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Dans quelle crise sommes-nous ? (5)

par Philippe Hervé

 

« La crise c’est quand le vieux se meurt et que le jeune hésite à naître. »
Antonio Gramsci

Depuis « l’été des subprimes », en 2007, la crise a six ans et cette série d’articles en est à son cinquième numéro (voir 1, 2, 3, 4). Depuis que nous avons lancé cette réflexion, de nombreux éléments sont venus progressivement nous donner raison sur nos parti pris fondamentaux.
Oui, il s’agit bien d’une crise générale du « capitalisme tardif », pour reprendre l’expression de l’école de Francfort. Depuis une vingtaine d’année, notre courant républicain appelle cette phase « turbo-capitalisme » afin de mettre l’accent sur le caractère de monopolisme intégré, global et essentiellement financier de cette étape ultime du capitalisme.

Oui, il s’agit bien d’une crise de civilisation qui n’a rien à voir avec celle des cycles courts (3 à 5 ans). Et nous estimons encore et toujours qu’il s’agit de la fermeture du pli historique, ouvert au XVIe siècle avec l’émergence de la banque comme élément nodal du système capitaliste. L’échec des tentatives de relance keynésiennes ou des purges monétaristes, qui se sont succédées de 2009 à aujourd’hui, montrent l’impossible adaptation d’un dispositif obsolète. Bref, « la Banque » est morte voilà 5 ans avec Lehman Brothers en tant que moteur dynamique du capitalisme… Reste le zombie !
Et depuis cette période, le système financier occidental est en mort clinique.

Toutefois, une ingénierie financière particulièrement créative permet de retarder les échéances et de continuer la « cavalerie » à la Madoff. Cette machinerie exige une perfusion permanente et de plus en plus considérable de liquidités monétaires pour payer les échéances en monnaie de singe. Cette création monétaire massive pour gagner du temps risque d’entraîner, à court ou moyen terme, un éclatement du système monétaire international. En fait, tout devient clair : le « capitalisme tardif », caractérisé par un monopolisme absolu, s’est imposé par un amoncellement de dettes que l’on rembourse avec de nouvelles dettes, et ainsi de suite.

La crise n’a engendré aucune révolution sociale !

Si nous avions raison sur le fond, reste aujourd’hui grâce au recul à corriger certaines déformations observables dans les 4 articles précédents. Si prévoir l’avenir, c’est se tromper souvent, cette vérité est particulièrement évidente sur les prévisions de court terme. Passons donc immédiatement au point principal de cette autocritique : une appréciation erronée du rythme de cette crise fondamentale. En fait, nous assistons à une sorte de dilatation du temps. Si le capital peut gagner du temps, c’est tout simplement parce que le rapport social est en sa faveur. A contrario, la crise de 1929, au bout de 5 ou 6 ans, a provoqué un mouvement ambivalent. Nazisme en Allemagne mais aussi véritable changement progressiste de gouvernement aux États-Unis et en Europe (New deal, Front populaire…). La crise actuelle, quant à elle, s’étend dans une remarquable inertie politique. Car la lutte des classes est pour le moment de « basse intensité » en occident, malgré les mouvements sociaux défensifs que nous pouvons observer, en particulier en Europe du sud.

