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Bilan 2014 : Les gauches ont rompu avec les couches populaires, la droite et l'extrême-droite s'envoient en l'air

par Évariste
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Toutes les gauches sont en implosion. Que décident-elles ? En dehors des amis de Jean-Luc Mélenchon, qui tentent de construire une organisation de type Podemos à la française avec le M6R1 , tous ont décidé de continuer les mêmes lignes et pratiques politiques perdantes. Pour elles, on ne change pas les équipes qui perdent ! Pire, elles sont persuadées que cette déroute de 2014 n’est due qu’à une mauvaise communication ou une mauvaise pédagogie et qu’en expliquant mieux, tout rentrera dans l’ordre. Les augures des élections de 2015 sont encore plus sombres ? aucune importance, au fond de l’impasse, le mur, alors on accélère pour aller vers un crash spectaculaire !
Jamais ne les effleure l’idée que la majorité des ouvriers et des employés (53 % de la population) a très bien compris et qu’elle a décidé, si les gauches ne changent pas de ligne et de pratique politiques, de ne plus voter pour elles et de s’abstenir ! Sans forcément le savoir, elle applique la célèbre formule d’Albert Einstein : On ne résout pas les problèmes avec le mode de pensée qui les a engendrés !

Ce n’est pas la prolifération des nouveaux Jésus-Christ qui donnera une solution à la crise globale systémique que nous connaissons. Ceux-là proposent de rejeter tous les apports du mouvement ouvrier et de la République sociale par une idée simpliste, une simple mesure qualifiée de bon sens censée régler tous les problèmes de notre temps : suppression de la démocratie représentative et de la démocratie directe au profit d’un tirage au sort, suppression des politiques sociales au profit d’un revenu à vie, etc.

Et malgré le best-seller de feu Stéphane Hessel, ce n’est pas la gauche de l’indignation qui nous mettra seule sur le chemin de l’émancipation. D’autant que cette gauche qui lutte pour la participation au pouvoir des discriminés visibles n’a pas un mot contre l’éradication quasi-totale de la majorité invisible des ouvriers et employés (hommes ou femmes d’ailleurs !) de tous les postes de responsabilités du pouvoir politique et de la plupart des postes de responsabilité des organisations2.

Voilà qui rend plausible la perspective mortifère d’un deuxième tour de type 2002 en 2017 ! Bien sûr, on nous proposera au dernier moment, sans foi ni loi, l’alliance la plus large pour s’opposer à l’extrême droite : autant dire les quinze années précédentes n’auront servi à rien…

Se ressaisir alors qu’il en est encore temps !

Comprenez qu’il faut débattre, dialoguer, agir avec la majorité du peuple, c’est-à-dire avec les électeurs de gauche potentiels qui font partie des 70 % des ouvriers, des employés, des chômeurs, des jeunes de moins de 35 ans, des couples qui gagnent moins de 20.000 euros par an. Ils s’abstiennent parce qu’ils n’ont plus confiance, que la promesse républicaine de la mobilité sociale n’existe plus, que les préoccupations de la plupart des dirigeants de la gauche ne sont pas les leurs !Ah, ils ne viennent pas aux réunions organisées par la gauche de la gauche ? Mais connaissent-il ses responsables au moins ? Que répondrait alors Lagardère ? « Si tu ne viens pas à Lagardère, c’est Lagardère qui viendra à toi ! »

Eh oui, c’est sans doute la conséquence du fait qu’à aucun moment n’est mis en débat le phénomène de gentrification de la période néolibérale qui rend la majorité du peuple invisible car elle habite de plus en plus loin des militants des couches moyennes supérieures radicalisées qui eux résident dans les villes centres ou en banlieue ! Ces banlieues populaires qui restent à tort dans l’imaginaire de la gauche de la gauche le seul endroit de résidence des couches populaires ! Car le nombre d’ouvriers et d’employés croît dans les zones périurbaines et rurales ! Voilà pourquoi notre partenaire le Réseau Education Populaire (3 intervient aussi bien en zone urbaine qu’en zone périurbaine et rurale.

