pétition - Voir les signataires

Le 20 septembre dernier, le cheikh islamiste Youssef al-Qaradawi livrait Robert Redeker à la vindicte des fous de dieu. Désigné comme islamophobe pour s'être demandé, dans une tribune du Figaro (édition du 19 septembre), ce " que doit faire le monde libre face aux intimidations islamistes ", Robert Redeker est aujourd'hui menacé de mort. Victime d'une fatwa, il a été forcé, lui et sa famille, à la clandestinité. Contraint de se mettre sous la protection de la DST, de quitter sa fonction de professeur de philosophie, de changer de résidence tous les deux jours, de faire face aux frais que cette situation peut occasionner, Robert Redeker a vu son existence basculer, et vit désormais en homme traqué.

Car telle est bien la sinistre réalité : du jour au lendemain, un homme se retrouve, de fait, déchu de son statut de citoyen et livré à l'état de nature. Voici un homme qui se trouve dans l'impossibilité de jouir des libertés les plus élémentaires -à commencer par celle de se déplacer. Voici un homme qui se trouve dans l'impossibilité de faire valoir ses droits, car à la barbarie, on ne peut opposer un droit quelconque. Voici un homme, enfin, qui se trouve rejeté de l'espace public et assigné à une existence de fantôme. Il faut, tout de même, se représenter l'effet exorbitant que produit cette fatwa : c'est toute une existence qui est brisée et qui bascule, de façon irréversible, dans la terreur. Etre victime d'une telle fatwa, c'est être un mort en sursis : cela signifie très exactement que la mort peut surgir n'importe quand, n'importe où, sous n'importe quel trait. Cela signifie très exactement que l'autre, celui qu'on croise dans la rue, celui qui sonne à la porte, celui qui passe en voiture, est un assassin potentiel. C'est à cette absolue précarité que se trouvent acculés Robert Redeker et sa famille. Pourquoi ? Pour avoir usé d'un droit constitutionnel, d'un droit pour lequel Spinoza, Locke, Voltaire, et bien d'autres encore, ont combattu, d'un droit que les révolutionnaires de 1789 ont conquis, d'un droit, enfin, que l'on croyait définitivement acquis : le droit de manifester sa pensée et ses opinions.

L'affaire des caricatures de Mahomet, il y a tout juste un an, avait déjà sonné le tocsin. L'affaire Redeker nous rappelle aujourd'hui cette triste évidence : rien n'est jamais acquis. La barbarie n'a pas disparu. Sous la hideuse figure de l'intégrisme religieux, elle impose désormais, sur le sol de la République, le régime de la terreur, et menace la liberté d'expression.

C'est la raison pour laquelle nous tenons à apporter un soutien inconditionnel à Robert Redeker. Exprimer sur cette affaire la moindre réserve, c'est déjà faire une concession à la barbarie. Aussi dénonçons-nous cette rhétorique insidieuse qui consiste à assortir la condamnation de la fatwa dont est victime Robert Redeker d'un " même si " ou d'un " bien que ".

Nous dénonçons les propos de G. de Robien, ministre de l'éducation nationale, qui, au lieu de manifester son indignation face à la barbarie intégriste, a cru bon, après avoir mollement exprimé sa " solidarité ", de donner à Robert Redeker des leçons de bienséance.

Nous dénonçons le discours quelque peu dévot de ceux qui soutiennent Robert Redeker du bout des lèvres, pour la forme, parce qu'il faut bien être démocrates, pour mieux se livrer ensuite à une analyse indécente de ses propos. Analyse indécente, en effet : n'est-il pas pour le moins déplacé de disserter, entre gens de bonne compagnie, sur l'article de Redeker quand celui-ci est, de fait, exclu de l'espace du dialogue et réduit au silence ? On ne sait que trop où conduit cette rhétorique insidieuse quand on la pousse jusqu'au bout de sa logique : on en arrive à excuser la barbarie ou, tout du moins, à " comprendre " l'incompréhensible, à savoir qu'un homme puisse mériter d'être condamné à mort pour avoir critiqué une religion.

Nous dénonçons, enfin, cette curieuse conception de la liberté d'expression qui tend à s'imposer aujourd'hui et qui devrait faire la joie des intégristes de tous poils : contrairement à ce que certains sont en train de faire accroire, la liberté d'expression ne s'arrête pas là où commence les opinions des autres. Car, à ce compte, on ne pourrait s'exprimer que sur des sujets absolument consensuels. La liberté d'expression, dans le cadre des lois interdisant les propos racistes et négationistes, ne saurait se réduire au droit de parler tant que l'autre est d'accord. La liberté d'expression, ne saurait se réduire au droit de tout dire sauf ce qui est susceptible de heurter l'opinion de l'autre, ou sa croyance, ou même sa foi, qui, dans le droit républicain, n'est qu'une des figures possibles de l'opinion. Face à certains commentaires, particulièrement nauséabonds, qui ont pu s'exprimer à propos de la situation de Robert Redeker, il paraît nécessaire de rappeler que le droit de critiquer une religion, un livre sacré, ou un prophète fait partie de la liberté d'expression, au même titre que le droit de critiquer une croyance, un livre, ou une personne quelconques. Appeler au respect des croyances de chacun est une façon d'inviter chacun à l'autocensure. Pire : c'est une façon de donner aux religions un statut particulier, d'en faire une chose intouchable et sacrée. C'est une façon de céder sur le principe de laïcité.

En signant cette pétition, nous souhaitons manifester à Robert Redeker et à sa famille un soutien sans réserve. Nous entendons aussi faire valoir le droit contre le fait, la justice contre l'arbitraire, la civilisation contre la force brutale. Il ne s'agit pas de jouer une civilisation contre une autre : il s'agit de faire valoir la civilisation -dont aucune culture en particulier n'a le monopole- c'est-à-dire les principes de liberté, de droit, et de justice contre la barbarie.

