Chronique d'Evariste
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L'actualité valide notre résistance historique au déferlement du communautarisme

par Évariste
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Depuis une trentaine d’années, la gauche laïque de la République sociale combat et résiste à la poussée de l’extrême droite, poussée principalement due à l’abandon, y compris par la gauche de la gauche, du primat de la lutte des classes et de la question sociale et culturelle. Elle résiste aussi au différentialisme culturel, au communautarisme, et plus généralement à l’alliance des forces néolibérales, de droite et de gauche, et des forces communautaristes et intégristes.
Dans cette résistance, la gauche laïque de la République sociale a été particulièrement en butte au communautarisme d’extrême gauche, largement relayé par les islamo-gauchistes des Indigènes de la République, par une partie du mouvement Attac et de certaines de ses composantes, par une partie des forces actuellement au Front de gauche, chez les Verts ou à l’extrême gauche, par ceux qui déroulaient le tapis rouge aux Frères musulmans via Tariq Ramadan (se rappeler les fameux épisodes du Forum social européen de Paris et de Londres). Nous nous rappelons ceux qui proféraient, selon l’adage « les ennemis de mes ennemis sont mes amis », que l’opposition des islamistes à l’impérialisme étasunien légitimait l’alliance du gauchisme avec l’islamisme soft, via l’altermondialisme et l’extrême gauche mondialisée.
Toute cette camarilla de type Cinquième colonne se liguait contre la loi du 15 mars 2004 portant interdiction des signes religieux à l’école, qui pour nous visait à réhabiliter les circulaires du Front populaire de Jean Zay en 1937 bafouées par l’article 10 de la loi solférinienne et social-libérale du 10 juillet 1989. Pendant ce temps, la gauche laïque de la République sociale organisait son combat internationaliste cohérent et global selon la stratégie du double front, contre les politiques néolibérales et contre l’obscurantisme communautariste et intégriste.
Lorsque cette camarilla a salué l’arrivée des amis de Tariq Ramadan au pouvoir en Turquie, en Tunisie, en Égypte, dans la bande de Gaza, ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Le temps de l’histoire travaille pour la gauche laïque de la République sociale. Mais le temps de l’histoire n’est pas le temps humain et ne correspond pas aux impatiences de ceux qui ne réfléchissent pas en termes de lutte de classes et de combat contre l’hégémonie culturelle. L’ouverture des processus révolutionnaires dans les pays dits arabes et/ou musulmans est un processus de temps long. II a fallu tout juste deux ans pour s’apercevoir que les amis Frères musulmans de Tariq Ramadan sont les meilleurs alliés de la troïka néolibérale, qu’ils sont les ennemis de la liberté, notamment des femmes, mais pas seulement, et qu’ils pratiquent la même politique que leurs prédécesseurs, dictateurs militaires ou contrôlés par l’armée.
Et cerise sur le gâteau, la mobilisation interne dans les pays arabes et/ou musulmans contre les amis Frères musulmans de Tariq Ramadan, reprend de plus belle, avec des manifestants rejetant en même temps les dictateurs anciens, la dictature des islamistes, leur inféodation au néolibéralisme. La stratégie du double front en somme ! Pour illustrer comment la résistance sociale et laïque paye, nous vous offrons le texte de Mohamed Bouhamidi.

Moyen-Orient
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De la démystification des Frères

par Mohamed Bouhamidi

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Les Frères musulmans égyptiens auront-ils autant de mal à percevoir leur défaite que les Américains à reconnaître la fin de leur leadership solitaire sur le monde ?

Le discernement théorique est, en temps politique normal, rarement une qualité des acteurs politiques, pour des raisons de formation et d’alignements idéologiques, mais surtout pour les raisons connues d’opacité des ressorts réels, mais inconscients, de nos choix et de nos actes. En période de mutation historique aussi profonde que traverse l’Égypte, ce discernement devient quasi impossible. Pour cette raison, les Frères, au lieu de comprendre la réalité des énergies qui pousse sur le champ de la confrontation politique des masses longtemps tenues à tort comme fatalistes et accommodantes, vont alimenter en carburants divers le feu qui a pris sous Moubarak, mais n’a pas encore tout à fait incendié le pays.

