Chronique d'Evariste
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Mars et ça repart !

par Évariste
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Si l’on n’est pas soumis à la dictature du court terme, si l’on n’est pas soumis à la dictature médiatique et à la pensée conformiste, si l’on refuse l’impasse de l’impatience des couches moyennes supérieures radicalisées et si l’on pense un processus par la mise en application d’une stratégie de l’évolution révolutionnaire, on voit beaucoup de potentiel dans ce mois de mars. Sous le froid germe l’avenir, pas une simple transformation sociale et politique, mais un nouveau pli historique.

Beaucoup de si, mais il en faut pour voir, comme Antonio Gramsci, le neuf surgir du vieux !

D’abord, ce mois de mars est un grand mois historique pour la radicalité des républicains de la gauche de gauche1.

Le 18 mars 1871 est le jour du déclenchement de la Commune de Paris, insurrection qui arrive alors que beaucoup à gauche pensent que nous sommes dans un ciel serein au consensus conformiste. Errare humanum est : les républicains de gauche de la Commune ont alors choisi d’assumer la lutte des classes et le combat laïque en lieu et place du consensus conformiste qui leur était proposé.

Et c’est au mois de mars 2013 que nous apprenons que l’Opus Dei et ses alliés ont propulsé un de leurs amis réactionnaires à la tête de l’Église catholique (voir l’article à ce sujet dans ce même numéro de votre journal électronique) pour tenter de renforcer l’alliance des « néos » : les néolibéraux et les néocléricaux. Voilà un bon pape pour tenter l’alliance néolibérale entre la droite et la gauche ici et là.

Mais c’est le 15 mars 1944, que paraît en France le programme révolutionnaire du Conseil national de la Résistance (voir l’article sur ce sujet dans ce même numéro de votre journal électronique).

Et c’est 69 ans plus tard, que nous pouvons voir et mesurer la nouvelle intensification de la lutte des classes qui cette fois-ci s’installe dans tous les domaines de la vie. Nous sommes bien dans une phase turbocapitaliste, car le capitalisme et son oligarchie ont bien mis le turbo avec leur grande alliance dont nous venons de parler.

C’est bien en mars 1552 qu’un livre de Rabelais est interdit, aujourd’hui nous avons la nouvelle censure qui filtre les discours du petit écran et des ondes.

C’est encore en mars 1882 que l’école primaire obligatoire est votée, c’est en mars 1957 qu’est signé le traité de Rome que le républicain de gauche Pierre Mendès-France a de suite fustigé (voir la fin de son intervention du 18 janvier 1957 à l’Assemblée qui n’a pas pris une ride), c’est en mars 1982 que le gouvernement encore à gauche abaisse l’âge de la retraite à 60 ans, c’est en mars 1682 que l’assemblée du clergé fait la déclaration des 4 articles qui devient la charte des catholiques gallicans et qui aidera plus tard aux militants laïques de construire les victoires laïques qui suivent, c’est en mars 1946 que la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, et la réunion deviennent des départements français, c’est en mars 1928 que la première loi sur les assurances sociales obligatoires est votée, c’est en mars 1932 que la loi sur les allocations familiales pour tous les salariés est votée, c’est encore en mars 1997 qu’une mobilisation européenne conteste l’attitude patronale du gouvernement socialiste qui ferme l’usine de Renault à Vilvorde en Belgique, c’est encore le 22 mars qu’est crée le Mouvement des 142 à l’Université de Nanterre qui deviendra le 29 mars, fort de son succès en 1 semaine, le Mouvement du 22 mars2 .

Et nous avons bien noté qu’en mars 2013, un pas nouveau est franchi à Chypre. L’oligarchie a décidé de « voler » directement les avoirs des déposants dans les banques. Le prélèvement prévu est de 6,75 % voire 10 %. Un tabou est levé ! L’oligarchie va tenter cela à Chypre pour ensuite venir appliquer cela dans les autres pays de l’Europe du Sud voire dans tous les pays qui sont endettés. Outre que c’est injuste, ce sera inefficace, car cela va précipiter la récession. Mais il va falloir se faire à l’idée que les dépôts bancaires ne sont plus protégés.

Nous notons aussi la passation de pouvoir à la CGT au congrès de Toulouse avec la nouvelle direction autour de Thierry Le Paon dans une mutation lente du premier syndicat de France vers un nouveau syndicat revendicatif qui tient compte de la période actuelle qui fait déjà de la CGT une des organisations qui est aux avant-postes de la bataille sociale.

Mars 2013, « la vraie histoire des vraies gens » va finir par surgir.

Tous ces morceaux d’histoire couplés avec une bonne compréhension des causes des événements d’aujourd’hui, et la conviction qu’une gigantesque campagne d’éducation populaire est nécessaire, sont une matrice, bien qu’encore imparfaite, du projet social et politique qu’il nous faut construire.

Hasta la victoria siempre, restons groupés et organisons-nous,

  1. et non pas de la gauche de la gauche, car notre combat est bien de porter à terme la gauche tout entière sur une ligne révolutionnaire []
  2. Nous en profitons pour vous convier à regarder la vidéo de Gérard Filoche contre l’accord du 11 janvier « ]
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L'Église maintient l'Alliance des « Néos » : néolibéraux et néocléricaux

par Joachim de la Barre
http://www.gaucherepublicaine.org

 

En mars 1146, Saint-Bernard prêche une nouvelle croisade à Vézelay. Après 867 ans et ses prédécesseurs messieurs Woytila et Ratzinger, voici Bergoglio à la manœuvre.

Le titre de cet article est en fait une traduction libre, dans les conditions matérielles d’aujourd’hui, de la formule « Habemus papam ». Comme pour le théologien de l’extrême droite catholique Ratzinger, plus connu sous son pseudo Benoit XVI, la fumée blanche est arrivée très vite. Contrairement à l’épisode précédent qui avait promu un autre prélat de l’extrême droite catholique Woytila, plus connu sous son pseudo de Jean-Paul II.

Explication que vous n’entendrez pas sur les ondes des grands médias conformistes : L’arrivée de Woytila consacre la prise de pouvoir difficile dans l’église de l’extrême droite catholique organisé autour de l’Opus Dei et de ses alliées fort nombreux y compris dans les associations , les syndicats et les partis. Sa longévité au poste de pape lui permit d’assurer à l’Opus Dei et à ses alliés la majorité chez les cardinaux de moins de 85 ans par ses nombreuses nominations de cardinaux de cette sensibilité-là. Voilà ce qui explique la rapidité des deux derniers conclaves.

Le calcul des opusiens et de leurs alliés est simple : réitérer une stratégie qui a déjà marché avec la nomination de Woytila. Cette stratégie s’explique en trois points identiques et un point différent lié à l’art de gouverner l’église :

  1. choisir un pape dans un des pays les plus catholiques du monde et non dans les pays de la vielle Europe où la pratique catholique régresse trop par la sécularisation
  2. choisir un pape qui applique à fond la doctrine sociale de l’église à savoir la compassion pour les pauvres à condition qu’ils acceptent la fatalité de leur condition. C’est la condition du maintien de l’alliance des « néos » : néolibéraux et néocléricaux. Exit donc la théologie de la libération et ses avatars.
  3. Et c’est la seule différence avec le cas Woytila, le choix s’est porté sur un jésuite de la Compagnie de Jésus. Alors que le déploiement à la tête de l’église de l’Opus Dei et de ses alliés a plutôt fait de l’ombre aux jésuites, pour ne pas dire plus, le choix s’est porté sur un jésuite compatible avec l’alliance opusienne des « néos ». Cela relève de l’art de gouverner.
  4. Choisir le pape qui va mener la lutte politique contre les adversaires de l’oligarchie capitaliste. L’élection de Woytila fut effectuée pour préparer l’avènement du néolibéralisme dans l’Europe de l’Est. Mission réussie. Cette nouvelle élection de Bergoglio, qui, petit à petit va être connu sous le pseudo de François, consiste à aider le retour de l’oligarchie capitaliste en Amérique latine devant la montée des gauches latino-américaines. Bergoglio ne fera pas l’erreur de certains dignitaires de l’église catholique en Amérique latine – ceux qui ont soit soutenu les dictatures soit ont été neutres. Il va appliquer totalement la doctrine sociale de l’église telle que noté ci-dessus.

On gardera pour les débats ultérieurs que :

  • Bergoglio n’a pas levé le petit doigt face aux 30.000 morts de la dictature fasciste en Argentine.
  • Bergoglio a levé « l’agrément » de deux jésuites qui menaient la lutte contre la dictature ce qui a permis leur incarcération et leurs tortures. Il a fallu des remous internes dans la Compagnie de Jésus pour que ces deux jésuites soient libérés au bout de 5 mois .
  • Bergoglio a été aux avant-postes de la mobilisation contre le gouvernement de gauche de Cristina Kirchner contre le mariage pour tous en 2010, contre le droit à l’IVG, etc. Il remonte à nouveau au créneau lorsque l’Argentine octroie le droit aux transsexuels de changer de sexe à l’état civil. Ses prises de positions sur ces questions sociétales l’opposent à la présidente du pays, Cristina Kirchner. Il dénonce son autoritarisme, elle s’en prend à ses positions qu’elle qualifie de « moyenâgeuses » et qu’elle compare à l’Inquisition. (C’est nous qui soulignons !)1  De ce point de vue, nous allons voir de plus en plus dans le monde, une recrudescence des alliances entre les intégrismes des différentes religions du livre pour la défense des dogmes les plus réactionnaires. Nous reviendrons sur ce point ultérieurement.
  • Bergoglio va tenter de développer la doctrine sociale de l’église contre l’idée que les pauvres peuvent lutter pour leur émancipation et pour que les pauvres se contentent de la compassion des riches à leur égard. Nous entrons donc dans une nouvelle période en Amérique latine.
  1. ]
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Affaire Baby Loup. L'arrêt de la Cour de cassation encourage la discrimination envers les laïques et les non-croyants, et restreint leur liberté d'entreprendre

par Catherine Kintzler
Auteur de "Qu'est-ce que la laïcité", publié chez Vrin, 2007.
http://www.mezetulle.net

Source de l'article

 

L’arrêt de la Cour de cassation dans l’affaire de la crèche Baby Loup1 fait grand bruit et les laïques l’accueillent comme un coup sur la tête. Il y a en effet de quoi s’indigner. Mezetulle n’hésite pas à parler d’encouragement à la discrimination envers les laïques et les non-croyants ainsi que d’une forme d’inégalité entre les entreprises.

Au-delà de son aspect choquant et à cause de lui (car les magistrats en principe ne font que dire le droit), cet arrêt pose des questions très intéressantes sur la constitution du concept de laïcité et pointe des lacunes dans le droit du travail, lacunes qu’il n’appartient pas au juge de corriger mais que le législateur serait fautif de laisser en l’état.
En France, sous certaines conditions, on a le droit de créer une entreprise à caractère confessionnel, mais on n’a pas le droit, sous les mêmes conditions, de créer une entreprise qui entend faire valoir le principe de neutralité religieuse en son sein. Voilà ce que nous apprend l’arrêt de la Cour de cassation. Un petit enfant a le droit, dans une crèche privée, d’être soumis à des manifestations religieuses de la part du personnel, mais ses parents n’ont pas le droit de réclamer la neutralité pour lui, mieux : ils n’ont même pas la possibilité de trouver une crèche privée qui par son règlement le mettrait à l’abri de ces manifestations. Plus généralement, un croyant voit ses droits à la manifestation religieuse respectés au sein de son entreprise, mais un non-croyant a le devoir de subir ces manifestations sans pouvoir obtenir un moment et un lieu de retrait où il en serait préservé. La liberté de conscience se restreindrait-elle à la liberté religieuse ?

