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  1. chronique d'Evariste
    1. Dix jours pour gagner 18 millions !, par Évariste
  2. Les laïques sur le terrain
    1. "UNIVERSITE POPULAIRE POUR LA LAICITE", par L'UFAL De Marseille
  3. Elections présidentielles 2007
    1. Sarkozy ne doit pas devenir président, c'est acquis !, par Christian Gaudray
    2. Cocus ou idiots utiles ?, par Joseph SEMET
    3. Allons z'enfants !, par Christian Authier
    4. Les violences anti-police, nouveau tabou, par Piotr Smolar, Luc Bronner
    5. Présidentielle: Le piège du vote blanc et de l'abstention, par Jean-Francis Dauriac
    6. Le machisme économique, par Thomas PIKETTY
    7. Du vote utile et autres vieilles lunes, par Katia Venco
  4. débats républicains
    1. La nation, un concept républicain (3ème partie) : nation et peuple, par Valentin Boudras-Chapon
    2. La "névronucléose" ou comment contribuer à "l'indéveloppement durable" !, par Guillaume Desguerriers
    3. L'urgence énergétique (IV): Le nucléaire, entre dogme et réalités, par Thierry DE LAROCHELAMBERT
  5. International
    1. Europe, libéralisme, nationalisme et Pologne, par Yvan Lubraneski
  6. courrier des lecteurs
    1. Tout doit nous séparer, et pourtant..., par Sorel Zissu
    2. Mettre fin à l'élection d'un monarque au suffrage universel, par Pierre Laporte
  7. A lire
    1. "Ils ont lapidé Ghofrane" de Monia Haddaoui, par Brigitte Bré Bayle
    2. Qui connaît Madame Royal ?, d'Eric Besson, par Jeanne Bourdillon
  8. Agenda

1 - chronique d'Evariste

1.1 - Dix jours pour gagner 18 millions !

Arrêtez de vous moquer des sondeurs ! Certes ils se trompent tout le temps, mais ils font un métier difficile. Le dernier sondage Ipsos paru dans Paris-Match de jeudi montre que 18 millions d'électeurs, sur un total de 42 millions, n'avaient toujours pas pris de décision, quinze jours avant le premier tour. Plus de quarante pour cent ! Comment voulez-vous que les candidats s'y retrouvent, et ne multiplient pas les bourdes, et les discours contradictoires ? Tout ne serait-il pas la faute de ces irresponsables indécis, à cause de qui il faut raconter n'importe quoi pour capter leurs voix, être au deuxième tour le 22 avril, puis gagner le 6 mai prochain.

Prenons Ségolène Royal, sur deux exemples. Sur le nucléaire, sous la pression de ses alliés Verts et de son nouveau conseiller issu de Greenpeace, Bruno Rebelle, elle décide d'abord de signer le pacte écologique de Nicolas Hulot, qui prévoit de passer à 50 % d'énergies renouvelables en 2020, soit la mort de la filière nucléaire en France. Le programme du PS n'était que de 20 %. Un tel engagement, c'est la fermeture de vingt à trente centrales en France. Devant les protestations d'élus concernés, et de spécialistes du secteur énergie, elle revient, lors du discours de Villepinte, sur sa promesse, et revient aux 20 %. Pas très sérieux !

Sur la délicate question de la régularisation de tous les parents sans-papiers qui ont un enfant scolarisé, même volte-face. Le dimanche, elle tient la ligne de l'extrême gauche, et du Parti communiste, annonçant que tous les parents qui ont un enfant scolarisé seront automatiquement régularisés, quand Bayrou et Sarkozy annoncent du cas par cas.

Le lundi, moins de 24 heures après, volte-face, on est dans le cas par cas. Pas très crédible !

Que dire de Nicolas Sarkozy, passé en six mois d'une position atlantiste, communautariste, pour la discrimination positive, ultra-libéral, au contraire de tout cela, sous la plume talentueuse d'Henri Guaino ? Comment comprendre ses propos remettant en cause la BCE et la politique européenne, que ne renieraient pas Jean-Pierre Chevènement, quand le même candidat parlait de catastrophe si la France votait non ? Comment comprendre sa volte-face sur la laïcité ? Certains, comme le dessinateur de Respublica, dans la chronique 526, le qualifient de girouette...

Et Le Pen ? Le voilà plus black blanc beur que l'extrême gauche, à présent ! Beurette sur l'affiche, Dieudonné à la fête bleu blanc rouge, lancement de la campagne à Valmy, descente dans une cité à dix heures du matin, plus aucun dérapage raciste, des anciens communistes autour de lui, comment voulez-vous que les classiques crânes rasés d'extrême droite s'y retrouvent, dans toute cette confusion ? Mais lui ne mise pas que sur les indécis, il joue sur tous ceux qui veulent faire péter le système, en se reportant sur lui, et en faisant exploser l'axe UMP-PS, comme en 2002. Et une bonne émeute style gare de Lyon dans la dernière semaine ne serait pas pour lui déplaire, comme à Sarkozy, d'ailleurs !

Mais sur le terrain du rejet de l'axe UMP-PS, il a un rival, avec Bayrou. Lui aussi espère profiter du rejet massif des deux duettistes qui se partagent la vie politique française. Bayrou ne fait pas de volte-face spectaculaires, comme Sarkozy ou Royal, car il ne dit pas grand-chose d'inoubliable. Il attaque la main mise médiatique de Sarkozy, ce qui est légitime, et veut remettre en cause l'ENA, la transformant en grande école des services publics. Dit comme cela, c'est plutôt sympathique, mais venant d'un garçon qui, européiste convaincu, développe une culture d'ouverture à la concurrence de l'ensemble des marchés, cela fait désordre !

Mais cela fait-il sérieux de voir beaucoup de candidats se rendre à des convocations d'associations, écologistes ou de quartiers, qui exigent une signature sur une charte ? Quelle est cette conception de la politique, où on déclare un Nicolas Hulot sauveur de la planète, que tout candidat doit aller voir sur son bateau, devant les caméras, pour avaliser une politique de décroissance ?

Faut-il accepter toutes les revendications et dire oui à tous les lobbies pour gagner ?

Devant une telle image du politique, devant le fait qu'aucun candidat n'incarne les principes républicains, devant l'incapacité de prendre en compte les deux séismes politiques qu'ont constitué le 21 avril 2002 et le 29 mai 2005, il n'est finalement pas surprenant qu'il demeure autant d'indécis, et on peut penser que beaucoup de citoyens se décideront au tout dernier moment.

Cela créé les toutes les conditions pour que la réponse des électeurs désarçonnent tous les sondeurs de France et de Navarre, et surtout les deux grands candidats.

Donc, comme disait Marceau Pivert en 1936, tout est possible !

Évariste Pour réagir aux articles,
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2 - Les laïques sur le terrain

2.1 - "UNIVERSITE POPULAIRE POUR LA LAICITE"

THEATRE TOURSKY, MARDI 10 AVRIL

Marseille - 16 Promenade Léo FERRE - 3ème

17 H 30 - Accueil : stands et animation organisés par les Associations engagées dans l'initiative 19 H - Interventions en Tribune :

20 H - En salle : échanges avec les Associations engagées dans l'initiative et débat public. (notamment, sur les actions à entreprendre et la pérennisation de notre démarche unitaire)

Présidence et modération : Brigitte BréBayle, Raymond Mallet, Richard Martin, Robert Albarèdes

A partir de 22 H : possibilité de dîner ( 15 euros) - s'inscrire : 06 19 58 40 84 ou 06 25 04

AVEC LA DIRECTION DU THEATRE "TOURSKY" ET "Les Rencontres de la Cité", "Laïques & Ufal", "Laïques en Réseau" (et la participation de : " Collectif 13 Droits des Femmes ", " MRAP 13 ", " Observatoire de la Laïcité du Pays d'Aix ", " SOS Viol ", "Planning Familial 13 ", " Forum Femmes Méditerranée ", " ADLPF ", " Crématistes Laïques ", "Mouvement Jeunes Femmes ", " GEMPPI ", " NPNS 13 ", " Pour la République Sociale 13 ", " Union Rationaliste 13 " )

L'UFAL De Marseille

3 - Elections présidentielles 2007

3.1 - Sarkozy ne doit pas devenir président, c'est acquis !

Je n'ai jamais traité Sarkozy de facho. Je n'ai jamais confondu Sarkozy et Le Pen. Quand est parue l'affiche "votez Le Pen" avec la photo de Sarkozy, j'ai pesté contre cette nouvelle crétinerie de l'ultragauche autoproclamée "anti-Le Pen", qui ne lui a jamais fait perdre une seule voix en plus de 20 ans.

Si je combats Sarkozy, c'est parce qu'il incarne une droite ultralibérale et atlantiste, prête à renier les héritages de la troisième République et du Conseil National de la Résistance, ce dont les français ne veulent pas, comme ils l'ont largement exprimé dans la rue et dans les urnes ces dernières années.

La déclaration de Sarkozy sur le déterminisme génétique de la pédophilie et du suicide des jeunes (dans un entretien avec Michel Onfray dans Philosophie Magazine) est un tournant qui change la donne. C'est en effet la première fois qu'il reprend à son compte un thème cher à l'extrême droite, non pas pour draguer son électorat (c'est une phrase glissée en fin d'entretien dans un magazine que bien peu d'électeurs de Le Pen doivent lire), mais certainement parce qu'il le pense vraiment. Affirmer que les comportements sexuels et suicidaires sont innés, cela relève de l'idéologie, de la conviction, pas de la propagande. Aucune donnée scientifique ne vient conforter cette position, et tous les spécialistes s'accordent pour dire que le vécu et l'environnement déterminent principalement les comportements, même si bien entendu les réponses individuelles peuvent varier en fonction de l'hérédité de chacun. Dire que la destinée de chacun est déterminée à la naissance, c'est tourner le dos a priori à tout projet humaniste basé sur l'éducation et l'émancipation. C'est aussi " disculper " notre société de toute responsabilité dans les comportements déviants. C'est enfin sous-entendre que l'on fait partie de l'élite de par sa naissance et que notre organisation sociale n'a pas à s'appesantir pour ceux qui n'en feraient pas partie ; d'ailleurs on n'y peut rien, ils sont nés comme cela...

Plus que jamais donc, cet homme ne doit pas devenir le prochain Président.

Je fais partie de ceux qui dénoncent comme une trahison démocratique l'élection du Président de la République au suffrage universel direct. C'est un piège qui pour la première fois risque de faire élire un président qui aura une bonne partie du pays viscéralement braquée contre lui. Non pas contre son projet, mais contre la philosophie qui le sou tend. Démagogie, mensonge, populisme et appareil médiatique aux ordres, voila ce qui risque de permettre à Sarkozy d'accéder à l'Elysée. Atlantisme, libre-échangisme, communautarisme et eugénisme, voila ce qui nous attend si cela se réalise.

Pour empêcher cela, les blablas moralisants de ceux qui se complaisent dans le moule des deux tours du scrutin présidentiel ne sont plus d'actualité. La seule question qui vaille pour voter au premier tour le 22 avril, c'est de savoir qui sera capable de battre Sarkozy au deuxième tour.

Christian Gaudray

3.2 - Cocus ou idiots utiles ?

Les "Gauches" du PS qui vont voter Ségo : cocus ou idiots utiles ? Ils ne le savent pas encore, ils n'ont toujours pas choisi.

Si certains avaient encore des doutes sur les solutions à apporter dans les luttes sociales par la Ségo, notamment contre le chômage, ils ne devraient plus en avoir; elle a refait par ses propositions de contrat première chance, les propositions similaires à celles de contrat première embauche proposées par notre éminent Galuzeau, que les jeunes ont si bien accepté en leur temps!!!