Aujourd’hui, le seul élément positif pour le capital réside dans la maîtrise politique et le contrôle des populations, en particulier en zone européenne. Le constat est clair… et fort déplaisant pour la gauche républicaine : depuis 6 ans, la crise n’a engendré aucune révolution sociale ! Les Portugais ont perdu, en moyenne, la moitié de leur patrimoine et le tiers de leurs revenus sans qu’un nouvel 25 avril se produise. Les Grecs ont certes manifesté, et parfois très violemment, mais la droite et la gauche gouverne ensemble sans anicroche. L’Italie vit mal sous un gouvernement d’union gauche-droite, mais la vie continue. L’Irlande connaît cette même tendance de passivité résignée. Reste l’Espagne qui est peut être le maillon faible, l’avenir le dira. Quant à la France, les derniers mouvements de rue massifs étaient orientés à droite toute, avec « La Manif pour tous ». Bref, « Indignés » ou pas, pour le moment tout va bien pour le capital dans l’Europe du chômage des jeunes et de la perte massive du pouvoir d’achat. En France, par exemple, la présidence Hollande vivote dans un bain de distraction politique et de scandales qui, finalement, font office de puissant calmant. Aux USA, la fiction d’un retour de la croissance tient lieu de palliatif. Bref, rien ne bouge. Les bouleversements politiques sont cantonnés à la périphérie du « premier monde », par exemple à l’espace arabe.

Nous devons constater que les populations occidentales ont accepté en six ans un réel changement de mode de vie et finalement assez facilement. Le « monde d’avant » est bien loin déjà. L’austérité, ou plutôt la paupérisation, est devenu une constante. En Europe du sud, la jeune génération ne voit le salut que dans l’émigration (Amérique du sud pour les Espagnols, Brésil ou Angola pour les Portugais…). Sans conteste, ce round de la guerre sociale a été gagné par l’hyper bourgeoisie monopoliste, grâce au contrôle et à l’aliénation.

Le capitalisme assisté gouverne sans compromis

Loin de mettre en cause notre pronostic de crise ultime du capitalisme financier, cette situation de soumission à court terme est finalement logique : c’est justement parce que le capital n’est pas contraint à un compromis social qu’il continue de dégénérer à petit feu. Bref, il ne s’adapte pas.

Début 2007, qui aurait pu croire qu’une aide public de 3 200 milliards d’euros en 5 ans pour la zone du même nom soit simplement possible et acceptée par les peuples ? Et comme « tout passe ! », pourquoi réformer ? Pourquoi faire des choix difficiles ? Pourquoi sacrifier ne serait-ce qu’une part de son profit pour sauver l’essentiel ? Ainsi, depuis six ans, le système bancaire continue comme avant… et pour éviter toute forme d’évolution, il poursuit son endettement sans fin. C’est l’exact contraire de la crise de 1929, lorsque le New deal refondait pour un temps la répartition de la plus-value entre capital et travail. Aujourd’hui, le capitalisme assisté gouverne sans compromis et précipite par la-même la crise au paroxysme.

Donc, cette non-résistance entraîne une accélération, par l’endettement, de la concentration du capital financier. Depuis 2007, le dispositif capitalistique a en fait muté à une vitesse phénoménale mais tout en silence et en discrétion. Nous assistons à une accélération très forte de la concentration financière grâce à la mise à disposition quasiment sans limite de liquidités par la Federal reserve, la BCE, la banque d’Angleterre ou encore la banque centrale japonaise. Nous assistons également à la liquidation des petits restes des « marchés » réels. « Sauver les banques », c’est sauver les banques dites systémiques, c’est-à-dire les mastodontes surendettés, qui avalent progressivement tous les établissements financiers de second ordre.

L’exemple le plus flagrant est l’intervention massive des banques ou de leurs bras armés, les hedge fund, sur les « marchés » actions. Il est ironique de noter que cela se fait presque officiellement : même les journaux financiers les plus pro-libéraux expliquent que les monnaies créée par les banques centrales servent en fait à soutenir les cours de la bourse. On ne se gêne plus ! Fini le « marché de l’offre et de la demande », cette fiction idéologique, qui avait encore cours il y a cinq ou six ans, est aujourd’hui jetée aux poubelles des idéologies usées d’avoir trop servi. Le système financier est assisté par les banques centrales émettrices de monnaies, et cela de manière presque transparente.