Premiers Signataires:

Michel ONFRAY (philosophe) , Corinne LEPAGE (présidente de Cap 21) , Alain FINKIELKRAUT (philosophe) , Yvette ROUDY (ancienne ministre) , Bernard TEPER (président de l'Ufal) , Pierre-André TAGUIEFF (philosophe) , Michèle TRIBALAT (démographe) , Alain CALLES (ancien président du Mrap) , Nicolas GAVRILENKO (président des Amis de Respublica) , Michèle VIANES (présidente de Regards de Femmes) , Catherine KINTZLER (philosophe) , Mohamed Pascal HILOUT (initiateur du nouvel Islam) , Nadia KURYS (vice-présidente du Mrap) , Jean-Claude MILNER (philosophe et linguiste) , Marie PERRET (philosophe) , Simon BLUMENTAL (président d'Algérie Ensemble) , Anne ZELENSKY (présidente de la Ligue des Droits des Femmes) , Antoine PEILLON (président de France Radicale) , Annie SUGIER (présidente de la Ligue Internationale du Droit des Femmes) , Catherine KRIEGEL (psychanalyste Paris) , Alain VINCENOT (écrivain, auteur de La France résistante) , C.E.R.F CERCLE D'ETUDE DE REFORMES FEMINISTES, Martine STORTI (Inspectrice générale de l'éducation nationale) , Jean-Claude SANTANA (président de l'Ufal Rhône-Alpes) , Robert ALBARèDES (animateur de laïques en réseau) , Catherine DEUDON (photographe) , Christian GAUDRAY (président de l'Ufal Gironde) , Marc KNOBEL (président de j'Accuse) , Brigitte BRé-BAYLE (enseignante, Ufal Marseille) , Frédéric DUPIN (professeur agrégé de philosophie) , Jocelyne CLARKE (enseignante, présidente de l'Ufal Paris) , Emmanuel ITIé (syndicaliste CGT) , Virginie HERMANT (agrégée de mathématiques) , Jocelyn BéZECOURT (site atheisme.org) , Jean-Loup BIDOT (professeur de philosophie, Nancy) , Hélène LOTTHé (professeur agrégée ès Lettres) , Thierry KAKOURIDIS (professeur (Marseille)) , Sylvie DINSE (professeur de philosophie, Libre Pensée Aveyron) , André PERRIN (agrégé de Philosophie) , Georges TORRES (demandeur d'emploi, Marseille) , Lionel AVON (professeur de mathématiques) , Liliane CHALON (inspectrice de l'éducation nationale dans le Val de Marne) , Lisa SCHMITT (féministe) , Michel FICHANT (professeur de philosophie à l'Université Paris) , Névine MARCHISET (mère de famille) , Lucette GUIBERT (militante associative) , Philippe RAYNAUD (Professeur à l'Université de Paris 2, Membre de l'Institut Universitaire de France)

ReSPUBLICA

2.15 - Où va la France?

Paru dans le Respublica 476, mercredi 4 octobre 2006

Il était une fois une France républicaine terre d'asile. Aujourd'hui, Anas El Jazouli, le Salman Rushdie marocain, président du Mouvement laïque marocain, est menacé de mort au Maroc par une fatwa intégriste. Réfugié en France,le gouvernement lui refuse le droit d'asile et l'invite à quitter le territoire. Il est en grève de la faim depuis 3 semaines.

Il était une fois, une France républicaine, assurant la sûreté des personnes sur son territoire conformément à l'article 2 de la déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789.Aujourd'hui, un professeur de philosophie est obligé de se cacher à cause d'une fatwa d'un prédicateur intégriste.

Il était une fois, une France républicaine qui enseignait les Lumières. Aujourd'hui, après que l'Université de Lyon 3 ait donné une tribune à des négationnistes d'extrême droite niant la Shoah, voilà l'arrivée des conférences d'Hani Ramadan, celui-là même qui justifie, entre autres, la lapidation des femmes adultères, le sida comme une punition divine.

Il était une fois une France républicaine qui se dotait d'entreprises publiques de l'énergie. Aujourd'hui, le parlement marchandise et privatise ce secteur.

Il était une fois une France républicaine qui, avec le Conseil national de la résistance, a promu la sécurité sociale à la Libération. Aujourd'hui, après avoir favorisé les écoles privées confessionnelles au détriment des écoles publiques,favorisent les cliniques privées face à l'hôpital public et les multinationales de l'assurance au détriment de la sécurité sociale.

Il était une fois une France républicaine qui votait la loi du 9 décembre 1905 dite de séparation des églises et de l'Etat. Alors que la Suède a pris le même chemin, voilà notre gouvernement qui veut démanteler cette loi via le rapport Machelon.

Il était une fois une France républicaine qui avait une politique de plein emploi. Aujourd'hui, le turbocapitalisme met en place le chômage massif et la précarité. De plus, beaucoup d'organisations politiques et de candidats aux prochaines élections n'ont pas les discours et les actes à la hauteur des enjeux.

Après les victoires partielles concernant le non au traité constitutionnel et le retrait du CPE, la riposte à ce cours des choses est notoirement insuffisante. En partie à cause du manque de repères de ceux qui veulent résister à cette évolution. Pour avoir ces repères,il faut constituer un ensemble cohérent de principes. Pour nous, cet ensemble cohérent de principes, c'est le modèle laïque de la république sociale cher à Jean Jaurès. Notre travail d'éducation populaire consiste donc à affiner l'ensemble cohérent de ces principes et de le populariser dans le mouvement social pour redonner confiance.

Bernard Teper

2.16 - Les raisons de sauver Anas Jazouli et sa famille

Paru dans le Respublica 477, mardi 10 octobre

Anas Jazouli, marié et père de deux enfants de deux et quatre ans est en grève de la faim depuis le 11 septembre 2006. D'origine marocaine, il a été un fervent militant en faveur des libertés de la femme, de la liberté d'expression, et de la liberté de conscience dans son pays d'origine. Ayant obtenu un doctorat en mathématiques après un brillant parcours scolaire, il s'est rapidement trouvé une vocation pour les affaires. D'abord dans les Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication, puis dans l'événementiel, ce qui alliait l'esprit d'entreprise à l'idéal laïque qui le guide.

C'est dans ce cadre qu'il a organisé le concours Miss Maroc à partir de l'année 1999, avec le succès que l'on connaît : des milliers de jeunes filles se sont portées candidates dans un pays musulman. Elles venaient souvent du fin fond de la campagne accompagnées de leurs parents, pour décrocher les premières places du concours Miss Maroc

Cette entreprise, par son succès et par son impact laïcisant, posait un véritable problème aux islamistes, qui la considéraient comme menaçant leur propre conquête, et l'hégémonie obscurantiste tant souhaitée.

Anas fût alors voué aux gémonies de ces groupes radicaux qui ont eu recours aux menaces dans leurs organes de presse, à l'humiliation, puis à l'agression physique.

Anas Jazouli et sa famille n'eurent d'autre choix que de se réfugier dans un pays capable de le protéger : La France.

Depuis le mois de mars 2003, la famille Jazouli jouit de la protection de la France, et en est reconnaissante. Les époux Jazouli, dont le plus jeune des deux enfants est né France éduquent ceux-ci dans l'esprit et l'amour de leur patrie d'adoption, et conformément à la devise Républicaine, Liberté, Egalité, Fraternité.

