A la une
Rubriques :
  • Economie
  • Europe
  • ReSPUBLICA

Doubler l’euro par des monnaies nationales, ultime fausse solution des myopes de l’économie

par Michel Zerbato
Universitaire.
Auteur de "Néolibéralisme et crise de la dette, aux éditions "Osez la République Sociale"

 

Dans une tribune parue le 15 mars dernier dans Libération, sous le titre « L’euro-drachme, ballon d’oxygène pour la Grèce », Thomas Coutrot, co-président d’Attac, Wojtek Kalinovsky, co-directeur de l’institut Veblen et Bruno Théret, de l’IRISSO de Dauphine, prétendent que la Grèce pourrait soulager la contrainte que fait peser l’euro sur sa situation sociale en émettant en complément de la monnaie légale de la zone euro, une monnaie nationale parallèle, l’euro-drachme.
Ils démarquent là une précédente proposition de Nouvelle Donne, qui était de créer un euro-franc qui circulerait parallèlement à l’euro1. Cependant, l’idée d’une telle solution pour la Grèce n’est pas nouvelle : dès l’automne 2012, à l’invitation du consul général allemand à Thessalonique et de la fondation Konrad Adenauer, une délégation de la région de Chiemgau (en Bavière) était allée présenter le fonctionnement de sa monnaie régionale, le Chiemgauer, comme base possible d’une alternative à l’usage de l’euro2. Il s’agirait simplement ici de passer au niveau national. 

Une telle euro-monnaie, euro-franc, euro-drachme, euro-lire, etc., serait ainsi une sorte de monnaie régionale instituée au niveau national, elle serait émise et gérée par l’État et elle fonctionnerait sans banque. Elle ne servirait globalement qu’à régler les achats de biens ou services et les impôts, elle ne pourrait donc pas être thésaurisée et devenir objet de spéculation.
Selon ses promoteurs, la mise en service de cette monnaie permettrait au pays de reprendre en main l’outil de la politique monétaire que l’institution de l’euro lui a ôté. Ainsi protégé par le bouclier de l’euro-monnaie, le pays pourrait échapper à l’austérité et à ses méfaits, déflation, chômage, etc.

Mais l’avantage qu’il y aurait à doubler l’euro par une euro-monnaie nationale n’est pas établi par ses thuriféraires. Ils évoquent diverses expériences régionales, passées ou en cours, mais hors la foi, rien ne leur permet d’affirmer qu’étendues à un pays elles lui permettraient de mieux combattre la crise sociale. Car il y a un grand pas du régional dans une nation au national dans une zone monétaire, un grand pas qu’une simple transposition ne saurait franchir, ne serait-ce que parce qu’au niveau régional, la solidarité peut s’instaurer entre intérêts individuels allant dans le même sens, alors qu’au niveau national elle doit surpasser des intérêts de classe totalement opposés.
La faiblesse fondamentale de la théorie sous-jacente à cette proposition est qu’elle repose sur une conception totalement idéaliste de l’euro : affirmer d’une euro-monnaie nationale que « son adoption changerait le rapport de forces entre la Grèce et ses créanciers », qu’elle permettrait de ne pas « passer sous les fourches caudines de Bruxelles ni abandonner l’euro », c’est totalement méconnaître la nature de l’euro. L’euro n’est pas une monnaie fédérale sur le modèle du dollar par exemple, c’est une monnaie unique pour une zone internationale sur le modèle de l’or pour les pays adhérents au bloc or des années trente par exemple. Les États-Unis sont une nation, pas l’eurozone, c’est la raison pour laquelle les nations faibles de l’eurozone ont perdu la souveraineté monétaire au profit des nations fortes. Keynes l’avait bien analysé dès les années vingt : à travers une monnaie unique, l’or en son temps, la nation la plus forte, les É-U en son temps, impose ses prix aux autres, expliquait-il, et avec le retour à l’étalon or, l’emploi en Grande-Bretagne sera déterminé par les conditions de production du maïs et du jus de fruit américains3.
C’est par cette mécanique que l’Allemagne peut imposer son intérêt national, certes contradictoire, dans la conduite des affaires européennes. Dans la mesure où il s’oppose à toute idée d’Europe sociale, fédérale ou encore des transferts, il ne suffira pas que chaque pays mette son grain de SEL pour que la soupe euro devienne bonne.

