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  1. chronique d'Evariste
    1. De Rome au TCE, cinquante ans de combat contre les droits des peuples et la démocratie, par Évariste
  2. élections présidentielles 2007
    1. Bayrou, Royal, Sarkozy ... quelle vision européenne ?, par Michel Naud
    2. Ségolène, la seconde jeunesse de Chevènement, par Ariane Chemin
  3. débats républicains
    1. L'EUROPE et la LAICITE, par Robert Albarèdes
    2. Quel avenir pour la France ?, par Pierre Baracca
    3. Pour une République sociale européenne, par Hubert Sage
    4. Pour un nationisme pro-européen, par Christian Gaudray
    5. Triel est en Europe, mais aussi en France, par Pierre Cassen
    6. Le prix Charlemagne, par Mireille Popelin
    7. Jean-Luc Mélenchon et Oskar Lafontaine pour une constituante européenne, par Jean-Luc Mélenchon
    8. Interview de Jacques Sapir par Pascale Fourier sur le protectionnisme, par Jacques Sapir
    9. Sortir de l'Europe pour s'ouvrir sur le monde, par Pierre Lévy
    10. Un rassemblement républicain et progressiste est à l'ordre du jour !, par Claude Beaulieu
    11. 50 ANS APRES LE TRAITE DE ROME : SORTIR DE L'IMPASSE EUROPEENE PAR EN HAUT, par François MORVAN
  4. combat social
    1. L'Europe et le Smic unique européen: Trop d'écarts entre les Smic pour les unifier ?, par Gérard Filoche
  5. combat laïque
    1. Cinquante ans après le traité de Rome, défendre la laïcité et la liberté d'expression dans toute l'Europe, par L'Union Des FAmilles Laïques
    2. Allons nous laisser l'Europe néolibérale, anti-laïque et sexiste décider pour les femmes ?, par Jocelyne Clarke
    3. Déclaration de Bruxelles, par L'IHEU
  6. débats laïques
    1. Statut officiel des églises eu conseil de l'Europe ?, par Dranem
  7. à lire
    1. Europe, Laïcité, Démocratie : des revues, livres, sites, conférences et notes..., par Philippe Isnard
  8. Agenda

1 - chronique d'Evariste

1.1 - De Rome au TCE, cinquante ans de combat contre les droits des peuples et la démocratie

Bayrou-Sarkozy-Royal, qui nous ont appelé à voter " oui " au TCE, sont quelque peu ennuyés. La date, à quatre semaines du premier tour, tombe mal pour eux. En effet, à l'occasion des cinquante ans du traité de Rome, ce week-end, ils vont devoir confirmer leur engagement européen, pour rassurer l'establishment, sans se mettre à dos la majorité des citoyens français qui ont montré, le 29 mai 2005, en votant non au TCE, leur refus massif de la construction européenne version néo-libéralisme.

Dans une période électorale où les candidats disent le lendemain le contraire de ce qu'ils disaient la veille, on peut s'attendre, là encore, à des déclarations attrape-tout des trois postulants, qu'il serait fort naïf de prendre au sérieux.

Comment croire en effet Nicolas Sarkozy qui, depuis les discours de Guaino, raconte exactement le contraire de qu'il a toujours raconté, et qui met un coup au centre, un coup à droite toute, avec des propos souvent contradictoires (lire chronique Evariste 520).

Comment croire davantage Ségolène Royal, et le Parti socialiste, qui, à son dernier congrès, s'affirme contre une sixième République (provoquant le refus d'Arnaud Montebourg de voter la synthèse), et qui, brutalement, par la bouche de sa candidate, nous dit que maintenant elle y est favorable. Tout cela pour ne pas laisser au seul Bayrou l'image du réformateur des institutions.

Comment croire davantage Bayrou, qui fait semblant d'être un homme neuf, alors qu'il n'a fait qu'accompagner toutes les politiques libérales de la droite, et qu'il a voté la majorité des lois et contre-réformes du mandat Chirac, depuis 2002.

Ils auront du mal à cacher leur accord sur la question européenne. Ils nous font bien rire, les socialistes, quand ils veulent mettre du fil de fer barbelé autour de Bayrou, en nous jurant, main sur le coeur, que jamais le PS ne pourra faire alliance avec lui !

Mais en Europe, c'est l'axe social-démocratie et Démocratie chrétienne qui fait tourner la boutique, depuis cinquante ans, avec des majorités alternées qui ne changent rien quant à la construction libérale du Vieux-continent.

Mais en France, n'est-ce pas Elisabeth Guigou (qui devait abandonner la politique si le non gagnait !), Martine Aubry et tout l'appareil du PS qui faisaient campagne en 1992 pour le " oui " à Maastricht avec Valérie Giscard d'Estaing, et tout l'UDF, dont François Bayrou ?

N'est-ce pas Lionel Jospin qui, en 1997, nous avait promis, s'appuyant sur des conditions programmatiques du Parti socialiste, qu'il ne signerait pas le Pacte d'Amsterdam s'il n'y avait pas une réorientation de la construction européenne. Il venait d'être élu, il avait le mandat du peuple français... et il a signé, sans condition, un traité limitant à 3 % le déficit, et ne remettant pas en cause le rôle de la BCE.

Certes, lors du référendum sur le TCE, ils n'ont pas fait de meetings communs, on a juste eu droit à une page une inoubliable de Paris-Match, montrant François Hollande et Nicolas Sarkozy, avec le même sourire, le même costume, et le même mot d'ordre : surtout votez " oui ".

Bayrou, Royal et Sarkozy sont conséquents : ils étaient pour le " oui ". Ils sont pour la poursuite de la construction européenne, et donc ils sont partisans du renforcement des prérogatives des Régions pour casser les Etats-Nations, et notamment l'Etat français, dont les traditions jacobines sont jugées néfastes par les adeptes du tout-marché.

Avec leur logique fédérale européenne, la France et toute l'Europe seraient aujourd'hui aux côtés de Bush, en train de faire la guerre en Irak.

Le président de l'UDF, fédéraliste européen acharné, caresse dans le sens du poil tous les discours communautaristes des micro-nationalistes que sont les régionalistes, basques, corses, bretons, alsaciens ou autres. Partisan de la charte des langues régionales, qui introduirait le bilinguisme dans les Régions françaises, pour un grand département basque, pour des écoles de type Diwan dans toutes les régions... Avec lui, c'est l'éclatement de la République assuré ! Mais Ségolène Royal a derrière elle Jack Lang, qui dit, sur cette question, exactement la même chose que Bayrou, et qui était prêt à transformer les écoles Diwan en écoles publiques !

Sarkozy ne rêve pas d'autre chose, quand il organise une commission Machelon avec des participants triés sur le volet, qui en concluent qu'il faut que le concordat d'Alsace-Moselle soit possible partout en France, et que le financement des mosquées et autres lieux de culte doit être public. Et dans le même temps il se réclame de la discrimination positive ! Mais il est aussi capable de dire, devant les maires de France, qu'il veut un moratoire sur la régionalisation (toujours le grand écart).

Ce n'est pas Ségolène Royal qui va avoir ces précautions oratoires. Elle veut pousser la régionalisation jusqu'au bout, et elle l'assume ! Elle a même été jusqu'à proposer que les Régions concernées rentrent dans le capital d'Airbus, comme si elle anticipait déjà cette régionalisation totale, que l'Etat national n'avait plus son mot à dire. A l'Ile de la Réunion, elle s'est dite favorable à la préférence régionale !

Quel que soit celui qui sera élu, sur l'Europe, cela sera la même politique européenne que celle menée depuis cinquante ans, et que les Français ont refusé.

Pour tous ces gens, le vote du 29 mai doit être un accident de l'histoire, sans lendemain, qu'il convient de contourner au mieux.

Pour les commissaires européens, et l'axe socialistes démocrates-chrétiens, il faut continuer la fuite en avant, de quinze à vingt-cinq, puis à vingt-sept, et bientôt trente et plus, en se moquant de l'avis des peuples. Pour eux, il faut encore plus de libre-échange, plus de concurrence libre et non faussée entre salariés, et plus de pression sur les protections sociales solidaires et les services publics, qui doivent disparaître au profit d'une logique marchande.

L'absence, lors des échéances présidentielles, d'un candidat défendant les valeurs républicaines, laïques et sociales montre la nécessité de rassembler, au plus vite, les différents courants se réclamant de ces valeurs, pour offrir une alternative politique à l'impasse actuelle.

Respublica a donc décidé de publier ce numéro spécial Europe, qui, comme nous l'avons annoncé dans la dernière chronique, comportera un ensemble de questions totalement absentes des prochaines présidentielles.

Certains articles sont inhabituellement longs. Mais ils n'hésitent pas, pour certains d'entre eux, à mettre sur la table des questions (protectionnisme, euro, autre Europe, ou sortir de l'Europe ?) que tout le monde occulte, surtout la gauche antilibérale officielle dont les leaders ont été incapables d'offrir des perspectives après la victoire du 29 mai, et qui ne montrent aux électeurs que des divisions politiciennes stériles, avec le présence des trois B au premier tour.

Ce numéro, qui donne la parole à des personnalités de sensibilités différentes, se veut d'abord un outil de débat et de combat, pour armer les militants qui, au lendemain des présidentielles et des législatives, auront besoin de se remobiliser s'ils ne veulent pas que leur magnifique victoire du 29 mai 2005 n'ait servi à rien.

Évariste Pour réagir aux articles,
écrire à evariste@gaucherepublicaine.org

2 - élections présidentielles 2007

2.1 - Bayrou, Royal, Sarkozy ... quelle vision européenne ?

Nous savions que nous n'y échapperions pas. Ce 25 mars 2007, tous ceux qui réclament leur part du " rêve européen " communieront en choeur : Angela Merkel a peaufiné la " déclaration de Berlin " que réaliseront les vingt-sept chefs d'Etat et de gouvernement des pays membres de l'Union Européenne ; de son côté, l'église catholique romaine, fournisseur du kit idéologique clé en main (principe de subsidiarité, corporatisme, etc.), a fait état de sa légitime " gratitude pour ce qui a été accompli dans le cadre du projet européen " et clôturera les cérémonies par un " message de Rome " prononcé par sa sainteté elle-même ; enfin, conformément à l'oecuménisme européiste de rigueur, la " fédération humaniste européenne " alliée pour la circonstance à des alter-catholiques ira elle aussi de sa " déclaration de Bruxelles " déclamant sa " vision pour l'Europe ". En quelque sorte, en ce 25 mars 2007, après les " non " français et néerlandais, " l'empire contre attaque ".

Evariste l'a souligné dans son éditorial du numéro 521 : les trois candidats qui semblent se partager 75 % des intentions de vote présentes des électeurs sont des européistes ostentatoires ; ils ont ainsi milité et voté pour le " oui " au traité de Maastricht, suivis alors par une faible majorité des électeurs français (51 %) et ont persisté et signé en militant et votant pour le " oui " au projet de traité constitutionnel, désavoués cette fois si par une majorité des électeurs français (55 %).

Evariste et l'équipe éditoriale de Respublica évoquent régulièrement si ce n'est invoquent le " non de gauche " ; je ne me revendique pas, personnellement, de ce " non de gauche "; le " non de gauche " est en effet le plus souvent un " oui " à une " autre Europe ", altérité puisant sa source dans une affirmation " antilibérale " et/ou " altermondialiste " ; or je suis un électeur du " non " démocratique et républicain à l'Union Européenne elle-même, m'opposant tant au renoncement à la souveraineté nationale, condition nécessaire de la démocratie politique, qu'au modèle économique et social émergeant ; mais si je ne partage pas la posture généralement qualifiée de " non de gauche " je réponds néanmoins présent, comme je l'ai déjà fait de façon constante, à l'invitation au libre débat de l'ami Evariste ; je vous invite donc à ma suite dans un autre regard sur la " vision européiste " des trois candidats qui, à la mesure des sondages, auraient aujourd'hui la préférence des électeurs français.

Je ne rentrerai pas dans le catalogue précis des mesures pour me concentrer sur ce qui me paraît l'essentiel. Un outil pratique pour celles et ceux que cela intéresse d'entrer dans le détail des propositions est le comparateur des programmes , même si on ne pourra pas ne pas remarquer, pour le sujet qui préoccupe l'édition d'aujourd'hui, que le seul candidat qui se trouve affirmer " la nécessité de rompre avec l'union européenne ", à savoir Gérard Schivardi, le maire de Mailhac soutenu par le parti des travailleurs, n'est pas (encore) pris en compte dans le comparateur.

La Grille de lecture

Bien entendu une partie commune du credo des trois principaux candidats européistes réside dans l'affirmation initiale suivant laquelle l'intégration européenne aurait apporté la paix au continent :

" Avant de venir à Strasbourg je me suis arrêté à Verdun ; sur ce champ de bataille se déroula le plus long, le plus meurtrier, le plus atroce combat de toutes les guerres, peut-être aussi le plus absurde. Des milliers de vies détruites chaque jour pour faire bouger de quelques mètres la ligne de front. Les amis qui tombaient les uns après les autres. Les corps déchiquetés qui n'avaient plus de visage et qui n'avaient plus de nom. Les hommes enterrés vivants. Les soldats qui se noyaient dans la boue des tranchées. Relève après relève, presque toute la jeunesse de France et d'Allemagne montant en ligne en piétinant les morts. Un héroïsme inouï, une sauvagerie sans pareille. Ce fut cela, Verdun. (...) Mais à Verdun, déjà, au fond des tranchées, se nouait le drame futur. Comme une tragédie antique, implacablement, chaque guerre appelait la suivante, le meurtre appelait le meurtre, la vengeance appelait la vengeance. (...) L'Europe qui à force de violence avait fini par faire naître au milieu de la civilisation la pire des barbaries, l'Europe, un jour, a décidé de surmonter les haines qui l'entraînaient vers l'abîme. " (Nicolas Sarkozy, 21 février 2007, Strasbourg)

Il n'y a pas à dire : Henri Guaino a du talent, et, ne soyons pas mesquins, Nicolas Sarkozy aussi. Et pourtant, si on relit le traité de Rome instituant la communauté économique européenne, l'aspiration à la paix et à la liberté ne figurait en 1957 qu'au huitième rang des priorités du préambule ; dans la continuité du traité précédent portant sur le charbon et l'acier, et en cohérence avec celui signé le même jour portant sur l'énergie atomique, les premiers objectifs que se donnaient les pays signataires étaient alors " le progrès économique et social de leurs pays " en " assignant pour but essentiel à leurs efforts l'amélioration constante des conditions de vie et d'emploi de leurs peuples ". Mais allez savoir pourquoi, les trente glorieuses étant passées, les européistes préfèrent communiquer sur la paix maintenue ...

Plus prosaïquement, qu'est donc l'Union Européenne ? L'Union Européenne n'est pas " l'Europe " ; l'UE est une entité politique supranationale réunissant en son sein 27 des 46 pays membres du Conseil de l'Europe. Lors de la signature du traité de Rome par les six fondateurs de la CEE, le Conseil de l'Europe comptait déjà neuf membres de plus (dont déjà la Turquie). La CEE devenue UE n'a cessé de s'agrandir, en un processus d'unification/intégration pacifique progressif. Elle fait ainsi suite, sous une autre forme, aux tentatives d'unification/intégration précédentes qu'étaient déjà l'empire romain, l'empire carolingien (Charlemagne), le saint empire romain germanique, l'Empire (napoléonien, le seul qui mérite, en français, une majuscule), et le IIIe Reich (celui qu'il n'est pas politiquement correct d'évoquer mais qui n'est pas un détail ...). Utiliser le mot empire à propos de l'union européenne n'est pas inapproprié. José Manuel Barroso, l'actuel président de la commission européenne, ne renie pas cette aspiration impériale revisitée ; interrogé par des journalistes pas plus tard que le 19 mars 2007 , il définissait lui-même, en avant-première des concélébrations, l'union européenne comme un ensemble de pays volontairement unis autour des valeurs de liberté et de démocratie pour former, selon ses propres termes, un " empire anti-impérial ".

Mais l'Union Européenne n'est pas que cela. Elle représente certes un projet politique continental mais elle est porteuse d'un projet d'organisation politique, économique et sociale dont les concepts les plus emblématiques sont le " principe de subsidiarité " et le " néocorporatisme ".

Le principe de subsidiarité, emprunté à la doctrine sociale de l'église catholique romaine, stipule que l'échelon communautaire n'intervient que " si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les Etats membres ". Bien sûr, la question importante n'est pas celle de l'autonomie la plus large pour la réalisation, principe de management qui fonde les déconcentrations et décentralisations, mais bien que c'est à l'échelon communautaire que l'on envisage quelles sont les actions à envisager. En effet, dans cette conception organique de la société, tout échelon supérieur s'interdit de réaliser lui-même ce qu'un échelon inférieur (corps intermédiaire) pourrait faire mieux que lui ; cela lui permet de se consacrer aux tâches plus importantes... et notamment d'orienter et de décider, de veiller à la mise en oeuvre de l'intérêt général (le bien commun), autrement dit "diriger, surveiller, stimuler, contenir, selon que le comportent les circonstances ou l'exige la nécessité ".

Quant au néocorporatisme, lui aussi emprunté à la doctrine sociale de l'église catholique romaine (dont on comprendra ainsi aisément à la fois sa " gratitude " et son étonnement devant le fait que les " racines chrétiennes " de l'union européenne ne soient pas reconnues), " il consiste en la participation des corps intermédiaires dans la régulation sociale. Il se caractérise, d'une part, par un système de la représentation des intérêts qui est réduit à un nombre limité d'intervenants à qui l'Etat offre un monopole reconnu, en échange duquel il est en droit d'exercer un contrôle sur leurs activités. D'autre part, il incarne une forme de participation de ces groupes reconnus à l'élaboration des politiques publiques : la formulation et l'application des politiques deviennent le produit de la concertation sociale, d'un pacte basé sur l'échange d'avantages mutuels entre l'état et les groupes privés. Cette interaction stimule l'institutionnalisation des groupes d'intérêt et entraîne une délégation de l'autorité publique à des acteurs privés ". ( Source : european foundation for the improvement of living and working conditions). Un produit achevé du néocorporatisme, comme le note l'observatoire social européen, est la conclusion de pactes sociaux.

Ainsi, comme le disait encore il y a peu (23 février 2007) Giorgio Salina, le président de la fondation Europa, il s'agit bien "non seulement d'une subsidiarité 'verticale' entre les Institutions communautaires, chacun des Etats et les pouvoirs locaux, mais aussi d'une subsidiarité 'horizontale' entre le pouvoir politique à divers niveaux et la société dans ses différentes articulations ". On comprendra aisément qu'une " Europe des régions " régulièrement évoquée serait une expression aboutie de la " subsidiarité verticale " alors que la " démocratie participative " illustre quant à elle parfaitement ce qui est entendu par " subsidiarité horizontale ".

Quelles sont donc les visions des trois candidats favoris au regard de ces questions : l'union européenne pensée comme puissance politique et économique à une échelle mondiale, la " subsidiarité verticale et horizontale " comme mode de régulation institutionnelle et sociétale, et le néocorporatisme comme mode de régulation sociale ?