Comprenez qu’il faille alors créer du lien social avec ces couches populaires, sans quoi aucun travail culturel et politique ne sera possible ! C’est à la gauche de la gauche de se transformer en gauche de gauche et de créer ainsi des synergies dans les luttes sociales des couches populaires, de monter des actions de solidarité concrète se démarquant des actions de charité de la doctrine sociale des églises !

Comprenez que la petite bourgeoisie intellectuelle, elle, défend les idées vraies et justes, mais pas des gens : intérêt personnel, carriérisme, elle s’y connaît mais se permet de crier ouvertement sur l’élève qui refuse de comprendre. Et quand de plus elle se divise, quand les joueurs se taclent entre eux, les couches populaires savent qu’il y a peu de chances qu’elle marque pour elle, et même qu’elle soit utile en ligne de défense face aux tirs des autres . C’est un dernier espoir qui s’envole, alors elle déserte les tribunes, et les urnes.

Comprenez qu’il faut mobiliser sur les problèmes ressentis par ces couches populaires majoritaires : le chômage, la précarité, les salaires, l’école, la santé et la protection sociale, les services publics, la laïcité, le pacte de responsabilité, les injustices sociales, la remise en cause du programme du Conseil national de la Résistance, les conditions de travail, la crise globale, la croissance des injustices, de la misère, de la pauvreté… et alors remonter aux causes (le capitalisme, l’Union européenne, etc.) pour proposer des alternatives. « Partir de là où en sont les gens », disait Saul Alinsky dont nous vous avons déjà recommandé la lecture4 de préférence aux derniers gourous à la mode médiatique !

Voilà pourquoi nous espérons que le changement de ligne et de stratégie sera à l’ordre du jour des gauches en 2015 ! Dans l’immédiat, il n’y a rien de mieux à faire que de construire un rassemblement à gauche, aussi large que possible, sur des mots d’ordre anti austérité. Mais une vraie refondation du Front de gauche passera par l’inclusion de la classe ouvrière et employée en son sein, et exige donc de déterminer une ligne et une stratégie pour y parvenir.

Au-delà des échéances électorales, reconnaissons que sans projet alternatif, il n’y a pas de ligne gagnante, et que nulle part dans le monde depuis la fin de l’URSS il n’existe à gauche de projet d’alternative crédible au capitalisme (au sens de système caractérisé par la propriété privée des moyens de production). Travaillons patiemment, dans les luttes et dans les initiatives d’éducation populaire, à définir un tel projet identifiable pour la gauche5.

  1. Voir ]
  2. Voir ]
  3. Et évitons d’imiter ces équipes militantes de la gauche de la gauche qui ont souhaité mobiliser contre le TAFTA (Trans-Atlantic Free Trade Agreement). Largement gagnés à l’anglicisation transnationale du monde, elles n’ont même pas perçu le niveau de mépris ressenti à la lecture de leur tract par la majorité du peuple français qui ,lui, continue de parler français. « Pacte transatlantique pour le commerce et l’investissement » (PTCI) apparaît sans doute au-dessus de leurs forces ! []
  4. Voir ]
  5. Quelles que soient les réserves qu’on peut éprouver envers la direction très personnalisée de Podemos et la façon dont J.L Mélenchon s’y réfère, nous avons choisi de vous livrer sans autre commentaire un texte d’]
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Leçon de stratégie politique à l'usage de ceux qui veulent changer le monde

par Pablo Iglesias

Source de l'article

 

Je sais pertinemment que la clé pour comprendre l’histoire des cinq siècles passés est l’émergence de catégories sociales spécifiques, appelées “classes”. Laissez-moi vous raconter une anecdote. Quand le mouvement des Indignés a commencé, sur la place de la Puerta del Sol, des étudiants de mon département, le département de sciences politiques de l’Université Complutense de Madrid, des étudiants très politisés (ils avaient lu Karl Marx et Lénine) se confrontaient pour la première fois de leur vie à des gens normaux.