Ces propositions de solution des difficultés européennes par création d’euro-monnaies s’inscrivent dans un avatar de la vision globale « keynésienne » d’une sortie de crise par une réorientation des politiques européennes vers la distribution de pouvoir d’achat. Ici, ni sortie de l’euro, ni réorientation de l’Europe, mais autonomisation des politiques nationales, non pas grâce à une monnaie convertible avec l’euro monnaie commune, mais grâce à une monnaie purement véhiculaire, qui ne sert qu’à régler des achats4.

On a là, en fait, un mixte de diverses doctrines qui circulent à gauche de la gauche, principalement keynésianisme standard et revenu d’existence. L’idée générale en est qu’en permettant d’échapper à la contrainte de compétitivité que la mécanique de l’euro fait peser sur la politique économique, cette émission de monnaie nationale permet de distribuer du pouvoir d’achat complémentaire ouvrant des débouchés pour les capacités de production inutilisées.
Pour ces keynésiens atterrés, il n’y a pas de crise structurelle du capitalisme, comme disent les marxistes, pas de crise de l’offre comme disent les libéraux, juste une crise de la demande due à la raréfaction des débouchés. D’où vient cette raréfaction ? de mauvaises de politiques économiques, de prévalence des intérêts financiers, de malformations de l’euro, etc., mais certainement pas d’une baisse tendancielle du profit.
À travers Keynes, cette doctrine renvoie en réalités aux vieilles utopies monétaires à la Silvio Gesell (la monnaie libre car fondante) et autre Jacques Duboin (abondancisme monétaire et distributivisme) : si on réduit la monnaie à sa pure dimension véhiculaire de pouvoir d’achat, plus de thésaurisation, plus de finance, plus de spéculation, plus de crise de débouchés, plus de crise tout court. La monnaie au service du marché, pas l’inverse, et l’homme au centre.

Hier, ces idées avaient inspiré le bancor du Plan Keynes de 1943 en vue de la refonte du système monétaire international : sans contrainte de transferts de devises, les nations à balance des paiements déficitaires ne seraient plus tenues de casser les salaires. Aujourd’hui, on les retrouve derrière les fariboles autour du revenu d’existence : émettre de la monnaie crée le pouvoir d’achat correpondant, c’est-à-dire la richesse correspondante. Ainsi, payer les fonctionnaires avec un euro-franc, monnaie publique, ferait apparaître dans le circuit économique une richesse de même valeur que le service public rendu par le fonctionnaire.
Keynes avait théorisé cela via le principe dit du multiplicateur, ou de la demande effective : la demande de l’un incite l’autre à en produire l’objet, ce qui a pour effet l’embauche de salariés pour la production de marchandises et la distribution du pouvoir d’achat correspondant. Tout est pour le mieux dans le meilleurs des mondes possibles, pourvu que rien ne grippe le mécanisme. Ce qui arrive quand on salarie des non-producteurs de richesse, puisqu’alors on distribue du faux pouvoir d’achat qui devra être pris sur le profit. C’est ainsi qu’une crise du profit, à la suite du ralentissement structurel des gains de productivité, a mis fin aux « 30 glorieuses ». C’est pour éliminer cette empêcheuse de penser en rond qu’il faut postuler que toute distribution de monnaie est une distribution de pouvoir d’achat, que l’on peut donc compléter la monnaie émise dans la production, par les banques pour les entreprises, par une monnaie émise pour réanimer le marché.

Ainsi, dans nos économies capitalistes vues comme économies de marché, simplement monétaires, plus de conflit capital-travail grâce à la complémentarité entre la monnaie fédérale commune, l’euro, et les monnaie locales, l’euro-franc, l’euro-lire, l’euro-drachme, etc. : patacons ou pâte à cons ?
Pour ces thuriféraires, l’antagonisme capital-travail est évacué, on peut chercher la solutions aux problèmes économiques et sociaux sans changer le rapport social de production. C’est l’erreur de ceux qui, dans l’Autre gauche, ne veulent pas voir que les lois de l’économie ne se réduisent pas à celles du marché, que la société capitaliste est une société de classes et que la monnaie est une institution politique aux mains de la classe dominante. Ce n’est qu’en se guérissant de cette funeste extrême myopie que la gauche de la gauche deviendra une gauche de gauche apte à comprendre le monde en vue de le transformer.

