Chronique d'Evariste
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Impressions venues de Tunisie, de Lybie et de France

par Évariste
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Ou « quand le sage montre la lune, l’ignorant regarde le doigt »

Résumons la situation : tout va bien dans le meilleur des mondes. La démocratie est enfin arrivée dans les pays arabes et musulmans. Des partis démocrates-musulmans vont prendre le pouvoir face à la place des anciennes dictatures. Et les démocrates occidentaux vont rester vigilants quant à l’application des droits de l’Homme (et de la femme !).
Alain Juppé a donné le la mercredi matin sur France inter et la majorité de la droite et de la gauche se trouve sur la position Juppé.
Ouf ! Formidable, enfin le consensus. Et puis, Nicolas Sarkozy qui est intervenu jeudi soir pour nous dire que nous sommes sauvés et que la France et l’Europe vont pouvoir repartir de plus belle. Alors qu’ils n’ont rien changé à leurs fondamentaux qui sont l’origine de la triple crise.
N’est-ce une belle introduction ? Ne trouvez-vous pas cette communion touchante ?
En fait si vous regardez le doigt, vous entrez en communion. Si vous regardez la lune, il en va autrement.
Nous ne sommes d’accord que sur le point de départ : les anciennes dictatures étaient scélérates. La gauche laïque, sociale, écologique et républicaine a toujours défendu le double front dans les pays arabes et/ou musulmans à savoir la lutte contre les dictatures impérialistes et contre les intégrismes (en l’occurrence dans ces pays contre l’islamisme).
Mais nous ne participerons pas à la communion autour des médias dominants qui fonctionnent comme un clergé nous appelant à développer nos instincts grégaires.

Commençons par la Libye « délivrée » par l’Otan et la France.

L’ancien ministre de la Justice du dictateur Kadhafi, Mustafa AbdulJalil, actuel Chef du Conseil National de Transition,a pris le pouvoir avec la bénédiction des élites ordo-libérales de droite et de gauche. C’est lui qui a condamné les infirmières bulgares : comment se fait-il que les médias et les élites ordo-libérales n’en parlent pas ? C’est lui qui fit relâcher en 2009 et 2010, des centaines de membres du LIFG ( selon une note divulguée par wikileaks ), autrement dit le « Groupe Islamique Armé Libyen », lié à al-Qaida, et dont l’objectif est d’imposer la Sharia. Le chef de ce groupe terroriste islamiste, Abdulhakim Belhadj, est maintenant, d’après Wikileaks, le chef militaire de Tripoli.
Et cet honorable président adoubé par les élites ordolibérales de droite et de gauche vient de déclarer : « En tant que pays islamique, nous avons adopté la charia comme loi essentielle et toute loi qui violerait la charia est légalement nulle et non avenue », a-t-il souligné. Il a cité en exemple la loi sur le divorce et le mariage qui, sous le régime de Mouammar Kadhafi, interdisait la polygamie et autorisait le divorce, et qui ne serait désormais plus en vigueur.

Passons à la Tunisie.

Tous les médias et les élites ordolibérales ont communié en ne communiquant que sur le parti islamiste Ennahdha. Pourquoi les médias n’ont-ils pas présenté les autres partis alors que le seul parti qui a eu le droit à une couverture de presse est le parti islamiste ? Accepterait-on qu’en France, qu’il n’y ait qu’un seul parti qui ait le droit à la communication télévisuelle ?
Caroline Fourest a eu le courage de déclarer sur son blog :

« … il y a eu de vraies tentatives de fraudes dans certains bureaux de la part des militants islamistes d’Ennahdha : directeur de bureaux de vote donnant des consignes, hommes voulant entrer dans l’isoloir pour s’assurer du vote des femmes, et surtout votes achetés contre 30 dinars… Plus anecdotique, mais drôle, Rached Ghannouchi n’a pas voulu faire la queue comme tout le monde. Il a tenté de doubler et s’est fait huer aux cris de “Dégage !”… Dans d’autres bureaux, les islamistes ont obligé les hommes et les femmes à faire la queue de façon séparée… Dire qu’Ennahdha est “modéré” parce qu’il existe des salafistes très excités, c’est un peu comme expliquer que le Front national de Marine Le Pen est “de gauche” parce qu’il existe des skinheads. Le FN et Ennahdah sont bien plus redoutables pour la démocratie… Refuser de faire bloc contre  Ennahdha et leurs idées, c’est un peu comme refuser de faire front contre le FN s’il faisait plus de 40 %. Pire qu’un 21 avril. La certitude qu’ils auront la voie libre pour imposer leurs idées réactionnaires et autoritaires. »

