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Haro sur le Front de Gauche et Jean-Luc Mélenchon

par Évariste
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La campagne des présidentielles pour le Front de Gauche va être dure, entendons qu’on ne lui fera aucun cadeau et que tous les coups seront permis. Cela a déjà commencé et l’explication en est simple: l’oligarchie va avoir de plus en plus peur. Comment pourrait-il en être autrement si tous les repus d’une société sans pitié pour le plus grand nombre perdent, avec les révolutions arabes, les manifestations en Espagne sans précédent dans leurs revendications, les grèves générales reconduites régulièrement en Grèce… leurs certitudes que leur société, celle qui les gave, peut du jour au lendemain être remise en cause. Quel rapport avec le Front de Gauche ? Examinons ce qui se passe depuis la mise hors jeu de Strauss-Kahn.

Jeudi 19 mai, Elkabbach transforme sur Europe 1 ce qui devait être une interview de Jean-Luc Mélenchon, même pas en débat, mais en tribune de sa propre personne, mêlant l’arrogance et l’insulte : « vous dites des bêtises ». Il faut le comprendre ses amis, la droite et les sociaux libéraux viennent de perdre leur candidat, celui qui devait, sondages faisant règle de loi, écraser tous ses adversaires. Mais il ose dire c’est vous Mélenchon qui devez être ennuyé. En gros : “DSK était votre bête noire, comment allez vous faire maintenant ?” Argument d’une mauvaise foi insigne repris encore ce vendredi dans le Parisien. Mauvaise foi insigne car jamais le Front de Gauche n’a réduit son combat pour le socialisme à DSK mais bien à tous ceux qui soutiennent la politique du FMI et de l’Union européenne au service de la finance internationale. Ce sont les journalistes à leur solde comme Elkabbach qui n’ont cessé de poser en particulier à Jean-Luc Mélenchon la question récitée par cœur pour justifier le vote utile : “mais que ferez vous au deuxième tour, assurés que nous sommes que DSK arrivera en tête ?” La réponse évidente ,toujours la même puisque c’était toujours la même question: “même si je le voulais comment les salariés, les gens de gauche iraient voter pour celui qui est à la tête de la machine à broyer les peuples qu’est le FMI ?”

La belle opération DSK, un personnage à la stature internationale, certes archi-millionnaire mais ayant sa carte du parti socialiste en poche, participant — rentrez bien cela dans votre tête — au « sauvetage » de l’Irlande, de la Grèce… et rempart contre le front national qu’on gonfle à longueur de colonnes et d’images télé, tombe à l’eau. Alors bas les masques. De Sarkozy à Merkel, la même affirmation pour se rassurer : on a plein de remplaçants potentiels, en Europe et en France, pour le premier, et on apprend que Christine Lagarde ancien pivot du plus grand cabinet d’affaires américain, sous la menace d’être plombée par l’affaire Tapie1 remplacerait à merveille DSK. Mais n’est ce pas pour reprendre une terminologie à la mode chez ces politiciens, le même job. Alors le job de DSK c’était bien celui que dénonce le Front de Gauche et Jean-Luc Mélenchon. Oui, l’oligarchie perd son meilleur cheval et en plus elle est obligée d’avouer plus qu’implicitement le rôle véritable du FMI.

Hollande comme plan B ?

Bien sur elle a un plan B, puisqu’elle ne peut plus faire confiance à Sarkozy. Depuis quelques mois, on a trouvé un profil différent de celui de DSK pour une même politique. On le jugeait incapable quand il dirigeait le parti socialiste, il devient non seulement sympathique, proche des réalités mais présidentiable, sondage, là aussi, à l’appui. Le problème c’est que le parti socialiste avec l’affaire DSK en a pris un coup dans l’aile, surtout avec des primaires aux résultats et aux effets imprévisibles. Mais on ne manque pas de savoir faire. A travers DSK c’est le parti socialiste qui serait visé, DSK serait victime d’un complot qui viendrait de l’Elysée. Nouveau recours au sondage : 57% des français le pense. Bien entendu qu’on ne sache rien de ce qui s’est passé dans ce Sofitel de New York, en tout cas moins que le procureur qui met le directeur du FMI en examen pour tentative de viol, ne gêne pas ses amis qui se voyaient déjà ministres, et qui vont être obligés de se choisir un autre ami. Certes, le transfuge vers Hollande ne sera pas un problème, cherchez la feuille de cigarette qui sépare leur politique. Mais les places vont être chères et certains coups ont fait mal.

Et l’Espagne se réveilla…

Décidément depuis quelque temps l’oligarchie a du souci à se faire. En Espagne on ne veut plus d’elle, de ses représentants, de ses institutions. Dans cinquante grandes villes la jeunesse occupe les places, un mot d’ordre revient : on ne veut plus de ces deux partis dominants, l’Alliance populaire à droite et le PSOE à gauche. Et la gauche de la gauche fait son chemin. Le Figaro lui même est obligé de faire le rapprochement avec l’Argentine ruinée par Le FMI2 et qui en 2001 a eu un sursaut du même type. L’expression qui spontanément fut reprise par tout un peuple mais que le journaliste de Figaro ignore volontairement était “que se vayan todos”, “qu’ils s’en aillent tous “. Le peuple espagnol cherche sa voie à la gauche de la gauche avec le même mot d’ordre.

En France, c’est Mélenchon qui reprend à son compte ce slogan : et vous voudriez que les médias ménagent Jean-Luc Mélenchon et le Front de Gauche ?

  1. La bagatelle de près de trois cents millions payés par les contribuables français grâce son étrange petit coup de pouce (voir le dossier ]
  2. le Strauss Kahn de l’époque était le sieur Camdessus []
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Qu’est-ce qui est le plus important pour 2012 : les principes, le programme, le modèle politique, les couches sociales qui soutiennent le proje ou le candidat ?

par Bernard Teper

 

Voilà la question que ne se pose pas les grands médias, fascinés qu’ils sont par les esthétiques royales, cléricales, extrême-droitières et par les grands destins individuels censés diriger le monde. En fait, toute leur prose, toutes leurs images, sont portées par cette fascination esthétique ou par leur tentative d’expliquer l’évolution du monde uniquement portée par des destins individuels. A la question posée dans le titre de cette chronique, ils répondent tous en cœur : “le candidat, bien sûr !
Vous me direz que force est de constater qu’une partie des citoyens formatés par cette pensée conformiste entonnent en cœur, c’est tel ou tel candidat qui peut changer les choses. Et bien non, aucun candidat, aucune individualité n’a changé quoi que ce soit dans l’histoire sans qu’intervienne d’autres causes et d’autres déterminants. C’est pour cela que pour combattre cette idée chez certains citoyens voire certains militants et responsables politiques, il convient de développer sur grande échelle des cursus de cycles de conférences afin de donner corps à la célèbre phrase de Jean Jaurès : « Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques…». Le peuple et les militants sincères des organisations n’ont rien à gagner aux pratiques sectaires d’organisations ou de chapelles, aux pratiques d’exclusions anti-démocratiques et anti-républicaines, aux pratiques de « salissement » des autres militants, aux pratiques de destruction des individus physiquement ou moralement (type Affaire Dreyfus ou Affaire Maurice Kriegel-Valrimont ou comme tant d’autres y compris aujourd’hui même1 ).
Et bien à ReSPUBLICA, nous pensons que c’est l’ensemble « les principes,le programme, le modèle politique, les couches sociales de soutien et le candidat » qui est important. Oublier l’un des points de l’ensemble est de croire à la surplombance de l’homme sur les déroulement de l’histoire ce qui n’est pas notre pensée à ReSPUBLICA. Nous pensons qu’un candidat doit incarner « les principes, le programme, le modèle politique, les couches sociales de soutien » mais pas les remplacer.

Le débat sur les couches sociales relancé au sein du PS

Deux publications viennent corroboré ce que ReSPUBLICA dit depuis des mois. La ligne de classe passe au sein de la gauche et même au sein de la majorité du Parti socialiste :

  • La fondation Terra Nova, animé par Olivier Ferrand, maire-adjoint d’une commune des Pyrénées orientales vient de publier « Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 ? ».
  • Le livre « L’Equation gagnante » est cosigné par Laurent Baumel, maire de Ballan-Miré (Indre-et-Loire), et François Kalfon, conseiller régional d’Ile-de-France, tous deux membres du secrétariat national du PS, l’un chargé des relations internationales, l’autre des études d’opinion.

Pour la Fondation Terra Nova, la victoire de la gauche en 2012 n’est possible que si elle parvient à améliorer son score électoral dans les catégories qui votent traditionnellement pour elle : les diplômés, les jeunes, les minorités, les non-catholiques et les habitants des villes-centres. Il s’agit en fait pour Terra Nova de refaire la campagne d’Obama en France. Et sur ce socle, il convient d’élargir au reste des couches moyennes. Pour Terra Nova, le fait que les couches populaires adhèrent au discours de gauche sur le social mais se rapprochent culturellement du refus de voter ou de l’extrême droite sur le plan culturel suffit à justifier qu’il faille les ignorer comme aux Etats-Unis. Et de pousser le PS de travailler à une fiscalité favorable aux couches moyennes et à leur volonté d’épargne pour toucher les femmes et les habitants des grands centres urbains. Pour bien fixer cette nouvelle ligne, Olivier Ferrand va jusqu’à en reprendre le vocable : les outsiders sont à opposer aux insiders. Parler aux couches populaires pour Terra Nova cela revient aujourd’hui à renier ses valeurs en faisant du “social-populisme”. Il justifie cela en disant que le parti travailliste néerlandais (PvdA) a fait ce chemin et s’est retrouvé à 13% aux élections. Pour compléter le tableau, il estime que les personnes âgées sont obligatoirement de droite et que c’est peine perdue de leur parler.
Ils oublient que les couches moyennes intermédiaires salariées représentent 24% de la population, que les cadres salariés seulement 15% et que les couches moyennes non salariés entre 3 et 4% au grand maximum.

