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Rentrée sociale et politique: les enjeux

par Évariste
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Un seul slogan des médias à l’échelle internationale : “La crise est surmontée, la confiance revient, nous avons agit beaucoup plus vite qu’en 1929, la fin de la crise est proche”. Pourtant, seul l’effondrement bancaire et financier de septembre 2008 est stoppé grâce aux fonds publics et à l’épargne populaire.

En réalité, nous avons affaire à une stabilisation, précaire, à un niveau économique moindre qu’avant la crise, mais les conséquences sociales sont terribles. Pour exemple : alors que le Pôle emploi prévoit 639.000 chômeurs de plus en France pendant l’année 2009, si nous comptons toutes les catégories de demandeurs d’emploi, nous serons en fait plutôt entre 800.000 et 1 million de chômeurs supplémentaires. Un autre exemple est celui de l’affaissement du pouvoir d’achat pour une partie importante du salariat, avec un début de spoliation de son épargne.

L’avenir sera donc lié, d’une part, aux prochaines bulles spéculatives qui ne manqueront pas d’exploser, vu que les dirigeants du monde n’ont pas touché aux causes réelles de la crise qui a démarré à l’été 2007 (et donc bien avant le krach bancaire et financier). Ces mêmes causes produiront donc les mêmes effets, mais seront également liées au niveau d’acceptation et de réaction des salariés face à la nouvelle période.

D’autre part, au niveau européen, le résultat du vote des Irlandais au traité de Lisbonne pèsera sur la suite de la construction européenne.

Quant à l’hexagone : la rentrée sociale sera marquée, entre autres, par la riposte sociale contre la privatisation de la Poste. Le comité national contre sa privatisation, pour un débat public et pour un référendum, organise une votation citoyenne le samedi 3 octobre 2009. Il n’est pas impossible que l’unité qui règne dans le mouvement syndical à la Poste entraîne un mouvement de grève important et les fédérations des élus PS, PC et Verts semblent décidées à se mobiliser pour la votation citoyenne. Des motions en ce sens seront débattues dans les conseils municipaux à leur séance de septembre. C’est la tâche N°1.

L’importance des débats du 49e congrès national de la Confédération générale du travail (CGT), prévu en décembre 2009, donnera des indications sur les évolutions en cours dans la première centrale syndicale française. La politique anti-sociale, prévue dans le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale, risque de susciter dès la deuxième quinzaine d’octobre des débats houleux. Et il faut que cela le soit ! C’est la tâche N°2.

Pour le champ politique, la préparation des élections régionales de mars 2010 va accaparer toutes les énergies. Le débat sur le maintien ou l’élargissement du Front de gauche au NPA va avoir quelque importance. Il sera beaucoup lié au fait de savoir si le Front de gauche proposera uniquement des majorités techniques (non participation aux exécutifs régionaux, promesse de vote pour faire élire un exécutif de gauche, indépendance des votes ensuite) au Parti socialiste et aux écologistes pour battre la droite, ou s’il acceptera une majorité de gestion (promesse de solidarité de vote) avec eux. Il va sans dire que la donne ne peut changer que si il y a élargissement « le plus large possible » du Front de gauche (avec le NPA mais aussi au-delà), seule possibilité pour que la gauche de la gauche puisse passer en tête de cette même gauche au premier tour. Pour cela, il faut que l’accord puisse se faire autour des majorités techniques. Tout autre solution redonnera les mains libres aux sociaux libéraux et écolo-libéraux, et donnera une chance supplémentaire à la droite néolibérale qui est en train de faire un tour de force pour s’allier de façon pragmatique avec Chasse, Pêche, Nature et Traditions et les amis de Philippe de Villiers. C’est la tâche N°3.

Par ailleurs, il faut continuer à combattre la confusion idéologique et politique qui règne à gauche et qui l’empêche de combler le fossé qui s’est creusé entre les couches populaires (ouvriers, employés, représentant la moitié des ménages) lors des dernières élections du 7 juin dernier. Pour cela, il faut oeuvrer à une stratégie à front large : il est nécessaire de globaliser d’une manière anticapitaliste claire les combats sociaux, politiques, démocratiques, laïques, écologiques et féministes autour des réponses aux intérêts de ces couches populaires. C’est la tâche N°4.

Quand on regarde le contenu des universités d’été du PS, du PC, du PG, du NPA, de la Fédération, des Alternatifs, des écologistes, du MPEP, d’ATTAC, on remarque que les militants sont appelés à débattre de choses intéressantes en soi. Cependant, ils n’interviennent pratiquement pas sur l’éradication du chômage, sur la lutte contre la précarité, ou pour une protection sociale et des services publics solidaires, sur la laïcité, ou sur le problème des logements décents pour tous. Dommage !, car ce sont des solutions à ces difficultés qui intéressent les couches populaires (ouvriers, employés). Une campagne d’éducation populaire tournée vers l’action est sans doute nécessaire.

Voilà les quatre tâches que nous vous proposons à la rentrée. Pour en débattre, contactez-nous!

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La ligne du capitalisme se cristallise en temps de crise

par Évariste
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Alors que la crise mondiale poursuit sa lente, mais irrésistible progression, il est un fait notable : la ligne néolibérale reste et perdure (pas de pause estivale ! ). Et pour cause : tout système hégémonique poursuit sa logique propre et perdure jusqu’au bout de lui-même, au point de se détruire lui-même. Dans l’état actuel, la crise signe la fin du capitalisme, mais il entraîne avec lui des millions de victimes pris dans ses filets.

Au pouvoir depuis 2007, le président Sarkozy, moulé dans le paradigme bourgeois, n’a de cesse de poursuivre cette ligne désastreuse qui chaque jour livre d’avantage de vies en sacrifice aux logiques qui sont les siennes. Il semble qu’au jeu de l’économie de bout de chandelle, c’est la retraite des femmes qui est à présent dans le collimateur des néolibéraux, espérant que les calculs de coin de table permettront de retarder l’inéluctable confrontation avec la réalité matérielle et sociale des citoyens de ce pays.

Constatons également que, si le législateur est en train de gratter sur ce terrain pour des économies ridicules, il ne pense nullement à légiférer sur les hauts salaires. Et notons qu’il lui serait possible, rien qu’en imposant 10 employés de BNP Parisbas, de toucher 49,9 millions d’euros puisqu’il s’agit du montant des primes versé par la banque à seulement dix personnes. Mais là, rien ! Le choix éthique (donc politique) est clair : préserver le gain d’argent au détriment de millions d’individus. Ainsi, l’accumulation d’argent est reconnue et préservée pour ce qu’elle est, alors que la gestion et la dépense pour construire une vie meilleure à des millions de gens est réduite (écoles et instruction publiques, santé et retraites, infrastructures et communications, espaces de vie, etc. ).
Ainsi, constatons que la crise produit des réactions différentes suivant les individus : elle ne fait que cristalliser sur leurs positions les esprits amenés à être dépassés. Il est donc inutile d’attendre des néolibéraux, des capitalistes, mais aussi des passéistes de toute sorte, une quelconque ouverture vers un autre mode de fonctionnement que celui qui a été le leur. A des esprits neufs, ouverts (qu’ils soient dans des corps jeunes ou vieux ! ), les possibilités de construire une alternative au productivisme et au capitalisme, car ceux-là avec la crise auront la tendance à créer davantage, à regarder encore plus loin, à s’affranchir des limites des traditions politiques du XXème siècle devenues inadaptées.

Et nous aurons besoin de ces alternatives politiques, car au delà de cette crise structurelle, le capitalisme n’aura d’autre solution pour perdurer que d’employer la force, le sécuritaire, la violence, le liberticide. Et gageons que ses tenants n’hésiterons pas une seconde à suivre cette voie.

La haine du réel conduit à l’aberration

Le couple accumulation-production qui est, avec le gain d’argent, le socle existentiel du paradigme bourgeois, fonde le libéralisme et la poursuite de ses efforts effrénés dans une logique sans fin : le productivisme. La névrose est constatée, car dans son paradigme la production n’a d’autre finalité que l’accumulation pour « encore plus de productions », pour « encore plus de gains d’argent ». Dans quel but ?! Mais dans le but d’accumuler et de « produire encore plus ». Depuis la Révolution et l’avènement en France du paradigme bourgeois, le sens de la vie, sa finalité, sa réussite, son bonheur individuel et la constitution même d’une société, se mesurent aux seules valeurs connues et pratiquées par la bourgeoisie : produire, accumuler, gagner de l’argent, industrialiser et soumettre à l’ordre marchand. Le paradigme bourgeois est un réductionnisme complet de tout autre chose à l’économie (d’où son nom : économisme).

Névrose constitutive du productivisme, cette course folle produit les égarements les plus effarants : une financiarisation de l’économie (qui devient du vent, des chiffres boursiers sur des écrans d’ordinateurs) et une perte totale de finalité liée à l’existence humaine (puisque tournées exclusivement vers le matériel, le bien, la possession comme mesure de toute chose). L’Angleterre est, hélas !, le triste exemple d’un pays tout entier absorbé dans cette vision de monde, dans la culture et l’éthique néolibérale, dont le projet politique tatchérien ne fût que l’aboutissement, et tout cela au prix des existences et des souffrances humaines.

De fait, l’absence complète de liens éthiques avec le réel, avec le monde vivant, avec l’humain, conduit le système actuel à des conséquences gravissimes pour les individus : productivisme certes, mais uniquement pour produire le superflu au détriment du nécessaire, privant ainsi des centaines de millions de personnes sur la planète de ce qu’il faut pour vivre en les plongeant dans la misère. A cela, il faut ajouter l’organisation de la rareté, c’est-à-dire la suppression de ce qui est abondant, gratuit, disponible, pour servir la névrose du productivisme (industrialiser ou marchandiser toute chose sur la planète) et soumettre tout à l’économisme.