François Bayrou

Ce ne sera une surprise pour personne, François Bayrou a l'Europe au coeur. Il est le candidat qui s'est exprimé le premier et le plus souvent sur les questions européennes, et notamment sur son analyse de pourquoi les électeurs français ont voté " non " au référendum :

" Ils ont répondu deux choses. Premièrement, vous ne nous obligerez pas à accepter un projet qui ne nous correspond pas. Nous refusons la confiscation par des experts du choix de société que nous avons à conduire. Deuxièmement, la dimension du projet, qui est une dimension "marchande", "financière", "ultralibérale", ne correspond pas aux valeurs et aux espoirs qui sont les nôtres. (...) J'ai fait un calcul : si vous prenez les chefs-lieux de tous les départements français, ceux qui vivent au coeur des villes, avec souvent un immobilier assez cher, ont voté " oui " majoritairement. Au sommet de la pyramide, Paris, qui est la ville de France qui a voté le plus oui. Alors que dès que vous entrez dans les banlieues et le rural c'est massivement " non ". Ceci dit quelque chose de notre pays, quelque chose de très important. Je ne partage pas l'idée selon laquelle " ce sont des gens qui ont été abusés ". Simplement, leurs raisons n'étaient pas les mêmes. Les Anglais, qui ont une langue très éloquente, disent " in " et " out ". Les gens du " in " ont voté " oui " et ceux du " out " on dit " non ". Ce n'est pas étroitement corrélé au niveau de salaire, les retraités, qui ne sont pas très riches, ont voté " oui ", alors que d'autres avec un niveau plus élevé ont voté " non ". Or cette double affirmation de nos concitoyens, c'est pour nous une souffrance, parce que précisément l'Europe a été inventée en accord profond avec leur double attente. "

Bayrou n'est pas un idéologue de la construction européenne ; il est l'illustration de ce que Daniel Cohn-Bendit appelle, en s'en revendiquant, " le romantisme juvénile pour l'Europe ", celui qui sur les ruines des deux guerres mondiales disait qu' " il fallait supprimer la haine et que pour cela il fallait bâtir une maison commune ", romantisme se fondant sur un mysticisme à la Charles Peguy pour lequel François Bayrou aime à rappeler que " tout commence en mystique et tout finit en politique " , et alors de regretter que " là, pour l'Europe, tout a commencé en mystique et peu à peu, nous l'avons laissé s'éloigner en technocratie ".

Et c'est ce qu'il démontre en évoquant ce que sont, pour lui, les deux réponses possibles à a question " quelle vision pour l'Europe ? " et, parmi ces deux réponses, laquelle il fait sienne :

" Il y a la réponse qui dit : l'Europe, Mesdames et messieurs, cela sert à faire du commerce, cela sert à avoir le plus grand marché possible, et de surcroît, cela sert à avoir des lois et des règles de vie en commun qui nous assurent que, dans tous nos pays, on va respecter un certain nombre de procédures un certain type de légalité, que l'on va respecter les droits de l'Homme en particulier, bref que nous serons dans un espace commun de droits et d'échanges. C'est un projet dont je ne dis pas qu'il est nul, dont je ne dis pas qu'il est sans intérêt, c'est très important de faire du commerce, c'est très important d'avoir des règles communes qui permettent, d'un côté et de l'autre de la frontière, de se retrouver, mais pour nous, ce n'est pas l'essence du projet européen parce que, pour nous, notre projet européen répond à une autre question, non pas, qui veut faire un grand marché ? Mais qui veut l'union de l'Europe pour changer le monde ? Qui veut l'union de l'Europe pour défendre notre modèle de société européen ? Qui veut l'union de l'Europe pour défendre nos valeurs, nos valeurs sociales en particulier, l'Europe sociale en particulier, notre modèle social et culturel. Si j'osais, si j'allais tout à fait au bout de ce que je pense, je dirais notre modèle culturel et presque même notre modèle philosophique et spirituel. "

Ségolène Royal

Parmi les trois candidats évoqués Ségolène Royal est celle qui s'est exprimée le moins sur l'union européenne. Son discours sur l'Europe d'octobre 2006 était essentiellement un catalogue de mesures sans qu'une volonté particulière ne semble s'en dégager. Finalement, ce sont dans les quelques lignes qui évoquent l'Europe dans le discours de Villepinte que l'orientation suivie me semble la mieux détectable. Affirmant " je veux que la France revienne à la table de l'Europe et je ferai tout pour cela. L'Europe doit rester la grande ambition et la grande réalisation du 21e siècle" elle y signe bien sûr l'orientation qui est celle du parti socialiste. Tout comme Bayrou elle ne veut pas " d'une Europe qui ne serait qu'une zone de libre-échange ". La conception économique et sociale qu'elle défend la conduit à envisager de "mettre en place un gouvernement économique de la zone Euro pour une politique de croissance " de même que " la négociation d'un protocole social pour renforcer les droits des travailleurs ".

La conception de la régulation sociale sous-tendue par un tel protocole apparaît avec davantage de clarté quand est abordé le dialogue social en France : " Je veux que la France se modernise dans la qualité de ses relations sociales comme toutes les démocraties et grandes démocraties au monde, tout le monde doit y gagner, salariés, entreprises, le pays tout entier, je l'ai dit et je le répète, dans une logique de cercle vertueux qui met fin aux logiques d'affrontement et qui permet des compromis sociaux qui nous permettront ensemble d'être plus justes à l'égard des salariés et d'être plus forts sur la compétitivité économique. "

L'élément structurant de la pensée de Ségolène Royal me semble bien être cette conception là de la régulation sociale : dans le discours d'aucun autre candidat on ne trouve une exposition aussi appuyée et aussi explicite du néocorporatisme dont, bien sûr, les références au " bien commun " comme celles à " l'ordre juste " sont des signatures sémantiques qui ont déjà été pointées par des observateurs ; de même l'idée, un temps avancée et aujourd'hui mise sous le boisseau, de la " syndicalisation obligatoire " est empruntée au même registre. Par contre, bien que présentée comme " grande ambition " du 21ème siècle l'union européenne ne m'est guère parue présente dans le pacte présidentiel ou les discours, si ce n'est que comme cadre de référence jugé pertinent pour ce projet économique et social porté par le parti socialiste.

Nicolas Sarkozy

Nicolas Sarkozy, lui, s'exprime largement sur la question européenne ; néanmoins son discours est plus complexe qu'il n'y parait au premier abord. Tout comme François Bayrou il ne manque jamais de rendre un hommage appuyé aux " pères fondateurs " mais avec une tonalité qui lui est particulière : " Je veux rendre hommage à Jean Monnet, (...)Je veux rendre hommage à Robert Schuman, (...) Je veux rendre hommage au Général de Gaulle (...) Le Général De Gaulle voulait que l'Europe fût européenne, c'est-à-dire indépendante. Il voulait qu'elle respectât les nations. " Qui parle ici ? Henri Guaino, auteur des discours et connu comme gaulliste souverainiste ou est-ce la pensée profonde de Nicolas Sarkozy ?

Quand Nicolas Sarkozy parle de la conscience européenne, là, par contre, c'est clairement le registre de l'Europe impériale qu'il emprunte : " il existe une conscience européenne qui vient de l'histoire la plus ancienne, qui vient de la civilisation, qui vient de la religion. Le grand dessein de l'unité européenne n'est pas une chimère parce que l'Europe rêve depuis toujours de cette unité que les souvenirs de Rome et de la chrétienté font vivre dans l'esprit de chaque Européen tout à la fois comme une nostalgie et comme un projet. Dans la formation de la conscience européenne il y a eu le rêve brisé de Charlemagne et celui du Saint Empire, les Croisades, le grand schisme entre l'Orient et l'Occident, la gloire déchue de Louis XIV et celle de Napoléon, la grande tourmente de la Révolution Française qui voulait renverser les trônes pour faire l'Europe des peuples. Il y a eu les grands cauchemars totalitaires et le rideau de fer. Il y a eu le Printemps de Prague et la chute du Mur. "

Mais là aussi, l'Etat-nation pointe à nouveau son nez au détour du discours: " Je crois à l'identité nationale et à l'identité européenne. Et je suis convaincu que l'une a besoin de l'autre. "

Une autre dimension est présentée avec beaucoup plus de force par Nicolas Sarkozy que par les deux autres candidats évoqués, c'est la Méditerranée : " Je veux être le Président d'une France qui fera comprendre à l'Europe que son avenir, son destin même, se trouve en Méditerranée. Je veux être le Président d'une France qui engagera la Méditerranée sur la voie de sa réunification après douze siècles de division et de déchirements. Entre le continent américain d'un côté et l'Asie de l'autre, la géographie de la mondialisation pousse l'Europe à imaginer une stratégie euro-africaine dont la Méditerranée sera fatalement le pivot. "

Alors qu'en ressort-il ?

Un discours entendu mille fois était que le " non " au traité constitutionnel était un " non " polyphonique ... dans la bouche des " oui-istes " cette affirmation se voulait disqualifiante ... Force est de constater à la lecture des discours et programmes des trois favoris des sondages que le " oui " est lui aussi très largement polyphonique.

L'européisme de François Bayrou est ouvertement romantique voire mystique ; significativement François Bayrou est le seul qui évoque une " souffrance " devant le " non " des électeurs français ; François Bayrou est aussi très clairement le candidat de la subsidiarité verticale, celle d'une union européenne intégrée se déclinant par l'autonomie des régions.

Cette dernière dimension trouve probablement son agrément auprès de Ségolène Royal, semblant beaucoup plus proche de Bayrou sur la question européenne que de Nicolas Sarkozy, ce qui n'a rien d'étonnant puisque tels sont les courants politiques dont sont issus les plus ardents constructeurs de l'union européenne. Force est néanmoins de constater que autant l'affirmation européenne de Ségolène Royal est sensiblement plus faible que pour les deux autres candidats, autant l'adhésion au modèle économique et social néocorporatiste européen est très sensiblement plus explicite pour la candidate. Par les pactes sociaux ou la démocratie participative, Ségolène Royal met en avant de façon très explicite la dimension horizontale de la subsidiarité. Le ralliement de Jean-Pierre Chevènement à l'équipe de campagne en semble encore plus surréaliste.

Quant à Nicolas Sarkozy, sa signature me semble double ; d'une part il développe clairement une vision géostratégique de la construction européenne ; d'autre part, à petites touches mais de façon facilement identifiable, par calcul ou par conviction (mais cette interrogation est valable pour les deux autres candidats évoqués), et par delà les effets de manche, le discours européen de Sarkozy ne se démarque pas tant que cela des eurosceptiques de son camp ; il semble user de la carte jouée régulièrement par Jacques Chirac ; finalement, ce n'est peut-être pas que parce qu'il est brillant et écrit bien qu'Henri Guaino lui rédige ses principaux discours.

Ceci dit, cette comparaison ne s'est concentrée que sur celle et ceux des candidats qu'il n'est pas improbable de retrouver comme vainqueur du second tour des élections présidentielles 2007. D'ici là il y aura le premier tour, et la partition de la place de notre collectivité nationale à l'échelle de notre continent est écrite sur douze portées ne pouvant être réduites aux pupitres des trois solistes évoqués.

Michel Naud Initiateur du réseau brightsfrance.free.fr/

2.2 - Ségolène, la seconde jeunesse de Chevènement

Il est là, au premier rang, ce lundi 12 mars, au gymnase Japy à Paris, où Ségolène Royal recevait "mille" personnalités artistiques et intellectuelles. Et il goûte les paroles qu'il entend. "Nous, républicains, nous sommes amoureux de la France... La nation n'est pas une addition de communautés... Avec moi, l'identité nationale ne disparaîtra pas dans la mondialisation" (Le Monde du 14 mars). C'est, bien sûr, la voix de la candidate socialiste ; mais, derrière le timbre un peu las, c'est du Chevènement. Pas bégueule ni trop regardante dans cette campagne sans repères, la salle applaudit à tout rompre l'ode républicaine.

C'est l'ex-député de Belfort, en effet, qui a écrit une bonne partie du discours. L'avocat Jean-Pierre Mignard a sauvé quelques passages, mais le "jus" est chevénementiste. Déjà, lors du discours à Villepinte, le 11 février, il avait inspiré des morceaux sur la France et sa "grande Histoire", et les avait envoyés à Max Gallo, désormais passé sur l'autre rive politique - l'historien ne cache pas son admiration pour Nicolas Sarkozy. Chevènement n'avait pas aimé l'interpellation de Gallo dans Le Parisien du 21 janvier : "Elle nous parle des 'territoires' : qu'elle nous parle de la nation !"

Après ses 5,33 % à l'élection présidentielle de 2002, on le croyait fini. A tort. Chevènement est de retour. Avec ses amis, de hauts fonctionnaires qui sont autant de bonnes plumes, il met sa patte et son miel dans les discours de Ségolène Royal. Sans jamais s'en vanter : "Je m'efforce de l'aider. Mais elle prononce les discours qu'elle veut", répond-il, avant de convenir : "Mais c'est vrai que j'ai un réseau de gens compétents : sur l'Europe, en politique étrangère, ce sont mes amis et moi-même qui travaillons souvent." Il intervient à chaque comité stratégique de campagne, met à disposition moult argumentaires. Pourquoi, sur Airbus, Ségolène Royal se priverait-elle de ce spécialiste des dossiers industriels qui, de surcroît, connaît si bien Louis Gallois, le nouveau patron d'EADS, un ancien de Socialisme et République, soutien du candidat Chevènement en 2002 ?

"PHAGOCYTER LE PRINCE"

La task force est en place depuis janvier. Le maire de Belfort réunit les experts qui, depuis toujours, travaillent pour lui. "On attend les propositions de la candidate. Il faut donner du fond à la campagne", leur explique-t-il. Puis, durant la dernière semaine du mois, il réunit dans ses bureaux rue de Bourgogne cinq hauts fonctionnaires qui forment l'ossature - et, à vrai dire, presque l'ensemble des troupes - du Mouvement républicain et citoyen (MRC). "Vous savez écrire des discours. Il faut aider Ségolène."

Aussitôt dit, aussitôt fait. On ne plaisante pas avec les ordres du chef. Dans le plus grand secret, l'équipe est immédiatement mise à contribution : Patrick Quinqueton, ancien membre du cabinet de Chevènement place Beauvau, Marie-Françoise Bechtel, autre conseiller d'Etat, le député européen Sami Naïr, et Jean-Yves Autexier, conseiller de Paris. C'est lui qui réunira les contributions pour en faire le discours qui, à Villepinte, fonde le fameux "pacte présidentiel".

"Depuis qu'il est entré en politique, toute la stratégie de Jean-Pierre a toujours été de tenter de phagocyter le prince", résume un ancien compagnon de route. Prendre son envol électoral, comme il y a cinq ans, ne lui a jamais réussi. Il préfère peser sur les idées, imposer son logiciel républicain, que ce soit à l'intérieur du PS, comme au Ceres, ou au sein de la gauche plurielle, en 1997. "Jean-Pierre Chevènement a commencé en politique en rédigeant les argumentaires de François Mitterrand pour la présidentielle de 1965", rappelle un "historique".

Après l'échec de la gauche au premier tour en 2002, tout cela semblait fini. Le "Che" était devenu la bête noire de Lionel Jospin, qui n'a jamais cessé de tenir son ami pour responsable de la défaite. Chevènement ? Un "démissionnaire professionnel et un traître occasionnel", a lâché Sylviane Agacinski, le 31 janvier, sur France Culture. "Sylviane est une excellente épouse", a immédiatement rétorqué le "Che" sur son blog. Bref, la brouille est consommée.

Au PS, ses amis se font rares. "Alors, Jean-Pierre, qu'est-ce que tu fais en ce moment ?", lui demande Laurent Fabius, en janvier 2003 lors d'un déjeuner d'approche. Silence de dix secondes. "Eh bien, vois-tu, Laurent, je tente de survivre." C'était vrai. Rue de Solférino, François Hollande négocie avec patience les 1 500 000 voix chevénementistes de 2002 contre 10 circonscriptions, dont la seule qui compte : la deuxième de Belfort. Georges Sarre, l'indéboulonnable député du XIe arrondissement, est exilé dans la Creuse. Pour faire monter les enchères, Jean-Pierre Chevènement tente, comme d'habitude, de faire croire à sa vraie-fausse candidature.

"RÉCONCILIATION" DU OUI ET DU NON

Mais voilà que, à l'été 2006, il comprend que c'est Ségolène Royal qui risque d'être investie. Un jour d'août où il nage au large d'une plage de Belle-Ile, il lâche entre deux brasses à l'ami qui l'accompagne : "Avec Ségolène, qui est si mal organisée, est-ce que tu ne crois pas que c'est l'endroit où on pourrait le mieux peser ?" Ses militants tractent encore pour leur candidat à la présidentielle, ce 10 décembre 2006 où, au congrès de son parti, il accueille en majesté Ségolène Royal, scelle l'alliance avec elle et s'efface pour de bon. Croit-on.

"C'est la réconciliation entre la gauche du oui et la gauche du non, mais pas une réconciliation artificielle", assure alors la candidate socialiste, qui consulte aussi Jacques Delors et Hubert Védrine sur l'Europe, mais a besoin de toutes les voix de gauche. Un référendum les sépare, mais aucun drame : Ségolène Royal n'est pas la plus européenne des socialistes. Quelques jours plus tôt, au Portugal, elle a d'ailleurs trouvé les accents chers aux "nonistes" ou au candidat de l'UMP pour critiquer la Banque centrale européenne et l'euro fort.

Sur l'école, sur les banlieues, leurs credo se ressemblent. Lorsqu'en 1999 le ministre de l'intérieur Chevènement avait dénoncé les "sauvageons" des banlieues, Ségolène Royal, alors ministre déléguée à l'enseignement scolaire, l'avait défendu. Comme elle avait été la seule, avec le ministre de la défense Alain Richard, à soutenir les "centres fermés" pour mineurs délinquants. "Ils partagent la même conception de la République, une République qui se respecte et qui est respectable, estime un proche du "Che". Elle n'est pas du tout bobo ou libérale-libertaire."

LA MÉFIANCE ENVERS PS

L'intérêt bien compris de Chevènement rencontre celui de Ségolène Royal. La candidate, ce n'est pas un mystère, se méfie du PS. Elle veut organiser sa campagne avec ses propres troupes. Or voilà longtemps que sa propre équipe, au "2-8-2", boulevard Saint-Germain, ne suffit pas à faire face aux demandes. La rencontre avec ce staff de hauts fonctionnaires sexagénaires la rassure. Leur dévouement la comble.

Un exemple ? Son grand oral devant la Fédération des chasseurs, le 20 février. Le dimanche soir qui précède, c'est la panique au QG. Ségolène Royal n'est pas satisfaite des discours qu'elle a commandés en parallèle - c'est sa méthode - à Stéphane Le Foll, le directeur de cabinet de François Hollande, à l'ex-ministre de l'agriculture François Patriat, au président du conseil régional d'Aquitaine et à celui d'Auvergne. Elle a alors recours à un ancien élu de Dordogne, Michel Suchod : les chasseurs se montrent ravis de "l'engagement solennel" pris par la candidate de "ne pas faire la énième réforme" de la chasse. Le service de presse peine-t-il à assumer seul la campagne ? Pas de souci, le "Che" prête Laurent Payet, son efficace chargé de communication place Beauvau. Samedi 3 mars, à la maison de la Chimie, pour le discours sur la défense de Ségolène Royal, c'est Danielle Duwoye, secrétaire particulière du député de Belfort depuis plus de vingt ans, qui tient la liste des invités - des cartons d'invitation ont aussi été envoyés au nom du président du MRC. Il a eu la haute main sur le texte, au grand dam de Jean-Yves Le Driant, censé conseiller la candidate sur le sujet, et surtout ami fidèle de Ségolène Royal depuis les clubs Témoins de Jacques Delors.

Seul couac dans cette alliance : le retour des "éléphants", le 22 février. Lionel Jospin pose en effet comme condition à son ralliement l'évincement de son ancien ministre. Le "Che" ironise sur son blog sur cette "fixation malheureuse" et cette "incapacité persistante à analyser les causes de son échec". Mais, au fond, il s'en fiche. A ce jour, le comité des "treize" dont il a été écarté ne s'est pas encore réuni, alors que lui a gagné un bureau boulevard Saint-Germain.

Les socialistes assistent, médusés, au retour en grâce de leur ancien ennemi. Ils retrouvent ses marottes et ses obsessions. "A chaque apparition de Chevènement, on perd 0,2 % de voix qui vont vers Bayrou", s'est plaint il y a quelques jours un délégué national devant un Stéphane Le Foll impuissant. "Quand il parle pendant les réunions, on se regarde, on lève les yeux au plafond, mais on ne dit rien parce que le résultat passe avant tout", confirme un député. Comme dimanche 4 mars, à la veille de la rencontre de Ségolène Royal avec la chancelière allemande. Le président du MRC, assis comme d'habitude à sa droite, explique à la candidate qu'il faut "se méfier d'Angela Merkel" et de ces "Allemands qui ne croient qu'aux capitaux privés" pour Airbus.

