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Hugo Chavez, vérités et mensonges

par Évariste
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Hugo Chávez Frias n’est plus. Il a fait couler beaucoup d’encre. Cette dernière a permis d’écrire des vérités et aussi beaucoup de mensonges, en général par omission.
Ainsi, on n’a guère souligné que la constitution du Venezuela donne des pouvoirs au peuple en cours de mandat des élus, comme le référendum révocatoire utilisé une fois contre Hugo Chávez Frias. Une idée pour la France ?
Grâce à Salim Lamrani
, nous pouvons mieux comprendre pourquoi Hugo Chávez Frias est populaire en Amérique latine. Lisez la suite des chiffres que nous lui avons emprunté pour la bonne cause…
A-t-on souligné qu’en 13 ans, il a remporté 15 scrutins sur 16, dans des scrutins dont aucun observateur international n’a suspecté la rigueur ?
La campagne d’alphabétisation Robinson I a appris à lire, écrire et compter à 1,5 millions d’habitants. Il n’y a plus d’illettrisme au Venezuela. Le taux de scolarisation est aujourd’hui de plus de 92 % et en 13 ans, le nombre d’élèves scolarisés est passé de 6 à 13 millions. Le taux de scolarité dans le secondaire est de plus de 73 %. Le nombre d’étudiants est passé de près de 900.000 à 2,3 millions.

Grâce à l’accord avec Cuba « pétrole contre médecins », le nombre de médecins a quadruplé pour arriver à 80 médecins pour 100.000 habitants avec accès aux soins gratuit. Le taux de mortalité infantile est passé de 19,1 pour mille à 10 pour mille. Un million et demi de Vénézuéliens ont retrouvé une vue correcte. Le taux de pauvreté est passé de 42,8 % à 26,5 %. Les inégalités ont diminué : l’indice Gini est passé de 0,46 à 0,39 %. L’accès à l’eau potable est passé de 82 à 95 %. Avec 60 % de dépenses sociales supplémentaires, le nombre de retraités est passé de 387.000 à 2,1 millions.

La consommation d’aliments a augmenté de 81 %, la production agricole locale correspond à 71 % des aliments consommés au lieu de 51 % à l’arrivée au pouvoir de Hugo Chávez Frias, la consommation de viande a augmenté de 75 %, le nombre d’enfants qui mangent gratuitement à l’école est passé de 250.000 à 5 millions, la malnutrition est passé de 21 % à 3 %, le taux de chômage est passé de 15,2 % à 6,4 %. Le salaire minimum, aujourd’hui le plus élevé d’Amérique latine, est passé de 16 dollars touchés par 65 % de la population à 330 dollars touchés par 21,2 % de la population, les femmes seules et les handicapés touchent 80 % du salaire minimum, les retraités n’ayant jamais travaillé 60 % de ce salaire minimum, le temps de travail est passé à 36 heures hebdomadaires et 6 heures par jour sans diminution de salaire.

La dette est passé de 45 % du PIB à 20 %. Avec un taux de croissance de 5,5 %, le PIB est passé de 4 100 dollars par habitant à 10 810 et internet et les télécommunications sont présents sur tout le territoire avec ses propres satellites. De plus, il distribue pour 90 millions de personnes à l’étranger du pétrole subventionné.
Les mauvaises langues diront que c’est grâce aux hydrocarbures. Mais pourquoi, avant Chávez, le peuple n’avait-il pas le droit d’en bénéficier ? A ce moment-là, les médias néolibéraux ne parlaient pas du Venezuela. Il est vrai que la rente pétrolière n’a pas aujourd’hui créé un fort développement industriel autocentré aux fins de permettre, à terme, de la création de richesse hors hydrocarbures. Eh bien, cela reste à faire.
Mais enfin, comment se fait-il que les « grands médias » n’aient pas la même vigueur pour protester contre les politiques néolibérales en Grèce, au Portugal, en Espagne, et… en France ?

Laïcité
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Décision du Conseil Constitutionnel sur la laïcité : entretien avec Gwénaële Calvès, professeur de droit public

 

Le Conseil Constitutionnel a rendu publique, jeudi dernier, sa 1 relative à l’orga-nisation du culte protestant en Alsace-Moselle. Il s’agissait pour l’Appel de convaincre les Sages, avec cette question prioritaire de constitutionnalité, que la laïcité, et plus particulièrement les articles 1 et 2 de la loi de 1905, a valeur supra-législative et que cela rend inconstitutionnelle l’existence du régime concordataire en Alsace-Moselle et ses financements directs aux quatre cultes “historiques” qui en sont bénéficiaires2.
Or, les Sages n’ont pas suivi les arguments de l’Appel et ont rendu une décision lourde de conséquences pour le principe de laïcité.

Respublica : La décision rendue par les Sages présente des avancées et des points noirs en terme de laïcité, peux-tu nous faire part des points positifs ?

Gwénaële Calvès : Le simple fait que la décision existe est un point positif ! Le Conseil aurait pu refuser de statuer sur le fond (il l’a fait à propos des langues régionales, par exemple). Il lui aurait suffi de dire que la laïcité n’est pas un principe invocable à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité. Il faut savoir que toutes les normes constitutionnelles mobilisables dans le cadre d’un contrôle exercé avant la promulgation d’une loi (lorsqu’elle est déférée par des parlementaires) ne le sont pas dans le cadre du contrôle qui peut s’exercer (à la demande d’un justiciable) après que la loi est entrée en vigueur.

En effet, le Conseil peut décider que tel ou tel article de la Constitution, ou tel ou tel principe de valeur constitutionnelle, « n’instituent pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit » : cela signifie qu’une question prioritaire de constitutionnalité qui invoque une violation de ces règles sera déclarée irrecevable. Tel n’est donc pas le cas de la laïcité de la République consacrée par l’article 1er de la Constitution, et il faut s’en réjouir.

Respublica : Les associations de défense de la laïcité vont donc pouvoir contester n’importe quelle loi ? Je pense en particulier à la loi Debré.

Gwénaële Calvès : Pour la loi Debré, les chances de succès me semblent très faibles, mais ça vaudrait la peine d’essayer…

En revanche, il ne sera pas possible de former une QPC à l’encontre des textes antérieurs à l958 qui régissent l’organisation de certains cultes dans les parties du territoire où la loi de 1905 ne s’applique pas. Il s’agit évidemment de l’ordonnance du 27 août 1828 (pour la Guyane), de la loi du 18 germinal an X (pour l’Alsace-Moselle), des décrets Mandel de 1939 (pour la Polynésie française, Wallis et Futuna, Saint-Pierre et Miquelon, Mayotte et la Nouvelle-Calédonie). Ces textes, nous dit le Conseil, ne peuvent pas être considérés comme contraires au principe constitutionnel de laïcité, car le Constituant de 1958 « n’a pas entendu les remettre en cause ». Mais il n’a pas « entendu », pour autant, les sanctuariser ! Un justiciable ne peut pas arguer devant un tribunal que ces textes violent le principe de laïcité, mais le législateur pourrait, demain, les supprimer d’un trait de plume, et étendre à ces territoires le régime de droit commun qui est celui de la séparation entre l’État et les cultes.

C’est là un deuxième point positif de la décision : elle dit clairement que rien ne s’oppose à une réflexion, au Parlement, sur le bien-fondé de ces régimes dérogatoires… Est-il admissible que seul le culte catholique bénéficie, en Guyane, d’un financement public ? Est-il justifiable d’écarter les musulmans du régime concordataire applicable, en Alsace-Moselle, aux quatre cultes reconnus ? La décision du Conseil ne permet pas d’élargir ces régimes dérogatoires : il faut soit les maintenir en l’état (en assumant leur caractère discriminatoire), soit les supprimer. Cette alternative est clairement posée, me semble-t-il : la balle est donc dans le camp du législateur…

Respublica : Mais sa marge de manœuvre n’est-elle pas réduite pas la décision du Conseil, qui impose « sa » définition du principe de laïcité ?