Avant de monter sur nos grands chevaux tentons de voir en quoi cet arrêt pose des questions très intéressantes sur la constitution même du concept de laïcité. La lutte en faveur de la courageuse crèche de Chanteloup les Vignes et de son exemplaire directrice Natalia Baleato ne s’en trouvera que mieux soutenue et alimentée2 .

1 - Le champ d’application du principe de laïcité en tant que principe organisateur de la cité

Le principe de laïcité, en tant que principe politique, concerne le domaine de l’autorité publique, le champ de constitution et de maintien des droits. Il s’applique donc à ce qui participe de cette autorité et de la sphère de constitution des droits. En vertu de ce principe, les institutions, les services, les activités et les administrations d’Etat ainsi que ceux des collectivités locales sont laïques : les manifestations et signes religieux y sont prohibés. La loi de mars 2004 a inclus les élèves des écoles publiques dans cette obligation de réserve et de discrétion.

En conséquence, ce principe ne s’applique pas dans le reste de la société. C’est ce que j’ai appelé la société civile dans maint article publié sur ce blog et ailleurs. Les manifestations religieuses sont donc libres, encadrées par le droit commun, dans ce qu’on appelle parfois l’espace privé lequel comprend aussi l’espace social accessible au public (la rue, les commerces, les magasins, etc.). J’ai mille fois exposé cette distinction et les dérives qui en résultent lorsqu’elle est négligée ou bafouée pour me sentir dispensée de la détailler davantage ici.
Baby Loup n’est pas une crèche publique, mais une entreprise privée. L’application éventuelle du principe de laïcité à son personnel ne saurait donc s’y justifier par un statut de droit public. Il faut que son application se justifie par une autre voie. C’est ce que rappelle, entre autres, l’arrêt de la Cour de cassation. A ma connaissance, cela n’a jamais été contesté par personne.

2 - Les entreprises privées peuvent afficher des caractères particuliers et des « tendances »

Cela dit, une entreprise privée peut adopter des règles particulières en son sein, par exemple consignées dans un règlement intérieur, notamment en raison de la nature de son activité. Elle peut exiger de ses employés un certain « profil », y compris une tenue vestimentaire, une présentation extérieure, pourvu que cela ne contrevienne pas par ailleurs au droit commun. Par exemple elle peut déclarer qu’elle entend promouvoir une « tendance », notamment confessionnelle.

Une entreprise privée comme une crèche, une maison de retraite, une institution pour personnes dépendantes ou handicapées, peut donc revendiquer ce caractère particulier, si le droit commun est respecté et en avançant la nature de son activité : fournir aux personnes dont elle a la charge ou auxquelles elle s’adresse l’environnement confessionnel qu’elles sont en droit d’attendre d’elle. Si j’inscris mon enfant dans une crèche confessionnelle, j’ai la garantie que ma religion y sera observée et que mon enfant sera environné par un climat éducatif lié à ma religion. C’est ma liberté ; c’est aussi la liberté d’entreprendre. Une entreprise privée confessionnelle a conséquemment le droit de sélectionner son personnel sur des critères particuliers, clairement définis - par exemple un incroyant militant affiché n’a guère de chance d’y être embauché, ou une personne qui y travaille peut être l’objet de mesures disciplinaires - cela peut aller probablement jusqu’au licenciement - si elle contrevient délibérément et ouvertement à ce caractère particulier. Autrement dit, dans une entreprise dite de tendance, la discrimination envers les employés est de principe et n’est pas contraire au droit.

3 - La laïcité peut-elle être présentée comme une « tendance » ou une particularité ?

Une question qui se pose alors est la suivante. Une entreprise peut-elle se déclarer de tendance laïque à l’instar de celles qui se déclarent de telle ou telle tendance confessionnelle ?
La Cour de cassation, d’après ce que j’ai pu comprendre, répond négativement ou du moins invite à répondre négativement, ou exclut cette option - peu importe : c’est non. C’est dire notamment que la laïcité n’est pas une tendance. Ce qui est vrai ! une république laïque, en imposant la laïcité dans ses services, administrations et institutions, n’impose effectivement aucune orientation ou tendance particulière ni aux citoyens ni aux personnels qui exercent dans ces divers services, administrations et institutions. Et c’est ce que les laïques, y compris moi-même, ne cessent de répéter : la laïcité n’est pas un courant philosophique particulier, c’est une règle de l’association politique organisant la coexistence des libertés.  En ce sens elle ne saurait constituer un courant de pensée comparable à d’autres (différence notoire avec la conception belge de la laïcité par exemple).
Cette décision de la Cour de cassation oblige donc les militants laïques à affronter la définition fondamentale de la laïcité, en tant qu’elle est d’abord une règle de l’association politique et non pas un courant de pensée particulier.

La question devient alors : est-il possible revendiquer le principe de laïcité de manière privée ? Juste une remarque en ce point de l’argumentation : il est clair que si une entreprise revendique l’application de ce principe, elle ne le fait qu’à des fins non-discriminatoires, notamment afin de pouvoir accueillir ses clients sans distinction de religion. Ce que fait précisément la crèche Baby Loup. Il est donc singulier de voir qu’on lui reproche un acte de discrimination : car c’est précisément pour assurer la non-discrimination à l’égard de ses usagers et des enfants dont elle a la charge qu’elle réclame de son personnel un minimum de discrétion en matière d’affichage religieux. Mais revenons à la question.

4 - Peut-on revendiquer et appliquer le principe de laïcité de manière privée ? Le principe de laïcité est-il un monopole d’État ?

La laïcité fait partie des obligations de l’État et des collectivités publiques dans leurs diverses fonctions et activités. Cependant, la laïcité n’étant pas une propriété qui demande un exercice en monopole d’État (comme par exemple la juridiction, la police, le port d’armes, le droit de battre monnaie, le droit de lever l’impôt, le droit de priver quelqu’un de liberté) je ne vois pas pourquoi une association ou une entreprise ne pourrait pas se déclarer laïque, s’astreindre volontairement à cette règle d’abstention, et revendiquer pour son propre compte l’application du principe de laïcité en son sein, du moment bien sûr qu’elle ne prétend pas étendre cette application à l’espace civil accessible au public. A ma connaissance Baby Loup n’a jamais demandé à personne de s’abstenir d’une signalisation religieuse ailleurs que dans ses locaux et autrement que pendant le temps du service, et elle ne l’a fait qu’à l’égard de son personnel, jamais à l’égard de ses clients-usagers.

Si une entreprise privée décide en son sein et pour son personnel d’appliquer des règles en vigueur par ailleurs dans certains services de l’État, du moment que ces règles n’ont pas un caractère de monopole et qu’elles se justifient par la nature de son activité, commet-elle une infraction ? Si une entreprise privée se crée sur le modèle d’institutions ou de services par ailleurs pratiqués par la puissance publique mais qui ne demandent aucun monopole public pour s’exercer (comme par exemple une école, un hôpital, une université, un, théâtre, un musée privés), si elle y applique les mêmes principes que la puissance publique (par exemple la même tarification, ou … la laïcité), s’arroge-t-elle indûment une propriété exclusive de l’État ? La laïcité est certes et d’abord une obligation absolue de l’Etat, mais est-elle pour autant une exclusive publique telle que si quelqu’un veut l’appliquer dans un cercle privé clairement défini et avec des motifs pertinents, il commet une usurpation ? Commet-il un abus de pouvoir, une restriction de liberté à l’égard de ses employés ou de ses usagers3 ? En va-t-il de la laïcité dans une institution privée destinée à la petite enfance ou à l’éducation comme des trois couleurs du drapeau français qu’on n’a pas le droit d’utiliser seules sur un document privé ?

5 - Y aurait-il des entreprises moins libres que d’autres ? Qui exerce la discrimination religieuse ?

Avec l’évolution récente de l’affaire Baby Loup, on est devant le paradoxe suivant. Une entreprise de tendance confessionnelle peut refuser d’embaucher ou même probablement peut licencier un salarié qui ne correspond pas au profil de sa tendance, une association peut limiter l’adhésion de ses membres à des conditions très restrictives (par exemple n’admettre que des femmes). En revanche une entreprise privée ayant en charge des personnes mineures ou fragiles ne peut pas décider qu’elle exclut les manifestations religieuses de la part de son personnel, y compris pour des motifs de protection des personnes qui sont sous sa responsabilité - ce qui semble pourtant conforme à la clause de la nature de l’activité exercée. Il y a là une inégalité évidente entre entreprises. Y aurait-il des entreprises moins libres que d’autres ?

On peut le dire en d’autres termes, encore plus clairs. Une entreprise à tendance religieuse dûment autorisée a le droit de pratiquer la discrimination religieuse à l’égard de ses employés. Mais ici c’est l’entreprise laïque, désireuse d’accueillir sans discrimination toutes les confessions, toutes les croyances et non-croyances en pratiquant la discrétion sur l’affichage religieux, qui est accusée de discrimination !
Quelle belle démonstration d’une liberté appliquée préférentiellement à ceux qui pratiquent réellement l’exclusion !

6 - La liberté des non-croyants et des indifférents est-elle plus restreinte que celle des autres ?

Non seulement il y a inégalité entre entreprises, mais il y a inégalité entre les individus. En effet, si je me tiens en dehors de toute religion comme le font de très nombreuses personnes en France, quelle garantie puis-je avoir, en inscrivant un enfant dans une crèche privée, ou en installant une personne invalide ou très âgée, ou une personne handicapée mentale dans une institution privée destinée à en prendre soin, qu’ils ne seront pas témoins de manifestations religieuses ostentatoires susceptibles de les influencer ? Ai-je même le choix d’un tel établissement puisque la liberté de les entreprendre est entravée ? Comment puis-je mettre mes enfants ou mes ascendants à l’abri de manifestations que je considère comme indiscrètes ?

Apparemment, il est plus important d’assurer la liberté de ceux qui pratiquent obstinément l’indiscrétion de manière quasi-professionnelle. C’est si important qu’on n’en préserve même pas la petite enfance, laquelle en la matière n’a droit à aucun autre égard, dans les établissements privés, que celui de se voir proposer et imposer des modèles religieux. Et on ose parler par ailleurs, la main sur le cœur, des « droits de l’enfant » ! Le droit des enfants dans ces établissements serait-il d’être mis en présence de manifestations d’opinion ? Auraient-ils, dès ce jeune âge, la maturité leur permettant de juger par eux-mêmes de ce qui est libérateur et de ce qui ne l’est pas ?

En revanche, si je demande l’inscription pour un enfant ou un ascendant dans un établissement confessionnel pour des raisons religieuses, j’obtiens la garantie que la religion que j’ai choisie y sera présente officiellement et pratiquée. On a bien sûr le droit de soumettre son enfant à l’autorité d’une religion - et Mezetulle n’a jamais contesté ce droit, lequel est inscrit dans les droits de l’homme : les parents ont le droit de choisir l’éducation qu’ils entendent donner à leurs enfants, dans le cadre du droit commun. Mais faut-il en conclure qu’aucune entreprise privée n’aurait, symétriquement, le droit de proposer un service où la présence de l’autorité religieuse et l’exposition à des modèles religieux sont réduites autant que possible ?

Il y a là une évidente inégalité et une forme de discrimination à l’égard de ceux qui professent l’absence de religion ou même simplement l’indifférence à l’égard des religions. La liberté des non-croyants serait-elle moins large que celle de ceux qui professent une religion ? La liberté des chefs d’entreprise de créer une entreprise accueillant toutes les opinions religieuses précisément en vertu de sa discrétion en la matière serait-elle moindre que celle des autres ? Ou tout simplement inexistante ?