Les indices d’une telle névrose sont évidents : dans un même pays, les femmes qui sont mères (qui ont donc donné la vie à des enfants, permettant ainsi à une civilisation d’exister, à des liens sociaux de perdurer, au plaisir et à la créativité individuelle d’être des réalités à venir) sont la cible du système et voient leur retraite menacée. Et dans le même temps, 49,9 Millions d’euros de prime sont partagés entre seulement 10 employés de banque, c’est-à-dire des personnes qui ne font qu’aligner des chiffres et menacer la vie de millions d’autres ! Ce diagnostique signe la névrose du paradigme bourgeois, son désir de séparation d’avec les principes vitaux.

Partout, l’économisme, qui régit les 200 ans d’ère industrielle, tente d’imposer la marchandisation, car il ne connaît que ce principe économique pour comprendre la totalité du réel. Marchandisation des retraites, de l’éducation, de la santé, mais également du vivant, des plantes, de l’eau, et bientôt peut-être… de l’air ?!

Encore une fois, le constat est fait que la seule critique sur le plan économique inféode aux outils du néolibéralisme et à la vision des capitalistes : l’économisme qui sévit depuis deux siècles. S’enfermer dans la critique économique, c’est restreindre viscéralement tout projet politique dans ses capacités à dépasser le productivisme. Autrement dit, c’est rendre impossible la construction de ce qui va permettre de sortir de cette crise structurelle sans guerre ni désastre : un nouveau paradigme en accord avec le réel.

Unification des classes moyennes et des classes populaires

Dans le cadre d’une analyse de fond, il est bon de rappeler qu’aucune solution politique viable et constructive ne sera à même de voir le jour sans l’unification des aspirations des classes populaires et celles des classes moyennes. Deux solutions existent. Celle de l’ancienne tradition de gauche consistant à faire perdurer comme vision politique l’horizon des Trente Glorieuses, et qui dans les faits ne propose aucune alternative au productivisme, mais le retour à un ordre du monde antérieur (il faut noter que lorsque l’on parle des gens de droite ayant de telles orientations politiques, c’est le qualificatif de « réactionnaires » qui vient alors).

L’autre option, qui doit être la nôtre, est de grandir les aspirations des classes populaires et des classes moyennes, au sein d’un même projet politique capable de dépasser les termes imposés par le paradigme bourgeois. Cette union est une nécessité pour construire le projet de demain.

En d’autres termes, il n’y aura pas d’alternative politique ni de sortie de crise pacifique pour des millions de personnes tant qu’un projet politique se bâtira sur les valeurs travail, productivisme et accumulation fondatrices du paradigme bourgeois. Le Pacte Républicain est l’opportunité de lier les individus-citoyens dans un projet politique, non pour « gagner plus » ou « produire plus » ou « posséder plus », mais pour la construction commune d’un cadre de vie où chacun trouvera les possibilités de se construire une vie heureuse. Telles sont les bases à même de porter la nouvelle tradition politique de la gauche.

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Pour lutter contre l'intégrisme, faut-il commencer par baisser les bras ?

par Catherine Kintzler
http://www.mezetulle.net Auteur de "Qu'est-ce que la laïcité", publié chez Vrin, 2007. Pour réagir aux articles,
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Réponse à l’article de Farhad Khorsokhavar « Ce que la burqa nous voile » (Le Monde 1er août 09)

Pendant la suspension estivale des travaux de la Commission d’information parlementaire sur le port de la burqa, une campagne “progressiste” de soutien à l’intégrisme islamiste commence à se répandre dans la presse. Après avoir minimisé le nombre de burqas en France (on s’alarme pour si peu !), elle a trouvé en l’article de Farhad Khorsokhavar “Ce que la burqa nous voile” un argument que les connaisseurs en dialectique apprécieront : l’antidote contre la burqa serait la banalisation et l’approbation du port du voile !

Une “loi sur la burqa” est-elle pensable ?

La campagne pro-burqa qui se déploie cet été se contentait jusqu’à présent de recourir à la minimisation. A quoi bon s’alarmer pour “367” burqas 1 ? A supposer que le port du voile intégral soit marginal (ce qui reste à prouver autrement qu’en sortant un chiffre du chapeau des RG) on en reste pantois : est-ce sur le nombre que le législateur doit décider de l’illégalité ? A ce compte, il faudrait abolir bien des délits ou infractions au motif de leur rareté. D’ailleurs, si les chiffres étaient à l’opposé de ceux qu’on nous sert, la conclusion n’aurait pas manqué d’être la même : si des dizaines de milliers de masques étaient portés sur la voie publique, une loi qui les interdirait serait présentée comme contraire aux moeurs établies, impopulaire et inutile.

Cette piètre argumentation vient d’être surclassée par Farhad Khosrokhavar dans un texte publié par Le Monde le 31 juillet (daté du 1er août) sous le titre “Ce que la loi sur la burqa nous voile”. En parlant de “loi sur la burqa”, le titre est déjà savoureux. L’auteur sait bien qu’il n’y a aucune loi sur la burqa, et qu’il ne saurait y en avoir. La loi est générale et si la burqa venait à être interdite, ce ne pourrait être qu’en vertu d’une disposition qui ne la vise pas en particulier - par exemple l’interdiction du port du masque sur la voie publique vaudrait aussi pour une cagoule type KKK. Mais peu importe, surtout dans un titre, de choisir le mot vrai : il faut choisir le mot accusateur, celui qui a déjà décidé que le législateur a des intentions “islamophobes”.

Lamentation moralisatrice sur le succès de la loi de 2004

Cependant, la première phrase du texte revient au réel : “La loi sur les insignes religieux de 2004 a établi la paix dans l’école publique”. On a bien lu, la loi de 2004 est un succès. Ce succès juridique ne peut être que moralement suspect : “elle a totalement délégitimé le foulard dans tout l’espace public, y compris dans la rue”, regrette l’auteur. On lui répondra que c’est faux, l’issue du procès Truchelut l’a amplement montré : le port de signes religieux est licite dans l’espace civil et n’est interdit que dans les espaces participant de l’autorité publique. Farhad Khosrokhavar ne l’ignore pas, et il précise sa pensée en invoquant la différence entre légitimité et légalité : légal certes, le port du voile souffre cependant d’un discrédit social diffus, c’est ainsi qu’il fallait comprendre le terme de “délégitimation”.

Traduisons cette pleurnicherie moralisatrice en termes vulgaires : le voile porté dans la rue se fait parfois regarder de travers, et ce n’est pas bien. Il ne suffit pas à Farhad Khosrokhavar que le port du voile soit légal dans l’espace civil : il faudrait encore qu’il soit valorisé. Il ne lui suffit pas que la loi autorise une chose en ne l’interdisant pas : il faudrait encore que cette autorisation soit expressément l’objet d’un discours approbateur, il faudrait encore que la population, incitée par un discours public bienpensant, encense ce qui est autorisé. On est en plein ordre moral.

Sous la lamentation, l’analyse politique me semble juste. L’un des effets de la loi de 2004 a été, au-delà de son strict champ d’application, de stopper la banalisation du port du voile et de transformer celles qui le portent en militantes d’une pratique particulière de l’islam. Que les musulmanes ne portant pas le voile puissent être perçues comme majoritaires, banales, ordinaires, que les “grands frères” qui les accusent de légèreté soient à leur tour montrés du doigt, voilà effectivement une “délégitimation” déplaisante pour ceux qui approuvent le port du voile et qui veulent le re-banaliser en le présentant comme norme. Farhad Khosrokhavar ne se prive pas du plaisir de rappeler que, dans cette approbation et ce voeu de normalisation, il est en bonne compagnie : le président Obama, qui a pris une femme voilée comme conseillère, n’a-t-il pas compris, lui, que le voile est un phénomène religieux strictement individuel et nullement communautaire, encore moins fondamentaliste ? - il faut vraiment avoir mauvais esprit pour croire autre chose, et pour refuser de “bâtir un foulard républicain” (sic), un foulard “transformé” qui serait “affirmation de soi plutôt que soumission au patriarcat” (re-sic)!

La fuite des cerveaux voilés et l’appel à une laïcité submersible

Vient alors la plainte sur la fuite des cerveaux et des compétences. On ne sait pas ce qu’on perd en poussant hors de France “beaucoup de femmes portant le voile”, parce qu’on rend “leur vie religieuse et professionnelle infernale” (on se demande par quelles persécutions). L’auteur nous apprend que ces exilées sont les plus intelligentes, les plus diplômées et les plus riches. Dire de celles qui sont toujours en France qu’elles sont de pauvres idiotes serait injurieux, aussi Farhad Khosrokhavar use d’une circonlocution plus élégante : “Celles qui sont restées l’ont fait par manque de ressources intellectuelles ou économiques”.

Il poursuit sa lamentation : si seulement on pouvait reconnaître les mérites d’intellectuels “ambivalents” qui, comme Tariq Ramadan, savent concilier la carpe et le lapin, le fondamentalisme et l’anti-intégrisme ! Mais non, en France les musulmans en sont réduits à être soit fondamentalistes soit républicains ! Cela nous empêche de voir que la laïcité pourrait “être la figure de proue” d’un “nouveau système de valeurs” pourvu qu’elle accepte, bien entendu, de voir l’islam de l’intérieur.

Cela me fait voir en revanche clairement que Farhad Khosrokhavar est bien plus innovant qu’un militant de la “laïcité nouvelle” ou “plurielle” ou “positive” : il propose la laïcité noyée par une vision intériorisée des religions, figure de proue submersible sous un océan religeux “modernisé”. [ Haut de la page ]

Le voile, antidote contre la burqa : la maxime munichoise de la résistance molle à l’intégrisme et ses variations

Ceci n’est rien à côté de l’argument principal qui irrigue constamment l’article : pour lutter contre la burqa, rien ne vaut le port du voile. Au fil du texte, le raisonnement s’affine en une forme qui serait comique si elle n’était pas effarante : pour lutter contre le port de la burqa, il faut le tolérer, car l’interdire serait un signe d’arrogance franchouillarde. Superbe dialectique qui, à défaut de validité logique et de portée politique, s’offre sous des aspects variés.