Ils étaient désespérés : “Ils ne comprennent rien ! On leur dit qu’ils font partie de la classe ouvrière, même s’ils ne le savent pas !” Les gens les regardaient comme s’ils venaient d’une autre planète. Et les étudiants rentraient à la maison, dépités, se lamentant : “ils ne comprennent rien”.

[A eux je dis], “Ne voyez-vous pas que le problème, c’est vous? Que la politique n’a rien à voir avec le fait d’avoir raison ?” Vous pouvez avoir la meilleure analyse du monde, comprendre les processus politiques qui se sont déroulés depuis le seizième siècle, savoir que le matérialisme historique est la clé de la compréhension des mécanismes sociaux, et vous allez en faire quoi, le hurler aux gens ? “Vous faites partie de la classe ouvrière, et vous n’êtes même pas au courant !”

L’ennemi ne cherche rien d’autre qu’à se moquer de vous. Vous pouvez porter un tee-shirt avec la faucille et le marteau. Vous pouvez même porter un grand drapeau, puis rentrer chez vous avec le drapeau, tout ça pendant que l’ennemi se rit de vous. Parce que les gens, les travailleurs, ils préfèrent l’ennemi plutôt que vous. Ils croient à ce qu’il dit. Ils le comprennent quand il parle. Ils ne vous comprennent pas, vous. Et peut-être que c’est vous qui avez raison ! Vous pourrez demander à vos enfants d’écrire ça sur votre tombe : “il a toujours eu raison – mais personne ne le sut jamais”.

En étudiant les mouvements de transformation qui ont réussi par le passé, on se rend compte que la clé du succès est l’établissement d’une certaine identification entre votre analyse et ce que pense la majorité. Et c’est très dur. Cela implique de dépasser ses contradictions.

Croyez-vous que j’aie un problème idéologique avec l’organisation d’une grève spontanée de 48 ou même de 72 heures ? Pas le moins du monde ! Le problème est que l’organisation d’une grève n’a rien à voir avec combien vous ou moi la voulons. Cela a à voir avec la force de l’union, et vous comme moi y sommes insignifiants.

Vous et moi, on peut souhaiter que la terre soit un paradis pour l’humanité. On peut souhaiter tout ce qu’on veut, et l’écrire sur des tee-shirts. Mais la politique a à voir avec la force, pas avec nos souhaits ni avec ce qu’on dit en assemblées générales. Dans ce pays il n’y a que deux syndicats qui ont la possibilité d’organiser une grève générale : le CCOO et l’UGT. Est-ce que cette idée me plaît ? Non. Mais c’est la réalité, et organiser une grève générale, c’est dur.

J’ai tenu des piquets de grève devant des stations d’autobus à Madrid. Les gens qui passaient là-bas, à l’aube, vous savez où ils allaient ? Au boulot. C’étaient pas des jaunes. Mais ils se seraient faits virer de leur travail, parce qu’à leur travail il n’y avait pas de syndicat pour les défendre.Parce que les travailleurs qui peuvent se défendre ont des syndicats puissants. Mais les jeunes qui travaillent dans des centres d’appel, ou comme livreurs de pizzas, ou dans la vente, eux ne peuvent pas se défendre.

Ils vont se faire virer le jour qui suivra la fin de la grève, et ni vous ni moi ne serons là, et aucun syndicat ne pourra garantir qu’ils pourront parler en tête-à-tête avec le patron et dire : “vous feriez mieux de ne pas virer cet employé pour avoir exercé son droit de grève, parce que vous allez le payer”. Ce genre de choses n’existe pas, peu importe notre enthousiasme.