Parfois, les cheveux de Chevènement se dressent sur sa tête, comme lorsque le premier ministre israélien Ehoud Olmert félicite la candidate. Mais il se tait ; il la défend sur le nucléaire civil iranien, mange son chapeau sur le réacteur nucléaire EPR. Il a réussi à se rendre indispensable. "Il est devenu son directeur de conscience. C'est le père dont elle aurait rêvé", résume un cadre socialiste. "Elle lui a donné une seconde jeunesse", préfère un ami du "Che". Mardi 13 mars au soir, alors que le comité stratégique de campagne s'interroge sur la manière de contrer François Bayrou, Jean-Pierre Chevènement explique, sûr des fondamentaux de sa candidate : "Il faut que Ségolène reste elle-même."

Ariane Chemin

Source : Le Monde du 15 mars

3 - débats républicains

3.1 - L'EUROPE et la LAICITE

"Il y a deux façons pour une démocratie d'abdiquer : remettre les pouvoirs à un homme ou à une commission qui les exercera au nom de la technique " : en citant ces paroles de Pierre Mendès-France, prononcées lors de la ratification du traité du Marché Commun en 1957, Jean-Pierre Chevènement éclairait parfaitement la méthode préconisée par Jean Monnet pour construire aussi bien l'Europe économique que l'Europe politique, méthode qu'il examine précisément dans un petit livre qui est comme " le chant du cygne " de l'homme politique original qu'il fut ( " La faute de Monsieur Monnet " - Fayard). Et cette méthode -qui ne s'est jamais démentie, du traité de Rome à celui de Nice et aux accords de Barcelone- est celle qui refuse de prendre en compte les souverainetés populaires en faisant dépendre l'organisation et le fonctionnement des pays " réunis " de décisions " techniciennes ", d'une commission "cooptée " et auto-proclamée " décisionnelle ", éloignée, le plus éloignée possible des peuples souverains, à l'abri de toute expression du suffrage universel . ..particulièrement apte, de ce fait, à imposer un système économique libéral, une organisation européenne déstructurant les nations pour les remplacer par des " lands ", des " provincias ", " des régions "..., un émiettement de l'espace sociétal européen en système " communautariste " à l'anglo-saxonne ( à un moment, d'ailleurs, où ce système montre qu'il a failli).

C'est dans cette perspective qu'il faut placer le rapport entre l'Europe et la laïcité, dont la caractéristique " française " ne peut être qu'un obstacle sur la voie de cet émiettement sociétal ...car, en France, la séparation du spirituel et du temporel , la sécularisation des normes publiques et de la gestion de l'espace public ont pris la forme de la " laïcisation ", institutionnalisée par la loi de 1905 , ancrée dans les fondements de notre République par les Constitutions de 1946 et de 1958 ..

Il n'en a pas été de même dans les autres pays constituant l'Union Européenne .

Sans trop aller dans les détails, on peut cependant brosser ici un tableau assez précis rendant compte des différentes situations.

Le système belge de " pilarisation "voit la laïcité constituer, au même titre que les religions, l'une des composantes de la société qui s'organise ainsi autour de " piliers confessionnels ", le " pilier socialiste libéral laïque humaniste " étant une " spiritualité comme une autre ...C'est vers un système identique que se sont orientés les Pays-Bas, où une sorte de séparation temporel / spirituel a été instaurée en 1983 par la suppression de la référence religieuse dans la Constitution et l'abandon de la prise en charge par l'Etat du traitement des ministres des cultes...Mais le blasphème y est toujours un délit . En Allemagne, c'est un " système confessionnaliste " qui prévaut : les blocs confessionnels sont reconnus, les religions s'organisent de manière autonome et socialement, elles bénéficient d'un impôt spécial et sont le deuxième employeur du pays, après l'Etat. ..L'Espagne, le Portugal, l'Italie connaissent des systèmes concordataires remis en question en permanence mais qui laissent à l'Eglise catholique une place éminente qu'elle défend vigoureusement. La Grande-Bretagne lie monarchie et religion d'Etat : le souverain ne peut être qu'anglican, il est " chef de l'Eglise ", celle-ci est représentée à la chambre des Lords et le Parlement a vocation à régir la confession reconnue. Les autres religions s'organisent de manière " communautaire ". Les pays Nordiques ont adopté ce même système de religion d'Etat où la non-séparation coexiste avec la liberté religieuse et la liberté de conscience constitutionnellement établies (La Suède a séparé les deux pouvoirs en 2000) . La Grèce orthodoxe et l'Irlande catholique ont construit leur identité nationale sur la religion qui y occupe une place privilégiée et qui gère, pour partie, la vie civile et sociale. N'oublions pas les " nouveaux entrants " pour souligner simplement leur diversité de situation, de la Pologne très inféodée à l'église catholique à la Bulgarie où la religion orthodoxe domine .

Ainsi, chaque Etat membre a-t-il suivi sa propre trajectoire,liée à son contexte historique, dans la nature de ses relations institutionnelles entre ses Eglises et l'Etat. Et si des principes généraux et fondamentaux sont communs à tous les pays de l'Union ( liberté de conscience, liberté religieuse, liberté d'expression) , les significations qu'ils revêtent fluctuent de l'un à l'autre et toutes les situations évoquées précédemment sont toujours éloignées du mode d'organisation et de fonctionnement laïque de notre société française...Aussi les institutions supra-nationales que sont la Cour Européenne des Droits de l'Homme ou la Commission Européenne des Droits de l'Homme vont-elles tendre le plus souvent dans un sens qui n'est pas celui du respect de " la liberté de conscience " (droit de croire, de ne pas croire, de ne plus croire), mais celui de la simple " liberté religieuse " qui n'en est qu'une partie...L'article 9 de la " Convention Européenne des droits de l'Homme " ne dit pas autre chose en reconnaissant la liberté de manifester sa religion en public et de toutes les manières, toute le jurisprudence de la CEDH témoigne de l'assujettissement de la liberté d'expression à cette liberté religieuse...et, dans la mesure où la super-structure européenne prime sur la loi nationale dans ce vaste domaine des droits et des libertés, on peut penser qu'elle va transformer en " juge technique " ce qui , aujourd'hui, en France, dépend de la loi générale issue du suffrage universel dont le " juge " dépend toujours .

C'est dans ce contexte qu'est intervenu le Projet de Traité Constitutionnel, dont maints articles portaient atteinte à la laïcité que nous connaissons et qu'a élaborée notre Histoire. On se souvient du débat provoqué par l'initiative de l'Eglise catholique qui voulait imposer " les origines chrétiennes " de l'Europe dans la rédaction du préambule ...et qui n'y a pas renoncé : la récente rencontre Benoît XVI- Angela Merkel a relancé l'intention...On n'a pas oublié l'article I 2 qui donnait aux minorités ( d'origine, de croyance, de langue, de culture...) des droits particuliers érigés règles et ouvrant la voie à tous les communautarismes ; l'article I 52 ,qui donnait aux Eglises une sorte de pouvoir discrétionnaire dans le domaine législatif ; l'article II 70 qui s'opposait frontalement à la " laïcité à la française " en reprenant ce que formulait l'article 9 de la Convention citée précédemment ; l'article II 11 ( à propos du principe de subsidiarité) qui contenait les germes d'un éclatement des compétences entre les différents niveaux de décision ; les articles II 74 et III 282 qui " déstructuraient "la notion d'enseignement public , laïque et ouvert à tous...Sans omettre la fameuse " Charte européenne des langues régionales et minoritaires " ( que veulent signer et M. Bayrou et Mme Royal) qui met en cause le principe d'indivisibilité et de laïcité de la République à travers l'effacement de la langue nationale inscrite dans notre Constitution ( Le Conseil Constitutionnel a d'ailleurs déclaré ce texte " anti-constitutionnel " le 15 /06 / 1999) ...

On le voit : la laïcité que nous connaissons et qui organise un espace sociétal de concorde et d'équilibre, d'égalité et de liberté aussi, depuis un siècle maintenant est dangereusement menacée par la construction politique européenne, parfait décalque de sa construction économique libérale. Et tous ceux qui , ici, en France, y portent atteinte, par leurs discours, leurs actes, leurs projets ( et ils viennent de toutes les sensibilités politiques comme de toutes les " Eglises "), tous ceux qui allient un communautarisme rampant à une volonté de " changer la loi fondatrice de 1905 ", tous ceux qui appellent à une " laïcité ouverte ", à une " laïcité rénovée " ou à une " laïcité du XXI ème siècle ", font, de fait, le jeu du " système libéral " que souvent ils prétendent combattre .

Mais on ne peut évoquer le sort de la laïcité dans cette Europe que nous promettent les " tenants du oui au projet de TCE " sans parler de la manière avec laquelle l'Eglise Vaticane l'utilise pour revenir dans un " espace public " qu'elle n'a jamais perdu de vue...et s'attaque à la forteresse dont la démolition est pour elle impérative : la laïcité à la " française ". Le cardinal allemand Ratzinger, aussitôt élu pape sous le nom de Benoît XVI, n'a rien eu de plus pressé que de lancer l'offensive contre " le laïcisme " qui étoufferait l'Europe, contre la raison, dangereuse quand elle n'est pas soumise à Dieu ...Son discours devant le Parti Populaire Européen le 30 /03 / 2006 comme ses interventions à Ratisbonne le 12 / 09 / 2006 et sa rencontre récente avec la Chancelière allemande marquent autant de jalons dans cette reconquête du rôle civil et politique de l'Eglise en Europe alors que c'est un mouvement inverse qu'engendrait le cours de l'Histoire en écartant de plus en plus les églises de ce qui relève de l'organisation et du fonctionnement des sociétés , de ce qui relève de la conduite de sa vie par chacun ( Faut-il rappeler ici que seuls 23 % des Français ont répondu positivement à la question : " la religion est-elle importante pour vous dans votre vie quotidienne ? " AFP du 16 /11 /06 )... Certes, dira-t-on, il y est poussé par la " percée " de l'Islam , religion concurrente...Outre que l'Islam est très minoritaire, ce qui n'enlève rien à son activisme , à son esprit de conquête comme à sa volonté de tout soumettre à ses lois, Benoît XVI n'est certainement pas malheureux d'assister, en France et en Europe, à une poussée islamique , voire islamiste, sachant fort bien que tout ce qui sera concédé à cette " nouvelle religion " ne pourra pas être refusé à la sienne ...et, qu'au bout du compte, " son église ", par sa puissance et son organisation, raflera " la mise "...D'ailleurs, on peut dire aujourd'hui que jamais les structures spécialisées que sont la Commission Eglise et Société , issue de la Conférence des Eglises d'Europe ( CEC), qui regroupe 125 églises et organisations affiliées à travers l'Europe et qui sert d'interface avec les institutions de l'UE, le Conseil de l'Europe, l'OTAN, l'ONU ... et la COMECE , composée d'évêques délégués part les Conférences Episcopales Européennes et qui suit le processus de la construction politique de l'Europe, n'ont été aussi actives et prégnantes auprès de la Commission technocratique " cooptée " européenne...N'y a-t-il pas eu, le 18 octobre dernier, un séminaire les réunissant pour étudier les moyens à mettre en oeuvre afin que " les Eglises et leurs organisations affiliées participent au modèle social européen " du fait de " leur qualité de prestataires de services sociaux et de santé ", et de leur engagement en ces domaines " au service des citoyens européens et le bien commun de l'UE " ! Si ce n'est pas préparer le retour de l'Eglise vaticane dans l'espace public par le biais de la " charité " et de la santé, qu'est ce que c'est ? On se croirait de retour au XIXème siècle ...pour notre pays, tout au moins !

Noue n'avons rien à attendre, pour ce qui est de la laïcité, de la construction politique européenne qui se prépare dans l'ombre et qui ressortira, une fois les échéances électorales passées...Il faut bien se pénétrer de cela quand se présentent devant nos suffrages les chantres à l'unisson du " Oui au TCE " !!! ...Et il y a , dans l'esprit des " européanistes " convaincus auxquels appartiennent ceux qui vont former la future majorité, quels qu'ils soient, comme une logique acceptée : entre la Pologne " christianisée " et la France " laïque ", ils sont prêts au moyen terme qui dénaturera l'espace indivisible, laïque, démocratique et social de notre République.

3.2 - Quel avenir pour la France ?

Eclatée en Régions dans une Europe des Régions ? Ou Etat-nation dans une Europe des nations?

On ne peut pas aborder ces questions en se contentant d'avancer des définitions politiques car cela conduit à faire de l'Etat-nation, des Régions et de l'Europe des Régions des notions essentialistes, voire les stades naturels successifs d'une évolution linéaire de l'histoire (positivisme, philosophie de l'histoire). Pour comprendre les enjeux qui se jouent derrière ces formes politiques, il faut les replacer dans le processus historique, donc social, qui a conduit les élites françaises (classe bourgeoise dominante et personnels politiques associés) à choisir rationnellement de détruire l'Etat-nation pour passer à une autre configuration sociale : l'Europe, puis le libre-échange mondial.

Depuis les années 1970 et 80, la grande bourgeoisie capitaliste et ses élus politiques ont entrepris de remettre en cause ce qu'ils avaient dû concéder socialement au salariat à la Libération dans le contexte d'un rapport de force qui leur était défavorable (puissance des syndicats et de partis de gauche plus à gauche, Gaullisme, pression géopolitique des communismes, etc.). Pour reprendre la situation en main, il leur fallait éliminer ce qu'ils considéraient comme un recul stratégique provisoire pour sauver le capitalisme : Keynes, les keynésianismes, les systèmes de solidarité sociale par répartition (Sécurité sociale, Retraites, Chômage), l'intervention de l'Etat en matière industrielle (nationalisations, plan, politiques d'aménagement du territoire), en matière de politiques culturelles et d'instruction (l'enseignement public de l'Ecole maternelle à l'Université). En un mot il fallait récupérer la valeur ajoutée créée par les entreprises et allant à ces activités étatiques liées à la République sociale laïque. Il leur fallait fermer la parenthèse de ce qu'on appelle aujourd'hui " le modèle social européen " et revenir au libéralisme économique, c'est à dire la norme du capitalisme. Ne voyons pas ici une quelconque théorie du complot, mais simplement la contradiction d'intérêt de classe avec le salariat. Pour parvenir à ces fins, des choix rationnels furent opérés.

L'Europe-marché : phase intermédiaire pour aller à la mondialisation capitaliste

Le grand patronat s'est fixé comme objectif de remonter les taux de profits qui avaient baissé dans les années 1960 et 1970 en Europe occidentale, compte tenu du rapport de force favorable au salariat à l'époque (cf. ci-dessus). Dit autrement, il s'est agi d'augmenter la part de valeur ajoutée allant aux profits et, ce, au détriment de la part allant au Travail.

Cette remontée des profits exigeait des économies sur les coûts de production (Travail et Investissements), ce qui entraîna les choix suivants : la concentration des entreprises et les économies d'échelle, donc le passage du Fordisme à l'automatisation, la baisse du poids des salaires (travail temporaire ou à temps partiel, baisse des salaires et des cotisations sociales patronales, CDD), la baisse des impôts sur le Capital et donc le désengagement de l'Etat, etc. Cela signifiait le choix de la construction de grands groupes multinationaux (industrie, services, finance). Pour que ces grands groupes puissent fonctionner, il fallait qu'ils se déploient dans un marché plus vaste que chaque marché national. D'où le " Marché commun ", la Communauté européenne (CE).

En somme l'Europe a été conçue comme l'instrument permettant au grand patronat de faire éclater les économies nationales entravant leur expansion et d'effacer les " conquêtes sociales salariales " intrinsèquement liées à chaque Etat-nation. L'adhésion des gouvernements européens de droite et sociaux démocrates au plan ultra-libéral de Reagan des années 1980 dans un contexte de disparition de la menace soviétique a renforcé le rapport de force en faveur du Capital et aux dépens du Travail. Ce processus a accéléré la déconstruction du " modèle social européen " et permettait d'amorcer le passage à un capitalisme supra-national où entreprises, capitaux, marchandises, force de travail se doivent de circuler sans entraves à l'échelle planétaire et de se faire concurrence (la guerre) avec tous les dégâts sociaux connus : désindustrialisation, délocalisations, chômage, pauvreté, destruction des services publics (villes, campagnes), destruction des univers culturels à la base de la socialisation des individus, etc.

A cette Europe-marché libérale du grand patronat, le réformisme social démocrate et social-chrétien a ajouté la configuration politique de l'Europe des Régions. Pourquoi ?

l'Etat-Europe : la double négation des peuples

Le mouvement réformiste s'est adapté, par définition, à la construction de l'Europe-marché libérale du grand patronat et a imaginé d'essayer d'adoucir ses effets dévastateurs pour le monde du travail et les peuples. Pour y parvenir, il entreprit de transférer son action politique du niveau de l'Etat-nation au niveau européen : c'est pourquoi il oeuvra à la construction d'un appareil d'Etat européen et à la conquête de sa direction. Mais c'était aussi une façon de créer un Etat puissant face à l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) auquel il s'oppose depuis 1917. Ce double choix requérait de démanteler chaque Etat-nation pour transférer ses pouvoirs à un Etat-Europe. Voilà comment s'est constitué le projet européen du mouvement réformiste, sociaux démocrates et chrétiens démocrates confondus.

L'option d'une Europe des nations fut abandonnée, parce qu'elle permettait à chaque Etat-nation, donc à chaque peuple, de continuer à contrecarrer les choix opérés par l'Europe-Etat. Pour affaiblir les Etats-nations, le mouvement réformiste opta pour l'Europe des Régions : chaque Etat-nation étant découpé en Régions, il cesserait d'exister. Comment faire accepter ce choix politique, notamment en France où l'Etat-nation est enraciné dans le peuple ?

En réactivant les régionalismes linguistiques et culturels qui étaient alors défendus soit par les royalistes, l'Extrême-droite, la collaboration avec le nazisme, soit par l'Eglise catholique toujours hostile à la Révolution française, soit par les anarchistes refusant l'Etat et l'Etat-nation . Cette option politique a été encouragé en France dès la fin des années 1970 au niveau des municipalités avec des festivals culturels de proximité et a été relayée par l'Europe-Etat- en construction : cf. par exemple les subventions européennes accordées aux associations catalanes militant pour une réunification de la Catalogne de France avec celle d'Espagne ou encore récemment, en 2006, la création d'un district urbain européen entre l'agglomération lilloise et la région belge de Tournai.

Quand l'URSS et son Europe de l'Est ont disparu, la mayonnaise " Europe-marché du patronat de l'Europe des Régions " a cessé d'être vécue par les peuples comme une protection de moindre mal, d'autant que la mondialisation du capitalisme détruisait les emplois, les modes de vie, les systèmes de socialisation constitués par l'histoire de chaque peuple, l'avenir de la jeunesse. Le sentiment que " Tout fout le camp pour la loi de la jungle de l'argent légal ou des maffias " s'est emparé du salariat et des peuples en Europe. Les peuples désadhérèrent peu à peu à cette Europe-Etat perçue comme un équivalent capitaliste totalitaire symétrique de feu l'URSS. Le libre-échange mondial et le pouvoir politique européen de plus en plus incontrôlable par les peuples sont à présent vécus comme anti-démocratiques, d'autant que cette logique n'est en rien contrecarrée par l'action politique réformiste.