Quelles que soient les évolutions à court terme du rapport des forces et des arrangements entre Morsi et l’armée, ou entre la direction du mouvement et les puissances de l’argent indigène ou du Golfe, les Frères ont perdu la guerre sur le terrain choisi par eux : la rédemption d’un monde anomique et l’instauration d’un ordre prescrit pour l’ordonnance de notre monde. Avant d’être élus par les citoyens et de porter leurs voix et leurs vœux, ils avaient déjà averti qu’ils portaient la voix et les vœux de cet ordre religieux et que les élections ne servaient pas à les choisir, mais à s’inscrire dans la voie de Dieu. Ce type de démarche ne peut réussir que s’il tétanise la grande masse des populations concernées devant l’immensité de l’enjeu d’obéir ou de désobéir à Dieu, ou s’il les oblige à l’obéissance par le moyen de l’épée. Hors ces deux moyens, l’entreprise est vouée à l’échec immédiat, et l’épée ne peut subjuguer les peuples très longtemps, l’hypnose non plus. L’opposition résolue, déterminée, du peuple égyptien fait ressortir au moins un élément essentiel parmi d’autres enseignements passionnants.

L’impression d’une hégémonie des Frères sur la société égyptienne relevait largement du mythe. Il apparaît, au contraire, qu’ils sont loin d’être dominants, en dépit de l’élection sur le fil de leurs députés et de Morsi. Pis, à aucun moment ils n’ont réussi à « activer » cette rue réputée être à leur dévotion pour peser sur ses « choix » quand ils ont rejoint, contraints et forcés, le mouvement de protestation pour ne pas se retrouver à la marge d’un phénomène dont toutes les apparences et le caractère identifiaient comme une révolution. Les réunions secrètes et répétées des responsables des Frères avec les Américains laissent penser à un marchandage pour un soutien U.S. (auprès de l’armée) à leur prise de pouvoir, en contrepartie d’un alignement sans réserve sur des Frères sur les positions américaines. Très vite, l’exfiltration d’activistes américains condamnés par un tribunal égyptien, le maintien de Ghaza sous blocus (allégé, mais blocus quand même), la destruction ou la lutte contre les tunnels autour de Rafah, le respect religieux de Camp David, l’alignement sur le camp des agresseurs de la Syrie, confirment cette hypothèse d’un accord américano-frériste : les Frères avaient bien pour mission d’ancrer l’Égypte dans le camp du capitalisme, en rajoutant au travail antérieur de Moubarak la « persuasion religieuse » qui ferait aux yeux des masses égyptiennes la similitude de l’ordre divin avec l’ordre du capitalisme. L’intimité du nouveau pouvoir égyptien avec les monarchies du Golfe ne laisse plus aucun doute sur les mutations profondes qui ont mené les interprétations wahhabite, salafiste et frériste de l’islam à une rupture d’avec l’islam de la compassion, de la solidarité, de la justice, de l’échange et de la recherche de Dieu dans la diversité de ses créations et de ceux qui le quêtent.

Si l’ordre capitaliste occidental n’a pu s’imposer dans la tête des masses arabes à partir de ses catégories mentales particulières bombardées « universelles », il restait cette chance de nous faire entrer dans l’uniformité du capitalisme en mobilisant nos catégories religieuses particulières présentées comme « solution universelle » : « L’Islam est la solution. » Il faut noter que les interprétations wahhabites ou péri-wahhabites ont mis plus de deux siècles pour s’imposer, grâce aux pétrodollars, comme idéologies de masse compatibles avec le capitalisme. Cela fait autant de siècles que le peuple égyptien cherche des élites, des représentations et des voies pour combattre la domination franco-anglaise puis américano-sioniste. Quand les paysans égyptiens menaient la guérilla dans le Delta du Nil contre les troupes de Napoléon, les wahhabites s’alliaient avec les Anglais pour se tailler un empire sectaire dans le corps malade de l’Empire ottoman, et quand les officiers libres se préparaient en Égypte, les Saoudiens se livraient aux Américains par l’accord dit du « Quincy ». C’est cela que joue en Égypte ce peuple admirable, et les Frères comprendront bientôt qu’ils ont déjà perdu la bataille idéologique. Le reste suivra.