La politique, ça n’est pas ce que vous ou moi voudrions qu’elle soit. Elle est ce qu’elle est, terrible. Terrible. Et c’est pourquoi nous devons parler d’unité populaire, et faire preuve d’humilité. Parfois il faut parler à des gens qui n’aiment pas notre façon de parler, chez qui les concepts qu’on utilise d’habitude ne résonnent pas. Qu’est-ce que cela nous apprend ? Que nous nous faisons avoir depuis des années. Le fait qu’on perde, à chaque fois, implique une seule chose : que le “sens commun” des gens est différent de ce que nous pensons être juste. Mais ça n’est pas nouveau. Les révolutionnaires l’ont toujours su. La clé est de réussir à faire aller le “sens commun” vers le changement.

César Rendueles, un mec très intelligent, dit que la plupart des gens sont contre le capitalisme, mais ne le savent pas. La plupart des gens sont féministes et n’ont pas lu Judith Butler ni Simone de Beauvoir. Il y a plus de potentiel de transformation sociale chez un papa qui fait la vaisselle ou qui joue avec sa fille, ou chez un grand-père qui explique à son petit-fils qu’il faut partager les jouets, que dans tous les drapeaux rouges que vous pouvez apporter à une manif. Et si nous ne parvenons pas à comprendre que toutes ces choses peuvent servir de trait d’union, l’ennemi continuera à se moquer de nous.

C’est comme ça que l’ennemi nous veut : petits, parlant une langue que personne ne comprend, minoritaires, cachés derrière nos symboles habituels. Ca lui fait plaisir, à l’ennemi, car il sait qu’aussi longtemps que nous ressemblerons à cela, nous ne représenterons aucun danger.

Nous pouvons avoir un discours très radical, dire que nous voulons faire une grève générale spontanée, parler de prendre les armes, brandir des symboles, tenir haut des portraits de grands révolutionnaires à nos manifestations – ça fait plaisir à l’ennemi ! Il se moque de nous ! Mais quand on commence à rassembler des centaines, des milliers de personnes, quand on commence à convaincre la majorité, même ceux qui ont voté pour l’ennemi avant, c’est là qu’ils commencent à avoir peur. Et c’est ça qu’on appelle la politique. C’est ce que nous devons apprendre.

Il y avait un gars qui parlait de Soviets en 1905. Il y avait ce chauve, là. Un génie. Il comprit l’analyse concrète de la situation. En temps de guerre, en 1917, en Russie, quand le régime s’effondra, il dit une chose très simple aux Russes, qu’ils soient soldats, paysans ou travailleurs. Il leur dit “pain et paix”.

Et quand il dit ces mots, “pain et paix”, qui était ce que tout le monde voulait (la fin de la guerre et de quoi manger), de nombreux Russes qui ne savaient plus s’ils étaient “de gauche” ou “de droite”, mais qui savaient qu’ils avaient faim, dirent : “le chauve a raison”. Et le chauve fit très bien. Il ne parla pas au peuple de “matérialisme dialectique”, il leur parla de “pain et de paix”. Voilà l’une des principales leçons du XXe siècle.

Il est ridicule de vouloir transformer la société en imitant l’histoire, en imitant des symboles. Les expériences d’autres pays, les événements qui appartiennent à l’histoire ne se répètent pas. La clé c’est d’analyser les processus, de tirer les leçons de l’histoire. Et de comprendre qu’à chaque moment de l’histoire, si le “pain et paix” que l’on prononce n’est pas connecté avec les sentiments et les pensées des gens, on ne fera que répéter, comme une farce, une tragique victoire du passé.

L’intervention (traduite ci-dessus) est disponible en version originale ici : https://www.youtube.com/watch?v=6-T5ye_z5i0&feature=youtu.be

Lutter contre le néo-libéralisme
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Non aux APE (Accords de Partenariat = Arrangements pour la Pauvreté Economique) !

par Mamadou CISSOKHO

 

Note de la Rédaction : Les impérialismes, n’arrivant plus à manœuvrer l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ont prévu de contourner l’OMC en tentant des accords bilatéraux et régionaux. D’où la tentative de signature du Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (PtaCI, TAFTA en anglais) entre l’Union européenne et les Etats-Unis, du Partenariat transpacifique pour le commerce et l’investissement (PTpCI) entre les Etats-Unis et 10 pays asiatiques et océaniens, la signature de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne, le projet d’Accord sur le commerce des services entre 23 Etats.
Mais il y a aussi la négociation de l’Accord de partenariat économique (APE) entre l’Union européenne et les 16 pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Voilà ce qu’en dit Mamadou Cissokho, paysan du Sénégal.