Première variation, c’est l’invention d’un personnage rassurant : la femme voilée médiatrice auprès de la femme en burqa. On la retrouve un peu plus loin, déguisée en militaire résistant : “bastion contre ce type de religiosité sectaire”. L’auteur ne doute pas que la première puisse convaincre la seconde de quitter son masque et sa prison volontaires. Le raisonnement inverse n’est jamais évoqué : que la burqa puisse séduire des voilées en quête de pureté abnégatrice et de radicalité, que la banalisation du voile puisse “légitimer” l’extension de phénomènes de plus en plus sectaires, cela est exclu… et cela ne s’est jamais vu - j’ose à peine citer le contre-exemple des pays qui ont misé sur cette stratégie communautaire en laissant se développer une contagion réputée devoir s’éteindre d’elle-même. On ose à peine rappeler à Farhad Khosrokhavar que, effrayés par les effets de cette politique de laisser-aller, certains n’ont pas hésité récemment aux Pays-Bas à se tourner vers l’extrême-droite ; on préférerait qu’ils se tournent vers une solution de laïcité franchouillarde et arrogante.

Seconde variation, c’est une figure politique connue : la complicité des extrêmes. La “version dure de la laïcité” rend l’hyper-fondamentalisme plus attractif, prétend l’auteur. On aimerait savoir ce qu’il entend par laïcité “dure” et on voudrait rappeler encore une fois l’issue du procès Truchelut : la laïcité ne s’oppose pas aux manifestations religieuses dans la société civile. En revanche on comprend très bien qu’il propose une laïcité molle, douce pour l’intégrisme islamiste qu’il faut toujours commencer par accueillir sans broncher en attendant qu’il disparaisse de lui-même, aidé en cela par la bienfaisante action des médiatrices voilées. Méthode suivie avec le succès que l’on sait notamment par le Royaume-Uni et les Pays-Bas ; méthode testée pendant 15 ans en France pour le port des signes religieux à l’école publique approuvé par Lionel Jospin en 1989, au point qu’il a fallu voter une loi en 2004 pour en stopper la prolifération.

On comprend finalement très bien que, en proposant l’extension et l’approbation du voile comme antidote contre la burqa, Farhad Khosrokhavar révèle la troisième variation de son argumentation, ou plutôt sa forme fondamentale : c’est que pour lutter contre l’intégrisme religieux à visée politique hégémonique, il faut l’accepter avec bienveillance et en faciliter la propagation. On rappellera la maxime générale, de type munichois, de cette désastreuse stratégie : pour lutter contre un fascisme, il faut commencer par le méconnaître et par baisser les bras - toute forme directe de résistance relevant ici de l’arrogance franchouillarde.

© Catherine Kintzler, 2009

  1. Voir notamment l’éditorial du Monde “]
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Pourquoi faut-il se réjouir du limogeage de Tariq Ramadan par la ville de Rotterdam ?

par Mohamed Sifaoui
Journaliste, Ecrivain et Réalisateur. http://www.mohamed-sifaoui.com/ Pour réagir aux articles,
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Je n’ai pas pour habitude d’applaudir quand une personne est renvoyée de son poste de travail. Mais dans le cas de Tariq Ramadan, je n’ai aucun scrupule à la faire. Je tiens, avant toute chose, à le préciser : je n’ai aucun problème personnel avec cet individu qui se présente ou se laisse complaisamment présenté comme « islamologue », « universitaire », « spécialiste », « philosophe », mais qui n’assume jamais ses vrais engagements, ceux qui visent à introduire par la phraséologie occidentale et via le système de pensée européen, une idéologie que même des musulmans se doivent de combattre : je parle évidemment du salafisme (ou de l’islam politique) sous ses différentes variantes.

Naturellement, précisons-le tout de suite : Tariq Ramadan n’est pas Oussama Ben Laden et c’est la raison pour laquelle il a séduit des âmes en quête d’exotisme fréquentable. Il a réussi en effet à plaire à des Européens qui pensent que les sociétés musulmanes ne sont composées que de Ben Laden en puissance et qui ont vu en lui, la « perle rare » qui même lorsqu’elle s’emporte, vocifère comme on vocifère au bord du lac Léman et non pas comme on crie du côté du Nil. Certains européens ont cru déceler en lui le « modéré » qui même s’il ne condamne pas la lapidation des femmes adultères, même si sa propre épouse est voilée, même s’il diffuse la pensée des « Frères musulmans », même s’il n’a aucun scrupule à travailler pour un média financé par Ahmadinejad, même s’il ne dénonce jamais fermement et clairement le terrorisme, il ne menace pas et surtout, il ne tue pas. Oui je comprends qu’entre Hitler et Le Pen, on a tendance à préférer ce dernier, mais ce n’est pas une raison pour considérer le chef du Front national comme un chantre du progrès ou tel un « modéré ».

Mais de plus, ce qui m’a toujours troublé, c’est de constater, la mort dans l’âme, que la complaisance affichée à l’égard de Tariq Ramadan est venue davantage de mon camp politique, la gauche en l’occurrence, que des milieux politiques européens dits « conservateurs ». Il se trouve pourtant que Ramadan est un conservateur. Il est, pour le musulman que je suis, à ma droite, voire à mon extrême droite. Arrivera-t-on enfin à comprendre un jour que l’islam politique est aux musulmans ce qu’est l’extrême droite française à un électeur du Parti Socialiste ?

Incohérence suprême s’il en est, voilà comment la gauche européenne progressiste, laïque le plus souvent, généralement anticléricale, s’est accommodé d’un individu qui n’a eu de cesse de mettre « sa » vision de l’islam, « sa » religion, « son » idéologie, au centre du débat public. Je suis laïque de confession musulmane et je considère que la place de l’islam – comme celle des autres religions – doit être exclusivement dans le cœur des femmes et des hommes qui le choisissent comme croyance et certainement pas au cœur de la société. Je ne vais pas vous dire ici qui est Tariq Ramadan. J’ai eu l’occasion de réaliser une enquête journalistique qui lui a fortement déplu, mais qu’il n’a soi dit en passant jamais attaqué tant les affirmations qui y étaient contenues, ne souffraient d’aucune contrevérité, contrairement à ce qu’il cherchait à répandre un peu partout à l’époque, tout en surfant sur le discours victimaire, comme il sait le faire, et en se plaignant d’un reportage « à charge » que j’avais alors réalisé.

En vérité, mon reportage ne pouvait être qu’à « charge » comme le furent d’ailleurs la majorité des travaux journalistiques qui lui avaient été consacrés au cours des années passées et notamment le livre de Caroline Fourest intitulé « Frère Tariq » ou encore celui de Lionel Favrot : « Tariq Ramadan dévoilé », ou encore le reportage d’Alexandre Amiel, diffusé par Canal Plus. Hormis le fait de dire que Tariq Ramadan n’a pas de ceinture explosive autour de la taille et ne commandite pas d’opérations terroristes, je ne vois pas ce qu’on peut lui trouver de « sympathique » dans ce qu’il défend comme idéologie.

Je me rappelle qu’au début de mon enquête, je m’étais rendu à Genève pour y rencontrer Charles Genequand, le doyen de l’université qui fut aussi le directeur de thèse de Tariq Ramadan. J’ai compris très vite que cet universitaire très respecté n’avait pas gardé une très bonne image de son étudiant. Il m’expliqua alors qu’il avait refusé sa thèse de doctorat parce qu’elle était apologétique à l’égard de Hassan Al-Banna. Évidemment, Ramadan n’est pas de ceux qui travaillent « à charge » notamment lorsqu’il s’agit, pour lui, de critiquer sa chapelle d’origine, celle des « Frères musulmans », fondée par son grand-père, exportée, entre autres, par son père en Europe et entretenue aujourd’hui par lui-même, d’une manière fort intelligente, et par son frère Hani Ramadan d’une façon plus abrupte.

Oui Tariq Ramadan est un islamiste. Il est de ceux qui veulent que l’islam politique, la version européenne des Frères musulmans, infiltre les institutions, la société, les associations, les partis, les médias et j’en passe pour pouvoir peser sur ces mêmes sociétés, les « réformer » de l’intérieur, les islamiser ou les réislamiser, pour mieux les pervertir et les amener progressivement à accepter une vision moyenâgeuse de la religion musulmane. Alors naturellement si beaucoup ont compris la véritable nature du personnage, certains continuent à lui dérouler le tapis rouge, espérant ainsi – peut-être – domestiquer les islamistes « version light », pensent-ils. Mais l’islamisme est comme le Coca Cola, il est dangereux dans sa version hard, dans sa version light, et même dans sa version zéro. Tout simplement parce que l’islamisme fait partie de ces assemblages complexes qui savent mixer et dissoudre la matière pour en garder l’essentiel : un goût en apparence acceptable, mais des molécules qui, consommées, avec ou sans modération, peuvent se révéler désastreuses pour l’organisme.

Nos sociétés ont besoin d’un régime particulier dans lequel les religions, les dogmes moyenâgeux, les idéologies bellicistes et les pensées rétrogrades ne puissent guère avoir droit de cité. Je le dis et le répète : la place des religions est dans le cœur des femmes et des hommes qui le désirent et certainement pas au bout de leur langue à chaque fois qu’ils se réunissent en société. C’est d’autant plus nécessaire aujourd’hui que l’Europe a changé et qu’elle se retrouve métissée avec des identités différentes. Sa stabilité future dépendra de sa capacité à créer un climat de « vivre ensemble » dans le cadre d’un pacte républicain ou citoyen qui exclue les identités ethno-religieuses des sphères publiques pour les confiner dans la sphère privée.