Gwénaële Calvès : Oui et non… Je ne trouve pas sa définition très contraignante. Elle serait plutôt incomplète… Mais elle a le mérite d’exister, et c’est le troisième point positif de la décision : elle nous livre une élucidation du contenu du « principe constitutionnel de laïcité ».
Le juge constitutionnel n’avait jamais été appelé à analyser ce principe, sauf en 2004, lorsqu’il lui avait été demandé de dire si la France pouvait souscrire à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne sans mettre en péril la laïcité « à la française ». À cette occasion, il avait analysé la portée plutôt que le contenu de la laïcité, et il avait mis l’accent sur deux conséquences fondamentales de ce principe : d’une part, il s’oppose à la reconnaissance de « droits collectifs » au profit de tout groupe « défini par une communauté de croyance » ; d’autre part, il interdit à quiconque de « se prévaloir de ses croyances religieuses » pour s’affranchir de la règle commune. Refus du droit des groupes et refus d’un droit des individus à l’exemption ou à la dérogation pour motifs religieux : on en était là. De son côté, le Conseil d’État, dont l’office consiste essentiellement à appliquer et interpréter la loi de 1905, n’avait guère eu l’occasion de s’élever au niveau constitutionnel, sauf à propos de situations, ou de territoires, où cette loi ne s’applique pas.

La décision du 21 février 2013 marque donc une avancée importante, puisque le Conseil énumère les composantes du principe de laïcité qui s’imposent désormais de manière certaine aux pouvoirs publics, y compris au législateur. Ces composantes sont au nombre de six (mais la liste est délibérément maintenue ouverte par l’adverbe « notamment » retenu par le Conseil qui ne souhaite visiblement pas trop se lier les mains) : neutralité de l’État ; non-reconnaissance de quelque culte que ce soit ; respect de toutes les croyances ; égalité devant la loi sans distinction de croyance ; garantie par la République du libre exercice des cultes ; interdiction de salarier les cultes.

Le principe d’égal traitement des cultes n’apparaît pas, mais manque, surtout, le principe de non-subventionnement public des cultes qui était invoqué par les requérants. Comme le Conseil d’État avant lui, le Conseil constitutionnel refuse donc de hisser au niveau constitutionnel l’interdiction posée par l’article 2 de la loi de 1905 : « la République ne subventionne aucun culte ».

Or cette question de la subvention – directe ou indirecte – est aujourd’hui au cœur de nombreuses revendications, et fait l’objet d’une myriade de contentieux que le juge administratif s’efforce de canaliser en développant une jurisprudence qu’il qualifie lui-même de « libérale ». Faut-il s’en satisfaire ? La balle, ici encore, est dans le camp du législateur.

  1. Association Pour la Promotion et l’Expansion de la Laïcité []
  2. catholique, luthérien, réformé et israélite []
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Hugo Chávez, la mort d’un grand

par Xavier Calmettes
Collaborateur de la revue "Recherches internationales"

Source de l'article

 

Le Venezuela enterre aujourd’hui l’un des dirigeants les plus marquants de ce début de XXIème siècle. L’homme a monopolisé le débat politique vénézuélien et latino-américain durant plus de 20 ans. Détesté par les élites, adulé par les classes défavorisées, Hugo Chávez ne laissait personne indifférent. Son parcours personnel a contribué à forger le mythe.

Un parcours mouvementé

Né dans une famille de l’État de Barinas, il intègre les forces armées, gravit les échelons de la hiérarchie militaire et devient lieutenant-colonel. Admirateur de Simón Bolivar, le libérateur de la grande Colombie du joug espagnol, il crée le Mouvement Bolivarien 200 au sein des forces armées en 1983. Ce mouvement d’inspiration nationaliste aurait très certainement été voué à l’anonymat, s’il n’était pas né en même temps qu’une profonde crise économique, sociale, et politique. Incapables de résoudre les problèmes économiques de la société vénézuélienne, les élites de la IVème République tentent de mettre en place des réformes de caractère néo-libéral qui échouent à relancer l’économie. Les inégalités augmentent, le Venezuela s’appauvrit, le PIB régresse, et le FMI demande la réduction des déficits publics. Le peuple reste fidèle aux deux partis historiques de la IVème République (Acción Democrática et COPEI) jusqu’à ce que Carlos Andrés Pérez (candidat d’Acción Democrática) soit élu Président. Ce dernier promet au cours de la campagne de mener une politique sociale rappelant celle qui avait été la sienne dans les années 70. Cependant, une fois élu, il augmente les taxes, les prix de l’essence et réduit les dépenses sociales. Lorsque ces réformes entrent en vigueur de violentes manifestations et émeutes éclatent dans tout le pays : c’est le caracazo. L’armée est appelée à l’aide, elle tire sur les manifestants et les émeutiers. Le bilan est de 300 morts selon la police, 3000 selon les associations. Hugo Chávez refuse de tirer et prépare un coup d’État contre ce gouvernement qu’il juge désormais illégitime.

Le 4 février 1992, Hugo Chávez se trouve à la tête des troupes rebelles qui tentent de prendre d’assaut le palais présidentiel mais l’insurrection est un échec. Ce dernier assume la responsabilité du revers et déclare que « les objectifs qu’ils s’étaient fixés n’étaient pas atteint, pour le moment ». Il est emprisonné mais, depuis le caracazo, le peuple vénézuélien ne croit plus dans la politique de ses élites. Le « Pour le moment », prononcé par le lieutenant-colonel, devient un signe de ralliement pour tous les opposants de la IVème République. Alors qu’Hugo Chávez purge sa peine pour le soulèvement manqué, Carlos Andrés Pérez est destitué pour corruption. La non participation d’Hugo Chávez au nouveau scrutin n’empêche pas la déroute aux élections présidentielles de 1993 d’Acción Democrática et du COPEI. Le nouveau Président, Rafael Caldera, sous la pression de l’opinion publique, libère Hugo Chávez. Ce dernier incarne alors les espoirs de toute une nouvelle génération de vénézuéliens qui souhaitent le changement.

L’élection de décembre 1998 est un triomphe pour le natif de Banes, avec 56 % des suffrages exprimés au premier tour, Hugo Chávez est élu chef de l’État. L’activité législative et constitutionnelle est intense : en l’espace de deux ans un référendum, une nouvelle constitution et une nouvelle élection présidentielle ont lieu. L’armée est mobilisée pour palier à l’urgence sociale, une réforme agraire est votée pour redistribuer les terres en jachères aux petits paysans, les bénéfices de la compagnie pétrolière nationale redistribués pour parvenir à développer le pays. La gestion du Président Chávez est plébiscitée et ce dernier devient le dirigeant démocratique le mieux élu de ce début de XXIème siècle avec 59,6 % des suffrages exprimés.