Alger le 29 juin- publié le 1er juillet 2013 dans Reporters.DZ

 

Débats politiques
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Recherche gauche désespérément...

par Michel Zerbato
Universitaire.
Auteur de "Néolibéralisme et crise de la dette, aux éditions "Osez la République Sociale"

 

Cette semaine a concentré tout le dur de la crise de moralité politique. Au point que Alain Duhamel, qui s’est dit “atteint”, “choqué”, “écœuré” par l’accumulation de ces affaires, a décidé d’abandonner sa chronique politique matutinale sur RTL : « ma considération pour le monde politique actuel s’est dégradée. Le débat s’est abaissé, les personnages ont rapetissé et les populismes ont progressé ».
En effet, on a vu un ancien ministre mis en examen pour “escroquerie en bande organisée”, largement reçu dans médias pour promouvoir son livre-plaidoyer pro domo. On a vu un ancien ministre du budget, J. Cahuzac, renvoyer à ses chères études, en refusant de lui répondre, la Commission parlementaire qui l’interrogeait sur les conditions de son aveu de fraude fiscale, tandis que le même jour, un alter ego, DSK, était entendu au Sénat, devant lequel il exposait des banalités sur la crise financière.

Dans le même temps, les députés socialistes ont certes voté le projet de loi sur la transparence de la vie publique, mais après l’avoir grandement édulcoré en refusant que soient publiés les patrimoines des élus. Et le président a annoncé pour l’an prochain encore plus de rigueur, essentiellement par des économies sur la fonction publique, cette fois, après que le Premier ministre eut donné raison à la Cour des comptes dont le rapport légitime une gestion de la crise qui rejoint de plus en plus celle que préconise le libéralisme de droite.

Tout cela après que l’on se soit gravement interrogé sur le résultat de Villeneuve-sur-Lot, les uns se félicitant de la résistance du Front républicain, pendant que d’autres regrettaient sa fin, une fin dont au contraire se félicitait Marine le Pen, qui conseillait à l’UMP et au PS de fusionner s’ils voulaient pouvoir résister à la montée du FN.
Faut-il alors s’étonner que de plus en plus de militants de gauche manifestent leur refus d’assimiler encore PS et gauche ? Mais l’exaspération croissante devant la politique menée par le gouvernement de gauche (?) ne doit pas amener à la conclusion que “gauche et droite c’est pareil”. S’il est bien certain qu’à la gauche du PS, des organisations diverses réclament une autre politique, peut-on pour autant dire que le PS est passé à droite ?  Répondre oui revient à définir, la droite par le libéralisme et l’austérité, et la gauche par l’État et la relance, la droite par la rigueur économique, et la gauche par le volontarisme social. La réalité est plus complexe, car d’autres déterminants que le seul économique, soient les valeurs, l’histoire de la lutte des classes, etc., interviennent au niveau politique.

Sur la base des classes sociales définies par le rapport de production capitaliste, la gauche a été, historiquement, le parti de la classe ouvrière, tandis que la droite a été celui de la bourgeoisie, de l’argent, du patronat, etc. Si la frontière s’est grandement estompée, il reste que dans le champ politique-politicien, gauche s’oppose encore à droite. Les candidats à la représentation du peuple actionnent, pour se faire élire, des leviers “émotifs” opposés, qui renvoient à des valeurs opposées : justice, voire égalité, solidarité, progrès, etc. à gauche ; libéralisme au sens de droit du plus fort, et tout ce qui va avec, à droite : réussite individuelle, conservatisme, etc.
La frontière s’est estompée parce que, au hasard de l’histoire, la lutte du prolétariat pour améliorer les conditions de sa vie, a fini par faire accepter l’idée de l’intervention de l’État et de la nécessité de redistribuer la richesse en faveur du travail. Les gains de productivité ont alors permis que les politiques sociales fassent émerger des classes moyennes dont les “acquis sociaux” ont plus ou moins stabilisé le système économique.

Dans une société qui a développé des services publics et une sécurité sociale, on peut être culturellement “à gauche” et économiquement ou socialement à droite, ou l’inverse, selon la situation du moment. Ainsi, en fin de parcours des Trente glorieuses, V. Giscard s’est fait élire sur des valeurs de droite, conservatrices, a appelé R. Barre pour revenir sur les acquis sociaux des salariés, mais a fait progresser sociétalement : majorité à 18 ans, avortement. De même, des gouvernements “de gauche” ont mené des politiques économiques régressives : hier, par exemple, en réduisant la progressivité de l’impôt (CSG déductible, etc.), tout en instaurant le Pacs ; aujourd’hui, en faisant le Pacte de compétitivité et, dans le même mouvement, le “mariage pour tous”.