Merci à Caroline Fourest pour sa réaction. Mais en France, la communion semble touchante. Même Marie-Christine Vergiat, députée européenne Front de Gauche déclare (dans la lignée sur ce sujet de la prise de position d’Alain Juppé) :

« … Il est souhaitable qu’une large majorité puisse se dégager autour de la nouvelle Constitution.Sans doute faut-il rappeler que la Tunisie est un pays arabo-musulman fier de son histoire et de sa culture. Nombre de partis dits modernistes et progressistes l’ont sans doute trop vite oublié et ont fait l’erreur de se diviser et de diaboliser Ennadah. En Tunisie, la religion musulmane est vécue de manière tranquille et il ne faut surtout pas confondre la très grande majorité des Tunisiens avec quelques fondamentalistes qui ont pour l’essentiel appelé au boycott de ces élections. Nous devons rester vigilants notamment vis-à-vis des engagements pris devant nous par tous ceux et toutes celles qui participeront au prochain gouvernement et tout particulièrement en ce qui concerne les droits des femmes. Aujourd’hui, nous devons d’abord respecter le choix des Tunisiens. Et, dans un an, des élections législatives et locales auront lieu. Elles seront sans doute plus faciles, car les Tunisiens auront appris de ce premier processus électoral… »

Pas un mot de soutien à la gauche laïque tunisienne. Affligeant !

« De toute mauvaise chose, il peut en sortir une bonne chose », dit l’adage chinois. Cette réaction quasi unanime de nos élites nous fixe notre ligne politique qui a pour objectif la République sociale du 21e siècle par la stratégie du double front : contre d’une part le turbocapitalisme et d’autre part contre les intégrismes et autres communautarismes. Notre travail d’éducation populaire tournée vers l’action ne fait que commencer. Nous y reviendrons.

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Le fatalisme sociologique, ou la maladie de la gauche

par Évariste
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Une 1 menée par Julien Audemard, doctorant en sciences politiques, université de Montpellier-I et David Gouard, doctorant en sciences politiques à l’université de Montpellier nous permet de revenir sur l’angle mort dans la pensée de la gauche française et internationale : la marginalisation majoritaire de la classe populaire.
Malgré notre insistance à analyser la séquence Romano Prodi — Valter Veltroni en Italie dont les primaires ont rassemblé plus 4 millions pour la première primaire et plus de 3 millions pour la seconde pour aboutir in fine à un des plus grands désastres en Italie avec l’effondrement de la gauche italienne et la victoire sans partage de Silvio Berlusconi à la tête d’une majorité droite néolibérale — extrême droite. On nous répond que l’Italie n’est pas la France. Quel argument ! La primaire française vient de rassembler près de 3 millions de votants sur une consultation appelée uniquement par le PS et ses alliés et non par la gauche tout entière comme en Italie. Mais il est clair, que de nombreux électeurs Front de Gauche et écologistes ont participé à cette consultation et qu’Arnaud Montebourg et Martine Aubry en ont bénéficié.
Les critiques de la primaire qui arguent que seuls 6 % de l’électorat ont voté à ces primaires ont tort. Si les 6 % étaient représentatifs de l’électorat de gauche, nous ne verrions pas pourquoi critiquer cette consultation « restreinte ». Dans ce cas, nous aurions une fiabilité de l’information bien supérieure à un sondage sur 900 personnes.
Mais là où le bât blesse, c’est que ces 3 millions de votants sont en très grande distorsion par rapport à l’électorat de la gauche. Et de ce point de vue, l’exemple italien est à méditer. L’étude menée par nos deux doctorants nous le prouve.
Pour mieux comprendre cette étude, rappelons (« répéter, c’est enseigner » !) que la classe populaire (ouvriers et employés) représente 53 % de la population, les couches moyennes intermédiaires salariées 24 %, les cadres salariés 15 % et les couches moyennes non salariées environ 3 %.
Or l’étude montre qu’au premier tour, 75 % des votants étaient diplômés de l’enseignement supérieur et 70 % occupaient un poste de cadre ou de profession intermédiaire. La classe populaire représentant à peine 20 %. Si on rapproche 70 % des 39 % (24+15) et 53 % de 20 %, on a vite compris que les votants de la primaire ne sont pas représentatifs de l’électorat de gauche. Rappelons par exemple que l’électorat socialiste a voté à plus de 60 % non au traité constitutionnel européen et que la majorité de la gauche2 a voté non au traité constitutionnel européen.
De plus, les jeunes ont boudé la consultation (« la proportion de votants de 18-25 ans était deux fois moins importante que ce qu’elle représente sur les listes électorales ») contrairement aux seniors de plus de 60 ans. Ce qui fait dire aux auteurs de l’étude que l’électeur type de François Hollande est le cadre quinquagénaire et que les votants de la primaire ne sont pas représentatifs de l’électorat de gauche. Les votants de la primaire sont en fait des couches moyennes, intellectuelles et urbaines au moment la nouvelle géosociologie des territoires constate l’augmentation de la classe populaire dans les zones périurbaines et rurales.