Une véritable guerre des monnaies fait rage

Ainsi, le turbo-capitalisme mute en silence, et devient un système de plus en plus rigide, par l’imposition d’un contrôle total sur toutes les zones de « fluidification », tels que les marchés réels. Citons un exemple parmi d’autres mais très révélateur par sa symbolique : la manipulation des cours des métaux précieux et de l’or en particulier. Alors même que se déversent des liquidités par centaines de milliards de dollars par mois (85 milliards mensuels pour la seule Federal reserve) et qu’une véritable guerre des monnaies fait rage, l’or baisse. Le gouvernement japonais peut bien décider de doubler sa masse monétaire en trois ans, la banque d’Angleterre peut bien choisir de racheter une bonne part des obligations pourries de son royaume, rien n’y fait. Pour donner une illusion de valeur aux monnaies occidentales effondrées, et en particulier au dollar, l’on précipite à la vente sur le marché de l’or « papier » des centaines de tonnes d’or fictives pour écrouler le cours. Notons que cette situation aberrante a une conséquence objective : elle affaiblit de fait les nations européennes et nord-américaines. Car elle fabrique un flux d’or de l’ouest vers l’est, les états et les populations asiatiques, chinoise et indienne en particulier, se gorgeant d’or physique… au cours fictif de l’or papier. Bref, en contrôlant les « marchés » occidentaux, le système financier accélère en fait les flux réels des bien précieux vers les BRICS et la Chine tout particulièrement… Encore une illustration de la célèbre formule « le capital vendrait la corde pour se pendre ! ».

Cet exemple de l’or peut être généralisé à l’ensemble des actifs et à l’immobilier en particulier. Comme nous l’avons vu dans le numéro précédent (4), la stratégie de la finance est de créer une dévalorisation générale des actifs. Le but est de tenter de rendre constant le pouvoir d’achat de l’unité monétaire produite et ainsi de sauver le pouvoir d’achat de biens physiques, du dollar en particulier, quelle que soit l’injection de liquidité.

Mais cette manipulation visant à dévaloriser les actifs entraîne une nouvelle contradiction : elle dévalorise aussi les contre valeur des dettes. Nous constations (4) que le système bancaire survalorise les contre valeurs qu’elle possède pour garantir les emprunts (nous appelions cela le « capital fantôme »). La logique voudrait qu’une baisse immobilière, par exemple, devrait entraîner une grave crise comptable, à moins de maquiller définitivement les comptes, ce qui commence à être une vielle habitude depuis six ans.

Par analogie, ce contrôle anesthésiant des populations et des marchés régulateurs créateurs de souplesse et d’adaptation du système, rappelle un peu par sa sclérose la fin du communisme soviétique. Comparaison n’est pas raison mais il est notable de constater la collusion officielle entre le système financier et les structures de « gouvernance », en faisant fi de toute apparence démocratique. La vacuité du débat politicien, en particulier en Europe, en est la triste expression.

Vers la fin de la fiction de la valeur monétaire des devises occidentales

Tout de même, les faits sont têtus et la perte de mainmise du système financier occidental autour de Wall street est patente par rapport au dynamisme asiatique. Le statu quo sur le dollar durera tant que la Chine considérera qu’il est de son intérêt de maintenir la valeur monétaire des devises occidentales. La Chine ne déclenchera le choc de la remise en cause de la valeur nominale du dollar que lorsqu’elle aura une solution de remplacement… au moins pour l’espace asiatique. Pour la finance occidentale, le choix est simple : attendre que la Chine provoque la crise et propose un nouvel ordre financier mondial dont elle serait la pièce maîtresse ou devancer les choses en jouant le tout pour le tout par l’application de la stratégie du chaos. Tant que c’est encore possible, le but pourrait être de faire payer l’ardoise de la crise par les possesseurs de réserves en dollars ! Le déclenchement de cette option peut avoir lieu à court terme, après la constatation, par exemple, que la « reprise » économique américaine tant annoncée n’est qu’une fable pour enfants en bas âge.