Depuis 1982-83, gauche libérale et droite conservatrice ont toutes deux géré la crise du capitalisme avec les mêmes politiques néo-libérales et les mêmes conséquences sociales, l’abandon des couches populaires et laminage des classes moyennes induisant une forte augmentation des inégalités. Le PS, comme avant lui les radicaux-socialistes dans l’entre-deux-guerres, a dilapidé l’héritage que lui avait laissé le socialisme plus ou moins utopique du 19e siècle (coopératives, autogestion, services publics, voire nationalisations, etc.). Enfermé dans l’UE de Maastricht et Lisbonne, le PS, non seulement ne peut plus s’appuyer sur la classe ouvrière ou les classes moyennes, mais est condamné à les attaquer par des politiques sociales tout aussi régressives que celles de la droite : l’austérité sans réforme fiscale n’est pas plus juste que la TVA sociale, dite de droite. Tout comme la droite, le PS ne voit le travail que sous l’angle économique du coût, mais il voit l’homme dans la société avec des lunettes qui restent de gauche, avec des valeurs qui ne sont pas celles de la droite.

L’ordo-libéralisme, d’origine allemande, est cette variante du néo-libéralisme qui permet, en mettant en avant la nécessité de construire un marché loyal au service du consommateur, de rendre compatibles valeurs “de gauche” et politique économique et sociale “de droite”. Le PS s’est engouffré dans cette voie depuis les années 80 sous l’égide de Delors l’européen. Et les médias de l’oligarchie, y compris ceux considérés de gauche, ont accompagné le mouvement. La gauche ordo-libérale, qui mène la même politique anti-sociale que la droite, c’est bien la même chose que la droite sur le plan économique.

Comme ce sont bien les conditions matérielles de la vie qui déterminent la conscience, les couches populaires et de plus en plus les couches moyennes se détournent de cette gauche, avec le risque du vote FN. Ce qui serait dramatique, car, au-delà du domaine des libertés, les solutions économiques du FN sont totalement absurdes et inopérantes. L’intérêt du peuple est bien que la gauche non libérale arrive au pouvoir. Mais plusieurs alternatives de gauche sont concurrentes, de gauche par référence à des valeurs communes (progrès contre conservatisme ou réaction, etc.), concurrentes par leur vision de la lutte des classes, qui distingue “la gauche de la gauche” et “la gauche de gauche”.

L’expression “gauche de la gauche” est utilisée par ceux qui, se disant anti- ou alter-libéraux, mettent en réalité sous le tapis ce qui doit opposer au fond la “vraie” gauche à la gauche libérale : l’anti-capitalisme, seule position réellement socialiste, tandis que l’anti-libéralisme ne propose que de réorienter la gestion du capitalisme. Proposer une Europe sociale obtenue par une simple réorientation de sa gestion est totalement illusoire : par sa construction même autour d’une monnaie unique, elle met en concurrence les modèles sociaux nationaux. L’Europe sociale est incompatible avec la logique austéritaire d’un capitalisme en crise réelle.
À l’opposé, l’expression “gauche de gauche” met en avant l’anti-capitalisme et démystifie cette opposition de surface entre gauche anti-libérale et gauche libérale. L’anti-libéralisme n’est pas un socialisme, tout juste un projet de socialisation, ce qui n’est pas du tout la même chose, même si la socialisation à l’œuvre dans le capitalisme prépare le passage au socialisme.
L’avènement d’une société socialiste est une question politique, car si c’est bien l’économique qui détermine en dernière instance, c’est bien le politique qui gère cette détermination. Il en résulte que la lutte des classes peut transformer la société, mais aussi que la transformation sociale passe par celle des rapports de production. On comprend alors que les pseudo-marxistes soviétiques qui ont réduit l’anti-capitalisme au changement du droit de propriété sans mettre en cause le rapport salarial, ont produit un capitalisme d’État, rien d’autre. (À moins que ce ne soit l’inverse : pour légitimer le capitalisme d’État et leur pouvoir de classe, ils ont réduit le marxisme au Manuel d’Économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS de 1955.) Ce n’est pas en agissant sur les seuls rapports sociaux qu’on ira plus loin. C’est ça qu’avait compris le groupe opposé à Lénine, et qui, autour de la Revue Kommunist, se disait “communistes de gauche” (et non “gauche des communistes”).