Cependant, la gestion de celui-ci ne convient pas à tous. Les patrons vénézuéliens se mettent en grève en décembre 2001, avant de s’engager dans un coup d’État mené le 11 avril 2002. Les chaînes de télévision privées diffusent des images truquées montrant supposément des chavistes tirer sur une manifestation pacifique de l’opposition alors que la chaine publique, la venezolana, aux mains des partisans de Chávez est coupée par l’opposition. Pedro Carmona, dirigeant de la Fedecámaras (association regroupant les principales entreprises vénézuéliennes), s’autoproclame Président de la République, abroge la constitution, et destitue Hugo Chávez. Des manifestations de rue éclatent dans tout le pays pour réclamer le retour du Président constitutionnel. Sous la pression des manifestants et d’une partie de l’armée, Pedro Carmona doit se retirer après 48 heures de gouvernement. Le Président légal revient sous les acclamations d’une foule immense qui scande son nom. Pourtant, le mouvement populaire qui permet à Hugo Chávez de revenir au pouvoir est très peu mentionné dans la presse internationale. En effet, l’homme qui est décrit dans les médias, ressemble à un dictateur paranoïaque que le quotidien Libération du 7 décembre 2007 n’hésitera pas à comparer à Mohamad Kadhafi, Bachar Al-Assad, ou Idriss Deby. Si Hugo Chávez est souvent caricaturé pour ses propos tranchants comme lors de son discours à l’ONU du 20 septembre 2006 où il désigne George Bush par le mot « diable », ses propos sont aussi exagérés et déformés par la presse. Ainsi l’antisémitisme supposé du Président vénézuélien tenait dans une phrase tronquée et modifiée d’un discours prononcé le 24 décembre 2005 dans l’État de Miranda.

Un bilan impressionnant

Hugo Chávez, sachant qu’il ne peut pas s’appuyer sur les classes économiques dominantes issues de la IVème République, qui ont tenté de le renverser, mène des réformes structurelles de lutte contre la pauvreté. En l’espace de trois ans, et malgré une grève pétrolière menée par les anciens putschistes au sein de la PDVSA (compagnie pétrolière nationale), Hugo Chávez conduit des réformes sociales majeures. Les missions Robinson, Ribas, Sucre, Barrio Adentro, Vuelvan Caras, Madres del Barrio, apportent éducation, santé, formation professionnelle, et aide alimentaire dans des lieux qui étaient jusque là délaissés par les pouvoirs publics. Trois ans après la grève pétrolière, le taux de mortalité infantile des enfants de moins de 5 ans a été réduit de 22,40 ‰ à 17,03 ‰ (INE, 2011), le taux de pauvreté de 62,1 % à 36,3 % (INE, 2011), et l’analphabétisme est éliminé. Au niveau international des accords de coopération sont mis en place avec d’autres pays latino-américains sur la base de l’échange équitable de ressources. L’Alliance Bolivarienne pour les peuples de notre Amérique, l’ALBA, créée en 2004 à l’initiative de Cuba et du Venezuela s’élargit à la Bolivie, au Nicaragua, à l’Équateur, et à quelles îles antillaises. Conséquence de ces succès, le Président est élu au premier tour de l’élection du 3 décembre 2006 avec près de 60 % des suffrages exprimés, un record absolu après 7 ans d’exercice du pouvoir. Rien ne semblait alors pouvoir arrêter la machine électorale chaviste.

Pourtant, le 2 décembre 2007, le Président vénézuélien connaît sa première défaite à un scrutin électoral. Le référendum qui prévoyait de modifier la constitution afin d’établir un régime socialiste et la suppression de la limite du nombre de mandats possibles de briguer pour un Président de la République est refusé par 50,7 % des suffrages exprimés. En novembre 2008, les élections régionales sont une défaite relative pour les forces chavistes regroupées depuis le 9 mars 2008 au sein du PSUV (Parti Socialiste Unifié du Venezuela). Si les chavistes conservent la majorité des régions, l’opposition en gagne 4. Les prix des produits pétroliers dont le Venezuela reste extrêmement dépendant pour ses ressources financières baissent en raison de la crise économique mondiale. La corruption et les dysfonctionnements de certaines missions entraîne une baisse de popularité de son gouvernement.

Hugo Chávez relance alors les programmes de construction sociaux, les missions bolivariennes, et augmente le salaire minimum vénézuélien. L’élection de 2012 montre que malgré la maladie qui le ronge, Hugo Chávez reste extrêmement populaire. La mort du Président vénézuélien laisse un pays marqué par une décennie de transformation sociale et politique que le successeur d’Hugo Chávez devra continuer sans la légitimité historique et charismatique de l’ex-leader bolivarien. Nul doute que l’appel des forces armées et de Nicolás Maduro à l’unité n’est pas étranger à la volonté du PSUV de ne pas voir un parti hétéroclite et réuni par Chávez éclater en plusieurs tendances.

À l’heure où le Venezuela enterre celui qui aura marqué la politique latino-américain depuis près de 14 ans, il est vraisemblable que la figure tutélaire d’Hugo Chávez marquera encore durablement la politique de ce pays dans les prochaines décennies.

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La question sociale devient préoccupante en Algérie

par Zohra Ramdane

 

L’Algérie, pays qui possède de fortes réserves de gaz et de pétrole, a toutes les potentialités pour se servir de ce point fort pour engager un développement économique autocentré débouchant sur des avancées économiques et sociales. Malheureusement, le système politique existant utilise uniquement la rente gazière et pétrolière pour « acheter la paix sociale » sans promouvoir un développement économique et social.
Nous vous présentons ci-dessous des éléments pris dans les publications officielles algériennes (ONS et CNIS) et dans la presse algérienne.

Liberté d’expression, de réunion, d’organisation
Le système politique porte atteinte à la liberté de réunion,d’organisation et d’expression. La journaliste Mina Adel, s’exprime ainsi dans El Watan du 20 février 2013: « Onze syndicalistes parmi lesquels deux algériens, des mauritaniens, des marocains et des tunisiens ont été arrêté ce mercredi à 8h à Alger pour être conduit vers le commissariat de Bab Ezzouar où ils sont toujours. »
« Nous sommes là depuis 8h du matin. On nous a établi des PV et les syndicalistes étrangers ont été photographiés tel des criminels », a déclaré à El Watan.com, Mourad Tchiko, membre du bureau national du Syndicat National Autonome des Personnels de l’Administration Publique (Snanap). Abdelkader Kherba, vice-président de la Commission nationale de défense des droits des chômeurs est le deuxième algérien à être arrêté aujourd’hui. La raison de l’arrestation est, selon lui, « l’organisation d’un évènement non autorisé et l’arrivée non déclarée de syndicalistes étrangers ». En effet, cette arrestation s’est produite après « encerclement de la maison des syndicats par la police pour interdire les participants au 1er forum maghrébin pour la lutte contre le chômage et le travail précaire de rentrée pour entamer leurs travaux. Les délégations tunisienne, marocaine, mauritanienne ont été harcelés par la police ainsi qu’un chômeur algérien a été arrêté par les services de police est un autre groupe de jeunes à été pris en otage dans la salle », raconte dans son message à la presse Nassira Ghozlane, secrétaire générale du Snapap.

Sous-emploi et plus de 50 % des salariés sans couverture de sécurité sociale

Le sous-emploi touche, d’après les statistiques de l’enquête Emploi 2010 de l’Office National des Statistiques (ONS) algérien, touche 18,9 % des personnes occupées soit 1.844.000 personnes( dont 436.000 femmes) sur une population occupée de 9.735.000 personnes (dont 15,1 % de femmes). L’enquête fait ressortir qu’un salarié sur deux (50,1 %) n’est pas affilié au régime de la Sécurité sociale. Pire, Meziane Rahbi précise dans le journal Liberté du 23 juillet 2012 que « certaines branches sont touchées davantage que d’autres, notamment l’agriculture (88 %) et le secteur du BTP (82,3 %), les industries manufacturières, le commerce et la réparation automobile et autres produits domestiques (72 %) ».
On remarque le caractère rentier de l’Etat algérien quand on remarque que l’évolution de l’emploi informel augmente plus vite que l’emploi structuré. L’emploi informel a cru de 2001 à 2010 de 1.648.000 personnes à 3.921.000 soit une population qui a plus que doublé en dix ans alors que l’emploi structuré ne s’est accru que de 43,1 %. Il est à noter que l’emploi informel touche tous les secteurs, y compris l’industrie (17,3 %).