Et ce qui est encore plus grave, c’est le fatalisme sociologique du PS, mais aussi de l’ensemble de la gauche. Le parti socialiste en pointe, mais y compris la gauche écologiste et la gauche d’alternative n’arrivent pas à sortir de ce fatalisme sociologique. Tout au plus, nous entendons les jérémiades des responsables et militants qui se lamentent sur le fait que la classe populaire et les jeunes ne viennent pas aux initiatives organisées pour les couches moyennes. Quand est-ce qu’une prise de conscience aura lieu qui entraînera ces derniers à comprendre qu’ils doivent changer de stratégie ! Parlons clair. Ne proposer que des lignes politiques différentes au peuple sans que les militants et les responsables comprennent qu’il faut aussi changer de stratégie, de façon de faire de la politique, de comportement politique et social, « c’est se tirer une balle dans le pied » pour espérer courir plus vite ! De plus en plus d’organisations politiques, syndicales, associatives et mutualistes, ne vivent qu’en cercle fermé, vicié, sans lien avec l’extérieur de leur organisation, avec comme seuls liens internes, la litanie des ressentis, des compassions et des invectives délivrées sur les listes électroniques de discussions internes. Et personne n’intervient en leur disant : « and so what », « et alors », quelle efficacité a cette addiction électronique ? En fait, tout cela procède du mépris du peuple et là il y a un travail culturel de grande ampleur à entreprendre. La vérité nous oblige à dire que certains syndicats et notamment certaines parties (mais pas toutes !) de la CGT ou à un degré moindre de Solidaires essaient d’inventer de nouvelles pratiques sociales. Mais elles sont souvent raillées par ceux qui se délectent dans les ressentis, les compassions et les invectives gratuites du net !

Organiser un travail culturel pour une transformation sociale et politique, voilà la priorité sans laquelle nous pouvons nous préparer aux futures déceptions et désillusions. De nombreux responsables et militants — et pas seulement de la gauche sociale libérale et écologique — espèrent ne pas avoir besoin de faire le travail de terrain auprès « des masses populaires » et ainsi « gagner du temps » en se comportant avec leurs leaders politiques charismatiques comme des croyants dans une messe évangélique. Pour sortir de ce noeud gordien, il semble impératif de prioriser les initiatives d’éducation populaire tournées vers l’action de toutes natures (conférences publiques, cycles d’université populaire, conférences gesticulées, ciné-débat, irruption de la musique et du théâtre dans la mobilisation, etc.) qui obligent les responsables et les militants d’avoir au moins un contact partiel au peuple et de sortir du cocon « nombrilaire » dans lequel ils se sont enfermés. C’est à ce prix que les responsables et militants prendront compte des messages des « Indignés » et autres manifestants des « printemps latino-américains, arabes, ou sud-européens ». Que les responsables et militants des organisations françaises politiques, syndicales, associatives ou mutualistes prennent garde, s’ils n’engagent pas aujourd’hui leur propre révolution culturelle, sur leurs lignes, mais aussi sur leurs stratégies et pratiques sociales, il se développera en France des mouvements sociaux en dehors de leurs propres pratiques. La nature a horreur du vide. Mais nous savons que la seule spontanéité ne résout pas les problèmes du monde.