Les couches populaires ont besoin d’une “gauche de gauche”, pas d’une “gauche de la gauche”, qui ne prospère même pas sur l’illusion d’une possible gestion alternative, le peuple n’étant pas convaincu que ses propositions donneraient les moyens d’engager le pays sur la voie d’une politique véritablement autre. Pas convaincu, parce qu’elles sont ambiguës sur l’UE, sur l’Otan, etc., parce qu’elles refusent l’idée d’une « Europe puissance », parce que l’internationalisme ne garantit pas de pouvoir entraîner les autres nations et parce que l’idée de monnaie commune est une pure utopie. Pas convaincu parce que la gauche de la gauche est muette sur la détermination des rapports idéologiques nationaux. Or, la gauche social-libérale parvient encore à anesthésier la classe ouvrière, en la maintenant dans l’illusion d’une intégration dans les classes moyennes, de même que les classes moyennes, en leur racontant que si elles acceptent les sacrifices nécessaires, elles conserveront leurs acquis sociaux (épargne, logement, etc.).

Si la lutte des classes continue, même sans conscience des intéressés (du moins de celle des exploités), elle ne peut que s’accélérer par la prise de conscience et c’est à quoi nous œuvrons dans cette publication, et au-delà en en diffusant les analyses.

P.S. Je remercie un lecteur de ReSpublica, J.C. Mercier, qui nous a adressé un commentaire sur le thème « Quand arrêtera-t-on d’appeler le Parti socialiste français LA gauche ? », auquel ce texte constitue un prolongement.

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L'accord entre l'Etat et Total : une école sous peu totalement happée ?

par Tristan Béal

 

Depuis 3 à 4 ans maintenant, à la fin de chaque année scolaire, les élèves de CM1 reçoivent un viatique : un livre qu’ils sont censés lire durant l’été puis travailler avec leur maître(sse) en CM2. Si l’on feuillette les pages de ces livres estivaux, on tombe très vite sur le logo de la fondation Total : ce qui ne choque pas1, l’été étant une période, de par les pérégrinations autoroutières que cette saison induit, où l’on use beaucoup d’essence et où la famille vacancière a maintes occasions de faire le plein de carburant. Autant rouler et lire Total, donc.

Toute entreprise comme tout commerçant rêve d’avoir une clientèle absolument captée. Total est en train peut-être de réaliser un tel souhait. Son slogan est : « Vous ne viendrez plus chez nous par hasard ». Mais, à présent, plus besoin de venir à Total, puisque Total vient à nous, et cela dès notre enfance.

La réforme des rythmes scolaires libère une petite partie de l’après-midi auparavant passée à se fatiguer en classe2 pour donner la possibilité aux enfants de rester à l’école, non plus pour s’y instruire, mais pour prendre part à des activités enrichissantes, sportives et/ou culturelles. C’est ce que l’on appelle les Pedt (projets éducatifs territoriaux), lesquels, dans la circulaire n° 2013-036 du 20-3-2013, sont ainsi définis : « Le projet éducatif territorial (PEDT), mentionné à l’article D. 521-12 du code de l’éducation, formalise une démarche permettant aux collectivités territoriales volontaires de proposer à chaque enfant un parcours éducatif cohérent et de qualité avant, pendant et après l’école, organisant ainsi, dans le respect des compétences de chacun, la complémentarité des temps éducatifs ». Pour l’instant, on ignore quelle sera la teneur exacte de ces activités périscolaires ni si celles-ci seront tout à fait gratuites. Mais heureusement, prenant en compte le porte-monnaie du contribuable (chacun sait en effet que la réforme des rythmes scolaires va accroître les impôts locaux, vu les frais afférents pour les municipalités), Total, apprend-on, a signé un accord avec l’Education nationale lui permettant de consacrer 4 millions d’euros dans le cadre des PEdT. De mauvaises langues diront que l’entreprise rend d’un côté à la collectivité une petite partie de ce qu’elle ravit sans vergogne de l’autre (il se murmure que Total bénéficierait de facilités fiscales lui permettant d’échapper pour une bonne part à l’impôt sur les sociétés en France).