Arrangement pour la Pauvreté Economique (APE) des Paysans de la CEDEAO

Aux Présidents de la Commission de la CEDEAO et de l’UEMOA

Messieurs les Présidents,
Un adage nous enseigne que : « si nous nous ne nous occupons pas de nous-mêmes d’autres viendront le faire comme bon leur semblera ! ». La CEDEAO regroupe 15 pays et a un PIB de 675 milliards de dollars en 2013.
Elle compte 300 millions d’habitants en 2014 et selon les prévisions, 425 millions en 2030. Elle fait 5 millions de km2. Elle est la 1ère productrice mondiale de cacao. Elle est une grande productrice de bananes, d’ananas, de gomme arabique, de noix de cajou, d’huile de palme, de céréales, arachide, et bien nantie en produits d’élevage et de pêche, etc. A cela s’ajoute, les grandes richesses minières, forestières et les grands fleuves.
Le processus d’intégration a commencé il y a 35 ans. La population ouest-africaine était estimée alors à 109 millions dont 65% de jeunes. Ceux qui avaient entre 20 et 35 ans à l’époque ont aujourd’hui entre 55 et 70 ans et ils sont toujours en attente de sursauts permettant d’améliorer leurs conditions de vie.
Pourquoi et comment cette région est, et continue d’être victime, de la coopération internationale ?
Est-ce lié au fait que : (i) nous avons été colonisés ; (ii) nous n’avons pas de secteur privé suffisamment consolidé ni d’industries ; (iii) nos monnaies ne nous appartiennent pas ; (iv) nous sommes pauvres ; (v) le discours d’intégration reste théorique à côté des pratiques nationalistes avec une multiplicité de systèmes d’éducation, de santé, d’administration, et de langues officielles ?
Comment expliquer aux paysans de l’Afrique de l’Ouest, eux qui ont été invités dans une méthodologie participative à élaborer les deux politiques agricoles de notre région (PAU et ECOWAP) qui ont mis l’accent sur la réappropriation de notre alimentation, de nos marchés et de notre sécurité et souveraineté alimentaires. Ces politiques qui ont demandé aux paysans de s’engager dans la transformation maîtrisée de leurs systèmes de production…
Comment les convaincre que la compétition avec les produits agricoles de l’Union Européenne va faire leur bonheur en mettant entre parenthèse l’application de ces politiques agricoles ?
Après plusieurs accords et conventions, ceux de Yaoundé et Lomé, celle de Cotonou en 2000 se compose de deux chapitres : (i) « le Fonds Européen de Développement – FED » avec moins de 30 milliards d’euros pour les 77 pays sur 20 ans ; (ii) la négociation pour l’ouverture du marché dénommé « Accords de Partenariat Economique – APE ». Les américains en son temps avaient été plus courageux en disant « Trade, Not Aid ». Notons sur le FED (9ème, 10ème ou 11ème) que sa dotation par habitant et par an a toujours été d’environ 4 euros !
Les ACP, et en tête la CEDEAO, ont préféré le FED au développement de leurs pays. Initialement prévue pour 2007, la signature vient de se faire.
Nos chefs d’Etat nous ont dit à Dakar « une négociation a une limite » !
L’Union Européenne nous a signifié cette limite : « il n’y aura pas de fonds FED si on ne signe pas les APE » !
« Ventre affamé n’a point d’oreilles ! »
Dans toutes nos interpellations, on nous dit que toutes les dispositions sont prises pour un contrôle strict et des normes de rétrocession en cas de besoin… en somme, utiliser les miettes de la signature pour développer nos pays !
Qu’en est-il de notre lutte à l’OMC pour notre coton ?
A notre humble avis, on s’attendait à ce que la CEDEAO cède et signe eu égard au contexte sociopolitique difficile (la guerre civile dans le Sahel, la crise politique en Côte d’Ivoire, les dernières élections au Ghana, Boko Haram au Nigéria, Ebola,…) mais aussi à la pression de l’Europe sur les Etats. Ceci malgré le fait que la raison juridique de l’engagement à l’OMC qui était à l’origine de la légitimité des négociations des APE a pris du plomb dans l’aile :
*  Le Doha Round processus de correction des contradictions dans les négociations sur l’agriculture a été bloqué par le véto USA-Europe ;
*  Ces mêmes puissances se sont engagées dans des négociations commerciales bilatérales.
L’Europe a bien profité de son amitié avec nos régimes pour nous mettre la pression au moment où la stabilité base de développement est menacée. C’est ça « le partenariat aussi » ? Profiter des faiblesses de ses partenaires pour avancer des pions ? … Bravo !
Dans notre région, les peuples sont habitués à des décisions prises sans qu’ils ne comprennent jamais le pourquoi !
Comme le suicide collectif n’est ni permis, ni accepté, à ce jour de la signature des APE, je voudrais tout simplement partager avec vous les responsables, notre désapprobation. Je constate qu’à partir de 2015, nous retournons à « la CEDEAO des Chefs d’Etat », après avoir créé « la CEDEAO des Etats » et espéré « la CEDEAO des peuples » !
Les peuples prendront acte comme ils ont pris acte plusieurs fois au gré des consensus et des politiques contre leurs intérêts.
J’espère que les hommes et les femmes particulièrement les paysans, les paysannes et les militants de l’intégration pour un avenir radieux dans notre région, continueront de résister parce que, dans une partie de l’Afrique, et avec toute l’Afrique, l’apartheid a été vaincu.
C’est cet espoir qui nous fait croire que l’histoire jugera !
Je vous souhaite une bonne fin d’année dans la préparation d’un PASA continu et encadré !