Il a fallu que ses conseillers dénaturent au plus vite ses propositions pour ne pas se faire ridiculiser, en présentant une sorte d'usine à gaz, d'ailleurs impraticable. Quand on vous dit qu'elle raconte n'importe quoi (ce qu'elle a toujours fait: cf sa campagne pour le traité constitutionnel), et qu'elle fera naturellement n'importe quoi, si elle est élue!!!

Quand on vous dit qu'elle a un programme de droite libéral qui n'est pas meilleure que celui de Bayrou, et qu'elle fera peut-être pire que lui!

Constater qu'il vaut mieux elle que Sarko, c'est évident et on sera obligé de voter pour elle au second tour contre lui, mais probablement sans succès, tous les sondages sont unanimes sur ce point, car nombreux sont ceux qui ne croiront jamais en cette bourgeoise qui paie l'ISF pour défendre leurs aspirations, et c'est l'autre agité, poussé par les financiers des fonds de pension américains qui nous sera imposé.

C'est drôle, les pontifiants des "gauches" du PS, sans doute pour se déculpabiliser de leur ralliement débile à la Ségo (après avoir dit pis que pendre sur elle), avaient tenté de se justifier lors de mon premier pamphlet en faveur du vote stratégique pour Bayrou que je préconisai, en ergotant longuement sur le fait que Bayrou était à droite et son programme foncièrement de droite; mais c'est ce que j'avais clairement dit, il n'y avait aucune ambiguïté!!!!. Faut-il recommander à ces pontifiants qui essayent de se déculpabiliser de leur déficience de vision stratégique, la participation à des ateliers de lecture? Cela aussi les aiderait à comprendre que le programme de la Ségo est profondément de droite aussi et qu'elle n'appliquera jamais les quelques propositions intéressantes de celui du PS, à l'image de l'ineffable Jospin (rappelez-vous Barcelone).Il n'a donc rien à tirer de son élection, que des déceptions!

La seule candidate qui présente quelque chose de cohérent comme programme auquel on peut adhérer dans cette campagne comme républicain de gauche, c'est Marie-George Buffet, et c'est vrai que si on n'est pas prêt à faire le saut du vote stratégique pour Bayrou, c'est la Marie-George qu'il faut conforter, face à la déferlante des antirépublicains communautaristes et destructeurs de notre société laïque que sont les Bové et Besancenot.

Aussi au moins votons pour elle, cela participera à l'élimination de la Ségo le 22 avril, ce qui est et reste une entreprise de salut publique, puisque la Ségo au second tour ,c'est la victoire finale assurée de Sarko, et il faut tout faire pour pour en empêcher cette catastrophe, et donc assurer pour cela la présence de Bayrou au second tour, n'en déplaise à nos pontifiants des gauches du PS qui ont vendu leur âme à la Ségo et sont toujours finalement cocus ou idiots utiles.

O ZEUS, le plus grand des dieux de l'Olympe, interviens dans les affaires des hommes en faisant pencher la balance du destin en faveur du catho de droite aux grandes oreilles pour qu'il supplante le 22 avril la grande bourgeoise qui ne promets rien de plus que ce que lui permettra de faire la Banque Mondiale, l'OMC, et autres féodaux de Bruxelles!!! Interviens donc pour que les Gauches du PS, qui hésitent toujours à être les cocus ou les idiots utiles dans cette affaire, puissent recevoir à cette occasion un vigoureux coup de pied au cul afin qu'ils se décident enfin à construire un Linkspartei avec les rescapés de la longue marche du PC, ET ENVOIES LE SARKO AUX ENFERS!!!

Joseph SEMET militant laïque, républicain, altermondialiste et anticapitaliste

3.3 - Allons z'enfants !

De la Marseillaise au drapeau tricolore, la nation et l'identité nationale sont venus jusque dans notre campagne faire rugir nos farouches candidats. Plutôt amusant.

La révélation puis la conversion nationales-républicaines de Nicolas Sarkozy ont provoqué quelques secousses sismiques sur l'échiquier électoral. Oublié "Sarko l'Américain" pourfendant "l'arrogance française" et voulant mettre cul par-dessus tête le vieux modèle français au nom de la rupture. Depuis quelques semaines, inspiré par la plume souverainiste et très nationale-républicaine d'Henri Guaino, l'ex-ministre de l'Intérieur convoque dans ses discours toutes les grandes dates et les figures du roman national, exaltant dans un même élan les croisés et la laïcité, les résistants communistes et Jeanne d'Arc. Ebouriffant. Ayant compris que ce thème parlait aux Français, il a même proposé la création d'un ministère de l'Immigration et de l'identité nationale.

De son côté, Ségolène Royal, inspirée par Jean-Pierre Chevènement et, dit-on, par le dernier livre de Max Gallo (L'Âme française), ex-chevènementiste qui soutient Sarkozy (faut suivre), n'a pas voulu se faire confisquer le thème de la nation. Première proposition : "faire en sorte que les Français connaissent la Marseillaise". Bon, elle-même a confessé ne connaître que le premier couplet, mais l'intention est là. Quand la chantera-t-elle ?, a demandé un journaliste. La réponse de Ségolène Royal a fusé majestueuse : "Quand je sentirai le moment venu de la chanter, je chanterai". Elle peut le faire ? Elle peut le faire ! Beau comme du Pierre Dac.

Deuxième proposition : que toutes les familles possèdent un drapeau et le sortent le 14 juillet. Pourquoi pas ? On l'a déjà fait un 12 juillet 1998 et c'était joli. François Hollande a déclaré, quant à lui, qu'il avait déjà un drapeau dans sa cuisine tandis que sa compagne ne se souvenait que "d'une écharpe tricolore". Là, de deux choses l'une : soit François Hollande ment, soit Ségolène Royal ne met pas souvent les pieds dans sa cuisine. On espère que cette passionnante campagne nous apportera vite la réponse... Cependant, le problème de l'approvisionnement en drapeaux risque de se poser. Une piste : lorsqu'elle était ministre de l'Enseignement scolaire, Ségolène Royal, avait, selon ses dires, "imaginé des ateliers de coutures dans les écoles, où les élèves auraient pu réaliser des drapeaux". Voilà qui occupera la jeunesse.

Ainsi, nos deux favoris se disputent le drapeau et l'identité nationale. Plus bleu-blanc-rouge qu'eux, on ne fait pas. Alors, que choisir ? Jean-Marc Ayrault, président des parlementaires PS, nous éclaire : quand Sarkozy parle d'identité nationale, c'est "un patriotisme de la peur", quand Ségolène en parle, c'est "un patriotisme de coeur". La politique peut être simple lorsqu'elle est bien expliquée.

Les marabouts, ça fait flipper

Un qui se trouve fort dépourvu au milieu de ces cocoricos, c'est Bayrou. Étant anti-Sarko et anti-Ségo, ce qui est baroque et assez fatigant, il se retrouve à déplorer cette "névrose perpétuelle de l'identité" et "l'obsession nationaliste", allant jusqu'à dire : "c'est comme si les thèmes de Le Pen étaient en train d'envahir l'esprit de ces deux candidats-là". Plus amusant, pendant qu'il stigmatisait la dérive fascisante de ses rivaux, lors d'un passage à Mayotte, le même Bayrou proposait d'abolir le droit du sol à la Réunion, en Guadeloupe et à Mayotte au profit du droit du sang. Encore un effort : qu'il étende le droit du sang à l'hexagone et il obtiendra peut-être le soutien du seul candidat qui défend cette position dans son programme, à savoir Le Pen. En attendant, le béarnais a déjà reçu un renfort de poids ainsi que lui a appris le président du Conseil général de Mayotte : "Ici, tous les marabouts ont déjà dit que vous serez président de la République".

Et Sarkozy pendant ce temps ? Il a eu une idée épatante. Il a confié la rédaction d'un rapport sur "le codéveloppement avec l'Afrique" à l'ancien footballeur Basile Boli. À ce rythme, on peut se retrouver avec Papin au Commerce extérieur et Cantona à la Culture... À propos du controversé ministère de l'Immigration et de l'identité nationale, Boli a confié : "Ça ne me choque pas du tout. J'ai vécu au Japon : il y avait un ministère de l'Immigration, ça ne voulait pas dire que les Japonais sont racistes. Quand je voyageais avec mon passeport ivoirien, j'ai eu affaire aux services d'immigration aux Etats-Unis. En Australie, en Allemagne, en Suède... ça existe aussi." Finalement, il se pourrait que les rapports d'anciens footballeurs ne soient pas plus idiots que ceux des professionnels de la profession.

Un candidat a, par ailleurs, très mal reçu les sorties patriotiques de Ségolène Royal : Olivier Besancenot. "Ça me choque et ça me fait flipper" a-t-il dit avec son délicieux langage "jeune", qui plaît tant à la télévision, car la Marseillaise "plus l'identité nationale, plus les drapeaux (...), ça crée un petit climat". Le pauvre chou préfère l'Internationale et le drapeau rouge qui furent si pacifiques, on le sait bien. La nation ? "Le seul bien des pauvres", disait Jaurès. Trop révolutionnaire pour notre chérubin trotskiste. Quant à Le Pen, lors de son meeting à Toulouse, si l'on en croit Libération, "il a laissé de côté le thème de l'identité nationale". Nous voilà bien. Tout fout le camp ! Allons z'enfants...

3.4 - Les violences anti-police, nouveau tabou

Le contraste est saisissant. En septembre et en octobre 2006, une série de violences commises contre des policiers aux Tarterêts, à Corbeil-Essonnes (Essonne), aux Mureaux (Yvelines) et à Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) avaient provoqué des réactions syndicales outragées et un débat politique agité, relayés par les médias.

Depuis, ces agressions n'ont guère diminué. Selon l'indicateur national des violences urbaines (INVU), près de 1 400 atteintes collectives à des services de sécurité, de secours et de santé ont été enregistrées au cours du premier trimestre 2007, soit autant que l'an passé à la même période. Ces dernières semaines ont notamment été marquées par des agressions spectaculaires, parfois préméditées, contre les policiers. Pourtant, elles ont fait l'objet d'un traitement bien plus mesuré qu'à l'automne 2006.

Le 20 mars, des policiers sont tombés dans un piège dans une cité d'Etampes (Essonne). Pour se venger d'une interpellation mouvementée deux jours plus tôt, un groupe de jeunes gens a tendu un guet-apens en organisant un rodéo automobile avec un véhicule volé, avant d'y mettre le feu pour attirer pompiers et policiers. Pendant leur intervention, les forces de l'ordre ont été visées par 20 à 30 tirs, déclenchés avec une carabine 22 long rifle équipée d'une lunette de visée.

"Par chance, la lunette était mal réglée et il n'y a eu qu'un fonctionnaire blessé à la jambe", note le procureur de la République d'Evry, Jean-François Pascal. Grâce notamment à trois témoignages sous X..., cinq personnes ont été déférées devant un juge, vendredi 6 avril, pour "tentative d'homicide volontaire en bande organisée" et "embuscade". Un homme, majeur, a dit être l'auteur des coups de feu.

A Cergy (Val-d'Oise), dimanche 1er avril, des policiers ont été pris à partie par un groupe de 30 à 50 jeunes qui les ont aspergés avec des extincteurs et leur ont jeté des pierres. Pour disperser leurs agresseurs, deux policiers ont fait usage de leur arme de service, à deux reprises, en visant "au-dessus des têtes des assaillants", selon une source judiciaire. Un jeune homme qui se trouvait dans un parc voisin a été blessé : une source judiciaire émet l'hypothèse qu'il ait pu être touché par le ricochet d'une balle. Les policiers n'étaient pas équipés de flash-balls, ces armes à létalité réduite qui leur servent à se dégager de ce genre de situation.