Le salariat a le sentiment de subir une double négation :

Les gauches, tant réformiste que d'extrême-gauche, ne prenant pas en compte ce double sentiment, les peuples en sont réduit à l'abstention, au vote populiste, à renverser chaque gouvernement sortant. En France et en Hollande les peuples ont refusé d'aller plus loin encore dans la logique totalitaire du capitalisme libre-échangiste et d'un Etat-Europe en votant NON au Traité Constitutionnel Européen. En France, le peuple résiste en défendant la " République sociale et laïque " issue des Lumières et du mouvement ouvrier, qu'il s'est construit par les luttes et qu'il entend élargir socialement ; c'est pourquoi il refuse l'éclatement de la France et la disparition de l'Etat-nation, non par nationalisme, mais parce qu'ils sont liés intrinsèquement à l'art de vie à la française et à la démocratie. C'est pourquoi le développement social, pacifique et démocratique entre les peuples sur le territoire européen ne passe pas par l'éclatement des Etats-nations et un Etat-Europe supra-national, mais suppose la coopération démocratique entre les Etats-nations et respectant leur art de vivre spécifique, tout en tenant compte des aspirations minoritaires régionalistes mais qui, si elles continuaient à être exacerbées, pourraient conduire à des épurations ethniques comme au Liban ou dans l'ex-Yougoslavie.

Pierre Baracca

3.3 - Pour une République sociale européenne

Je me rappelle du 25 mars 1957; je venais d'avoir 12 ans; et comme chaque soir, au moment du repas, après avoir écouté les informations à la radio à partir de 20h, mon père, soutien inconditionnel des actions passées de Jaurès et de Blum, me les commentait; ce soir là il me dit (à peu près ceci dans le souvenir) " c'est le premier pas pour construire l'Europe; il faudra continuer et créer les Etats-Unis d'Europe; il n'y aura plus de guerre en Europe; on pourra faire face à l'URSS et ne plus être sous la coupe de l'Amérique "; c'est sans doute la première profession de foi en faveur d'un nationalisme européen (au sens de nationisme selon Taguief) que j'entendis et qui, sans doute, me suis jusqu'à maintenant Dans le même temps, je fus attiré à la sortie du Lycée un jeudi matin par le premier (ou le second) numéro de l'hebdomadaire " Démocratie 60 " de la SFIO, à la devanture d'un kiosque (et après, je l'acheta régulièrement); celui-ci présentait en première page la carte des 6 pays du Traité de Rome, avec le sigle des 6 partis socialistes ou social-démocrates, censés réaliser ce grand objectif des Etats-Unis d'Europe. Et un des articles , à l'intérieur de l'hebdomadaire, nous faisait connaître l'interview d'un ministre italien (je ne me rappelle plus du nom) qui disait très exactement en substance: après ce traité, il faudra établir une politique industrielle commune, après il faudra établir une politique agricole commune, après, on aura besoin d'un monnaie commune, après il faudra un ministre des finances commun, et ensuite il faudra un gouvernement et un parlement communs: les Etats-Unis d'Europe seront alors créés " Je n'ai jamais oublié cette prophétie.

Aussi, je saluai l'arrivée des politiques industrielle et agricole communes, et malgré la signature par Mitterrand du traité sur l'Acte Unique Européen qui fit un saut qualitatif décisif dans la soumission aux forces financières et marchandes mondiales au détriment des pouvoirs politiques (bien plus, à mon avis, que le Traité suivant de Maastricht), je votai encore (avec réticence, mais je le votai) le référendum sur le traité de Maastricht parce qu'il instituait cette " monnaie commune ", l'Euro qui pouvait devenir une arme indispensable face à l'hégémonie du dollar. Mais cela s'arrêta là: pas de ministère des finances commun, puisque que la BCE fut créer comme une institution totalement indépendante au profit des financiers, et cerise sur le gâteau, après la soumission de Jospin aux marchands lors du Traité d'Amsterdam, on en vint à ce fameux Traité Constitutionnel qui fut rejet é par le peuple français le 29 mai 2005, et qui avait l'intention de soumettre définitivement les états européens au profit des financiers et des marchands, en soustrayant leur destin à la souveraineté populaire.

En effet, actuellement il y a un grave abus de langage de Chevenement à De Villiers: l'Europe des nations qu'ils magnifient, ce n'est que l'Europe des traités, traités qui ôtent aux peuples la souveraineté populaire; et il ne suffit pas d'être contre le Traité constitutionnel que l'on voulait nous imposer pour donner aux peuples la maîtrise politique de leur destin, car si on ne leur donne pas les moyens politiques suffisamment puissants pour pouvoir décider à la place des forces mondiales financières et marchandes, ce n'est qu'hypocrisie ou incompétence.

La seule solution, c'est justement de donner les moyens politiques suffisants à une représentation élue des nations européennes pour décide dans les domaines des décisions économiques (une BCE dans l'action serait obligatoirement soumise à un ministre des finances), des relations diplomatiques internationales et de la défense, ministres soumis au contrôle d'un parlement européen élu au suffrage universel direct. On appelait cette construction politique dans mes années de lycée: une " Confédération de type fédérale " Confédération, parce que le champ de délégation de pouvoirs étaient limitées aux décisions économiques qui influaient par la monnaie sur l'économie de tous les états, aux décisions de la politique dite étrangère qui pour être efficace doit être unifiée, et à une politique de défense unique.

Fédérale, parce que les décisions à prendre pour ce champ de compétences relevaient d'un parlement élu au suffrage universel direct.

Exit donc dans cette construction politique la commission de Bruxelles formée d'oligarques sans mandat des peuples et qui décident de directives s'ingérant dans les politiques des états-nations pour les soumettre aux lois des marchés, détruisant au passage toute protection sociale et services publiques.

Exit dans cette construction politique tous les traités qui se sont succédés depuis le Traité de Rome et qui asservissent les peuples à des décisions contractuelles immuables, sans que ceux-ci puissent les modifier suivant le temps par le vote de lois par un parlement. Le traité, par définition , est un obstacle à l'exercice de la souveraineté populaire car, elle ne peut s'exercer que par des lois votées par un parlement élu au suffrage universel direct.

C'est pourquoi la revendication d'une Constituante Européenne élue pour définir les mécanismes d'une constitution décidant , et du champ des compétences futures, et de l'abolition des traités antérieurs, est désormais la revendication centrale pour créer cette République Européenne Sociale que nous devons appeler de nos voeux, héritière directe de cette aspiration aux Etats-Unis d'Europe de nos parents ou grands-parents.

Hubert Sage

3.4 - Pour un nationisme pro-européen

Dans un projet d'intégration élaboré démocratiquement, les questions de la pertinence et de la légitimité du projet ne devraient même plus se poser après 50 ans d'existence. Pourquoi le peuple français a-t-il voté non au projet de TCE il y a 2 ans ? La raison première est le refus de rendre quasiment irréversible l'orientation ultralibérale dogmatique des dirigeants actuels et passés. Mais il est peu probable que ce soit la seule raison qui a ramené vers les urnes une partie des classes populaires qui les avaient déserté. Il donc faut interpréter ce coup de tonnerre comme un de ces grands sursauts dont le peuple français est capable quand la Nation est menacée. A côté du refus des politiques néolibérales qui ont entraîné un découplage entre croissance et bien-être social, il y a autant le ras le bol d'une construction et d'un fonctionnement non démocratiques. On ne trompe pas le peuple pendant 50 ans sans qu'il se révolte ! Penser pouvoir rééditer la mystification du référendum de Maastricht, c'est prendre les citoyens pour des imbéciles ! Ras le bol de la concentration des pouvoirs législatif et exécutif dans les mains de technocrates non élus et a-responsables. Ras le bol que les grandes orientations européennes ne soient jamais soumises à suffrage. Ras le bol de voir des pans entiers de notre souveraineté délestés sans aucune contrepartie.

Ce n'est pas l'heure du repli qui sonne. Souverainisme et nationalisme ne sont pas l'avenir de la France ! L'heure est à un nationisme qui s'appuie sur nos fondamentaux (la souveraineté qui réside dans le peuple, les grands principes de liberté, d'égalité, de fraternité, de laïcité) pour enfin construire une Europe sociale, démocratique, respectueuse des identités nationales et de la souveraineté des peuples qui la compose.

Quelles seraient dès lors les mesures capables de refonder l'Europe avec l'adhésion de ses peuples ? Elles sont de deux ordres, sociales d'une part, institutionnelles d'autre part. Il convient tout d'abord de rompre avec les dogmes néolibéraux. Rompre avec le libre-échangisme, rendre la souveraineté monétaire aux nations, enclencher une harmonisation par le haut de la protection sociale, promouvoir une intervention publique forte s'appuyant sur des services publics et des grands projets à vocation sociale et environnementale, peser pour un internationalisme de la solidarité entre les peuples.

En parallèle, il faut donner le pouvoir aux élus, qu'ils soient mandatés pour mettre en oeuvre le programme sur lequel ils seront élus. Il faut en finir avec la confusion des pouvoirs de la Commission européenne, en finir avec ses directives et n'avoir que des lois votées par le parlement. Il faut enfin rendre obligatoire le recours au référendum pour toute modification institutionnelle ou tout élargissement. Ces mesures permettront d'en finir avec les sangsues que sont les lobbies communautaires, religieux, industriels, catégoriels, etc.

La Nation et l'Europe sont toutes deux absentes de la campagne présidentielle. Cela augure mal de l'avenir, car peut-on prétendre aujourd'hui agir dans l'intérêt général en laissant de côté la Nation et en laissant en l'état l'Europe ?

Christian Gaudray

3.5 - Triel est en Europe, mais aussi en France

La majorité des animateurs de ce journal (NDLR : Les Nouvelles de Triel) a fait campagne pour le "oui" au TCE, ce qui est fort respectable. J'ai eu le plaisir, moi qui ai fait campagne pour le "non", de débattre publiquement, parfois avec vivacité, avec eux, dans des réunions publiques contradictoires que l'Union des Familles Laïques du 78 a été la seule à organiser, à Triel et à Maurecourt, à quelques semaines du référendum.

Certes, à Triel, mais aussi dans les Yvelines, le "oui" a été majoritaire. Mais en France, malgré le soutien de l'UMP, de l'UDF, du PS et des Verts, appuyés par tous les chroniqueurs de presse, le "non" l'a emporté à 55 %.

Cela signifie très clairement, cinquante ans après le traité de Rome, le 25 mai 1957, que la majorité du peuple français ne veut pas de cette Europe, d'abord à six, puis neuf, puis à douze, puis à quinze, puis à vingt-cinq, puis à vingt-sept depuis quelque temps, et bientôt à plus de trente, que les élites veulent lui imposer.

Pourtant, depuis ce vote, chose curieuse, on essaie d'infantiliser le choix très conscient des électeurs français. Chirac, avant sa retraite définitive, a présenté, de manière grotesque, ses regrets au Parlement de Bruxelles, montrant qu'il avait honte du vote de ses concitoyens, et peu de respect pour le suffrage démocratique.

Sarkozy raconte qu'il en passera, s'il était élu, par un vote du Parlement. Il ne fait que rejoindre les propos de Strauss-Kahn, qui avait eu cette phrase extraordinaire : "Nous avons fait la connerie de demander un référendum à Chirac, et Chirac a fait la connerie de nous dire oui". Belle image du respect du peuple !

Bayrou et Ségolène Royal, autres partisans du "oui", continuent à nous dire que la victoire du "non" est regrettable, mais nous promettent qu'on va revoter, s'ils sont élus, et qu'on va mieux nous expliquer pourquoi il faut voter "oui" !

C'est quand même extraordinaire. Quand un peuple se prononce pour l'adhésion à l'Union européenne, on ne demande jamais, dans ce cas, aux citoyens de voter une deuxième fois. Mais quand il a le malheur de voter non (comme les Danois, hier, où les Français et les Hollandais en 2005), ils sont condamnés à revoter à perpétuité, jusqu'à ce qu'ils disent oui.

Es-ce pour autant que les partisans du "non" sont des xénophobes, nationalistes, racistes, ringards, comme on les décrit souvent ? Absolument pas. Simplement, cinquante ans après le traité de Rome, et les différents traités qui ont suivi, après les accords de Maastricht, après le passage à l'euro, ils constatent qu'il y a loin de la coupe aux lèvres. L'Europe devait être la réponse au chômage de masse, mais les salariés français, payés en moyenne 20 euros de l'heure, n'ont aucune réponse, face à la concurrence, libre et non faussée, des salariés qui gagnent 6 euros de l'heure.

L'euro allait nous bonifier la vie, il a servi à justifier des augmentations des prix qui font très mal au budget des Français.

Ils ont compris que les commissaires européens, qui n'ont aucune légitimité démocratique, sont des fanatiques d'un modèle libéral, de type anglo-saxon, devant lesquels le modèle social français, dont ses services publics, devrait s'incliner et disparaître. L'Union européenne ne veut plus, par exemple, que cela soit un gouvernement français qui fixe le prix du kilowatt-heure, mais que cela soit le marché (ce qui a signifié une augmentation de 65 % la première année, pour les entreprises qui ont choisi de contourner EDF). Avec eux, au nom de la libéralisation du commerce, les consommateurs seront les premières victimes de la flambée des prix qu'une telle politique occasionnera inévitablement.

Les commissaires européens ne veulent plus que la France soit l'empêcheuse de libéraliser en rond. Ils ne veulent plus que la laïcité, qui sépare le religieux du politique, empêche les Eglises d'obtenir des financements, comme dans tous les autres pays européens. Ils veulent que la France devienne une province d'une Europe fédérale où tout se décidera sans tenir compte de l'avis des peuples, et seulement en fonction du marché roi.

De même convient-il d'avoir une vraie réflexion sur l'euro, dont la surcôte pénalise gravement la compétitivité des entreprises françaises (voir dossier Airbus). Les pays européens qui n'ont pas adopté l'euro (ils sont majoritaires) ne sont pas dans une situation économique difficile, au contraire. Quant à la BCE, elle prive tout gouvernement issu des urnes d'une politique monétaire indépendante.

L'argument de l'Europe facteur de paix n'est pas plus solide. C'est l'harmonie des politiques sociales qui amène la paix, pas des slogans incantatoires stériles. La montée des extrêmes-droites, dans de nombreux pays européens n'est qu'une conséquence inquiétante de la perte d'identité, et aussi de régression sociale que ressentent les peuples face au rouleau compresseur de l'Europe du libéralisme.

Ce n'est pas parce que dix-huit pays européens, comme le signale votre lecteur Robert Landsberger, dans un article intitulé " Triel est aussi en Europe ", paru dans votre dernier numéro, ont aujourd'hui ratifié la constitution européenne (le plus souvent par la voie parlementaire) qu'il faut que cela constitue une pression insupportable contre la France et la Hollande, qui, eux, ont consulté leurs électeurs.

Il n'y pas aujourd'hui de peuple européen. Il n'y a pas davantage de langue européenne, ni de culture européenne, les états nationaux sont donc aujourd'hui des structures indépassables.

L'avenir de la France, ce n'est pas l'Europe des régions, qui se construirait au détriment des Etats-Nations, et ferait éclater la République une et indivisible en mille morceaux. Respecter l'avis du peuple français, c'est cesser d'infantiliser le vote du 29 mai, c'est arrêter de le remettre en cause, et c'est surtout tirer les leçons de ce vote : on ne construira pas de projet européen sans respecter le rôle et les prérogatives des Etats-Nations, ni surtout sans tenir compte de la place, de l'importance et de l'Histoire spécifique de la France.

Le chef de l'Etat, dans sa dernière intervention, a parlé de son amour de la France. Je partage cet amour, j'aime ce pays, son histoire, la Révolution française et ses idéaux égalitaires, les Lumières, les Droits de l'Homme, la Commune, 1936, la Résistance, 1968, son mouvement social, sa laïcité, unique au monde, le côté frondeur des citoyens, cette Résistance au modèle anglo-saxon qu'on veut nous imposer depuis trente ans, etc.

Mais contrairement au chef de l'Etat, je persiste et je signe, et je ne veux absolument pas de cette Europe que les principaux candidats aux présidentielles veulent nous imposer, malgré notre choix du 29 mai 2005.

Et je donne rendez-vous pour 2008, quand la question va se reposer de nouveau.

C'est ma façon d'aimer la France.

Pierre Cassen

Source : Paru dans " Les Nouvelles de Triel " de Mars 2007

3.6 - Le prix Charlemagne

Le TCE rejeté à 55% et nous devrions avaler le mini-traité de Sarkozy ?

Voici un exemple de déni de souveraineté, ce déni de souveraineté que nous avons dénoncé à longueur de Respublica.

Mais comment en est-on arrivé là ? C'est que cette Europe-là, on nous l'a vantée, chantée. "La France doit choisir entre son adhésion sans réserve à l'Europe et sa disparition de la scène du monde". Qui a dit cela ? Giscard d'Estaing ? Jacques Barrot? Gerhard Schröder ? C'est Adolf Hitler en 1945.

Ainsi les thèmes européens ne sont pas nés au lendemain de la guerre, comme on se plaît à nous le dire, à nous le répéter.

  1. il fallait créer un " grand espace" européen qui dépasse les cadres nationaux.
  2. Il fallait supprimer avec l'Europe, les causes des guerres européennes .
  3. Les états-nations doivent abandonner leur souveraineté. En 1940, Joseph Goebbels disait: " Je suis convaincu que dans cinquante ans, les gens ne penseront plus en termes de PAYS ". L'autrichien Colin Ross a dit" Nous devons revenir, sous une forme ou sous une autre , à l'empire de Charlemagne ". Et Bismark (1871-1890) : (j'aime beaucoup ça) " l'Europe est un mot employé par les puissances pour réclamer en son nom ce qu'elles n'osent pas réclamer en le leur"

Bien sûr, les Européistes sincères ne sont pas des nazis. Mais il faut rappeler que le prix Charlemagne est la plus haute distinction décernée chaque année par l'Union Européenne. Et que l'intérêt EUROPEEN passe au-dessus des souverainetés nationales!

" Les pays ne peuvent plus faire ce qu'ils veulent" disait avec cynisme Pedro Solbes, commissaire européen en 2001.

C'est cette perte de souveraineté qui fait mal !

Et il sera bien difficile de la retrouver, notre souveraineté, car quel que soit le candidat choisi, Ségolène, Sarkozy, ou Bayrou, il sera un partisan du oui au TCE, et ne représentera pas la souveraineté du peuple!

Mireille Popelin

3.7 - Jean-Luc Mélenchon et Oskar Lafontaine pour une constituante européenne

Nous déplorons la réunion organisée aujourd'hui à Madrid de représentants des gouvernements de 18 pays de l'UE ayant ratifié le projet de Constitution européenne.

Alors que les peuples français et néerlandais, représentant 80 millions d'habitants de pays fondateurs de l'Union, se sont prononcés contre ce projet de Constitution européenne, nous exprimons nos plus vives inquiétudes concernant une réunion qui vise, d'après le Ministre espagnol des affaires étrangères, M. Moratinos, à " permettre à la politique européenne contenue dans le projet constitutionnel de devenir une réalité ".

Il nous semble en effet inadmissible de vouloir forcer des peuples à subir des politiques qu'ils ont refusé, y compris en en changeant l'emballage. Toute tentative d'encerclement politique de ces peuples par une coalition d'autres pays de l'Union ne peut que conduire à des impasses dangereuses.

Nous refusons donc toute mise à l'écart des pays ayant déjà voté non au projet de Constitution européenne ou ne s'étant pas encore prononcés. Une telle méthode rompt le cadre collectif de discussion qui a toujours prévalu pour faire avancer l'Europe communautaire depuis les traités CECA et de Rome.

Elle crée un grave précédent où certains Etats s'arrogeraient le droit de décider de l'avenir de l'Europe à l'exclusion d'autres Etats.

Nous regrettons vivement que le gouvernement allemand ait choisi de s'associer à cette initiative, alors qu'il exerce la présidence de l'Union au nom de tous les Etats membres. Nous nous étonnons que le gouvernement français ne se soit pas opposé publiquement à une telle réunion qui exclut la France des discussions sur l'avenir de l'Union.

Nous mettons en garde les décideurs européens contre toute tentative de se passer de l'avis des peuples pour imposer le traité constitutionnel européen. Nous appelons tous les responsables politiques progressistes en Europe à refuser ces tentatives de négation de la volonté des peuples.

Nous leur proposons de travailler à une autre méthode pour que la rédaction d'une Constitution européenne réussisse et trouve l'assentiment des citoyens et des peuples de l'Union. Pour cela, nous soumettons au débat l'idée d'une assemblée constituante européenne élue par tous les citoyens de l'Union.