Mamadou CISSOKHO
Le 12 décembre 2014
Exploitant familial à Bamba Thialène (Koumpentoum) Sénégal

Combat laïque
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Pour la création d’un collège public, l'application du code de l’Education est un devoir de l’Etat

par un collectif

 

Le collectif vigilance laïcité de Maine-et-Loire demande à la Ministre de l’Education nationale d’appliquer le code de l’éducation pour imposer au Conseil général de Maine-et-Loire un collège public à Beaupréau. Bien que l’Assemblée départementale soit outrageusement en faveur de l’enseignement privé catholique, le ministère tergiverse. Jusqu’alors il refuse d’user de la législation républicaine en vigueur. Suite aux interpellations de la Région, des associations de parents d’élèves et des militants laïques qui la pressent d’intervenir, Madame la ministre a seulement consenti à envoyer un courrier au Président du Conseil général. Elle lui demande civilement ses intentions sur le dossier. Les optimistes pourraient penser que c’est un premier pas. C’est loin d’être certain. Cette démarche peut simplement consister à se dédouaner. Devant le refus obstiné du Conseil général, le pas décisif sera franchi lorsque Madame la Ministre imposera le collège conformément aux articles L211-3 et R211 du code de l’éducation. Outre la réalisation du collège, la mise en œuvre de ces articles, à la veille d’un nouvel acte de décentralisation, rappellerait opportunément que l’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat sur tout le territoire. A cet effet, les organisations laïques du Maine-et-Loire ont lancé une pétition qu’elles demandent de signer et de diffuser.