  1. ]
  2. ]
  3. Trotsky avait de même noté qu’à la fin du 19e siècle, la condition des paysans russes dépendait de la qualité de la récolte américaine de blé. []
  4. Tout cela peut paraître bien abstrait et mériterait de bien plus amples développements, c’est que, comme le notait déjà Disraeli, les affaires monétaires sont encore plus compliquées que celles concernant l’amour. []
A lire, à voir ou à écouter
Rubriques :
  • A lire, à voir ou à écouter
  • Laïcité
  • Religions
  • ReSPUBLICA

« Plaidoyer pour la fraternité », d'Abdennour Bidar

par Pierre Hayat

 

A. Bidar, Plaidoyer pour la fraternité

« Que faire ? » : la question surgit quand une analyse lucide révèle la complication d’une situation et qu’on veut agir comme il convient. Dans son dernier livre, Plaidoyer pour la fraternité1, paru en février dernier, le philosophe Abdennour Bidar pose cette question au lendemain des attentats meurtriers et de la mobilisation de janvier 2015. Si les républicains sont accoutumés à associer la liberté et l’égalité pour porter leur projet, la fraternité est souvent contournée, suspectée d’idéalisme et de sensiblerie impropres à un monde de violences. À ce prétendu réalisme, Abdennour Bidar substitue, dans un contexte d’urgence, l’idéal concret de la fraternité. Aujourd’hui, si les républicains se contentent de réclamer des réponses sociales et institutionnelles qui tardent à venir, il faut se préparer en France à une partition entre communautés fermées, susceptible à tout moment de virer en guerre civile. Les attentats sidérants des 7, 8 et 9 janvier nous ont aussitôt jetés devant cette question : Comment des jeunes nés et grandis en France ont-ils pu basculer dans cette barbarie ? Il y eut ensuite les marches historiques du 11 janvier qui marquèrent un refus du fanatisme et un élan pour la liberté d’expression. Mais après cette levée d’un jour, que faire ? Telle est la question que pose Bidar, observant que l’opposition stérile des « Je suis Charlie » et des « Je ne suis pas Charlie » interdit d’imaginer que la France de 2015 serait durablement rassemblée autour de ses principes fondateurs. Deux sacrés semblent à nouveau s’affronter : la liberté d’expression et le religieux. Du coup, la laïcité a la tâche d’inventer de nouvelles solutions. Car si sa première exigence est la liberté de conscience et d’expression, sa vocation historique est de rassembler le peuple.

Aujourd’hui, la laïcité est dénigrée par ceux qui y voient un moyen de combattre l’islam et elle est trahie par ceux qui l’utilisent comme arme de repli identitaire. Elle offre pourtant à tous, croyants et non-croyants, les mêmes droits. Abdennour Bidar qui est aujourd’hui l’un des meilleurs serviteurs de la laïcité, comme rédacteur et propugnateur de la Charte de la laïcité à l’École, explique que la France laïque lui a permis de cultiver librement son rapport à l’islam. Il rappelle aussi que l’assassinat du policier prénommé Ahmed, lâchement abattu par l’un des tueurs en fuite après le massacre de Charlie Hebdo, a confirmé par l’absurde la compatibilité de l’islam avec la République laïque. Mais cela ne le conduit pas à nier la réalité de l’islamisme terroriste, cancer de l’islam, en France et dans le monde. La bonne conscience du musulman qui croit se défendre du mal qui mine de l’intérieur sa religion en assurant que l’islamisme ne le concerne pas, est interpellée. Quant à l’idéologie aveugle d’une gauche qui a renoncé à ses principes, ne voyant dans l’islamisme qu’un problème socio-économique et la sanction implacable du colonialisme du siècle dernier, elle oublie que toutes les religions, islam compris, peuvent provoquer des ravages destructeurs. Ce déni de la nocivité de l’islamisme trouve en miroir la suspicion inculte d’un islam irrémédiablement incompatible avec la démocratie et les droits de l’homme. Bidar montre qu’on ne sort pas de cette opposition mortifère en réclamant une intégration de l’islam dans une France supposée harmonieuse, sommée d’assimiler un corps étranger. La problématique est plutôt la réactivation de la puissance intégratrice de la laïcité dans une France atteinte par les fragmentations et les inégalités produites par l’ultra-libéralisme, très au-delà de la situation des jeunes issus de l’immigration. « Aujourd’hui, écrit Bidar, nous avons tous besoin d’intégration. » Et, selon lui, le cœur de la réponse à cet urgent besoin réside dans la fraternité. Sans la fraternité, la France de la liberté et de l’égalité ne serait pas un territoire où tous sont ensemble quels que soient leur couleur de peau, leurs croyances religieuses, leur athéisme, leur terroir régional ou le pays de leurs ancêtres. On voit pourquoi l’une des tâches de la France laïque contemporaine est d’aider les musulmans à se débarrasser, par l’étude libre, de ce que l’islam a d’archaïque, répressif et dogmatique.