  1. ]
  2. représentant 31,3 % de l’électorat noniste []
Crise du capitalisme
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Appel pour un audit citoyen de la dette publique

par le Collectif national pour un audit citoyen de la dette publique
http://www.audit-citoyen.org/

 

Lancement de l’audit citoyen de la dette publique


Aujourd’hui 26 octobre, le Collectif national pour un audit citoyen de la dette publique publie son appel constitutif. Il invite tous les citoyens à signer cet appel et à s’engager dans la démarche de l’audit citoyen pour que la dette publique fasse enfin l’objet d’un vrai débat démocratique, au plan local, national et européen. Le Collectif pour un audit citoyen est composé d’une vingtaine d’organisations syndicales et associatives, et soutenu par plusieurs formations politiques. Il tiendra une conférence de presse à Nice, le 2 novembre à 12h, lors de l’alter-forum qui précèdera et contestera le G20.

Pour signer l’appel : http://www.audit-citoyen.org/

Appel pour un audit citoyen de la dette publique

Écoles, hôpitaux, hébergement d’urgence… Retraites, chômage, culture, environnement… nous vivons tous au quotidien l’austérité budgétaire et le pire est à venir. « Nous vivons au-dessus de nos moyens », telle est la rengaine que l’on nous ressasse dans les grands médias. Maintenant « il faut rembourser la dette », nous répète-t-on matin et soir. « On n’a pas le choix, il faut rassurer les marchés financiers, sauver la bonne réputation, le triple A de la France ».

Nous refusons ces discours culpabilisateurs. Nous ne voulons pas assister en spectateurs à la remise en cause de tout ce qui rendait encore vivables nos sociétés, en France et en Europe. Avons-nous trop dépensé pour l’école et la santé, ou bien les cadeaux fiscaux et sociaux depuis 20 ans ont-ils asséché les budgets ? Cette dette a-t-elle été tout entière contractée dans l’intérêt général, ou bien peut-elle être considérée en partie comme illégitime ? Qui détient ses titres et profite de l’austérité ? Pourquoi les États sont-il obligés de s’endetter auprès des marchés financiers et des banques, alors que celles-ci peuvent emprunter directement et pour moins cher à la Banque centrale européenne ?

Nous refusons que ces questions soient évacuées ou traitées dans notre dos par les experts officiels sous influence des lobbies économiques et financiers. Nous voulons y répondre nous-mêmes dans le cadre d’un vaste débat démocratique qui décidera de notre avenir commun.

En fin de compte, ne sommes-nous plus que des jouets entre les mains des actionnaires, des spéculateurs et des créanciers, ou bien encore des citoyens, capables de délibérer ensemble de notre avenir ?

Nous nous mobilisons dans nos villes, nos quartiers, nos villages, nos lieux de travail, en lançant un vaste audit citoyen de la dette publique. Nous créons au plan national et local des collectifs pour un audit citoyen, avec nos syndicats et associations, avec des experts indépendants, avec nos collègues, nos voisins et concitoyens. Nous allons prendre en main nos affaires, pour que revive la démocratie.

Premiers signataires :
Marie-Laurence Bertrand (CGT), Jean-Claude Chailley (Résistance sociale), Annick Coupé (Union syndicale Solidaires), Thomas Coutrot (Attac), Pascal Franchet (CADTM), Laurent Gathier (Union SNUI-Sud Trésor Solidaires), Bernadette Groison (FSU), Pierre Khalfa (Fondation Copernic), Jean-François Largillière (Sud BPCE), Philippe Légé (Économistes atterrés), Alain Marcu (Agir contre le Chômage !), Gus Massiah (Aitec), Franck Pupunat (Utopia), Michel Rousseau (Marches européennes), Maya Surduts (Collectif national pour les droits des femmes), Pierre Tartakowsky (Ligue des droits de l’Homme), Patricia Tejas (Fédération des Finances CGT), Bernard Teper (Réseau Education Populaire), Patrick Viveret (Collectif Richesse)

et Philippe Askénazy (économiste), Geneviève Azam (économiste), Étienne Balibar (philosophe), Frédéric Boccara (économiste), Alain Caillé (sociologue), François Chesnais (économiste), Benjamin Coriat (économiste), Cédric Durand (économiste), David Flacher (économiste), Susan George (écrivain), Jean-Marie Harribey (économiste), Michel Husson (économiste), Stéphane Hessel (écrivain), Esther Jeffers (économiste), Jean-Louis Laville (sociologue), Frédéric Lordon (économiste), Marc Mangenot (économiste), Dominique Méda (sociologue), Ariane Mnouchkine (artiste), André Orléan (économiste), Dominique Plihon (économiste), Christophe Ramaux (économiste), Denis Sieffert (journaliste), Henri Sterdyniak (économiste)…