Jack Proult, coordonnateur du collectif vigilance laïcité de Maine-et-Loire

http://www.petitions24.net/pour_un_college_public_a_beaupreau

Lire aussi : http://www.leparisien.fr/informations/ces-villages-prives-d-ecole-publique-24-11-2014-4316551.php#xtref=http%3A%2F%2F

Laïcité et féminisme
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Un pavé dans la mare des tenants de la laïcité dite apaisée : «  Baby-Loup, histoire d’un combat. Défendre les femmes et la laïcité »

par Elisa K’Hill

 

Il est toujours tentant de masquer ses renoncements, ou de les minimiser, en les affublant de qualificatifs positifs. Ainsi en est-il des accommodements dits raisonnables pour une laïcité prétendument apaisée, défendus par des débatteurs de salon. Mais la pratique du « vivre-ensemble » ne s’accommode pas de ces faux-fuyants. Et loin des discussions, sur le terrain, il en faut du courage et de la détermination pour tenir tête, quand le voile d’une employée devient l’étendard médiatique des islamistes. Du courage, de la volonté, elle n’en manque pas la directrice de la crèche Baby Loup ! Sa résistance opiniâtre (et souvent solitaire) pour la laïcité a permis une victoire juridique pour tous les laïques (arrêt du 24 juin de la cour de cassation). Et pourtant, il lui faut une fois encore, après avoir cru à la pérennité de la crèche dans de nouveaux locaux, faire appel à des dons pour ce dernier mois de l’année 2014.

Les objectifs assignés à Baby Loup créé en 1991 dans ce quartier délaissé de Chanteloup les Vignes  étaient simples et ambitieux comme une utopie: créer une structure d’accueil 24h/24 et 7j/7 de la petite enfance, tout en permettant l’insertion et la formation des femmes du quartier ; créer un espace de rencontre, viser la mixité sociale et culturelle et ainsi créer des liens de solidarité. Ces objectifs répondaient aux besoins des femmes travaillant majoritairement en emplois précaires, peu qualifiés avec des horaires décalés et atypiques ; les modes de garde classiques ne convenaient pas et les enfants étaient alors gardés à la débrouille. Dans ce quartier réunissant 64 ethnies et 54 nationalités différentes, la laïcité comme principe d’organisation s’est imposé comme une évidence ; la neutralité d’opinion politique et confessionnelle est explicitement inscrite dans le règlement intérieur. Et les enfants ont droit à la musique, à la lecture, à toutes les activités leur permettant de se développer au mieux.

Quels ont été et quels sont les opposants à ce superbe projet ? Comment et pourquoi une sage-femme, réfugiée chilienne après le coup d’état de Pinochet s’acharne-t-elle à transformer la réalité pour des femmes et des enfants ? Le livre écrit par Luce Dupraz, préfacé par Elisabeth Badinter et postfacé par Caroline Eliacheff ,1 apporte quelques réponses, parfois surprenantes.

La crèche a des financements pour les années 2015 et 2016, mais il reste à passer le cap de décembre 2014. Les dons à l’association Baby Loup sont déductibles en partie des impôts, pour ceux qui sont imposables. Ils sont à adresser à : Crèche Baby Loup, 1 rue Camille Pelletan, 78700 Conflans Sainte Honorine. Libeller à l’ordre de Baby-Loup.

Baby-Loup – Appel aux Dons 2014

  1. Le livre Baby-Loup, histoire d’un combat. Défendre les femmes et la laïcité , éditions ERES, collection 1001 BB, ISBN 978 2 7492 3194 5, 13€ – est disponible dans les bonnes librairies militantes ou sur demande à l’adresse suivante : Crèche Baby Loup, 1 rue Camille Pelletan, 78700 Conflans Sainte-Honorine. []
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Vidéo "Jean Jaurès : l'évolution révolutionnaire", par Jean-Paul Scot

 

Filmé lors de l’université d’automne 2014 du M’PEP. Source : http://www.m-pep.org/spip.php?article387

Voir aussi l’article de ReSPUBLICA http://www.gaucherepublicaine.org/respublica/pour-une-contre-histoire-du-socialisme-de-jaures/7390430

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"La Mission", de Heiner Müller, au Théâtre national de la Colline

par Brigitte Rémer
http://www.zerodeconduite.net/

 

En collaboration avec l’association 0 de Conduite

Ecrite en 1979, la pièce dont le sous-titre est Souvenir d’une Révolution, traite d’un épisode avorté de la Révolution française. L’auteur pourtant ne la situe pas dans le temps mais brouille les pistes, superposant les lieux, les personnages et les époques, et travaille sur la remémoration.