Reste une question à laquelle les fondateurs de la laïcité française s’étaient déjà confrontés : comment les valeurs de la République peuvent-elles inspirer les esprits pour devenir des puissances unificatrices de la société ? Assurément, l’instruction est un des vecteurs de ce processus mais elle n’a jamais suffi. Abdennour Bidar reprend le problème sous l’angle de la fraternité, comme valeur de socialité trouvable dans la solidarité, l’amitié, l’entraide, l’amour, la coopération, la générosité… Il montre que l’horizon de la fraternité humaine est l’envers positif des combats contre la haine, le racisme, les discriminations. À l’inverse des cyniques pour qui fraternité rime avec naïveté, Bidar rappelle que la fraternité engage l’idée d’universalité humaine ; qu’elle dépasse le cadre immédiat de la famille et de la communauté et, sans rien imposer, se construit par la raison et l’imagination. Elle se révèle à celles et ceux qui édifient ensemble une œuvre commune. « Force-les de bâtir ensemble une tour et tu les changeras en frères », écrivait Saint-Exupéry. Éminemment positive, la fraternité laïque peut rassembler croyants, agnostiques et athées, tous capables d’y retrouver une part de leur horizon intellectuel et moral. Elle pulvérise les raisonnements tordus des charlatans sociologues, adeptes des communautarismes qui sélectionnent les discriminations et les racismes à coups de ressentiments. Associée à la liberté et à l’égalité pour former la devise républicaine, soutenue par la rationalité critique qui lui apporte son exigence philosophique, la fraternité est aujourd’hui l’indispensable de la laïcité. Le livre se conclut par dix propositions pour une France fraternelle : sur les ghettos, l’islam, l’école, un service civique obligatoire… La huitième proposition invite à « retrouver l’esprit des mouvements d’éducation populaire », outils intellectuels et lieux de solidarité autour d’idéaux partagés ; concrétisation vivante d’une fraternité sociale et républicaine.

  1. A. Bidar, Plaidoyer pour la fraternité, Albin Michel, 2015, 111 p., 6 €. []
Politiques austéritaires néolibérales
Rubriques :
  • Combat social
  • Economie

Tout à la baisse sur le front du travail, pour les salariés !

par Bernard Teper
Co-animateur du Réseau Éducation Populaire (REP). Co-auteur de : Néolibéralisme et crise de la dette ; Contre les prédateurs de la santé ; Retraites, l'alternative cachée ; Laïcité: plus de liberté pour tous ; Penser la République sociale pour le 21e siècle ; Pour en finir avec le "trou de la Sécu", repenser la protection sociale du 21e siècle.

 

L’INSEE contredit la direction de la CFDT : les salaires baissent !

L’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a contredit les propos de laurent berger, déclarant que nous ne sommes pas dans une politique d’austérité avec baisse des salaires. L’Insee, dans sa note Insee première n° 1528 de décembre 2014, a montré qu’en 2012, le salaire mensuel en équivalent temps plein (EQTP) d’une personne travaillant soit dans une entreprise publique soit dans le secteur privé est en moyenne de 2 870 euros bruts et de 2 154 euros nets de tous prélèvements à la source. Le salaire net a augmenté de 1,6 % en euros courants. Compte tenu de l’inflation de 2 %, le salaire net moyen a baissé de 0,4 %. Le salaire net médian s’élève à 1 730 euros par mois soit 19,7 % de moins que le salaire net moyen. L’écart de salaires entre hommes et femmes en EQTP est encore de 19,2 % à secteur d’activité, âge, catégorie socioprofessionnelle, condition d’emploi donnés.