Des violences graves se sont également produites, mercredi 4 avril, dans une cité de Bassens (Gironde), près de Bordeaux. A la suite d'un contrôle d'identité, neuf policiers ont été blessés, dont un grièvement, par des pierres et des bouteilles jetées par une quinzaine de jeunes gens. Une soixantaine de policiers ont été mobilisés pour permettre un retour au calme. Mis en cause pour "violences volontaires avec armes commises en réunion", six hommes d'une vingtaine d'années ont été mis en examen, vendredi 6 avril. Des incidents, moins sérieux, ont aussi été signalés à Noisy-le-Sec et Sevran (Seine-Saint-Denis), mercredi 4 avril.

Ces événements ne sont pas exceptionnels. Ils confirment une tendance lourde, constatée sous la gauche comme sous la droite. Selon l'Observatoire national de la délinquance, les violences envers les personnes dépositaires de l'autorité (gendarmes, policiers, pompiers, personnels de santé ou professeurs) ont plus que doublé depuis 1996. La progression du nombre d'actes de ce type doit être rapprochée de la montée des atteintes aux personnes (+ 80 % durant cette même période).

Depuis trois ans, la hausse annuelle des violences envers les personnes dépositaires de l'autorité s'est stabilisée entre 6 % et 8 %. En 2006, 24 851 faits ont été enregistrés, soit 6,3 % de plus qu'en 2005. Le premier semestre de 2006 a été particulièrement difficile, en raison des débordements constatés en marge des manifestations contre le contrat première embauche (CPE).

Selon l'indicateur national des violences urbaines (INVU), 5 660 violences collectives contre des services de sécurité, de secours et de santé ont été comptabilisées en 2006, ainsi que près de 8 500 jets de projectiles. La Seine-Saint-Denis, les Yvelines, le Nord et les Bouches-du-Rhône sont les départements les plus touchés.

C'est la gravité des agressions qui est sans précédent, à en croire les policiers. Engins incendiaires, plaques d'égout, barres de fer, parpaings, boules de pétanque : tout est recyclable pour viser les fonctionnaires. Une interpellation ou un contrôle d'identité qui tourne mal peut servir de prétexte, comme l'ont montré les émeutes de la gare du Nord, à Paris, survenues le 27 mars.

Celles-ci ont provoqué une irruption momentanée du thème de l'insécurité dans la campagne électorale. Cependant, les autres violences contre les forces de l'ordre, qui surviennent presque au quotidien dans les cités sensibles, ne retiennent plus l'attention. Comment expliquer ce retournement ? Par la prudence des syndicats, qui sont l'une des sources privilégiées des journalistes ? Par le souci des médias de ne pas mettre ce thème en exergue à l'approche du premier tour de l'élection présidentielle ?

"Il y a une lassitude générale, y compris chez les policiers. On s'habitue à tout, et notamment à la violence quand elle devient quotidienne, explique Dominique Achispon, secrétaire général du Syndicat national des officiers de police (SNOP). Mais attention : un jour, si le vase déborde, les collègues exprimeront leur ras-le-bol dans la rue."

Jean-Claude Delage, secrétaire général du syndicat Alliance, dénonce, lui, la "banalisation des violences contre les policiers" provoquée par la politisation soudaine de la sécurité ces derniers mois. "Les fonctionnaires sont considérés comme les agents de la méthode Sarkozy, qui consiste à occuper le terrain dans tous les quartiers. Donc, d'une certaine façon, ils mériteraient ce qui leur arrive."

D'autres syndicalistes mettent en cause les médias et leur humeur changeante. "Aujourd'hui, il est à la mode d'être anti-poulet, estime Bruno Beschizza, secrétaire général de Synergie-officiers. Les débats après les émeutes de la gare du Nord ont été, de ce point de vue, caricaturaux. En plus, il y a, dans les rédactions, un phénomène de retenue : ne parlons pas trop du thème sécuritaire, sinon, on sera encore accusés de faire le jeu de l'extrême droite."

Mais le traumatisme du 21 avril 2002, où Jean-Marie Le Pen a devancé Lionel Jospin au premier tour de l'élection présidentielle, n'occupe pas que les esprits des journalistes. "Nous sommes embêtés pour communiquer sur ces incidents. En tant que syndicat indépendant, nous réagissons régulièrement lorsque des fonctionnaires sont agressés. Mais nous avons aussi le souvenir de la campagne de 2002, qui avait glissé sur le thème de l'insécurité : nous ne voudrions pas en faire trop", reconnaît Yves Louis, secrétaire régional d'Alliance en Ile-de-France. Les policiers craignent les réactions d'une partie des jeunes gens des cités en cas de victoire de Nicolas Sarkozy. "Ça va péter s'il gagne. Tous ceux qui voudraient se faire Sarkozy et qui ne peuvent évidemment pas vont s'en prendre à ses flics", prévient-il.

Le sociologue Sebastian Roché a remarqué une certaine retenue des syndicats, au moment de dénoncer ces violences contre les policiers. "Leur problème, explique-t-il, c'est que cela reviendrait à critiquer la politique de sécurité, et donc Sarkozy." Le chercheur regrette le manque de documentation et d'études sur la dégradation des rapports entre la police et la population. "Nous sommes dans un domaine sous-développé, ce qui empêche de poser les bonnes questions. D'autant plus que certaines études sont placées sous embargo."

M. Roché fait notamment référence à une étude réalisée par l'Institut national des hautes études de la sécurité (Inhes), à la demande du préfet de la Seine-Saint-Denis, sur les rapports entre les policiers et les habitants (LeMonde du 5 avril).

Piotr Smolar

Luc Bronner

3.5 - Présidentielle: Le piège du vote blanc et de l'abstention

Beaucoup sont morts pour que nous ayons le droit de vote. Les 2/3 de la planète rêvent de l'avoir aussi. Ne pas voter reviendrait au mieux à se comporter comme des enfants gâtés de pays riches, au pire , à servir les interets des ennemis, de la démocratie. Rien n'est pire pour la démocratie que de la croite à jamais acquise. Elle n'est pas un bien transmissible par héritage, mais se conquiert chaque jour. En Mars 2007, 54% des français pensent qu'elle ne fonctionne pas bien. Loin d'être parfaite, c'est vrai, elle n'en demeure pas moins le moins mauvais des systèmes et nous donne possibilité et... le devoir de l'améliorer sans cesse. C'est là qu'intervient l'importance de la politique qui est la seule voie "pacifique" pour la faire vivre et l'améliorer. Nous sommes 64% à nous intéresser à la politique, 71% à considérer que la politique permet de changer des choses importantes. Mais 57% d'entre nous ont le sentiment de ne pas être bien représentés par un parti politique et 71% de ne pas être bien représentés par un syndicat. C'est le résultat d'une enquête TNS/SOFRES/CIDEM qui vient d'être réalisée. Pas de doute, la crise de la démocratie en France est bien de nature politique et de représentation. Et chacun des partis en détient la clef. Parions qu'au lendemain de cette élection, quelques uns en auront conscience. Un jour peut être, le vote blanc sera-t-il comptabilisé et pris en compte comme le propose l'Observatoire de la démocratie, depuis sa création. Cela permettrait aux électeurs de dire ce qu'ils pensent de l'offre politique et à partir d'un certain seuil d'imposer aux partis et candidats de refaire leur copie. Pour l'instant, il ne sert à rien, si ce n'est les ennemis de la démocratie et ceux qui ont un intérêt à l'affaiblir. Ne tombons pas dans le piège du vote blanc ou de l'abstention: Votons, massivement et choisissons. La démocratie, aussi imparfaite soit-elle, le vaut bien et nous le commande.

Jean-Francis Dauriac

Source : Observatoire de la Démocratie

3.6 - Le machisme économique

Ségolène Royal est une femme, donc nulle en économie ? Aussi grossier puisse-t-il paraître, ce syllogisme d'un autre âge pèse visiblement lourd dans les subconscients. A en juger par certaines réactions, nombre de commentateurs doctes et avisés ont manifestement du mal à aller au-delà de leurs préjugés machistes.

Les candidats masculins peuvent se permettre d'aligner les inepties économiques (Sarkozy) ou encore de revendiquer le vide de leur programme (Bayrou). Mais il suffit que la candidate Royal laisse un détail dans l'ombre pour que sa compétence économique soit immédiatement remise en cause. Prenons l'annonce faite par Sarkozy d'abaisser les impôts de 4 points de PIB (produit intérieur brut) au cours de son mandat. Promesse invraisemblable s'il en est, puisque même Margaret Thatcher, en dépit de ses coups de boutoir forcenés sur les dépenses publiques, n'est parvenu à les réduire que de 2 points en dix ans ! Qu'aurait-on entendu si Royal avait fait le même étalage de légèreté et d'ignorance des ordres de grandeur les plus élémentaires ? On pourrait multiplier les exemples. Le candidat UMP prétend vouloir revaloriser le travail tout en proposant de supprimer l'impôt sur la fortune acquise par héritage, et nombre de journalistes semblent hésiter à pointer cette évidente contradiction économique. De même, Sarkozy comme Bayrou semblent envisager une hausse de la TVA, en oubliant au passage que c'est ainsi que Chirac-Juppé avaient cassé la croissance en 1995, et que le moral des ménages français est plombé par la stagnation du pouvoir d'achat. Commise par la candidate, une telle erreur de diagnostic macroéconomique serait stigmatisée beaucoup plus durement.

Inversement, difficile de ne pas imputer au machisme économique ambiant la virulence des critiques adressées ces derniers jours au contrat première chance, proposé par Ségolène Royal. Et le fait que la conseillère sociale en charge du dossier ait également le mauvais goût d'être une femme (et inspiratrice d'excellentes propositions sur le service public de la petite enfance) n'a sans doute pas aidé. Que l'on reproche à ce nouveau contrat d'être encore incertain dans ses paramètres, passe encore. Il reste que la comparaison avec le CPE n'a aucun sens : alors que ce dernier concernait tous les jeunes et les mettait sous la coupe réglée des entreprises, le contrat première chance se concentre sur la petite minorité de jeunes sortis sans qualification du système éducatif et leur propose un parcours de formation en alternance. Surtout, tout laisse à penser que cette mesure ciblée aura un bien meilleur rendement économique que les nouveaux dispositifs d'exonérations de charges prônés par Sarkozy et Bayrou. L'exonération des heures supplémentaires défendue par le candidat UMP servira les insiders ayant déjà un emploi, mais sera par définition de peu d'utilité pour ceux qui en sont encore à chercher leur première heure de travail. Quand à l'exonération complète des charges pour deux emplois par entreprise, défendue par le candidat UDF, on croit rêver : applicable à toutes les entreprises quelle que soit leur taille et à tous les salariés quels que soient leur qualification et leur salaire, difficile d'imaginer un dispositif qui maximise à ce point les effets d'aubaine. Une entreprise passant de 520 à 522 salariés bénéficiera ainsi de la mesure à plein sans même s'en rendre compte. Par comparaison avec ces propositions, le contrat première chance de Royal est nettement moins coûteux et a l'immense mérite d'être beaucoup mieux ciblé et de se concentrer sur la population des jeunes sans qualification, auxquels les dispositifs actuels offrent peu d'opportunités pour reprendre le chemin de l'emploi et de la formation.