Pour signer l’appel :http://www.audit-citoyen.org/

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La crise rend la rupture écologique encore plus nécessaire

par Zohra Ramdane

 

Quatre ans après le début du Grenelle de l’environnement, nous ne sommes pas beaucoup plus avancés. L’isolation des bâtiments pour atteindre partout la norme HQE, l’interdiction de construire en dehors d’une norme HQE, le développement des transports collectifs, la croissance forte des énergies renouvelables, etc. n’ont toujours pas démarré.

Et pourtant la triple crise économique, financière et de la dette publique va en s’aggravant, avançant chaque jour un peu plus vers l’implosion.Or pour construire une alternative au modèle politique ordolibéral, il convient de diminuer très vite notre dépendance vis-à-vis des énergies fossiles et notamment du gaz et du pétrole. Devant la gravité de cette triple crise, le renchérissement prévisible de ces énergies accentuera notre difficulté (comme au milieu des années 70, comme récemment en 2008 et probablement demain).
De plus, le soutien des pouvoirs publics aux énergies renouvelables, la recherche pour en abaisser les coûts et les formations de reconversion écologique appellent de nombreux nouveaux postes de travail qui diminueraient d’autant le chômage massif d’aujourd’hui.
Alors on nous argue la dette grandissante : comme s’il fallait suivre la droite néolibérale et les sociaux libéraux dans leur discours d’éradication de la dette !
À court terme, si le primat est à baisser la dette (100 % des marges nouvelles disait Manuel Valls, la droite socialiste en action, au moment des primaires socialistes), c’est l’austérité, voire les reculs sociaux de la classe populaire (53 % de la population) et des couches moyennes intermédiaires (24 % de la population) qui seront engagés. Ce qu’il faut c’est supprimer la mauvaise dette et développer la bonne. Voilà pourquoi le comité pour un audit citoyen (voir l’appel noté dans ce numéro de RESPUBLICA) est nécessaire. Et les investissements écologiques, c’est de la bonne dette. Il faut donc faire trois choses au moins :

  • taxer les revenus et le patrimoine de façon progressive dans le cadre d’une révolution fiscale pour diminuer la dette globale,
  • supprimer les mauvaises dettes,
  • mais développer et accroitre les bonnes.
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Mobilisons-nous contre le recul des droits réels des femmes en France

par Bernard Teper

 

On parle beaucoup du droit des femmes à l’étranger, et à juste titre. Mais regardons également ce qui se passe chez nous. De plus en plus, le droit positif ne suffit plus. Vous avez beau déclarer un droit opposable en matière de logement, le manque de logement et de volonté économique, sociale et politique induit que les logements nécessaires ne sont pas là. Pour le droit à la contraception et à l’IVG, c’est pareil.

Il faut dire notre indignation et notre ras-le-bol devant la bien-pensance qui pense que le droit positif suffit au bonheur des citoyens et de leurs familles.

Il faut dire notre ras-le-bol devant des formules générales qui n’ont pas de conséquence dans le réel pour de nombreuses femmes. Résultat, le nombre d’IVG est toujours élevé.

Il y a des moments où l’on se pose la question de savoir si le système ne préfère pas l’IVG à la contraception !

Il y a la loi pour le droit à la contraception, mais les patchs, les anneaux et la pilule 3e génération ne sont pas remboursés. Les pilules 4e génération qui devraient être prescrites aux jeunes filles, car elles sont plus naturelles et donc plus supportables ne le sont que pour les femmes de 45 ans.

Il y a la loi pour le droit à la contraception, mais 80 % des femmes vivent à plus de 100 km d’un planning familial.

Il y a la loi pour le droit à la contraception, mais 60 % des jeunes filles qui consultent pour une IVG n’ont pas eu de pratique contraceptive. La loi de 2001 existe, mais les 3 heures d’éducation sexuelle à l’école pour toutes les classes prévues par la loi de 2001 ne sont généralement pas effectuées. La contraception doit être gratuite et chaque femme dès le plus jeune âge doit avoir des consultations gratuites de contraception jusqu’à l’âge de 25 ans.