Ou alors faut-il revendiquer la non-croyance comme « tendance » ? mais dans ce cas on n’est plus dans le cadre d’une entreprise laïque acceptant toutes les opinions pourvu qu’elles restent discrètes : on n’accepterait alors que des non-croyants, ce qui est contraire au but recherché et affiché. La Cour de cassation se serait-elle proposé de séparer et de coaliser des communautés ?

Il me semble que s’agissant d’une entreprise ou d’une association, on aurait intérêt à poser la question du point de vue de l’usager. Une crèche privée, une maison de retraite privée, etc., ne peut-elle pas définir son « segment de marché » en proposant des critères comme ceux que je viens d’évoquer : garantir à ses usagers l’absence de toute manifestation religieuse ostentatoire ? Cela n’est-il pas particulièrement pertinent s’agissant, comme c’est le cas, de petits enfants dont la liberté n’est pas constituée ?

7 - L’arrêt de la Cour de cassation encourage la discrimination à l’égard des non-croyants et des laïques en montrant que la loi protège leurs libertés moins que celles les autres

Telles sont les questions que je me pose à l’issue de cet arrêt de la Cour de cassation qui me semble encourager la discrimination envers les citoyens laïques et installer une inégalité de principe entre ceux qui affichent des opinions et ceux qui pratiquent l’abstention en matière d’affichage, encourager les uns et restreindre la liberté des autres.
En disant cela je ne commets aucun délit, car on a le droit de dire publiquement le mal qu’on pense d’une décision de justice, pourvu qu’on ne jette pas l’opprobre sur ceux qui l’ont prise ni qu’on mette en doute leur indépendance, et pourvu qu’on la respecte tant que la législation dont elle s’autorise (peut-être à tort car les magistrats ne sont pas à l’abri d’une erreur) n’est pas modifiée. Il est inutile et il serait injurieux en l’occurrence de soupçonner les magistrats d’interprétation tendancieuse : il ne font en principe que dire le droit. Et c’est devant ce droit qu’un citoyen a le devoir de s’interroger et parfois de s’indigner. Car la loi est faite en son nom.

Faut-il, pour voir ses droits respectés, former communauté et se livrer au lobbying ? Je me permets d’inviter à la réflexion sur problème suivant. Il est très facile de piétiner la liberté des non-croyants parce qu’ils forment une classe paradoxale - ensemble d’éléments qui n’ont pas d’autre propriété commune que de préserver leurs singularités et la liberté de ne pas être comme sont les autres, la liberté de l’écart, et parce qu’ils pratiquent la liberté sous la forme du silence. Il est facile, parallèlement, d’exalter la liberté de ceux qui revendiquent à grand bruit une communauté de propriétés et d’intérêts, classe non-paradoxale qui s’affirme en parlant et en s’affichant. Or il faut assurer la liberté de chacun, mais pour assurer la liberté de chacun il faut d’abord penser qu’une république n’est pas un patchwork de lobbies tapageurs, mais un rassemblement de singularités dont la liberté individuelle est conditionnée par celle d’autrui et comprend aussi la liberté de s’abstenir et de voir cette abstention respectée. Il est donc licite qu’un croyant puisse manifester sa religion, mais il ne peut le faire que dans des conditions permettant à d’autres de se soustraire à cette manifestation. Lorsque je croise une femme voilée ou un prêtre en soutane dans la rue, personne ne m’oblige à rester sur place, je suis libre de me soustraire à ce qui me déplaît, comme ils sont libres de manifester leur appartenance : la symétrie des libertés s’équilibre ici et personne ne peut se plaindre. Mais une crèche n’est pas un tel espace de libre circulation pour les enfants qui y sont placés et pour le temps qu’ils y séjournent, et aucune crèche privée n’a le droit de garantir cette abstention.

L’arrêt de la Cour de cassation a pour conséquence à mes yeux de souligner que le non-croyant a moins de liberté que celui qui professe une religion, puisqu’il n’a pas, par exemple, celle de trouver ni celle de créer un établissement privé où les petits enfants sont soustraits aux manifestations religeuses ostentatoires. Je n’ai jamais demandé la disparition des manifestations religieuses de l’espace civil ; je trouve juste et normal qu’un croyant ait la possibilité de faire valoir sa foi publiquement, juste et normal aussi qu’il puisse fonder une entreprise confessionnelle. Mais les citoyens n’ont-ils pas le même droit symétrique de faire valoir la neutralité (laquelle n’exclut personne) dans leurs entreprises privées et de penser qu’elle est nécessaire à l’éducation des petits enfants ? N’ont-ils pas aussi le droit à la même liberté d’entreprendre lorsqu’il s’agit de préserver ladite neutralité dans des domaines où elle est justifiée ?

8 - Deux poids et deux mesures. Le législateur est interpellé

Telles sont aussi les questions que je pose à certains de mes amis militants laïques qui se contentent parfois de la colère et réclament sans autre discernement l’application du principe de laïcité partout. Pour passer de la colère à l’indignation, il faut affronter le concept de laïcité et oser le penser jusque dans ses paradoxes constitutifs, qui en font à la fois la grandeur et la fragilité.
Non le principe de laïcité ne peut pas s’appliquer partout, et notamment pas dans l’espace civil accessible au public, qui doit rester libre à l’égard de toute manifestation dans le cadre du droit commun. Mais pourquoi refuserait-on à une entreprise privée de s’inspirer en son sein, en sa clôture et pour son seul personnel, du principe de laïcité afin d’assurer la liberté de ses clients et de ses usagers en fonction du service qu’elle leur propose ?
Et si une entreprise à objet éducatif a le droit de faire valoir un caractère confessionnel, une autre ne pourrait-elle pas aussi faire valoir un caractère de neutralité religieuse ? Il y a là deux poids et deux mesures qui me semblent contraires à l’égale liberté d’entreprendre et à l’égale liberté de conscience. Plus généralement, c’est aussi le droit du travail qui présente des lacunes à ce sujet. Il n’appartient pas à la Cour de cassation de faire la loi, mais en la disant, en la rappelant et en l’interprétant elle en pointe aussi les lacunes. De ce fait le législateur est interpellé.

© Catherine Kintzler, 2013

  1. La Cour de cassation a cassé la décision de la Cour d’Appel de Versailles qui avait validé le licenciement en 2008 d’une salariée de la crèche privée Baby Loup (Chanteloup les Vignes) laquelle refusait d’ôter son voile musulman. []
  2. Le présent texte pose des questions, propose des pistes de réflexion et non une théorie aboutie. J’ajoute que, n’ayant aucune compétence en droit, je parle d’une part en simple citoyen et de l’autre parce que j’ai réfléchi depuis longtemps sur des concepts de philosophie politique, lesquels sont disjoints des concepts juridiques. Il se peut donc que je commette des inexactitudes et je demande l’indulgence des juristes ainsi que leurs lumières. []
  3. Ce serait plutôt l’inverse ! []
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La chambre sociale de la Cour de Cassation face à l’affaire Baby Loup : Trois leçons de droit, et un silence assourdissant

par Gwénaële Calvès
Professeur de droit à l’Université de Cergy-Pontoise

 

 L’arrêt qui met un point final à l’affaire Baby Loup est porté aux nues par les uns, vilipendé par les autres. Ces réactions – sans doute inévitables, compte tenu des passions déchaînées par le licenciement d’une salariée voilée de la crèche, désormais célèbre, de Chanteloup-les-Vignes – portent essentiellement sur la solution dégagée : un camp a gagné, l’autre camp a perdu.

La chambre sociale de la Cour de Cassation s’est pourtant appliquée à prendre de la distance par rapport à l’affaire elle-même, et à mettre en scène cette posture distanciée. Elle s’attache très visiblement à faire œuvre de pédagogue, en délivrant trois leçons – inégalement abouties – de droit constitutionnel (I), droit du service public (II) et droit du travail (III). Mais elle observe, ce faisant, un silence complet sur une particularité cruciale de l’affaire Baby Loup : l’invocation de la « cause laïque » par une association très militante (IV).

I- Droit constitutionnel : un rappel bienvenu

L’arrêt de la Cour de Cassation s’ouvre par le rappel d’une évidence : lorsque la Constitution énonce que « la France est une République laïque », il faut comprendre que la laïcité, au sens constitutionnel du terme, est un principe d’organisation de l’État et une philosophie de l’action publique. Le principe s’impose aux lois de la République, à ses agents, à ses services publics, et aux lieux où elle s’incarne. C’est tout. Son champ d’application ne s’étend pas au-delà. Une propriétaire de maison d’hôte qui prétendait refuser des clientes voilées au prétexte de « laïcité » l’a appris à ses dépends : elle a été condamnée pénalement pour discrimination, la « laïcité » ne s’appliquant évidemment pas dans les parties communes d’une maison d’hôte. Il est heureux que la Cour ait pris la peine de rappeler ce genre d’évidence, car le principe de laïcité ne doit pas devenir le paravent de pratiques d’exclusion. Un gérant de supérette doit savoir qu’il n’est pas autorisé à proclamer que sa supérette est « laïque », et que les salariés seront astreints à une obligation de neutralité confessionnelle.

II- Droit du service public : une solution lapidaire et ponctuelle

Entre la supérette du coin et l’école publique du quartier, tout le monde voit bien la différence… Mais quid de toute la zone grise qui s’étend entre les deux ? Quid d’une maison des jeunes et de la culture, par exemple ? Ou d’un centre social ? Ou d’une association qui organise, à la demande de la mairie, des séjours pour enfants à la mer ou à la montagne ? Quel est, en d’autres termes, le périmètre du service public ? La Cour décide, de manière lapidaire, qu’une activité d’accueil de la petite enfance, exercée par un employeur de droit privé même subventionné, n’est pas une activité de service public. Dont acte. Mais il est dommage que la Cour ne présente pas le fondement de son analyse. Dans un arrêt rendu le même jour, elle fait l’effort de motiver sa solution (inverse), en indiquant que le salarié d’une caisse primaire d’assurance maladie, organisme de droit privé, participe à une mission de service public « en raison de la nature de l’activité exercée par la caisse » (délivrer des prestations aux assurés sociaux). En quoi la prestation délivrée par une crèche est-elle d’une autre « nature » ? Mystère…

Nous verrons si le législateur dément – ou nuance – le refus de la Cour de Cassation de qualifier d’ « activité de service public » l’accueil de jeunes enfants dans des structures collectives. Il y est invité, en tout cas, par la proposition de loi déposée par le député Roger-Gérard Schwartzenberg le 16 janvier dernier, qui reprend la proposition Laborde d’octobre 2011. Mais le problème ne manquera pas de se reposer à propos d’autres types d’activité…

III- Droit du travail : une mise en garde très ferme

Les employeurs n’ont pas tous les droits. Dans le cadre de leur pouvoir de direction, ils ne peuvent pas arbitrairement restreindre les droits et libertés des salariés : toute restriction doit être justifiée par la nature de la tâche à accomplir, et elle ne doit pas être excessive au regard du but recherché (garantir la sécurité, par exemple). Cette exigence relève du droit commun du travail ; elle est posée par les articles L. 1121-1 et L.1321-3 du code du travail qui avaient été mobilisés par la Cour d’appel de Versailles dans l’affaire Baby Loup. Mais la chambre sociale de la Cour de Cassation durcit cette exigence, en ajoutant que la restriction, lorsqu’elle porte sur la liberté religieuse doit également « répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante » - formule empruntée au droit européen de la non-discrimination et désormais inscrite à l’article L1133-1du code du travail. Le terrain de la défense des droits des salariés, sur lequel s’était placée la Cour d’Appel, augmente pour ainsi dire sa surface, en s’adjoignant le domaine de la lutte contre les discriminations. En combinant, de manière inédite, deux ensembles de dispositions du code du travail, la Cour de Cassation montre qu’elle a conscience de l’ampleur des discriminations fondées sur la religion, et affirme clairement le caractère illicite de telles pratiques.