16 % des diplômés de l’université sont au chômage
Moncef Wafi écrit dans le Quotidien d’Oran (27 août 2012) : « Il ne fait pas bon d’être diplômé en Algérie. Du moins sur le plan du travail puisque cette tranche de la société est paradoxalement la plus touchée par le chômage. » 10 % de chômage en Algérie alors que les diplômés de l’université sont 16 % au chômage montre bien la faiblesse du développement économique. On peut montrer par exemple dans le commerce à l’intérieur de la Zone arabe de libre-échange (ZALE), selon les statistiques du Centre national des statistiques douanières (CNIS), que les produits alimentaires, l’énergie et les lubrifiants constituent les principales marchandises algériennes exportées vers les pays arabes, tandis que ces derniers exportent vers l’Algérie des produits manufacturés notamment des médicaments, des huiles légères, des fils de cuivre et des conducteurs électriques. Nous voyons bien là que la rente gazière et pétrolière n’est pas fléchée pour le développement économique et social.

Logement
Toujours dans El Watan (23 novembre 2012), on peut lire sous la plume de Lotfi Sid : « Nous nous calmerons le jour où les autorités cesseront de faire la sourde oreille », lance un habitant de la cité Diar Echems, dans la commune d’El Madania, à Alger. « Je sais que tout le monde nous en veut pour les émeutes qu’entraînent nos fils, mais personne n’a la moindre idée de l’humiliation que nous subissons et des conditions dans lesquelles nous vivons.»

Travail au noir en progression
Hamida Mechaï écrit dans El Watan (3 décembre 2012) : « selon la presse qui s’est fiée aux enquêtes de l’ONS, le nombre d’algériens exerçant au noir a triplé en dix ans. 3,9 millions en 2010 contre 1,6 millions en 2001. »

10.000 tentatives de suicide par an
Dans le Quotidien d’Oran (8 décembre 2012), on peut lire, sous la plume de Ziad Salah, que lors du Colloque pluridisciplinaire « Algérie, changement social ou crise sociétale totale » de la journée d’études organisée  par le laboratoire Philosophie, sciences et développement en Algérie de l’Université d’Oran avec des philosophes, médecins, psychiatres et sociologues venus des universités de la région, qu’il y avait 10.000 tentatives de suicide par an en Algérie.

Coût de la vie
Yazid Alilat précise dans Le Quotidien d’Oran du 24 décembre 2012 : « Le coût de la vie a augmenté en Algérie durant les onze premiers mois de l’année 2012, passant à des niveaux jamais atteints, en dépit des déclarations rassurantes du gouvernement. Selon les derniers chiffres de l’ONS, l’inflation a bondi à 8,1  % à fin novembre 2012. Une surchauffe expliquée par l’Office national des statistiques(ONS) par une hausse généralisée des produits alimentaires et agricoles. Cette hausse a été tirée essentiellement par les biens alimentaires (12 %) dont 20,8 % pour les produits agricoles frais et 4,7 % pour les produits alimentaires industriels. Sur la même trajectoire, les autres types de biens, comme les produits manufacturés et les services, les hausses sont là respectivement avec 6,8 % et 5 % durant la même période. En fait, de janvier à novembre 2012, plusieurs produits agricoles ont pratiquement flambé sur les marchés, de gros ou de détail: il s’agit notamment de la pomme de terre (37,7 %), la viande de mouton (30,4 %), la volaille (19,3 %), les légumes frais (13 %), les poissons (11,6 %) et les fruits frais (6,4 %), ajoute l’ONS. D’autres produits alimentaires industriels ont également enregistré des augmentations, notamment les boissons (14,6 %), le sucre (4,8 %), les huiles et graisses (4 %), le lait et dérivés (2,4 %). Pour le seul mois de novembre, par ailleurs, l’indice des prix à la consommation s’est établi en hausse de 8,1 % à Alger par rapport au même mois de 2011, donnant un coup d’accélérateur à l’inflation annuelle qui s’est située à 8,6 % en novembre dernier contre 8,3 % en octobre. En fait, c’est l’indice des prix à la consommation de la ville d’Alger qui sert de référence pour le taux d’inflation nationale. Celui-ci s’est établi en hausse de 8,1 % en novembre dernier et par rapport à la même période 2011 contre 9,9 % en octobre 2012. Selon l’ONS, cette surchauffe est le résultat de la hausse de plus de 22,6 % des prix des produits agricoles frais. Les produits alimentaires en général ont augmenté de près de 12 % avec 22,6 % pour les produits agricoles frais et 3,3 % pour les produits alimentaires industriels, indique l’Office, qui précise qu’à l’exception des fruits frais, qui ont connu une variation de près de 0,5 %, les autres produits alimentaires sont en forte hausse, notamment la viande de poulet (41,6 %), la viande de mouton (31,8 %), le poisson frais (28,2 %) et les oeufs (18,6 %). La hausse de la pomme de terre au mois de novembre a été, par ailleurs, de 16,9 % et les légumes frais 14,2 %.

Les chiffres de l’ONS confirment en fait l’extrême volatilité des prix des produits agricoles sur les marchés algériens. Que ce soit à Alger, Constantine, Médéa, Oran ou les villes de l’Est du pays, c’est le même constat: les prix des produits agricoles flambent. La pomme de terre de saison à 55 DA, la tomate à plus de 120 DA, les poivrons à 160 DA et plus, les haricots verts à 260 DA, les navets et les carottes à 80 DA, c’est en fait tout le panier de la ménagère qui explose. Au moment où des déclarations d’officiels, notamment le ministre des Finances, qui prévoient une baisse de l’inflation en 2013. Même les déclarations du ministre de l’Agriculture sur les prix à la baisse de la pomme de terre et des produits maraîchers sont ainsi battues en brèche par les chiffres de l’ONS. La fin de l’année 2012, avec les traditionnelles fêtes, devrait enregistrer un rebond de prix des produits agricoles frais, ce qui, évidemment, alourdit encore plus les charges des familles. Même si des chutes de prix plus ou moins importantes ont caractérisé certains produits, notamment les légumes (-19,5 %), les fruits (-13,9 %), la viande de poulet (-9,8 %) et la viande de mouton (-3,5 %) au mois de novembre. Le calme avant la tempête ? »

Informations recueillies par Zohra Ramdane

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Arrêter Fessenheim, une décision vertueuse

par Thierry de Larochelambert
Chaire Supérieure de Physique-Chimie
Docteur en Énergétique
Chercheur à l'Institut FEMTO-ST
Vice-président d'Alter Alsace Énergies

 