La dernière circulaire concernant l'immigration met malheureusement un terme à cette protection, et par conséquent expose toute la famille à la vindicte islamiste qui ne manquera pas de se manifester dès lors que la famille Jazouli aura regagné le Maroc.

Enjeux

Connaissant personnellement Anas Jazouli, je puis affirmer qu'il est déterminé dans sa démarche. Il m'a personnellement confié avec beaucoup d'émotion, le mardi 26 septembre 2006, qu'un échec le conduirait à s'éliminer afin que le gouvernement protège ses enfants, dont l'avenir est menacé par les islamistes.

Par ailleurs, au moment où j'écrits ces quelques lignes, Anas est physiquement très fragilisé. Etant donnée sa faible constitution, il puise certainement dans ses ultimes réserves. Il paraît évident qu'il lui reste peu de temps avant de devoir être hospitalisé.

Enfin, les enfants Jazouli dès à présent souffrent de la situation ambiguë de leurs parents et à l'évidence, ils souffriront de l'impact que laissera ce passage dans leur vie. Ayant reçu une éducation française, comment pourraient-ils, si l'expulsion était confirmée, intégrer un pays dont ils ne sont ni issus, ni voyageurs réguliers ?

Si la France, à juste titre ne peut accueillir qu'un nombre restreint d'immigrés, elle se doit, tenant compte du nombre sans cesse croissant de candidats à l'immigration, mettre en place des critères de sélection promouvant celles et ceux qui ont une capacité à augmenter les richesses scientifiques, culturelles et philosophiques de notre pays. Quoi de plus normal, lorsque l'on dirige un pays, que de tout mettre en oeuvre pour qu'il ait le rayonnement le plus éclatant possible ?

C'est précisément là où se situe la frontière entre l'idée d'une France qui perd, et celle d'une France qui gagne. Je propose de soutenir la seconde France, qui est en réalité la première, celle qui est calibrée par la République pour adopter des Anas Jazouli et pour accueillir ses progénitures.

Le temps d'Anas est compté. Le 27 septembre au matin, il a dû être mis sous perfusion. Il ira jusqu'au bout, avec toutes les conséquences que cela engendrerait s'il venait à décéder, pour sa famille et plus généralement pour la devise républicaine.

Soutiens actuels

Un comité s'est organisé pour piloter les actions de soutien à Anas Jazouli. Il comprend les associations RESF - Réseau d'Education Sans Frontières -, UFAL - Union des Familles Laïques -, des élus de Seine et Marne, ainsi que des citoyens de toute la France et des habitants de la ville de Montereau.

Un site Web est ouvert depuis peu. Il permet de signer la pétition de soutien ainsi que d'entrer en relation avec le collectif.

Que peut apporter Anas à la France ?

Anas dispose de nombreux bagages, d'expériences et d'une volonté qui lui permettent de participer à la construction de l'idéal républicain incarné par la France. Construction qui nécessite l'effort des plus audacieux.

L'audace, Anas la détient ! Son passé d'entrepreneur est exemplaire. Il témoigne des capacités d'Anas à produire des richesses tout en contribuant à la solidification des principes qui nous unissent. Il est aujourd'hui prêt à en faire profiter la communauté nationale.

En parallèle de son activité professionnelle, Anas n'a cessé de contribuer à circonscrire les violences et dérives dans les zones dites sensibles grâce à un travail d'éducation, et parfois d'orientation.

Son expertise des questions de violences dans les banlieues participe à l'effort de pacification nécessaire et prioritaire. Cette connaissance du terrain, alliée à la capacité de dialogue serein en milieux difficile fait d'Anas un potentiel fort que la République gagnerait à exploiter.

Par ailleurs, Anas est Docteur en Mathématiques, multipliant ainsi largement ses chances de trouver du travail, ou d'en créer - ce qui l'intéresse le plus -.

Anas est en définitive un investissement sûr pour la France. De part sa formation, sa culture, son expertise dans des questions aussi délicates que celles des violences urbaines ou enfin de part sa capacité et sa motivation à créer de l'emploi, sa place est parmi nous en France et de manière régulière.

Pour libérer son énergie, Anas a besoin de savoir sa famille protégée et de se savoir libre d'agir en tant que tout citoyen désireux de s'investir dans la construction de la France de demain.

Kebir Jbil

2.17 - Cocktail dangereux en banlieue

Paru dans le Respublica 478, mercredi 18 octobre

Et de trois ! Après les Mureaux et les Tarterêts, c'est la troisième agression que les policiers subissent en moins d'un mois. (...) Tout comme dans les deux autres quartiers, il y a fort à parier que Nicolas Sarkozy va envoyer des centaines de policiers accompagnés de milliers de journalistes., lit-on sur une dépêche au ton volontairement ironique, publiée le samedi 14 octobre après l'agression des policiers d'Epinay, et que l'on peut consulter sur le site paris-link-home.com. Ces affaires qui s'enchaînent prêtent cependant peu à sourire.

A Epinay, une dizaine de jours après l'émeute des Mureaux, le samedi 14 octobre, la police a été appelée dans un quartier pour une affaire de vol, et deux voitures ont bloqué celle de la BAC (Brigade Anti-Criminalité) avec à bord trois agents. Une trentaine de jeunes voire cinquante, avec cagoules et battes de baseball les ont attaqué violemment, selon des sources policières. Les policiers ont dû faire usage de flash-balls et ont sorti leur arme de service pour se dégager. C'est la seconde fois en un mois que des policiers en difficulté se saisissent de leur arme administrative pour se dégager, car aux Mureaux le 2 octobre un policier s'était saisi de son arme de poing dans des circonstances similaires.

Après les Tarterêts (où deux CRS, qui ont voulu contrôler les identités d'un groupe de jeune en train de grignoter des pizzas sur un talus, se sont fait massacrer) et Les Mureaux (où sept agents, qui avaient pris en chasse un conducteur sans ceinture de sécurité et qui roulait à très vive allure, ont violemment été pris à parti par plusieurs dizaines de jeunes), c'est la troisième affaire d'agression de policiers en un mois. Précisons qu'une autre affaire de passage à tabac d'un policier de la BAC de nuit de Mantes-la-Jolie, blessé au visage et avec une fracture au bras, avait été beaucoup moins médiatisée en septembre.

Une question se pose à l'observateur de ces incidents graves qui se concentrent dans un laps de temps très réduit, un mois. Y a-t-il vraiment une recrudescence des agressions de policiers en banlieue, ou sont-elles plus médiatisées, et comment analyser ce phénomène ?