Communiqué conjoint de:

Février 2007

Jean-Luc Mélenchon

3.8 - Interview de Jacques Sapir par Pascale Fourier sur le protectionnisme

Pascale Fourier : Finalement, dans votre livre, La fin de l'euro-libéralisme publié au Seuil, vous remettez en cause le libre échange... en quoi ?

Jacques Sapir: Je crois que derrière le libre-échange, il y a deux débats, extrêmement importants. Il y a un premier débat général qui consiste à dire que fondamentalement l'abandon de tout obstacle à la circulation des biens et des capitaux engendre toujours et partout des situations qui sont favorables au plus grand nombre. Ce qui est faux. Les économistes le savent : ce n'est juste que dans conditions extraordinairement restrictives qui ne s'appliquent pas au monde réel. Nous savons que d'un point de vue général l'idée qui consiste à dire le libre échange est toujours et partout la meilleure des solutions n'est pas validée par nos connaissances en économie.

Après, il y a un deuxième débat, que je dirais plus contextualisé, qui consiste à se poser la question suivante : " Concernant deux ou un certain groupe de pays dont les caractéristiques économiques sont tout à fait semblables, qui ont des législations sociales et écologiques semblables, est-ce qu'il ne faut pas désarmer les protections tarifaires ? Est-ce que dans ce cas l'élargissement de la taille du marché n'est pas souhaitable ? ". C'est quelque chose qui se discute au cas par cas, il n'y a pas de lois générales. Quelquefois, c'est vrai, il vaut mieux effectivement procéder à un désarmement douanier tarifaire, mais il y a des cas où, malheureusement, ça ne s'applique pas.

Pascale Fourier : Dans votre livre, vous insistez sur le fait que le libre-échange empêche tout choix national notamment dans la protection sociale...

Jacques Sapir: Il y a une dimension politique qui n'est jamais avancée dans le libre échange et qui me semble pourtant tout à fait essentielle. Quand vous êtes en situation de libre échange, cela veut dire concrètement que les consommateurs comparent sur la base du rapport coût/qualité. Or dans la formation des coûts, nous savons très bien qu'il y a les niveaux de salaires, les niveaux de protection sociale - car la protection sociale coûte quelque chose - et les réglementations écologiques, qui elles aussi ajoutent quelque chose au coût. Le problème qui se pose est le suivant : admettons deux pays qui ont des niveaux de productivité et d'efficacité économiques à peu près similaires; dans un pays, on décide d'appliquer des normes écologiques relativement strictes et des normes sociales avantageuses, et pas dans l'autre pays. Et ces deux pays sont unis par un traité de libre-échange. Que se passe-t-il ? Les produits qui viennent du pays qui s'est imposé des contraintes sociales et écologiques plus importantes vont perdre leur compétitivité par rapport à l'autre pays. Et si les consommateurs obéissent à la logique coût/qualité - ce qui est tout à fait normal, et en tant que consommateur je réagirais aussi de cette manière-là -, alors les consommateurs vont en quelques sorte dénoncer la décision politique qui aura été prise, parce qu'en choisissant massivement d'acheter les produits venant du pays qui n'a pas adopté ces réglementations, ils rendent ces réglementations intenables dans le pays qui les a adoptées, soit sous la forme de faillites d'entreprises, soit sous la forme de délocalisations. Vous savez, les faillites sont une forme de délocalisation, de la même manière que les délocalisations sont une forme de faillite, car les deux se complètent en fait. Ce qui veut donc dire que dans un système de libre échange généralisé, c'est toujours le moins disant-moins coûtant qui l'emporte. Et là, on a un vrai problème. Et on le voit aujourd'hui, il y a une pression à la baisse à la protection sociale et à la protection écologique. Un exemple très simple: on a fait passer en Europe le protocole de Kyoto, ce qui a été difficile. Avec sa ratification par la Russie, ce protocole devient réellement applicable au niveau mondial. Mais nous savons qu'un certain nombre de grands pays, en particuliers les Etats-Unis, ne l'appliquent pas. Et d'ores et déjà, il y a des industriels français, allemands, belges qui viennent voir leurs gouvernements et qui demandent des exemptions aux contraintes du protocole. Pour des raisons très simples : il y a des industries, comme la chimie, la métallurgie en particulier, où le protocole de Kyoto est susceptible d'ajouter 10 à 15 % au coût de production, à technique comparable. Ça crée des problèmes très réels de compétitivité. Alors que fait-on ? On laisse la situation de libre-échange et on va défaire d'une main ce qu'on a fait d'une autre ? Et surtout on va la défaire d'un point de vue technique alors qu'il y a eu une ratification politique du protocole de Kyoto ?! Ou on se dit : chaque société, chaque espace politique national a le droit de faire ses choix - on peut les considérer comme bons ou mauvais, mais c'est une autre question, et tout le monde a le droit de se tromper. En tout état de cause, ce qu'on ne peut pas accepter, c'est que les choix d'autrui viennent s'imposer à vous ! Et c'est bien le problème de fond posé par le libre-échange : c'est que poussé jusqu'à un certain point, le libre-échange enlève toute autonomie au choix politique, et nous condamne en fait toujours à être tiré vers le bas.

Pascale Fourier : Condamnation très réelle ? C'est-à-dire que si on laisse le libre-échange perdurer, la France, à terme, devrait renoncer à ce qu'on appelle son modèle social ?

Jacques Sapir: C'est une évidence. Et c'est déjà en train de se passer. Alors ça se fait de diverses manières. Prenez par exemple le cas de l'Allemagne. On s'aperçoit aujourd'hui que les entreprises allemandes n'arrivent à gonfler leurs résultats qu'en transférant leurs activités hors d'Allemagne, dans les nouveaux pays de l'Europe des 25, où, évidemment, les coûts sociaux et écologiques sont beaucoup plus faibles. Le résultat de cela, c'est que les entreprises maintiennent des résultats sont certes tout à fait satisfaisants, mais on a de l'emploi qui se déplace, qui se délocalise, et on a un chantage qui est fait vis-à-vis des salariés qui restent dans les pays relativement protégés. On l'a vu avec les 35H00 : " Ou vous acceptez spontanément d'abandonner les 35H00, c'est-à-dire les bénéfices d'une protection sociale, ou nous fermerons l'usine ". C'est le chantage à l'emploi. Et ce chantage à l'emploi n'existe que parce qu'on est en situation de libre échange.

Pascale Fourier : La charge que vous faites contre le libre échange est forte. Mais qu'est-ce qu'il est possible de faire ?

Jacques Sapir: Alors, il y a grosso modo deux types de solutions. La première - la plus attrayante - consisterait à se mettre d'accord globalement sur des règlementations sociales et écologiques communes et qui soit fondées cette fois-ci sur le mieux-disant, le mieux-offrant. Malheureusement c'est une utopie, et il faut la considérer comme telle. On peut avoir certains pays dont les législations sociales et écologiques convergent, mais nous voyons bien que les situations dans les espaces politiques nationaux sont relativement différentes, y compris en Europe. Ce qui est tout à fait frappant, c'est que dans l'Europe des 25, il y a en réalité une très grande diversité de cultures politiques, et certaines cultures politiques mettent en avant plutôt certains aspects que d'autres. Il est clair par exemple qu'en France la sensibilité écologique est moins poussée qu'en Allemagne ou qu'aux Pays-Bas, mais que par contre la sensibilité sociale y est peut-être plus poussé que dans d'autres pays. Il y a donc des spécificités nationales du point de vue des cultures politiques, et on n'arrive pas en réalité à constituer un accord global. On le voit bien au niveau de l'Union Européenne : il y a beaucoup gens de gauche qui disent que la vraie réponse à tous ces problèmes, c'est l'Europe sociale. Soyons sérieux ! Cette Europe sociale, on en parle depuis plus de 15 ans, et elle n'avance pas. Pourquoi ? Pour une raison très simple. Ou vous respectez la souveraineté des autres pays, et vous êtes obligés d'accepter sur des questions aussi importantes la règle de l'unanimité, et il y aura toujours quelqu'un pour bloquer. Ou vous dites : " La règle de l'unanimité saute ", mais ça peut devenir insupportable pour beaucoup de pays qui ne vont pas accepter de perdre leur souveraineté. Et je dois dire d'ailleurs qu'il est très clair que la population française, les électeurs français, n'accepteraient pas - et d'ailleurs, il ne l'ont pas accepté - des réglementations qui seraient régressives, imposées par une instance internationale. On a là une espèce d'échec fondateur du mythe de l'Europe sociale, tant que ce projet porte sur des pays dont les cultures politiques sont très différentes. Si on discute après de l'Europe sociale entre la France, l'Allemagne, la Belgique, l'Italie, bref grosso modo les pays fondateurs du Traité de Rome, là, je serais nettement moins négatif: je pense que cette Europe sociale peut exister, mais elle ne peut exister que sur un nombre très limité de pays. Donc, de facto on pose le problème de l'autre solution. Si on ne peut pas faire l'Europe sociale, qu'est-ce qu'on fait ?

Eh bien la seule solution, c'est de compenser les coûts supplémentaires que, d'une certaine manière, nos sociétés acceptent de s'infliger par de la protection sociale, par de la protection écologique, par de la réglementation du travail - du temps de travail, la protection du travail des mineurs, la protection du travail de femmes. Il faut donc compenser. Comment compenser ? De plusieurs manières. La plus simple, c'est de compenser par des droits de douanes, qui pourraient être calculés à partir des écarts de productivité. Un pays dont la productivité est très faible ne peut pas en réalité fournir la protection sociale et écologique d'un pays dont la productivité est très forte. Donc ce pays-là ne devrait pas être taxé, ou devrait l'être de manière extrêmement faible. Par contre, quand un pays dont la productivité est très forte - je pense aux Etats-Unis - refuse d'appliquer des réglementations écologiques ou sociales, il doit y avoir des droits de douanes qui compensent le coût de nos propres réglementations. J'insiste sur un fait : c'est que c'est très important pour les emplois à faibles qualifications, car ce sont ces emplois-là qui sont les plus vulnérables aux effets de coûts liés à la protection sociale et à la protection écologique. Or il faut savoir qu'aujourd'hui, pour éviter un effondrement de l'emplois dans les secteurs à basse qualification - qui vont rester importants dans nos économies -, nous sommes obligés de subventionner les emplois. Un exemple : les abattements de charges pour les PME représentent plus de 20 milliards d'euros par an ; la prime à l'emploi, qui est en réalité une subvention aux emplois à faible qualification - il faut bien savoir comment elle fonctionne - représente 4 milliards d'euros par an ; et y a d'autres mécanismes de subventions. Donc nous sommes obligés de subventionner massivement des emplois pour éviter qu'ils se délocalisent ou qu'ils soient détruits par fermeture. Et en contrepartie, nous n'avons plus le budget pour financer les efforts en recherche et développement qui nous permettraient d'avoir toujours la compétitivité technique nécessaire pour le futur. J'ai donné deux exemples : ça fait 24 milliards d'euros par an. Il faut savoir que l'agence d'innovation et de compétitivité - c'est une très bonne chose - qui a été créée en 2005 par le gouvernement de Villepin, ne reçoit qu'un milliard d'Euros par an, c'est-à-dire qu'1/24ème des sommes que l'on dépense pour subventionner des emplois à faibles qualifications, qui en réalité pourraient être sauvés par des protections tarifaires.

Pascale Fourier : Je ne vois pas en quoi la solution que vous préconisez permettrait de lutter contre les importations massives de produits textiles chinois.

Jacques Sapir: De ce point de vue, il faut regarder très clairement où en est dans ce secteur la productivité du travail en Chine - je pense qu'elle est très proche de la nôtre - et quel est le niveau de protection sociale et écologique qui y est appliqué. Et on établit des droits de douane qui visent à compenser l'effet de dumping social et écologique que l'on a dans une industrie qui s'est massivement modernisée. Je dois dire également qu'un autre intérêt du protectionnisme, c'est qu'il permet de choisir les pays que l'on veut favoriser, c'est-à-dire que, si on établit des barrières protectionnistes, on peut décider de les lever spécifiquement pour un pays. Et la question du textile nous donne un exemple très intéressant. Jusqu'à maintenant, c'est-à-dire grosso modo jusqu'en 2006, le textile était relativement contingenté sauf pour des pays comme le Maroc ou la Tunisie, bref pour les pays de l'arc méditerranéen. Et quand on a décontingenté le secteur - c'est à ce moment-là que les exportations chinoises sont arrivées - , ça a eu un effet tout à fait dramatique sur l'emploi au Maroc et en Tunisie, avec des éléments de destabilisations sociales vraiment très graves surtout pour le Maroc - la Tunisie je connais moins, elles sont peut-être aussi graves qu'au Maroc, mais je ne peux pas en parler de manière aussi précise - mais en tous les cas, pour le Maroc, l'économie du nord a été complètement destablisée, avec des problèmes sociaux très graves et une aggravation du basculement de l'économie du nord du Maroc dans l'économie de la drogue, qui est aujourd'hui la véritable sécurité sociale marocaine. Et on voit bien que si l'Union Européenne avait conservé des politiques protectionnistes, par exemple dans le secteur du textile, on aurait pu aider le Maroc, dans le cadre d'une négociation politique : " On vous fait une exemption favorable. En contrepartie, dotez-vous d'un programme de montée progressive en matière sociale et écologique, en matière d'éradication de la culture de la drogue, etc". On peut à nouveau rentrer dans de la négociation politique à partir du moment où on a cet instrument. Le libre-échange, au contraire, dépolitise la question, et empêche évidemment toute négociation. Le résultat, c'est qu'on est confronté désormais à des involutions sociales, à des évolutions négatives, qui sont extrêmement graves, que ce soit chez nous bien entendu, ou que ce soit dans des pays qui nous sont proches et dont les crises sociales finiront toujours par rejaillir sur nous.

Pascale Fourier : Et comment fait-on avec les pays nouveaux entrants de l'Europe qui n'ont pas de systèmes de protection sociale équivalent aux nôtres ? On mettrait des barrières tarifaires au sein de l'Europe, entre pays européens ?!!

Jacques Sapir: On peut soit mettre des barrières tarifaires entre européens, mais ceci signifierait la fin de l'Europe telle qu'on la connaît. Mais il y a une solution qui a été utilisée dans le cadre du Traité de Rome qui s'appelle les "montants compensatoires monétaires" - les MCM -, qu'on appellerait ici les "montants compensatoires sociaux". Au départ, les MCM avait été créés pour corriger des effets de dévaluation très forte - ou de réévaluation d'ailleurs, ils auraient pu très bien fonctionner en sens inverse - entre des pays liés par le Traité de Rome. Et on peut là tout à fait dire à ces pays : " Vous avez des productivités qui s'alignent sur les nôtres, vous avez maintenu des taux de change très faibles, vous n'avez pas de protection sociale, on introduit des montants compensatoires sociaux et monétaires, dont d'ailleurs les revenus pourraient vous être reversés pour vous permettre progressivement de constituer les réglementations sociales et écologiques qui vous mettraient à parité avec le noyau de l'Europe". Et je dois dire que, quand on parle de droits tarifaires, de droits de douane ou de montants compensatoires, il faut bien voir que ces droits ont deux effets. Ils ont d'abord un effet direct qui consiste à faire monter le coût du produit importé. Puis ils ont un effet fiscal : on prélève une somme et cette somme va dans le budget de l'Etat. Alors, autant, en tant qu'économiste, la hausse du coût me semble nécessaire - c'est ce qui doit compenser en terme de compétitivité un avantage indu - autant on peut discuter de la légitimité pour le budget français, allemand, belge, etc., de recevoir un revenu supplémentaire. B. Cassen du Monde diplomatique avait en son temps avancé une idée, il y a de cela quelques année. Il disait : " Il nous faut du protectionnisme. Et il faudrait que les montant prélevés soient reversés aux pays pour leur permettre justement progressivement de faire fonctionner un système social plus avantageux ". Eh bien on pourrait très bien dire à ces pays : " Oui, c'est vrai, nous allons pénaliser une partie de vos exportations par le biais des montants compensatoires sociaux, mais l'argent qui en sera retiré, qui sera prélevé, vous sera reversé, dans le cadre par exemple d'une caisse au développement social, qui doit servir à financer des infrastructures sociales, une mise à niveau de votre système de retraite, etc ". Il y a plusieurs manières d'envisager les choses. C'est une manière de dire à ces pays : " Nous ne voulons pas que vos choix déstabilisent les nôtres. Mais si vous vous engagez - évidemment pas d'une année sur l'autre, il faut être réaliste - mais si vous vous engagez dans un délai de 10 ans, par exemple, à converger socialement et écologiquement avec nous, eh bien on est prêt à vous aider, y compris d'ailleurs en se mettant d'accord sur un échéancier à la fois de convergence sociale et écologique de la part de ces pays, et de notre part, de désarmement progressif de ces droits de douanes ou de ces montants compensatoires. Et on arriverait à des formes effectivement de libre-échange. Car l'idée de ces montants compensatoires sociaux n'exprime pas un rejet systématique du libre-échange. Je pense effectivement qu'il y a des moments où il vaut mieux ne pas avoir de droits de douane, et il y a d'autres moments où il vaut mieux en avoir. Mais au moins que cela se fasse de manière ordonnée et avec des engagements réciproques des pays concernés.

Pascale Fourier sur ALIGRE FM 93.1 en région parisienne, EMISSION DU 24 OCTOBRE 2006

Jacques Sapir

3.9 - Sortir de l'Europe pour s'ouvrir sur le monde

Le 25 mars 2007, les dirigeants européens auront fêté, entre eux, le 50ème anniversaire du traité de Rome. Leur message est clair : l'Europe a été et reste une " formidable aventure ", qui promet des lendemains radieux. C'est en outre une orientation " inévitable " dans le contexte de la mondialisation. Et nul n'a donc le droit d'en contester le fondement - sauf à être considéré comme fou.

Pourtant, la réalité et les perspectives, si on les examinent lucidement, sont tout autres. Les enjeux sont graves : premièrement, les intérêts du monde du travail sont particulièrement menacés sous couvert d'" Europe sociale " ; deuxièmement, chaque peuple pourrait bien se voir retirer sa souveraineté, c'est-à-dire sa liberté de décider par lui-même de son avenir ; enfin, le projet de constitution d'un " pôle européen " comme une région de la planète ressemble bien à la construction d'un empire - avec les dangers particulièrement menaçants pour la paix dans le monde.

L'" Europe sociale "

En 1982, le président français François Mitterrand n'hésitait pas à affirmer : " l'Europe sera sociale ou ne sera pas ". Un quart de siècle plus tard, certains tentent encore de faire miroiter une improbable " Europe sociale " qu'il faudrait inventer face à l'" Europe libérale ". Autant rêver à la reconversion de la maffia dans l'action humanitaire. Le terme " social " n'a d'ailleurs pas le même sens en France, où il recouvre la valorisation du travail et donc du salariat - et à Bruxelles, où il désigne en quelque sorte l'infirmerie de la mondialisation réputée " inévitable ". Du reste, le ministre néerlandais de l'économie en fonction en octobre 2004, Laurens Jan, avouait crûment : " le modèle social européen devra, à l'avenir, inévitablement ressembler au modèle social américain ".

Les réformes opérées ces dernières années sont d'ailleurs incroyablement semblables dans les Etats-membres de l'UE. Elles trouvent leur origine dans une bible commune, baptisée " stratégie de Lisbonne " (là où elle fut mise sur les rails, en mars 2000, par les chefs d'Etat et de gouvernement européens). Retraites ? Le plan imposé par le premier ministre français en 2004 a eu son équivalent dans les pays voisins, avec systématiquement la baisse des pensions, et le recul de l'âge du départ (en mars 2002, le Conseil européen a décidé du principe d'un allongement effectif moyen de cinq ans). Le gouvernement d'Anthony Blair vient de prévoir la barre à 68 ans ; en Allemagne, cela avait été précédemment annoncé à 67 ans. Indemnisation chômage ? Les textes européens répètent sans cesse qu'il faut " rendre le travail payant " : traduit du jargon, cela signifie diminuer les indemnités pour " inciter " les chômeurs à travailler. Santé ? Partout, l'heure est à l'augmentation des cotisations des salariés, et à la diminution des remboursements. Droit du travail ? Le marché du travail est trop rigide, les garanties collectives sont remises en cause.