Les co-auteurs de « L’Equation gagnante » estiment quant à eux, que c’est l’électorat populaire (53% de la population) qu’il faut conquérir. Ceux qui ont pu être séduit par Sarkozy ou les Le Pen, ceux qui s’abstiennent et ceux qui forment l’électorat populaire chez les personnes âgées2 . En fait, ils reviennent à la stratégie électorale de François Mitterrand pour 1981 de parler aux travailleurs et aux retraités en faisant remarquer que le poids électoral des retraités est au moins trois fois plus élevé que celui des jeunes.

Bien évidemment, nous estimons que la thèse de Terra Nova prépare le prochain départ de la gauche vers la droite. Mais si nous partageons la thèse de François Baumel et de François Kalfon, nous leur disons que cela ne suffit pas. Si vouloir faire en France du Obama (thèse de Terra Nova) est une pure hérésie, le retour à François Mitterrand ne suffit pas car le monde a changé. Déjà François Mitterrand en suivant Jacques Delors contre Laurent Fabius en 1982 sur l’affaire du serpent monétaire européen a engagé le tournant libéral qui fut l’amorce du fossé entre la gauche et les couches populaires. Puis, aujourd’hui, « parler aux couches populaires » demande de rompre avec les politiques néolibérales, de prendre les principes de la république sociale, son modèle politique avec les quatre ruptures démocratique, laïque, sociale et écologique, un programme qui engage au minimum le desserrement de l’étau de l’Union européenne et de l’Euro, la fin de l’ « indépendance de la banque centrale européenne et des banques centrales nationales » pour pouvoir être crédible auprès des couches populaires qu’elles soient en activité ou à la retraite.

  1. Il a fallu près de 10 ans pour que Dreyfus soit innocenté, il a fallu plus de 30 ans pour qu’un responsable du PCF admette le mensonge du PCF sur Maurice Kriegel-Valrimont, et combien aujourd’hui sont dans le même cas dans de nombreux pays et dans de nombreuses organisations… []
  2. Pour mémoire, chez les plus de 65 ans, le différentiel  de voix entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy au deuxième tour de la présidentielle de 2007 avait atteint de 3 millions de suffrages, soit plus que le différentiel final ! []
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Coopératives et mutuelles, alternatives au capitalisme ?

par Nicolas Pomiès

 

Avant de penser ses alternatives, il ne sera pas inutile de s’accorder sur la définition du capitalisme puis de s’interroger sur la nécessité ou pas d’y trouver un successeur.
Un dictionnaire de science économique et sociale nous indique que le capitalisme est le système fondé sur l’économie de marché, la liberté d’entreprendre, la propriété privée des moyens de production, le salariat et l’entreprise autonome.

Parmi les auteurs traditionnels qui cherchent à définir le capitalisme, on peut distinguer les libéraux qui insistent sur la régulation marchande, les marxistes qui soulignent l’exploitation du travail et ceux qui à l’intar de Max Weber, mettent l’accent sur le rôle de l’entreprise et de la rationalisation des activités productives.
Les auteurs libéraux considèrent que le capitalisme nécessite un système politique garant des libertés individuelles ; les critiques marxistes affirment au contraire que le capitalisme peut concilier la liberté des échanges avec un régime autoritaire. La régulation principale du système est opéré par le marché, qui sanctionne ceux dont les productions ne satisfont pas à la demande.
Son développement est assuré par l’accumulation des moyens de production à l’initiative des entrepreneurs et/ou des détenteurs de capital.
L’Etat se présente, en système capitaliste, comme garant du fonctionnement du marché, de la liberté et de l’exécution des contrats.
Certes différentes formes de capitalismes sont parfois distinguées selon l’importance de la régulation étatique. « Michel Albert dans Capitalisme contre capitalisme » oppose au capitalisme anglo-saxon, caractérisé par  l’initiative individuelle et l’absentention relative de l’Etat, le capitalisme rhénan modèle adopté par l’Allemagne, la France et la plupart des pays d’Europe occidentale, caractérisé par la combinaison de l’économie de marché  et d’une forte intervention de l’Etat à des fins distributrices et de protection sociale. Mais ces distinctions tendent aujourd’hui à disparaître sous l’effet des déréglementations et des privatisations  qui affectent désormais les services publics et sous l’effet de la globalisation de l’économie à l’ échelle mondiale.

En résumé le capitalisme se fonde donc sur l’existence de lieux d’échanges (les marchés) plus ou moins régulés mais dont le niveau de régulation influe sur le niveau de développement et de traitement des salariés, une liberté d’entreprendre à décimale variable car la capacité d’entreprendre dépend énormément du capital initial, la propriété privée des moyens de production qui peut être détenue par un individu détenteur de capital, un groupe d’individus regroupés en organisation (fonds d’investissement, fonds de pensions etc.) ou par l’Etat et la présence de salariés dont le surtravail c’est à dire le travail non nécessaire à la reproduction de leur force de travail constitue le profit au service de la propriété des moyens de productions.

Voilà en une grande phrase rappelé l’essentiel des critiques constante du capitalisme.
Les marchés ne sont pas des régulateurs rationnels et génèrent des inégalités de développement, d’échanges, des surproductions, du gâchis et des conflits.
La liberté d’entreprendre est celle du renard à entreprendre les poules dans le poulaillers.
La propriété privées des moyens de production et l’existence du salariat est une forme d’exploitation de l’homme par l’homme.

Mais pourquoi critiquer le système capitaliste alors même que son succès signe le gage de sa « qualité » pour le bien-être de l’Humanité ?
N’est ce pas karl Marx lui même qui dans le Capital Livre III dit que « Le capitalisme contribue au progrès de la civilisation en ce qu’il extrait ce surtravail par des procédés et sous des formes qui sont plus favorables que ceux des systèmes précédents (esclavage, servage, etc.) au développement des forces productives, à l’extension des rapports sociaux et à l’éclosion des facteurs d’une culture supérieure. Il pré pare ainsi une forme sociale plus élevée, dans laquelle l’une des parties de la société ne jouira plus, au détriment de l’autre, du pouvoir et du monopole du développement social, avec les avantages matériels et intellectuels qui s’y rattachent, et dans laquelle le surtravail aura pour effet la réduction du temps consacré au travail matériel en géné ral. »

Dés lors, pourquoi porter atteinte à un système qui fonctionne bien (même avec des crises), s’étend et s’affiche comme un formidable créateur de richesses, accumulant le capital et accélérant la circulation des capitaux ?

Après tout , le capitalisme ne fait il pas preuve d’une réelle plasticité qui le rend « utilisable » par d’autres régimes, comme aujourd’hui en Chine ou naguère en URSS, exemples détonnant du mariage de conceptions politiques et économiques a priori « contre-nature » mais donnant naissance à un  capitalisme d’Etat ?

Dans ces temps où l’on parle tant de durabilité, le capitalisme n’est il pas le héraut d’une formidable résistance aux crises, d’un capacité spectaculaire de rebonds ? Même vieillissant, il est plus que jamais présent, notamment depuis la chute du Mur de Berlin. Désormais, le continent européen dispose d’un système économique uniforme avec des marchés dopés à la concurrence libre et non faussée !

Fixé sur le principe de l’accumulation et de la marche forcée, les tenants du capitalisme affirment que le système bénéficie ou bénéficiera à terme (quel terme) à l’ensemble de l’Humanité. D’ailleurs les conditions de vie et la durée de la vie ne se sont elles pas améliorées, comme jamais, depuis un siècle ?

Pourtant dans le monde, au moins 1 milliard et deux cent millions de personnes  vivent  avec moins d’un dollar par jour. 250 millions d’enfants sont contraints de travailler. Une personne sur trois vit dans un taudis.
Ces chiffres sont issus  du rapport annuel du Programme de développement des Nations-Unies qui indique aussi qu’un américain est 61 fois plus riche qu’un tanzanien ou que 10 millions d’enfants de moins de 5 ans meurent chaque année.