Trois émissaires de la Convention : Sasportas (Jean-Baptiste Anoumon), Galloudec (Claude Duparfait) et Debuisson (Charlie Nelson) sont envoyés à la Jamaïque pour organiser le soulèvement des esclaves et porter les idéaux définis par la France, à savoir l’abolition de l’esclavage. Par la voix de Debuisson décidé à changer le monde, puis par sa relecture des événements, se profilent la Révolution trahie et l’échec annoncé. La traîtrise de l’un d’eux, la duplicité et la désagrégation des deux autres, accompagnent l’arrivée de Napoléon et le retour de l’esclavage.

L’auteur, Heiner Müller, est originaire de RDA et avait fait le choix d’y rester pour des raisons politiques et personnelles même si ses parents avaient émigré assez tôt à l’Ouest. Dès le début des années 60 ses écrits furent soumis à la censure et il fut exclu de l’Union des écrivains. Sa reconnaissance s’est ainsi faite à partir des pays d’Europe de l’Ouest et ce n’est qu’en 1980 que la RDA cessa de l’ignorer et le réhabilita. Heiner Müller a travaillé avec le Berliner Ensemble pour lequel il a signé des mises en scène, dont La Résistible ascension d’Arturo Ui. Souvent jouées en France, ses pièces – Quartett, Hamlet-Machine, Médée Matériau, Œdipe-tyran entre autres – puisent dans les mythes et établissent ce qu’il appelle « un dialogue avec les morts ».

Avec La Mission, c’est l’Histoire qu’il pétrit. Elle est présentée ici dans une mise en scène sobre, conduite par une sorte d’imposante machine à remonter le temps (signée d’Olafrer Altmanune, scénographe). Comme les ailes d’un moulin qui ne s’arrête jamais et pourrait tout broyer, ou comme une roue à eau qui ramasse tout sur son passage, la machinerie fait surgir des entrailles de la terre les personnages, ces héros du passé, et les y renvoie. Le travail se présente par séquences jusqu’à ce qu’un long monologue coupe la pièce et mette en scène un homme bloqué dans un ascenseur entre le second et le huitième étage, qu’il n’atteindra jamais. L’homme s’épuise et philosophe jusqu’à ce qu’il lâche prise, l’entretien d’embauche auquel il était convié et tous ses espoirs, s’éloignent, il se prend alors à rêver et à voyager, sorte d’homme-oiseau, jusqu’à se retrouver au Pérou. L’acteur, Stefan Konarske, de langue allemande – judicieusement surtitrée – est excellent, figure emblématique qui fait ressurgir certains fantômes. Le moment nous éloigne de la logique historique vers laquelle l’auteur s’engageait et du parcours de Debuisson, il est de grande intensité, comme une « coupure dans le temps, dans la topographie et dans le rêve » dit le metteur en scène.

Michael Thalheimer, un des metteurs en scène les plus marquants de la scène allemande actuelle, s’interroge ici sur l’Histoire française : « Ce qui me paraît certain c’est que dans notre réalité sociale, nous avons échoué face à toute pensée révolutionnaire » dit-il. Il avait présenté en 2010, sur ce même plateau du Théâtre National de la Colline, Combat de nègres et de chien de Bernard-Marie Koltès qui traitait métaphoriquement du passé colonial et prépare Légendes de la forêt viennoise du dramaturge autrichien Odön von Horváth (Geschichten aus dem Wiener Wald).

Créée en France en 1982 par Philippe Adrien, la pièce n’est pas facile à piloter car la mission en elle-même reste floue et nous perdons par moments les personnages. Mais l’essentiel de la métaphore sur le désenchantement politique et sur un monde qui se délite sont bien là, et la portée politique du message nous place exactement face aux questionnements d’aujourd’hui.

Vu au Théâtre National de La Colline, surtitré en français
Le texte de la pièce est publié aux Editions de Minuit