Le dossier de presse indique donc que « quatre millions d’euros seront affectés au soutien de structures à but non lucratif, notamment afin d’accompagner la grande réforme des rythmes éducatifs dans le premier degré ». Plus judicieux mais moins insidieux aurait été d’employer non pas le participe passé affectés mais investis. En effet, si le PEdT permet de proposer à chaque enfant un parcours éducatif cohérent et de qualité dès le moment de l’école-instruction (et non pas seulement lors de l’école-garderie), cela signifie que l’école va être sous peu le lieu d’un immense marché. On peut alors se demander si, dans une telle école du commerce débridé, la laïcité, c’est-à-dire la rupture par rapport à tout groupe de pression, sera maintenue, bref s’il y sera possible d’apprendre réellement à être homme et à faire des choix de citoyen raisonnés et non pas à devenir presque inconsciemment un consommateur hésitant entre des marques d’essence…

  1. Quoique… cf. la ]
  2. Cette réforme a pour but affiché de réduire de trois-quarts d’heure par jour le temps de présence des élèves dans la quiétude de la salle de classe pour les livrer au bruit et à l’agitation des centres aérés []
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Nouveau plan gouvernemental d’accueil des jeunes enfants : faut-il juste prendre les chiffres à la lettre ?

par Collectif Pas de bébés à la consigne

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Le collectif « Pas de bébés à la consigne » a pris connaissance du plan gouvernemental de « développement de 275 000 nouvelles solutions d’accueil des jeunes enfants » :
• 100 000 créations nettes de solutions d’accueil collectif,
• 100 000 enfants supplémentaires accueillis par des assistant(e)s maternel(le)s,
• 75 000 nouvelles places en école maternelle pour les moins de 3 ans »
(Extrait de la brochure « Pour une rénovation de la politique familiale » présentée le 3 juin 2013).

Madame Bertinotti, ministre de la Famille, organisait début 2013 une consultation nationale sur les modes d’accueil. Dans ce cadre le collectif exprimait la nécessité de résorber le manque de places d’accueil collectif avec la création de 200 000 nouvelles places dans les cinq ans.

L’annonce gouvernementale sur l’accueil collectif paraît insuffisante mais toutefois substantielle. Cependant, s’agit-il de créer 100 000 places en accueil collectif ? Ou bien, faut-il voir derrière les termes solutions d’accueil des modalités semblables à celles adoptées en 2009 et 2010 (soit seulement 40 000 places sur les 96 000 annoncées, le reste en surbooking) ?

Ce plan consistera-t-il à offrir de réelles places en accueil collectif répondant aux besoins des familles (pour la majorité à temps plein et pour certaines à temps partiel) ? Ou bien conduira-t-il à de l’accueil à temps partiel imposé à de très nombreuses familles (multipliant sur la semaine différents lieux d’accueil). Bricolage très préjudiciable aux besoins de continuité d’accueil pour les jeunes enfants.

Concernant l’accueil chez les assistantes maternelles, le gouvernement annonce une « revalorisation de cette profession dans le cadre d’un plan « métiers » permettant le développement des carrières, de meilleures formations ». Rappelons que les modalités concrètes d’un tel engagement devraient notamment se traduire par la création d’un congé individuel de formation permettant aux assistantes maternelles d’accéder à des formations comme celle d’auxiliaire de puériculture. Tout en facilitant l’accès à leur formation continue.

Le gouvernement annonce également 75 000 nouvelles places en école maternelle pour les moins de 3 ans. Sont-elles en lien avec les 3 000 postes d’enseignants prévus ? Pour nous, il est nécessaire d’affecter sur ces classes 1 enseignant pour un effectif maximum de 15 enfants avec 1 ATSEM à temps plein, mais aussi d’adapter les conditions d’accueil aux besoins spécifiques de jeunes enfants (espaces, rythmes et équipements adaptés, personnels formés…). Dans cette optique 3 000 postes ne suffisent pas à la création des 75 000 « places ».