Plus généralement, la vérité est que Royal est la candidate la plus crédible pour s'attaquer au premier défi économique de la France, à savoir le déficit abyssal d'investissement dans la formation, la recherche et l'innovation. D'abord parce qu'elle est la seule à tenir les deux bouts de la chaîne en proposant à la fois de lutter contre l'échec scolaire à la racine (avec, enfin, un véritable ciblage des moyens en faveur des écoles défavorisées) et d'offrir au supérieur et à la recherche l'autonomie et la souplesse nécessaires pour figurer en bonne place dans la compétition internationale. Ensuite parce qu'elle est à la seule à pouvoir mener de concert ces réformes de structure tout en assumant l'indispensable hausse des moyens en faveur des universités (contrairement à son rival de droite, empêtré dans d'irréalistes promesses de baisses d'impôts). Avec son parcours et son programme, un candidat masculin aurait peu de chances d'être attaqué sur sa crédibilité technique. Sa victoire permettrait de sortir enfin du machisme économique hexagonal.

Thomas PIKETTY directeur d'études à l'EHESS

3.7 - Du vote utile et autres vieilles lunes

Je me dois de réagir au texte de Dervaux (Respublica 525) sur des primaires françaises et de compléter ma réaction sur les propos de Mélenchon à propos du vote du premier tour des présidentielles.

A René Dervaux je répondrais simplement par une question : qu'est-ce que des élections qui éliminent les courants pour ne s'attacher qu'à des représentations réduites à deux ou trois courants de pensée, même s'ils sont (mais qui en est juge ?) représentatifs ? Que signifie dans ce cas le mot démocratie ? Nous sommes dans un système de démocratie représentative, qui a déjà largement montré ses limites, faut-il encore le réduire ? Au nom de quoi ? De l'efficacité ? De la bonne marche des institutions républicaines (que d'aucuns, et sans doute pas à tort qualifient de " bourgeoises ") ? De l'acceptation en somme d'un système démocratique où le citoyen est privé de fait de son droit de regard et de contrôle ? De ce point de vue, nous ne sommes pas sur la même planète, j'en conviens. Un élu, pour moi, est comptable devant les citoyens qui l'ont élu ou alors nous ne vivons pas dans une démocratie. Et nous ne pouvons pas juger du système français en pensant, ce qui est probablement juste, qu'il est démocratique... au regard de tous les autres régimes en place dans le monde. Une telle pensée réduit à l'impuissance et aucun changement profond n'est envisageable si l'on considère que nous ne sommes pas les plus mal lotis. On peut d'ailleurs étendre ce raisonnement au plan économique (c'est d'ailleurs fait depuis longtemps) : pourquoi vous plaindre du SMIC français, d'autres n'en bénéficient même pas, pourquoi refuser la réforme des retraites, le démantèlement , somme toute relatif de la sécu, des services publics etc. ?

D'une façon plus générale, car les deux discours sus visés se rejoignent : faut-il en politique choisir le moindre mal ? Est-ce cela être citoyen ?

Je fais partie de ceux /celles qui pensent que les présidentielles sont un faux débat dans lequel nous, c'est-à-dire la gauche du non, n'aurions jamais dû nous engager. En 2007, comme en 2002, du point de vue des Institutions françaises, ce sont les élections législatives qui décident du gouvernement à venir, et non les présidentielles, quoi que l'on veuille nous faire croire.

Les présidentielles, pour tout démocrate, et l'on peut compter le nombre de partis et personnalités qui le dénoncent (et appellent de leurs voeux une 6ème République) s'inscrivent dans un système de personnalisation : nous n'élisons pas le chef d'un parti, nous ne choisissons pas le représentant d'une politique mais celui ou celle qui représentera la France et tous les Français. Une sorte de porte drapeau qui, dans notre société se doit d'avoir une certaine stature, qui n'a rien à voir avec la politique. Je crois que lorsqu'on analyse les remarques sur les vêtements de Ségolène Royal comme des remarques uniquement sexistes l'on fait fausse route. Ce sont avant tout des jugements qui relèvent du " décorum " tout comme le pull de Besancenot, bien plus que ses idées, suffit à ne pas en faire un présidentiable crédible...

Nous nous sommes battus lors du referendum pour que la citoyenneté reprenne ses droits, nous avons montré que, contrairement à ceux qui encore aujourd'hui veulent se rassurer, les citoyens sont capables de réfléchir, de lire des textes et de les analyser. Et pourtant la bataille politique de 2007, la seule qui serve à définir une politique, à décider de notre avenir dans le cadre des Institutions, nous ne l'aurons pas menée.

Qui parle des législatives ? Ce sont elles qui décideront de la politique qui sera menée et l'inversion du calendrier électoral, voulue par Jospin, je le rappelle (grand démocrate de gauche, paraît-il !!!) fonctionne pour tous ceux qui se positionnent sur les présidentielles (ou presque, heureusement, il y en a qui pensent que les batailles se mèneront ailleurs !). C'est pourquoi le vote des présidentielles ne doit pas être envisagé en lui-même mais au regard de ce qui fondera la politique de l'après élections et je mets ce terme au pluriel. Qu'est-ce qui pèsera le plus pour changer réellement ? Le vote sauvegarde contre le danger Le Pen ou Sarko ? Vote qui intronisera un Bayrou ou une Ségolène. Avec au mieux un SMIC à 1500 euros dans... 5 ans par exemple, des retraites à quand au fait ? Avec quel taux ? Aucune décision qui mette vraiment le doigt sur les vrais problèmes que sont les salaires et parachutes scandaleux alors que la majorité des citoyens doit se contenter de survivre ! ou le vote qui montrera que, Ségolène, Bayrou ou Sarko (ce sont les plus présentables dans notre système pour, comme disait De Gaule, inaugurer les chrysanthèmes !), les citoyens sont décidés à mener le combat et à réclamer des réformes et des changements qui enfin changent vraiment quelque chose ! Autrement dit un vote qui exprime ce que l'on pense vraiment !

Autre argument, que je considère comme une insulte : " si vous ne votez pas utile, c'est-à-dire Ségolène bien sûr dans ce cas, vous ne pensez pas aux plus démunis ! Vous êtes de ceux qui ne souffrirons pas en cas de nouvelle victoire de la droite ". Qu'est-ce qui dans le programme, dans les proclamations de Ségolène va réellement changer la donne ? Où avez-vous vu un engagement que l'on puisse qualifier de gauche ailleurs que peut-être dans des déclarations " idéologiques " (et encore !) qui, elles, ne mangent pas de pain ! Et c'est avec ça que vous voulez assurer un changement significatif pour toutes les couches sociales qui, depuis des années, que ce soit sous la droite ou sous la " gauche " ont fait les frais des gouvernements successifs ?

Oui, je pense, que malgré les matraquages médiatiques et politiques, une première semonce aux présidentielles permettrait un sursaut, un réveil de ceux qui pensent, dans le PS notamment, qu'il n'y a pas de salut hors de leur parti. Cela permettrait enfin de rétablir le vrai débat démocratique. Et les législatives, même si la campagne est courte, prendraient alors leur réelle valeur. Nous n'élisons pas une personne qui présente bien, nous nous prononçons pour quelqu'un qui est plus proche des électeurs et à qui on peut plus facilement demander des comptes. Et qui devrait, au vu des résultats des présidentielles dire clairement quelle sera sa politique, pourquoi il demande un mandat.

Je voterai Besancenot parce qu'il est le seul candidat sur l'échiquier des présidentielles à mettre en avant les analyses qui nous permettent de voir la politique autrement. Ses interventions, chiffres à l'appui, démasquent les analyses idéologiques qui polluent nos esprits. Et il dit clairement, avec Arlette j'en conviens, que voter pour eux n'est pas un simple vote de témoignage mais un réel choix politique (chiffres et propositions à l'appui). Oui, l'idéologie dominante est bien celle qui se fait passer pour une non idéologie. Oui il existe deux camps irréconciliables : ceux des exploités et ceux profiteurs d'un système qui voudraient nous faire croire par ailleurs que ce sont les laissés pour compte (Chômeurs, ermistes, immigrés) qui sont des profiteurs !

Pas plus qu'en 2002 je ne me sentirai responsable de l'échec, aux présidentielles, d'une pseudo-gauche, qui telle une girouette tourne au gré du vent. Oui, je souhaite que nous soyons la surprise du premier tour. Je reconnais que la division n'arrange pas les choses mais personnellement je pense que le but de la LCR n'est pas d'avoir un représentant pour président ou alors, je me suis trompée de combat ! En revanche je crois que le résultat sera capital car un pourcentage inattendu sera à même de déstabiliser enfin les certitudes et d'ouvrir une vraie réflexion. Plus les voix se détourneront visiblement de la " gauche " ou de Bayrou et plus nous aurons de poids pour peser sur les législatives et enfin montrer aux partis institutionnels qu'une gauche existe.

Je voudrais terminer sur le rôle d'un parlementaire. Je fais partie de ceux qui sont choqués quand des lois, des décrets sont votés en catimini donc acceptés par l'Assemblée alors qu'ils sont scandaleux. Je maintiens que si nous avions de vrais représentants de gauche, ils feraient en sorte que cela se sache et en appelleraient aux militants et aux citoyens pour donner l'audience nationale à ces coups fourrés inqualifiables. J'en cite quelques-uns : le travail de nuit des jeunes ; le travail dès 14 ans, l'augmentation des émoluments de tous ces beaux représentants, en début de législature et pour finir les " parachutes " que viennent de se voter les députés (sur notre dos !) et qu'un journal a rendus public, le Canard Enchaîné pour ne pas le nommer.

Je connais un président de la République qui ne porte pas de costard -cravate qui a divisé par deux ses revenus à peine élu. Mais cela se passe si loin de nous, en Amérique latine ! Et qui chez nous aurait apporté sa crédibilité à un " gueux " ?

Tant que nous accepterons de faire le jeu du système capitaliste, nous accepterons d'en être les perdants. Nos armes ne sont pas les leurs, nos valeurs non plus et comme le disent les affiches de Besancenot " nos vies valent plus que leurs profits ", y compris leurs petits profits électoraux par lesquels ils pensent nous aveugler.

P.S la nécessité d'un costume pour le président est tellement prégnante que le quiz qui circule, à l'initiative du monde nous " relooke " Besancenot qu'il affuble d'un costume cravate et Buffet en jupette plissée... le tailleur pantalon noir de Dominique Voynet semble toutefois entrer dans les normes... !!!

Katia Venco Enseignante, syndiquée et militante SNES, militante LCR et comme beaucoup d'autres dans mon organisation résolument laïque et anti-communautariste.

4 - débats républicains

4.1 - La nation, un concept républicain (3ème partie) : nation et peuple

Nous avons vu dans l'article précédent que le concept républicain de la nation, obligeait à considérer un territoire défini dans lequel pouvait s'exercer l'expression politique de cette nation, c'est à dire l'existence obligée d'un état-nation. Et les révolutionnaires de 1789, à partir du fondement de ce concept, considérèrent alors que le "peuple" était seulement l'ensemble de la population qui vivait sur ce territoire défini, donc sans considération non plus d'origine ethnique ou autre, la nation définissant alors être l'expression politique ou le corps politique du peuple. Ils parlèrent donc tout naturellement de souveraineté populaire (souveraineté du peuple).