Je l’affirme d’autant plus franchement que la montée d’une nouvelle xénophobie qui prend prétexte sur l’islamisme pour déverser sa haine contre TOUS les musulmans et TOUTES les personnes d’origine étrangère, se nourrit justement de gens comme Tariq Ramadan et consorts. Le discours de Tariq Ramadan est incontestablement avec la menace terroriste, les attentats, les affaires de voile, de burkini et de burka des générateurs de racisme. Et d’ailleurs, le raciste qui, hier disait : « l’Arabe est voleur », dit aujourd’hui : « le musulman est terroriste » ou encore « l’islamisme est l’islam et les musulmans sont TOUS des islamistes en puissance ». D’aucuns n’ignorent pas que les extrémistes se nourrissent entre eux et qu’ils savent tels des vautours et des charognards trouver chacun sa part dans cette proie, désormais facile, qu’est la société démocratique. Dans le nouveau discours raciste, il est dit aux musulmans, en substance, vous êtes tous des Ben Laden, ou à tout le moins des Tariq Ramadan, donc vous êtes tous dangereux. Et derrière cette idée, il y a naturellement une conséquence inéluctable et non assumée entièrement pour l’instant : TOUS les musulmans à la mer !

C’est dire que si les démocraties décident de travailler avec des idéologues comme Tariq Ramadan, elles ne régleront pas la question de l’islamisme, elles l’aggraveront et elles aggraveront également les racismes. Elles les accentueront par un effet de spirale interminable qui conduira le citoyen européen à se sentir en danger, à rejeter l’autre et à provoquer par conséquent l’exclusion et l’auto-exclusion qui elle-même jettera beaucoup de personnes dans les bras de l’islamisme qui sera perçu comme refuge.

Les musulmans croyants dans les valeurs universelles – qui d’ailleurs ne sont guère en contradiction avec le corpus islamique – ceux qui tiennent à la démocratie et aux droits de l’homme comme valeurs essentielles, ceux qui pensent que l’intégrisme est en train de ronger leur religion ou la religion de leurs parents et ceux qui s’estiment aujourd’hui citoyen européen, doivent bannir l’islam politique, le salafisme, l’obscurantisme et les idéologues qui font la promotion de ces idées nauséabondes, inacceptables pour un monde moderne, et qui font passer l’islam aujourd’hui, aux yeux d’une partie de la planète, pour la religion la plus rétrograde, la plus débile et la plus violente qui puisse exister de nos jours. Les musulmans doivent aujourd’hui se révolter, mais pas contre l’Amérique ou Israël ni contre la Russie ou l’Europe, ils doivent se révolter contre leurs propres démons, leurs fanatiques, leurs extrémistes, leurs salafistes et leurs intégristes.

Nous ne pouvons pas vivre avec les idées défendues par Tariq Ramadan et, je dirai, nous ne pourrons pas vivre en Europe avec les idées défendues par Tariq Ramadan. Le communautarisme n’est pas une solution non plus, ou alors c’est parfois une solution temporaire dans certains pays, mais qui montrera ses limites un jour où l’autre. Le relativisme culturel est une forme cachée d’un racisme mondain qui ne veut pas se révéler. Et les concepts qui alimentent le « choc des civilisations » sont dangereux, idiots et doivent être dénoncés par toutes les femmes et les hommes de bonne volonté, et ce, quelles que soient leurs croyances ou leur non-croyance.
Tariq Ramadan, très soucieux de son image, n’aimera pas ce texte et c’est tant mieux. Parce que nous défendons deux projets radicalement opposés et deux idées aux antipodes l’une de l’autre, il n’y a même pas un débat possible avec lui et ses semblables. Parce que ces gens-là, il ne faut pas discuter avec eux, il faut les combattre ! Et ce que je dis là, je le pense tellement que je ne cesserai de le crier. Et comme dirait tout réalisateur, ce ne sera pas coupé au montage !

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Le Rapport Apparu et le Rapport Descoings : Le Lycée à l'heure de l'économie de la connaissance

par Marie Perret
membre du Secrétariat National de l'UFAL et responsable de son secteur école Pour réagir aux articles,
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Le 5 juillet 2007, le Président de la République adressait au Ministre de l’Éducation Nationale une lettre de mission en vue de la réforme du lycée général et technologique. Jean-Paul de Gaudemar, recteur de l’Académie d’Aix-Marseille, ancien directeur général de l’enseignement scolaire, se vit alors confier une mission de consultation qui déboucha, en juin 2008, sur la signature de « points de convergence sur les objectifs et les principes directeurs » de la réforme du lycée. Sur la base de ce texte, Xavier Darcos rendait public le 22 octobre 2008 le projet de la nouvelle Seconde, projet qui était destiné à entrer en vigueur dès la rentrée 2009. Devant les résistances que ce projet suscita, ce dernier fut contraint de reculer et de suspendre sa mise en œuvre. C’est dans ce contexte et dans une volonté d’apaisement que Richard Descoings s’est vu confier, le 12 janvier dernier, une « mission de concertation » sur le sujet. Dans la foulée, la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale constituait une mission d’information sur la réforme du lycée, mission présidée par Yves Durand et dont le rapporteur est Benoist Apparu. Les deux rapports, le rapport Descoings et le rapport de la mission d’information, ont été rendus publics à quelques jours d’intervalle, respectivement le 29 mai et le 2 juin.

Les deux rapports divergent par leur style : le rapport Descoings adopte une rhétorique managériale, volontiers consensuelle et sédative; dans une présentation très « powerpoint », chamarrée de bulles renfermant des citations, le rapport sait prendre des accents volontaristes et lyriques, en maniant le registre épidictique du discours. Le rapport Apparu est beaucoup moins prudent et bien moins consensuel : son style est d’inspiration gestionnaire, dressant des bilans statistiques et économiques au service d’une mesure quantitative de l’éducation. Si les deux rapports divergent par leur style et leurs contenus (au sujet de la semestrialisation, de la refonte des filières et du statut de la voie technologique), ils convergent néanmoins autour d’un but commun : déscolariser l’école. À la lecture de ces deux rapports, on a le sentiment qu’ils sont non seulement compatibles, mais que l’un joue le rôle de fer de lance qui permettra au second de passer plus facilement dans l’opinion. Sur les questions les plus polémiques, le rapport Descoings fait un pas de côté ; sur les questions les plus décisives, le rapport Apparu accomplit le pas supplémentaire qui lui attirera toutes les critiques.

1 - Une méthode de concertation entretenant la confusion

La rédaction s’inspire de concertations avec des lycéens, des professeurs et des membres de l’administration du lycée, concertations qui concentrent à l’avance toutes les critiques de l’école comme lieu de transmission des savoirs. L’élève et les acteurs sondés par la concertation jouent ici une partition soigneusement préparée à l’avance : ces protagonistes ont des « exigences », des « besoins », des « attentes » qui s’accordent comme par miracle aux réformes de l’Éducation Nationale voulues dans le cadre d’une politique gestionnaire visant à faire rentrer l’éducation dans l’économie de la connaissance. Ce tour de passe-passe rend possible l’entreprise de légitimation de la réforme, dont le rapport Descoings a besoin pour s’imposer dans l’opinion publique. Compte tenu des oppositions à la réforme Darcos exprimées à l’automne 2008 et de son abandon, Richard Descoings cultive non sans habileté le pragmatisme, faisant l’éloge du terrain, paré de toutes les vertus. Cela n’est pas sans rappeler les pièges de la démocratie participative qui permet au pouvoir d’éviter l’impopularité en se donnant une image positive auprès de l’opinion. Mais il est singulier que les tables rondes organisées dans le cadre de la commission Apparu et les citations d’élèves ou d’enseignants qui émaillent le rapport Descoings parlent souvent à l’unisson : tout se passe comme si le dialogue tant valorisé n’était qu’un long monologue chantant la nécessaire mise au pas de l’école par les exigences de la société. Du terrain en apparence bigarré on passe au terrain pré-conquis du gestionnaire, d’un ton gris monochrome.
Cette méthode participative entretient alors des régimes de confusion qui servent les intérêts d’une réforme de l’école comme lieu de l’instruction : il dresse des constats et habille les diagnostics en principes ; il déguise les opinions en axiomatique. Ainsi les principes de l’axiomatique scolaire (transmettre des savoirs à des sujets de savoirs par des professeurs compétents, dans le cadre d’une institution qui assure le lien entre élèves et professeurs) apparaissent dans le rapport Descoings sous la rubrique « diagnostic », à titre d’« objectif » ; ce même rapport entend ne pas être au service d’une « idée a priori » du lycée mais partir du terrain. Or, pour nos réformateurs, partir ainsi du terrain revient à quitter le plan des principes dénaturés en simples opinions, voire préjugés - le droit est alors confondu avec le fait. Une telle méthode de concertation ne se règle donc plus sur une idée claire du lycée axé autour de l’instruction et des savoirs ordonnés à la libération intellectuelle des élèves.
En outre, la méthode use d’un mécanisme de projection élémentaire : on projette sur les acteurs du lycée des désirs que l’on entretient, sollicite et sélectionne habilement. Ainsi, pour répondre aux « fortes demandes » des lycéens et des adultes, on apprendra au lycéen à rédiger CV et lettres de motivation1  - cela sera toujours plus utile que les belles lettres.

2 - Le destinataire de la réforme

Les deux rapports, créant par leur fonction même les organes dont ils ont besoin pour réformer l’école, sollicitent une image d’Épinal de l’élève, tantôt jeune, tantôt jeune adulte, parfois anxieux, désireux de s’impliquer davantage dans la vie du lycée2 et de décloisonner l’institution, volontiers rebelle mais épris de beaux sentiments, ayant « le sentiment d’être humilié par un système qu’il ne comprend pas et dont il pense qu’on le traite de façon anonyme sans l’associer aux décisions ». Il n’est plus question d’un sujet de savoir mais d’un jeune travaillé par des pulsions narcissiques qui s’étayent sur des besoins pédagogiques distincts, polymorphes - on n’osera pas dire pervers. La pulsion du jeune s’étaye d’abord sur l’oralité : l’élève a besoin de s’exprimer et le cours doit répondre à ce besoin - on organisera des débats et on lui apprendra la rhétorique pour ménager à cette pulsion un espace dans lequel elle pourra se décharger. L’oralité prendra alors la forme d’un épanchement : le lycéen pourra enfin parler aux professeurs « à cœur ouvert ». Un professeur référent sera le confident bienveillant de ses craintes, de ses espoirs et de ses attentes, le professeur principal n’y suffisant plus. En outre, et dans le même ordre d’idées, les jeunes réclament un étayage par proximité pédagogique, l’enseignement devant prendre une forme nouvelle qui est celle du « cote à cote » (A, 30), selon la terminologie de Meirieu, ici figure de caution intellectuelle, à droite comme à gauche, et figure de proue du pédagogisme innovant : le sens de la distance si propice à l’autonomie intellectuelle est ici récusé, la proximité favorisant la lutte contre l’échec scolaire… Enfin, la pédagogie doit renforcer les motivations narcissiques de l’auto‑correction, nommée « auto-évaluation » du lycéen, dont les mérites et l’efficacité ne sont en rien démontrés.
Cet imaginaire du lycéen, soigneusement entretenu par le pouvoir, n’a évidemment d’autre but que de flatter le supposé narcissisme du lycéen pour mieux faire passer des réformes qui entendent faire de l’école un lieu ouvert sur la vie et au service de ses usagers.