Après les incidents du début du mois aux Mureaux, Nicolas Comte, policier anciennement en poste en Seine-Saint-Denis, secrétaire national général de SGP-FO (le troisième syndicat policier national) répondait, le 2 octobre dernier, aux questions du quotidien Le Monde, qui portaient justement sur l'accroissement des agressions à l'encontre de policiers en service.

Selon le syndicaliste qui s'appuie sur des chiffres de l'Observatoire national de la délinquance, un organisme dépendant du ministère de l'Intérieur, la violence contre les forces de l'ordre a augmenté de 103 % en dix ans.

Ce qui a changé, explique Nicolas Comte au quotidien du soir, c'est qu'il y a une volonté, ressentie réellement, depuis que Nicolas Sarkozy est devenu ministre de l'intérieur, d'aller au contact, d'aller à l'interpellation... Avant, il y avait plus de modération, voire de timidité. Cela arrivait que l'on quitte des lieux pour apaiser les tensions, éventuellement en laissant des coupables derrière nous. Cette volonté d'aller au contact augmente naturellement les risques de tensions. C'est un choix politique. Avec lequel je suis plutôt d'accord. Une position de SGP-FO qui a le mérite d'être claire.

Ces affaires qui s'enchaînent, et dont les médias ne manquent pas de mettre en relief la thématique commune, font couler beaucoup d'encre, avec une dimension (involontaire ?) d'effroi pour le lecteur-électeur, accablé par ces nouvelles terrifiantes, et qui se projette déjà dans l'isoloir. Mais faut-il taire pour autant ces évènements ?

Le triste anniversaire des émeutes de l'automne dernier arrive, et avec lui un regain de tension perceptible dans les banlieues. Le Pen espère engranger tous les bénéfices de cette actualité, et sur les multiples blogs néo-fascistes que l'on trouve sur le net, le discours d'appel au sauvetage de la patrie fait florès. Je ne parle même pas des rêves militaires de Ségolène Royal, tellement le sujet est dramatique.

Depuis quinze ans, et les émeutes de Mantes-la-Jolie ou de Vaux-en-Velin, alors que les signes d'alertes n'ont pas manqué par la suite, les gouvernements socialistes et de la droite gaulliste ont abandonné ces territoires de la République. Chantre de la rupture libérale, qui d'autre en réalité, plus que Nicolas Sarkozy, s'accomode volontiers de ces décennies de laisser-faire social accouchant de cette jungle, Le Pen peut-être ou De Villiers.

Un ministre de l'Intérieur de la République a certes raison d'exiger que la police reprenne pied dans des cités, où les gouvernements successifs n'ont pas fait grand chose pour empêcher de se développer les petites mafias qui pourrissent la vie des habitants. Mais en matière de sécurité publique, Sarkozy préfère l'assaut permament de la troupe plutôt que le maintien d'une force de paix, représentée hier par la police de proximité. Il est aussi coupable de jouer une surenchère dangereuse, dans un contexte de précampagne électorale qui refait de l'insécurité son propos capital, où l'on ne sait plus si c'est le candidat à l'Elysée qui manoeuvre la police, avec tous les dérapages qui peuvent se produire, ou si c'est le ministre qui agit dans la seule perspective de son élection. Grisés par la logique de kärcherisation des quartiers criminogènes, certains de ses émules, apprentis nettoyeurs, prennent aussi moins de précautions qu'avant pour éviter d'enflammer un terrain où le feu couve depuis longtemps.

Un après les émeutes de novembre 2005, aucun bilan n'a été tiré, ni aucun progrès réel n'a été constaté sur le terrain. Quelques barres d'immeubles supplémentaires sont tombées dans quelques cités inscrites au plan Borloo de rénovation urbaine. Les différentes expériences de la restructuration urbaine des banlieues (on casse des barres, on ouvre des rues, on enferme des résidences et on pose des interphones) n'ont pas été vraiment concluantes en terme de baisse de la délinquance et de mieux vivre des habitants.

A Mantes-la-Jolie, ville voisine des Mureaux dans les Yvelines, vantée par son ancien maire Pierre Bédier comme une réussite en terme d'urbanisme et de mieux vivre justement, un jeune de 22 ans est mort tué par balles il y a quinze jours, au cours d'un probable règlement de comptes. Du jamais vu dans ce quartier.

Et quelle imposture sociale, dans le cités où les rénovations urbaines ont abouties, lorsque les mêmes pauvres restent confinés entre eux, avec un peu de ciel en plus au-dessus du béton. Et si la pacification avance, croient certains, c'est en fait l'intégrisme religieux qui progresse. Un résumé de la jungle libérale voulue par Sarkozy.

Frédéric Antoine

2.18 - La misère qui déferle aux Canaries, où ailleurs

Paru dans le Respublica 480, mardi 25 octobre

Lorsque l'on voit à la télé arriver sur la côte ces clandestins épuisés, quand ils ne sont pas morts (il y a eu 3000 immigrants noyés depuis le début de l'année aux Canaries) on ressent surtout de la colère : colère contre les passeurs qui exploitent ces hommes, leur faisant miroiter " l'Eldorado" de l'Europe. Colère contre les " patrons " qui vont exploiter cette misère s'ils réussissent à entrer en Europe. Il leur faudra attendre longtemps, des heures d'interrogatoire. Ils ont été préparés à ne RIEN dire, surtout pas d'où ils viennent. Ils devront attendre 40 jours, pour que l'on puisse convaincre le pays d'origine d'accepter le rapatriement. A peine 9% des nouveaux arrivants retournent dans leur pays d'origine. La plupart se retrouvent avec un avis d'expulsion en poche, et sont relâchés dans la nature. Et ils finiront par "passer" une autre barrière. S'ils touchent le sol espagnol, bingo!

En France, la peine encourue pour les passeurs est de 10 ans. Mais il faut savoir que certains pays ne reconnaissent pas l'infraction. Et le trafic est très lucratif.

L'immigration n'est pas seulement africaine ou maghrébine. Des Chinois viennent en France (tarif 30 000euros - Ils devront travailler dans des ateliers clandestins pour rembourser leur voyage. Au détriment de l'emploi en France ! -15 000 euros pour l'Angleterre). Il y a aussi des mineurs : on leur a parlé de la protection sociale et scolaire qu'ils n'ont pas dans leur pays. Ces gamins ont été soigneusement préparés, ils savent exactement où ils doivent aller, ils trouvent par hasard ( ? ) un adulte qui parle leur langue et les conduit au commissariat. Il y a des scénarios différents selon la nationalité mais Monsieur Hasard est toujours là. Les clandestins utilisent aussi des faux documents, avec la complicité de certaines ambassades, parfois.