Pour l’année qui vient, à quoi pouvons-nous nous attendre ? Il est certain que la récession occidentale provoque un début de ralentissement des BRICS et que ce dernier moteur de la croissance mondiale commence à toussoter dangereusement. Dans ce contexte, une crise monétaire apparemment soudaine peut être une solution ultime de Wall Street pour garder la main. N’oublions jamais que le capitalisme américain a un atout majeur, sa souplesse d’adaptation, en cas de collapsus général.

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Les hyènes du microcrédit

par Bernard Nadoulek

Source de l'article

 

Les hyènes du microcrédit. Logique de la clochardisation 3.
11 juin 2013, par Bernard Nadoulek. Secrétariat de rédaction Elisabeth Massa

Tous les pays européens connaissent le charme discret du fonctionnement des officines de crédit qui poussent au surendettement des ménages. En 2008, avec la crise des subprimes, nous pouvions penser qu’aux Etats-Unis, les conséquences malfaisantes du crédit avaient été portées à leur comble. Et bien non ! Dans le monde entier, des ONG censées aider les populations les plus pauvres ont fait pire que les banques, grâce au microcrédit*.

Commençons par le conte de fées qui nous promettait la fin de la pauvreté. Le microcrédit a été créé dans les années 1970 pour aider les populations des pays en voie de développement qui n’ont pas accès au système bancaire. Il s’agit de prêter dse petites sommes pour créer des activités économiques à un niveau local, une méthode de développement “par le bas”. Le concept a été développé au Bangladesh par Muhammad Yunus, un professeur d’économie, qui crée la Grameen Bank en 1976 et déclare que le crédit est un “droit”. Le microcrédit est porté par des ONG qui ne sont pas censées faire de bénéfice et qui sont censées proposer des taux de remboursement assez bas. Trente ans plus tard, en 2005, le système atteint son apogée avec un bilan qualifié de positif par la Banque Mondiale. Le nombre de bénéficiaires est estimé à 190 millions dans le monde, dont 83 % dans les pays en voie de développement. Plus de 10 000 officines opèrent dans le monde et la microfinance a étendu ses activité aux assurances, à la téléphonie mobile et à la vente de produits alimentaires. Le microcrédit fait même école en Occident, pour aider les populations les plus pauvres. Les Nations Unies décrètent que 2005 sera “l’année du microcrédit” et Kofi Annan déclare qu’il est “une arme efficace contre la faim”. En 2006, Muhammad Yunus se voit attribuer le prix Nobel de la Paix.

Mais, à rebours du miracle annoncé, entre 2006 et 2010, des centaines de femmes se suicident en Inde, victimes des contraintes économiques et sociales du microcrédit. En 2011, Muhammad Yunus est démis de ses fonctions à la Grameen Bank par la Cour Suprême du Bangladesh, suite à des révélations de détournement de fonds… Que se passe-t-il vraiment autour du microcrédit ?

Si le scandale n’a éclaté que tardivement, c’est que pendant plus de 20 ans les principales sources d’information étaient des études élogieuses, et fausses, financées par les officines de microcrédit elles-mêmes ! Des études indépendantes* permettent aujourd’hui de nous faire une idée plus complète du phénomène.

Première caractéristique, à un niveau mondial, 74 % des bénéficiaires du microcrédit sont des femmes, 97 % au Bangladesh. Pourquoi des femmes ? Nous allons le voir, parce qu’il est plus facile de faire pression sur des femmes pauvres, peu ou pas éduquées, pour obtenir des remboursements par intimidation. Deuxième aspect, le prêt s’appuie sur la formation de groupes (familles élargies) solidairement responsable des remboursements. A l’intimidation des officines de crédit s’ajoute la pression sociale du groupe sur l’emprunteuse qui, à son corps défendant, devient dépositaire de “l’honneur des familles”. Il ne faut pas croire que ces femmes soient bénéficiaires du crédit, dans la plupart des cas l’argent est confié à leur mari, à leur fils ou à un homme de la famille. Ainsi, la vulnérabilité de ces femmes est instrumentalisée par les officines de microcrédit, d’où les vagues de suicides de ces femmes persécutées par les agents de remboursement et rejetées par leurs propres familles.