3 - La déscolarisation de l’école et ses modalités d’exercice

Fin du lycée comme fin en soi.

Le ton est donné dans les deux rapports dès les premières pages : le rapport Apparu s’inscrit dans la logique de la stratégie de Lisbonne, se fixant comme objectif « l’exigence d’élévation du niveau de qualification portée par l’Union européenne depuis l’adoption par le Conseil européen, réuni à Lisbonne en mars 2000» (A, 11). Cette élévation du niveau de qualification « constitue un impératif économique, social et politique » (A, 6).
Cette stratégie vise à faire de l’Europe rien de moins que « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde » (A, 11). La fin justifiant les moyens, le rapport Apparu préconise de « passer du lycée conçu exclusivement comme une fin en soi au lycée préparant ses élèves à l’enseignement supérieur » (A, 9). À la question « à quoi doit servir le lycée ? », la réponse est on ne peut plus claire : il ne s’agit pas d’émanciper, de disposer des connaissances libérant l’esprit de tutelles étrangères (société, famille, État), mais de répondre aux « besoins de la société et de l’économie en connaissances et en compétences [qui] n’ont cessé d’augmenter » (A, 10). La formule économie en connaissances est d’une équivocité savoureuse : cette marchandisation du savoir risque fort d’avoir pour effet un allègement des savoirs transmis au lycée3 .
Des propos de lycéens ou de professeurs servent cette vision instrumentale de l’école, qui doit préparer au travail salarié, « les jeunes ne connaissant pas le monde du travail » (D, 30). Les savoirs sont sommés de se suturer à l’injonction de l’utilité économique et sociale : les contenus de connaissances ne peuvent plus se permettre d’être désintéressés ; la raison économique presse avant l’ordre des raisons du jugement. Car il faut faire des soldats du bon ordre social et professionnel : le marché du travail et la compétitivité économique doivent fabriquer des esprits obéissants et serviles.
Certes, il ne s’agit pas dans cette analyse des deux rapports de tomber dans le piège de ce que Hegel nommait « la mauvaise abstraction » : il est indispensable que l’école place au cœur de son programme d’enseignement la connaissance du monde et de ses mécanismes économiques : doit-elle pour autant être à son service ?4
Le traitement de la question du redoublement est symptomatique de cette contre‑réforme scolaire : au nom d’une bonne gestion des dépenses publiques, on soulignera que le redoublement a un coût. Dans un souci d’économie qui fait fi des vertus du redoublement, le rapport Apparu préconise un sas de rattrapage l’été pour éviter « les échecs qui se chiffrent en millions d’euros ». On est ici très loin des difficultés rencontrées par un élève dans son apprentissage, mais au plus près du portefeuille du bon père de famille. L’élève est une marchandise qui a une valeur d’échange, et le professeur, apportant une « plus value pédagogique » (A, 45), est un prestataire de services qui doit éviter la dépense en pure perte, le redoublement s’apparentant à un « gâchis humain et financier » (A, 28).

Attaques contre les programmes, l’évaluation et l’examen national

Pour en finir avec l’école républicaine, fondée sur la transmission de savoirs libérateurs et garantie par l’organisation d’un examen national, les réformateurs accusent l’école de tous les maux : les programmes et leurs contenus, déclarés sans réelle justification « épuisants », sont des obstacles à la nouvelle économie de la connaissance, « freinant l’émergence des têtes pensantes dont la France a besoin pour sa croissance » (A, 33). Il faut passer à une école allégée en horaires disciplinaires, moins « magistrale », afin de constituer un corps d’élèves en bonne santé soluble dans le nouvel ordre économique européen. On incitera les élèves à pratiquer des stages en entreprise. On encouragera ainsi, dans une formule sibylline, « les talents d’autonomie »5 en favorisant une pédagogie personnalisée supposée contribuer à l’apprentissage de la liberté - sans tenir compte, à aucun moment, des réserves qui ont pu être formalisées à l’égard des TPE, désormais érigés en modèle qu’il convient de généraliser. Que vaut en effet l’autonomie si elle n’est pas articulée par des savoirs ? La liberté pédagogique risque bien d’être le siège d’une fabrique d’illusions.
L’évaluation, concentrant toutes les ringardises, est accusée d’entretenir l’anxiété, la peur et l’échec : la notation, comprise seulement comme une punition toujours mauvaise et d’essence maligne, doit reculer devant… l’auto-évaluation, plus réconfortante. Les attaques contre l’élitisme de l’école vont bon train, sans poser la question conséquente de savoir quels principes autres que le mérite et la réussite scolaire peuvent justifier l’obtention d’un examen et l’accès à des filières d’excellence. Faudra-t-il remplacer alors le mérite par l’argent ? Par la bonne nature bien disposée socialement ? Par le coefficient de sympathie de l’élève ? Par la vertu de l’âme charitable ?
Enfin le baccalauréat lui-même est à nouveau remis en cause dans son principe, au motif spécieux qu’une réforme du lycée entraîne nécessairement une réforme de la modalité de l’évaluation au baccalauréat6 : est alors préconisée par le rapport Apparu une extension du contrôle continu aux langues vivantes et à certains enseignements de spécialisation.

Pour la promotion de la belle âme charitable

Par goût du paradoxe peu subtil fonctionnant tel un slogan publicitaire, les réformateurs ne craignent pas la contradiction : le mot d’ordre est donc celui d’une école moins scolaire, plus « humaine » et altruiste, moins « magistrale », valorisant les « goûts, choix et compétences autres que scolaires » (A, 14) 7 . D’où la promotion de la charité et des actions humanitaires du lycéen, habité par une bonne conscience écologique, humanitaire et sociale : au désengagement social de l’État hors de l’école doit répondre à l’école la belle âme sociale du lycéen, prêt à collecter des denrées et des vivres. À quand l’épreuve herculéenne du sac de riz sur l’épaule en échange d’une bonne note ?8
La charité bien ordonnée se fait alors sur le dos des savoirs, et prépare les esprits à régresser du droit fiscal à la moraline privée, dans l’air du temps, la charité individuelle tendant à se substituer au principe de solidarité.

4 - De la scholè au labeur

Il apparaît donc qu’à la lecture des deux rapports le temps et l’espace scolaires sont inféodés à ceux de la société : l’école est pensée comme le lieu de tous les cloisonnements, et non plus comme un lieu d’instruction qui par nature doit échapper aux contraintes des besoins économiques, sociaux et politiques. Une logique de structure chiasmatique apparaît clairement : l’économico-social doit s’inscrire dans le scolaire, au point de le nier ; le scolaire doit contaminer ce qui échappait à son emprise - les vacances, les loisirs, les activités associatives et extra-scolaires. On n’est alors plus surpris de voir le rapport Descoings aménager à l’école… le droit pour le lycéen de sortir de l’école9 - l’école finit par aménager le droit de se suspendre elle-même.
L’espace de la scholè, du loisir studieux à l’abri de la rumeur du monde, arraché aux exigences socio-économiques, garant de l’émancipation intellectuelle, est phagocyté par le travail au sens d’une activité économiquement rentable. Pour reprendre la terminologie de Descoings, le negotium, la vie laborieuse économique, est mis sur le même plan que l’otium, le loisir, temps arraché à la satisfaction des besoins et distinct de l’amusement et du jeu. Les deux rapports entretiennent volontairement l’amalgame. En témoigne ce constat, qui prend la forme d’une comparaison sans appel confondant deux régimes d’activités : « il y a un hiatus entre la société qui met avant les 35 heures et les exigences des lycéens dont l’activité dépasse souvent les 50 heures d’activité » (A, 31). Cette mise au pas du temps scolaire par le temps du travail salarié fait perdre l’essence de la scholè. Ce qui se joue ici est la constitution d’un temps économique uniforme et homogène auquel le lycée ne peut plus désormais échapper.

Perméable à la société civile et au monde du travail, ployant sous le bon-vouloir des gestionnaires et des supposées exigences des élèves et des acteurs de la vie scolaire, le lycée de demain pourrait bien peu à peu déscolariser les élèves. Dans ses Réflexions sur l’éducation, Kant évoquait deux obstacles à une authentique éducation : « premièrement les parents n’ont ordinairement souci que d’une chose, c’est que leurs enfants fassent bien leur chemin dans le monde, et deuxièmement, les princes ne considèrent leurs sujets que comme des instruments pour leurs desseins ». Il se pourrait bien que nos réformateurs soient à la fois princes et parents, ne nourrissant qu’un seul dessein : élever les enfants « en vue du monde actuel », « si corrompu qu’il soit », ajoute Kant.