Rejoignant certains employés CGT de la centrale nucléaire de Fessenheim dans un combat d’arrière-garde contre nature (politique), les trois députés de droite du Haut- et Bas-Rhin qui ont demandé ce mercredi 27 février 2013 au délégué interministériel Francis Rol-Tanguy de ne pas fermer la centrale n’hésitent pas à employer des arguments incongrus et grandiloquents pour satisfaire les besoins de leur position idéologique.
N’ayant apparemment rien appris des dernières catastrophes nucléaires ni des différents rapports des autorités de sûreté sur l’état du parc nucléaire français vieillissant ou de la Cour de Comptes sur le coût de la poursuite du programme nucléaire en France, les trois parlementaires agitent les chiffons (rouges ?) habituels : chantage à l’emploi, chantage à l’économie de la région (voire de la France tout entière !), manque à gagner pour les collectivités locales, etc., comme si le maintien de vieilles activités industrielles obsolètes et dangereuses était un choix d’avenir pour l’économie de notre pays au XXIe siècle.
Comme s’ils percevaient eux-même la désuétude de ces arguments éculés, ils n’hésitent pas à prendre des accents catastrophistes pour convoquer les cataclysmes à venir : pénurie de courant électrique pour les grandes usines consommatrices d’électricité installées le long du Rhin ; menace de départ de certaines d’entre elles… jusqu’aux perturbations des chemins de fer locaux dont les trains ne pourraient plus rouler suffisamment vite !
Quand on sait que l’essentiel de la production de la centrale nucléaire de Fessenheim est exporté vers la Suisse et l’Allemagne et que les 12 centrales hydroélectriques du Rhin installées dans la plaine d’Alsace couvrent déjà à elle-seules les 2/3 de la consommation de toute la région ; que l’arrêt de la centrale pendant des mois n’obère pas plus l’économie locale que l’arrêt des 8 réacteurs nucléaires allemands n’a posé de problèmes ni à l’approvisionnement énergétique ni à la politique de réduction des gaz à effet de serre de l’Allemagne en 2012, on ne peut que constater la faiblesse de tels pronostics alarmistes !
Affirmer de plus que  « nos centrales nucléaires sont faites pour fonctionner pendant 60 ans, nous n’en sommes qu’à la moitié » relève de l’irresponsabilité et de l’imposture : dès 1980 les micro-fissures dans le beurrage inox des viroles et des cuves puis des couvercles des réacteurs PWR français avaient été mises au jour : elles n’ont jamais cessé d’exister, même après les tentatives de soudure in situ, au point que l’autorité de sûreté nucléaire demande depuis des années le remplacement de tous les couvercles des réacteurs, ce qu’EDF a toujours refusé de financer. Quant à la corrosion des générateurs de vapeur, des pompes, des grappes de contrôle et des circuits, l’activation progressive de l’acier du circuit primaire sous l’effet des rayonnements, ils sont les facteurs essentiels qui limitent la durée de vie raisonnable des réacteurs à 30 ans. Faire croire à la population que cette durée de vie pourrait être doublée est une farce tragique indigne de représentants du peuple : non seulement cette affirmation ne repose sur aucune base scientifique sérieuse, mais elle est même contraire à l’évidence scientifique et à toutes les études mondiales menées sur la fragilisation des aciers sous rayonnements radiologiques et changements de régime thermique répétés.
Il apparaît très clairement, au vu de l’expérience récente de l’Allemagne, du Japon, et de la politique énergétique rationnelle et maîtrisée de certains pays comme le Danemark pour éliminer le nucléaire de leur “mix” énergétique en appuyant la sobriété et l’efficacité énergétique généralisées sur le développement intensif des énergies renouvelables, que la fermeture inconditionnelle et immédiate de la centrale nucléaire de Fessenheim est une mesure vertueuse que doit prendre notre pays au plus vite :

  • elle économisera les centaines de millions d’euros nécessaires à la mise aux normes post-Fukushima qui, de toute manière, ne garantiront pas que la centrale nucléaire résistera à un séisme majeur ;
  • elle évitera les conséquences dramatiques d’une rupture de cuve ou de circuit primaire ou de blocage des barres de contrôle et des pertes de refroidissement consécutives à un grand séisme ou au vieillissement accéléré du circuit primaire ;
  • elle permettra d’investir efficacement les économies ainsi réalisées pour financer une politique énergétique volontaire et planifiée d’isolation des bâtiments, de diminution des consommations électriques abusives, inefficaces et inadaptées (éclairage routier, éclairage commercial de nuit, éclairage urbain excessif, chauffage électrique, télévisions énergivores, climatisations inutiles, pompes à chaleur inefficaces, surchauffe des bâtiments, électroménager énergivore inutile), de soutien à l’efficacité énergétique dans l’industrie et les services ;
  • elle rendra incontournable le développement massif des productions locales d’électricité et de chaleur par cogénération à partir des ressources exclusivement renouvelables(biomasse, éolien, solaire photovoltaïque et thermique, géothermique, petit hydraulique) dont le potentiel disponible couvre très largement les besoins de toute une région aussi densément peuplée que l’Alsace, à l’instar du Danemark ;
  • elle obligera les départements avoisinants et les régions frontalières à développer les nouveaux modes de gestion de l’électricité du XXIe siècle par réseaux électriques décentralisés et automatisés, dimensionnés aux ressources et consommations locales, dotés de centres de stockage électrique (électrolyseurs de production d’hydrogène et piles à combustibles, batteries chimiques de haute densité, stockage gravitationnel, stockage thermique, stockage inertiel), connectés aux réseaux national et international par poste de régulation automatique ;
  • elle ouvrira la voie à une politique de création d’emplois soutenable accélérée, couvrant rapidement entre 10 et 20 fois plus d’emplois locaux que les quelques centaines d’emplois directs que procure la centrale nucléaire, en offrant aux employés d’EDF et à leurs enfants une reconversion immédiate dans les énergies d’avenir (production renouvelable, distribution électrique décentralisée, efficacité électrique), et en générant un cycle vertueux d’emplois directs et de sous-traitance dans tous les domaines de l’économie d’énergie, de l’efficacité, de la production et du stockage énergétique renouvelable.

Il faut fermer Fessenheim dès maintenant pour amorcer la transition énergétique vers une structure énergétique soutenable, nécessaire pour faire face à l’urgence climatique et énergétique.

Carnets de voyage
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Égypte, suite (décembre 2012 - janvier 2013)

par Ghislain

 

NDLR - Témoignage et libres réflexions : dans cette nouvelle rubrique “Carnets de voyage”, nous vous proposons en plusieurs livraisons les lettres de Ghislain, rédigées entre décembre 2012 et février 2013, en Égypte puis en Tunisie (il quitte ce pays au lendemain des obsèques de Choukri Belaïd).
Voir la première partie dans le n° 712.

Lettre 3

(8 janvier 2013)

Retour au Caire. La ville s’éveille tard et s’endort tard. Dans le quartier de Tahrir les nombreux cafés chichas installent tables et chaises sur les trottoirs et le soir les gens viennent par milliers fumer et/ou boire thé ou café turc. On voit plus de femmes le soir. Pulls, vestes, manteaux : c’est l’hiver. La majorité des femmes portent juste un foulard et une minorité se partage entre niqabs (qu’on ne voit pas au café) et cheveux au vent (souvent des Coptes). Les jeunes filles sont coquettes et souvent en jeans. L’habitude des voitures qui klaxonnent frénétiquement n’a pas l’air de gêner ces noctambules. (Moi si, beaucoup ! Tiens j’ai vu un motocycliste avec un casque en 25 jours !). Le danger en Égypte ? traverser une rue !
Il n’est pas difficile de sentir que cette ville souffre de surpopulation. La tension est palpable, l’impatience (klaxons) et la promiscuité engendrent des disputes (chez les hommes comme par hasard).
La difficulté pour joindre les contacts qu’on m’a donnés en France vient de m’amener à… tenez-vous bien… acheter un portable ! La première fois qu’il a sonné, je pensais que c’était un autre et c’est le réceptionniste de l’hôtel qui m’a averti !
Je rencontre un étudiant en médecine qui a étudié le français à l’école de langue Cavilam à Vichy. Il vient avec un ami et tiennent à me faire découvrir « Cairo by night ». Nous passons donc par la place Tahrir pour aller jusqu’au Nil tout près et j’ai droit au bateau-mouche. Aux abords de la place, nous assistons à un incident de harcèlement envers une fille. Finalement l’importun sera chassé. Je reviendrai sur le harcèlement et le machisme.