Ces clandestins, ni expulsés ni expulsables ? Ils n'ont (en théorie) pas le droit de travailler. Ils vont se "débrouiller" et pas toujours dans la légalité. Petits boulots, petits trafics. Les associations humanitaires les aident, sans leur demander des papiers, évidemment (mon expérience du secours populaire ). Si on les interroge, ils ont toujours en attente de papiers.

Ils essaient de faire venir leur famille, de se marier avec une française, de faire des enfants qui vont à l'école, ils pensent que l'on ne pourra plus, ainsi les expulser.

Mais l'intégration se fait par le logement. Et là, c'est le parcours du combattant : les solutions sont diverses et souvent désastreuses :

C'est Gaston Kelman, l'auteur d'un livre remarquable " je suis noir et je n'aime pas le manioc " qui dit le mieux les " erreurs" (le mot est faible " des gouvernements successifs, de droite ou de gauche. Je cite son intervention dans " l'école face à l'obscurantisme religieux " : " On a regroupé les populations dans des foyers maliens comme des foyers algériens. Ce sont des espaces de non-droit qui ont évolué en marge des normes nationales. Surpopulation, chambres prévues pour 1 personne hébergeant 8 ou 10 personnes ! Les castes originelles s'étaient reconstituées à Montreuil. On a institué le regroupement familial, la polygamie, interdite en France, a été autorisée. "

Je me souviens de la réponse d'une collègue " c'est leur culture "

Je reviens à Gaston Kelman, et je cite sa conclusion : " Ainsi, patiemment, lentement, obstinément LES pouvoirs publics ont tissé la toile du communautarisme " Et je dirai : ILS CONTINUENT !

On a enfermé une catégorie de la population dans une identité religieuse comme modèle d'appartenance. Comme si tous les Noirs, tous les " Beurs " étaient musulmans et devaient suivre les prescriptions du Coran ? D'où le résultat : cette différence instaurée à l'école, dans les cantines (la nourriture séparée) dans les collèges, par le ramadan "obligatoire"?

A quand un livre " je suis "Beur" et j'aime le porc "

Après les foyers, on a continué avec les cités ghettos, où le communautarisme s'est bien installé, avec ses écoles ghettos et ses collèges ghettos (livre "l'apartheid scolaire ")

Peut-on continuer ainsi ? En acceptant une immigration clandestine, qui viendra squatter et créer d'autres Cachan, toujours plus peuplés ? Puis une nouvelle régularisation "massive"?

Cette politique est suicidaire. Elle fait le jeu du MEDEF, elle aura comme conséquences de:

La régularisation de tous les sans papiers n'est pas la solution pour régler le problème de l'immigration. Ce n'est pas cette solution qui a été choisie pour Cachan, et le maire socialiste de Cachan, avec l'aide d'associations raisonnables ont aidé à résoudre le problème, au moins de l'hébergement, en refusant de suivre des jusqu'au-boutistes, et des squatteurs par trop exigeants.

L'immigration est un problème grave : il ne faut pas qu'il soit réglé par le haut ( les élites ou les élus ) . Mais il devrait faire l'objet d'un vaste débat , à la base , par le peuple .

Entre la proposition de Sarko : l'immigration choisie, et la proposition Ségo : " la régionalisation des demandes selon les besoins des entreprises ", il y a de quoi s'inquiéter!

Il faut que les futurs candidats abordent ce problème, le soumettent aux électeurs.

Sans langue de bois !

Mireille Popelin

2.19 - Solidarité avec les femmes polonaises

Paru dans le Respublica 484, mardi 7 novembre 2006

Ce 4 novembre, nous étions une centaine à protester contre le retour à l'ordre moral en Pologne : de l'alliance d'une gouvernance d'extrême droite avec un catholicisme revigoré, résulte aujourd'hui la suppression effective du droit à l'avortement pour les femmes polonaises.

Pendant que celles-ci manifestaient à Varsovie, nous avons voulu témoigner de notre solidarité militante : reconnaissance du droit universel de disposer librement de son corps, accès à la contraception et à l'IVG libre et gratuit.

L'UFAL a su rappeler que les forces laïques et féministes disent non à une Europe chrétienne, que les résurgences religieuses traditionnalistes, qu'elles viennent de l'islam ou de la chrétienté, ne pourront faire renoncer les femmes aux luttes menées depuis des décennies pour la légitime égalité de droits.

Les différentes organisations présentes ont dénoncé une Pologne sexiste et également homophobe. Solidaires des polonaises, nous le sommes aussi des portugaises, des irlandaises, de toutes celles qui - comme en Andorre également - sont privées de la libre décision de mener à bien ou pas une grossesse. L'UFAL a su mettre en avant la laïcité, seul principe à pouvoir s'opposer efficacement aux tentatives hégémoniques des religions dans la sphère publique et dans le système politico-juridique des nations.

En Pologne comme aux Etat-Unis, le pouvoir religieux est à l'oeuvre avec les néolibéraux pour saper les droits acquis par les femmes.

A l'heure où en France, l'islam politique s'invite dans les hôpitaux pour y imposer le principe de non-mixité, a tenté d'imposer le port du voile dans les écoles et les administrations, à l'heure où le vatican réitère son intransigeance sur le droit à la contraception et à l'IVG, les femmes ont plus que jamais besoin de l'appui politique des forces laïques de gauche : les candidats aux prochaines élections présidentielles françaises sauront-ils enfin prendre position sur la laïcité, fondement de la République ? Nous n'aurons de cesse de les interpeler sur cette question majeure.

Jocelyne Clarke

2.20 - Vous avez dit "Belphégor" ?

Paru dans le Respublica 488, mardi 20 novembre 2006

C'est un samedi après midi, jour d'affluence à la grande bibliothèque du centre ville de Marseille. Deux vigiles font ouvrir les sacs aux portes d'entrée, c'est leur boulot, plan vigipirate oblige. Une femme toute de noire vêtue entre dans l'établissement, accompagnée d'un barbu en djellaba. Cette femme porte le voile iranien (ou voile intégral) n'autorisant qu'une minuscule fente autour des yeux. Les vigiles la laissent passer, parce que "nous sommes dans un quartier populaire et qu'il faut tenir compte de la population locale" m'expliquent ils lorsque je leur fais part de mon étonnement.