Marie Perret et Romain Couderc

  1. Cf. Rapport Descoings, p. 63 - Les références au rapport Descoings sont notées (D, numéro de la page), celles au rapport Apparu sont notées (A, numéro de la page). []
  2. Décider, tel est le maître mot du lycéen : décider de tout et sur tout, y compris sur ce qui relève de compétences attachées à des métiers spécifiques : « Une nouvelle étape pour favoriser l’implication des lycéens dans la vie de l’établissement serait de les faire participer non plus à titre consultatif, mais à titre décisionnel, à la vie du lycée. La restauration scolaire, l’aide sociale, l’aménagement des espaces, l’organisation du temps scolaire, les éventuels travaux de rénovation et d’aménagement au sein de l’établissement, le fonctionnement du CDI, l’utilisation des locaux hors du temps scolaire, l’accueil des personnes en situation de handicap sont autant de domaines où l’intervention des lycéens peut être précieuse. » (Descoings, p.67) []
  3. Des universitaires et des chercheurs regroupés au sein du collectif « Printemps 2010 » ont montré le danger auquel ce nouveau paradigme du savoir expose la recherche et l’université : le savoir étant désormais sommé d’entrer dans ce que Marx appelait la « forme-marchandise », il s’agit de valoriser les connaissances et les compétences économiquement rentables dans le cadre du marché européen. []
  4. La confusion est entretenue, puisqu’on lit ainsi à propos de l’organisation de la classe de Seconde : « Il faut obliger l’élève à prendre conscience de l’importance des disciplines qui lui permettent soit de comprendre les mécanismes économiques et sociaux sur lesquels repose un pays développé, soit de s’initier aux savoirs-faire indispensables à la bonne marche des services de l’industrie » (A, 20) []
  5. « Pour mener à bien ce travail délicat de dépoussiérage de la notation, une réflexion devrait être menée avec les enseignants sur les critères qui pourraient être utilisés pour faire ressortir ce que l’on pourrait appeler « les talents d’autonomie » des élèves » (A, 37). []
  6. « Intellectuellement, une réforme du lycée qui ferait l’économie d’une réforme du bac serait une absurdité » (A, 38) []
  7. On lit aussi dans le rapport Descoings : « cette façon si scolaire d’être évalué » (D, 8 ) []
  8. « Les engagements à caractère associatif, citoyen, humanitaire et social méritent d’être reconnus de façon analogue dans l’espace-temps du lycée. Là aussi, un consensus existe sur l’énonciation du principe. Il se fragilise si l’on en tire les conséquences sur l’emploi du temps. Quoi de plus éloquent que d’entendre des lycéens témoigner du fait que des enseignants voient d’un mauvais oeil qu’ils participent à une réunion ou à un débat dans le cadre de leurs responsabilités au CVL, parce que cet engagement entre en concurrence avec l’heure de cours qu’ils devront d’ailleurs rattraper. La reconnaissance de cet engagement dans l’emploi du temps de l’élève, sa reconnaissance facultative aussi, par une appréciation sur le bulletin voire par des points supplémentaires au Bac ne seraient-ils pas pourtant en cohérence avec les finalités du lycée ? » (Descoings, p.19) []
  9. Cf. le droit au parcours atypique et à l’année de césure (D, 65) []
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La Bataille de la laïcité : 1944-2004

par Hakim Arabdiou Pour réagir aux articles,
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L’auteur, Guy Georges, ancien secrétaire général du Syndicat national des enseignants (SNI), relate dans son ouvrage la Bataille de la laïcité : 1944-2004 (éd. Sudel, Paris, 2008) ce que fut la chronologie et l’âpreté des luttes pour la défense l’Ecole publique et de son caractère laïque, menées de 1944 à 2004 par le SNI, la Fédération de l’Education nationale (FEN) et le Comité national d’action laïque (CNAL). Cette relation est effectuée à travers l’analyse de deux journaux syndicaux : L’Ecole libératrice, publication hebdomadaire du SNI, et Enseignement public, publication mensuel de la FEN.

On y apprend que dès la Libération une offensive globale, concertée et convergente contre la laïcité scolaire et l’Ecole publique avaient été déclenchée par l’Eglise catholique et le Vatican, offensive fermement soutenue par la droite et l’extrême droite.

Il s’agissait pour le parti clérical d’obtenir avant tout le financement de l’Ecole privée par les fonds publics, d’un statut de l’enseignement privé et du caractère d’un service public, tout en maintenant le « caractère propre » de cette Ecole, à savoir continuer à dispenser l’enseignement des matières et des activités spécifiques, avant tout catholiques.

Ce parti menait également sa lutte autour de deux autres axes. Le premier visait à dégrader la qualité de l’enseignement public, en le privant de moyens financiers, infrastructurels et humains, qui lui manquaient déjà cruellement ; tandis que l’Ecole privée se voyait octroyer des aides multiformes et croissantes par les pouvoirs publics.

Le deuxième avait été d’essayer de dépouiller d’école publique de son caractère laïque en réclamant l’introduction en son sein de cours de religion chrétienne et en s’adonnant au prosélytisme à travers les aumôneries dans les collèges et à travers les Paroisses universitaires dans les Ecoles normales, et si possible dans les Cours complémentaires.

Les Parlementaires laïques, de gauche pour l’essentiel, ont toutefois réussi en mai 1945 à faire supprimer partiellement le financement du privé, non sans que les parlementaires antilaïques de droite ne soient parvenus à y imposer plusieurs dérogations.

De leurs côtés, les forces syndicales et laïques, le SNI, la FEN et le CNAL, avaient réclamé la mise en œuvre des vastes plans Langevin-Wallon et de Le Gorgeu, de construction et de reconstruction des infrastructures scolaires publiques, de dotation en moyens matériels et humains, etc. Ils avaient également réclamé, dès 1944, l’abrogation des lois antilaïques d’enseignement, en premier lieu celles qui avaient été promulguées par le régime de Collaboration de Vichy, ainsi que la nationalisation des écoles privées.

A l’offensive du parti clérical, les forces progressistes ripostaient également par de fréquentes et immenses manifestations et grèves de protestation ; par des campagnes d’information permanentes tous azimuts ; par la tenue de colloques sur l’école et sur la laïcité ; par la commémoration grandiose des centenaires des lois laïques de la seconde moitié du XIXe siècle, instituant la gratuité, l’obligation et la laïcité de l’enseignement.

Le parti clérical a cependant atteint la plupart de ses objectifs au cours de ce dernier demi-siècle. Il en est ainsi de l’adoption en 1951 des lois Barangé et Marie qui ont permis d’octroyer des bourses d’études aux enfants inscrits dans les établissements scolaires privés, bourses très vite augmentées et étendues à d’autres catégories d’élèves de ce même enseignement.

L’espoir des forces laïques suscité par l’accession de la gauche au pouvoir, en 1956, fut vite déçu. En effet, elle n’avait abrogé que les lois antilaïques, votées depuis 1951, et non pas toutes les lois antilaïques, promulguée depuis le régime de Collaboration de Vichy.

La droite, revenue au pouvoir, fit voter la loi Debré le 31 décembre 1959 qui fait prendre en charge par l’Etat les salaires et les dépenses de fonctionnement des écoles privées. Celles-là mêmes qui, en retour, acceptent d’adopter les programmes, les examens et les diplômes en vigueur au ministère de l’Education nationale (contrat d’association). La même loi assure un financement partiel des écoles, qui ne souhaitent pas se soumettre aux conditions ci-dessous (contrat simple).

En réaction à cette remise en cause frontale de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905, portant séparation des Eglises et de l’Etat, près de 11 millions de Françaises et de Français avaient signé la pétition nationale pour l’abrogation de cette loi, lancée par 13 organisations syndicales, politiques ou laïques.

La loi Debré fut aggravée par la loi Guermeur, qui avait établi un contrat unique, nettement plus avantageux pour l’Ecole privée que les deux précédents. C’est ainsi qu’elle avait instauré la quasi-égalité de financement, de formation et de salaire de l’Ecole privée avec l’Ecole publique, mais sans que la première des deux ne soit soumise aux mêmes obligations que la seconde.

L’on assiste toutefois à des décantations au sein de l’Ecole privée à la fin des années 1960. C’est ainsi que la plupart des syndicats de l’Ecole privée (CFDT) se sont affiliés au SNI et à la FEN, et se sont montrés favorables aux revendications de ces deux syndicats ;  des revendications relatives à l’insertion des enseignants de l’Ecole privée dans l’Education nationale, à la nationalisation de cette Ecole, à son autonomie d’enseignement et son administration par rapport à l’Episcopat.

Mais la gauche, qui avait accédé au pouvoir en 1981, tergiverse et fait traîner les choses en longueur pour finalement conserver, pour l’essentiel, la législation antilaïque, héritée des divers gouvernements de droite.

Autre trahison de la laïcité au profit des intégristes, surtout musulman, à partir du début des années 1980, celle de la Ligue française de l’enseignement et de son Cercle Condorcet, dont la cheville ouvrière n’est autre que l’antilaïque Jean Baubérot. Elle sera bientôt suivie par le MRAP, la FCPE, etc. Cette trahison fut aussi celle du gouvernement de gauche, dont le ministre de l’Education nationale, Lionel Jospin, avait diffusé, en 1989, une circulaire antilaïque autorisant le port du hdijab à l’école publique laïque. Les islamistes n’avaient pas manqué de s’engouffrer dans cette importante brèche ; ce qui incita le gouvernement à mettre sur pied la commission Stasi, qui a recommandé la promulgation d’une loi interdisant les signes religieux à l’école. Ce fut celle du 15 mars 2004.

Combat féministe
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Olympe de Gouges, sa place est au Panthéon !

par Geneviève Fraisse Pour réagir aux articles,
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1748-1793 . Unique auteure d’une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, elle avait aussi à dénoncer l’esclavage dans les colonies françaises. En vain, elle invita les femmes à revendiquer l’égalité avec les hommes. Elle fut la pionnière d’un combat féministe qui est encore très loin aujourd’hui d’être achevé.