J’ai vu le A cerclé des libertaires sur les murs au Caire, à Alexandrie et à Port-Saïd. Sur Google j’ai trouvé le site du Libertarian socialist movement. Le contact a échoué à Alexandrie mais je réussis à voir l’un des membres au Caire. Échange de littérature. J’ai des journaux d’Angleterre et il me donne journal et tract du MSL en arabe. Le jour où nous nous rencontrons, il me parle de la situation conflictuelle à Alexandrie. Quelques semaines auparavant ils ont participé à l’attaque du siège des Frères musulmans à Alexandrie.

 

 

 

Manifestation des Frères musulmans à Alexandrie ;   à droite, les femmes parquées.

 

 

 

Je rencontre aussi une femme égyptienne revenue de France pour participer à la lutte contre la confiscation de la révolution par les islamistes. Elle m’entraîne au siège du Parti de gauche où de nombreuses femmes s’activent. Une délégation de femmes va voir un juge (le pouvoir est toujours en conflit ouvert avec les juges).

Philippe (celui qui a fait le livre sur la bio), un ami qui fait un film au Burkina Faso sur l’excision (plus exactement sur la reconstitution du clitoris par des chirurgiens, le Burkina ayant été à l’avant-garde de la lutte contre l’excision à l’époque de Thomas Sankara) m’a demandé où en était la situation ici en Égypte. L’excision serait née ici à l’époque des Pharaons, donc pré-islamique, et je pose la question à Olfat. Sa réponse : « L’excision était interdite par une loi. Les islamistes l’ont abolie. Le pire se passe en Haute-Égypte où ils organisent des caravanes mobiles qui la pratiquent gratuitement. »

Je suis étonné de voir cette femme très motivée qui a conscience qu’il ne faut surtout pas laisser le pouvoir aux religieux, sinon ce sera un grand pas en arrière pour toute la société mais particulièrement pour les femmes.

Le Caire montre l’image d’un pays inscrit dans la modernité et un quart des Égyptiens vivent ici . La force des religieux est davantage en province.
Le café « Riche », à deux pas de la place Tahrir, est l’équivalent du Café de Flore à Paris, rendez-vous de l’intelligentsia cairote. C’est là que j’ai rendez-vous avec Nadia Kamel, cinéaste. Elle me brosse un tableau intéressant de l’Égypte actuelle et se réjouit de cette effervescence qui perdure depuis si longtemps. Le référendum ? personne ne se faisait d’illusions et beaucoup d’opposants ne se sont pas déplacés. La Constitution est très confuse. On y trouve tout et son contraire. Mais cette période est positive en ce sens que les gens s’expriment et particulièrement les femmes. Combien de temps cela durera-t-il ? Impossible à dire. Au lieu de faire des paris sur l’avenir, elle est très lucide : tout peut arriver. Morsi peut être tenté d’en finir par une violence mesurée ou sanglante. Mais il a le soutien et l’argent des USA et ne peut faire n’importe quoi… Regardez les films qu’elle a produits sur Internet, en particulier Salade maison que j’aimerais bien voir…

Puis c’est le départ pour Louxor 650 km au sud, en bus de nuit car les trains sont complets. Là, je rencontre un archéologue français qui travaille sur le site du Ramesseum, de l’autre côté du Nil. Il est du village de Champoly, à 30 km de chez moi, et c’est une amie de ce village qui m’a donné ce contact. Une cinquantaine de Français se relaient sur 3 mois chaque année. Des Italiens aussi fouillent sur ce site. Un ami à lui, égyptologue, nous fait une visite commentée du temple d’Hapchetsout, régente qui se déclarera pharaon ! Son successeur Thoutmosis III se vengea en faisant gratter et détruire toute référence à elle et ce guide nous fait deviner ce qui est encore en filigrane… J’en profite pour relancer la question de l’excision. D’après lui la mutilation est si petite qu’aucune momie n’en porte trace et aucun texte non plus, donc retour à la case départ quant aux origines.

Dans le train d’Ismaïlia à Suez, quatre jeunes étudiants (trois garçons, une fille) ont envie de me parler. Qu’est-ce que je pense du régime ? Religion ? «  Je m’intéresse plus à la philosophie qu’à la religion. » J’ hésite entre free-thinker (libre-penseur ) et finalement je leur dit « agnostique ». Ils ne connaissent pas le mot et je leur écrit et leur propose de le chercher sur Wikipédia. Ils sont hostiles à Morsi et me décrivent Suez comme une
ville conservatrice.
Hier au Caire sur un bateau-taxi, deux étudiants m’accostent et m’accompagnent jusqu’à l’Université de Giza. Ils sont aussi hostiles à Morsi, me posent des questions sur la vie en France et sont stupéfaits quand je leur dis qu’on peut vivre avec une personne sans être marié. Ils regrettent le poids des traditions en Égypte .

Lectures de voyage
- Salam Gaza de Tahar Bekri, poète tunisien qui raconte son indignation quand il découvre la vie des Gazaouis. (A propos des tunnels, je comprends que leur construction coûte cher. Mais les propriétaires pourraient au moins établir le même barème pour les personnes et les marchandises. J’ai connu deux passeurs qui traversaient les Pyrénées à l’époque de Franco. Ils passaient des militants au péril de leur vie uniquement par solidarité. Jamais d’argent. Autres temps autres mœurs.)

- Les échelles du Levant d’Amin Maalouf, toujours aussi séduisant.

- Enfance, au féminin de Taslima Nasreen, auteure du Bangla Desh en exil depuis qu’une fatwa menace sa vie. Autobiographique. Petite fille rebelle coincée entre un père médecin, tyrannique et violent, qui veut que ses deux filles et ses deux garçons fassent des études et une mère mystique qui subit le lavage de cerveau d’un imam-gourou et pour qui les études ne servent à rien. (Si j’avais vécu la même chose j’aurais eu combien de fatwas ?)

Je vous recommande ces trois livres !

Retour à la Place Tahrir et aux harcèlements sexistes envers les femmes. D’après Egypt Independent, hebdo où l’on trouve un article intitulé hands off qu’on pourrait traduire par « bas les pattes », les harcèlements au début de la révolution étaient le fait d’agents pro-Moubarak ou de gens qui voulaient que la Place soit un lieu d’insécurité pour les femmes, spécialement les protestataires. Mais l’auteur accuse aussi des habitudes de comportement chez les hommes. Il rappelle que le harcèlement sexuel était une pratique courante des forces de « sécurité » sous la dictature Moubarak quand elles arrêtaient des manifestantes (tests de virginité…). Et que cet appareil de répression est le même !

Et peu importe la façon dont elles sont habillées. Des femmes voilées ou en niqab ont subi le même sort ! Des groupes de vigilance se sont formés et il semble que la situation s’améliore .
Mais lundi 31 décembre une agression s’est déroulée tôt le matin. Un commando masqué a tiré sur des opposants avec pour bilan deux blessés dont un très grave. C’est évidemment planifié pour casser le moral des occupants permanents de la place Tahrir.

Si une condition incontournable pour une révolution est la stricte égalité hommes-femmes, alors on est loin du compte ! Si une autre condition est que les religieux s’occupent uniquement de religion, alors on comprend la frustration d’une partie de la population. Si une troisième condition est de sortir du système capitaliste, alors restent l’utopie et les rêves !
Pourtant le simple fait qu’il y ait cette opposition si forte représente un espoir.
Vous connaissez les deux pays arabes qui n’étaient pas dirigés par des religieux ? L’Irak et la Syrie et vous avez vu l’empressement des occidentaux et des Émirats à les détruire ? C’est aussi le point de vue d’un Syrien francophone rencontré dans le métro.