En France, selon un nouvel indicateur de l’Insee, plus d’un Français sur cinq a traversé une période de “pauvreté”, qui ne s’arrête pas à la fiche de paie mais prend en compte d’autres aspects de la vie quotidienne, comme les privations alimentaires ou les difficultés de logement.
“La pauvreté ne se réduit pas aux seuls revenus”, a souligné Jean-Philippe Cotis, directeur général de l’Insee, en présentant à la presse l’édition 2010 de France, portrait social publié par l’institut. Le nouvel indicateur, “la pauvreté en conditions de vie”, mesure les privations d’éléments de bien-être de la vie quotidienne : rentrent en compte les contraintes budgétaires (découverts bancaires), les retards de paiement (de loyers ou de factures), la consommation (possibilité de manger de la viande tous les deux jours, partir une semaine de vacances par an, acheter des vêtements neufs, recevoir), rencontrer des difficultés de logement.
Au regard de ces critères, 22 % des Français de plus de 16 ans ont connu entre les années 2004-2007 (durée de l’étude) au moins une année de pauvreté, souvent de manière temporaire notamment pour les ménages jeunes. Seuls 4 % sont restés dans cet état durant les quatre années. “La pauvreté monétaire” (disposer de moins de 950 euros par mois) “touche 13 % de la population”, rappelle Stéfan Lollivier, directeur des études sociales à l’Insee, et “la pauvreté non monétaire”

Bref,l’économie de marché, la liberté d’entreprendre, la propriété privée des moyens de production, le salariat et l’entreprise autonome sont critiquables et n’apportent pas le bien-être de l’Humanité ? Notez au passage que le bien-être est un des élément qui constitue pour l’Organisation Mondiale de la Santé, la santé et que l’on peut donc tout à fait admettre que l’absence de bien-être mesurable par exemple par les indicateurs de développement humain de l’ONU démontre que l’Humanité est malade de son système capitaliste.

Les critiques du capitalisme et la recherche d’alternatives viables ont accompagné chaque stade du développement du système capitaliste.
Dés le XIX siècle, des penseurs philanthropes imaginèrent différentes utopies sociales alternatives au capitalisme derrière Saint-Simon, Robert Owen qui est considéré comme le pionnier du mouvement syndical et coopératif en Grande-Bretagne,  Charles Fourier, théoriciens des phalanstères, Étienne Cabet, promoteur de l’Icarie.

Arrêtons nous sur un théoricien qui eut une influence majeure sur l’ Association Internationale des Travailleurs et qui encore aujourd’hui peut être considéré comme le penseur de l’utilisation alternative au capitalisme des formes d’organisation mutualistes ou coopératives de gestion des moyens de production.
Proudhon en conséquence de son opposition au profit, au travail salarié, à l’exploitation des travailleurs, ainsi qu’à la propriété publique, Proudhon rejette à la fois capitalisme et communisme. Il préconise l’association et adopte le terme de mutualisme, qui implique le contrôle des moyens de production par les travailleurs. Dans sa vision, des artisans indépendants, des paysans, et des coopératives échangeraient leurs produits sur un marché. Pour Proudhon, les usines et autres larges lieux de travail seraient dirigés par des syndicats fonctionnant par démocratie directe.

La théorie de Proudhon était révolutionnaire, mais sa révolution ne signifiait pas soulèvement violent ni guerre civile mais plutôt transformation de la société par l’avènement d’une classe moyenne. Cette transformation était essentiellement morale et demandait la plus haute éthique de la part de ceux qui recherchaient le changement. C’était une réforme monétaire combinée avec l’organisation contractuelle d’un crédit bancaire et d’associations de travailleurs que Proudhon propose d’utiliser comme levier pour provoquer l’organisation de la société selon de nouvelles lignes.

Proudhon  dénonce les « charlataneries » d’organisation totale et globale de la société.  L’attachement de Proudhon à la liberté individuelle, qu’aucune forme d’organisation sociale doit supprimer, pour quelque raison que ce soit, lui a permis de percevoir les risques attachés au triomphe de l’État, du collectif ou de la communauté . Il critiqua les socialistes autoritaires comme le socialiste étatiste Louis Blanc.
Il flétrit de même le communisme: « le communisme est synonyme de nihilisme, d’indivision, d’immobilité, de nuit, de silence » (Système des contradictions économiques) ; le système phalanstérien « ne renferme que bêtise et ignorance ».
C’est son livre Qu’est ce que la propriété ? qui aurait convaincu Marx que la propriété privée devait être abolie. Dans un de ses premiers travaux, La Sainte Famille, Marx écrit : « Non seulement Proudhon écrit dans l’intérêt du prolétariat, mais il est lui-même un prolétaire, un ouvrier. Son travail est un manifeste scientifique du prolétariat français. » Marx publia plus tard de sévères critiques contre Proudhon, notamment La Misère de la Philosophie proposé comme une réfutation directe de La Philosophie de la misère de Proudhon. Dans certains aspects de son socialisme, Proudhon a été suivi par Michel Bakounine.

La polémique entre Marx et Proudhon résonne encore aujourd’hui comme elle accompagné toute l’histoire du mouvement anticapitaliste ou alternatif au cours du XX ieme siècle.

On retrouve toujours d’un coté les adeptes de la révolution politique s’interdisant la réalisation d’utopie concrètes jugées par eux comme accompagnant le système et de l’autre  les artisans d’expériences de tentatives de  prise en main démocratique de l’économie par les producteurs par eux-mêmes.

A la fin du XIXe siècle, la majorité du mouvement socialiste considère les coopératives au mieux comme inutiles, et plus généralement comme néfastes au prolétariat, à l’image de Jules Guesde.
Une partie du mouvement socialiste a toutefois toujours défendu la coopération, autour de Benoît Malon concernant la coopération de production, puis autour de Jean Jaurès* autour de la coopération de consommation. Entre les deux guerres, le puissant mouvement des coopératives de consommation* était lui-même dominé par des militants socialistes. Néanmoins, l’économie sociale a toujours souffert d’une image réformiste négative aux yeux des socialistes, toutes tendances confondues, jusqu’à l’effondrement de la Russie soviétique. Tous les théoriciens et idéologues de l’économie sociale ont en effet revendiqué, dès le milieu du XIXe siècle, l’unité de la démarche et de la fin : une société plus juste et pacifique ne pouvait naître de la domination d’une classe sur une autre, quelle que fût cette classe. Ils déniaient également tout recours à la violence révolutionnaire.

Dans Les socialistes français et le mythe révolutionnaire, publié en 1998, Jacques Moreau explique que le mouvement socialiste est partagé dès la fin du XIXe siècle, entre une identité militante forgée dans le mythe de la révolution et la rupture avec le capitalisme et une identité politique s’appuyant sur des pratiques réformistes de changement social et s’articulant nécessairement avec le capitalisme. Cette double identité était, montre-t-il, nécessaire pour réussir à mobiliser et prétendre gouverner. C’est cette dualité qui s’efface aujourd’hui avec le recul de la croyance dans les vertus de l’Etat prolétarien et de l’efficacité de la révolution. Dès lors, l’économie sociale retrouve son actualité et sa pertinence.

Les coopératives  sont des entités économiques fondées sur le principe de la coopération. Elle ont pour objectif de servir au mieux les intérêts économiques de leurs participants (sociétaires ou adhérents). Elle se distingue en cela de l’association à but non lucratif dont le but est moins lié aux activités économiques et de la société commerciale qui établit une distinction entre ses associés et ses clients ou usagers.

La distinction entre « coopérative », « mutuelle » et « mutuelles assurances » est plus une différence d’appellation et de structure juridique qu’une différence sur le type d’activité bien que les mutuelles soient aujourd’hui cantonnées à la complémentaire santé et à la prévoyance.
Comme dans les associations, les membres des coopératives et des mutuelles sont à la fois actionnaires et clients.

Ainsi, pour les prises de décision, elle repose sur le principe démocratique « une personne = une voix ». Les salariés et les membres-usagers sont ainsi tous égaux en droit.

Juridiquement, une société coopérative est une société privée dont le capital est détenu par ses propres salariés, ses clients ou ses consommateurs qui en élisent le dirigeant. Dans une mutuelle, ce sont les adhérents (les usagers) qui ont ce rôle.

Les porteurs de parts sociales d’une coopérative sont appelés sociétaires, ou coopérateurs-associés, et non pas actionnaires (pour montrer la différence avec les autres sociétés privées). La société, tout en ayant des cadres de direction pour sa gestion courante, élit un conseil d’administration et prend ses décisions importantes en assemblée générale de ses sociétaires selon le principe “un homme, une voix”. et non “une action, une voix”.

Souvent, les sociétés coopératives s’assemblent en fédérations, selon un système de « pyramide inversée ». Le pouvoir émane des sociétaires des caisses de bases (caisses locales en général), elles-mêmes contrôlant par leurs délégués les caisses de 2e niveau (caisses régionales essentiellement), qui contrôlent à leur tour les niveaux supérieurs (“unions” et caisses centrales nationales, fédérations internationales…).Tout en haut, il existe aussi dans chaque pays une union représentative des coopératives.

Cette forme d’organisation appelée aussi économie sociale et solidaire maintient donc le marché comme dans le capitalisme mais la propriété des moyens de productions devient collective. Dans les coopératives de production,  le salariat est aboli car chaque producteur est associé.

Ces modèles ignorent donc deux éléments constitutifs du capitalisme !
Alors me direz-vous pourquoi le capitalisme n’est il pas aboli ?

Les coopératives et les mutuelles émergent souvent lorsque le marché libre et non faussé des capitalistes défaille à pourvoir les besoins immédiats et urgents des populations.
A la fin de la seconde guerre mondiale des supermarché COOP ont vu le jour pour rapprocher les producteurs de biens alimentaires des consommateurs, des pharmacies mutualistes ont été créées pour soigner les patients, des banques coopératives on été constituée pour rétablir le crédit.

En France 10 % des emplois sont encore aujourd’hui portés dans cette économie sociale et solidaire.

Alors me direz-vous pourquoi le capitalisme n’est il pas aboli ?