« Les plus extravagants assurent que mes ouvrages ne m’appartiennent pas, qu’il y a trop d’énergie et de connaissance des lois dans mes écrits pour qu’ils soient le travail d’une femme. »

Nous sommes en mai 1789, à l’aube de la Révolution, et Olympe de Gouges répond à ses calomniateurs. Pour l’heure, elle a notamment écrit sur l’esclavage des Noirs avec une pièce de théâtre qui attend d’être jouée au Théâtre Français. Deux ans plus tard, elle sera l’auteure de la désormais célèbre Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (septembre 1791). C’est vrai, ses détracteurs ont raison, il faut de l’énergie et de la connaissance pour « décalquer » la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Homme es-tu capable d’être juste ? C’est une femme qui t’en fait la question ; tu ne lui ôteras pas du moins ce droit. Dis-moi : qui t’a donné le souverain empire d’opprimer mon sexe ? » Dix-sept articles pour déclarer les droits de la femme que la Déclaration « universelle » n’a pas su prendre en compte ; puis un postambule qui commence par « Femme, réveille-toi ». À l’homme de penser authentiquement ce qui est juste, à la femme la nécessité de se révolter. Tout y est dans cette Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, l’énergie de la transgression et de la provocation autant que la connaissance précise du droit et de la politique, de l’histoire en train de se faire.

Oui, Olympe de Gouges écrit pour dénoncer l’esclavage dès les années 1780 (« Apprendra-t-on avec indifférence que je fus la première qui m’occupais du sort déplorable des Nègres ? »). Elle est très active sur la scène publique par ses multiples écrits. À ce titre, elle est une héroïne de la Révolution française car elle monte sur l’échafaud non pour sa naissance et son rang mais pour son engagement politique. Celui-ci a commencé avec ses réflexions sur les Noirs, ou sur l’« impôt volontaire », et elle l’a vécu au point d’y perdre la vie. Girondine, elle fut guillotinée en 1793. Voilà pour les faits qui lui donnent, depuis récemment, seulement, un nom propre dans l’histoire de la Révolution. Avoir un nom propre, dans l’histoire, cela ne va pas de soi ; encore plus, il faut continuer à le dire, si c’est une femme. Dans les livres scolaires de nos enfants, Olympe de Gouges voisine avec des femmes d’exception, Flora Tristan et George Sand pour le XIXe siècle. Les femmes restent des figures à part, regroupées sur une page de manuel.

La citation donnée plus haut est de mai 1789 ; poursuivons : « Pitoyables et ridicules calomniateurs, on vous a appris à lire… Vous en avez tiré de grandes connaissances, qui vous empêchent de reconnaître qu’à chaque ligne de mes écrits, on y trouve le cachet de l’ignorance ; mais cette ignorance n’est pas incompatible avec un génie naturel, et, sans le génie, que produit l’instruction ? » On peut être ignorant et génial, dit-elle. En effet, certains disent qu’elle ne savait pas écrire et qu’il lui fallait un porte-plume pour dicter ses idées ; d’autres disent que, si, elle savait écrire. Par-delà l’histoire personnelle d’Olympe, à la fois ignorante pour elle-même et savante pour ses ennemis, se lit l’histoire plus générale de ces femmes qui transgressent les règles, qui sautent les obstacles : qu’importe l’instruction, si la nécessité d’écrire et d’agir s’impose ?

Olympe de Gouges fut, certes, une pionnière, pour dénoncer l’esclavage des Noirs et l’oppression des femmes. Elle fut aussi une femme libre, consciente de sa transgression : « Ô mon pauvre sexe, ô femmes qui n’avez rien acquis dans cette Révolution des droits de la nature, et dans ce partage populaire, qui n’osez même pas égaler les hommes en travers d’esprit et d’imagination : imitez-moi, rendez-vous utiles » (mars 1792).

En quoi fut-elle utile, Olympe de Gouges ? Comme femme politique, comme femme girondine, à la fois monarchiste et démocrate, dit-elle. Oui, Olympe se réclame du centre et non de la gauche radicale. Mais c’est peut-être ce qui permet certaines libertés intellectuelles et politiques. J’ai montré dans Muse de la raison que la gauche révolutionnaire, sous la plume de Sylvain Maréchal (rédacteur du Manifeste des égaux de Babeuf), refusait de penser l’égalité des sexes (rêvant d’interdire aux femmes d’apprendre à lire…). C’est un paradoxe désormais bien connu que les plus révolutionnaires ne sont pas les plus féministes. C’est vrai pour aujourd’hui comme pour hier ; je sais ne pas plaire en écrivant cela.

Venons-en à la Déclaration :

« L’oubli ou le mépris » des droits des femmes : ainsi vient le malheur des peuples, nous dit-elle. L’oubli d’un côté, le mépris de l’autre, deux traits des difficultés de la démocratie à venir. Dans les deux cas, les femmes sont mises hors jeu. Impossible, dit-elle.

« L’administration nocturne des femmes » : ainsi vécut l’Ancien Régime. Le pouvoir d’influence fut la face cachée du pouvoir public de la monarchie, dit-on. Et ce peut l’être encore : de l’oreiller au salon, de la chambre nocturne à la mondanité des réceptions, les images de femmes intrigantes perdurent ; les images, ou la réalité ?

« Monter à l’échafaud, monter à la tribune » : si les femmes montent à l’échafaud, il faut qu’on les laisse monter à la tribune. Si l’équation entre l’échafaud et la tribune n’a, on l’espère, plus d’avenir historique, elle a un sens politique : qui fait l’histoire ? Qui est responsable des événements et de la marche du temps ? Celui, celle qui monte à l’échafaud, ou celui, celle, qui monte à la tribune ? Réduire la responsabilité des femmes à leur culpabilité (bonne pour l’échafaud) est une erreur historique. En écartant le droit à la tribune, citoyenneté, gouvernement, les femmes furent privées de l’exercice de leur raison et de leur pouvoir. Accusées d’être responsables des désordres du monde, les femmes peuvent être coupables, sans être acceptées comme de véritables actrices de l’histoire. Drôle de place dans la causalité historique !

Depuis vingt ans, les féministes réclament l’entrée d’Olympe de Gouges au Panthéon, monument des grands hommes. Il est sûr que sa Déclaration des droits de la femme est non seulement un geste historique remarquable, mais aussi l’invitation à une pensée rigoureuse de l’universel.

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Madhya Pradesh: mariage contre test de virginité

par Manju Das Pour réagir aux articles,
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Le 26 juin dernier, 151 femmes ont participé à un mariage de masse sponsorisé par l’Etat du Madhya Pradesh. L’accès à la cérémonie aurait été conditionné à un test de virginité. Les responsables locaux préfèrent parler de banal contrôle médical visant à déceler d’éventuelles grossesses chez des femmes attirées par l’aide du gouvernement” Etat du Madhya Pradesh propose femmes à marier. Virginité garantie.”

L’annonce aurait pu ressembler à cela. Le 26 juin dernier, 151 femmes issues de familles tribales pauvres ont participé à une cérémonie de mariage de masse à Shahdol, à 300km de Bhopal. Avant de partir à la recherche d’un conjoint, il leur a cependant fallu se soumettre à un test de virginité. Plusieurs semaines après, la polémique enfle.

Selon des témoignages rapportés par BBC News, les femmes ont patienté dans une file d’attente avant de subir un examen physique. Ce n’est qu’après qu’elles ont obtenu le badge d’accès à la cérémonie.
“J’ai d’abord refusé d’être examinée”, a expliqué une jeune femme présente ce jour là au quotidien The Hindustan Times “Mais un fonctionnaire m’a dit que je ne serais pas autorisée à pénétrer dans le hall de mariage si la gynécologue ne me déclarait pas admissible.” “Le médecin m’a examiné manuellement”, a-t-elle ajouté.

La gynécologue, qui exerce à l’hôpital de Shahdol, a refusé de s’exprimer.
La présidente de la Commission nationale pour les femmes, Girija Vyas, a qualifié l’événement “d’acte honteux et scandaleux qui ne peut pas être toléré dans une société saine”.

Le ministre du développement des ressources humaines (Human Resource Development), Kapil Sibal, considère pour sa part que cet événement « insulte les femmes et renvoie au 18ème siècle ».

Le Premier ministre de l’Etat du Madhya Pradesh BJP (Shivraj Singh Chouhan, a quant à lui nié l’existence de tels tests, évoquant “des examens médicaux de procédure”. Une version soutenue par un haut responsable du district, selon qui “le test était une mesure de précaution”. “L’année dernière, une femme avait accouché en pleine cérémonie”, a-t-il avancé. “Parce qu’il y a de l’argent en jeu beaucoup de femmes tentent d’abuser du système.”

Ce mariage de masse entrait dans le cadre d’un programme lancé en avril 2006 par le gouvernement de l’Etat du Madhya Pradesh, qui vise à venir en aide aux femmes célibataires dans l’incapacité de payer les frais de mariage. Le gouvernement verse en plus 6500 roupies (100€) à chacune d’elle. L’argument avancé par le gouvernement local du contrôle d’éventuelles grossesses semble d’autant plus étonnant que ce programme s’adresse également aux femmes divorcées, abandonnées ou veuves, par conséquent susceptibles d’avoir déjà eu des enfants.

Un budget de 385.000€ a été attribué à ce programme cette année. En trois ans, 88.460 mariages on été célébrés de cette façon dans les différents districts du Madhya Pradesh.

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Malka Marcovich : Il n'y a pas de quoi pavoiser

par Hakim Arabdiou Pour réagir aux articles,
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Malka Marcovich, historienne et auteure du livre les Nations désunies : l’ONU contre les droits de l’homme, a, au cours du meeting organisé par le MPCT le 7 mai dernier à Paris, axé son intervention sur la préparation et la tenue de la Conférence sur le racisme du 20-24 avril 2009, dite Durban II (Genève, Suisse) .

C’est ainsi que, nous apprend-elle, dès son avènement, en juin 2006, le Conseil des droits de l’homme, dominé par les régimes antidémocratiques, en particuliers ceux de l’Organisation de la conférence islamique, consacre ses deux premières résolutions à la lutte contre la diffamation des religions et à l’organisation d’une conférence internationale contre le racisme.

Le Comité préparatoire, que ce Conseil avait mis en place à cet effet, a adopté d’office, comme document de travail de la future conférence, les « normes complémentaires sur le racisme » et la définition de l’antisémitisme, telles que ces régimes les avaient définies, puis fait adopter à la Conférence mondiale sur le racisme de Durban, en Afrique du Sud, dite Durban I.