L'un d'eux reconnait que l'impossibilité d'identifier ces femmes pose en effet un problème, sous entendu : il n'applique les consignes que parce qu'il est payé pour ça. Il me propose d'avoir un entretien avec le chef de la sécurité. Celui-ci est de suite très conciliant et m'accorde une dizaine de minutes. Il m'indique la boîte à suggestions dans laquelle je peux exprimer par écrit mes remarques et me suggère, par ailleurs, d'envoyer un courrier au directeur de la bibliothèque.

Mais ce n'est pas une lettre qu'il faudrait faire, c'est une pétition. Car il est évident que ces tenues islamistes dérangent la grande majorité des citoyens qu'ils soient non croyants, ou croyants, musulmans compris et que dans une bibliothèque comme dans la rue, elles nous renvoient inexorablement les images insupportables des femmes iraniennes ou afghanes.

Ce qu'il faut voir, c'est que ces femmes sans visage dont on ne parle pas ou si peu et qui envahissent de plus en plus notre espace public, ce sont des icônes de l'Islam politique. De par leur tenue, elles agressent en priorité les autres femmes. Elles sont une offense à toutes celles qui se battent au quotidien pour leur émancipation. Elles font peur à toutes celles qui résistent à la pression de leur communauté. Elles sont les missionnaires silencieuses de l'offensive obscurantiste qui se sert des libertés individuelles et des failles de notre République laïque pour poser les bases d'une société démantelée, une société où le communautarisme ouvrira d'autres brèches à toutes les formes d'intégrismes. Dans cette offensive, ce sont les femmes qui sont les cibles et les porteurs de drapeau.

Azar Majédi (Respublica 485) affirme qu'une société ne peut fonctionner avec des êtres sans visage et je suis d'accord avec elle. Le problème c'est que nous sommes déjà dans une société qui autorise la circulation d'êtres sans visage. Force est de constater, dans les rues de nos villes, comme on peut le voir à Marseille, la prolifération de femmes portant le voile intégral ou "niquab", la prolifération de femmes entièrement masquées du voile noir des "Belphégors" (ce sont des monoqqabates). Ces masses sombres couvertes jusqu'au bout des doigts ne peuvent marcher sans leur mari de barbu à leur côté. Celui-ci porte souvent le fameux petit siège pliant permettant au postérieur de la belle (phégor) d'échapper à l'impureté des lieux communs.

"Autoriser ces tenues vestimentaires revient à insulter la dignité humaine" poursuit Azar Majédi. Et nous en sommes là, en France, pays des droits de l'homme, à tolérer cette "forme d'humiliation et de dégradation".

Il s'agit de défendre la laïcité me direz vous. Mais si c'est bien sur les bases intangibles du respect de la laïcité dans tous les lieux publics que nous devons nous battre, il faut reconnaître l'urgence de la situation et mesurer l'ampleur du désastre. Les fondamentalistes islamistes ont franchi allégrement les limites de l'intolérable en imposant à la société toute entière, à travers la tenue des femmes, l'empreinte de leur présence et en affichant aux yeux des représentants de la collectivité, les marques de leur pouvoir. Les autorités locales ont laissé rentrer le foulard islamique dans l'enceinte des lieux publics laissant la porte ouverte à toutes les évolutions possibles du voile, ignorant totalement le problème lié à l'identification de la personne. C'est ce qui se passe à Marseille comme dans bien d'autres villes.

Il ne s'agit pas de faire le jeu de l'extrême droite qui veut régler le problème en interdisant totalement le port de foulard. Il s'agit d'imposer les limites définies par le principe de laïcité et de protéger la sphère publique du phénomène religieux.

La gauche comme la droite plonge dans le marasme confus des revendications identitaires. Régionalistes et communautaristes se servent de la laïcité comme d'une mascotte malléable et adaptable en toute circonstance. N'a-t-on pas entendu Ségolène Royale invoquer soudainement la laïcité au nom des droits des femmes ? Elle qui prétendait, pendant la campagne pour une loi contre les signes religieux à l'école publique, que le string c'était pire que le voile.

Nous, les laïques et républicains, devons considérer la loi du 15 mars 2004 comme une première étape vers un renforcement de la laïcité et vers son application stricte dans toute la sphère publique. Je verrais plutôt dans l'urgence une proposition comme celle qui suit :

Tout citoyen (dans la mesure où les individus sont majeurs) devrait pouvoir circuler dans la rue avec une croix autour du cou, une kippa sur le crâne ou un foulard islamiste sur la tête.

Tout pratiquant porteur de ces signes religieux doit les dissimuler dans les lieux publics, une musulmane doit donc également y retirer son voile : préfecture, mairie, poste, école, université, hôpital, bibliothèque municipale...

Et dans la mesure où le foulard devient un élément vestimentaire "amovible", les voiles compliqués n'ont plus lieu d'être (ce qui résout d'autres problèmes).

En outre le port du voile intégral et de ce qu'on appelle le "monoccabate", voile qui couvre tout le visage, devraient être prohibés partout même dans la rue. Il en va tout autant de la sécurité publique que du respect de la condition humaine.

Reste un débat toujours ouvert sur l'avancée de l'Islam intégriste qui se montre chaque jour plus revendicatif - demandes croissante de viande halal dans les écoles - et qui s'affiche sans retenue à travers le corps de plus en plus dissimulé des femmes.

On peut toujours espérer qu'un(e) futur(e) candidat(e) lance le défit à gauche et propose, sur ce terrain occupé par l'extrême droite, des solutions à la hauteur des enjeux laïques et républicains. Mais pour le moment la nasse est bien vide !

Brigitte Bré Bayle

2.21 - Le diable et l'ange

Paru dans le Respublica 489, vendredi 24 novembre 2006

Je ne suis pas le seul à trouver à Ségolène Royal des airs de sainte vierge. Il y a, d'abord, ce vêtement blanc qui, sur le plateau du 20h00 de TF1, nimbait de lumière les traits de son visage : j'ai cru voir sainte Marie juste avant l'assomption. Et puis son éclatante victoire lui a laissé un air "post visitation" : l'air inspiré de "l'enceinte acoustique" -vous savez, celle que l'Esprit vient d'engrosser par l'oreille. L'appel éperdu des militants socialistes a transfiguré Ségolène Royal. Disparue, cette raideur un peu militaire : sainte Ségolène a désormais la grâce d'une Madone.

Comme la sainte vierge, ségolène Royal est dépassée par ce qui lui arrive. Son corps va être le lieu d'un événement qui la sanctifie. Cette bonne nouvelle, on la murmure, on l'annonce avec crainte et respect. Elle a pour nom : "renouveau de la politique française" !