Les hypothèses dans lesquelles l’employeur peut exiger d’une salariée qu’elle ôte son voile n’étaient déjà pas très nombreuses : elles sont désormais extrêmement réduites, et placées sous haute surveillance. Il faut se réjouir de cette avancée, parce qu’il n’est pas acceptable que des patrons prétendument « laïcs » ( ?) obligent des femmes de ménage ou des caissières à ôter leur voile, ou autre signe extérieur de leurs convictions religieuses.

IV- Statut de la « cause » laïque : un silence complet

La Constitution s’impose aux pouvoirs publics lato sensu, le code du travail s’applique aux entreprises privées en général : soit. Mais dans l’affaire Baby Loup, l’employeur est une association qui prétendait relever d’un régime dérogatoire du droit commun : celui des entreprises « de tendance », ou « affinitaire ».

Ces organisations, quelle que soit leur forme (syndicat, partis politiques, associations, entreprises de presse, entreprises commerciales dans des cas plus rares, celui d’une boucherie cachère par exemple) ne sont pas des employeurs comme les autres, dans la mesure où leur objet est spécifique : il est d’ordre idéologique ou spirituel. Ces employeurs d’un type particulier peuvent donc (à certaines conditions) pratiquer des recrutements, décider des licenciements ou fixer des règles de fonctionnement qui seraient considérés comme discriminatoires ou attentatoires à la liberté des salariés si on se trouvait dans le cadre une entreprise régie par le droit commun.

Une crèche confessionnelle est ainsi, sans aucun doute, une entreprise de tendance. Si Baby Loup avait été une des crèches loubavitch subventionnées par la mairie de Paris, une disposition de son règlement intérieur imposant le respect des préceptes de la loi juive n’aurait soulevé aucune difficulté, pas plus que le licenciement pour faute grave d’une employée dégustant un sandwich au jambon dans l’exercice de ses fonctions.

Pourquoi en irait-il différemment d’une crèche gérée par une association dont les statuts affirment qu’elle se fixe pour objectif, notamment, de défendre et illustrer la laïcité ? Non pas la laïcité entendue comme principe juridique, mais la laïcité conçue comme une philosophie du silence sur le religieux, ou de maintien du religieux hors de la sphère de la vie en commun. Qu’est-ce qui s’oppose à ce qu’une association se constitue autour d’un tel idéal, milite pour sa promotion, et adopte, en conséquence, des règles de fonctionnement interdisant l’expression des convictions religieuses ? Les statuts de Baby Loup étaient peut-être mal rédigés. Mais l’idée d’une association « de tendance laïque » n’a rien de choquant, sauf si l’on réduit la laïcité à sa dimension juridico-politique. Or la laïcité (libérale, ouverte, stricte, plurielle, de reconnaissance, etc : les interprétations ne manquent pas) peut aussi être appréhendée comme un projet de société, digne d’être érigé en « objet propre » d’une entreprise de tendance.

Cette hypothèse de l’entreprise de tendance laïque n’a même pas examinée par la Cour de Cassation…. A-t-elle craint d’ouvrir une boîte de Pandore ? A-t-elle redouté de se voir démentie, demain, par la Cour de Strasbourg ou de Luxembourg ? Quelles que soient les raisons de son silence, il faut le regretter parce que le résultat est là : les militants laïcs – dans toute leur diversité - sont aujourd’hui moins protégés par le droit, et donc moins libres, que les militants de la cause de Dieu.

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Civitas : la preuve par le fait

par Marie Perret
Co-responsable de la commission école de l'Ufal

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Il y a quelques jours, Civitas sortait du bois en publiant sur son site un texte dans lequel l’association catholique répond à la pétition lancée par l’Ufal et reprise par All Out. Rappelons que l’objectif de cette pétition est, somme toute, modeste : il s’agit de faire en sorte que Civitas cesse de se croire au-dessus des lois et de délivrer des reçus à ses donateurs ouvrant droit à déduction fiscale.

La réponse de Civitas a de quoi laisser perplexe. On aurait pu s’attendre à ce que l’association, prise la main dans le sac, contre-attaque en démontrant que ses objectifs relèvent bien de l’intérêt général : qu’elle argue de son caractère philanthropique, qu’elle montre qu’elle n’a de cesse d’œuvrer à la rédemption des âmes en les incitant à la conversion chrétienne. L’association aurait pourtant bien besoin de fournir à l’administration fiscale, qui s’est saisie du dossier, un solide argumentaire. Or, on ne trouve, dans ce texte, nulle trace d’un quelconque argument. Pour sa défense, Civitas n’a qu’une seule chose à dire : « C’est celui qui dit qui y’est ». Toutes les associations, si l’on comprend bien ce que les auteurs ont voulu dire, seraient coupables du même forfait. Non seulement cette réponse rappelle furieusement la cour de récréation, mais elle est aussi une manière de reconnaître que l’accusation portée contre Civitas est vraie, et que c’est indûment qu’elle délivre à ses donateurs des reçus fiscaux.

L’infantilisme de cette réaction aurait de quoi faire sourire, sans la phraséologie nauséabonde dont usent ses auteurs. Cette phraséologie sans nuance transpire la haine et le ressentiment. Sous leur plume, tout se transforme en injure : défendre le principe de laïcité, militer à gauche, être franc-maçon, homosexuel, être attaché au droit à l’avortement et à celui de mourir dans la dignité revient, pour les auteurs du texte, à être un « bouffeur de curés », à faire partie de la « gauche caviar », des « frères trois-points », du « lobby homosexuel », du gang des « avorteurs » (?) et des propagandistes de l’euthanasie ». Manifestement, les auteurs de ce texte ne savent rien faire d’autre qu’insulter, invectiver, aboyer. Cette incapacité d’argumenter, d’exprimer sa pensée de façon claire et fine, de faire valoir rationnellement la légitimité d’une position, explique peut-être la rapidité avec laquelle les militants de Civitas recourent à la violence quand ils manifestent, et leur affligeante inclination à montrer leur « virilité » à coups de pieds.

En plus de la haine, le texte transpire la paranoïa. Plutôt que de répondre aux accusations dont ils font l’objet, les auteurs de ce texte versent dans la théorie du complot. La prose est à ce point délirante qu’elle ne peut être comprise que par ceux qui souffrent des mêmes obsessions. En somme, c’est moins à leurs contradicteurs que les auteurs de ce texte s’adressent qu’aux membres de la clique à laquelle ils appartiennent et auxquels ils envoient des signaux. Que bien peut signifier l’expression « avoir une vision homosexualiste » du monde ? Quel sens peut avoir l’expression de « Khmers roses » ? Tout cela est inepte. Les militants de Civitas méprisent-ils l’intérêt général au point de ne même pas consentir à écrire un texte lisible par tous et dans lequel ils s’expliqueraient ? Ne savent-ils faire rien d’autre que servir la pâtée ordinaire de l’extrême-droite ?

Ce texte nauséeux, violent, et finalement idiot, est en lui-même la preuve que Civitas est à mille lieues de remplir les conditions permettant à une association de se prétendre d’intérêt général. L’administration fiscale jugera.

Lutter contre le néo-libéralisme
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Chypre: Draghi use du Blocus monétaire

par Jacques Sapir
Économiste, Directeur d’études à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales

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BCELe « blocus monétaire » de Chypre qui vient d’être mis en œuvre par la BCE est un acte d’une extraordinaire gravité, dont les conséquences doivent être soigneusement étudiées. La décision de M. Mario Draghi porte sur deux aspects : tout d’abord la BCE n’alimente plus la Banque Centrale de Chypre en billets (point qui n’est semble-t-il pas essentiel car les réserves de « cash » semblent importantes) et ensuite elle interrompt les transactions entre les banques chypriotes et le reste du système bancaire de la zone Euro. C’est cette dernière mesure qui est de loin la plus grave. D’une part, elle condamne à court terme les banques chypriotes (mais aussi les entreprises basées à Chypre, qu’elles soient chypriotes ou non) car désormais elles ne peuvent plus faire de transactions avec le reste de la zone Euro. D’autre part, elle équivaut à un « blocus » économique, c’est-à-dire dans les termes du droit international à une action qui équivaut « acte de guerre ». C’est donc dire la gravité de la décision prise par Mario Draghi. Elle pourrait d’ailleurs se prêter à contestation devant les cours internationales. C’est donc dire la responsabilité prise par Mario Draghi qui pourrait, à ce compte, se retrouver un jour devant un tribunal, international ou non.

Sur l’interruption des relations entre banques chypriotes et la zone Euro, l’argument invoqué est le « doute » sur la solvabilité des dites banques chypriotes. C’est à l’évidence un pur prétexte car des « doutes » il y en a depuis juin dernier. Tout le monde sait qu’avec les conséquences du « haircut » imposé sur les créanciers privés de la Grèce, on a considérablement fragilisé les banques de Chypre. La BCE n’avait pas réagi à l’époque et ne considérait pas le problème de la recapitalisation de ces banques comme urgent. Elle se décide à le faire au lendemain du rejet par le Parlement chypriote du texte de l’accord imposé à Chypre par l’Eurogroupe et la Troïka. On ne saurait être plus clair. Le message envoyé par Mario Draghi est donc le suivant : ou vous vous pliez à ce que NOUS avons décidé ou vous en subirez les conséquences. Ce n’est pas seulement un message, c’est un ultimatum. On mesure ici que toutes les déclarations sur le « consensus » ou l’« unanimité » qui aurait présidé à la décision de l’Eurogroupe ne sont que des masques devant ce qui s’avère être un Diktat1

Mais il y a un message dans le message. Mario Draghi vient, d’un seul geste, de faire sauter la fiction d’une décision collective au sein de la BCE, car le Président de la Banque Centrale de Chypre n’a pas donné son accord. Les règles n’ont ainsi même pas été respectées. Il vient, ensuite, d’affirmer au reste du monde que les décisions ne sont pas prises par l’Eurogroupe ou l’Union Européenne mais par lui et lui seul, fonctionnaire désigné et non élu, irresponsable au sens le plus politique du terme. La nature profondément tyrannique des institutions mises en place dans le cadre européen se révèle pleinement dans cet incident. Les grands discours sur la coopération et sur l’expertise cèdent la place au froid rapport des forces et sentiment de puissance.

Il met un terme au concours d’hypocrisie auquel s’étaient livrées les différentes instances européennes parlant d’un accord décidé à l’unanimité (avec le pistolet sur la tempe). Il en va de même avec le “respect du vote” du Parlement chypriote, dont on voit bien que Mario Draghi se moque comme d’une guigne. Désormais les choses sont claires et, en un sens, c’est tant mieux. Mais il ne faudra plus s’étonner si les partis, souvent qualifiés de “populistes”, qui sont opposés aux institutions européennes montent rapidement dans les sondages. De même ne faudra-t-il plus s’étonner si la violence contre les institutions européennes et leurs représentants monte rapidement dans les pays les plus touchés par la crise. Car il est dans la nature des choses que la Tyrannie appelle la violence.

Les conséquences de cette décision seront, quoi qu’il advienne, dramatiques. Il est possible que le Parlement chypriote se déjuge sous la pression, mais ce faisant il ouvrira une crise ouverte avec son peuple. La tradition de violence politique que l’on a à Chypre ne doit alors pas être négligée. Il est aussi possible que l’on aille jusqu’au bout de cette crise et que Chypre soit de facto expulsée de la zone Euro du fait de la décision de Mario Draghi. Le précédent ainsi établi aura dans ce cas des conséquences profondes pour l’ensemble des autres pays. Nous aurons des indications sur le cours que les événements vont prendre d’ici 48 heures.