Il y a la loi pour le droit à l’IVG, mais les pouvoirs publics ont fermé 149 centres IVG en 10 ans (source IGAS)

Il n’y a pas de couverture nationale des centres IVG, les délais de rendez-vous augmentent et donc de nombreuses femmes arrivent en dehors des délais légaux prévus par la loi. Il nous faut une loi obligeant tout hôpital public et toute structure de gynécologie-obstétrique avoir en son sein un centre IVG et d’avoir en plus un centre de planning familial à proximité. Si l’on doit respecter le choix de certains médecins de ne pas pratiquer l’IVG, il est du devoir des directeurs d’embaucher dans ces structures des gynécologues qui les pratiquent. Un directeur d’hôpital ou d’une structure de gynécologie-obstétrique qui n’a pas de gynécologues pratiquant des IVG ou qui n’en aurait pas au moins 67 % pour les structures ayant au moins trois gynécologues devrait être sanctionné pour faute lourde.

Il est temps de ne pas laisser les futurs candidats à la présidentielle et aux législatives sans les harceler sur cette question. En attendant, signez la pétition de la MGEN.

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La laïcité adjectivée des communautaristes

par Bernard Teper

 

Nous savons depuis longtemps que la bataille sociale et politique ou la bataille des idées est directement liée à la bataille des mots. Depuis que les communautaristes ethniques et religieux ont accepté le mot « laïcité » (ce qui n’a pas été si facile), ils tentent d’en pervertir le sens en y adjoignant un adjectif. Nous avions connu la « laïcité 2000 », puis la « laïcité ouverte », et enfin la « laïcité plurielle » popularisée à gauche par la direction de la Ligue de l’Enseignement qui reprenait cette stratégie de la doctrine sociale de l’Église. Nous avons vu les dégâts que cela a produits dans les partis de gauche, les syndicats enseignants dans les années 80. Puis, on nous a servi la « laïcité de reconnaissance » puis la « laïcité positive » de Nicolas Sarkozy. Et, bien, la Conférence des responsables de culte en France (CRCF), regroupement de la plupart des structures religieuses en France, réuni le 17 octobre dernier nous propose une « laïcité de bonne intelligence » contre une « laïcité de combat ». Le texte dit même que « les religions sont une contribution à la vitalité sociale, un garde-fou utile contre la sécularisation extrême ». Qu’est-ce à dire ? Que la « sécularisation extrême » serait diabolique ?
Faut-il rappeler que la laïcité n’a besoin d’aucun adjectif pour être un principe universaliste qui s’appuie sur la liberté de conscience et la stricte séparation entre d’une part la société civile et d’autre part les sphères de l’autorité politique et de constitution des libertés (école, protection sociale, services publics) ?
Doit-on rappeler qu’il existe aussi des athées et des agnostiques ici ou là (plus de 30 % en France !) dont ces messieurs (car très peu de femmes dans ce milieu !) ne parlent guère.
Dans leur texte, il est écrit que la loi de séparation des Églises et de l’État ne doit pas « séparer les Églises de la société ». De ce point de vue, le regroupement des épiscopats promotionne la démocratie communautaire anglo-saxonne où la vie politique et sociale est régi par le face à face entre l’État et la société civile et où la société civile domine l’État par ses lobbies que ces derniers soient religieux, ethniques, économiques, financiers, etc. Tout leur combat est là : celui de vouloir empêcher l’instauration d’une République sociale qui s’appuie sur trois piliers (et non deux comme dans la démocratie communautaire anglo-saxonne). Dans une République sociale, il y a bien entendu l’État et la société civile comme dans la démocratie communautaire, mais où le principe de laïcité lié au principe démocratique permet la construction d’un troisième pilier, le corps politique des citoyens qui lorsqu’il se penche sur le vivre ensemble et la politique à produire pour l’humanité doit pouvoir délibérer en toute liberté sans la pression de l’État ni des lobbies de la société civile.
Il va sans dire que la République sociale du 21e siècle avec ses 4 ruptures et ses 10 principes constitutifs est aujourd’hui le modèle politique qui assure la plus grande liberté à l’ensemble des citoyens et de leurs familles. Encore faut-il pouvoir ne pas se laisser berner par les semeurs de confusion.