Les COOP ont été désertées au profit des Carrefour et autre Auchan. Les mutuelles perdent chaque année des adhérents qui vont s’affilier à un Institut de prévoyance dirigé pourquoi pas par un responsable du MEDEF frère de Sarkozy. Les banques financières comme la Société Générale continuent à ‘avoir autant de clients…

Pourquoi cette formidable opportunité démocratique n’est elle pas plus investie  et utilisée ?

Nous nous risquerons à donner 3 réponses :

  1. sur le marché capitaliste, le système actionnarial exploite plus fortement le potentiel humain tant physique qu’intellectuel ce qui lui permet d’être plus prompt à l’innovation et à la création de services et de produits attractifs pour les consommateurs
  2. la globalisation capitaliste entraîne la compétitivité accrue et dynamique sur les marchés. La logique de Libre-échange s’oppose à la logique de coopération à tous les niveaux
  3. la raison n’est pas toujours le moteur principal de l’acte de consommation

Alors que faire ?
Nous voyons bien que ce mode de socialisation de l’économie que sont les coopératives et les mutuelles ne suffit pas à représenter une alternative au système capitaliste.
Dans un de ses derniers écrit, Lénine, expliqua que « les rêves des vieux coopérateurs refermaient beaucoup de chimères, ridicules parce que fantastiques. »
Mais il continuait en disant que parce que « l’Etat étant aux mains de la Classe Ouvrière et détenait tous les moyens de production, il restait à la Révolution à grouper la population dans des coopératives. Il concluait ce texte du 4 janvier 1923 en écrivant que le régime des coopérateurs civilisés, quand les moyens de production appartiennent à la société et que le prolétariat comme classe a triomphé de la bourgeoisie, c’est le régime socialiste. »

On sait que les successeurs de Lénine ne suivirent pas cette ligne mais c’est une autre question.

Cependant la démocratisation économique ne vaut alternative que dans un cadre politique plus large aménageant le marché, c’est à dire rompant avec le libre-échangisme et la compétition généralisée.

Une charte de La Havane a été négociée au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Cette charte prévoyait la création d’une Organisation internationale du commerce (OIC) totalement intégrée à l’ONU.  Cette charte est signée le 24 mars 1948 mais elle n’est pas ratifiée par le congrès américain (changement de majorité entre temps).
Cette charte abandonnée sera remplacée par la création de l’OMC (Organisation mondiale du commerce).
Dans son principe la Charte de La Havane s’opposait totalement aux principes du libre échange de l’actuel OMC: elle proposait une approche très différente des conceptions actuelles du commerce international, le développement de chaque pays étant fondé sur la coopération et non sur la concurrence.

Cette Charte proposait entre autre :

  • L’intégration du plein emploi dans ses objectifs « Atteindre les objectifs fixés par la Charte des Nations unies, particulièrement le relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et les conditions de progrès et de développement. » (article 1)
  • De favoriser la coopération « les États membres coopéreront entre eux, avec le Conseil économique et social des Nations unies, avec l’OIT, ainsi qu’avec les autres organisations intergouvernementales compétentes, en vue de faciliter et de favoriser le développement industriel et le développement économique général ainsi que la reconstruction des pays dont l’économie a été dévastée par la guerre. » (article 10)
  • Des accords préférentiels sont possibles dans un cadre coopératif: « les États membres reconnaissent que des circonstances spéciales, notamment le besoin de développement économique ou de reconstruction, peuvent justifier la conclusion de nouveaux accords préférentiels entre deux ou plusieurs pays, en considération des programmes de développement économique ou de reconstruction d’un ou de plusieurs d’entre eux. » (article 15)
  • L’interdiction du dumping:  (article 26)

Ainsi la coopération et  le mutualisme, tant au niveau local par l’apprentissage démocratique de la gestion de la production, qu’au niveau global par une révolution complète des échanges économiques sont bien des alternatives au capitalisme. Il faut savoir mener de front ces deux niveaux d’investissement militant et de comportement de consommation pour entrevoir les seules alternatives au marché et au salariat.

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Quelle forme de gouvernement ? Quelle forme républicaine de gouvernement ?

par Bernard Teper

 

Cette question est d’importance. Tout autant que la ligne politique et que la ligne stratégique. Elle est d’importance pour toutes les institutions qu’elles soient supranationales, nationales, locales. Mais elle se pose aussi pour toutes les organisations politiques, syndicales, associatives ou professionnelles. Ne pas se poser la question du fonctionnement d’une institution ou d’une organisation et de sa capacité à résoudre les contradictions qui y surgissent, c’est entrer dans une impasse ou vouloir tout expliquer par des problèmes de personnes ce qui revient au même.

Combien de fois entend-on l’ineptie suivante dans une organisation: « Alors que nous sommes d’accord sur tout, nous sommes empoisonnés par des problèmes de personnes » ? Combien de fois entend-on dans les affaires d’une institution l’ineptie suivante : « Il suffit de voter pour un tel ou une telle pour résoudre tel ou tel problème ».
« Quand le sage montre la lune, l’ignorant regarde le doigt » dit un adage chinois. Tout expliquer par des problèmes de personnes que ce soit dans les institutions ou dans les organisations ne revient qu’à regarder le doigt. Et il y a toujours des obscurantistes qui poussent le plus grand nombre à ne regarder que le doigt ! Et l’expérience montre que l’obscurantisme, cela n’existe pas seulement chez les autres mais au sein de toutes les institutions et organisations sans exception aucune.
Voilà pourquoi en même temps que le débat sur le programme et sur la ligne stratégique doit se concrétiser dans toutes les institutions une réflexion sur les formes de gouvernement en leur préférant les formes républicaines de gouvernement.
Prenons par exemple, la forme totalitaire de gouvernement du communisme soviétique. C’est la structure la plus réduite (le secrétariat) qui a pris tous les pouvoirs de décisions et d’application des décisions. Puis cela s’impose au reste de l’organisation puis à la société toute entière même si les statuts de l’organisation préconisaient une forme différente. Et même l’ordre du jour des instances les plus larges est défini par la structure la plus réduite (le secrétariat). Une fois présentée comme cela aujourd’hui, immédiatement tout le monde devient hostile à cette forme de gouvernement. Aussi est-il étonnant que cette forme de gouvernement soit en fait systématiquement défendu par de nombreux dirigeants dans la plupart des organisations et institutions existantes au nom de la « collégialité » de la structure la plus réduite (le secrétariat) ou de « l’ efficacité », voire de « l’efficience » pour aller vite.
C’est pour cela que dans les formes républicaines de gouvernement, on refuse que la structure la plus réduite prenne les décisions principielles et principales. Dans ces formes républicaines, la structure la plus réduite est celle qui rassemble ceux et celles qui ont la responsabilité de l’exécution des décisions qui sont prises dans les instances les plus larges. Et que les structures les plus larges sont maître de leur ordre du jour tant dans les institutions que dans les organisations. Dans les formes républicaines de gouvernement, la structure la plus réduite est la première dans la hiérarchie de la responsabilité de l’exécution des tâches mais la dernière dans la hiérarchie des pouvoirs de décision.

Dans une république parlementaire, c’est le peuple qui décide pour les choses principielles, la structure législative pour les décisions principales et la structure exécutive est chargée de l’application des décisions soit du peuple soit de la structure législative (séparation des pouvoirs). Dans une structure présidentielle, il y a un face –à –face entre l’exécutif et le législatif, chacun avec des pouvoirs importants. La 5ème république française est de ce point de vue un régime hybride entre le régime présidentiel et la forme totalitaire car la structure législative est la moins pourvue de pouvoirs et le peuple se voit déposséder du pouvoir1.
Quant aux organisations, elles se sont souvent prémunies dans leurs statuts contre la dérive de la forme totalitaire donnant tous les pouvoirs à la structure la plus réduite (le secrétariat) en précisant les pouvoirs importants des 3 structures de prise des décisions principielles et principales : l’AGE, l’AGO et le Conseil d’administration. Mais systématiquement, la tendance des « élites » tente de transférer le pouvoir de décision vers la structure la plus réduite(le secrétariat). Ainsi va la vie des Etats et … des organisations.
C’est pour cela que nous devons être vigilants dans les institutions mais aussi dans les organisations.

  1. le dernier exemple a été le vote Non au Traité constitutionnel européen le 29 mai 2005 []
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1931-1939 : naisssance et mort de la Seconde République espagnole

par Hakim Arabdiou

 

Le 14 avril 1931, le Front populaire proclama l’abolition de la monarchie et l’avènement de la Seconde République espagnole1, qui dura de 1931 à 1939. Cette proclamation fait suite à la victoire, remportée deux jours plus tôt, par cette coalition politique aux élections municipales…

C’est en août 1930, que le Front populaire s’était constitué sur la base d’un programme commun, dit pacte de San Sebastian, comme alternative à la monarchie et à la dictature de Primo de Rivera, entre 1923 et 1930.

Ce front se composait d’un large éventail politique et social : droite libérale et républicaine, anarcho-syndicalistes, communistes, socialistes, radicaux, radicaux-socialistes, organisations syndicales, intellectuels et officiers républicains…

Le programme en question prévoyait des transformations de nature nationale et démocratique ; nationale, car elles servaient les intérêts de la nation en tant que telle (modernisation de l’Espagne), et démocratique, car elles servaient en même temps les intérêts de la majorité des classes et couches sociales espagnoles, à l’exclusion des latifundia, dont les intérêts s’opposaient à ceux la majorité de la société.