Le syndicalisme revendicatif dans la tourmente

Alors que les politiques d’austérité sont de plus en plus fortes, le syndicalisme revendicatif recule. Il apparaît de plus en plus nécessaire d’avoir une analyse plus fine de ce phénomène. Le recul de la CGT, de Solidaires et de la FSU pose des problèmes considérables à tous ceux qui restent attachés au chemin de l’émancipation. Le recul de la CGT dans les dernières élections professionnelles dans les grandes entités est de ce point de vue préoccupant. Son score recule dans la fonction publique de 25,4 % à 23,1 %, à la Poste de 29,3 % à 26,5 %, à la SNCF de 37,3 % à 35,6 %, à EDF de 54,8 % à 50,5 %, à Airbus de 10,3 % à 6,7 %, à Air France de 18,1 % à 14,3 %, à PSA Sochaux de 49,9 % à 45,3 %, à Renault de 28,8 % à 25,2 %. Peut-on se satisfaire de la seule amélioration chez Toyota de 22,1 % à 24,6 % ? Il conviendra que Respublica dans les mois qui viennent se penche sur cette évolution dramatique. Car le renforcement des syndicats qui soutiennent les politiques néolibérales austéritaires n’est pas de bon aloi pour l’avenir.

Une fois de plus, le gouvernement au secours du patronat dans le démantèlement des instances représentatives des salariés

Les « partenaires sociaux » n’ayant pas pu se mettre d’accord, le gouvernement décide d’aller dans le sens du patronat contre les syndicats avec un maître mot : « la simplification ». Le gouvernement veut simplifier. Avec l’idée suivante : moins les salariés sont protégés, plus grande sont les chances de croissance ! Et comme les instances représentatives des salariés en Allemagne sont meilleures pour les salariés, on ne nous parle plus « du modèle allemand ». Pour le système néolibéral, le mieux pour les salariés français est le moins-disant social ! Ce qui est à l’œuvre est la volonté néolibérale de supprimer la possibilité pour les comités d’entreprise de contrôler la marche de l’entreprise et d’en faire la courroie de transmission des projets des actionnaires. C’est cela que les néolibéraux appellent la volonté de « simplification ». Suppression des expertises indépendantes du patronat, réduction du nombre d’élus, des heures de délégation, craintes à avoir pour l’indépendance salariale des budgets des activités sociales, etc., voilà le projet du gouvernement « socialiste ». Sûr que l’UMP fera de la surenchère ! Une fois de plus, on remarque le caractère réactionnaire de ce gouvernement. D’ailleurs depuis trente ans, chaque gouvernement fait pire que le précédent. Alors que l’exigence populaire voudrait que la démocratie ne s’arrête pas à la porte de l’entreprise, les « alternants » néolibéraux veulent supprimer ce qui reste de l’indépendance salariale dans l’entreprise pour mieux « casser les salaires », seule voie du capitalisme pour s’opposer aux lois tendancielles qui le gouvernent. S’opposer au néolibéralisme, c’est comprendre que nous devons nous opposer au capitalisme lui-même.

La loi Macron, un pas de plus pour renforcer le pouvoir des actionnaires et du patronat

Une vidéo explique bien la réalité de la loi Macron. C’est celle de Gérard Filoche, déjà signalée par Respublica . Elle liste utilement les mesures de dévastation méthodique du champ social, il fait apparaître à qui veut le voir que le travail du dimanche n’est qu’un leurre, un épouvantail habilement mis en avant pour masquer l’essentiel : la dérégulation. Cette vidéo est une bonne base de départ pour le travail d’éducation populaire. Mais il faut aller plus loin. Notre partenaire, le Réseau Education Populaire (REP), explique que derrière la dérégulation, il y a la casse des salaires nécessaire au capitalisme pour contrarier la loi de baisse tendancielle du taux de profit dans l’économie réelle – qui n’est plus tendancielle depuis les années 70. La solution n’est donc plus dans la régulation du capitalisme mais bien dans la contestation du capitalisme lui-même. Là est le vrai débat. C’est là que nous nous séparons des économistes dits atterrés. Car dans le capitalisme actuel, la dérégulation est nécessaire pour que puise continuer l’accumulation du capital avec des taux de profits élevés. Il est vrai que le keynésianisme a pu fonctionner dans les phases précédentes de l’histoire, en période d’accumulation dynamique du capital. Mais la logique du capitalisme est arrivée à un stade où, quoi qu’on en pense, seul le néolibéralisme peut continuer à faire fonctionner le capitalisme. Car dans le capitalisme, on investit que lorsque les taux de profit sont à l’horizon. On n’investit pas dans l’économie capitaliste grâce à une aide de l’Etat ou par simple volonté des dirigeants. Aujourd’hui, le keynésianisme ne répond plus aux exigences du patronat en matière d’accumulation et de taux de profit. Pour pouvoir utiliser certaines idées du keynésianisme, il faut préalablement sortir du capitalisme, ce qui est une autre histoire. La marche est plus haute à franchir mais c’est la seule façon de la franchir. En résumé, nous vous conseillons de ne pas en rester à la juste indignation développée par G. Filoche et de continuer la compréhension du réel par l’étude des lois tendancielles du capitalisme, afin de saisir qu’aujourd’hui la lutte pied à pied contre les politiques d’austérité et les démantèlements des acquis sociaux doit s’effectuer dans une démarche anticapitaliste, sans quoi notre action est inopérante.