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Les migrations internationales : entre l'impossible et l'inévitable

par Michel Rogalski
économiste, EHESS-CNRS, directeur de la revue Recherches internationales.
http://www.recherches-internationales.fr/

 

Subies et forcées ou voulues et espérées, les migrations ont été marquées par la dynamique inégale des rythmes de développement des différentes régions du monde. Portées par l’esclavage, le colonialisme, la conquête de continents, elles ont connu des formes variées. Mais elles s’inscrivent désormais dans le panorama d’une planète qui a rétréci, rendant leur acceptation plus délicate qu’auparavant. La part des migrants, c’est-à-dire de ceux qui résident dans un pays où ils ne sont pas nés est évaluée entre 2,5 % et 3 % de la population mondiale, soit environ 200 millions de personnes, mais sa répartition n’est pas homogène entre les pays d’accueil, ni au sein des pays. Certes, globalisé, le chiffre reste faible. Mais en se concentrant sur des pays ou des régions particulières les migrations internationales génèrent des tensions avec des populations locales qui ne veulent pas voir leur mode de vie et leurs traditions bousculés par ces arrivées souvent sans contrôle. Il en résulte des réactions de rejet xénophobes à l’encontre de populations elles-mêmes victimes de situation faîte à leur pays par l’ordre international dominant.

Le nomadisme planétaire n’est pas la solution à la misère des peuples

Ces mouvements migratoires doivent être bien distingués des flux d’asile politique (très faibles) ou de la liberté de circulation massive (tourisme, échanges scientifiques, visites familiales) ou encore de la problématique de personnes déplacées de l’autre côté d’une frontière (catastrophes naturelles, conflits, etc.) en situation provisoire. Les flux migratoires impliquent quant à eux établissement et fixation, et relèvent autant du droit des personnes que du droit des États d’accueil et de départ. Ils ne peuvent s’inscrire dans une vision libérale qui prendrait pour modèle une libre circulation des capitaux ou des marchandises dont on connaît d’ailleurs les ravages. Pour se valoriser le capital a toujours cherché à s’émanciper de la contrainte des acquis sociaux en cherchant à se rapprocher du travail pas cher et peu protégé. Il recherche plutôt les CDD que les CDI, les précaires et sans droits que les personnels à statut, plutôt les émigrés que les nationaux. Pour se rapprocher du travail pas cher le capital a recours aux délocalisations et à l’organisation des flux migratoires. Refuser les unes et encourager les autres dans le même temps serait incompréhensible. Ce sont les deux faces d’une même médaille.

Actuellement, les zones de migrations s’organisent essentiellement autour des principaux points de contacts Nord-Sud (Mexique-États-Unis, Maghreb-Europe), autour d’anciens axes coloniaux (Afrique noire-France, Asie-Grande-Bretagne), ou se mettent en place à l’occasion de la formation d’espaces d’accumulation rapide (golfe Persique, Asie Pacifique, pays pétroliers), souvent à partir de pays proches. Ces mouvements sont façonnés par la géographie, l’histoire, et l’économie. Contrairement à une idée faussement répandue, les pays du Nord n’accueillent pas toute la misère du monde car les flux migratoires Sud-Sud, qui convergent vers des zones en développement rapide, sont aujourd’hui dominants. Ainsi, plus de 60 % des migrants restent dans l’hémisphère Sud et les trois quarts des réfugiés se tournent vers des pays voisins du Tiers monde. La libre circulation des travailleurs profite avant tout au capital, car elle favorise leur mise en concurrence à l’échelle du monde et permet d’augmenter les taux d’exploitation de toute la main-d’œuvre, immigrée ou non. Elle met de l’huile dans les rouages du capitalisme, mais ne contribue pas au développement des hommes. Le nomadisme planétaire n’est pas un modèle collectif de développement et ne résout aucun problème.

Les effets sont pervers pour les pays de départ. Avec les travailleurs migrants, ce sont souvent les fractions les plus dynamiques et entreprenantes qui quittent leur pays d’origine. Ces véritables saignées ne peuvent être sans conséquences sur les possibilités de leur développement. Les revenus transférés aux familles ne remplaceront jamais les pertes subies, même si elles atteignent aujourd’hui le niveau de l’aide publique au développement. L’économie de pays comme le Kerala, les Philippines ou le Mexique en devient tributaire. Les migrants sont de plus en plus mal accueillis, de moins en moins désirés, et souvent livrés à des réseaux maffieux internationaux de trafic de main-d’œuvre pour être finalement abandonnés à un patronat négrier. Ils servent de plus en plus de boucs émissaires au moindre retournement de conjoncture et se retrouvent utilisés dans l’exacerbation de tendances xénophobes.