Une Constitution républicaine et laïque

Le 28 juin suivant, le Front populaire avait remporté la majorité des sièges à l’Assemblée constituante, qui donna naissance, quelques mois plus tard, à une Constitution, républicaine et laïque.

La nouvelle loi fondamentale s’était largement inspirée de la Constitution de la Première République allemande, dite de Weimar, de 1919 à 1933, alors la plus avancée sur le plan social ; et de la Constitution de la Troisième République française, pour ce qui est de la laïcité et des principes républicains.

C’est ainsi qu’elle avait adopté la devise, Liberté, Egalite et Fraternité, et proclamé que l’Espagne est une « République démocratique de travailleurs de toutes les classes. ». Elle avait également institué la laïcité, stipulant la stricte séparation des Églises et de l’État, et son corollaire, les libertés de conscience et de culte, l’introduction du mariage et du divorce civils, une École publique mixte, laïque, obligatoire et gratuite.

Elle avait aussi instauré le suffrage universel ; le droit pour les femmes d’être électrices et d’éligibles ; la protection sociale ; la liberté d’association, qui avait permis un essor des vies syndicales et associatives ; la mise en place d’un Conseil constitutionnel et d’une réforme agraire (limitée). De même qu’elle avait accordé l’autonomie à certaines régions, Catalogne, Pays Basque, Galice.

De nombreuses mesures en faveur des couches populaires

Pour ne citer que l’exemple de l’enseignement, le gouvernement du Front populaire, présidé par un membre de la droite libérale, avait notablement augmenté le budget de l’instruction publique et les salaires des enseignants ; formé de milliers d’instituteurs ; favorisé la scolarisation massive des enfants des couches populaires ou pauvres, et leur accès gratuit aux cantines scolaires. Il avait également construit ou ouvert à cet effet 10 000 écoles, de nombreuses universités populaires, 5 000 bibliothèques, etc.

Il avait aussi lutté contre l’analphabétisme, dans un pays où ce fléau touchait entre 30% et 50% de la population.

Mais les délais de deux ans étaient trop courts, tant était important le retard de l’Espagne dans tous les domaines, et les besoins énormes.

En effet, l’économie espagnole était essentielle agraire, elle-même dominée par le système féodal des latifundia (grosses propriété foncière). Le pays était dirigé par une monarchie conservatrice. L’Église exerçait un poids écrasant sur le pouvoir d’État et la société. La majorité de la hiérarchie militaire était entièrement dévouée à l’oligarchie, et fortement imprégnée d’une idéologie de caste. L’espérance de vie était de 50 ans, et au moins le tiers de la population était touchée par la pauvreté.

Les républicains n’avaient pas non plus réussi à saper substantiellement la puissance des classes possédantes ultra-conservatrices au sein de la société, de l’armée, de la haute administration, de l’appareil monarchique…

Ce qui avait permis à la Confédération espagnole des droites autonomes de gagner les élections législatives du 9 novembre 1933 et de régner jusqu’à fin 1935. Elle avait remis en cause plusieurs mesures du Front populaire, et réprimé violemment les manifestations populaires. Résultat : elle perdit les élections législatives de fin 1935.

Les républicains étaient revenus au pouvoir en 1936 et s’étaient attelés, sans délais, à poursuivre la réalisation de leur programme. Mais ils ne jouirent que de six mois de paix relative. Car les ennemis du peuple espagnol lancèrent de nouveau toutes leurs forces dans la bataille, en vue non pas seulement de saboter les mesures progressistes du Front populaire, mais aussi pour mettre fin à la nature républicaine nouvellement acquise du système politique espagnol.

Offensive de la contre-révolution fasciste

Malheureusement, la Seconde République espagnole était née dans une conjoncture internationale de crise économique mondiale de 1929, de la montée du fascisme en Europe, etc. Signe de mauvaise augure, le général Franco avait demandé, mais en vain, l’annulation de la victoire du Front Populaire, dès l’annonce de leurs résultats, le soir du 16 février 1936.

Les organisations fascistes commirent de nombreux attentats dans les rues et assassinats politiques, tandis que la presse de la droite réactionnaire mena de vastes campagnes de dénigrement des actions du Front populaire et des personnalités républicaines… jusqu’à faire basculer le pays dans la guerre civile, de juillet 1936 à avril 1939, qui fit 150 000 morts et un demi-million d’exilés.

Les classes possédantes, une fois qu’ils eurent usurpé le pouvoir, rétabli la monarchie et instauré la dictature jusqu’en 1975, firent par le truchement de leurs hommes de main, les général Franco et consorts, fusiller 20 000 républicains, qu’ils jetèrent dans des fosses communes. Les régimes nazi, allemand, et fasciste, italien avaient contribué à la victoire de cette contre-révolution en lui livrant en grande quantité canons, avions, troupes et interventions militaires directes sur le terrain (bombardement de vaste ampleur de la ville espagnole de Guernica). En face, les 35 000 valeureux membres des Brigades internationales et les armes, que le président-dictateur de l’URSS, et génocidaire, Staline, leur avait vendu-à prix d’or et payées cash- ne pouvaient guère faire le poids.

Les fascistes espagnoles avaient également bénéficié de la complicité politique et diplomatique des puissances occidentales, Grande-Bretagne, France… qui avaient refusé de venir en aide à la jeune République espagnole, sous prétexte de politique de « non-intervention ».

L’ennemi de mon ami n’est pas forcément mon ami

Par une ruse de l’histoire, en ce Printemps arabe, ce sont l’ancien président de Cuba, Fidel Castro, les présidents anti-impérialistes d’Amérique latine, certains partis communistes et d’extrême gauche, et d’une poignée d’intellectuels communistes, trotskistes ou tiers-mondiste , qui, au nom d’un anti-impérialisme dévoyé, d’une vulgate marxiste vulgaire et d’une vision conspirationnisme de la lutte des peuples, prônent eux aussi la « non-intervention », la non-assistance à peuples arabes en danger, quand il s’est agi des « bons » dictateurs- maffieux, aux mains souillées de sang de patriotes arabes ou musulmans (tels que Ahmadinedjad, Gueddafi et Assad). Pire, ils leur apportent de surcroît des soutiens politique, diplomatique et médiatique, tout en ravalant ces peuples, ainsi que leurs militants marxistes, leurs syndicalistes, leurs féministes, leurs laïques, leurs intellectuels au statut de mineurs et à celui de vulgaires agents de la CIA états-unienne et de l’Occident.

Le peuple et les démocrates algériens en savent quelque chose ; eux qui ont été calomniés, par le FIS et leurs complices, pour empêcher toute action solidarité envers eux, afin de les empêcher de combattre efficacement l’islamoterrorisme, dont l’ampleur et la barbarie a été unique au monde.

À l’instar des régimes répressifs et corrompus russe et chinois, ces gouvernements d’Amérique latine entretiennent aussi un bizness florissant avec certains de ces dictateurs. Les opinions publiques arabes ne sont pas prêtes à pardonner une telle trahison.

Sources :

  • Interview Fernando Hernandez Sanchez in L’Humanité du 4 avril 2011. L’intéressé a publié en 2010 en Espagne, Guerre ou révolution. Le Parti communiste d’Espagne dans la guerre civile (éd. Critica).
  • Jean Ortiz : l’avènement de la République espagnole, in l’Humanité dimanche du 14 au 20 avril 2011.
  • La Seconde république espagnole in Wikipédia.
  • Staline, Jean-Jacques Mari, éd. Fayard, Paris, 2001, p.481 et suiv.
  1. la Première république espagnole dura de 1873 à 1874 ou 1875 in Wikipédia. []
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Belgique : l'amnistie, c'est l'amnésie de la Shoah

par Centre communautaire laïc juif de Belgique
http://www.cclj.be/

Source de l'article

 

Communiqué de presse du CCOJB et du CCLJ : L’amnistie, c’est l’amnésie

Le Comité de Coordination des Organisations Juives de Belgique (CCOJB) et le Centre Communautaire Laïc Juif (CCLJ) condamnent vigoureusement les déclarations inacceptables du ministre de la Justice Stefaan De Clerck sur la nécessité d’ouvrir un débat sur l’amnistie des collaborateurs des nazis durant la Seconde Guerre mondiale : « A un certain moment, on doit être adulte et prêt à en discuter. Et peut-être aussi à oublier, parce que c’est du passé. C’est nécessaire pour rétablir une société ».

En parlant explicitement d’oubli, le ministre de la Justice cherche clairement à effacer les crimes les plus odieux commis par des Belges durant la Seconde Guerre mondiale. Pour la communauté juive de Belgique, il est impossible d’oublier des crimes dont elle a été la victime : Plus de 30.000 Juifs ont été déportés entre 1942 et 1944 via Malines et Drancy vers les centres d’extermination en Pologne. Plus de 300 Tziganes de notre pays ont subi le même sort. L’oubli ne peut être prôné par qui se dit démocrate. Nous ne pouvons oublier que des collaborateurs belges ont concouru activement, souvent avec zèle, à la traque d’hommes, de femmes et d’enfants voués par les Nazis à la déportation. Ce sont ces Belges nazis et fascistes non repentis que le Ministre de la Justice (quelle Justice ?) cherche à absoudre par le biais de l’amnistie.

En tenant de tels propos, le ministre de la Justice soutient en filigrane la transformation des criminels en « victimes de la répression ». Ce faisant, non seulement il porte atteinte à toutes les victimes du régime hitlérien et de ses collaborateurs, mais aussi il assène un formidable coup de Jarnac à l’avenir démocratique du pays.