  1. Le communiqué de la Commission Européenne du 20 mars 2013
    European Commission statement on Cyprus

    Since the autumn of 2011, the possibility of assistance to Cyprus under a programme has been under discussion by the Cypriot authorities with the Commission. In July 2012, Cyprus formally asked for assistance under a programme. The need for assistance comes essentially from problems in the Cypriot banking sector which was unsustainably large for the size of the Cypriot economy. However, it was not possible to conclude negotiations on a programme with the previous Cypriot government.
    Finally, last Saturday, in the Eurogroup, there was a unanimous agreement between the Member States including Cyprus on a programme that met the conditions fixed by the Member States, the ECB and the IMF, agreeing to lend EUR 10 bn to Cyprus. These conditions included reaching an acceptable level of debt sustainability and the corresponding financing parameters.
    Whilst this programme did not in all its elements correspond to the Commission’s proposals and preferences, the Commission felt the duty to support it since the alternatives put forward were both more risky and less supportive to Cyprus’s economy.
    This programme was not accepted by the Cypriot parliament.
    It is now for the Cypriot authorities to present an alternative scenario respecting the debt sustainability criteria and corresponding financing parameters. The Commission has done its utmost to assist Cyprus and to work for a Constructive and managed solution. However, decisions are taken by the Member States and no decision can be taken without their cooperation including Cyprus itself. The Commission continues to stand ready to facilitate solutions and is continuing contacts with Cyprus, the other Member States in the Eurogroup, the EU institutions and the IMF.
    Regarding the one off levy on deposits BELOW 100.000 €: The Commission made it clear in the Eurogroup BEFORE the vote in the Cypriot parliament, that an alternative solution respecting the financing parameters would be acceptable, preferably without a levy on deposits below 100.000 €. The Cypriot authorities did not accept such an alternative scenario.
    []
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Le travail, la santé, et la médecine du travail abandonnés à la prédation et aux conflits d'intérêts

par Un Collectif

 

Dans notre rapport 2011, nous avons particulièrement développé l’oppression du contraste entre les constats tellement graves en santé au travail, liés aux organisations de travail délétères et l’inadéquation totale de la réforme qui aggravait encore l’aliénation des médecins du travail et des préventeurs à ceux qui génèrent les risques, en leur confiant même la mise en place des orientations de prévention dans un conflit d’intérêt sans précédent et sans qu’aucune piste de transformation ne voie le jour. Nous avions dit notre écœurement alors que malgré tous les empêchements structurels et les difficultés, une frange active de notre profession avait développé une activité très pertinente, la clinique du travail, permettant la compréhension des mécanismes d’atteintes à la santé dues au travail, l’accompagnement des blessés et malades du travail et la construction de vraies pistes de solution (cf. nos propositions de 2011 en annexe). Il ne manquait plus que les moyens effectifs de la mise en œuvre de ces solutions dans les entreprises, ce qui passait nécessairement par une indispensable coercition puisque notre expérience montrait bien que ce n’est pas par manque d’information mais par manque de volonté que les améliorations ne voyaient pas le jour dans les entreprises. Bien au contraire, suite à la dernière réforme, la déprofessionnalisation s’installe au mépris de cette construction très professionnelle et pertinente, pour partir vers des orientations bien en deçà des constats. Rien d’étonnant puisque la décision politique a été de prendre le parti des logiques financières et des tenants du système en refusant de remettre en question les organisations de travail générées par celui-ci. Or ce sont ces organisations qui sont pourtant à l’origine de l’essentiel des pathologies dues au travail. La déprofessionnalisation de la prévention en santé au travail est un moyen de ce camouflage ; celle-ci frappe d’ailleurs l’ensemble du monde du travail dans cette volonté d’asservissement qui tourne au drame puisqu’elle est en train de déstructurer le travail, les liens sociaux et le tissu social.
Nous l’affirmons ! Le coup fatal a été porté à la prévention en santé au travail dans une grande irresponsabilité de l’Etat et des décideurs.
Un espoir se dessinait en 2012 avec le changement de gouvernement qui en appelait à plus de justice sociale et de préoccupations des réels problèmes des français. Mais quel espoir déçu ! Malheureusement l’évènement majeur de 2012, c’est que ce gouvernement a tourné le dos au drame du travail et on peut même se demander si ce n’est pas son attitude par rapport à l’intérêt général. Et tout ça au cœur d’une expérience que nous ne connaissons que trop bien qui est que l’urgence de se préoccuper de la question du travail est une énième fois enfouie dans l’angle mort du débat public !!! Or il n’y a pas plus réel, plus aigu et plus délétère actuellement que le problème du travail pour chacun de nos concitoyens. Nous ne parlons pas de l’emploi, problème gravissime également, mais qui n’est pas directement l’objet de notre responsabilité ; mais de ce travail que nous avions décrit comme contaminé et qui gangrène la vie, le psychisme, la santé, les liens sociaux.
2012 aura été l’année de la NON REPONSE à ces besoins urgents alors que cela fait des années que nous ne cessons d’ alerter sur le drame de la faiblesse de régulation par l’Etat ; il était alors légitime d’espérer d’un gouvernement, a priori porté par les questions humaines, qu’il aille vers une dénonciation de la Réforme en santé au travail - c’était l’objet de notre demande dans une lettre à François Hollande en juillet 2012 (en annexe) -, et repense en profondeur ce qu’il était juste et efficace de mettre en place compte tenu de l’apocalypse des constats.
Mais très curieusement, avant même la santé au travail, le travail lui-même est traité en quantité négligeable, alors que c’est pourtant le lieu du cancer qui mine les individus et la société. Nous avons lu avec stupéfaction dans la presse, de façon très lapidaire, que notre ministre actuel trouvait que la réforme en santé au travail «avait le mérite d’avoir été faite», et qu’il s’engageait seulement à en faire le bilan ! Mais quel peut bien être le bilan d’un système aussi gangréné que le sinistre Comité Permanent Amiante qui a donné le drame que l’on connait, sinon encore des morts et des blessés au travail ; car les capacités d’actions des préventeurs sont annihilées par leur mise sous tutelle par ceux qui génèrent les risques. Nous voulons dire que maintenant, après toutes ces leçons qui n’auront pas été tirées, les décideurs pourraient bien être considérés comme responsables ET coupables car ils ne pourront pas dire qu’ils n’ont pas été éclairés et alertés par les professionnels de la gravité de leur décision à laisser perdurer un tel conflit d’intérêt dans les services et finalement d’avoir organisé sciemment l’amputation du pouvoir d’agir des médecins du travail et des autres préventeurs. Notre diagnostic est fait : les bilans de la santé au travail sont faits depuis des décennies et sont catastrophiques ; la réforme n’apportera aucun remède, bien au contraire. Le paritarisme dans la gestion des SST reste bien en deçà des besoins. Les fausses réponses sont maintenant à l’œuvre dans nos services de plus en plus dans le chaos et en inadéquation avec les constats, comme c’est aussi le cas pour leurs partenaires de la CARSAT et de la DIRECCTE, dépossédés des vrais moyens de traitement pour répondre aux vrais diagnostics. D’ailleurs, personne ne parle de traitement et donc de transformation mais seulement d’évaluation. Quant à la vraie pluridisciplinarité, nous ne cessions de souligner que ces organismes, à condition d’être vraiment légitimés sur le plan de leur mission et de leur autorité, y ont leur place, juste et essentielle, en coopération avec les médecins du travail ; nous sommes témoins que cette synergie, lorsqu’elle peut s’appliquer, est tout à fait efficace à faire avancer les mesures basiques de prévention dans les entreprises et nombre de problèmes restés irrésolus depuis des décennies par le refus de la part des employeurs de faire les transformations nécessaires et par l’absence de coercition pour les y forcer dans l’intérêt du bien public. Ceci est une réalité centrale à laquelle, malheureusement, tournent le dos toutes les gesticulations périphériques que nous voyons à l’œuvre dans la mise en place de la réforme qui fait semblant de tout solutionner alors qu’elle recommence une évaluation globalement faite depuis des décennies.
Au chevet de la France malade du travail, les médecins sont relégués au rang d’exécutants alors que c’est l’exact contraire qu’il aurait fallu faire à savoir tout mettre en œuvre pour le développement de leur point de vue spécifique, très pertinent et très efficace, qu’est la clinique médicale du travail.
Nous ne voyons pas d’autre explication à la démission du gouvernement vis à vis de cette urgence de santé publique, la santé au travail, que la confirmation qu’il est lui aussi soumis à la doctrine dite libérale, et il est bien vrai que soigner le travail et les travailleurs, c’est forcément oser remettre en question ce qui n’est pourtant pas du tout une fatalité mais un choix de société.
Que le lecteur et toutes les instances responsables sachent bien les ravages de ce désengagement de l’Etat, car, outre l’absence de décisions thérapeutiques, il donne l’exemple, le mauvais exemple, que rien ne doit s’opposer à la folie de la rentabilité à tout prix et à ses conséquences humaines.
Nous voyons l’escalade de la violence au travail se poursuivre puisque l’Etat ne joue plus son rôle de garant de la dignité des personnes. Nos consultations sont essentiellement axées sur la prise en charge des décompensations psychiques et physiques liées à la maltraitance au travail permise par un système indigne d’une démocratie.
Bien au contraire, nous sommes les témoins et victimes des incroyables renversements de valeurs décrits dans nos précédents rapports avec des niveaux d’aggravation avancée. Ce sont les médecins qui se mettent au service de la santé et des blessés qui se retrouvent malmenés et accusés par les instances mêmes qui devraient garantir la préservation de la santé. Un de nos confrères a été poursuivi et jugé par la Chambre Disciplinaire du Conseil de L’Ordre sur plainte d’un employeur concernant l’affirmation du diagnostic de souffrance au travail établi dans un certificat alors que cet employeur a pourtant été reconnu coupable par les Prud’hommes de harcèlement des cinq salariés de son entreprise. Une autre collègue est elle-même mise à mal par un DRH qui la considère comme un obstacle à son management et il faut déployer des trésors d’énergie pour que le contrôle social et l’Inspection du Travail puissent remplir leur rôle et maintenir le médecin dans sa fonction.
Et l’indépendance du médecin du travail nous direz-vous? Et bien oui, sans les moyens précis prévus dans la loi pour la défendre, avec une Inspection du travail sérieusement délégitimée dans son rôle de coercition et non soutenue par l’Etat qui se détourne lui-même de l’intérêt général, notre fragilisation est à son comble.

Tout ce gâchis est bien le témoin de ce grand mal idéologique avec la participation de tous et de chacun (il faut bien le reconnaitre). Il laisse perdurer l’insoutenable tout en portant en lui-même les ferments de sa propre destruction, en particulier par cette contamination radicale de la destruction du sens du travail et de son rôle dans la construction identitaire des individus et des sociétés. Dans l’absence de ressaisissement nous voyons malheureusement actuellement dans le monde du travail, comme dans nos services, les ingrédients d’un effondrement sociétal très inquiétant.

POUR CONCLURE, notre génération de professionnels en santé au travail a vu monter en puissance le faux discours sur le coût du travail, sur la compétitivité à tout prix, même à celui de la vie, alors que les dégâts de cette précarisation sur la santé et finalement sur le contenu du travail n’ont jamais cessé de s’aggraver et que cela a un coût humain et financier considérable, nullement relayé par les médias au niveau où il devrait l’être. Nous savons que porter soins aux travailleurs et au travail, cela passe par la régulation de ces dérives, réel gisement de potentiel du côté de la vie : la vraie compétitivité serait de faire du travail de qualité et ainsi améliorer la santé, la société, l’économie, la civilisation.
Dans cette volonté de défendre les vraies valeurs du travail, la dignité des personnes et la santé publique, l’Etat se devrait de réinvestir avec force son autorité régalienne pour arrêter la logique d’asservissement et donner pleine légitimité à ses représentants que sont les Inspecteurs du travail pour qu’ils puissent réellement s’interposer dans toutes les formes de violence et maltraitance au travail ; c’est notre constat de très longue date que cela serait déjà une étape essentielle à la prévention en santé au travail. Il devrait confier la santé aux professionnels de celle-ci, en mettant l’accent sur leur formation, leur légitimation et leur indépendance.