Il est nécessaire alors de distinguer l'autre définition de "peuple" qui existe dans la langue française et qui est toujours utilisée; celle d'un ensemble de gens se reconnaissant dans une filiation historique, souvent d'origine ethnique, voire ethnico-religieuse et qui se retrouvent partie prenante de plusieurs autres nations (peuple juif, peuple arménien, dont par exemple un certain nombre de leur membres vivant en France se reconnaissent comme membres de la nation française) ou au contraire veulent construire une nation sur un territoire défini (comme les juifs pour Israël et les kurdes face aux états turc, irakiens, iranien, syrien qui colonisent les terres dans lesquelles ils vivent).

Il sera nécessaire à chaque fois de bien préciser les choses, pour la clarté de chaque analyse et de chaque solution à apporter devant des problèmes spécifiques de reconnaissance identitaire.

Mais revenons à la conception républicaine dans laquelle la nation est l'expression politique ou du corps politique de la population qui réside dans le territoire de l'état-nation et que l'on appelle donc peuple.

Dans cette conception, il ne peut alors avoir "d'étrangers" à demeure dans cet état-nation; tous les habitants du même territoire font parti du même peuple, quel que soit l'origine de chacun.

En conséquence, tous les habitants sur le territoire français, font parti du même peuple: le peuple français; l'exercice politique du peuple français s'exprime alors au nom de la nation dans l'état-nation qu'est la république française: c'est la fameuse formule: "au nom du peuple français"qui prend tout son sens. (on peut constater de ce fait l'énorme et pernicieux contre-sens de la formule "peuple corse dans le peuple français" qu'avait prôné Jospin pour faire plaisir aux nationalistes xénophobes de Corse)

Comme dans une république laïque, tout le monde doit avoir les mêmes droits, le fait d'accepter tout ou partie de la population vivant sur le territoire de notre état-nation avec des droits différents qu'ils soient civils (droits coutumiers à connotation religieuse comme avec la référence à la charia), ou politiques (droit de vote aux seules élections locales pour des étrangers n'ayant pas la nationalité française, et le fait qu'ils puissent ainsi exister sur notre sol une population vivant depuis longtemps ne possédant pas cette nationalité française) est une régression manifeste et invraisemblable de l'idéal républicain.

Ainsi il est indispensable de proclamer haut et fort que pour l'idéal républicain, toute personne vivant en France doit avoir, et donc accepter, la nationalité française (d'un point de vue pratique pour être clair, disons possible au bout de 5 ans et obligatoire au bout de 10 ans de résidence); nous étudierons précisément dans un autre article ce que cela peut et doit impliquer dans l'acquisition de la nationalité pour les immigrés (automaticité, volonté d'allégeance au caractère laïque et républicain de l'état-nation et donc expulsion de ceux qui la refuse, etc...), et., ce qui en découle, la perte de la nationalté française, perte qui devrait être obligatoire pour les français de toutes origines qui ne résident plus sur le territoire national depuis des décennies.

La dérive actuelle de la gauche bobo et de l'extrême gauche communautariste est d'accepter et surtout de vouloir qu'une partie de la population vivent continuellement en "étrangers" sur le territoire de notre état-nation, et possèdent donc "ad vitam aeternam " des droits au rabais (comme seulement le droit de vote aux élections locales), renouant ainsi avec les organisations inégalitaires des sociétés à l'exemple des "métèques" dans la démocratie athénienne antique ( lesquels avaient plus de droits que les esclaves, mais moins que les citoyens), voire même, pourquoi pas, au train ou vont les choses, avec une organisation de la société comme celle d'avant 1789 (les membres du tiers-état n'ayant pas les mêmes droits que ceux de la noblesse, etc.) C'est ça le "progressisme novateur" des antirépublicains comme José Bové qui ont réussi à entraîner dans leur dérive et leur délire de pensée inégalitaire pratiquement toute la gauche et qui se complait désormais dans cette pensée unique en se donnant des allures de bien-pensants; cette façon de reconnaître la légitimité de l'inégalité des droits; aboutit logiquement à l'institution ultérieure de droits coutumiers communautaires de nature ethnico-religieuse, destructeurs du caractère laïque de notre république.

C'est un aspect du combat idéologique indispensable, à contre courant, certes, de la pensée unique dominante qui pervertit la gauche dans son ensemble, que doivent désormais mener avec vigueur les républicains, en ne se laissant pas culpabiliser par cette gauche bobo intellectuellement dégénérée dans son attachement aux concepts fondateurs de la république laique et par cette gauche communautariste profondément inégalitariste, antilaique et antirépublicaine,

Ne pas oublier, justement, que pour la conception républicaine, la souveraineté du peuple, appelée communément "souveraineté populaire" ne peut s'exercer correctement en premier lieu que si toute la population présente sur le territoire défini de l'état-nation fait partie du même peuple, avec les mêmes droits de citoyens..(mais nous y reviendrons ultérieurement car les conséquences de cette conception sont nombreuses pour la construction d'une société laïque républicaine).

(à suivre)

Valentin Boudras-Chapon

4.2 - La "névronucléose" ou comment contribuer à "l'indéveloppement durable" !

En matière de développement durable, si le foisonnement actuel des débats est l'expression d'une vitalité de premier ordre, il n'en reste pas moins que l'ouverture du sujet génère aussi des érudits de tous bords, qui rivalisent surtout par la durabilité de leur indéveloppément. Pour ceux là, force est de reconnaître que le débat publique est clairement une invite à considérer la rigueur comme lettre morte. De fait, ce qui devrait relever de la plus grande probité (puisque traitant de l'avenir de la planète) devient pour d'aucun l'occasion d'épancher ses psychoses enfantines non résolues.

Dans le vaste champ du développement durable se trouvent inévitablement les questions énergétiques : ressources, consommations, disponibilités, type d'énergies, avenirs, etc. Et immanquablement, compte tenu de son potentiel énergétique, l'énergie nucléaire fait partie des "mots" prononcés. C'est là que l'on observe les érudits atteints de "névronucléose". Les symptômes sont nombreux si on les prend un par un, cependant le diagnostique de cette pathologie et sans erreur dès que l'on observe les caractères communs des propos tenus. Tous sont hyper détaillés lorsque le patient expose un inconvénient possible du nucléaire. A l'inverse, tout est d'une approximation sans nom dés qu'il y a risque à montrer un point avantageux de la dite énergie. Les données techniques sont détournées - voire ignorées ! - Les citations et témoignages se font toujours hors contextes avec un savant usage de ciseaux et colle à papier. Les anti-nucléaires paraissent alors toujours posés, responsables, nantis d'une intelligence clairvoyante ; les tenants du nucléaires sont pour leur part à la limite du crétinisme aigu ou de la sournoiserie la plus éhontée.

Ainsi, le névronucléosé s'échine à marteler la vision des années 70 prédisant le développement des réacteurs à neutrons rapides dans le monde entier, laissant à ses auditeurs le soin de regarder leur absence totale aujourd'hui et de conclure à la débilité profonde des responsables nucléocrates corrompus des années 70. Bien sûr le névronucléosé ne précise jamais que si la France a effectivement choisi le nucléaire face à l'envolée des prix du pétrole en 1973, le prix de l'uranium s'est lui aussi envolé quelques années après. De fait, la France risquait d'avoir les mêmes problèmes de facture énergétique. Or, les réacteurs à neutrons rapides ont cette particularité qu'ils utilisent 100 fois mieux l'uranium que les réacteurs classiques. Peu de temps après cette hausse de l'uranium, la France décidait donc de construire Phénix, puis Super-Phénix, pour investiguer les réacteurs à neutrons rapides et mettre en place cette filière le plus rapidement possible afin de doter la France d'un potentiel énergétique stable.

Concernant les réacteurs rapides justement, le névrocléosé " classique " insiste fortement sur les mésaventures de Super-Phénix, mais ne précise jamais le fonctionnement sans incident de Phénix, son petit frère toujours en fonctionnement depuis plus de 30 ans. La présence de sodium est criée sur les toits sans le moindre regard sur les notes techniques, les rapports et procédures de sûreté. D'ailleurs, jamais il n'est indiqué que Super Phénix était un prototype, donc un test vers l'industrialisation. Le névronucléosé sait parfaitement qu'un prototype de voiture ne fonctionne jamais comme le modèle final qu'il achète chez son concessionnaire. Mais son bon sens n'est de mise qu'avec sa voiture, jamais lorsqu'il s'agit du méchant nucléaire caché sous son lit. Donc prudence quand vous conduisez : la névronucléose peut provoquer des hallucinations.

Il y a aussi les névrocléosés de " 4ième génération ". Tous fiers d'avoir découvert un mot nouveau : " thorium ", ils imaginent d'obscures raisons dans le fait que la France n'a apparemment pas investi dans le thorium et surtout parce que soit disant on ne peut pas faire de vilaine bombe avec le cycle du thorium. La réalité est tout autre : les départements de recherche nucléaire d'EDF étudient le réacteur au thorium depuis des années. Quant à l'histoire d'un cycle thorium sans possibilité militaire, un petit bouquin de physique permet de voir que ce cycle repose sur le thorium qui capture un neutron et devient donc de l'uranium 233, lequel fissionne en réacteur, et le cycle recommence. Or, cet uranium 233 est encore plus performant pour faire des bombes que le grand méchant uranium 235. Attention donc ! La névronucléose provoque des troubles de l'ouverture des livres de sciences.

On trouve aussi les névronucléosés dits " économistes ". Remarquables par leur capacité à produire de savants calculs sur la consommation d'uranium et la dette énergétique, ils concluent sans l'ombre d'un doute (et calculs à l'appui) que le nucléaire c'est vraiment pas bien (ben voyons... ). Bien entendu, pour ses estimations sur la trop grande consommation d'uranium, le névronucléosé ne prend jamais en compte les fameux réacteurs à neutrons rapides (qu'ils citent pourtant partout... sauf ici !). Il faut dire que le névronucléosé " économiste " n'est quand même pas assez idiot pour dire qu'avec ses réserves en uranium appauvri, la France peut assurer sa production électrique actuelle pour 40 siècles sans acheter une once d'uranium si elle se met à utiliser les fameux réacteurs à neutrons rapides. Et comble de tout, c'est une ministre de l'environnement qui fit arrêter ces recherches, obligeant ainsi la France à garder les réacteurs de type actuels (dont l'EPR) qui sont pour leur compte de très grands consommateurs d'uranium et de gros producteurs de déchets. Donc attention : trop de névronucléose provoque la somnolence de l'entendement écologiste.

Et puis je ne résiste pas à préciser que dans les réacteurs actuels, la durée de vie de la cuve du réacteur est déterminée par les flux de neutrons qu'elle reçoit. Le jour où elle est en passe d'atteindre sa limite, l'Autorité de Sûreté Nucléaire fait arrêter le réacteur. D'où les durées de vie de 30-40 ans des réacteurs actuels. Mais dans les réacteurs à neutrons rapides, comme Phénix ou SuperPhénix, les protections de la cuve sont telles (notamment grâce au sodium) que les cuves ne reçoivent aucun dommage dû aux neutrons. De fait, elles ne vieillissent pas comme celles des réacteurs actuels et les cuves de ces réacteurs peuvent donc durer 50, 60 ou même 80 ans ! D'où un investissement pérenne pour les générations à venir. Effet secondaire : la névronucléose facilite l'ignorance.

Enfin vient le névronucléosé dit " énergéticien ". Celui-ci s'empare d'une énergie dite " propre " et la compare au nucléaire nécessairement sale. L'éolien a fait fureur pendant quelques années, mais retombe un peu aujourd'hui à la vue des éléments enfin concrets disponibles à son sujet (d'ailleurs aucun écologiste sérieux ne site plus le Danemark comme exemple, vu que ce pays pollue 100 fois plus que la France). Mais aujourd'hui ce qui est tendance c'est le solaire, énergie magique venant du soleil. Évidemment, jamais il n'est précisé la pollution lors de la fabrication et du retraitement des panneaux solaires ou des batteries attenantes, et encore moins la surface en panneaux solaires nécessaire pour alimenter le TGV Paris - Bourg Saint Maurice que notre névronucléosé prend chaque hiver pour s'éclater sur les pistes. Note : la névronucléose n'interdit pas de consulter sa station de sport d'hiver.