Il est prévu d’affecter 2 milliards d’euros supplémentaires au Fonds National d’Action Sociale (FNAS) de la branche famille durant la prochaine Convention d’Objectifs et de Gestion avec la CNAF. Ces prévisions incluent-elles les besoins de financement du temps libéré par l’aménagement des rythmes éducatifs ? Dans ce cas, la part attribuée au développement de l’accueil collectif serait bien moindre que nécessaire.

Enfin, le plan gouvernemental ne souffle mot de l’abrogation du décret « Morano » sur l’accueil collectif, pourtant promise par Madame Bertinotti. C’est pourtant une condition indispensable pour rétablir les bases d’une véritable qualité d’accueil pour les jeunes enfants (taux d’encadrement des enfants, qualification du personnel). Le gouvernement y a-t-il renoncé ? Sinon, l’abrogation du décret se traduira-t-elle par l’amélioration des conditions d’accueil de la petite enfance ?

Face à l’ensemble de ces questions, le collectif « Pas de bébés à la consigne » a demandé une audience à Madame Bertinotti. Si le gouvernement n’apporte pas des éléments de réponses satisfaisants, parents, professionnels et acteurs du monde de la petite enfance, il nous sera impératif de nous mobiliser ensemble pour appeler encore et toujours au développement de modes d’accueil de qualité. C’est maintenant que le gouvernement doit répondre favorablement à cette absolue nécessité.

25 juin 2013

Europe
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Lignes directrices de l’Union européenne sur la liberté de religion et de conviction : la FHE salue un texte équilibré

par Pierre Galand
Président FHE (Fédération humaniste européenne, FHE-EHF)

 

NDLR - Soulignons que, pour la France, mettre en totale pratique la décriminalisation du délit de blasphème implique d’abroger l’article 166 du code pénal local en vigueur en Alsace-Moselle

Les Ministres des Affaires Etrangères européens, réunis en Conseil à Luxembourg lundi 24 juin, ont adopté les nouvelles « Lignes directrices de l’Union sur la promotion et la protection de la liberté de religion ou de conviction ». Rappelant la neutralité de l’UE vis-à-vis de toute religion ou croyance, ces lignes directrices constituent une boîte à outils pour aider l’Union à promouvoir la liberté de religion ou de conviction hors de ses frontières et faire face aux possibles violations de ce droit dans les pays tiers.

La Fédération Humaniste Européenne (FHE) salue l’approche équilibrée adoptée par le Conseil qui reflète la proposition du Service d’Action Extérieure Européen (Commission européenne) et s’éloigne des positions conservatrices avancées par plusieurs députés européens. Les droits des non-croyants, agnostiques et athées seront protégés par l’UE ainsi que le droit fondamental de changer ou d’abandonner sa religion ou ses croyances. L’UE s’opposera également à toute limitation d’autres droits fondamentaux ainsi qu’à toute violence à l’encontre des femmes, des enfants, des minorités religieuses et des personnes LGBTI justifiées au nom de la liberté religieuse. Par ailleurs, la FHE constate avec satisfaction que le droit à l’objection de conscience reste limité au service militaire et n’a pas été étendu aux services de santé reproductive et sexuelle tels que l’avortement ou la contraception.

Concernant la liberté d’expression, l’UE réaffirme clairement le droit de critiquer et de tourner en ridicule une religion ou une croyance, tout en promouvant le respect et la tolérance entre les personnes de convictions différentes. Il est intéressant de souligner que si l’UE défend les droits des croyants et non-croyants, elle ne protège donc aucune religion ou croyance en tant que telle. Elle recommande également explicitement de décriminaliser le délit de blasphème dans les pays tiers concernés.

La FHE regrette cependant que l’UE ne soit pas aussi ferme en la matière vis-à-vis de ses Etats Membres. Aujourd’hui encore, plusieurs Etats européens interdisent le blasphème ou sanctionnent l’ « insulte religieuse » dans leur législation. La FHE demande donc à l’UE d’adopter une position cohérente sur le blasphème et d’encourager ses Etats Membres à abolir ces lois comme le recommandent la Commission de Venise et l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe.

En tant qu’organisation de la société civile, la FHE est disponible pour contribuer à l’amélioration de ces outils destinés à protéger la liberté de conscience, de religion et de conviction dans les politiques extérieures de l’Union.