En cherchant à effacer les traces de ce passé sombre, une démocratie digne de ce nom s’affaiblit et se montre prête à accepter toutes les dérives racistes et xénophobes qui se commettent aujourd’hui.

Le CCOJB et le CCLJ condamnent et condamneront toujours avec la plus grande vigueur toute demande d’oubli ou d’amnistie des crimes de la collaboration.

Ils exhortent Stefaan De Clercq à revenir sur ses déclarations indignes d’un ministre de la Justice d’un Etat démocratique membre d’une Europe démocratique.

Le 16 mai 2011

 

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Une question à Elena Pasca pour une appropriation citoyenne de la techno-science

par Nicolas Pomiès

 

ResPUBLICA : Madame Elena Pasca, vous êtes philosophe et vice-présidente de la Fondation Sciences Citoyennes et animatrice du blogue Pharmacritique.Vous êtes comme ,le nom de votre site l’indique, critique des pratiques des laboratoires pharmaceutiques mais plus largement critique de la manière dont s’organise l’offre de soins découlant de la recherche scientifique.
Pourtant vous ne refusez pas radicalement la science et la médecine allopathique et militez pour une appropriation citoyenne de la techno science. Votre position est elle entendue dans cette période où les scandales autour du médicament (Mediator) et les catastrophes électronucléaires semblent donner naissance à une tentation d’abandon de la science ?

Je répondrai à l’aide d’exemples, pour ne pas rester dans le discours abstrait.

Le problème essentiel n’est pas tant la manière dont s’organise l’offre de soins. C’est de savoir si la recherche scientifique est fiable ou non, donc si on peut fonder sur elle des recommandations de santé publique, des pratiques de soin, des traitements… Commençons par la source du problème : le financement industriel, de plus en plus présent parce que l’Etat se désengage et que la droite impose les partenariats public – privé qui ne sont qu’une façon déguisée d’instrumentaliser la recherche publique à des fins de profit privés. On ne fait plus de la science, mais de la technologie, on n’avance plus, malgré les apparences. Car les laboratoires ne financent pas la recherche fondamentale, qui produit des connaissances et permet des innovations et un progrès thérapeutique ; non, ils financent des recherches appliquées, des technologies dérivées des connaissances du passé, aux objectifs limités, de façon à obtenir très vite des produits brevetables. Dans le domaine pharmaceutique, il ne s’agit le plus souvent que de médicaments à peine différents des anciens … On parle depuis 15 ans de l’arrêt du progrès thérapeutique, et c’est le marketing qui l’emporte sur la recherche et le développement, de façon à vendre de l’ancien à peine modifié comme s’il était « révolutionnaire ». Les études socio-économiques du secteur pharmaceutique montrent cela chiffres à l’appui. Vous remarquerez au passage le dévoiement des termes, symptomatique de ce règne du marketing.

Ce financement industriel crée des conflits d’intérêts et divers biais plus ou moins conscients qui déforment la recherche et permettent sa manipulation. De plus, les moyens d’information sont eux aussi détenus par les industriels, qui ne publient que les études qui leur sont favorables et financent aussi la formation médicale continue à 98%. Le système est verrouillé par la présence, à ses articulations stratégiques, de leaders d’opinion ayant des conflits d’intérêts, que certains appellent « dealers d’opinion ». Toute la filière est ainsi sous contrôle de l’industrie pharmaceutique, au point que l’on parle de ghost management : une gestion invisible, mais omniprésente de toutes les dimensions du système de recherche, de formation et d’information santé. C’est de la désinformation organisée.

Alors les pratiques médicales, les soins dont vous parlez, qui se basent sur une information biaisée, sur des recommandations élaborées par des leaders d’opinion VRP des firmes peuvent-elles être rationnelles ? Nous en avons l’impression, car ces experts occultent les intérêts économiques en “traduisant” le tout en langage scientifique, qui paraît neutre aux hommes politiques dont les décisions se basent sur les expertises… (Sans oublier les conflits d’intérêts des élus eux-mêmes, nous pourrons en parler).

C’est tout l’enjeu de la santé individuelle et publique : un usage rationnel des médicaments, un système rationnel de soins, sur des bases scientifiques non biaisées et non pas selon les desiderata du marketing…

Ce sont les drames humains répétés - conséquences de cet usage irrationnel du médicament et du dévoiement actuel de la médecine - ainsi que les révélations des conflits d’intérêts dans des affaires telles que le Médiator ou la grippe A qui détournent de plus en plus d’usagers de la médecine, de la science en général.

Les usages illégitimes de la science – à l’instar des « prévisions » dignes de Madame Soleil sur les dizaines de milliers de morts à venir avec la grippe AH1N1– la discréditent et la délégitiment aux yeux de citoyens qui ne font pas la différence entre science et scientisme. Or c’est le scientisme qu’il faut combattre, pas la science. Et il faut distinguer celle-ci des technosciences, qui sont des applications limitées, généralement industrielles, pour un profit immédiat. Mais de nos jours, on légitime ces technosciences en termes éthiques, comme si chaque nouveauté technologique était un progrès scientifique et humain et qu’il fallait l’accepter en restant dans ce schéma illusoire d’un progrès linéaire et continu (« croissance »…). Or ces technosciences induisent des changements importants dans nos modes de vie, dans la socialité et l’organisation des sociétés. Est-ce cela l’éthique et le débat citoyen : trouver des rationalisations et justifications après coup ? Car les pouvoirs publics organisent des débats – comme pour les nanotechnologies – alors que les décisions sont déjà prises, les investissements déjà faits…

Il faut expliquer tout cela, rappeler que science et éthique allaient de pair aux débuts de la philosophie, et que c’est à nous, citoyens, de combler cet abîme entre les deux créé par le marché capitaliste qui veut des applications technologiques en permanence, pour s’assurer des profits permanents.

Aux citoyens d’exiger un encadrement éthique de ces pratiques, de se saisir de leurs capacités décisionnaires en amont, par des moyens de démocratie participative à mettre en place d’urgence. La République n’existe que lorsque les individus exercent leur citoyenneté dans un espace public politique qui leur permet de se construire et de construire la communauté politique en transformant leur capacité en activité réelle, dans l’exercice d’une intersubjectivité qui est par ailleurs le sens premier, politique et moral, d’ « intérêt » : inter-esse.

Un mot pour répondre sur la « tentation d’abandon de la science » que vous évoquez. Elle a toujours existé. L’anthropologie culturelle l’a identifiée comme une opposition structurante de la culture, déclinée de plusieurs façons: opposition entre cœur et raison, âme et conscience, vie et concept…

Parlant d’usages rationnels et légitimes de la science, n’oublions pas que la science médicale est plus vulnérable aux idiosyncrasies, aux opinions personnelles non universalisables, qui voudraient s’imposer telles quelles, sans passer par la réflexion, par le débat citoyen et les abstractions successives qui permettent de dégager des intérêts universalisables à partir de points de vue individuels particularistes. Nous devons faire attention à l’impact des idéologies, de la foi et des croyances qui déterminent largement l’attitude de chaque individu face à la maladie, sa compréhension de la « santé » et d’une « normalité » souhaitable. Cette attitude est trop souvent imperméable aux argumentations rationnelles et ne fait pas toujours la part des choses entre opinion non réfléchie et avis en connaissance de cause, entre foi et savoir, pour le dire simplement. De façon très schématique et polarisée, on peut parler d’un irrationalisme qui a toujours été présent dans l’histoire, mais qui s’est accentué avec l’avènement de la modernité, en réaction aux conséquences de l’omniprésence de la technique et des sciences. Cet irrationalisme est l’inverse symétrique du scientisme. Deux extrêmes qui se rejoignent dans une dialectique des contraires, qui se nourrissent l’un l’autre… Il faut le souligner parce que chaque dérapage scientiste accentue la réaction et la légitime. Et vice versa.

Mais outre les extrêmes, il existe une façon plus insidieuse d’instrumentaliser la science au profit des idéologies, ou de mêler croyance et savoir. C’est désormais une pression conformiste se présentant comme le contraire des dogmes scientistes et proposant une sorte de dogme inversé : l’obligation de l’« ouverture » à tout ce qui est exotique, non occidental, traditionnel, non technique, naturel… Ses contours flous n’en font pas moins un dogme. Et il est étonnant de voir que les tenants d’un tout-naturel qui critiquent à juste titre l’évaluation insuffisante des médicaments et les conflits d’intérêts des médecins acceptent sans broncher qu’on autorise des produits de phytothérapie ou d’homéopathie et des méthodes exotiques sans aucune évaluation scientifique. Ils ne se préoccupent pas des conflits d’intérêts de ces laboratoires-là, ni de la désinformation qu’ils génèrent, eux aussi.

Contrairement aux apparences, entretenues par une excellente communication, il ne s’agit majoritairement pas de producteurs isolés, désargentés et désintéressés. Boiron (leader de l’homéopathie) aurait de quoi financer des études cliniques sur ses « médicaments » homéopathiques, dont les tenants eux-mêmes ne s’accordent pas pour dire s’il s’agit de science ou d’un effet que la science n’arrive pas à saisir. Ne serait-ce que parce que la collectivité rembourse, on est en droit d’avoir des études faibles et des preuves, et pourquoi pas un paradigme théorique alternatif, si celui de la science actuelle n’est pas à la hauteur.