A ce jour, il faut bien savoir que l’Etat français a abandonné le travail au chaos déclenché par les logiques gestionnaires et la santé au travail au patronat assisté des spécialistes «de la communication», au cœur d’un conflit d’intérêt historique dans sa caricature et dans ses conséquences gravissimes, empêchant toute réelle prévention avec dans le même temps, la dégradation du système de soins, lui aussi de plus en plus abîmé et empêché par la pénurie médicale et les logiques gestionnaires.

Et pourtant ! Nous ne le dirons jamais assez, la France dispose de compétences immédiates en Santé au Travail ; il suffit pour cela de désenclaver l’Inspection du Travail, la Médecine du Travail, la CARSAT et de les mettre en synergie dans une réelle pluridisciplinarité partant des constats pour faire faire un bond en avant sans précédent et dans un minimum de temps à la Santé au Travail.

COLLECTIF DES MEDECINS DU TRAVAIL DE BOURG EN BRESSE
Docteurs CELLIER, CHAPUIS, CHAUVIN, DELPUECH, DEVANTAY, GHANTY, LAFARGE

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Notre modèle social fête ses 69 ans !

par Yves dit Lilou

 

Le 27 mai 1943 pendant l’occupation, sous la présidence de Jean Moulin se réunissait pour la première fois le Conseil National de la Résistance.
Le 15 mars 1944 était adopté le programme de Conseil National de la Résistance. Il comprenait deux volets.
Le premier volet était destiné à la mobilisation et la coordination de toutes les forces de la résistance dans le but de chasser définitivement l’occupant nazi du territoire.
Le second volet était rédigé dans le but de reconstruire le pays après la libération.
Il contenait les mesures prévues dans le but de punir les traitres et les collaborateurs, notamment par la confiscation de leurs biens au profit de l’état, mais aussi des mesures en vue de promouvoir l’indépendance politique et économique de la Nation, ainsi qu’un plan social innovateur unique en son genre.
Ce plan qui allait être mis en application en 1946 allait permettre entre autres :

« Le retour à la nation des grands moyens de production monopolisés, fruit du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques »

Ces mesures allaient permettre un temps de reconstruire l’économie et l’industrie de la nation bien mises à mal par ces années obscures. La nationalisation des Industries du Gaz et de l’Électricité a été une mesure essentielle pour le développement industriel et social. Aujourd’hui malgré notre savoir-faire incontestable dans tous les domaines, notre tissu industriel a été méthodiquement et idéologiquement démonté pièce par pièce, mettant à mal notre indépendance. La plupart des banques et services publics ont été dénationalisés. Le profit des actionnaires et le financement des fonds de pension ont scandaleusement évolué au détriment de l’intérêt des citoyens et des salariés. Lorsque malgré tout, ce système ultralibéral ne trouvait pas son compte dans les règles du jeu qu’il avait lui-même établies, l’état venait à son secours en promulguant des lois scélérates comme la loi NOME.
Une véritable spoliation des biens publics !
NB : Malgré les grandes promesses du « Moi président », la loi NOME est toujours là !

Pour la partie sociale, le programme prévoyait entre autres :

« La liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères. »

Aujourd’hui la presse est dominée par trois à quatre grands groupes privés, qui détiennent presque toutes les chaines de télévision et presque tous les journaux, y compris ceux de la presse dite gratuite. Toute cette belle presse est animée en permanence par une équipe de quelques journalistes et économistes, bien sélectionnés, qui par un jeu de chaises tournantes passent tranquillement du journalisme d’écrit au journalisme télévisé, d’une chaine à l’autre, ou d’un magasine à l’autre. De ce fait malgré la multiplicité des médias, la pluralité et l’indépendance de la presse sont loin d’être effectives.

« Un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État »

Ce plan mis en place en 1946 par Ambroise Croiza ministre communiste du travail et de la sécurité sociale, est depuis quelques décennies l’objet d’attaques incessantes et injustifiées, de la part de détracteurs qui voient dans la privatisation de notre système de santé une formidable manne de profit. Il n’y a qu’à se rappeler des dernières affaires délictueuses en matière de santé pour se convaincre que leur principe se résume à :
Tant qu’il y a de la maladie il y a de l’espoir… Ou plutôt de l’argent !

« La sécurité de l’emploi, la réglementation des conditions d’embauchage et de licenciement, le rétablissement des délégués d’atelier. »

Depuis quelque temps tout cela était déjà bien mis à mal, quand le fameux accord scélérat dit de « flexibilité sécurité » qui est une véritable trahison contre la classe ouvrière, est arrivé comme une cerise sur le gâteau du patronat français. Ce dernier grâce à la complicité de quelques syndicats minoritaires va pouvoir enfin être libéré de ce carcan « archaïque » qu’est le Code du travail. Pour ma part j’ai plutôt tendance à penser que l’archaïsme est du côté de ceux qui veulent nous ramener à l’époque de Germinal. Pour ceux qui n’en sont pas convaincus, je les invite à lire le communiqué du Syndicat des Avocats Français (Le SAF) sur le sujet. Il est éloquent.

En voici un petit extrait :

« Ce n’est pas de sécurisation de l’emploi dont il est question à chaque ligne du projet d’accord national interprofessionnel élaboré par le MEDEF. La sécurisation n’y est conçue qu’au profit des entreprises, pour se prémunir de toute obligation de transparence et de justification, et se constituer une véritable immunité judiciaire »…

Pour les amateurs de la controverse, je leur rappelle que ce sont des avocats qui ont écrit cela, et qu’en matière de droit ils sont mieux placés que certains experts autoproclamés et adeptes de la génuflexion, qui à force de se tenir le dos courbé ne savent même plus ce que veut dire le mot droit.

Enfin nos amis de la résistance avaient aussi prévu dans leur programme :

« Une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours »

Inutile de vous rappeler tout l’historique des attaques de notre système de retraites, qui a été créé à une époque où tout était à reconstruire et qui ne serait, semble-t-il, plus viable. Pourtant depuis ces temps reculés la productivité a été largement multipliée compensant l’aspect démographique, le fait qu’on vive plus longtemps. D’ailleurs à force de l’entendre dire qu’on vit plus longtemps, on va finir par croire qu’ils nous le reprochent, ça donne vraiment envie de s’accrocher. En fait il va vraiment falloir s’accrocher, car dans quelques réformes je pense que pour prendre la retraite à taux plein il faudra être plus que centenaire, et dans ce cas-là je crois qu’il sera préférable de signer un viager.
« Mais mon cher amis vous n’y êtes pas, il est indéniable que l’économie va mal, c’est la crise ! » (Me disait Mme la baronne Duchmol de la Courtecuisse après avoir sifflé tout mon Margnat Village)
C’est vrai, il suffit de regarder les chiffres du Salon nautique et du Salon de l’auto pour s’en convaincre et constater que la barque est remplacée par le yacht de plusieurs dizaines de mètres, et la « deux chevaux » par la Ferrari avec un seul cheval, cela dit il est cabré, et ça change pas mal de choses !
Tout ça pour vous dire en fait que ce 15 mars 2013 le programme du Conseil national de la résistance fête ses 69 ans, qu’il est l’âme de notre modèle social, que nous n’avons pas le droit de l’oublier et que nous devons en défendre bec et ongles les composantes.
Cela par respect envers le sacrifice de nos anciens, mais aussi parce qu’il contient tous les ingrédients d’une société de solidarité et de tolérance, et enfin parce qu’il est de notre devoir de léguer aux générations futures ce dont nous avons nous-mêmes profité.

Entreprise
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Histoire juridique du temps partiel et intermittent

par Gérard Filoche
membre du BN du Parti socialiste
http://www.democratie-socialisme.org

 

Références : loi n°73-1195 du 27/12/73 ; loi n°81-64 du 28/01/81 ; Ordonnance n°82-271 du 26/03/82 ; Ordonnance n°86-948 du 11/08/86 ; loi n°87-423 du 19/06/87 ; loi n°91-1 du 3/01/91 ; loi n°93-1313 du 20/12/93 ; loi n°2000-37 du 19/01/2000 ; loi n°2003-47 du 17/01/2003 ; loi n°2004-391 du 4/05/2004 ; loi n°2005-841 du 26/07/2005 ; loi 2008-789 du 20/08/2008  ; ANI du 11 janvier 2013

Avant 1973, le « temps partiel » n’était pas autorisé par la loi.

En 1973, par un gouvernement de droite mais quelques années après 1968, il a été institué de la même façon, juridique, qu’en 1936 les 40h : un volontariat collectif dans l’entreprise, avec accord des représentants du personnel ou de l’inspection du travail, des horaires fixes, sur la semaine, sans heures complémentaires.

Il a ensuite progressivement, et d’une façon presque linéaire, été mis en place avec des conditions de travail de plus en plus précaires pour les salariés. Pour mesurer ces reculs et également (en étant gentil) l’amnésie de ceux qui, aujourd’hui, vont répétant, pour ne pas parler du fond, que le contrat vaut mieux que la loi, il est utile de citer des extraits de l’exposé des motifs de l’ordonnance de mars 1982, sans oublier qu’à cette date, le rapport de forces pour les salariés était pourtant bien supérieur à celui d’aujourd’hui : « La loi n°81-64 du 28 janvier 1981relatice au temps partiel… a soulevé lors de sa promulgation la réserve, si ce n’est l’hostilité de la quasi-totalité des organisations syndicales. Ce texte présente en effet un certain nombre de lacunes quant aux droits et garanties dont devraient bénéficier les salariés à temps partiel…..Les modifications apportées ….ont notamment pour objectif de prévenir les abus auxquels pourraient donner lieu le recours systématique à des heures complémentaires au-delà de l’horaire de base prévu par le contrat de travail….De même est-il prévu que, s’il s’avérait que dans certaines branches de professions le travail à temps partiel se pratiquait dans des conditions telles qu’il apparaîtrait nécessaire d’en assortir le recours de garanties allant au-delà de celles que met en place par ailleurs la présente ordonnance, qu’il soit possible par décret pris après consultation des organisations d’employeurs et de salariés intéressées et au vu des résultats d’éventuelles négociations de préciser les modalités de recours au temps partiel les mieux adaptées pour remédier à cette situation. »

1/ Procédure de mise en place

1973 : Des « horaires de travail réduits » ne peuvent être applicables qu’ « aux seuls salariés qui en font la demande », avec « l’accord » des représentants du personnel (CE ou, à défaut, DP) ou, en l’absence d’accord ou en l’absence de représentants du personnel,  ils peuvent être « autorisés » par l’inspecteur du travail.

1981 : le temps partiel peut être « proposé » aux salariés de l’entreprise « qui demandent à en bénéficier » ou, à défaut, aux « demandeurs d’emploi », après « avis » des représentants du personnelet information de l’inspecteur du travail, ou simple information de l’inspecteur du travail en l’absence de représentants du personnel. (1981)

1982 : des horaires de travail à temps partiel (nommé aussi « temps choisi » pour marquer la volonté de faire la différence avec la réalité imposée par les employeurs) « peuvent être pratiqués » après « avis » des représentants du personnel et information de l’inspecteur du travail, ou simple information de l’inspecteur du travail en l’absence de représentants du personnel.

1986 : du travail à temps partiel avec des périodes d’inactivité (appelé « travail intermittent ») peut être mis en place par un accord collectif étendu.