Conclusion ; et il y faut y changer le ton parce que l'on pourrait croire qu'un article peut n'être qu'une casse en règle complètement stérile. Or, le débat sur le développement durable est un enjeu majeur, d'une extrême gravité pour notre civilisation. Ce n'est pas l'avenir de nos vies personnelles qui est en jeu, mais bien celui de ceux qui verront le jour dans quelques décennies ; et ceci sans entrer aucunement dans le débat éthique qui pourrait être : " L'homme a t-il le droit de provoquer un cataclysme climatique menaçant sa propre civilisation, mais aussi l'ensemble de la vie sur Terre ? "

Le développement durable est un sujet trop sérieux, trop important, trop porté sur l'avenir des générations futures pour que l'on accrédite de " respectables " ceux qui y usent de la peur, d'arguments fallacieux, de méconnaissances et d'approximations qu'un minimum de recherche rendent ni plus ni moins que risibles. Ceux qui s'improvisent " savants " dans un domaine touchant le développement durable et qui n'ont en réalité d'autres soucis que celui d'épancher une névrose personnelle sont dangereux pour la crédibilité des autres intervenants et les aboutissements concrets en matière de développement durable. Qu'ils soient favorables ou défavorables au nucléaire, au pétrole, à l'hydrogène, au solaire, à l'éolien, aux transports, à l'urbanisme, les intervenants doivent se contraindre au plus grand sérieux. Pour sûr, tout le monde à des marottes, mais avoir un penchant n'interdit pas l'approfondissement, la probité, la rigueur intellectuelle, la recherche et la vérification de ce que l'on avance ; et c'est même peut être cet effort éthique, pour soi et les autres, qui signe le fait d'être un citoyen. Le développement durable effectif n'est envisageable que dans la mesure où les acteurs du débat public seront capables de produire des discours rigoureux et fiables. Là seulement des effets concrets seront tangibles. Hors ces conditions de probité intellectuelle, le développement durable est condamné à n'être que le théâtre d'illuminés, de cas pathologiques et d'irresponsables prétendument " écologistes ". Note pour l'avenir : le manque d'intelligence nuit durablement au développement du monde.

Guillaume Desguerriers

4.3 - L'urgence énergétique (IV): Le nucléaire, entre dogme et réalités

(Lire le premier volet)

Dans les volets II et III (ReSPUBLICA 519 et 524), nous avons évalué le potentiel de production d'énergies renouvelables en France et dans le monde, et comparé leur bilan énergétique actuel français et européen.

Dans ce volet, nous commençons l'étude de l'industrie nucléaire en France et dans le monde en déchiffrant la question de son coût énergétique réel.

Dans le prochain volet, nous comparerons les coûts d'investissement et de production des énergies nucléaires, fossiles et renouvelables, et nous examinerons la question des rejets de gaz à effet de serre.

Nous pourrons alors étudier les scénarios énergétiques possibles pour faire face à l'urgence énergétique de manière rationnelle, sans dogmatisme nucléaire ni intégrisme écologiste, à partir des données objectives présentées dans cette étude.

Rappelons que 1 TEP (une tonne équivalent pétrole) représente une énergie de 11600 kWh et donc 1 MTEP (mégaTEP) vaut 11,6 TWh (un térawatt-heure = 1 milliard de kWh).

1. État des programmes nucléaires dans le monde

Lors du premier choc pétrolier en 1973, l'AIEA (Agence Internationale de l'Énergie Atomique) prévoyait l'installation de 4450 réacteurs à neutrons lents de 1000 MW dans le monde, relayée après quelques décennies par autant de surgénérateurs à neutrons rapides pour pallier la raréfaction de l'uranium en produisant plus de plutonium qu'ils n'en consomment.

On se souvient encore d'André Giraud, ancien Directeur du CEA (Commissariat à l'Énergie Atomique) puis ministre de l'industrie sous Giscard d'Estaing, prédisant en 1977 que 540 surgénérateurs comme Superphénix seraient en service dans le monde avant la fin du XXème siècle!

Aujourd'hui, la réalité est toute autre :

le doute est en fait généralisé, même dans les milieux nucléaires et économiques internationaux. Il est fréquent de lire dans les publications spécialisées dans l'énergie des qualificatifs tels que " l'incertitude considérable associée aux coûts et autres variables nucléaires, et la nécessité d'une approche prudente pour modéliser les coûts nucléaires " et parlent ouvertement de sous-estimation de ces coûts par les industriels " pour essayer d'obtenir un soutien pour de nouvelles constructions nucléaires " 2.

2. La consommation mondiale d'uranium

Sur la lancée des recherches sur l'armement atomique de la seconde guerre mondiale, l'industrie nucléaire a développé exclusivement les technologies fondées sur le seul cycle de combustible permettant d'accéder à la bombe atomique, celui de l'uranium (le thorium ne le permet pas). On lit couramment que 7 g de pastille de combustible nucléaire (oxyde d'uranium enrichi UO2) libère autant d'énergie que 1/2 tonne de charbon dans un réacteur. En effet, la fission d'un gramme d'uranium 235 " fissile " produit 23000 kWh, mais l'uranium naturel n'en contient que 0,71%, l'uranium restant étant l'isotope 238 " fertile " qui peut capturer les neutrons pour se transformer en plutonium 239. Pour produire la réaction nucléaire en chaîne dans le combustible des réacteurs à eau pressurisée actuels (REP), on doit utiliser de l'uranium enrichi à 3,3% environ en U 235. L'énergie nucléaire produite dans un REP est d'environ 960 kWh/g de combustible, soit 148 kWh/gUN (gramme d'uranium naturel sous forme d'oxyde U3O8).

Un REP de 1000 MW consomme 30,2 tonnes de combustible par an, soit 196 tUN/an en tenant compte des rendements de fabrication du combustible.

À eux seuls, les pays de l'OCDE (352 réacteurs) consomment environ 55 000 tUN/an 3. On estime à environ 69 000 tUN/an la consommation mondiale d'uranium naturel.

3. L'état des réserves d'uranium dans le monde

Les prospections intensives lancées depuis la seconde guerre mondiale jusque dans les années 70 ont permis de détecter puis d'exploiter la plupart des sites mondiaux économiquement accessibles. Aucun nouveau site significatif n'a été découvert depuis maintenant ni annoncé dans la littérature spécialisée. Où en est-on? Les sources officielles fournissent les données suivantes 145 :

On pourrait en conclure en première approche que, si la production d'électricité nucléaire mondiale restait inchangée, les réserves mondiales d'uranium exploitables économiquement seraient théoriquement épuisées en 62 ans, mais les réserves prouvées seraient épuisées en 48 ans, très loin des 16 Mt sur 250 ans que l'on peut lire dans certaines publications fort peu objectives 6. De plus, ces échéances ne peuvent que diminuer si l'on accroît le parc nucléaire car les ressources spéculatives de minerais d'uranium sont trop diluées pour compenser un accroissement de consommation (cf. paragraphe 6).

4. La dette énergétique du cycle nucléaire

Malheureusement, le cycle total du combustible consomme une énergie importante. Il en est de même pour la construction et l'exploitation des centrales nucléaires, le traitement des déchets nucléaires de l'ensemble du cycle, et surtout le démantèlement des réacteurs. Selon leur organisme d'origine, les études évaluent plus ou moins objectivement et complètement les coûts financiers du cycle nucléaire et sont exprimées en unités monétaires nécessairement fluctuantes et politiques, ce qui rend les comparaisons délicates et physiquement inconsistantes. Pour comparer le cycle nucléaire aux autres formes de production énergétique et estimer sa durée de remboursement, indispensable à toute prospective énergétique, il faut mesurer les dépenses d'énergie pour faire fonctionner l'ensemble du cycle nucléaire, comme nous l'avons fait pour les énergies renouvelables. En dehors des études classiques telles que celle de la CFDT 7, une des plus récentes est celle des physiciens-chimistes spécialistes du cycle de l'uranium néerlandais et américains 8, très exhaustive, rigoureuse et documentée, tout en étant très pondérée et objective. Sur la base d'hypothèses assez standard (réacteur 1000 MW à taux de combustion 46 000 MWj/tU avec un taux de charge de 82% pendant 30 ans, soit 7,2 TWh/an et une consommation totale de 4950 tUN), on arrive aux coûts énergétiques moyens suivants :

L'hypothèse coûteuse du retraitement des combustibles irradiés n'est pas prise en compte ; elle doit être ajoutée à ce bilan en France (usine de La Hague). Elle peut être évaluée à 3280 kWh/kgU. Il reste à évaluer le coût énergétique du démantèlement du réacteur.

5. Le démantèlement des réacteurs âgés

En France, la question commence déjà à se poser pour les plus vieux réacteurs de la génération Fessenheim. Quelques vieux réacteurs de recherche ou de petite puissance UNGG (uranium naturel-graphite-gaz) ont été démontés, et le réacteur REP de Chooz est en phase de démantèlement.

D'après les quelques expériences mondiales, l'étude 8 évalue à environ 45 TWh la dépense énergétique moyenne nécessaire à la fermeture, à la surveillance puis au démantèlement complet (avec gestion des déchets radioactifs) d'un réacteur REP de 1000 MW, soit le double de celle de sa construction.

La charge financière très élevée que représente le démantèlement pose un problème particulièrement ardu : les expériences déjà réalisées aux Etats-Unis ou en Allemagne semblent montrer que le provisionnement de 15% du coût de construction prévu par EDF est très en dessous du coût réel et pourrait atteindre de 25% à 60% du coût de construction 9. Cependant, le démantèlement du petit réacteur PWR de Yankee Rowe (185 MW) aux USA a coûté la bagatelle de 450 M$, soit plus de 100% du coût d'investissement, et celui du réacteur de 250 MW à Brennilis en France s'est élevé à plus de 480 MEuros ...

Le rythme élevé des démantèlements qui vont intervenir d'ici une dizaine d'année posera de grands problèmes financiers car ils dépasseront les capacités financières d'EDF. Dans le contexte actuel de libéralisation européenne, le risque de privatisation qui menace cette entreprise de moins en moins publique et dont la gestion financière récente s'apparente plus à l'aventurisme ultralibéral peut faire craindre une prise en charge par l'Etat (et donc le contribuable français) du coûts des démantèlements, déjà partiellement payés dans le kWh.

Rappelons cet avertissement de la Cour des Comptes en 2005 10 : " EDF, du fait de son endettement, ne dispose que d'un embryon d'actifs dédiés par rapport à la masse à financer (...). Sans mécanisme de sécurisation, le risque existe, dans le cadre d'une ouverture du capital d'Areva et d'EDF dans des marchés devenus fortement concurrentiels, que les conséquences financières de leurs obligations de démantèlement et de gestion de leurs déchets soient mal assurées et que la charge en rejaillisse in fine sur l'Etat (...). Les incertitudes nombreuses qui pèsent sur le financement futur de la gestion des déchets (...) conduisent à poser la question de la capadité dans le temps des princiaux producteurs de déchets à répondre de leurs obligations ".