Autre aspect : les taux de remboursement. Selon Yunus, les ONG de microcrédit, n’étant pas censées faire de bénéfice, elles devaient pratiquer des taux assez bas (de 10 à 15 %) pour permettre aux emprunteurs de sortir de la pauvreté et mettre hors jeux les tarifs prohibitifs des usuriers. Or, selon une enquête du New York Times*, la moyenne mondiale des taux d’intérêt du microcrédit est évaluée à 37 %, mais certaines officines pratiquent des taux supérieurs à 100 % (particulièrement au Nigéria et au Mexique). Ainsi, plutôt que de libérer les pauvres des usuriers qui prêtent à plus de 100 %, le microcrédit fait jeu égal avec eux. Plus encore, le microcrédit offre aux usuriers un nouveau marché : celui des prêts aux femmes qui ne peuvent rembourser leur microcrédit ! Ainsi se crée une spirale de l’endettement : les pauvres empruntent parfois plusieurs microcrédits, l’un pour rembourser l’autre, et en dernier recours, ils s’adressent aux usuriers qui finissent de les étrangler. Autre méthode scandaleuse, les officines de microcrédit retiennent parfois une part des prêts accordés (“pour permettre aux pauvres d’épargner”) mais exigent des intérêts sur le montant total des prêts…

Dernier point abordé dans ce court article : les remboursements. Le microcrédit étant censé permettre de créer une activité économique, il serait logique de penser que les emprunteurs puissent disposer d’un peu de temps pour développer leur activité avant de commencer les remboursements. Et bien non, les échéances débutent immédiatement après l’emprunt (selon Yunus, “pour responsabiliser les emprunteuses”) et s’échelonnent sur des périodes très courtes, un an au maximum. En 2007, au Bangladesh, après le cyclone Sidr, les emprunteurs victimes de la catastrophe étaient harcelés pour leur remboursement alors même que l’Etat demandait pour eux un moratoire de 6 mois ! Pour assurer ces remboursements, les agents du microcrédit n’hésitent pas à recourir à toutes les formes de violence, d’autant plus faciles à manier qu’elles s’exercent sur des femmes pauvres : dès qu’elles se trouvent en butte aux persécutions, elles ne sont plus protégées par leur entourage qui, par crainte de s’exposer, prend le parti des persécuteurs. Les témoignages recueillis dans les enquêtes menées font état d’insultes, de harcèlement, d’humiliations, de séquestration, de vols de tous leurs biens et de destruction de leur maison. Pour les recouvreurs de créances, toutes ces violences sont justifiées par la pression à la rentabilité qu’ils subissent de leurs employeurs, ceux-ci allant jusqu’à retenir sur les salaires les créances impayées.

En recevant son Prix Nobel, Yunus invitait les grandes entreprises à considérer les populations pauvres comme un immense marché à conquérir ! Le principal résultat du microcrédit est aujourd’hui d’avoir fait entrer plus de 200 millions de pauvres dans l’univers de la consommation à crédit et de l’endettement auprès des banques ! Pour les grandes entreprises et les marchés financiers, la pauvreté est devenue un facteur de richesse. Encore une fois, une initiative prise au bénéfice des plus pauvres, est détournée au profit des plus riches…

 

* Pour les lecteurs désireux d’approfondir les questions soulevées par ce court article, voici 3 articles de référence qui renvoient à de nombreuses autres sources.
1. “Microcrédits mais maxiprofits”, The New York Times, par Neil MacFarquhar, 22 avril 2010, repris par Courrier International : http://www.courrierinternational.co…
2. “Les promesses non tenues du microcrédit : nouvelles preuves à charge”, 5 novembre 2011, par Stéphanie Jacquemont : http://cadtm.org/Les-promesses-non-…
3. “Microfinance : Mythes et réalité”, par Danielle Sabai, 11 janvier 2012, http://daniellesabai.wordpress.com/…
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 "Rituel pour une métamorphose", de S. Wannous, à la Comédie Française

par Brigitte Remer

 