Un rapport de 2004 a servi de base à la remise à jour de la " stratégie de Lisbonne ". Selon ce texte, celle-ci vise à " instaurer un climat plus favorable pour les entreprises et les affaires ". Le texte insiste également sur " la modération salariale, l'accroissement de la productivité " et préconise la promotion du travail intérimaire. Le document affirme sans ambages que " les droits acquis doivent être remis en question ". Quant à la méthode, le texte précise que " la nécessité d'engager les réformes doit être expliquée, en particulier aux citoyens qui n'ont pas conscience de la gravité de la situation ", et que cela impose " une volonté et un engagement sans faille de la classe politique ainsi que des partenaires sociaux ".

Dernier détail : le président du " groupe de haut niveau " qui a rédigé ce rapport n'est pas un partisan de l'Europe libérale, mais l'ancien premier ministre travailliste néerlandais, Wim Kok. Qui avait précédemment été à la tête de l'internationale socialiste... et du syndicalisme européen.

L'Europe-empire

" Il est dans l'intérêt de l'Europe de promouvoir, à l'Est de l'Union européenne et aux frontières du bassin méditerranéen, un arc de pays bien gouvernés ". Une telle assertion, qu'on trouve dans un rapport de Javier Solana en 2003, définit ce qu'est un empire : pour faire valoir ses intérêts dans le monde, il doit s'assurer de la " stabilité " sur son pourtour (du reste, M. Solana recevra en mai 2007 la plus haute distinction de l'UE, le prix ... Charlemagne). En juin 2004, un des plus importants dirigeants du PS français, Dominique Strauss-Kahn appelait déjà de ses voeux un " empire européen ". Deux ans plus tard, il en dessinait les contours : " des glaces de l'Arctique au Nord jusqu'au sables du Sahara au Sud " ; et en précisait la perspective historique : " cette Europe, si elle continue d'exister, aura reconstitué la Méditerranée comme mer intérieure, et aura reconquis l'espace que les Romains, ou Napoléon plus récemment, ont tenté de constituer ".

Cette vision planétaire s'appuie sur des travaux d'experts. Ainsi, en 2006, la très influente fondation allemande Bertelsmann rédige un rapport étudiant les moyens pour assurer " la future capacité d'action de l'Europe en vue de modeler le nouvel ordre mondial global ". Avec un concept-clé : " exporter la stabilité ". Et une méthode : la conjugaison de forces militaires et civiles. Les auteurs se félicitent que " des pas importants " aient été franchis dans ce sens - une allusion à la mise en place progressive des " groupements tactiques européens ", brigades de 1500 soldats pouvant être envoyés aux quatre coins de la planète. Cependant, il faut aller plus loin, préconise l'étude : " la sécurisation globale des intérêts communs exige (...) la création d'une armée européenne ". Tout cela, afin que l'Europe soit " un partenaire pleinement pertinent et sur un pied d'égalité avec les USA ".

En 2006, les travaux pratiques ont accompagné les réflexions théoriques. D'abord au sud-Liban, où les contingents européens ont formé l'ossature des troupes venues renforcer la FINUL, car, selon le président de la Commission européenne " il est temps pour l'Europe de remplir son rôle sur la scène mondiale ". Les dirigeants européens ont d'ailleurs salué cette " occasion historique ", selon les termes du chef de la diplomatie espagnole. M. Moratinos a précisé : " les Européens gagnent chaque fois en crédibilité, en présence et en engagement dans l'avenir de cette région, qui est notre région ". " Notre région " ? Déjà l'empire romain appelait la Méditerranée " Notre mer ".

A l'automne de la même année, 1500 soldats lourdement armés (français, allemands, plus quelques autres) ont été projetés au Congo (RDC), officiellement pour surveiller le scrutin présidentiel. L'un des responsables du patronat allemand soulignait, quelques mois auparavant, les " risques géostratégiques considérables " quand les ressources naturelles sont contrôlées par des " régimes politiques imprévisibles " ; et citait... le Congo, " zone d'extraction la plus importante (au monde) pour le cobalt ". En 2005 déjà, le ministère allemand de l'économie appelait de ses voeux " l'amélioration du climat pour les investisseurs dans les pays producteurs de ressources naturelles par la promotion de la stabilité politique ". Quant à son collègue de la défense, il précisait que " la stabilité dans les régions riches en matières premières sert aussi l'économie allemande ". Voilà qui a au moins le mérite de la franchise.

L'Union européenne, super-Etat

L'UE a ré-inventé quelque chose d'extraordinaire : le droit de punir des nations, privilège que s'octroyaient jadis les monarchies impériales. Aujourd'hui, un pays peut ainsi être mis à l'amende par la Commission européenne, ou condamné par la Cour de Luxembourg. Retard de transposition d'une directive, infraction à la libre concurrence, dépassement d'un critère du pacte de stabilité : les cas de figures sont nombreux où peuvent ainsi être infligées des punitions collectives. Car comment appeler autrement l'injonction faite à un pays - donc à ses contribuables - de payer des sommes parfois considérables ?

Le principe de telles sanctions est d'autant plus invraisemblable que de plus en plus de décisions européennes se prennent non plus à l'unanimité mais à la majorité (une tendance que la constitution européenne aurait accélérée si elle était entrée en vigueur). Ainsi, un pays peut se voir contraint d'appliquer une décision contre laquelle son gouvernement (et son parlement, censé représenter le peuple) se serait prononcé. Un véritable déni de souveraineté, mais qui s'avère fort pratique pour des dirigeants nationaux hypocrites : ceux-ci peuvent ainsi s'opposer " pour la galerie " à une mesure (une libéralisation par exemple) qu'eux-mêmes approuvent sans l'avouer ; puis retourner vers leur peuple en feignant de regretter d'avoir été mis en minorité à Bruxelles.

D'autres mécanismes viennent compléter le tableau. D'abord ce qu'on appelle la " pression des pairs ", qui désigne l'alchimie par laquelle un ministre va mettre son point d'honneur à faire passer " l'intérêt européen " avant le mandat que lui ont confié les électeurs. Ainsi le dirigeant socialiste français Lionel Jospin s'était-il engagé lors de la campagne électorale de 1997 à ne pas signer le Pacte de stabilité ; et l'a finalement signé, une fois devenu premier ministre, au motif qu'il n'était pas pensable de " déclencher une crise en Europe ". Interpellé en juin 2001 sur un plan social, le même déclarait : " on ne peut pas mettre un veto sur les licenciements (...) il ne faut pas que la législation française se distingue totalement des législations qui existent en Europe ".

Deuxième classique du jargon européen : l'" engrenage institutionnel ", qui tient pour irréversible l'" acquis communautaire ". Ainsi, un gouvernement d'un pays peut donner son aval à une mesure européenne, permettant ainsi son adoption ; si les électeurs choisissent une autre politique au scrutin suivant, la mesure ne pourra être remise en cause. C'est bien là ce qui fait la différence de principe avec une démocratie nationale.

En 2001, Romano Prodi, alors président de la Commission européenne, prenait de la hauteur historique pour définir l'intégration européenne par l'effacement de la souveraineté de chaque peuple - et donc la fin potentielle de la politique : " les piliers de l'Etat-nation étaient le glaive et la monnaie, et c'est précisément cela que nous avons changé ". Quatre ans plus tard, le ministre espagnol des Affaires étrangères résumait cela à sa manière : " le concept traditionnel de citoyenneté a été dépassé au 21ème siècle. Nous assistons aux derniers soubresauts des politiques nationales ".

Trop " traditionnelle " sans doute, la citoyenneté mérite, pour les dirigeants européens, de passer à la trappe.

Rejet populaire de l'Europe

S'il est une légende que les partisans de l'intégration européenne ont longtemps tenté d'imposer comme une évidence, c'est celle de la " soif d'Europe ", de l'" envie d'Europe ", du " désir d'Europe ". Une légende qui n'a jamais pu s'appuyer sur le moindre commencement de signe tangible. Si aucune appétence n'a marqué le début de la " formidable aventure européenne ", la poursuite de celle-ci a provoqué une réticence croissante, allant parfois jusqu'à la franche hostilité. L'Europe économique, politique, militaire, est apparue sous son vrai jour : une " construction " sans les peuples, hors des peuples, contre les peuples. Comme soupirait en 2001 un intellectuel français, " nous avons fait l'Europe, il nous reste à faire les Européens ". L'indice chiffré de cette inextinguible " soif d'Europe " pourrait être par exemple l'abstention aux élections européennes : depuis 1979, celle-ci n'a cessé de progresser, pour atteindre le record en 2004 : 55% (58% en France, et même 79% en Pologne, 83% en Slovaquie). Puis, ce furent les Non français et néerlandais - sans parler de ceux qui seraient probablement advenus dans beaucoup des seize pays qui ont été privés de référendum.

Du coup, le ministre français des Affaires étrangères a bien dû le reconnaître : " un divorce existe désormais entre les peuples et le projet européen que nous portons depuis plus de cinquante ans. Soyons conscients de cette réalité qui, pour être nouvelle, a des racines profondes et anciennes ". Et le directeur du Monde, le quotidien français le plus engagé pour l'intégration européenne, a analysé avec dépit que " le rejet du Traité constitutionnel révèle d'abord qu'une majorité de Français n'a pas, ou n'a plus, envie d'Europe ". Un an plus tard, le Premier ministre luxembourgeois se laissait aller à la confidence : " l'Europe n'est pas en panne au niveau des dirigeants, mais au niveau des peuples ".

N'est-ce pas alors l'occasion de s'interroger : est-ce qu'on continue l'aventure européenne ? Toujours plus loin, toujours plus fort, toujours plus vite ? Ou bien aura-t-on enfin le droit de poser la question d'en sortir ? Non pas par esprit de " repli ", mais au contraire pour casser l'enfermement dans un " bloc " continental. L'intégration soumet, contraint, enferme. La coopération, entre pays égaux et indépendants, libère et ouvre sur le monde. Tous azimuts, sans privilège continental.

Jusqu'à quand sera-t-il tabou d'en débattre ?

Pierre Lévy Rédacteur en chef du mensuel Bastille-République-Nations

3.10 - Un rassemblement républicain et progressiste est à l'ordre du jour !

Sa réussite implique la volonté de rétablir la souveraineté populaire et nationale.

Déclaration de James Paul Warburg, président de la Chase Manhattan Bank, devant le Sénat américain le 17 février 1953 : "De gré ou de force, nous aurons un gouvernement mondial. Sera-ce par la conquête ou par consentement ? La supranationalité d'une élite intellectuelle et des banquiers internationaux est certainement préférable aux décisions nationales qui se pratiquent depuis un siècle". En juin 1991, David Rockefeller réaffirmait la permanence de cet objectif : "Le monde est préparé à marcher vers un gouvernement mondial".

Imposé depuis des décennies, le volontarisme dogmatique supranational de la " gauche " social-libérale à conduit au chaos actuel. Celui-ci est la caractéristique principale de la situation politique en France, à l'approche de l'élection présidentielle. La droite fédéraliste des Sarkozy, Chirac, Giscard et autres Bayrou (le porte-parole actuel ultra fédéraliste, de la démocratie chrétienne), est bien entendu, co-responsable de l'euro-dégénérescence économique, sociale et politique que subit notre pays au travers des étapes chaque fois plus dévastatrices, de la marche forcée à l'eurocapitalisme mondialisé - sous hégémonie germano-américaine - qui jalonnent la vie de la France et de son peuple, depuis le traité de Rome (la vie des autres peuples d'Europe est soumise à la même agression de classe et en expérimente les mêmes conséquences). Cependant, lorsque les dirigeants de la droite néo-libérale entendent construire une Europe dans laquelle la concurrence serait " libre et non faussée ", qui détruit les services publics, dérégule à tout va et remet en cause plus d'un siècle de conquêtes sociales, ils ne trahissent pas la classe sociale qu'ils représentent, même si à terme les contradictions inhérentes à leur politique peuvent s'avérer suicidaires.

Nous sommes de plus en plus nombreux à considérer que la responsabilité historique, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, des dirigeants de la social démocratie et de ses satellites, est particulièrement lourde car elle implique une véritable trahison en faveur du Capital financier et de l'atlantisme, du peuple laborieux, de la République et de la nation.

Le fait nouveau depuis déjà quelque temps, c'est que le peuple, a manifestement tiré un certain profit des multiples leçons de choses très concrètes de l'alternance au pouvoir de la fausse gauche et de la vraie droite afin d'y appliquer leur programme commun, le traité de Maastricht et sa suite. Du pareil au même disions nous en 2002 avec le Jean Pierre Chevènement du Pôle Républicain.

Cette prise de conscience du peuple de France se poursuit malgré la guerre idéologique intense menée contre lui via la manipulation permanente des médias domestiqués par la Finance et par les adeptes de tous bords du renoncement national et républicain. D'une certaine manière le peuple s'installe progressivement dans une logique de résistance contre ce carcan européen qui le dépossède toujours davantage de sa souveraineté. Certains, individuellement ou collectivement se montrent préoccupés surtout par le souci de préserver leur part du gâteau électif. Ils ne veulent tirer aucune leçon du non catégorique à l'Europe supranationale du 29 mai ou de bien d'autres avertissements populaires. Lentement mais sûrement, ils perdent toute crédibilité politique. La majorité des Français rejette leur système qui ne survit pour le moment, que grâce aux manoeuvres des appareils pléthoriques de certains partis, financés par l'argent public et détournés de leurs objectifs historiques.

Jean Luc Mélenchon a bien raison de craindre que le premier tour de l'élection présidentielle soit " un double 21 avril ". (Ce séisme politique à mon humble avis, pourrait avoir des conséquences positives, s'il contribuait à souligner la nécessité d'une nouvelle perspective républicaine en démontrant magistralement, que le peuple n'entend pas poursuivre la tragédie délétère de l'alternance au pouvoir du pareil au même.) Quand il estime que le pays est " en état d'insurrection civique ", Mélenchon voit encore juste. Quel enseignement pourra t'il tirer de ses propres analyses ? Le Comité Valmy dit que le peuple est entré en résistance et ces deux expressions ne se contredisent pas. Selon la formule d'André Bellon, notre société est confrontée à un totalitarisme tranquille. De moins en moins tranquille en réalité. Il est urgent d'en sortir.

Nous considérons que cette Europe - depuis le Traité de Rome - est celle de la Finance et de l'atlantisme. Nous ne sommes pas isolés lorsque nous affirmons qu'elle ne peut aucunement être amendée, tout particulièrement parce que sa nature supranationale est conçue d'emblée, par l'oligarchie au pouvoir, pour rendre si possible, ses étapes irréversibles et stériliser le combats d'autodéfense des peuples et des nations ; pour perpétuer la domination de classe du capitalisme financier.

Europe sociale, République européenne, souveraineté populaire portée à l'échelle européenne, dans le meilleur des cas, ces objectifs de certains militants de bonne foi, ne sont selon nous, et pour une longue période historique, que des mirages. Ces objectifs, selon qui les met en avant, peuvent même être consciemment, des gadgets ou des voies de garage destinées à canaliser les luttes populaires vers des lendemains qui ne chanteront jamais.

Le Comité Valmy milite pour contribuer à l'émergence d'une alternative crédible, réaliste et que nous estimons potentiellement majoritaire. Cette voie nécessaire est celle d'un rassemblement républicain et progressiste que nous recherchons à construire avec d'autres, de plus en plus nombreux. En même temps, nous considérons que la République demeure pour longtemps encore, la forme de notre Etat nation. Nous observons aussi que la République avec la souveraineté populaire et nationale qu'elle implique, ont permis grâce aux luttes des travailleurs, un progrès social significatif alors que l'Europe de Jean Monnet et compagnie est devenue synonyme de régression sociale et de barbarie capitaliste, dès que le fédéralisme en marche le lui a permis, en particulier avec le développement du processus de la mondialisation, cette conjugaison des stratégies de l'impérialisme américain avec celle des dirigeants européens, ses vassaux.

Nous estimons donc que la nation dont nous avons une vision républicaine et internationaliste, n'est pas historiquement dépassée et que si la Finance mondialisée mobilise autant de moyens, de toutes sortes, pour la combattre c'est bien parce qu'elle apparaît souvent comme un rempart solide face à la politique de domination et de guerre de l'impérialisme. Aujourd'hui de toute évidence, la France en tant qu'Etat nation n'intéresse plus vraiment les financiers pour qui elle constitue objectivement un obstacle. Nous sommes arrivés à ce moment que Marx et Engels avaient prévu, lorsque dans le Manifeste, ils affirmaient que le moment viendrait où la Classe ouvrière s'érigerait en classe nationalement dirigeante et " deviendrait elle-même la nation ". En effet de nos jours, la nation c'est le peuple.

Le rassemblement républicain est à l'ordre du jour. Manifestement. Et, il est urgent.

Pour qu'il se construise dans les meilleurs délais, les républicains qui, en général ont voté non au projet de traité constitutionnel, doivent se rencontrer sans préalables et confronter leurs analyses, apprendre à se connaître et à travailler ensemble. Certains qui se réfèrent à la République doivent aller au bout de leurs analyses. Ils ne pourront plus continuer à ignorer longtemps cette réalité incontournable : La République, la souveraineté populaire et nationale ainsi que la question sociale sont inséparables.

Pour sa part le Comité Valmy se réfère dans la recherche de ce rassemblement à l'exemple de la Résistance et au programme progressiste du CNR qui a permis au gouvernement de la libération, dirigé par De Gaulle, dans lequel l'essentiel de l'arc républicain était représenté et où des ministres communistes jouèrent un rôle essentiel, de réaliser de grandes avancées économiques et sociales, remises en cause aujourd'hui par les tenants de l'Europe supra-nationale, néo-libérale et atlantiste.

Claude Beaulieu Président du Comité Valmy

3.11 - 50 ANS APRES LE TRAITE DE ROME : SORTIR DE L'IMPASSE EUROPEENE PAR EN HAUT

Cette contribution à "Respublica" reprend des éléments du chapitre rédigé pour le récent ouvrage collectif "Manifeste pour une Europe des peuples", Editions du Rouvre, Paris

Le cinquantième anniversaire du traité de Rome survient en pleine campagne présidentielle. La pauvreté des programmes des trois candidats majeurs: Sarkozy, Royal et Bayrou se juge à l'aune de leur vision européenne. Si Royal et Bayrou ont au moins la pudeur de ne pas vouloir réintroduire la logique constitutionnelle supra-nationale sans un nouveau référendum alors que Sarkozy veut la resservir par la voie parlementaire, aucun ne nous dit qu'elle est la nouvelle vision de l'Europe qu'ils nous proposent alors que c'est évidemment la question-clef. A quoi sert la dissertation sur le niveau des impôts, sur les investissements du futur, sur la dette publique, sans une nouvelle logique européenne ? Tous parlent de moderniser la France, son Etat, ses services publics et de réduire sa dette.

Mais une telle perspective peut s'opérer selon deux modalités. Soit la poursuite de la logique de la privatisation maximum de l'espace public et de la réduction généralisée des dépenses improductives pour le capital financier, qui prend appui et se nourrit de la démobilisation bureaucratique et corporatiste des fonctionnaires. Soit la mobilisation républicaine des fonctionnaires et des usagers pour redonner à la fonction publique l'efficience perdue. Mais une telle orientation n'est possible qu'au sein d'un espace européen redevenu un espace de croissance durable et soutenable.

L'Europe est ainsi le défi des forces républicaines.

Dans le contexte de la mondialisation des échanges, l'espace européen est devenu une nécessité d'échelle. Un monde multipolaire, c'est bâtir des contrepoids aux géants d'aujourd'hui (les USA) et de demain (la Chine, l'Inde, la Russie reconstruite). Chacun comprend que la France n'a pas la puissance requise pour exercer à elle seule ce contrepoids ; mais pour autant, l'indépendance de la France, sa liberté d'initiative sont un levier dans cette direction.