Politiques austéritaires néo-libérales
Rubriques :
  • Europe
  • Laïcité
  • Politique
  • ReSPUBLICA

Et pendant ce temps-là

par Bernard Teper
Co-animateur du Réseau Éducation Populaire (REP). Co-auteur de : Néolibéralisme et crise de la dette ; Contre les prédateurs de la santé ; Retraites, l'alternative cachée ; Laïcité: plus de liberté pour tous ; Penser la République sociale pour le 21e siècle ; Pour en finir avec le "trou de la Sécu", repenser la protection sociale du 21e siècle.

 

En demi-teinte

Grèce : L’accord du 20 février entre le gouvernement grec et les institutions de la Troïka n’a fait que prolonger de 4 mois le plan d’aide des néolibéraux à la Grèce. La centralisation des avoirs de la Grèce (notamment des avoirs de la sécurité sociale mais pas seulement) organisé par Varoufakis permettra à la Grèce de tenir probablement jusqu’à la fin du semestre. Cela donne du temps au gouvernement grec de se préparer à la suite de son histoire. Si les directions néolibérales de l’Union européenne, du FMI et et de la BCE décident d’écraser Syriza et de l’acculer au défaut de paiement et donc à terme de sortir de l’euro, le risque de déflagration dans l’Union européenne est loin d’être nul. A contrario, une position plus conciliante a comme risque pour les néolibéraux de favoriser la montée des mécontentements, notamment en Espagne qui entre dans une période électorale intense. Voilà l’éclairage du côté de nos adversaires. Espérons que le gouvernement grec se prépare à toutes les possibilités sans en écarter aucune.
En tout état de cause, sauf à vouloir écraser Syriza, ce qui reste malheureusement possible, il n’y a pas de solutions à court terme sans annulation partielle de la dette comme la France en a bénéficié à la Libération et l’Allemagne en 1953. Pour les solutions à long terme, nous pensons que la sortie du capitalisme et pas seulement de l’euro ou de l’Union européenne devra être envisagée

Bons points

Grèce encore – Une commission d’audit de la dette sera mise en place par la présidente du parlement grec, Zoé Konstantopoulou. Comme en Equateur, en Argentine et en Islande, la bataille pour la restructuration de la dette est engagée. La coordination sera effectuée par Eric Toussaint1 qui avait participé à la commission d’audit de la dette équatorienne en 2007 et 2008. Elle sera composée de 15 Grecs et de 15 étrangers. « L’objectif est de déterminer l’éventuel caractère odieux, illégal ou illégitime des dettes publiques contractées par le gouvernement grec », le peuple « a le droit de demander que la partie de la dette qui est illégale – si cela est avéré à l’issue de la commission – soit effacée », a déclaré la présidente du parlement grec.

Eric Toussaint estime quant à lui que cette commission ne fait qu’appliquer le point 9 de l’article 7 du règlement 472 adopté par la commission européenne et le parlement européen qui stipule : « Un État membre faisant l’objet d’un programme d’ajustement macroéconomique réalise un audit complet de ses finances publiques afin, notamment, d’évaluer les raisons qui ont entraîné l’accumulation de niveaux d’endettement excessifs ainsi que de déceler toute éventuelle irrégularité. »
Sofia Sakorafa, ex-Pasok, aujourd’hui députée européenne Syriza fera le lien avec le Parlement européen

Mauvais points

PS France : Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, soutenu par le PS, a présenté son rapport anti-laïque sur la « cohésion républicaine ». Nous posons une question : ce gouvernement veut-il supprimer la séparation des églises et de l’Etat ? Cela en prend le chemin. Il préconise que l’Etat développe l’enseignement privé confessionnel musulman, incite à l’édification de nouveaux lieux de culte, renforce la formation, en France, des imams et des aumôniers, crée une instance de dialogue avec les représentants de l’Islam de France. Après la laïcité ouverte et la laïcité plurielle de la Ligue de l’enseignement, la laïcité positive de Sarkozy, voilà la « laïcité d’inclusion » des Hollande-Valls-Cazeneuve. En attendant peut-être un nouveau concordat ?2