Une note sympathique pour finir : les villes d’Égypte regorgent de chats et beaucoup de gens les nourrissent, mais ils étaient déjà sacrés à l’époque des pharaons.

Lettre 4

Et le dernier soir au Caire.
Je retourne dans un petit café où le propriétaire anglophone m’accueille toujours à bras ouverts. Il n’est pas là. Pour le dernier soir je décide de fumer la chicha mais je ne sais pas dire « tabac à la pomme », ce tabac très doux et d’odeur agréable. Pour être sûr de ne pas renouveler une erreur vécue au Liban ou en Syrie, je ne sais plus (on m’avait apporté un tabac ordinaire que je n’avais pas pu fumer) je me dirige vers un groupe de jeunes, garçons et filles, attablés dehors et leur demande de préciser au serveur que je veux ce tabac à la pomme.
Me voilà donc avec un thé et la chicha et une télé qui passe des clips de danses du ventre. Passent trois barbus dans leur qamis, toque blanche, droits dans leurs sandales (mot d’origine arabe) ne jetant pas un regard sur ce monde en perdition, voué à l’enfer. Et de méditer sur ces deux Égyptes qui s’ignorent ou s’affrontent …

L’imprécision est souvent source de malentendus. Une amie pense que l’égyptologue cité dans la lettre précédente minimise ce crime qu’est l’excision quand j’ai parlé de « petite opération ». Il n’en est rien. Petite par la taille et de ce fait il est impossible d’en voir la trace sur une momie dont la peau est rétrécie et parcheminée depuis plusieurs milliers d’années. Quant aux hiéroglyphes qui n’en parleraient pas, je lui en laisse la responsabilité. Mais je vais poser la question au GAMS (Association qui lutte contre les mutilations sexuelles et les mariages forcés, à Paris).
Imprécision encore quand j’ai relu la dernière lettre. On pourrait penser que je fais preuve de complaisance par rapport aux dictatures laïques. La fin de toute dictature est une bonne chose si elle engendre un mieux et non pas un pire. Saddam Hussein a été un agresseur envers l’Iran et s’ensuivit une boucherie qui dura des années avec la bénédiction des Occidentaux. L’Iran n’a jamais attaqué ses voisins. Je déteste les ayatollahs mais cela doit être dit. De même pour la Syrie et si elle est intervenue au Liban, ce fût à la demande… des Chrétiens ! Quand je vois les images de l’armée syrienne libre sur les chaînes arabes, je vois surtout des djihadistes (ce fut mon métier d’analyser les images) et j’ai un doute sur le mieux qui pourrait suivre.

Mais entre-temps il y a eu l’arrivée à Tunis. Quel contraste avec Le Caire ! En allant à l’aéroport le chauffeur me disait « Le Caire, c’était bien il y a 20 ou 25 ans ». Je veux bien le croire. Ce n’est plus une ville de dimension humaine. Mexico est sans doute comparable en taille mais des mesures ont été prises pour limiter la circulation. Donc Tunis paraît un havre de paix. Les gens ne klaxonnent pas. J’ai assisté à deux altercations mais c’étaient des piétons qui s’en prenaient à des automobilistes qui pourtant roulent lentement ! Le soir à 19 heures, les rues se vident.

A suivre.

Brèves
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Rendez-vous lundi 18 mars pour la réhabilitation de la Commune et des communards

par ReSPUBLICA

 

Lu sur le site des Amis de la Commune de Paris :

« Le 11 juillet 1880, la loi portant amnistie générale des communards était adoptée. Ce n’était en aucun cas une révision de la condamnation.

« La plus belle forme de réhabilitation des communards serait que soient enfin mises en œuvre les mesures démocratiques et sociales de la Commune qui restent d’une brûlante actualité :

  • Démocratie réelle permettant au peuple d’être entendu et d’exercer sa pleine souveraineté
  • Ecole laïque, gratuite et obligatoire
  • Egalité des salaires des femmes et des hommes
  • Réquisition des entreprises et des logements abandonnés
  • Démocratie sociale et contrôle salarié
  • Justice accessible à tous
  • Reconnaissance de la citoyenneté locale pour les étrangers. »
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Contre les vendeurs de listes

par ReSPUBLICA

 

Des étudiants et citoyens arnaqués par les “vendeurs de listes” ont décidé de s’organiser en collectif. Ce Collectif STOP vendeurs de listes demande à Cécile Duflot l’interdiction pure et simple de pratiques scandaleuses.

Car la profession de vendeur (ou marchand) de listes, instituée par la loi  Hoguet, consiste à vendre des listes d’annonces de logements sans obligation de résultats. Dans la réalité les vendeurs de listes copient/ collent des annonces gratuites sur le net et les vendent en promettant l’exclusivité. Ils vendent ces listes 190 € en province et 450 € à Paris et demandent à être payés avant remise de la liste. 95 % des personnes achetant une liste ne trouvent pas de logement.

Résumé en vidéo : http://ick.li/VusnKD

Signer la pétition sur  http://www.stopvendeursdelistes.fr/fr

 


Courrier des lecteurs
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A propos de l'école et des rythmes scolaires

par ReSPUBLICA

 

La Rédaction a reçu de Denis Billon les commentaires suivants.

Instituteur retraité, je voudrais vous faire part de mes réflexions à propos de l’école, des rythmes scolaires, de tout ce dont on discute aujourd’hui (fort mal).

Première réflexion : Jospin avait tout faux en voulant mettre l’enfant au cœur du système éducatif. Non, au centre de l’école, on met la connaissance. Une connaissance indispensable pour qu’ensuite l’enfant se fasse un jugement. Et acquérir des connaissances, c’est difficile. Il faut faire des efforts, l’enfant doit en être conscient L’école n’est donc pas faite pour s’amuser, ni même pour y être heureux. Elle est faite pour en sortir avec des connaissances plus nombreuses.

Bien sûr, cela ira mieux si cela se fait dans une ambiance de bien-être, mais ce n’est pas l’essentiel. Résoudre un problème difficile de calcul, réaliser une dissertation sur un sujet qui n’inspire pas, c’est dur, mais cela doit être fait. Cela nécessite un effort, de l’abnéfation. L’enfant en tirera parti aussi en ce sens que la vie n’est pas toujours agréable, a sa part de dureté qu’il faut quand même affronter. L’enfant doit donc apprendre deux choses différentes, se heurter de front à la difficulté, mais le faire dans une ambiance de confiance propice à la résolution des solutions.

Mais alors l’Education ? L’Education, n’en déplaise, est d’abord le rôle des parents. Des parents qui sont pris par leurs problèmes professionnels importants et exigent des autres ce qu’ils ne ont plus eux-mêmes. D’où la prise en charge des élèves à travers du péri scolaire qui ne se justifie que pour libérer les parents. Ceci doit être pris en charge par l’associatif, les municipalité ou l’école.

Pourtant éduquer ne prend pas forcément autant de temps qu’on le croit. J’avais un jour un bon élève portugais. Il va au collège et le prof de français m’interroge. Il est le meilleur élève de sa classe. Je me renseigne. Ses parents savent à peine le français. Il se forme donc tout seul. Mais ses deux Portugais de parents vérifiaient régulièrement les résultats de leur fils. Ils le félicitaient quand ils étaient bons, ils lui demandaient de modifier ses méthodes quand ils étaient moins bons. Bref, éduquer, c’est déjà aimer, c’est porter de l’intérêt.  Il en va de même pour le pédagogue. Le maître doit s’intéresser à l’enfant dans sa globalité. Il doit bien connaître le milieu social dans lequel il évolue, les difficultés de la famille. Il doit établir un lien avec l’enfant qu’il enseigne.