Notre Europe c'est une démultiplicatrice de la puissance française, une Europe de synergie des puissances nationales, alors que l'Union Européenne dans ses modalités actuelles leur est antagonique, et constitue un affaiblissement.

De ce point de vue, notre perspective n'est pas "souverainiste" au sens d'une souveraineté nationale conçue comme un retour et comme un remède en elle-même. L'Europe ne doit plus être conçue comme un abandon de souveraineté à une instance supra-nationale, par définition anti-démocratique, mais un partage de souveraineté ajustable, une Europe à la logique confédérale.

LA MUTATION DE L'IDEE EUROPENNE

Le traité de Rome avait voulu fonder un espace de développement économique conjoint propre a sortir le vieux continent des désastres des guerres mondiales. Combinant un libre marché de nations au développement comparable avec des règles de protection de l'ensemble (la préférence communautaire), il fut un instrument de progrès indéniable qui a refait de l'Europe un centre économique mondial sur le champ de ruines de 1945. Les élargissements successifs, jusque dans les années 80, en direction de l'Espagne et du Portugal ont poursuivi cet élan, non sans heurts en particulier dan le domaine agricole.

Mais la transformation de projet initial en instrument du capital mondialisé en a changé la nature. La règle de la coopération et de la protection réciproque s'est changé en un libre-échangisme aveugle et sans limite, qui a conduit l'Union Européenne a sa propre paralysie.

En s'élargissant à marche forcée, en intégrant sans étapes et sans écluses les pays de l'Europe de l'Est, l'Union Européenne se devait d'abandonner la règle de l'unanimité qui devenait improbable à vingt-cinq. Mais, prétendant rassembler dans un seul espace économique et social des nations au développement encore trop inégal, elle a rendu en réalité impossible la règle de la majorité qualifiée, aussi bien pour les nations du cercle d'origine que pour les nouveaux venus.

En prétendant faire de la seule logique dont elle soit en réalité capable, celle du libre-échange illimité, une réalité juridique supra-nationale au travers du projet de "constitution", elle a cristallisé contre elle les oppositions latentes. L'ambivalence des peuples vis-à-vis de l'idée européenne s'est muée en opposition. Les "non" français et hollandais n'ont été que le début d'une cascade de refus qui aurait, pour des raisons propres à chaque nation, parcouru toute l'Europe jusqu'aux nouveaux arrivants et serait revenue en boomerang vers ceux qui ont voté "oui". En arrêtant les processus de ratification, l'Union Européenne a cru pouvoir masquer son échec. Elle est en fait paralysée. Dernière illustration de cette impasse, les élections polonaises ont placé au pouvoir une majorité hostile dans les faits à l'Union Européenne.

Que la bureaucratie bruxelloise et les sphères gouvernementales qui la soutiennent continuent à réanimer un corps désormais sans dynamique n'illustre que le retard habituel de la pensée sur la réalité. L'hallucination collective qui leur fait croire qu'ils pourront à nouveau soumettre le même texte, tout où partie, à des peuples qui auraient oublié en deux ou trois ans leur vote de 2005 est propre à la nature oligarchique et auto-référentielle des puissances dominantes du moment.

Faut-il pour autant plaider pour la rupture institutionnelle avec l'Union Européenne ? Ce serait une erreur psychologique. Les peuples n'ont pas besoin du sentiment d'un retour en arrière, mais d'une marche hardie vers l'avenir. Faut-il s'investir dans un débat filandreux sur les réformes possibles des institutions de l'Union ? Ce serait perdre son temps. La vie est faite de toutes sortes d'institutions qu'il est inutile d'aller réanimer. Il faut donc en sortir, mais par le haut, par la relance de l'idée européenne, adaptée aux vraies nécessités, et laisser l'Union où elle est, en proposant des projets d'avenir capables de mobiliser les peuples.

TROIS OBJECTIFS POUR L'EUROPE

Il s'agit d'abord de redéfinir un cadre pour une croissance durable et soutenable. Ce concept, apport essentiel de l'écologie politique, doit être pensé sur la base des acquis des pays de l'Europe et non dans une illusoire logique de partage des richesses au niveau mondial, problématique plus ou moins consciente qui continue à animer de facto tant de comportements politiques . Si l'ensemble de la richesse mondiale était aujourd'hui répartie entre l'ensemble des habitants, on aboutirait à un revenu moyen mensuel de l'ordre de 500 Euro, bond en avant colossal pour une majorité de pays où règne encore la misère, mais inacceptable régression pour les pays dits développés. Si l'on considère les besoins sociaux élémentaires qui sont encore à satisfaire dans le groupe des pays développés, il est donc clair que le droit au développement concerne toutes les régions du monde. Il s'agit d'un développement partagé, d'un co-développement, dans lequel le développement de l'Europe est un droit au même titre que celui des autres parties du globe.

Dire que le développement doit être soutenable et durable, ce n'est pas seulement préserver la nature menacée, mais aussi et indissolublement les hommes. Pour une majorité d'européens, la logique dominante est synonyme de régression, car si la richesse de tous s'est élevée, c'est au prix d'une inégalité sociale croissante, au prix d'une destruction des protections collectives et plus profondément encore, au prix d'une dissolution des repères, du sens , du lien social. La finance veut toujours plus et toujours plus vite. Non seulement l'éco-système n'en peut plus, mais la société n'en peut plus. Ce dogme commun aux archéo-marxistes et aux néo-libéraux selon lequel la société n'est que de l'économie concentrée ignore que l'humanité est une réalité plurielle, mais aussi faite de strates qui n'évoluent pas à la même vitesse. L'évolution culturelle, la psychologie individuelle et collective, la trajectoire des croyances ne peuvent suivre le rythme de la miniaturisation de l'électronique. La révolution informationnelle, aussi fondamentale que la découverte de l'imprimerie, ouvre la porte aux mêmes béances que furent l'Inquisition espagnole, la guerre de Trente ans, la guerre civile en France, le temps que la société absorbe l'onde de choc. Qui ne peut voir que l'enjeu du monde d'aujourd'hui est exactement celui-là ? L'Europe, de par son histoire et son expérience, possède justement l'acquis pour absorber ce nouveau bouleversement nécessaire, le contenir, le transformer en une nouvelle ère de progrès pour tous.

Cela signifie que l'Europe doit d'abord penser à ses citoyens, que le concept de développement auto-centré, cardinal pour les pays en développement, vaut aussi pour les pays d'Europe. A une logique de libre-échange généralisé érigé en dogme, à cette fuite en avant sans espoir, l'Europe doit substituer une logique qui permette de penser l'après néo-libéralisme et de proposer au monde un autre temps de développement. Or penser à soi-même est le meilleur moyen de penser aux autres.

Il s'agit donc de bâtir le long terme. L'énergie, les transports, les communications, l'éducation, la santé, la biotechnologie du futur, ont besoin de champ et de durée pour être pensés et construits. C'est le rôle et l'apanage d'une puissance publique réinvestie d'une légitimité démocratique stable, qui ne peut s'appuyer que sur les réalités humaines où elle prend sa source, c'est à dire les nations, qui ne sont pas modelées par les flux financiers, mais par l'histoire. Aujourd'hui, une Union Européenne tatillonne multiple le saupoudrage des aides pour compenser les ravages d'une économie sauvage tout en expliquant à des métiers séculaires, au delà des problèmes de sécurité nécessaire, comment ils doivent fabriquer du fromage, tout en ouvrant à tout va l'agriculture à l'aventure incontrôlée des OGM. Le néo-libéralisme est une escroquerie du point de vue de ses objectifs mêmes. En abandonnant le long terme à l'aveuglement du marché et à l'irrationnel boursier, il n'assure pas l'avenir, il l'hypothèque. Au lieu de réduire la plaie bureaucratique, le parasitisme insupportable des administrations improductives qui prennent le pas sur le pouvoir démocratique et le simple bon sens, il les multiplie. La logique de l'Etat supra-national européen de la feu constitution, c'est aussi cela.

Le réinvestissement public n'est pas donc l'assistanat où la charité sociale. C'est l'autorité d'impulsion qui prend en main ce que le marché, par nature, ne peut faire. C'est dire aussi que cette logique de réinvestissement public ne peut plus se faire en remplissant un tonneau des danaïdes, par le creusement sans fin des déficits collectifs qui sont le meilleur faire-valoir des logiques de privatisation du domaine public. Le futur doit être préparé avec les moyens d'aujourd'hui.

Il s'agit enfin de bâtir un monde multi-polaire qui ne soit pas le mouvement brownien du marché, mais un monde d'équilibre de forces. Alors que l'aspiration à l'autonomie nationale n'a jamais été aussi forte, la globalisation financière impose des logiques d'Empire qui mène à la conflagration.. L'Europe des Nations doit un être une force d'équilibre d'une autre nature, qui interdise, parce qu'elle donnera de l'espace à tous, que le XXI° siècle soit celui d'une nouvelle guerre mondiale. Elle doit contraindre les Etats-Unis d'Amérique, dans leur propre intérêt, à cesser de vivre aux dépends du monde. Elle doit permettre à la Russie de retrouver sa dignité perdue, c'est à dire aussi une relation stabilisée avec sa périphérie, d'abord celle des peuples de l'Asie centrale, et c'est un mélange d'alliance et de contrainte. Elle doit permettre à la Chine de poursuivre son grand bond en avant sans répéter les erreurs du passé, et c'est encore un mélange d'alliance et de contrainte. L'Europe doit enfin frapper du poing sur la table pour mettre fin au conflit israélo-palestinien, brasier d'un autre âge entretenu sciemment par tous les fauteurs de guerre. Un véritable plan conjoint de développement des deux états en est la clef, pour lequel l'Europe doit peser de tout son poids.

L'Europe le peut, parce que son capital historique et sa force économique est immense. L'Euro, si elle le veut, peut être une arme pour redonner au monde la stabilité monétaire sans laquelle aucun co-développement raisonné n'est possible. La mise en commun de ses forces diplomatiques et militaires est suffisante pour apporter une contribution essentielle à la paix du monde. Son message pour un autre développement emporterait l'enthousiasme des peuples. Encore faut-il recréer la synergie nécessaire.

TROIS PROPOSITIONS POUR Y PARVENIR

Je ne veux pas revenir ici sur ce que d'autres disent mieux que moi, en particulier sur le retour à la prééminence des accords d'Etats dans une "Europe à la carte et à géométrie variable", sur le changement de statut de la Banque Centrale Européenne. Je voudrais insister sur trois propositions-clefs dont la France devrait être à l'initiative.

La première est celle d'une rédéfinition de zones de développement, solidaires mais distinctes, unies entre elles par les écluses et les passerelles qui leur permettent de converger sans se détruire. Il appartient aux économistes d'en proposer les modalités: préférences commerciales, montants compensatoires, co-investissement.

Son centre, se situe autour du groupe d'Etats fondateurs du marché commun et proches par leur niveau social. Mais il faut savoir l'élargir, à l'ensemble des pays nordiques, à la Suisse. Son deuxième cercle, c'est celui des nouveaux arrivants de l'Union Européenne avec lequel il faut définir les écluses pour qu'ils rejoignent progressivement le premier groupe. La périphérie est multiple : celle du Mahgreb, du proche-orient, de la Russie, de l'Afrique Centrale, qui attendent et espèrent en une alternative à la logique prédatrice nord-américaine.

Je rejoins donc ici la pensée de Laurent Fabius, à ceci près que je ne vois aucun intérêt à relancer au centre de l'Europe la mécanique fédéraliste. Un des enjeux du centre, c'est d'y arrimer pour longtemps la Grande-Bretagne et les nations de l'Europe du Nord, qui sont l'allergie même à cette notion. L'harmonisation fiscale peut-être en revanche un levier. Il s'agit en particulier de redéfinir le financement de la protection sociale par la taxation de l'activité, de la croissance, de la consommation et non par la taxation de l'embauche ou le matraquage des revenus des classes moyennes. Il s'agit de stimuler en profondeur l'emploi réel et non l'emploi artificiellement assisté, tout en assurant une sécurité collective forte dans une économie qui sera nécessairement celle de l'adaptation, de la mobilité, de la souplesse. Les Européens sont prêts à l'effort, il faut en retour garantir que l'effort sera assumé par tous et qu'il bénéficiera à tous. C'est dans ce domaine que peut s'effectuer une vraie convergence entre les mérites du modèle anglais, l'innovation du modèle danois, la tradition d'économie sociale française et allemande.

La deuxième est celle de la levée d'un vaste emprunt public européen pour la croissance du long terme. Il s'agirait d'un emprunt sur vingt ans pour l'investissement, la formation, le plan énergétique, les transports à grande vitesse, le ferroutage, la biotechnologie, les communications Il concernera les réalisations industrielles, la formation, la recherche et le développement.

Un tel emprunt doit mobiliser la zone Euro, mais aussi tous les états européens qui le souhaitent, comme la Suède qui n'y a pas adhéré, comme la Norvège et la Suisse dont les réserves financières sont fortes et qui sont prudemment restées à l'écart de la course à l'abîme de l'Union Européenne.

Mis en oeuvre par un groupe d'Etat décidés, un tel emprunt européen passerait un contrat durable entre eux et les citoyens. Il mettrait de facto en demeure la Banque centrale Européenne de changer de logique. Il permettrait de drainer une épargne publique forte au lieu de la laisser aux mains de fonds de pension boursiers. Cet emprunt pourrait être mis en oeuvre de façon à permettre aux souscripteurs de financer pour partie le complément de retraite nécessaire dans une phase d'épuisement des finances publiques. Le remboursement de la dette bénéficierait à l'Europe et aux européens et non aux fonds financiers prédateurs.

Une telle démarche d'ensemble pourrait être proposée à une nouvelle conférence des Etats européens prêts à s'y investir. La base serait alors jetée pour un nouvel avenir.

La troisième est celle d'une conférence internationale pour la stabilité monétaire. L'Euro est devenu l'objet de sentiments contradictoires : d'un côté c'est un facteur de vie chère et de croissance bloquée compte tenu de la politique, de l'absence de politique doit-on dire, de la B.C.E.. Mais de l'autre, chacun pressent qu'il pourrait être, entre les mains d'un groupe d'Etats décidés, un puissant instrument de rééquilibrage du monde qui vit encore sous la dictature factice du dollar-papier, avec la complicité croissante d'une monnaie chinoise surévaluée.La puissance du billet vert ne repose plus sur un étalon mesurable, mais sur la prosternation à ses pieds des européens et sur la planche à billets de la Réserve Fédérale, et c'est ce qui permet aux Etats-Unis d'aujourd'hui d'être un colosse aux pieds d'argile qui survit aux dépends du monde, comme de la misère d'une partie de son peuple. Mais un tel rééquilibrage du désordre monétaire exige un rapport de force qu'une France qui déciderait d'en revenir au Franc ne serait pas en mesure d'imposer seule. Encore faut-il qu'elle sache en brandir la menace avec détermination, c'est à dire en étant capable de la mettre à exécution.

Même si il ya aujourd'hui loin de la coupe aux lèvres, l'échec de l'Union Européenne ouvre la porte à un nouveau processus, dans lequel, paradoxe dialectique, l'indépendance sauvegardée de la France reste une clef majeure pour convaincre, stimuler, proposer. Ce nouveau processus implique une claire inflexion. Sur le plan économique, il faut remettre le marché à sa vraie place, celle de l'innovation, du court terme, de l'émulation, de la contestation des logiques bureaucratiques. Dans le même temps, il faut en finir avec le rêve d'intégration fédérale, qui ne correspond tout simplement pas à l'histoire et à l'état réel du continent, remettre la démocratie des Etats au centre de la décision pour le moyen et le long terme.

Tous ces projets posent en leur centre la question d'une refondation de l'alliance franco-allemande. L'Allemagne est parvenue, après un siècle de convulsions, à la maturité nationale. Et avec des problèmes sociaux, démographiques, industriels qui sont, malgré une trajectoire bien différente, désormais similaires aux nôtres. Un axe Paris-Berlin renouvelé vivifiera les deux nations, alliera leur puissance aujourd'hui essoufflée, entraînera le reste de l'Europe, permettra de tendre la main à Moscou rassuré et à Pékin conforté, pour ce monde multipolaire, qui n'est pas le libre marché sauvage, mais celui d'un nouvel équilibre entre puissances raisonnées. Avec nos frères ennemis américains, un nouvel époque pourrait s'ouvrir, qui écarte la guerre froide qu'ils croient actuellement devoir nous imposer pour résoudre en fait leurs propres problèmes de développement d'une société qui se dissout sous l'effet de la marchandisation universelle.

L'Europe, sortie des ravages qu'elle s'est imposée au XXème siècle, sera de nouveau utile au monde. Il est grand temps.

François MORVAN Président de VLR !

4 - combat social

4.1 - L'Europe et le Smic unique européen: Trop d'écarts entre les Smic pour les unifier ?

Thomas Piketty, dans Libération du 26 avril (NDLR: 2004, année de parution de cet article), tourne en dérision l'idée d'un Smic européen défendu par le Parti socialiste, et prône de préférence une harmonisation fiscale (aussi difficile à réaliser, étant donné les mêmes écarts entre pays, et le fait que le taux moyen de l'impôt sur les bénéfices des sociétés a baissé de 15 points en 20 ans, de 45 à 30 %). Son argument est que les écarts entre Smic sont de 1 à 3... et qu'il faut donc "dompter le dumping fiscal" plutôt que de "violenter le marché du travail".

Soulignons d'abord qu'il existe un salaire minimum dans 9 des 15 pays anciennement membres : Belgique, Espagne, France, Grèce, Irlande, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, et Royaume-Uni. Ensuite, il existe aussi un Smic dans 9 sur 10 des nouveaux entrants : Estonie, Hongrie, Lituanie, Lettonie, Malte, Pologne, Slovénie, Slovaquie, Tchéquie. Et parmi les pays candidats, la Bulgarie, la Roumanie, et la Turquie ont un Smic. Il existe donc déjà un Smic dans 18 pays sur 25.

Première mesure, on pourrait étendre ce principe aux 7 autres pays. Ensuite on se fixerait un calendrier pour homogénéiser par le haut, par exemple d'ici à la fin de la décennie - comme le dit la résolution du Ps du 17 avril.

Bien sûr, l'écart peut paraître énorme. En 2003, il va de 1290 euros au Luxembourg à 406 au Portugal. Grèce : 473. Espagne 516... Les 6 autres Smic faisaient plus de 1000 euros dont 1124 en GB et 1126 en France. Mais si l'écart est de 1 à 3 entre Lisbonne et Berlin, il existait déjà le même type d'écart entre l'escudo et le mark, cela n'a pas empêché de bâtir la monnaie unique, n'est-ce pas ?

Pourquoi ne pas y mettre la même volonté et utiliser des méthodes comparables associant objectif, calendrier, négociation et décision collective progressive et programmée des gouvernements ?

Certes les écarts entre Smic européen sont plus grands avec certains des pays nouveaux arrivants, et le Smic est de 182 euros en Pologne. Il est de 122 euros en Lettonie où il vient de connaître une hausse de 14,3 % et où il est prévu de le faire passer à 212 euros en janvier 2010 (soit 50 % du salaire brut moyen à la fin de cette période). Mais reste encore plus bas en Lituanie. Le Smic en Tchéquie a récemment été augmenté au grand dam du patronat local, il a atteint 6200 couronnes soit 202,60 euros. À Malte, par contre, il est plus élevé qu'au Portugal et en Espagne. Le salaire moyen va de 330 euros à Varsovie à 600 euros à Budapest et 1041 en Slovénie.

Mais ce grand écart, principal argument des adversaires d'un Smic européen, n'apparaît pas si extraordinaire que cela, s'il est examiné en "parité de pouvoir d'achat". Comparons ce qu'on peut acheter avec 182 euros en Pologne, au Portugal, et au Luxembourg : dés qu'on prend cette méthode, l'écart réel entre les Smic est diminué considérablement.