Rituel pour une métamorphose, de Saadallah Wannous, traduction de Rania Samara, mise en scène et version scénique, de Sulayman Al-Bassam

Il y a un souffle fou dans l’œuvre de Saadallah Wannous, qui s’inscrit entre les comédies de Shakespeare aux multiples rebondissements, et la conscience politique de Brecht. Il y a de la modernité et une sorte de prémonition, dans la recherche de liberté d’une femme qui n’a que faire des préséances et des tabous, et qui troque son statut de grande bourgeoise au profit de celui de courtisane, bouleversant l’ordre social.

Sadallah Wannous a combattu toute sa vie pour les idées. Il a étudié à Damas, au Caire et à Paris, rencontré Kateb Yacine et Jean Genet, et milité pour un théâtre qui cherche du côté de la tradition autant que de la modernité.Encore peu connu en France, c’est son compatriote Syrien, Fida Mohissen, qui permit de le découvrir, mettant en scène, tel un passeur, plusieurs de ses pièces, dont Le livre de Damas et des prophéties l’automne dernier, au Théâtre Jean Vilar de Vitry, à partir du montage de deux de ses textes : Un jour de notre temps et Le viol. Wannous s’engage, par son écriture et dénonce les travers d’un pays qu’il aime, la Syrie, cherchant à faire passer un message politique. Il subit en représailles, pendant des années, une sorte de « censure de velours », qui l’obligea à garder le silence.

C’est aujourd’hui la Comédie Française qui l’intronise, inscrivant pour la première fois un auteur de langue arabe au répertoire. Mis en scène par Sulayman Al-Bassam, - koweitien, qui a fondé il y a plus de quinze ans, la compagnie Zaoum Théâtre, basée à Londres et qui signe ici un beau travail -, Rituel pour une métamorphose fut créé en avril au Théâtre du Gymnase, dans le cadre de Marseille-Provence 2013, capitale européenne de la culture. C’est une pièce écrite en 96, deux ans avant la disparition de l’auteur. Hafez el Assad est au pouvoir, la révolution est en gestation.