Comme la sainte vierge, enfin, Ségolène Royal relègue au rang de figurant de l'histoire le père -celui qu'on affuble du petit "p". Du petit père, elle n'en a cure, Ségolène : elle est directement branchée sur Dieu. A côté de la Madone, François Hollande a aussi peu de consistance que le pauvre saint Joseph. A tel point que, saisi par une vague inquiétude, je me suis demandé il y a deux jours : au fait, où est-il donc passé celui-là ?

Pendant que Ségolène fait l'ange, Sarkozy se démène comme un beau diable. Je ne suis pas non plus le seul à trouver à Nicolas Sarkozy un air un peu démoniaque. Le contraste entre les deux candidats colle parfaitement à l'imaginaire chrétien. D'un côté, la vierge sereine, de l'autre, le diablotin azimuté. Petit, bondissant, hargneux, Sarkozy a tout de l'énergumène. Un ange et un diable : chacune de ces deux figures a sa force. La mère aimante inspire par sa grâce. Elle a le pouvoir de rassembler en son sein les âmes égarées. Le diable, quant à lui, sait diviser : il est habile et joue très bien des peurs et des passions. Mais chacune de ces deux figures a aussi sa faiblesse. Si le diable est intelligent, il fait aussi peur. L'électorat centriste préférera peut-être donner sa voix à un Bayrou -ou à un De Villepin- plutôt que son âme à Sarkozy. A trop jouer avec le feu, à trop agiter les puissances démoniaques, à trop s'inféoder au Grand Satan, le diablotin risque de se faire "balladuriser" : sa place au second tour est, finalement, loin d'être acquise.

Quant à l'ange, on sait, depuis Pascal, à quoi il s'expose. A trop faire l'ange, Ségolène risque bien de faire la bête. Ce corps éthéré, magnifié, ne peut que déchoir lorsqu'il sera obligé de rejoindre le commun des mortels. Et puis l'inspiration ne suffit pas : il faudra bien que Ségolène consente à l'épreuve de la réfutation. Le doute ne risque-t-il pas, alors, de s'emparer des esprits ? Ségolène, mururera-t-on, est-elle une authentique vierge ? Est-elle si blanche, est-elle si pure ? Ceux qui, il y a quelques jours encore, contemplaient, éblouis, celle qui porte en son sein le projet socialiste ne risquent-ils pas alors de se souvenir que Ségolène Royal était responsable de la santé auprès de la présidence au moment de Tchernobyl, qu'elle était chargée des questions de l'environnement au secrétariat général de la préseidence au moment de l'affaire du Rainbow Warrior, qu'elle était ministre déléguée à l'enseignement scolaire lorsqu'Allègre réussit l'exploit de mettre plus de 200.000 enseignants dans la rue.

Mais je suis un mauvais esprit : c'est que j'aime bien regarder les anges tomber, et les diables se prendre les pieds dans le tapis.

Évariste Pour réagir aux articles,
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2.22 - Il est minuit en 2006 : nous avons la gauche anti-libérale la plus bête du monde !

Paru dans le Respublica 496, lundi 18 décembre 2006

Quand on voit la situation actuelle, comment oublier ces quelques rappels. Le 29 mai 2005 dans les sondages à la sortie des urnes, les seules sondages véridiques, le non de gauche faisait 31,3% c'est-à-dire était majoritaire à gauche et majoritaire dans le non. Le fait que la très grande majorité de la représentation nationale ait été les thuriféraires du oui posait donc, entre autres, le problème de la recomposition politique pour faire vivre la gauche anti-libérale dans le champ politique.

Ainsi, nos camarades allemands, néerlandais et belges ont montré la voie, avec les réalités de leur pays, qui, certes sont différentes des nôtres. Le nouveau Parti de gauche allemand a plus de 50 députés au Bundestag, le Parti socialiste néerlandais fait presque jeu égal avec le vieux parti social-libéral,et les belges ont pris également ce chemin sous l'impulsion de Debrune, l'ancien grand syndicaliste belge.

Pourquoi en France, n'avons pas suivi la même voie, ni même ouvert cette discussion : celle de lier la recomposition politique dans une force politique nouvelle regroupant les communistes, des socialistes de gauche, des laïques et des républicains de gauche et l'ensemble de la gauche anti-libérale?

Parce que le gauchisme culturel a imposé la mode de décision et le processus dit de débat, parce que le parti communiste n'a pas de majorité politique, parce que la gauche anti-libérale comme le mouvement altermondialiste refuse de prendre à bras le corps les questions politiques de la période.

Le but initial aurait été de dilapider la victoire du non au traité constitutionnel européen, la gauche anti-libérale française ne s'y serait pas pris autrement.

Pourquoi a-t-elle été incapables d'interpeller Chirac, afin qu'il traduise dans les faits les réalités du vote du 29 mai : aller à l'affrontement avec l'Union européenne (de Gaulle, qui n'était pas un gauchiste, avait osé quitté l'Europe plusieurs mois, en 1967, pour revenir avec un rapport de forces), et ne plus accepter les règles européennes que le peuple français avait refusé ? Pourquoi a-t-elle eu peur de créer la crise dont le vote des citoyens était porteur ?

Voyons comment s'est joué la décomposition concommittante d'ATTAC et de la gauche anti-libérale. D'abord, il y a un acteur commun, le gauchisme culturel et ses caractéristiques principales : le rejet des acquis du mouvement ouvrier et du mouvement laïque et républicain français, la haine de la démocratie et du suffrage universel et l'amour du consensus totalitaire, le rejet de l'Etat-nation qui est pourtant le principal garant de la protection sociale, l'idéologie du "small is beautiful", une base sociale étroite : les couches moyennes radicalisées et le lumpenprolétariat sans les couches populaires, la volonté de promouvoir le communautarisme anglo-saxon et la discrimination positive en lieux et places des principes laïques et républicains, la complaisance avec l'intégrisme islamiste. Le refus de promouvoir l'idée que pour "aller vers le bonheur pour tous, il faut commencer par les couches populaires".

Ce courant politico-idéologique vient d'obtenir une victoire à la Pyrrhus à Attac. 30 sièges sur 30 au Conseil d'administration pour une représentation inférieure à la moitié des adhérents (la réforme des statuts n'étant pas votée, les 12 membres supplémentaires souhaités n'ont qu'un voie consultative) pour la simple raison que les statuts sont les plus anti-démocratiques de toutes les organisations de gauche. Pour une organisation qui souhaite construire un autre monde, on n'est dans la galéjade tant l'adage populaire "Si tu veux construire un nouveau monde, commence par en construire un chez toi à l'image de ce nouveau monde" est vrai. Les communautaristes sont responsables du déclin d'ATTAC qui est passé depuis le 29 mai (les gauchistes culturels déjà légèrement majoritaires à cette date au CA national) de 30.000 adhérents à 21.000 en 2006 et dont toutes les prévisions concernant les reprises de carte en début 2007 laissent entendre la continuation du déclin.