Le milieu médical et para-médical alternatif entretient l’impression d’indépendance, de mille courants et pratiques qui se rejoindraient objectivement. Mais l’investigation montre une réalité différente, à l’instar des réseaux de petites firmes formant l’empire du Dr Mathias Rath, qui véhicule des idéologies identifiables même politiquement et a des moyens considérables d’imposer ses produits. Au risque de couler le journal, il a intenté un procès en diffamation exigeant des dommages punitifs à un journaliste de The Guardian, qui s’était interrogé sur l’efficacité d’un produit « alternatif »… Gare à la censure qu’entraîne doucement cette pression conformiste, malgré les apparences qui stylisent les médecines douces en éternelles victimes de l’oligopole pharmaceutique.

Mon intention n’est pas de contester les « alternatives », simplement de dire que, si l’on veut parler d’éthique et de savoir, il faut raison garder et ne pas accepter dans son camp idéologique ce qu’on critique chez le camp d’en face (absence d’évaluation, opacité, censure…). La frontière ne devrait pas être de nature idéologique, s’agissant de savoir !

Propos recueillis par Nicolas Pomiès

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Trains de nuit : une captivité à l’ombre des Aurès

par Hakim Arabdiou

 

Boualem Makouf, ancien membre des Combattants de la Libération, la branche armée du Parti communiste algérien, puis des réseaux du Front de libération nationale, suite aux accords en ce sens entre le PCA et le FLN des printemps –été 1956, vient de commettre aux éditions Bouchène, un livre, intitulé, Trains de nuit : une captivité à l’ombre des Aurès, et préfacé par l’historien, Mohammed Harbi.

Il ne s’agit pas à proprement parler d’une autobiographie, mais plutôt d’un témoignage sur les affres, subies pendant la guerre d’indépendance de l’Algérie, par les combattants algériens, dans les geôles coloniales françaises, en particulier dans la tristement célèbre prison de Lambèse, située au cœur des Aurès, dans l’est algérien. L’auteur y a été incarcéré, de 1957 à 1961, avant d’être transféré en même temps que d’autres de ses frères de luttes, vers des prisons en métropole. Auparavant, l’intéressé avait passé une année environ (1956-1957) dans la prison de Barberousse, à Alger, alors autre haut des crimes d’État français en Algérie.

Démentir le révisionnisme des nostalgiques de l’Algérie française

Ce livre se veut également un démenti à la recrudescence en France du révisionnisme, ces dernières années, de la part des nostalgiques de l’ « Algérie française », concernant l’histoire de l’Algérie sous domination coloniale et à la loi scélérate de 2005 sur « les bienfaits de la colonisation ».

Pour les autorités coloniales françaises (Parti socialiste et Parti radical, et la droite, selon l’alternance au pouvoir), les prisons constituaient un maillon de premier plan de la machine de guerre visant à briser l’irrésistible aspiration du peuple algérien à mettre fin à la longue nuit coloniale.

Ainsi, les conventions internationales, en premier lieu les Accords de Genève, sur les prisonniers de guerre, y étaient-elles totalement ou en grande partie bafouées, parce que la France ne reconnaissait pas cette qualité aux résistants algériens. Elle avait, par une imposture juridique, qualifiaient d’ « opérations de maintien de l’ordre » la guerre à outrance qu’elle menait contre les Algériennes et les Algériens.

Boualem Makouf raconte par le menu comment les 2 500 prisonniers politiques ou de guerre étaient réduits par l’administration pénitentiaire de Lambèse à des matricules, afin d’effacer leur identité d’êtres humains. Ils constituaient les souffre-douleurs quotidiens des gardiens sadiques, dont les plus féroces étaient « pieds-noirs ». Parmi ces derniers, certains étaient d’extrême droite, et la plupart ne cachaient pas leur opposition farouche à l’ « Algérie algérienne ». Ils ne se privaient d’ailleurs pas de le faire savoir aux prisonniers : « Jamais, nous ne nous laisserons gouvernés par des bougnouls ».

Dès leurs arrivées à ce centre de détention, les prisonniers devaient affronter un premier calvaire, celui de la fouille au corps et de la douche. Ils étaient alors forcés de parcourir quelques dizaines de mètres au milieu de deux rangées de gardiens déchaînés, qui faisaient abattre sur eux une pluie de coups de barres de fer, de trousseaux de grosses clés, d’injures bassement racistes, les bousculer, les faisaient trébucher, etc.

Ils devaient se rendre ensuite, nus, dans une température glaciale, dans les douches toujours en courant où les gardiens, hilares, avaient pris soin de savonner le trajet. Ce qui provoquait des chutes nombreuses et douloureuses. Les gardiens faisaient aussi brusquement couler sur eux de l’eau bouillante ; ce qui entraînait de nombreuses brûlures, dont certaines graves.

Que ce soit pour « déjeuner » le matin et à midi, ou pour « dîner », les prisonniers devaient, sous les insultes et les coups d’une nuée de gardiens à l’affût, courir, toujours courir, puis saisir au vol l’une des gamelles disposées en pyramide.

De même qu’ils étaient confrontés à la faim et une sous-nutrition chronique, ainsi que les poux, qui pullulaient dans les cellules, et le manque d’hygiène. Les détenus, gravement malades, étaient laissés à dessein sans soins à l’infirmerie ou dans les cellules jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Il est également courant qu’un gardien provoque un détenu ou trouve n’importe quel prétexte, pour ensuite le passer à tabac et/ou l’envoyer au cachot pour une durée de un à quatre-vingt-dix jours. Dans ce terrible lieu, il est soumis à l’arbitraire et aux pires supplices par un détenu de droit commun, que les prisonniers avaient surnommé le « Sanglier », à cause aussi bien de sa force bestiale et sa face hideuse que pour sa grande cruauté (Voir aussi sa description dans, Lambèze, de Abdelhamid Benzine).

Une salle était également aménagée à l’abri des regards, pour les policiers, déguisés en gardiens, où ils torturaient les prisonniers, qu’ils soupçonnaient d’entretenir des contacts avec la résistance à l’extérieur.

L’unité, le bien le plus précieux des prisonniers algériens

Mais petit à petit, les détenus étaient parvenus à s’organiser, afin de résister à l’atteinte à leur dignité et à leur intégrité physique. Ils tenaient pour cela à leur bien le plus précieux face à la « broyeuse » pénitentiaire coloniale : leur unité.

Ils avaient commencé par avancer les plus petites revendications, puis une fois celles-ci obtenues, ils les utilisaient, comme points d’appui pour d’autres revendications, et ainsi de suite. Ces revendications étaient ponctuées occasionnellement de grèves de la faim.

Le sort commun des prisonniers engendra également entre eux fraternité et solidarité. À titre d’exemple, les achats à la cantine de la prison, ainsi que les rares mandats et colis qui parvenaient à certains codétenus étaient partagés équitablement entre tous les prisonniers. Ils se prodiguaient aussi, le plus souvent, sans cahiers et sans livres, des cours de français, de droit, de mathématiques, d’histoire, etc.

A ces luttes, les prisonniers de droit commun et les gardiens algériens de souches apportaient une aide précieuse. Certains adhérèrent aux réseaux de la résistance de la prison, d’autres parmi ces gardiens désertèrent vers les maquis.

Les événements politiques majeurs à l’extérieur jalonnant la guerre d’Algérie n’étaient pas sans effets sur l’état d’esprit des gardiens, et donc sur leurs conditions de prisonniers.

Ainsi, le complot, fomenté en sous-main par le général de Gaulle, le 13 mai 1958, qui lui avait permis de retourner au pouvoir, grâce à une alliance entre la grande majorité des gaullistes et « … tout ce que la France contient de fascistes, d’ex-collabos, de pétainistes, et d’anciens des guerres coloniales » ; le coup d’État militaire fasciste avorté, du 21 avril 1961, d’un « quarteron de généraux » factieux, qui projetaient de débarquer sur Paris, pour renverser le gouvernement de la république ; ou bien le terrorisme de la terre brûlée et le bain de sang de la fasciste Organisation de l’armée secrète, l’OAS, pour s’opposer à l’indépendance de l’Algérie, les négociations pour l’indépendance dans la ville d’Evian…

Livre : Trains de nuit : une captivité à l’ombre des Aurès, De Boualem Makoouf

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François Duprat, une histoire de l'extrême droite, un webdocumentaire qui permet de comprendre l'impact des génies militants sur les mouvances politiques

par Nicolas Pomiès

 

François Duprat, une histoire de l’extrême droite
Un webdocumentaire réalisé par Joseph Beauregard
Ecrit par Joseph Beauregard et Nicolas Lebourg

François Duprat, militant, activiste et théoricien de l’extrême-droite pendant les années 1960-1970, fut à lui seul une plateforme idéologique et subversive à une époque où les mouvements d’extrême-droite étaient tous groupusculaires sans véritables échos dans les masses. Il traversa ces années en organisant formations et mouvements : de Jeune Nation à Occident, d’Ordre Nouveau au F.N. Son mystérieux assassinat en mars 1978 en a fait un martyr du Front National.

Alors qu’années après années, les idées d’extrême droite s’imposent en France, ce webdocumentaire donne à voir, à travers cet étrange personnage, comment l’extrême droite est parvenue à renaître de ses cendres sous la Vème République, comment elle a fait tactiquement de l’immigration et de la défense de l’idée nationale les thèmes centraux de son programme alors que d’autres thèmes moins porteurs étaient traditionnellement déployés. Ce webdocumentaire permet ainsi de mieux comprendre d’où vient le FN actuel et comment un seul homme au génie militant certain peut façonner une mouvance capable de générer plusieurs générations de cadres formés sur l’école qu’il a créée.