L’action se passe à Damas, fin XIXe, sous l’occupation ottomane, dans un jardin oriental, sous un abricotier en fleur - cet arbre associé à Vénus, déesse de l’amour et symbole sexuel féminin - suspendu comme un lustre, tête en bas, signe d’un monde à l’envers ? Au premier étage, une figure féminine, derrière un moucharabieh. La pièce s’ouvre sur une scène de luxure entre le prévôt des notables, Abdallah (Denis Podalydès), et la courtisane, Warda (Sylvia Bergé), dans des jeux de rôle inversés aux effluves de sado-masochisme, et des jeux de mots : Abd, dérivé d’Abdallah, signifie esclave, c’est ainsi qu’elle nomme le prévôt, et rose, se traduit par ward jeu de mot sur le prénom Warda. Témoins de cette scène, observés à leur insu par le chef de la police, Izzat Bey (Laurent Natrella) et sa clique, ils sont arrêtés et mis sous les verrous, lui à moitié dévêtu, elle, portant de manière sacrilège le turban vert, réservé aux dignitaires.
Le piège tendu par le tout-puissant Mufti (Thierry Hancisse) pour rétablir son autorité et confondre le chef de la police, se referme. Pour ne pas désavouer les notables, ce chef religieux, lui qui décide de ce qui est conforme ou non et fait régner l’ordre sacré, met au point un stratagème, diabolique : il convoque l’épouse d’Abdallah, Mou’mina (Julie Sicard) et la convainc, pour étouffer l’affaire, de se substituer à Warda, dans la geôle, afin de blanchir l’adultère. D’une habileté rare, Mou’mina lui fait face et le surprend, négociant tout autre chose : « Et, comme toute votre vie est édifiée sur les marchandages, je vais à mon tour marchander avant de donner mon accord… Je vais me maquiller et aller en prison si vous garantissez ma répudiation après la conclusion de cette histoire à votre guise ».
Répudiée comme elle le souhaite, elle décide de sa métamorphose et de sa vie, et fait le choix de devenir courtisane, demandant à Warda, comble de l’ironie et de la provocation, de l’initier. Passée de l’autre côté du miroir, au sens littéral du terme, elle devient Almâssa - le diamant -, dénonce les hypocrisies et sème le chaos dans la ville, jusqu’à ce que le Mufti lui-même, lui avoue, dans un duo extravagant, son amour : « Vous êtes tellement inaccessible ! A mesure que vous vous éloignez, je me sens plus épris de vous ».
Force du texte, force du personnage, elle lui livre son acte de foi, en réponse : « Je veux que mon corps devienne libre, qu’il rejoigne l’orbite qui lui convient, comme les fleurs et les feuilles, comme la lune et l’herbe, comme les gazelles, les sources d’eau, la lumière, comme tout ce qui est vivant dans le cosmos. Je rêve d’atteindre mon moi, de devenir transparente comme le verre… Je voudrais tant devenir une mer, une mer infinie, aux eaux cristallines »… Elle paiera de sa vie, sa liberté « dérobée » et sera mise à mort par Safwân, son frère (Nâzim Boudjenah), qui prétendra sauver l’honneur de la famille, elle aussi bien corrompue : « Désormais, je suis un conte, on ne peut pas tuer les contes. Je suis une obsession, un désir, une tentation » lui dit-elle, avant qu’il ne la tue, non d’une dague, mais du drapeau noir salafiste, avec lequel il l’a transperce. L’acte est fort et fait penser à Jeanne au bûcher.
Une cohorte de personnages troubles, gravite autour, qui se jalousent et conspirent, - les acteurs tenant chacun plusieurs rôles -: le Gouverneur, envoyé par la Sublime porte et représentant du Sultan, le politique à la durée de mandat limitée (Bakary Sangaré), à la poitrine bardée de décorations, accompagné de son eunuque ; Abdo Dakkâk, l’adjoint du Mufti ; Afsah et Abbâs Srouji, hommes du peuple affichant leur homosexualité ; Hamîd, déverseur de bonne morale ; les serviteurs Hârem et Basma, témoins muets et lascifs ; et Abdallah qui abandonne son statut de prévôt et s’engage sur le chemin de la mystique soufie.
Dans ce conte digne des Mille et une Nuits où la corruption est reine et l’immunité totale, il n’y a ni vision fantasmée, ni orientalisme à outrance, selon la définition d’Edward W. Saïd : « Cette aire d’intérêts définie par des voyageurs, des entreprises commerciales, des gouvernements, des expéditions militaires, des lecteurs de romans et de récits d’aventures exotiques, des spécialistes d’histoire naturelle et des pèlerins pour lesquels l’Orient est une espèce spécifique de savoir sur des lieux, des gens et des civilisations spécifiques ». On est dans le conte oriental et dans la tragédie classique. La scénographie (de Sam Collins) formée de panneaux translucides de type diorama, sert ce monde ténébreux avec justesse, le jardin se métamorphose en palais, geôle ou maison de prostitution : deux portes, quelques marches, un miroir, des banquettes à l’orientale, et des falots suspendus. Les lumières (de Marcus Doshi) servent avec la même justesse le dispositif, venant du dedans comme du dehors, entre demi-teinte et éblouissement. Les murs, parfois, se couvrent d’écritures. On y trouve le mot Horreya qui signifie Liberté, aujourd’hui lourd de sens, en Syrie. A la fin, le Palais se fissure, au sens propre du terme, ne restent qu’une glace et qu’une porte, dans ce monde en décomposition. De nombreux signes, subtils, balisent le spectacle, du début à la fin, renforçant sa pertinence : torches au magnésium qui lancent leurs éclairs et nous projettent dans le passé, de manière récurrente ; cothurnes d’Almâssa-Mou’mina, comme les portaient les femmes dans la tradition du bain turc, lescodes vestimentairesmarquant les castes (costumes de Virginie Gervaise), et cette cotte de maille finale qui emprisonne Almâssa de manière sculpturale, avec maquillage blanc, comme un signe de mort, etc.