Mais nous n'avons pas le choix car il est plus risqué de laisser les matériaux radioactifs des vieilles centrales se dégrader in situ que de les découper pour les concentrer et les surveiller en lieu sûr, d'autant que la mémoire des employés est indispensable à un démantèlement propre.

6. Le remboursement de la dette énergétique nucléaire

L'intégration de tous les coûts énergétiques détaillés ci-dessus (sauf retraitement) amène aux durées de remboursement de la dette énergétiques (DRDE) suivants 8 :

En ajoutant le coût du retraitement à la Hague, on obère davantage encore ce bilan qui ne serait convenable que sans démantèlement des centrales, ce qui est inacceptable pour la sécurité des populations et inadmissible sur le plan éthique.

D'ores et déjà, les minerais d'uranium à teneur inférieure à 0,01% sont à exclure car l'énergie dépensée à l'extraction du métal est beaucoup trop élevée pour que l'énergie nucléaire produite puisse rembourser sa dette. Quant à l'uranium des océans, sa dilution est telle (3,34 mgU par mètre cube d'eau) qu'il faudrait consommer entre 28 000 et 70 000 kWh pour chaque kg d'uranium naturel extrait!

Loin de fournir une énergie abondante à bas coût, l'actuel parc nucléaire génère donc une dette énergétique importante qu'il ne pourra rembourser que dans plusieurs décennies. À moins de trouver très rapidement une parade, nous allons laisser aux générations futures des dettes énergétiques, avec la charge de gérer pendant des millénaires de grandes quantités de déchets et matériaux radioactifs.

Les solutions nucléaires sont-elles prêtes?

7. Les réacteurs du futur sont-ils crédibles?

Dans les milieux nucléaires, on invoque déjà la quatrième génération de réacteurs, alors qu'Areva peine à placer ses premiers réacteurs EPR (European Pressurized water Reactor) dits de 3ème génération.

Les réacteurs EPR ne sont en fait que des anciens REP (Réacteurs à Eau Pressurisée) remodelés pour fonctionner avec un combustible MOX, mélange d'oxydes d'uranium enrichi et de plutonium à taux de combustion plus élevé (actuellement de 33 000 MWj/tU pour 5,5% de plutonium, il passerait à 55 000 pour 11% puis 65 000 pour 17,7%), le but étant d'utiliser le plutonium produit dans les REP après retraitement à la Hague. Mais à ces taux de plutonium, les risques d'emballement thermique de la réaction nucléaire apparaissent au-delà de 12 à 14% d'après les études rapportées par EDF 11. Le taux de neutrons rapides plus élevé rend le contrôle de la réaction en chaîne plus délicat, le taux de déchets de haute activité plus grand et le réacteur EPR beaucoup plus dangereux que les REP classiques. De plus, le bassin en céramique supposé recueillir le coeur en fusion en cas de perte de contrôle pour qu'il ne perce pas l'enceinte de sécurité risque de provoquer la formation d'hydrogène avec l'eau de fuite des circuits, conduisant à une possible explosion de l'enceinte 12. En outre, le fameux rapport confidentiel défense EDF-SEPTEN à la DGSNR révélé récemment montre que l'EPR n'est pas dimensionné pour résister à une attaque terroriste de type 11 septembre 2001 13. Enfin, le coût financier de construction et de fonctionnement d'un EPR, même sous-évalué, apparaît très élevé rapporté à l'énergie produite et au nombre d'emplois créés (voir le volet V de cette étude).

Les réacteurs de 4ème génération, qui sont encore des objets de recherche et de spéculation, ne seront pas prêts avant 2050. À supposer qu'ils soient réalisables et fiables, ils arriveront trop tard pour faire face aux défis climatiques, à la pénurie prochaine de pétrole et à l'épuisement des gisements économiques l'uranium.

Les quelques réacteurs à neutrons rapides RNR surgénérateurs passés ou actuels n'ont jamais fait la preuve de leur capacité à produire plus de plutonium qu'ils n'en consomment. Leur dangerosité est sans commune mesure avec celle des REP (risques d'emballement de la réaction en chaîne, taux d'irradiation du combustible beaucoup plus élevé, risques radiologiques extrêmement élevés du plutonium, risques d'explosion chimique si l'on utilise le sodium liquide comme fluide caloporteur). Leur intérêt serait de consommer 150 fois moins d'uranium qu'un REP à puissance égale, d'utiliser l'énergie des transuraniens, voire de les transmuter. Au regard des risques et des coûts engendrés, tout ceci semble très peu réaliste sur le plan industriel...

Les réacteurs haute température HTR à sels fondus ou à gaz pouvant atteindre des températures de 1800°C pour produire directement de l'hydrogène restent encore des projets très hypothétiques et dispendieux de recherche sur le papier, très loin d'une faisabilité industrielle (problème des tenues des matériaux, comportement hydrodynamique inconnu des sels fondus, grande réactivité chimique, etc.)...

Les réacteurs de fusion thermonucléaire par confinement magnétique comme le futur réacteur de recherche ITER sont totalement irréalistes et risquent de ne jamais fonctionner : alors qu'il n'a pas fallu 3 ans de recherche pendant la Seconde Guerre Mondiale pour faire fonctionner un réacteur à fission nucléaire, 50 ans n'ont pas suffit pour arriver à produire un seul kWh par fusion nucléaire, et pour cause : maintenir dans l'ultravide un plasma (gaz ionisé neutre) de deutérium et tritium (isotopes 2 et 3 de l'hydrogène) à 100 ou 200 millions de degrés à une densité suffisante pour qu'ils fusionnent en hélium grâce à des champs magnétiques extrêmes en produisant les plus intenses flux de neutrons hyperthermiques qui aient jamais été produits ne relève pas de la rationalité industrielle mais d'un rêve prométhéen plus que coûteux! On n'entrevoit absolument pas quel type de matériau pourraît résister à un tel bombardement, et la couverture de lithium censée revêtir les parois et produire in situ le tritium radioactif pour assurer le fonctionnement produirait immanquablement des bulles d'hélium gazeux dans les parois qui se fissureraient très rapidement jusqu'à l'implosion du réacteur! L'énorme investissement dans ITER n'apportera rien sur le plan énergétique, il ne fera que consommer de l'énergie équivalente d'un réacteur nucléaire pour produire les champs magnétiques et chauffer le plasma ! Le seul réacteur de fusion nucléaire qui fonctionne à notre portée est ... le Soleil grâce à l'immense pression de sa propre gravité. Il est grand temps de l'utiliser!

Prochain volet : L'urgence énergétique (V) : défis financiers et écologiques


Thierry DE LAROCHELAMBERT Chaire supérieure de Physique-Chimie en CPGE,
Professeur de mécanique des fluides en École d'Ingénieurs,
Chercheur à l'Université.

5 - International

5.1 - Europe, libéralisme, nationalisme et Pologne

L'Europe politique et sociale est bien loin d'exister. La prédominance des accords commerciaux qui unissent les pays européens, dans ou hors de la zone euro, éclipse les critères qui feront ou feraient la cohésion sociale et politique de l'Europe de demain. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le Traité pour une Constitution Européenne, que nous avons rejeté en 2005, se faisait fort d'asseoir la préemption d'une sacro-sainte "concurrence libre et non-faussée" sur toute autre contingence.

La construction européenne s'est nourrie, après-guerre, de la volonté politique de créer l'union entre les pays d'un même continent, avec l'espoir que les conditions de leur affrontement ne soient jamais plus réunies...

Il faut aujourd'hui se poser la question du sens de cette construction, si elle se contente d'entériner la loi du marché et qu'elle ne fixe pas, outre les objectifs financiers, une orientation politique et sociale à ses membres.

Et cette interrogation, au crible de l'actualité polonaise, représente une urgence politique.

On sait si bien durcir le ton avec la Turquie, qu'on en oublierait que notre vieille Europe continentale est capable de rétrogradations inattendues. On en oublierait que la Pologne fut le collaborateur zélé du nazisme, et, plus grave encore, victime ensuite d'un autre totalitarisme, ne put jamais vraiment s'interroger sur son rôle historique dans la déportation et l'extermination des juifs : quand le bourreau devient victime, il se demande ce qu'il a fait pour mériter cela, mais il ne trouve pas...

Loin de moi l'idée d'assimiler tout un peuple à ses représentants. Mais de se demander alors "de quoi un peuple qui ne s'est pas retourné sur son histoire est-il capable?". Et pourquoi la diaspora juive polonaise n'a, dans une quasi-unanimité, aucune envie de passer ne serait-ce qu'un week-end en Pologne ? Aujourd'hui, en 2007 ?

Moins de vingt années après les premières élections libres en Pologne (1989), le pouvoir appartient aujourd'hui dans ce pays à une coalition nationaliste et réactionnaire, menée par les frères Kaczynski. Un mélange de libéralisme et d'anti-communisme primaire, d'intégrisme catholique, de xénophobie raciste et antisémite, préside maintenant au destin d'un peuple maudit.

Les partis "Loi et Justice", "Ligue des Familles Polonaises" et "Autodéfense" font campagne contre l'avortement et pour la peine de mort.

Ils se font admirateurs de la "pensée" politique et économique de Bush (libéralisme, protectionnisme non-avoué, ordre moral et religieux) plus qu'ils ne s'intéressent vraiment à la culture politique européenne.

L'eurodéputé Maciej Giertych publie, sur le budget du Parlement européen, une brochure assaisonnée de vieux relents antisémites. Sous la plume d'un polonais, déclarer notamment que "les Juifs créent eux-mêmes leurs ghettos" est une insulte inqualifiable à la mémoire des victimes du ghetto de Varsovie.

Son fils Roman, Ministre de l'Education, vient de proposer la pénalisation de l'homosexualité.

Une campagne de purification politique vient d'être lancée sous le nom de "lustration" et vise à démasquer parmi 700.000 polonais soupçonnés d'avoir eu des accointances avec le régime communiste, lesquels d'entre eux méritent le titre d'impurs et d'être déchus de leurs responsabilités.

Communistes, homosexuels, juifs : vous souvenez-vous de la dernière fois qu'on les traitât ensemble sur notre vieux continent ?

Mais le gouvernement polonais ne s'arrête pas en si "bon" chemin : voilà qu'il insiste, à chaque fois que c'est possible, pour une nécessaire citation des "valeurs chrétiennes" en préambule à la Constitution Européenne remise à l'étude. Tout laïc convaincu que je suis, je me pose d'abord la question de quelles valeurs chrétiennes se réclament-ils, puisque, avec la connaissance sommaire que j'ai des grands principes de la chrétienté, ils me semblent être en opposition avec les postures politiques et l'idéologie incarnée aujourd'hui par les gouvernants polonais et leurs soutiens...

Cela dit, ne nous interdisons pas, justement, d'imaginer un préambule à notre future Constitution Européenne. Car la dérive polonaise n'est qu'un triste exemple d'actualité et les dangers naissent ou renaissent partout, même là où personne ne s'y attend : de nombreux commentateurs allemands se sont émus du projet de ministère de l'immigration et de l'identité nationale de Nicolas Sarkozy... approuvé cependant par son ami Gianfranco Fini de l'Alliance Nationale, parti italien d'extrême droite. Passons...

Un préambule à la Constitution Européenne, laquelle mériterait d'être préparée par une Assemblée Constituante élue en 2009 (élections européennes) pourrait comporter trois volets. Le Politique, le Social, l'Environnemental. Rêvons un peu : une citoyenneté européenne laïque, de droits et devoirs, serait affirmée. La liberté syndicale, le droit de grève, entre autres, rappelés. Un Développement durable, à la fois l'objectif et le moyen de servir notre destin commun...