François Duprat était plus un agitateur et un organisateur qu’un politique. Il fut aussi un homme double voire triple, fréquentant milieux interlopes et services de renseignement comment souvent chez les cadres extrémistes. Il illustre à lui seul finalement la frontière si fine qu’il existe entre agitateurs subversifs et défenseurs zélés de l’Etat !

Pour  saisir la dualité du personnage François Duprat, ce webdocumentaire a été conçu en deux parties de huit séquences chacune qui se correspondent : monde officiel versus monde de l’ombre, chaque partie ayant son mode de narration et son esthétique propres.

La première narration («Le monde officiel», 8 x 7 min) est constituée d’archives et d’analyses d’historiens, de chercheurs, de journalistes, de témoins, qui permettent de saisir l’ambiance d’une époque, l’idéologie, les stratégies et les finalités de l’action politique de François Duprat.

La deuxième narration, (« Le monde de l’ombre », 8 x 2 min), construite à partir d’un commentaire et de nombreuses vidéos issues d’Ina.fr, offre un autre éclairage et permet de mieux comprendre la trajectoire complexe et sulfureuse de François Duprat.

Les internautes pourront accéder à des zones d’éclairage offrant de précieuses informations :

  • une frise chronologique sur les grands événements français et internationaux de 1945 à 2010
  • une chronologie de l’extrême droite de 1945 à 2010
  • le parcours de François Duprat de 1940 à 1978 et une chronologie de la violence politique de 1968 à 1981.
  • une cinquantaine de notices biographiques et thématiques, une bibliographie et une sélection de vidéos issues d’Ina.fr sur l’extrême droite.

Réalisateur et co-auteur : Joseph Beauregard
Il a travaillé plusieurs années à France Inter et a été correspondant et enseignant au Japon (Lauréat de la Bourse Robert Guillain). Il a collaboré aux pages Radio-TV des Inrockuptibles. En 2001, il a écrit son premier film documentaire En Cavale (ARTE/TSR/RTBF) et le livre Des hommes en cavale (Editions Mille et une nuits/ARTE Editions). Il est aussi l’auteur du film Les Otages de Vichy. Il a réalisé de nombreux documentaires sonores pour Arteradio et a conçu et réalisé la collection Les tabous de l’Histoire pour le site internet d’ARTE. Il a produit, écrit et réalisé Les avocats du salopard qui a obtenu la Mention Spéciale du prix Michel Mitrani au FIPA 2007. Le film a été sélectionné à Lussas 2007, Mois du documentaire 2007, Justice à l’Ecran, Grenoble 2008. Depuis 2 ans, il travaille régulièrement pour Radio Nova où il réalise des séries sonores autour de la première fois.

Historien, co-auteur et conseiller scientifique : Nicolas Lebourg
Docteur en Histoire (2005), spécialiste des extrêmes droites, il participe au programme international de recherche IDREA (Internationalisation des Droites Radicales. Europe Amériques) dirigé par Olivier Dard. Il travaille également sur les camps d’internement. De 2006 à 2008, il a été chargé de recherches auprès du programme relatif au camp de Rivesaltes, dont le directeur scientifique est Denis Peschanski et le président d’honneur Robert Badinter. Enseignant à l’Université de Perpignan-via Domitia (2000-2010), il est chercheur associé au Centre de Recherches Historiques sur les Sociétés Méditerranéennes (CRHiSM ; Equipe d’Accueil reconnue par le ministère n°2984). Il vient de publier aux Presses Universitaires de Perpignan Le Monde vu de la plus extrême droite.

Proche-Orient
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63 ans, est-ce un âge suffisant pour être l’âge de raison ?

 

La semaine qui commence ce lundi 16 mai s’annonce importante pour le Moyen Orient. Lundi, Netanyahou doit s’exprimer devant la Knesset. Jeudi, ce sera au tour du président Obama de présenter ses propositions pour relancer un processus de paix au point mort depuis des mois. Enfin Netanyahou prononcera le 24 mai à Washington, devant les deux chambres américaines réunies, un discours annoncé déjà comme historique, après s’être exprimé la veille devant l’AIPAC, le lobby juif américain majoritaire1 qui traditionnellement soutient sa politique. Que peut-on attendre de toute cette agitation ?

Depuis son fameux discours de Bar Ilan en juin 2009, où pour la première fois Netanyahou avait accepté le principe de la solution à deux états, il a évoqué, à plusieurs reprises, les concessions difficiles qu’il serait prêt à faire dans le cadre d’un accord de paix. Mais jusqu’à présent il n’a jamais dévoilé en quoi elles consistaient. Le fera-t-il cette fois-ci ?

Ces dernières semaines, il était, dit-on à Jérusalem, de plus en plus sous pression. D’une part les Européens, lassés par ses promesses non tenues, laissaient entendre qu’ils pourraient reconnaître l’Etat palestinien si l’Assemblée de l’ONU était appelée à voter sur cette question en septembre prochain ; les pays donateurs pour la Palestine, comme les institutions internationales tels le FMI ou la banque mondiale, ayant déjà donné leur satisfecit à l’Autorité palestinienne, reconnaissant que suite au travail effectué par le gouvernement de Salam Fayyad depuis deux ans, il y avait plus d’état en Cisjordanie que dans beaucoup d’états siégeant aujourd’hui à l’ONU.
D’autre part de plus en plus de voix en Israël, au sein de l’élite intellectuelle ou parmi les anciens officiers de haut rang et certains ex responsables de la sécurité intérieure, se manifestaient pour demander au gouvernement de prendre une initiative politique, à la hauteur des bouleversements en cours dans le monde arabe, et de rompre avec cette position de statu quo, à laquelle il s’accroche par peur de voir éclater sa coalition gouvernementale, entrainant un isolement grandissant d’Israël sur la scène internationale.

Jusqu’à présent, Netanyahou au contraire puisait dans ce printemps arabe, qu’Israël n’avait pas plus que le reste du monde vu venir, une nouvelle raison pour ne pas bouger. Certes on peut comprendre les craintes légitimes que beaucoup d’Israéliens ressentent du fait de ces révolutions qui constituent un véritable bouleversement géostratégique régional et dont il est impossible de dire aujourd’hui ce qu’il en sortira. Les deux pays arabes les plus importants, avec lesquels Israël partage des frontières, sont en pleine révolution après des décennies d’un régime militaire et autocrate qui, du point de vue israélien, avait le mérite de le protéger du risque islamique. S’il est encore tôt pour présumer de ce qu’il adviendra du régime baasiste en Syrie, il est certain qu’en Egypte les frères musulmans, exclus du pouvoir sous le régime de Moubarak, seront présents au parlement après les prochaines élections. Une des premières conséquences de ce bouleversement est la réconciliation inter palestinienne, qui correspond aussi, ne l’oublions pas, à une profonde attente de la population palestinienne : Le Hamas constatant l’affaiblissement de son allié syrien trouvant dans la nouvelle Egypte un soutien qui peut s’exprimer librement maintenant. Cet accord a été pour Netanyahou et son ministre des affaires étrangères une véritable bouée de sauvetage, leur permettant d’annoncer qu’une telle décision mettait fin au processus de paix, compte tenu de la position du Hamas de ne pas reconnaître les accords passés entre Israël et l’Autorité palestinienne. Suite à cette réconciliation, Israël s’est d’ailleurs empressé de bloquer les taxes qu’il collecte pour le compte de l’Autorité palestinienne, soit 105 millions de dollars représentant les 2/3 de son budget, obligeant les Européens à mettre la main à la poche pour permettre à l’Autorité palestinienne de payer ses fonctionnaires.

Mais d’autres voix se font entendre en Israël, même au sein du ministère des Affaires étrangères, qui voient dans cet accord une opportunité et une occasion de mettre le Hamas au pied du mur, lui donnant à choisir ou non la négociation. Netanyahou les entendra-t-il ?

Israël est entré depuis quelques jours dans la soixante-quatrième année de son existence. La sagesse populaire situe à la quarantaine l’âge auquel une personne est censée atteindre l’âge de raison, c’est-à-dire l’âge auquel on prend conscience de la nécessité de renoncer à des chimères et de s’atteler à consolider les acquis de sa vie. Est-ce que 63 ans est un âge suffisant pour qu’un Etat adopte une politique raisonnable et privilégie ses vrais intérêts et fasse le pari de la paix, malgré les risques environnants. C’est tout le sens de l’appel à la raison, JCall, qu’avec d’autres citoyens européens, juifs, j’ai lancé il y a exactement un an au parlement européen à Bruxelles. Dans un livre, « JCall, les raisons d’un appel », publié en mars dernier aux Editions Liana Levi [6]certains des signataires de cet appel expliquent les motivations de leur engagement. Par la complémentarité de leurs articles, ils témoignent qu’au-delà de leur diversité, un même sentiment d’urgence nous rassemble : faire entendre la raison avant qu’il ne soit trop tard !

David Chemla

  1. A la différence de JStreet, l’autre lobby juif créé il y a 3 ans, qui prône une politique opposée à celle du gouvernement actuel israélien et appelle l’administration américaine à intervenir d’une façon plus active pour mettre fin au conflit. []