Programme d’austérité 2015 pour la France : Comme nous l’avons prédit, les politiques d’austérité augmente la dette publique par rapport à la richesse nationale annuelle (PIB). Le déficit public pour 2014 s’élève donc à 4,4 % du PIB. Donc pour 2015, le gouvernement néolibéral Hollande-Valls prévoit 9,6 milliards de moins pour la Sécurité sociale (bonjour les prestations sociales et les retraites !), 3,6 milliards de moins pour les collectivités locales, 7,7 milliards de moins pour l’Etat et les services publics. Rassurez-vous, les dividendes pour les actionnaires sont au plus haut pour le CAC 40. Et les bénéfices des multinationales du CAC 40 n’ont augmenté que de 33 % en 2014 ! Donc conclusion : tout va bien puisque c’est toujours moins pour la grande majorité des citoyens et de leurs familles, toujours plus pour les actionnaires des multinationales et toujours plus de dette publique. Et comme c’est « la grande bourgeoisie qui tient l’Etat par la dette », l’exploitation, la domination et l’expropriation peuvent continuer.

  1. Voir l’entrevue par la RTBF d’Eric Toussaint sur]
  2. Lire ]
Débats
Rubriques :
  • Débats
  • Religions

« Charlie », l’islamisme radical et nous

par Michel Rogalski
économiste, EHESS-CNRS, directeur de la revue Recherches internationales.
http://www.recherches-internationales.fr/

Source de l'article

 

Alors que l’opération commando planifiée contre Charlie hebdo et l’Hypercasher faisait une quinzaine de victimes et laissait la France pétrifiée d’horreur et dans un état de sidération, les médias et les analystes se lançaient dans la recherche d’explications. Plusieurs jours furent nécessaires pour préciser la nature de l’acte et en démêler les principaux fils. Pourtant dans l’heure qui suivit, grâce à la carte d’identité retrouvée dans un véhicule des fuyards, la police savait et était en mesure d’identifier l’origine des coupables, leur affiliation et le sens de leur geste.

L’indicible était là. Les conflits du Moyen-Orient venaient de s’importer de façon sanglante dans un pays qui s’en croyait à l’abri. Trente années d’interventions étrangères, doublée de la plus grande guerre de religion que le monde arabo-musulman n’ait jamais connue, ajouté à l’interminable conflit israélo-palestinien ont plongé cette région, gorgée d’armes, dans un indescriptible chaos.

On laissa les commentateurs faire assaut d’analyses. Vint d’abord le temps des psychiatres, car un tel acte ne pouvait provenir que de déséquilibrés dont il convenait de préciser le processus de radicalisation, puis celui des sociologues qui eurent à cœur de décrire la révolte des humiliés ghettoïsés, voire apartheidisés, en situation d’échec d’intégration en ciblant la population musulmane des « quartiers » ou en évoquant les émeutes de 2005. Et enfin, quand l’évidence s’imposa, la connexion moyen-orientale avec des réseaux djihadistes internationaux fut avancée. Avec précaution, car on la sait explosive.

Les sondages ont salué la maîtrise de l’événement par les responsables de l’exécutif. En effet, six millions d’immigrés d’origine musulmane, de différentes générations, la plupart Français, vivent sur notre territoire. Et l’on put craindre des manifestations de xénophobie avec ses cortèges de lynchages ou de ratonnades ramenant au goût du jour le vieux fond d’un empire colonial. Au-delà de quelques dégradations et graffitis antimusulmans, il n’en fut rien et le pire fut évité. Au contraire, cette communauté fut regardée en victime de radicaux intégristes prétendant agir au nom de sa foi. Parfois même maladroitement, lorsque certains lui demandèrent d’exprimer, en tant que communauté constituée, sa réprobation des actes commis laissant à entendre sous forme subliminale une responsabilité collective, allant ainsi au devant de l’attente des intégristes qui recherchent l’affrontement communautaire dont ils se nourrissent. Car c’est tomber dans le piège tendu que de demander à une communauté désignée de faire acte de contrition en exhibant un certificat de bonne moralité républicaine.