Plus d'idées nouvelles, plus de productions intellectuelles nouvelles, peu d'intérêt pour les questions posées par le peuple : emploi, chômage, oui ou non est-on contre les quatre libre-échange à savoir les capitaux, les produits manufacturés et agricoles, les services et la force de travail, etc., mais un raffinement dans les batailles bureaucratiques internes.

Ce même courant a réussi à imposer dans la gauche anti-libérale, à la place d'un processus démocratique, le double consensus totalitaire. Car le consensus, lorsqu'il est pratiqué à grande échelle, c'est l'application du rapport de forces sauvage.

C'est la soumission au plus puissant. Comme dans la famille patriarcale ou le consensus ne peut se faire qu'autour du mâle, comme avant la Grande révolution française, le consensus était réalisé autour du roi, comme au PCUS des années 30 ou le consensus ne pouvait se faire qu'autour des positions de Staline, etc. Comment penser un seul instant, qu'avec le consensus, la secrétaire nationale d'une organisation de 100.000 adhérents aura, dans un rapport de force sauvage, moins de souhaits des collectifs locaux que les organisations qui ont quelques centaines ou quelques milliers d'adhérents dans toute la France?

Comment s'étonner qu' Yves Salesse soutenu par les courants trotskystes "unitaires" et alternatifs et Clémentine Autin par le Bloc des Indigènes communautaristes n'aient pas fait le poids face à la principale force de la gauche anti-libérale ?

Espérer le contraire, c'est croire que le saint-esprit suffit à modifier les "âmes"!

En un mot comme en dix, croire que l'on peut faire consensus avec les bureaucrates du gauchisme culturel sans poser tous les débats de fond est une impasse dans laquelle sont tombés ATTAC et la gauche anti-libérale.

Le constat est aujourd'hui clair, il y a trois gauches : la social-libérale, la gauche anti-libérale, internationaliste, laïque et républicaine et le gauchisme culturel. L'avenir réside dans la formulation claire d'un espace anti-libéral, internationaliste, laïque et républicain.

Le PCF, principale force de la gauche anti-libérale, est traversé par une contradiction non assumée entre la gauche internationaliste laïque et républicaine et ce gauchisme culturel,ultra-communautariste et anti-démocratique. Le PCF n'a pas de majorité politique.

Marie-George Buffet gagne son congrès en s'alliant avec les gauchistes culturels regroupés derrière Braouzec et les rénovateurs, puis dans la dernière période s'allie avec la vieille garde, derrière Nicolas Marchand et les nostalgiques du mur, pour la présidentielle, contre les gauchistes culturels qui avancent, eux, la candidature de Clémentine Autin pour dynamiter le PCF.

La constitution d'une force anti-libérale, internationaliste, laïque et républicaine passe par la priorité de répondre aux questions du peuple : protection sociale, emploi et pouvoir d'achat, logement social, services publics, laïcité et institutions, Europe. Au lieu de cela, les gauchistes culturels nous "bassinent" avec les fondamentaux d'Attac et ne souhaitent pas ouvrir des débats sur les disssensus tant ils méprisent les couches populaires, sans qui aucune alternative n'est possible : on a gagné contre le CPE et contre le TCE avec eux, on a perdu sur la Sécu et sur les retraites sans eux.

Quant aux forces du " non socialiste ", c'est un désastre sur toute la ligne: Montebourg rallié tout de suite, Emmanuelli aux abonnés absents jusqu'à la victoire de Ségolène Royal, Gérard Filoche et ses amis ayant du mal à trancher définitivement en faveur d'un soutien critique à Ségolèné Royal, et Fabius hors jeu à cause d'un score qui constitue un revers cinglant pour lui. Quant à Jean-Luc Mélenchon et PRS, qui avaient suscité un plus grand espoir quand on pensait que PRS allait occuper créé par le fiasco de Chevènement en 2002, il s'est peu à peu éloigné de la perspective républicaine pour se fondre dans un espèce de Ramulaud du non de gauche, sans aller au clivage avec l'extrême gauche communautariste. Il est à craindre qu'il ne désespère ses propres partisans. Il a perdu ses deux combats, dans le PS avec Fabius, et de jouer le trait d'union dans la gauche anti-libérale, sans pour autant ouvrir la moindre perspective, car, sauf surprise de dernière minute, sa candidature n'a pas l'air au centre des débats.

Nos camarades de Mars et de la Gauche républicaine, développent l'illusion d'une possible action sans un mouvement refondateur d'une gauche laïque et républicaine de nouveau rassemblée. Tout cela paraît aujourd'hui dans l'impasse, après la réunion des instances du PCF, ce vendredi et ce samedi

A court terme, il nous reste (ce qui est insuffisant en soi) le travail de rassemblement dans le mouvement social des laïques et des républicains de gauche et d'extrême gauche, étendard déployé prêt à des compromis dynamiques faisant suite à une explicitation des dissensus, à combattre la conception totalitaire du consensus, et à prendre à bras le corps les questions posés par le peuple plutôt que celles posées par les intellectuels du gauchisme culturel toujours très prompt à nous envoyer dans toutes les impasses possibles. Sans doute, serait-il nécessaire de constituer un club de réflexion pour l'émergence d'une force, dans le champ politique, cette fois-ci, anti-libérale, internationaliste, laïque et républicaine qui oeuvre dans la continuité des acquis du mouvement ouvrier et du mouvement laïque et républicain dans les conditions du 21 ème siècle.

A moyen terme, il conviendra de répondre, au niveau organisationnel, après le ralliement sans gloire de Jean-Pierre Chevènement à Ségolène Royal, qui annonce le basculement au PS de qui reste des chevènementistes, après le probable retour de Jean-Luc Mélenchon au PS, à la nécessité d'une force de gauche, qui entend combattre le projet communautariste anglo-saxon de Sarkozy, mais qui ne se reconnaît ni dans le social-libéralisme et le régionalisme de Ségolène Royal, ni dans le gauchisme culturel des Salesse-Autain, mais dans un rassemblement antilibéral, laïque et républicain.

Si vous êtes intéressés par ces perspectives qui sont la seules potentiellement viables, écrivez-nous sur evariste@gaucherepublicaine.org qui jouera le rôle de l' intermédiaire trait d'union.

Jérôme Manouchian

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