La misère s’est partout répandue, nourrissant des situations explosives, des régressions sociales, idéologiques, et alimentant les intégrismes religieux et des retours vers le communautarisme. Proche de nous, le Maghreb a payé un lourd tribut, et nous avons pu en mesurer l’effet immédiat sur les flux migratoires. Ce qui fait avant tout partir les hommes, c’est la misère, l’insécurité à vivre au quotidien, le sous-développement et l’absence d’espoir. L’émigration est structurellement encore inévitable pour longtemps car elle s’inscrit dans de profondes inégalités sociales où la moitié la plus pauvre de la planète observe à travers la petite lucarne télévisée l’autre moitié vivre dans ce qui lui paraît être un luxe inaccessible et se demande quelle est la fatalité qui l’a fait naître au mauvais endroit. Mais dans le même temps, l’immigration massive est impossible. Au Nord, elle n’est plus acceptée et provoque des tensions sociales politiquement ingérables. Au Sud, elle déstabilise des États partout fragilisés par la mondialisation. C’est pourquoi les migrations internationales sont devenues un facteur de tension internationale majeur. Les rapports Nord-Sud doivent s’inscrire dans une autre logique pour permettre à chacun de vivre chez lui dans la dignité et le développement. La question des migrations restera sans solution tant que les causes qui la provoquent perdureront. Les rapports Nord-Sud sont vivement interpellés. Or ils s’inscrivent dans des relations de domination de plus en plus asymétriques.

Le double défi de la solidarité et du développement

Partout, au Nord, comme au Sud, les peuples en sont les victimes. Certes, en mettant en concurrence travailleurs et nations, la mondialisation apparaît comme un facteur de grande « insolidarité », mais dans le même temps, en « rétrécissant » la terre, elle aide à la conscience d’un rapprochement de luttes. Nous sommes entrés dans une période où l’intérêt commun se manifeste d’emblée entre les acteurs de luttes autour de la planète. Il s’agit de luttes dont la convergence est d’emblée perçue, et dont la disparité dans la situation des acteurs ne fait pas obstacle à leur mise en relation. Il s’agit là de potentialités de luttes ouvertes par la mondialisation qui a refermé dans le même temps les bras d’une terrible tenaille : plans d’ajustement structurel au Sud, austérité et rigueur néolibérales au Nord. La solidarité avec les sans papiers ne doit pas être discutable car en plus de sa dimension humaniste et charitable elle porte effectivement en elle les germes d’une solidarité de lutte qui s’articule autour de valeurs communes comme la défense de droits, le refus de l’exploitation, etc. De même que la défense des droits des migrants, souvent victimes d’un ordre international injuste ne doit pas être discutée. Tout ceci en faisant bien attention de ne pas basculer vers un discours pro-migratoire, ou sans frontièriste confondant liberté de circulation et liberté d’établissement. Ce serait une erreur d’analyse qui risquerait d’être fort mal comprise.

Contribuer à résoudre la question des migrations, c’est d’abord s’inscrire dans un combat solidaire avec ceux qui, dans leur pays, entendent se battre collectivement dans des conditions difficiles pour sortir leur pays de l’ornière du sous-développement et le dégager de relations internationales dominantes. C’est aider à faire prendre conscience chez nous que le développement des pays du Sud doit être considéré comme une première priorité. C’est considérer les migrants comme des victimes dont les droits doivent être défendus, mais sans pour autant les regarder comme des héros des temps modernes investis d’un potentiel révolutionnaire ou d’une mission de métissage mondial au nom d’un antiracisme mal compris. C’est aussi, lutter contre toutes les formes de discriminations et de xénophobie dont les étrangers d’origine sont les premières victimes et pour des droits protecteurs, notamment en matière d’emploi et de formation, de logement et leur participation à la vie démocratique qui constituent encore des objectifs à conquérir.

Les migrations internationales nous lancent donc un double défi : celui de la solidarité et celui du développement, et soulignent l’urgence d’organiser l’interdépendance mondiale autour de la coopération entre les peuples permettant à chaque pays de se développer. Aujourd’hui, la solidarité internationaliste ne peut se réduire à favoriser un nomadisme planétaire emprunt d’une charité individuelle, mais doit reposer sur une démarche collective partageant des valeurs communes permettant aux forces vives de ces pays d’apporter toute leur contribution à la construction de leur avenir.