1991 : le temps partiel peut être mis en place « à l’initiative du chef d’entreprise » ou « à la demande des salariés ». Dans ce dernier cas, les modalités de mise en place peuvent être fixées par un accord collectif étendu.

1993 : le « travail intermittent » est abrogé mais remplacé par un succédané, le « temps partiel annualisé »

2000 : le travail à temps partiel peut être mis en place par un simple accord d’entreprise. Ou, en l’absence d’accord d’entreprise, après « avis » des représentants du personnel transmis à l’inspecteur du travail et, s’il n’y a pas de représentants du personnel, « à l’initiative du chef d’entreprise ou à la demande des salariés » par simple information de l’inspecteur du travail.

2000 : le « travail intermittent » est réintroduit et peut cette fois être mis en place par un simpleaccord d’entreprise.

2008 : le temps partiel dit « modulé » est abrogé et remplacé par le temps partiel « aménagé » plus flexible…

2013 : le temps partiel peut être mis en place par accord collectif

2/ Horaires collectifs ou individuels :

De 1973 à 1981, il semble, au vu de la rédaction du texte de 1973, que la mise en place d’horaires de travail réduits dans les entreprises ne concerne que des horaires collectifs, et pour les seuls salariés de l’entreprise.

3/ Période de calcul de la durée du travail (semaine, mois, année)

1973 : rien n’est prévu car, dans la logique de l’époque, le temps de travail, depuis 1936, est compté àla semaine et de la même façon pour tous.

1981 : la semaine, mais pas forcément la même durée pour tous, car la durée hebdomadaire figure au contrat de travail du salarié

1982 : la semaine ou le mois

1986 : l’année pour le travail dit « intermittent » par accord collectif étendu

1993 : la semaine, le mois, ou l’année pour le « travail intermittent » abrogé et transformé en temps partiel annualisé)

2000 : la semaine, le mois, ou l’année (pour celle-ci, il y a à la fois le temps partiel annualisé et le « travail intermittent » par simple accord d’entreprise)

2008 : la semaine, le mois, ou l’année (le temps partiel « modulé » est remplacé par le temps partiel « aménagé »)

2013 : la semaine, le mois ou l’année

4/ Programmation, répartition, délai de prévenance

1973 : la répartition des heures sur la semaine n’est pas prévue, les heures sont sans doute réparties, comme pour le temps complet, de façon égale et il n’y a pas de modification exigeant un délai de prévenance

1981 : la répartition des heures sur la semaine est prévue par le contrat de travail, écrit. La loi ne prévoit pas de délai de prévenance, les modifications de répartition ne sont donc pas prévues

1982 : répartition prévue par le contrat de travail sur les heures de la semaine ou sur les semaines du mois conditions de la modification prévues au contrat de travail ; délai de prévenance de 7 jours au moins

1986 : pour le travail « intermittent », le contrat de travail prévoit la répartition sur l’année de périodes travaillées et non travaillées ; la répartition des heures de travail à l’intérieur des périodes travaillées ; et, si ces répartitions ne sont pas prévues au contrat de travail, un accord collectif étendu détermine « les conditions dans lesquelles le salarié peut refuser les dates et horaires de travail qui lui sont proposés »

1993 : répartition par le contrat de travail sur la semaine ou sur le mois ; répartition sur l’année de périodes travaillées et non travaillées ; la répartition des heures de travail à l’intérieur des périodes travaillées ; conditions de la modification de la répartition ; délai de prévenance de 7 jours au moins

2000 : répartition par le contrat de travail sur la semaine ou sur le mois ; pour le « travail intermittent »,répartition sur l’année de périodes travaillées et non travaillées ; répartition des heures de travail à l’intérieur des périodes travaillées, et, pour les secteurs où ces répartitions ne seraient pas possibles, un simple accord d’entreprise détermine « les conditions dans lesquelles le salarié peut refuser les dates et horaires de travail qui lui sont proposés » ; délai de prévenance en cas de modification de pas « moins de 7 jours » ou pas moins de 3 jours par accord collectif étendu

2008 : répartition (pour les salariés à temps complet et à temps partiel) par accord collectif d’entreprise, ou à défaut par accord de branche, de la durée du travail de la semaine à l’année, etdes conditions de la modification; à défaut d’accord collectif, répartition par décret ; délai de prévenance pour la durée et les horaires fixé à 7 jours, ou moins par accord d’entreprise, ou à défaut par accord de branche.

2013 : outre la répartition et le délai de prévenance, plusieurs mesures pourront être prévues par accord collectif de branche ou d’entreprise

5/ Plancher

1973 : la moitié du temps légal, soit 20 heures

1981, 1982 : pas de plancher

1982 : pas de plancher

1986 : pas de plancher sur l’année pour le « travail intermittent »

1991, 1993 : pas de plancher

2000 : pour le temps partiel, plancher fixé par accord d’entreprise, mais pas moins que les 2/3 de la durée prévue au contrat de travail

2000 : pour le « travail intermittent », pas de plancher

2008 : pas de plancher

2013 : l’ANI dit prévoir un plancher de 24 h par semaine, qui est en fait une passoire (dérogations pour les particuliers employeurs, pour les salariés de moins de 26 ans, et surtout pour tous les salariés qui en feront la « demande »…)

6/ Plafond

1973 : les 3/4 du temps légal, soit 30 heures

1981 : la durée légale, soit 40 heures

1982 : en principe les 4/5 de la durée légale pour le contrat de travail (32 heures), mais avec des heures complémentaires, la durée légale (39h)

1986 : pour le « travail intermittent », la durée minimale annuelle plus 1/4.

1993 : la durée légale (39 heuresou, pour le temps partiel annualisé, la durée minimale annuelle (qui peut aller jusqu’à 4/5ème  de la durée légale) plus 1/3

2000 : pour le temps partiel, la durée légale (39 heuresou, par accord collectif étendu, la durée prévue au contrat plus 1/3 ; pour le temps partiel annualisé, par accord d’entreprise,  pas plus que la durée prévue au contrat de travail plus 1/3.

2000 : pour le « travail intermittent », la durée minimale annuelle plus 1/3 et même plus si « accord du salarié »

2008 : deux textes contradictoires : L.3123-7 (pas de plafond, les dispositions sur les heures supplémentaires s’appliquent en cas de dépassement de la durée légale sur une semaine, ou, en cas d’annualisation,  de dépassement des limites fixées par l‘accord collectif) ; L.3123-17 (plafond durée légale 35h)

2013 : l’ANI, en prévoyant qu’un accord de branche étendu des « compléments d’heures » lorsque « le salarié et l’employeur en conviennent », ne donne pas de plafond

7/ Les interruptions d’activité dans la journée

De 1973 à 1993 : pas prévu

2000 : pour le temps partiel, limitation par la loi à une interruption d’activité dans la journée et durée de l’interruption limitée à deux heuressauf si un accord collectif de branche étendu le prévoit

2000 : pour le « travail intermittent », pas prévu

2003 ; un simple accord d’entreprise permet d déroger à la limitation à une seule interruption de deux heures maximum

2013 : l’ANI prévoit que, par accord de branche, il pourrait y avoir plus d’une interruption d’’activitéet que leur durée pourrait être supérieure à deux heures

8/ Nombre d’heures complémentaires

1973 : aucune

1981 : dans la limite de la durée légale, donc beaucoup puisqu’il n’y avait pas de plancher

1982 : maximum un tiers de la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue au contrat, dans la limite de la durée légale

1986 : pour le « travail intermittent », un quart de la durée minimale annuelle, mais sur la semaine, rien n’empêche que la durée légale soit dépassée ; en ce cas, la jurisprudence considère que les heures au-dessus de la durée légale soient considérées comme des heures supplémentaires

1993 : dans le cadre du temps partiel annualisé, il est possible de faire des heures complémentaires (et même supplémentaires) dans la limite du 1/10ème de la durée annuelle prévue au contrat et même d’1/3 de cette durée (qui peut être égale à 4/5ème de la durée légale) par simple accord d’entreprise

2000 : pour le travail à temps partiel, 1/10ème de la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue au contrat de travail, dans la limite de la durée légale ou 1/3 de la durée prévue au contrat si un accord collectif étendu le prévoit ; pour les contrats conclus sur la base de la loi de 1993, celle-ci reste en vigueur mais les heures au-dessus du 1/10ème doivent être majorées de 25%.

2000 : pour le travail intermittent, le nombre d’heures complémentaires (ou supplémentaires) possible est indéterminé, car le maximum d’1/3 au-dessus de la durée minimale annuelle peut être dépassé avec l’ « accord du salarié »

2013 : les « compléments d’heures » par accord de branche ne permettent pas de fixer un plafond aux heures complémentaires

9/ Intégration des heures complémentaires dans le contrat de travail

1973 : sans objet

1981 : pas prévu

1982 : intégration dans le contrat de travail si pendant 12 semaines consécutives, l’horaire réel a dépassé d’au moins deux heures par semaine ou l’équivalent par mois

2000 : pour le temps partiel sur l’année, intégration dans le contrat de travail si l’horaire réel moyen sur l’année est supérieur à celui prévu par le contrat de travail

2000 : rien de prévu pour le « travail intermittent »

2008 : intégration dans le contrat de travail si - pendant 12 semaines consécutives ou pendant 12 semaines au cours d’une période de 15 semaines ou sur la période (qui peut être l’année) prévue par un accord d’entreprise de modulation -  l’horaire réel a dépassé d’au moins deux heures par semaine ou l’équivalent par mois

2013 : rien de prévu dans l’ANI

10/ Paiement des heures complémentaires

1973 : sans objet

Jusqu’en 2000, pas prévu, donc sans majoration

2000 : pour le travail à temps partiel, les heures au-delà du 1/10ème de la durée prévue au contrat doivent être payées avec une majoration de 25%

2000 : pour le « travail intermittent », rien n’est prévu, donc pas de majoration, sauf si on est dans le cas d’heures supplémentaires

2013 : la rédaction floue de l’ANI et son avant-projet, plus clair, laisse présager que, contrairement au progrès apparent qui est le paiement d’une majoration de 10% pour les heures au-delà du 1/10ème ,possibilité serait laissée aux employeurs, par accord collectif, de ne payer les majorations qu’à 10% au lieu de 25% pour les heures comprises entre le 1/10ème et le tiers au-dessus de la durée prévu au contrat. Globalement, un recul.

11/ Rémunération indépendante de l’horaire réel

De 1973 à 1986 : rien

1986 : pour le « travail intermittent », un simple accord d’entreprise peut prévoir que la rémunération mensuelle est « indépendante de l’horaire réel », ce qui peut revenir à faire une avance à son employeur

2000 : pour le temps partiel comme pour le « travail intermittent », un simple accord d’entreprise peut prévoir que la rémunération mensuelle est « indépendante de l’horaire réel »

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Vers la démocratisation de l'entreprise ?

par Yves Durrieu
A.I.T.E.C.

 

Constatant la situation actuelle, peut on espérer que la démocratie s’introduise dans l’entreprise ou faut il transformer sa nature même? Plusieurs réformes, préservant les  structures existantes, sont  en phase de réalisation:  Responsabilité Sociale des Entreprises, dialogue social, codécision à l’allemande.. Mais si on juge vraiment indispensable  procéder à des mutations plus profondes de l’entreprise, on  créera des coopératives ou on utilisera  l’appropriation publique. L’étude de ces expériences a fait l’objet de plusieurs rencontres1.