Yvan Lubraneski Membre du PS et de la LICRA

6 - courrier des lecteurs

6.1 - Tout doit nous séparer, et pourtant...

Cher Evariste,

Abonné à RESPUBLICA (par quel miracle ?, je suppose qu'un ami de gauche m'a abonné sans se déclarer) je le lis avec plaisir, car il y a des intervenants intéressants et c'est tout à la fois utile et agréable de découvrir une certaine gauche qui s'éloigne du modèle crypto-marxiste.

Cher Evariste (si vous me permettez de vous appeler comme ça) tout doit nous séparer :

Et quand même, on peut avoir un dialogue, et même des points de convergence. D'abord nous sommes les deux des républicains laïques, partisans de l'émancipation des femmes et adversaires des communautarismes et des extrémismes de toute sorte.

J'ai lu votre chronique du numéro 524 sur Ségolène Royal la Marseillaise et le drapeau tricolore et je vous approuve intégralement, je vous applaudis à deux mains.

Comment ne pas vous applaudir quand vous soulignez les imbécillités de ceux qui en 2002 niaient les problèmes de sécurité ?

Comment ne pas vous applaudir quand vous dénoncer les bobos de gauche qui crachent sur la nation et la République ?

Comment ne pas vous applaudir quand vous rejetez le discours antirépublicain des "Indigènes de la République" ?

Un seul petit bémol : Bové et Besancenot sont loin d'être des imbéciles, ils servent la soupe à des communautaristes redoutables qui oeuvrent à la destruction de ce qu'il nomment le "cancer" : la démocratie.

Avec mes salutations amicales,

Sorel Zissu Villers les Nancy

6.2 - Mettre fin à l'élection d'un monarque au suffrage universel

Dans les textes parus il y a comme c'est normal des opinions contradictoires, cependant il faudrait parfois un peu plus de rigueur, par exemple prenons le texte sur le drapeau, la République et ses oripeaux.

L'auteur parle du rapport entre le drapeau rouge et le drapeau tricolore et situe la reprise du drapeau bleu blanc rouge par les communistes à la libération pour se rattraper de la trahison du traité germano soviétique et pour reconstruire la France sous la houlette de De Gaulle. L'auteur qui se penche sur l'histoire devrait s'y pencher plus sérieusement c'est en 1934-1936 que le parti communiste décide de reprendre et la Marseillaise et le drapeau tricolore et de ne pas les laisser aux ligues factieuses.

Quant au texte abordant la question des primaires la solution n'est sans doute pas dans l'amélioration des primaires mais bien dans la construction d'une VI République, en mettant fin à l'élection d'un monarque Républicain au suffrage universel.

De plus, même dans son intérêt très limité la proposition ne changerait rien aux difficultés actuelles on imagine très bien le PS déterminant seul son programme et demandant aux autres partis de gauche de se placer autour de lui.

La peur du vote utile et les mécanismes des présidentielles sont un atteinte à la démocratie et on peut remercier le PS d'avoir inversé le calendrier électoral accentuant les effets pervers de cette élection.

Pierre Laporte

7 - A lire

7.1 - "Ils ont lapidé Ghofrane" de Monia Haddaoui

Le 18 octobre 2004, Ghofrane Haddaoui a été lapidée à Marseille à l'âge de 23 ans.

Il fallait que Monia l'écrive. Il fallait qu'elle raconte son calvaire. Qu'elle dise, dans les limites de ce qu'elle pouvait exprimer avec des mots, l'extrême souffrance d'une mère face à l'horreur d'une vérité insupportable. Il fallait aussi décrire cette lutte de tous les instants, cette lutte pour ne pas sombrer, pour aider ses enfants, ses proches à survivre malgré tout. Depuis le drame, ce combat pour la vérité et la reconnaissance de l'acte de barbarie dans le meurtre de Ghofrane, c'est le quotidien de Monia, de ses enfants et de ceux qui les entourent.

Monia Haddaoui a appris la mort de sa fille le 20 octobre 2004 sur l'autoroute qui la conduisait à La Seyne-sur -Mer. On lui disait que Ghofrane avait été giflée et en était morte.

Ce n'est que le 20 octobre, à la morgue, que la famille de Ghofrane pu constater l'horreur du crime. " Une fois face à elle, le monde s'est écroulé, raconte Monia., Ghofrane avait été massacrée. On avait taillé son oreille droite, arraché le lobe de son oreille gauche... On lui avait cassé les dents. Elle avait un trou à la tempe gauche par lequel son oeil avait été déplacé...Ses côtes avaient été brisées ...Mais surtout, son crâne avait été fracassé. On pouvait voir l'impact de trente et un coups à la tête. Trente et un trous... "

Depuis ce jour, Monia Haddaoui est " entrée en guerre ". " Je suis entrée en guerre contre les hommes et même contre Dieu " écrit elle. Elle entrera en guerre aussi contre la justice et contre les médias. " Je trouve incroyable, dit elle, qu' à chaque fois qu'une femme souffre de violences, et même en meurt, les médias trouvent des raisons qui minimisent la responsabilité des coupables ! On argue du crime passionnel, de l'enfance difficile...Mais qui donc peut se targuer d'avoir une vie facile ? Qui d'entre nous a toujours tout vu en rose ? La plupart des gens ont souffert, mais ne sont pas devenus délinquants ni criminels pour autant... "

Monia et ses amis organiseront trois marches silencieuses en hommage à Ghofrane. La troisième eu lieu lors de la journée internationale contre les violences faites aux femme, le 27 novembre 2004. Cette marche, organisée avec le soutien de l'association " Ni putes, ni soumises " descendue de Paris avec une centaine de militants, rassemblait plusieurs milliers de personnes. Avec, dans ses rangs, Fadéla Amara, le chanteur Jean Jacques Goldman, la speakrine saoudienne Rania Elbaz, défigurée par son mari, cette marche, à laquelle participaient des personnalités locales et un grand nombre d'organisations féministe et humanistes fut un évènement national qui suscita de nombreux articles et reportages.

" J'étais rentré dans un nouveau combat, un de plus, explique Monia, un combat juridique. Parce qu'il fallait comprendre, il a fallut chercher les informations dans la rue, au plus proche des tortionnaires de ma fille ". Parce qu'il fallait dire la vérité, il fallait dire haut et fort que Ghofrane avait été lapidée. On ne pouvait parler que de " lapidation " pour qualifier ce type de meurtre prémédité et exécuté " comme une sentence ".

Le procès des assassins de Ghofrane aura lieu les 10,11,12,13 avril prochains aux assises des mineurs d'Aix en Provence. Un grand rassemblement est prévu le 13 avril à partir de 18h devant cette Cour d'Assise du Palais Montclar, rue Peiresc.

" Le plus important pour moi, dit Monia Haddaoui, c'est la qualification du crime. Il faut que les assassins soient jugés pour ce qu'ils ont commis, c'est-à-dire, un acte de barbarie. "

Le livre de Monia Haddaoui, écrit avec la collaboration d'Anne Bécart, est paru en février 2007. Il a été publié aux éditions " Des femmes-Antoinette Fouque " avec la participation de l'Institut de la Méditerranée

Comité de soutien pour "Ghofrane"

Brigitte Bré Bayle

7.2 - Qui connaît Madame Royal ?, d'Eric Besson

Aux éditions Grasset

Eric Besson était député socialiste de la Drôme, chargé du chiffrage, pour le compte du Parti socialiste, du programme de la candidate Ségolène Royal. Entré au PS en 1993, après une terrible défaite, il n'a pas le parcours classique de l'apparatchik socialiste. Il n'a pas fait l'ENA. Il a monté un ensemble de projets, créer des boîtes, travaillé avec Messier, il était contre les 35 heures, et se réclame d'une culture d'entreprise. Il souhaitait que Delors soit le candidat du PS en 1995, il aime bien Rocard, et était favorable à la candidature de Lionel Jospin pour les présidentielles 2007.

C'est ce garçon, au coeur du dispositif de campagne de Ségolène Royal, qui craque, le 15 février, en secrétariat national, ne supportant plus le discours de campagne de Ségolène Royal, les changements réguliers d'orientation, le mépris des réalités économiques et la culture paranoïaque de son entourage. Attaché à l'indépendance énergétique de la France, il a du mal à encaisser que la candidate signe - comme bien d'autres - le pacte écologique de Nicolas Hulot, qui revient à détruire la filière nucléaire française, sans aucun débat interne. Mais le détonateur, pour lui, est un discours de Mauroy, qui raconte que les socialistes ne doivent pas être prisonniers de l'économie. Il claque donc la porte, et annonce sa démission de l'équipe de campagne.

Il ne sait pas encore qu'il va aller plus loin. Immédiatement, il est violemment attaqué, et salit, en off, par quelques " camarades " de son parti, y compris sur sa vie privée. C'est la goutte d'eau, qui déclenche une rupture beaucoup plus profonde. Effrayé par la personnalité de la candidate socialiste, effaré par ses multiples volte-face, au gré des sondages, épouvanté par des propos qu'il qualifie de démagogiques, il découvre tout simplement qu'il n'a pas envie que Ségolène Royal devienne présidente de la République, et gouverne avec l'équipe qui l'entoure.

Il considère qu'une telle victoire serait une double catastrophe : pour le Parti socialiste, et pour la France.

Il va plus donc plus loin que la simple démission du secrétariat national, il quitte le PS, annonce aux militants socialistes de la Drôme qu'il ne postulera pas aux prochaines législatives, et publie ce livre à charge contre la candidate socialiste, sous la forme d'un entretien avec le journaliste du " Nouvel Observateur " Claude Askolovitch.

Eric Besson a écrit des passages du programme du Parti socialiste, et a chargé violemment Nicolas Sarkozy. Il parait sceptique sur la réalité de certaines attaques, et a envoyé une lettre d'excuse au candidat de l'UMP, dont il a l'honnêteté de dire qu'il lui trouve des qualités, et qu'il lui arrive d'être impressionné par son dynamisme.

Personnage complexe, issu de la mouvance catholique de gauche, jacobin intransigeant, il se réclame ouvertement d'une culture social-démocrate.

Il affirme qu'il ne remettrai jamais les pieds au parti socialiste, et qu'il militera peut-être à nouveau un jour dans un parti moderne, qui a assume son réformisme.

Tout au long d'un livre riche en anecdotes, même si on sent que l'auteur se retient d'en dire davantage, Eric Besson livre avec beaucoup de franchise le quotidien d'un député socialiste, ses rapports avec la presse, ses mensonges, ses doutes passés, son sens du devoir, les réalités des coulisses du Parti socialiste, la personnalité de François Hollande et de son entourage. S'il se cache, parfois mal, d'éprouver une véritable haine pour Ségolène Royal, il assume par contre très clairement sa volonté de ne pas voter pour elle, ni au premier tour, ni au deuxième, sauf si Le Pen était présent.

Dans une période où de nombreux électeurs n'ont pas encore fait un choix définitif, on ne peut ignorer qu'un tel livre est une aubaine, même si l'auteur s'en défend, pour Nicolas Sarkozy ou François Bayrou. De nombreux socialistes considéreront Eric Besson comme un traître qui rend service à l'ennemi.

Mais des lecteurs se féliciteront qu'un militant libre soit capable de claquer la porte de son parti, parce que les choses ne lui conviennent plus, et qu'il en exprime, en toute franchise, les raisons, surtout à un moment clé de la vie politique française.

Finalement, le livre d'Eric Besson est à Ségolène Royal ce que le livre du communautarisme Azouz Begag est à Sarkozy : une torpille venue de son propre camp.

Jeanne Bourdillon

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