La pièce met à plat, morceau par morceau, un pouvoir millénaire masculin, politique, militaire et religieux bien gardé, où règnent conspiration, obséquiosité, simulacres, travestissements et ruse, - dans le sens de la mètis grecque définie, par Jean Duvignaud comme « un ensemble complexe mais très cohérent d’attitudes mentales, de comportements intellectuels qui combinent le flair, la sagacité, la débrouillardise, l’attention vigilante, le sens de l’opportunité, des habiletés diverses, une expérience longuement acquise ». Déstabilisée, cette société des plus hiérarchisées dépeinte par Wannous, - dont le théâtre, poétique autant que réaliste, relève de la prise de conscience - est remise en questionpar une femme courage à double facette, Mou’mina-Almâssa - saluons l’actrice - luttant pour sa liberté. Être, devient alors un acte politique. Et la fin de la pièce nous ramène au présent, car Abdallah revient, simple citoyen d’une ville d’aujourd’hui, lire les dernières imprécations : « Que veux-tu, me demanda-t-Il ? Je veux ne rien vouloir, Lui dis-je ».

Comédie Française, Salle Richelieu, du 18 mai au 11 juillet 2013, en alternance.
Tél : 08-25-10-16-80 www.comedie-francaise.fr
Le texte, traduit par Rania Samara, est publié aux éditions Actes Sud Papiers, collection Sindbad.

 

 

Courrier des lecteurs
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Ouvrons les yeux sur les nouvelles facettes du scandale de la prostitution

par ReSPUBLICA

 

Francis, qui vit en Allemagne depuis 15 ans, nous adresse les informations suivantes, suite à l’article récemment paru dans ReSPUBLICA « Prostitution : encore un effort pour être abolitionnistes ».

Après un reportage1 passé hier soir sur ARD (équivalent de TF1 en Allemagne) sur les travailleuses du sexe - profession reconnue ici ; c.à.d les employées paient des impôts, cotisent à la sécu, etc. - j’ai constaté que le business tourne sous des formes inattendues… mais absolument légales :

http://www.gesext.de//index_en.html : des enchères à la eBay où les « travailleuses indépendantes » recoivent a posteriori, tout comme sur le site d’enchères, une note sur leur perfomance allant de une à cinq étoiles, permettant ainsi aux futurs clients de se faire un avis.

http://saarlouis.club-coconut-beach.de/index.php?option=com_content&view=article&id=2&Itemid=117 : Flat Rate Fuck, un forfait de 99 € pour autant de partenaires qu’on le souhaite, et ce durant six heures. Boisson et collation incluses car il faut bien recharger les batteries du guerrier… Apparemment la recette fait mouche car d’après le reportage, la clientèle vient désormais même par charters en provenance des Etats-Unis, d’Arabie, d’Asie, etc. Que ces femmes “y passent” jusqu’à 40 fois par nuit semble ne pas déranger particulièrement ces messieurs…

• Mieux encore, il y a http://www.bordell-grunewaldstrasse23.de/leistungen-preise.html à Berlin. Là les tarifs commencent à 49 € (All you can Fuck pendant une heure) et pour 99 €, c’est de 16h à 3h du matin, bref durant 11 heures ! Il y a même des formules Gang Bang trois jours par semaine de 11h à 15h ! Drink & Food inclus également.

  1. Reportage original pour ceux qui comprennent l’allemand : ]