Ensuite, on peut procéder de multiples façons pour arriver à un Smic européen : construire des sous-ensembles régionaux, selon les niveaux de développement entre les différents pays qui composent les 25 Européens d'aujourd'hui et les 7 ou 8 qui doivent entrer prochainement. Puis aligner ces Smic par groupes de niveaux. Selon Eurostat, les femmes sont deux fois plus nombreuses à toucher le Smic en Europe : ce serait l'occasion d'aligner les salaires entre hommes et femmes, thème récurrent en l'Europe, non ? Puis négocier par branches... par qualifications. Selon les grilles des conventions collectives existantes ou à créer.

Sait-on qu'il existe un Smic mondial, dans une branche ? Le simple fait d'y penser est stimulant. Il existe sous forme d'une recommandation du Bit sur les salaires et la durée du travail des gens de mer et des effectifs des navires, depuis 1996 avec une actualisation régulière du salaire minimum de base des matelots qualifiés. On y applique une formule arithmétique prenant en compte la variation de l'indice des prix à la consommation et l'évolution de la valeur de la monnaie, vis-à-vis du dollar des Etats-unis et dans une quarantaine de pays et zones maritimes, ce qui permet de calculer le nombre de dollars nécessaires dans chaque pays pour acheter ce que le salaire minimum permettait d'acheter à sa création, puis à chaque révision. Une liste représentative de 48 pays est prise en compte pour fixer ce Smic (435 dollars en 2000) et il évolue selon les calculs du Bit (Bureau international du travail) et de la Commission paritaire maritime. Parmi ces 48 pays, on trouve l'Ukraine, la Pologne, la Lettonie, aussi bien que la Grèce, la France, la Croatie, le Royaume-uni ou la Suède ! Ce qui a été possible à 48 pays pour les marins ne le serait-il pas pour les routiers de 25 pays européens ?

L'Oit considère le salaire minimum comme essentiel dans toute stratégie de développement, pour contribuer à atténuer la pauvreté et permettre un niveau de vie décent sans produire d'effets significatifs sur l'emploi. Un élément fondamental de la stratégie du Bit est de développer une stratégie appropriée pour un Smic mondial alors que 16 travailleurs sur 100 gagnent moins d'un euro par jour ! Cela élèverait 534 millions de travailleurs (qui font vivre 1,2 milliard de personnes) au-dessus du seuil de la pauvreté !

Mais sans doute, toute prospective de ce genre, imaginée au niveau mondial, appuyée d'une volonté politique n'est-elle pas assez séduisante pour que nos économistes à pensée unique fassent des efforts et cherchent à argumenter concrètement en sa faveur en Europe ?

Le Parti socialiste, lui, juge que cela relève d'une stratégie pour combattre le dumping social, lutter contre les délocalisations en Europe, harmoniser par le haut les droits sociaux et servir d'exemple dans le monde.

5 - combat laïque

5.1 - Cinquante ans après le traité de Rome, défendre la laïcité et la liberté d'expression dans toute l'Europe

A l'occasion des cinquante ans du traité de Rome, le 25 mars 2007, l'Union des Familles Laïques, qui a fait campagne pour le non au TCE, tient à réaffirmer son attachement au respect du vote des Français, qui s'est exprimé le 29 mai 2005.

Il y a bientôt deux années, les électeurs ont refusé le modèle libéral et communautariste du traité constitutionnel européen (TCE), montrant leur attachement au modèle social solidaire, aux services publics et aux principes laïques de notre pays.

Depuis, l'Eglise catholique, en Europe, multiplie les pressions, relayée par quelques candidats aux prochaines échéances électorales, pour harmoniser, sur le Vieux-continent, les rapports du politique avec le religieux, et s'imposer comme un interlocuteur incontournable de l'exécutif.

En France, les représentants du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) et l'Eglise protestante réclament, encouragés par les propos de candidats qui veulent " toiletter " la loi du 9 décembre 1905, le possible financement public de la construction de lieux de culte, s'appuyant sur les travaux de la commission Machelon, mise en place par Nicolas Sarkozy.

Lors de la campagne contre le TCE, l'Union des Familles Laïques et d'autres organisations avaient démontré que certains articles proposés remettaient en cause la séparation de l'Eglise et des Etats et plus généralement les principes laïques.

Au nom de la conception anglo-saxonne de la liberté religieuse, les Eglises, soutenus par de nombreux libéraux, continuent leur croisade communautariste.

Sous la pression de l'Eglise catholique, des concordats, de type Alsace-Moselle, sont signés dans de nombreux pays européens, accordant d'abondantes subventions aux cultes. Les Eglises veulent utiliser la construction européenne pour attaquer, en France, la spécificité de notre modèle laïque, notamment la séparation du religieux et du politique, et le non financement du religieux par les finances publiques.

L'Ufal s'inquiète, dans ce contexte, des menaces de mort proférées, en Allemagne, contre la militante féministe Mina Ahadi, que notre association avait eu le plaisir d'accueillir, en septembre 2005, à l'occasion d'une action de solidarité avec les femmes canadiennes qui, derrière Homa Arjomand, refusaient l'implantation de tribunaux religieux, essentiellement islamistes, en Ontario.

En abjurant la religion musulmane publiquement, avec cent quarante femmes vivant sur le territoire allemand, Mina se voit aujourd'hui menacée de mort, et doit à présent vivre sous protection policière, comme en France notre camarade Mohamed Sifaoui, et hier en Hollande la députée Aayan Hirsi Ali.

A l'occasion de ce cinquantenaire, l'Ufal rappelle donc que seule la laïcité, et la séparation du religieux et du politique, en France et dans toute l'Europe, permettra de préserver la liberté de conscience des citoyens.

Ce n'est pas en reculant, en France, sur des principes laïques de base, qu'on aidera, en Europe, celles et ceux qui veulent s'émanciper de l'emprise des Eglises à avancer, au contraire.

Dans ce contexte, l'Ufal réaffirme sa détermination à combattre l'offensive de l'islam politique, et de tous les intégrismes religieux sans exception, et à promouvoir la laïcité et la liberté d'expression, notamment à la veille du résultat du procès, intenté par les islamistes et leurs alliés, de Charlie Hebdo (22 mars).

Elle affirme sa solidarité, quelques semaines après l'appel à la création d'un bureau international laïque(BIL), lors des journées de Montreuil, les 10 et 11 février, avec Mina Ahadi et toutes les militantes menacées dans leur vie quotidienne, en Europe, pour avoir défendu leur liberté de conscience.

L'Union Des FAmilles Laïques www.ufal.org

5.2 - Allons nous laisser l'Europe néolibérale, anti-laïque et sexiste décider pour les femmes ?

Au cours d'une rencontre qui a réuni en Allemagne, les ministres de l'éducation nationale européens, le vice-premier ministre polonais Roman Giertych a estimé que l'avortement était un " acte criminel légalisé " et une " nouvelle forme de barbarie ", proposant " dans le cadre de la politique familiale, l'interdiction de l'avortement en Europe et de la propagande homosexuelle ".

L'Union des Familles Laïques rappelle que la Pologne a interdit l'IVG en 1990 sous les pressions de l'Eglise, et qu'on estime aujourd'hui à 200.000 par an, le nombre d'avortements " illégaux " représentant les dangers que l'on connaît pour la santé des femmes et instaurant une culpabilité des consciences.

L'UFAL s'indigne de ces pressions de l'Ultra droite catholique et plus particulièrement au moment où les femmes du monde entier vont se mobiliser à nouveau le 8 mars pour la sauvegarde et l'avancée de leurs droits légitimes, y compris le droit à l'IVG.

L'UFAL appelle les responsables politiques de gauche de ce pays et les citoyens-nes à contrer l'élaboration d'une charte des Droits des Nations d'Europe qui serait rédigée par la droite et le nouveau groupe d'extrême droite, représentés à Bruxelles. De surcroît, les droits fondamentaux des hommes et des femmes doivent s'apprécier au niveau international.

Jocelyne Clarke

5.3 - Déclaration de Bruxelles

Nous, le peuple de l'Europe, affirmons par la présente déclaration nos valeurs communes. Elles ne sont pas basées sur une seule culture ou tradition, mais sont fondées sur toutes les cultures qui composent l'Europe moderne.

Nous affirmons la valeur, la dignité et l'autonomie de chaque individu, et le droit de tous à une liberté aussi grande que possible, tout en étant compatible avec les droits des autres. Nous soutenons la démocratie, les droits de l'homme et l'Etat de droit, et visons le développement le plus complet possible de chaque être humain. Nous reconnaissons notre devoir de nous préoccuper de l'avenir de l'humanité, y compris des générations futures, et notre responsabilité envers la nature dont nous dépendons. Nous affirmons l'égalité des hommes et des femmes. Toute personne, indépendamment de ses aptitudes, son genre, son orientation sexuelle, son origine ethnique, sa religion ou ses convictions, doit avoir un traitement égal devant la loi.

Nous affirmons le droit pour chacun d'adopter et de suivre une religion ou des convictions de son choix. Ces convictions ne doivent toutefois pas être utilisées pour entraver les droits d'autrui.

Nous affirmons que l'Etat doit rester neutre en matière de religion et de croyances, en ne favorisant ou discriminant aucune d'entre elles.

Nous soutenons que la liberté individuelle ne doit pas être dissociée de la responsabilité sociale. Nous cherchons à créer une société équitable, basée sur la raison et l'altruisme, dans laquelle chaque citoyen a son rôle à jouer.

Nous soutenons la tolérance et la liberté d'expression.

Nous affirmons le droit de chacun à une éducation ouverte à tous sujets, à toutes orientations .

Nous rejetons l'intimidation, l'incitation et le recours à la violence lors de conflits et considérons que ces derniers doivent être résolus par la négociation et de manière légale. Nous soutenons le libre examen dans tous les domaines de la vie humaine et l'application de la science au service du bien-être humain. Nous cherchons à utiliser la science de manière créatrice et non destructrice.

Nous soutenons la liberté artistique, valorisons la créativité et l'imagination et reconnaissons le pouvoir de l'art comme agent de transformation de la société. Nous affirmons l'importance de la littérature, de la musique, des arts visuels et de représentation à des fins de développement et d'accomplissement de l'individu.

Fait le 25 mars 2007, jour du 50e anniversaire du Traité de Rome et de la fondation de l'Union Européenne.

6 - débats laïques

6.1 - Statut officiel des églises eu conseil de l'Europe ?

La COMECE, organisme catholique de lobbying européen vient de publier un article dans " Europe Infos ", tendant à reconnaître un " Statut officiel des Eglises au Conseil de l'Europe.

Voici les arguments : " A cet égard, nous pouvons nous inspirer du traité de l'Union européenne établissant une constitution pour l'Europe, qui souligne le rôle joué par les Eglises et les organisations religieuses dans le processus d'intégration européenne. Il prône ainsi la nécessité de leur accorder un statut officiel pour reconnaître leur contribution essentielle, ainsi que cela a déjà été fait pour les organisations non confessionnelles comme les ONG1, les syndicats, les organisations d'employeurs, etc. "

Donc, le fait que le TCE ait été repoussé en France et en Hollande ne compte pas ! (100 fois sur le métier...). L'église kto a l'expérience de près de deux mille ans de domination : c'est en répétant et en contournant les obstacles que l'on obtient, plus ou moins par la force et/ou par la ruse, ce que l'on veut, c'est-à-dire le pouvoir.

Les autres arguments entretiennent de l'habituelle confusion entre culturel et cultuel.

Et on apprend que "les premiers ministres turc et espagnol (...) s'efforce(nt) de rapprocher et de faire coexister différentes cultures et religions et de surmonter toutes les formes de fanatisme et d'ignorance qui sont à l'origine de conflits et de l'extrémisme". La violence, le racisme, le machisme contenus dans livres dits saints ne sont évidemment pas mis en cause, ni même rappelés ; il ne faut pas rêver.

Les domaines de prédilection revendiqués par ces gens-là sont ceux qu'ils ont perdus grâce à la laïcisation des pays et des peuples, "les valeurs familiales, les droits de l'enfance, la cohésion sociale entre groupes raciaux, ethniques ou religieux, l'encouragement de l'intégration de nos sociétés et la lutte contre le SIDA" (sans préservatif !). Cette énumération est bien sûr effrayante quand on connaît un tant soit peu les positions de l'église de Rome sur la famille (obligatoirement bisexuée), la cohésion sociale (association capital-travail), les groupes "raciaux" (rappelons-nous la position de l'église dans l'affaire Dreyfus et pendant l'Occupation et les rafles et déportations de Juifs)

Il s'agit d'une véritable offensive.

Mobilisons-nous !

Dranem

7 - à lire

7.1 - Europe, Laïcité, Démocratie : des revues, livres, sites, conférences et notes...

La construction européenne est très mal partie : marchande, cléricale, anti-démocratique... Voici quelques données sur les critiques et propositions pour une Autre Europe, Démocratique, Laïque et Sociale.

Europe : un symbole peut en cacher un autre !

Un cercle d'étoiles sur fond bleu. Difficile de voir dans le drapeau européen un quelconque signe religieux. Et pourtant. Un drapeau pour rassembler les peuples d'Europe... inspiré par la vision de la Sainte Vierge !".

Loin de la version officielle de l'UE, le 8 décembre 1955 (fête de l'Immaculée Conception), la proposition du fonctionnaire du Conseil de l'Europe, Arsène Heitz, douze étoiles sur fond bleu, comme le drapeau marial, était adoptée à l'unanimité au Conseil de l'Europe. C'est au Conseil de l'Europe (qui comptait déjà la Turquie), et pas encore à la CEE, que ce drapeau "euro-marial" a d'abord été adopté. Peut-être que certains n'ont pas reconnu son origine mariale, mais ce ne peut pas être le cas de tous ceux qui ont siégé ce 8 décembre 1955.

Enquête de Fabrice Nicot. Dossier le Monde des symboles, in Science & Vie Junior n° 194, 11.05, pp. 48 & 49

(extraits de la page : http://laicite.free.fr/europe.html où vous pourrez voir l'image mariale)

Un jour férié pour l'Europe ?

Un jour férié et chômé pour l'idée européenne ? Mais celle de Victor Hugo, de Aristide Briand, de Mélenchon et de Lafontaine... et non pas celle des euro-techocrates qui rêvent de supprimer le peuple et de démocratie virtuelle. Un jour férié de l'Europe qui remplacerait un des jours fériés religieux. De même, poursuivrons cette proposition de laïcisation : le 8 mars deviendrait le jour férié des droits des femmes, le 9 décembre, serait le jour férié de la laïcité, etc.

Le sénateur Jean-Luc Mélenchon et le député allemand Oskar Lafontaine ont lancé l'initiative pour une Constituante européenne les 23 et 24 février 2007 au Sénat : une " Première initiative européenne pour une assemblée constituante ".

Des revues, livres, conférences, sites

En ce qui concerne des livres, les laïques belges ont publié, en particulier " pluralisme religieux et laïcités dans l'UE ", éd. de l'Université de Bruxelles, 5/1994 (avec l'évitable Baubérot)... Voir aussi le site du CAL, Comité d'Action Laïque belge. Pas vraiment de livres généraux à conseiller si ce n'est la thèse de Benoît Mély " De la séparation des églises et de l'Etat... " (RFA, GB, France, Italie), éd. Page2 (CH), diff. Gallimard. Sur un sujet plus partiel on peut recommander " Que pense Allah de l'Europe ? " de Chahdortt Djavann, éd. Gallimard, 2004... Chez l'éditeur Bruno Leprince, on citera " Laïcité, la croix, la bannière ", ainsi que les ouvrages du varois René Andrau, dont " Dieu, l'Europe et les politiques ", paru en 2002.

Une Charte européenne de la laïcité

Signalons d'abord le "Mouvement Europe & Laïcité / CAEDEL", né vers 1954, qui publie la revue trimestrielle du même nom, qui a depuis longtemps un site, www.europe-et-laicite.org (eurolaic@club-internet.fr ; 11, rue des Huguenots 94420 Le Plessis-Trévise, tél. 01 45 76 42 63, télécopie, 01 45 76 75 91) et dont l'un des anciens présidents est Etienne Pion, auteur de " l'Avenir laïque ", éd. Denoël. E&L a publié une Charte européenne de la laïcité.

Le CLR (Comité Laïcité République) a publié " Citoyen laïque d'Europe " aux éditions Edimaf, et avait organisé un colloque, à Bordeaux, sur ce thème. Et tout au bas de la page d'accueil de notre site www.laicite.biz, on trouvera quelque infos et surtout des liens vers divers sites d'associations laïques d'Europe.

Rationalistes, Humanistes... et Révisionnistes

On trouvera quelques articles dans les revues de l'Union Rationaliste: les Cahiers Rationalistes et Raison Présente. Bien sur on peut consulter les sites de la FHE - Fédération Humaniste Européenne et l'IHEU, Internationale Humaniste et Ethique (www.iheu.org), ceux du Comité d'Action Laïque Belge et celui d'Europe & Laïcité. La FNLP, fédération française de la libre pensée, publie aussi sur ce thème, ainsi que l'ADLPF, association des libres-penseurs de France (www.librespenseursdefrance.org). Ne pas oublier le fameux Observatoire du Communautarisme : www.communautarisme.net...

On évitera la production du révisionniste de la laïcité, Baubérot qui a publié un ouvrage sur le thème aux éditions Syros, de même que celle de Maurice Barbier " La laïcité " aux éditions l'Harmattan : ils ne rêvent que d'adapter le modèle concordataire d'Alsace-Moselle à la France et l'Europe.

Féministes & Cathos Critiques

Par contre, on lira les productions des féministes laïques polonaises de l'association Neutrum, celles de l'association allemande (et de leurs copines nordiques) qui organisent les citoyen-ne-s qui ont rompu avec l'islam...

Et il ne faut pas oublier " la revue catho et grinçante ", Golias qui défend la laïcité au sein d'ATTAC, et publie souvent des infos sur les méfaits du Vatican dans l'UE. Voir leur bulletin sur le site, leur bulletin, la revue et leurs éditions.

Quelques autres revues et conférences

"Derrière les élections, quelle démocratie ?", Manière de voir / Monde Diplomatique numéro 92, avril-mai 2007. Lire en particulier les articles de ACR ("Optimisme de la volonté", "l'UE en quête d'un projet", "Camille Desmoulins", "Thomas Paine") et de André Bellon ("Votez bien, ils feront le reste", "Voter blanc, ce n'est pas nul...")

"L'Euro sans l'Europe", Manière de voir / le Monde Diplomatique, Avec des textes de : Henri Pena-Ruiz sur la laïcité et l'Europe), Anne-Cécile Robert.

"Europe Démocratique ? Aspects juridiques non-démocratiques de l'UE", de Anne-Cécile Robert, journaliste au Monde Diplomatique (MD), elle est docteur en droit européen et c'est une des rares laïques du MD avec Bernard Cassen. Elle a donnée cette conférence à Arles en 2000 (avec l'Union Rationaliste, Laïcité-LP, E&L qui l'ont enregistrée et transcrite). C'est une autre version de son intervention à Paris dans le cadre de l'Observatoire mondial de la laïcité, une ou deux années auparavant (avec la participation du Mouvement Europe & Laïcité).

ATTAC, l'Europe, la Laïcité...

Aux universités d'été d'ATTAC, à Arles en 2003 et 2004, Anne-Cécile Robert et Henri Pena-Ruiz sont intervenus sur le thème Europe & Laïcité (quelques enregistrements audio ont été effectués). Ce sont des sujets marginaux dans ATTAC, ont pourtant les laïques sont nombreux mais les islamo-gauchos n'aiment guère les débats contradictoires.

Ce n'est qu'un aperçu sur le thème " Europe, Laïcité, Démocratie... et République " qui sera réactualisé à la page http://laicite.free.fr/html/europe07laicite.html

Philippe Isnard LAIQUES, Laïcité & Libre Pensée & l'UFAL
LAIQUES 44, av. E. Herriot 13200 Arles.
LAIQUES@laposte.net - tél. 06 19 58 40 84
www.laicite.biz

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