Le Conseil des droits de l’homme a également placé, selon elle, ce Comité sous la coupe de ces mêmes régimes tels que la Libye, l’Iran, le Pakistan, ou répressif comme Cuba. Bref, un verrouillage pour faire de la préparation et de la tenue des prochaines assises une simple formalité, auxquelles il leur faut néanmoins obtenir (aux yeux de leurs peuples, tant ils sont discrédités) la caution des pays démocratiques.

Malka Marcovich a également mis à nu un certain nombre d’idées, véhiculées par la presse et certains pays démocratiques, notamment la France, afin de légitimer, eux aussi, auprès de leurs opinions publiques respectives, leur participation à une rencontre sur un thème aussi sensible, mais où les dés étaient pipés.

C’est ainsi que le président, Nicolas Sarkozy, avait lancé, en février 2008, au dîner du CRIF, sa fameuse phrase sur la « ligne rouge », que les pays démocratiques ne laisseront pas dépasser. Il s’agit de l’antisémitisme, de la stigmatisation d’Israël, comme unique pays raciste, et de la suppression du forum des O.N.G, à cause de leur « hystérie antisémite » à Durban I.

Ce discours, prononcé devant une telle instance, ne fut pas moins, selon elle, contre-productif à plus d’un titre.

D’abord, comment peut-il être compris par l’opinion publique, autrement que le racisme antijuif et les atteintes à la liberté d’expression (contenus dans le rapport de Durban I et repris dans celui de Durban II) ne concernaient que la communauté juive de France, et non pas les peuples et les démocrates du monde entier.

Ensuite, ce slogan de « ligne rouge » sera brandi régulièrement pour apaiser les inquiétudes légitimes des O.N.G antiracistes par rapport à ce que les régimes autoritaires et leurs complices tramaient contre les droits des peuples. Ceci, en dépit également des réserves d’un nombre croissant de pays démocratiques, dont la plupart se sont retirés : Canada, États-Unis d’Amérique, Allemagne, Israël, Italie, Pays-Bas, Danemark, Australie, Nouvelle Zélande, Pologne, etc.

L’autre contre-vérité qui avait circulé, d’après elle, fut que le document de travail de Durban II n’avait plus rien à voir avec celui de Durban I, produits de graves dérives et de violences antisémites. Le texte de travail serait, paraît-il, consensuel entre les pays participants. Ce qui est loin d’être le cas, comme le montre l’intervenante.

La France se vante d’avoir supprimé dans ce document l’expression « diffamation des religions » et la condamnation d’Israël - comme unique pays raciste. Elle aurait cependant mieux fait de préciser qu’elle s’y opposait aussi bien dans ce document, que dans toutes les résolutions et conventions de l’O.N.U auxquelles renvoient ce texte de travail, et que ces mêmes régimes avaient fait adopter.
De plus, si les régimes autoritaires avaient accepté de telles suppressions, c’est parce qu’ils avaient obtenu en échange que les pays démocratiques acceptent de mentionner dans la résolution de Durban II la « haine des religions » ; et qu’ils renoncent à inclure la traite transsaharienne (l’esclavage pratiqué par des Africains et par l’empire arabo-musulman), l’esclavage contemporain, les droits des femmes (et pas seulement des migrantes), des homosexuels…
De même que la suppression du forum des O.N.G a été présentée comme une victoire des pays démocratiques, alors que cela a été une défaite pour les forces progressistes dans le monde. D’abord, parce qu’elle a porté atteinte à l’une des dispositions démocratiques de la Charte de l’O.N.U, relative au rôle consultatif des O.N.G, ensuite parce que les violences verbales et le discours antijuifs avait eu lieu aussi durant la rencontre des chefs d’États, qui se déroulait en même temps. Enfin, parce que cette mesure ne pouvait qu’être applaudie par les régimes, qui oppriment une partie de leurs populations : minorités ethniques, nationales, culturelle, les femmes, les homosexuels…

Ces régimes et les O.N.G, qui leurs sont inféodées, n’avaient manqué, d’après l’intervenante, de faire circuler la rumeur selon laquelle les associations juives sont responsables  de la suppression du forum des O.N.G, car les pays occidentaux protègent les Juifs (entendre seulement les Juifs) et Israël. C’est donc à cause d’elles, aussi, que les Tibétains en Chine, les femmes dans le monde… n’ont pas pu poser leurs problèmes. Un comble !
Ce texte est enfin illisible, car il renvoie à des résolutions de l’O.N.U, qui peuvent, elles-mêmes, renvoyer à d’autres résolutions, etc., ainsi qu’à des mécanismes onusiens très complexes.

Cela n’a pas empêché la France officielle de pavoiser à l’issue de cette rencontre.

Hakim Arabdiou

Cet article fait suite au “Meeting du 7 mai 2009, à Paris, sur les résultats de Durban II”. A lire également dans ce numéro: “Meeting sur Durban II : Fodé Sylla : « Ce fut un énorme gâchis »”.

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Meeting sur Durban II : Fodé Sylla : « Ce fut un énorme gâchis »

par Hakim Arabdiou Pour réagir aux articles,
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Fodé Sylla, membre du Conseil économique et social, fut l’ultime intervenant au meeting, organisé sur Durban II, le 7 mai dernier à Paris, par le Mouvement pour la paix et contre le terrorisme (M.P.C.T). L’intéressé a d’abord fait part de l’amertume avec laquelle ses camarades antiracistes et lui-même étaient revenus de la Conférence mondiale contre le racisme, qui s’était tenue, en août 2001, à Durban, en Afrique du Sud. Une conférence qui a été, selon lui, émaillée d’antisémitisme, ainsi que de violences verbales et parfois physiques à l’encontre de participants, du seul fait qu’ils étaient juifs.

Ses camarades et lui durent, a-t-il ajouté, essuyer également le reproche des uns de n’avoir « pas su » défendre les idéaux antiracistes, et des autres, celui de « dénigrer » une rencontre internationale autour d’un thème aussi « noble » que l’antiracisme, alors qu’ils n’avaient fait que rapporter fidèlement les graves incidents qui avaient eu lieu.

Il est tout aussi amère aujourd’hui des résultats de la Conférence, dite Durban II. C’est ainsi qu’il a porté à la connaissance du public le refus des hauts fonctionnaires du Quai d’Orsay de tenir compte, au cours d’une rencontre officieuse avec eux, des mises en garde réitérées que Malka Marcovich et lui-même…. leur avaient adressées sur l’inanité pour la France de participer à une telle conférence, tant les résultats désastreux de cette dernière étaient prévisibles.
Mais leurs interlocuteurs passèrent outre, car ils étaient « persuadés que c’était une question de communication », comme ils leur avaient répondu. Et qu’ils étaient de ce fait « persuadés qu’ils allaient gagner ». « Comme si, a-t-il ajouté, les présidents iranien ou libyen ne savent pas communiquer ; et qu’ils étaient encore au temps du télégraphe. »
Car, pour l’intervenant, la conférence en question fut un «énorme gâchis ». Sinon, comment peut-on qualifier des assises où les ONG des minorités avaient été « privées de parole face aux gouvernements qui les oppriment, et qui s’exprimaient librement » ; des assises où les pays démocratiques acceptent de ne pas évoquer les «droits bafoués des minorités ethniques, nationales, sexuelles ; et où les États-Unis d’Amérique refusent qu’on pose le problème de la réparation de 350 ans d’esclavage d’hommes et de femmes ». Car le « problème de l’identification des bénéficiaires d’éventuelles indemnisations ne doit pas, selon lui, constituer un obstacle insurmontable.  Pourquoi, a-t-il proposé, ne pas financer, avec les montants alloués, des associations travaillant à la prévention des conflits en Afrique, à la réinsertion des enfants-soldats… ? »

Fodé Sylla n’est pas non plus, comme il l’a précisé, du genre à se taire sur les méfaits du colonialisme ou de la question du peuple palestinien. Mais, de grâce, qu’on ne lui dise surtout pas que le président iranien, Ahmadinedjad, a défendu les Palestiniens dans le discours que celui-ci avait prononcé au cours de cette conférence. Ce n’est pas, selon lui, en « insultant d’autres peuples » qu’on parviendra à défendre le mieux les intérêts des Palestiniens. Ce discours n’est pour lui rien moins que de la démagogie électoraliste, que ce président avait fait sur le dos de ce peuple.

Il a conclu son intervention en proposant la publication d’un document contenant les revendications relatives aux droits humains, qui n’avaient pu aboutir à Durban II. Ce document constituera en même temps une sorte d’hommage aux combattants pour ces droits à travers le monde.

Cet article fait suite au “Meeting du 7 mai 2009, à Paris, sur les résultats de Durban II” ainsi qu’à “Malka Marcovich : Il n’y a pas de quoi pavoiser”,  présent dans ce numéro de ReSPUBLICA.

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Burger King: de la vache sacrée dans vos assiettes!

par Manju Das Pour réagir aux articles,
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La chaîne de restauration rapide Burger King a dû retirer une publicité dans trois de ses restaurants en Espagne à la suite d’une plainte déposée par association hindoue basée aux Etats-Unis, selon le Hindustan.

La publicité en question dépeignait la déesse hindoue Lakshmi assise sur un sandwich au bœuf, spécialité de la chaîne américaine, avec le slogan « un encas sacré », écrit en espagnol. De quoi déclencher la colère de la Foundation Hindoue Américaine (Hindu American Fondation), basée à Washington, qui dénonce « l’utilisation intentionnelle de symboles religieux sacrés à des fins purement commerciales ». Sans compter qu’associer Lakshmi à de la viande de bœuf est perçu comme un ultime blasphème dans la religion hindoue, dans laquelle la vache est considérée comme un animal sacré.

La direction de Burger King s’est excusé, hier, et a retiré la publicité, assurant que la chaîne n’avait « voulu blesser personne » « Burger King respecte les clients de toutes les communautés. Par respect pour la communauté hindoue, la publicité a été retirée des trois restaurants », a déclaré un porte-parole du groupe.

Burger King est présent dans 70 pays mais tarde encore à s’implanter en Inde