SITUATION SOCIALE EN 2013

Elle se caractérise par le chômage (qui culmine en France à plus de 10% déclarés), et par  une régression des salaires dans le revenu national2),  la part relative du salaire diminuant lorsque le salaire croit moins vite que la productivité du travail. Depuis 1982, la masse des salaires a lentement régressé par rapport à la productivité. De plus, si on examine les salaires par tranche, et non plus globalement, on voit qu’il y a forte diminution de leur homogénéité, ceux qui  sont les plus  élevés croissant beaucoup plus vite  que les autres (+ 6% par an, pour le décile supérieur et +0,7 seulement pour le salaire moyen) : la consommation ne croit plus. Quant aux conditions de travail, celles-ci se sont matériellement généralement améliorées, mais les conditions psychologiques s’y sont détériorées, à cause des méthodes de gestion qui se sont déshumanisées avec une gouvernance de plus en plus impersonnelle et mondialisée.

REFORME DE L’ENTREPRISE ACTUELLE.

La Responsabilité Sociale de l’Entreprise ambitionne de redonner un sens à la création de richesses. C’est une stratégie de collaboration pour le bien-être matériel et moral des salariés avec lesquels on accepte une saine confrontation qui crée avec eux une entité commune, utilisant les changements techniques  et se lançant  dans la recherche de la performance. On en mesure le degré de réussite grâce à des indicateurs spécifiques. Il faut d’ailleurs  étendre  la RSE à  la lutte contre la misère, contre la discrimination à l’embauche et en faveur de l’écologie. Les pouvoirs publics doivent favoriser la RSE et l’encadrer pour vérifier que les firmes ne font pas  preuve de pure communication et qu’elles ont  accordé leurs actions à leurs intentions déclarées3. Cela doit se refléter, entre autres, lors de la signature de marchés publics, dans leur comportement (ainsi que celui de leurs filiales) avec leur sous-traitance et leur clients.et dans le respect des règles de droit. On peut même songer à des sanctions  (que rejette violement. le secteur privé).  L’encadrement des firmes multinationales est encore plus difficile, aucune instance mondiale n’ayant actuellement ce pouvoir. Il  faudrait, par exemple, que l’OMC, seul organe mondial ayant la possibilité de sanctions, puisse faire respecter les règles environnementales et sociales ainsi qu’interdire les rapports avec les paradis fiscaux.

Le dialogue social (qui fait partie des composantes de la RSE)  était déficient en France ces dernières années, mais il a repris depuis peu. Il institue un véritable débat entre patrons et syndicats, ces derniers étant ainsi valorisés, d’autant plus que les conclusions actées de ces discussions doivent être transcrites en lois par le Parlement: c’est donc conférer  aux partenaires sociaux quasiment un rôle de législateurs. Ainsi la négociation ouverte ces derniers mois et sanctionnée par l’accord du 11/01/13 doit donc être transformée en loi: Quelles leçons tirer de cette expérience ? D’abord semble aberrant le fait que, sur 5 syndicats dits «représentatifs», il suffit que 3 d’entre eux signent l’accord pour qu’il soit valable, quelle que soit la représentativité électorale de chacun. D’ailleurs cette règle est en cours de révision, prouvant son absurdité, mais l’accord du 11/01/13 aura quand même valeur de loi… Sur le fond, les avis sur cet accord sont partagés, les uns estimant que le compromis consistant à déréguler les procédures de licenciement, à la demande du patronat, est largement compensé, par l’acceptation de «droits nouveaux»4 accordés aux salariés.  Les autres pensent,  au contraire, que «les droits nouveaux» sont insuffisants,  mais surtout que la loi et le juge civil doivent rester les gardiens de la légalité républicaine. En fait, cette expérience prouve que le dialogue social n’est constructif  que lorsque les syndicats sont forts et unis. Mais on a pu également constater que, lorsque les partenaires sont de force égale (comme lors du dialogue social tenté naguère au niveau européen),  l’expérience a échoué, du fait que l’accord ne pouvait se faire que sur des sujets très mineurs !

La codétermination à l’allemande5 est la forme la plus aboutie de la codécision. C’est un moyen d’assurer une collaboration entre patrons et salariés, reposant sur un consensus et une stabilité des institutions, une volonté de construire ensemble un projet.  Il  faut des syndicats constituant une force suffisante, face à un patronat lui aussi homogène, afin de décider, y compris de la stratégie de l’entreprise, dans le cadre d’une vision nationale. Cela exige une formation très poussée de tous les salariés et une transparence de l’information. La conception que l’on a de l’entreprise est à l’origine de la codécision, les Allemands la considérant comme une institution durable, et non comme un  lieu où l’on signe  simplement un contrat de travail. De plus, ils ont un sens prononcé de leur unité, ce qui favorise l’acceptabilité des projets (entrainant, pour une grande part, les succès économiques de leur pays). Il y accord entre patronat (réduisant le rôle des actionnaires) et syndicats : l’un fait en sorte que les exportations industrielles permettent de maintenir la croissance et l’emploi, l’autre accepte des concessions au plan  social (stagnation des salaires pour les agents à temps partiels, les intérimaires et les agents du  tertiaire) au profit de l’industrie6 . Cependant l’accord ne se réalise pas toujours et  des grèves éclatent parfois. Les discussions sont souvent trop longues, entrainant des retards dans les décisions. Enfin  l’Allemagne elle-même  échappe de moins en moins à la mondialisation et à la mobilité des capitaux. Et surtout la codétermination  à l’allemande est difficilement  exportable : un pays, comme la France, ne remplit pas  les conditions nécessaires pour son adoption;  les syndicats y sont faibles, il y a moins le sens de l’intérêt général (l’industrie et les exportations  étant à la dérive, à l’indifférence générale), ni le même respect de l’entreprise. De plus, l’Allemagne s’est créé son avantage industriel, en grande partie, au détriment de ses partenaires européens, engageant une course au moins disant fiscal et social, contraire au but affiché de réduire les écarts économiques, qui nuisent à la cohésion de l’Union Européenne.

SOLUTIONS TOUCHANT A LA NATURE DE L’ENTREPRISE :

La coopérative est d’un statut différent de la firme privée. Chacun y dispose d’une seule voix, quelque soit son apport financier. Les coopérateurs ont comme objectif, non pas de profiter personnellement des bénéfices, mais de poursuivre un projet, et pour cela, d’augmenter les réserves impartageables de l’entreprise (non pas pour l’étendre indéfiniment, mais  pour en assurer la viabilité), donc pour défendre l’emploi, le bien-être sur le territoire et la solidarité. Ce doit être le fait de militants dont le revenu est limité par les statuts  La gestion de la coopérative doit être transparente pour tous,  chacun devant être informés (salariés et  clients). La démocratie interne doit régner, l’équilibre entre assemblée générale, comité de gestion et direction générale étant  respecté. Elle est créée ex nihilo ou par la reprise d’une firme privée par ses salariés. Mais la difficulté est dans son financement. Outre les subventions reçues des autorités françaises ou européennes7, on prépare une loi favorisant la reprise de firmes en difficulté,  par un droit de préférence ou (et) en permettant au capital privé de  s’y introduire à condition que les coopérateurs deviennent majoritaires au bout d’un certain temps. En plus de ces obstacles financiers, il faut compter sur les déviations humaines des coopérateurs qui peuvent être tentés  par l’appât du gain ou l’appétit de pouvoir et qui risquent de gérer comme une firme privée8. C’est pourquoi des contre-pouvoirs et le contrôle public sont utiles, comme partout ailleurs. Les coopératives de production en France sont assez rares (elles n’y sont qu’environ 2000, surtout concentrées, en dehors de l’agriculture, dans les services et la construction, l’industrie ne comptant que pour 15%). Cependant on espère développer à l’avenir ce secteur (comme dans certains pays comme l’Espagne et l’Italie), car on estime que sa stabilité est nécessaire pour lutter contre la crise actuelle: c’est un problème d’orientation politique, à précéder de plus d’information et d’éducation,  débouchant sur la création de banques et d’assurance solidaires et la collaboration avec les banques publiques (CDC, BPI).

L’appropriation publique peut aussi être présentée comme alternative (malgré les préjugés idéologiques de ceux qui l’estiment «ringarde») : en 1981,  on avait nationalisé pour éviter le rachat des grandes entreprises françaises par des groupes étrangers et l’on avait réussi….  jusqu’au retour à la  privatisation Maintenant le problème est surtout de savoir  si on peut, comme plusieurs pays l’ont fait,  éviter par ce moyen des liquidations de firmes entrainant des plans sociaux et du chômage. Donc, il faut d’abord se renseigner, par enquêtes pluralistes,  pour savoir si ces firmes peuvent avoir des débouchés solides et quels seront les moyens à utiliser pour les sauver. Mais le manque de capitaux  publics  risque cruellement d’être un obstacle. De plus, s’il s’agit de nationaliser des firmes à capitaux étrangers, on risque des difficultés diplomatiques et des rétorsions économiques ; la nationalisation doit être un dernier  recours, certes à ne pas négliger,  avec l’espoir de trouver plus tard un éventuel repreneur. C’est un problème économique (à conséquences humaines), à traiter, hors de tout préjugé.

Chacune des options décrites n’est pas  parfaite : les unes  risquent d’être inefficaces  pour promouvoir un vrai changement, les autres sont peu adaptables au contexte hors frontières, les troisièmes ont des difficultés à rassembler les capitaux nécessaires. Pour chaque  cas, il faut faire  des choix spécifiques, appliqués au niveau le plus proche du territoire intéressé, et sans a priori idéologique.

  1. Rencontre Alter Eco (26/09/12), Sémin. Cournot (17/10/12, 15/11/12,21/02/13) ), Colloque Avise (29/11/12) Conférence .Ires (24/01/13), Rencontre LDH ( 31/01/13),  Labo ESS ( 07 /02/13), Forum Adapes (20/02/13) []
  2. La part relative du travail dans  la valeur ajoutée se calcule par l’évolution du rapport de la masse salariale et de la productivité du travail  (concept contestable, hérité de la période fordiste d’après guerre, à laquelle il faudrait trouver un substitut). Quand la masse salariale progresse plus vite que la productivité du travail, ce sont les salaires qui augmentent en valeur relative .Ce fut le cas entre 1960 et 1982, mais dans la 20 années suivantes, la tendance a été inversée. Cependant , depuis les crises récentes, la productivité  du travail (ainsi que la marge des entreprises…mais pas les profits des actionnaire)  a diminué, de même que la masse salariale, mais celle-ci moins fortement que la productivité du travail, ce qui fait dire qu’au cours de cette période , la part des salaires a progressé (cf. Mr Cotis []
  3. En France, les grandes firmes doivent faire un rapport annuel décrivant la situation. L’UE avait l’ambition de rendre obligatoires certaines règles, mais elle a reculé devant l’hostilité de certaines entreprises []
  4. La Cfdt, notamment, est sensible à ce qu’elle estime « ces droits nouveaux » comme  une valorisation indispensable de la base, au détriment  des niveaux supérieurs []
  5. Ne pas confondre codétermination avec cogestion (où les syndicats participent même à l’exécution des décision) et surtout avec autogestion (où les représentants des  travailleurs, seuls, décident et exécutent) []
  6. Cette forme de codétermination a été créé par des lois de 1951 et  de 1976,entrainant une participation égale des travailleurs (filtrés par les syndicats) dans les CA (ou les conseils de surveillance) de toutes les firmes à partir de 2000 salariés, avec représentation égal à celle des patrons dans les organes de décision []
  7. L’UE s’intéresse aux coopératives et prépare une directive en leur faveur ; d’ores et déjà, elle les fait bénéficier des Fonds structurels (Fonds social ou Feder) quand  elle estime que leurs actions défendent l’emploi,  la cohésion entre territoires ou luttent contre la misère. Quant à l’aide française, elle s’est déjà manifestée par un apport prévu de 500000 Millions d’euros provenant de la Banque  Publique d’Investissement []
  8. Cf Caisses d’Epargne, Crédit Agricole, Natixis, cités par Ph.Frémeaux dans «la Nouvelle Alternative ? » []