C’est dire que le métier d’enseignant ne peut être acquis dans ces sortes de laboratoires universitaires, sans aucun lien avec le réel, le matériel. La pédagogie est une science expérimentale. Il faut s’y frotter afin de la comprendre. Mon prof de pédagogie avait pour habitude de dire : On ne devient un bon maître que quand on a soi-même des enfants. Ensuite, on peut tirer profit des grandes théories et de leurs propositions. Elles seront alors ancrées dans la réalité. D’où la nécessité, plus que d’une formation initiale, de la formation continue des enseignants.

Et il y a des gens, pour des raisons inconnues, qui sont comme on dit faits pour enseigner, et d’autres pas. J’ai eu un copain qui était malheureux car toute sa carrière il a travaillé sans entrain, sans goût. Pour ma part j’ai eu cette chance. Je ne voyais pas les vacances arrivern et encore moins la retraite. J’étais pris dans un tourbillon pédagogique qui me faisait trouver le temps très court. Allez savoir pourquoi ! On ajoutera que les ministères grouillent de personnages qui ont leurs petites manies, veulent les imposer, et nous auraient fait rater tout si on les avait écoutés.

Je me souviens d’une époque où la manie était la lecture rapide. Mon inspectrice promouvait la lecture diagonale, en vogue chez certains grands de ce monde. Elle nous disait que, si on ne savait pas lire un livre en quelques minutes, on ne savait pas lire. Je lui ai donc appris que Victor Hugo ne savait pas lire. Et je lui ai demandé ce qu’elle faisait de la lecture plaisir, de la lecture rêverie, de la lecture réfléchie propice à l’élaboration de sa pensée grace à des respirations entre les moments de lecture. Un autre inspecteur nous dit un jour : « Si vous donnez une opération à faire à un enfant et qu’il sait la faire, inutile de lui en donner une autre. Il perd son temps. » Il avait seulement oublié ce que signifiait l’imprégnation en pédagogie.

Je voudrais maintenant parler de la mémoire et des rythmes scolaires. Je vais revenir aux pratiques anciennes. Loin de moi l’idée de déifier un passé révolu. Il faut savoir évoluer. Mais pas n’importe comment. La mémoire, c’est comme du sable, c’est comme la surface sans ride de l’eau. Si on y enfance un bâton, une trace est marquée. Si on y enfonce es milliers de bâtons, on n’y reconnaît plus rien du tout. Or c’est ce qui se passe avec les enfants d’aujourd’hui. Et tout d’abord le déferlement d’images, d’abord télévisuelles. Les enfants les ingurgitent des heures par jour, et même parfois la nuit. Après cela, comment voulez-vous que les enfants mémorisent l’image d’un personnage historique que le maître a épinglé au tableau. Et en plus il ne bouge pas.

Car ces milliers d’images, si encore elles avaient un intérêt pédagogique ! Il y avait autrefois sur les chaînes publiques, la télévision scolaire, avec une visée claire : apprendre. Disparues ces émissions Mais il n’y a pas que la télévision. Je passerai sur les images agressives des publicités.

Mais les familles elles-mêmes dispersent l’attention des enfants. On leur fait faire des activités. Autrefois, le jeudi était une sorte de jour de relâche, les enfants se reprenaient, jouaient librement. Maintenant c’est fini. Je ne refuse pas l’intérêt de ces activités. Mais l’enfant va à la musique, à la gym, à la danse, au dessin, au foot, et même à la sophrologie pour se relaxer. Les mercredis sont parfois devenus pour les enfants un enfer. Avec les nouveaux rythmes scolaires, on va faire ça tous les jours. Et le mercredi, l’enfant n’aura pas la possibilité d’une grasse matinée. Non l’école ne fatigue pas l’enfant, ce qui le fatigue c’est tout ce qu’il y a autour.  On a réduit considérablement la durée de la semaine de travail. Les enfants allaient à l’école 30 heures par semaine, sans compter l’étude.

En 1968, parce que les enseignants demandaient une réforme profonde de l’école. Pour ne pas leur accorder, Edgar Faure décide d’enlever trois heures de classe alors que personne ne lui avait rien demandé. Puis on supprime encore une heure pour favoriser la tenue des conseils d’école dont il y aurait beaucoup à dire en terme d’efficacité. Luc Châtel enlève encore deux heures. Puis on s’étonne que les acquis fondamentaux ont du mal à suivre. On ne peut faire en 24 heures ce que l’on faisait en trente heures D’autant qu’on a jouté des sollicitations à l’école parfois nécessaires, mais souvent inutiles. On a chargé la barque. On a imposé des « aides personnalisées ». Travail tout à fait inutile, réalisé dans de mauvaises conditions, avec des enfants dont les parents sont volontaires, alors sque l’aide personnalisée fait partie intégrante du rôle de l’enseignant.

Je pense que l’enseignant n’est pas assez payé, son rôle n’est pas reconnu dans la société, mais si l’enfant doit être plus présent à l’école, cela suppose une présence plus grande de l’enseignant. Tous les enseignants reconnaissent que les enfants devraient être plus longtemps à l’école. Mais il ne sont pas prêts à lâcher leurs libertés obtenues du week-end par exemple.

Il faut savoir que les enfants vivent mal ces week-ends prolongés. Dans les familles pauvres ils s’ennuient ou s’abîment les yeux devant la télé. Dans d’autres familles, il faut se précipiter pour aller avec papa et maman au ski ou en vacances consommées à la hâte. Ou alors ils vont au bout de la France pour retrouver papa car la famille est comme on dit recomposée.

Et alors les vacances de février ? Deux semaines où on ne peut sortir avec ce temps de chien. Avec de la chance, direction le ski, bison futé devient rouge, et les enfants reviennent bien plus fatigués. Les grands spécialistes nous ont dit : sept semaines de classe deux semaines de repos. Mais ce n’est pas vrai : industrie du tourisme oblige. Et si l’un des deux parents prenait une semaine de congé d’hiver, pas pour les Seychelles ni Courchevel, mais tout simplement pour passer huit jours avec ses enfants. Pour jouer et rire, et se reposer. Quand j’ai entendu parler de neuf demi journées, je me suis dit qu’on allait rétablir 27 heures de classe. Eh bien non. Aux associations et aux municipalités de trouver des solutions. Et aux enseignants de bourrer les leçons dans les horaires impartis pour arriver à boucler le programme.

Monsieur Peillon nous dit : Les vacances d’été sont trop longues. Tiens tiens ! J’ai vécu avec des grandes vacances qui duraient du 14 juillet au premier octobre ; deux mois et demi. Et ça ne nous paraissait pas trop long. On jouait. Et on rentrait en classe en n’ayant pas oublié ce qu’on avait appris l’année précédente. Ceci pour toutes les raisons que j’ai évoquées ci-dessus.

Alors oui, je suis persuadé que tout cela n’a pour but que de démolir notre école de la république. C’était évident avec des Luc Chatel. C’est plus sournois avec des Vincent Peillon. Il n’y a qu’à voir la privatisation de l’enseignement avec la prolifération des systèmes type Acadomia.

Je suis très triste pour cette école qui m’a formé, en qui j’ai dédié ma vie professionnelle. Et qui m’a apporté le sens de la laïcité et de la justice sociale.