Il est indéniable que les populations d’origine maghrébine et africaines se réclamant majoritairement de l’islam sont l’objet de discrimination en France. Une récente note du Centre d’analyse stratégique le reconnaît et en cerne l’importance pour les jeunes en matière d’emploi et de logement notamment. Ceci n’explique nullement les actes criminels qui ont été commis les 7 et 8 janvier. Leur source réside dans le chaos militaire et religieux qui affecte le Moyen-Orient depuis des décennies et son extension au Sahel.

Et cela nous affecte. Non pas parce que la population musulmane de France serait moins bien intégrée que d’autres, mais parce qu’à l’heure de la mondialisation et des techniques modernes de la communication, elle vit une double allégeance, un regard tourné vers le monde musulman et les débats qui le traversent. La mondialisation n’uniformise pas, elle permet, voire encourage, toutes les expressions identitaires. Cette population a depuis longtemps fait la preuve de son attachement à l’essentiel des valeurs républicaines et revendique une meilleure intégration mais aucunement une dissidence. Elle n’hésite pas à se métisser. S’il faut s’inquiéter des centaines de jeunes en partance pour le djihad en Irak-Syrie, il convient de noter que d’autres pays européens fournissent des contingents plus étoffés à partir de très faibles populations d’origine musulmane. Il faut remarquer que si le conflit israélo-palestinien « travaille » la population musulmane de France et contribue à y alimenter un antisémitisme, aucun partant pour le djihad n’a rejoint ce terrain de conflit, confirmant bien la dimension essentiellement religieuse de la décision.

L’adhésion à un radicalisme islamique qui professe une lecture littéraliste de la religion et un retour à ses sources non contaminées trouve son origine dans la multiplication des interventions étrangères qui se sont abattues sur la région. Lorsqu’en décembre 1979 l’Union soviétique envahit l’Afghanistan pour se porter au secours du régime marxiste de Kaboul, elle n’avait certainement pas conscience des conséquences de cette intervention. Face à son échec, l’armée soviétique dut replier en 1988 en laissant un pays contrôlé à 80 % par les Talibans et les milliers de djihadistes accourus des pays arabes pour donner un coup de main avec l’aide financière et militaire américaine. Le régime de Najibullah laissé en place par les Soviétiques tint à peine deux ans. Une chape de plomb tomba alors sur le pays qui vit accourir les djihadistes se mettre au service d’Al-Qaïda, tandis que les plus expérimentés repartirent essaimer dans différents pays pour professer leur vision de l’Islam. L’Algérie fut le premier pays touché par l’onde de choc et connut une terrible guerre civile au cours de la décennie 90. Et la France, à laquelle il fut reprochée son assistance au régime algérien, connut ses premiers attentats.

Le 11 septembre 2001 marqua la volonté de Ben Laden de s’affirmer au sein de l’Islam comme le plus capable de porter des coups à l’Occident et ainsi de pouvoir offrir à travers ses bureaux de recrutement de grandes perspectives à ses nouvelles recrues. Les représailles qui tombèrent sur l’Afghanistan ouvrirent une nouvelle décennie de guerre avec base arrière au Pakistan. Elle s’achève sans victoire décisive et laisse présager d’un retour rapide des Talibans dans les cercles du pouvoir. Quant à la guerre américaine d’Irak, ouverte en 2003, on connaît son fiasco dont le résultat fut d’offrir le pays comme zone d’influence à l’Iran, considéré jusqu’ici comme le pire ennemi des États-Unis dans la région. Mais surtout, à la faveur de la désintégration qui gagne le pays voisin- la Syrie – de permettre l’apparition de Daech qui se présente comme un nouveau Califat et ambitionne de concurrencer Al-Qaïda. Le bilan de ces interventions, auquel il conviendrait d’ajouter l’intervention occidentale en Libye, est catastrophique. Elles fabriquent un chaos d’où surgissent des forces radicalisées qui se réclament du sunnisme et rêvent d’en découdre avec le chiisme. Une dizaine de pays connaissent des affrontements sanglants entre ces deux fractions rivales de l’Islam. Aujourd’hui, Obama qui espérait marquer son second mandat d’un retrait du Moyen-Orient et en avait livré un habillage stratégico-théorique lors de son intervention à l’académie de West Point en affirmant alors que « Ce n’est pas parce qu’on a le meilleur marteau qu’on doit voir chaque problème comme un clou. », se trouve en catastrophe devoir décider de faire retour vers l’Irak six mois plus tard. La France qui a rallié la coalition se trouve embarquée dans ce nouveau conflit, sans aucune maîtrise sur son évolution ou la définition des buts de guerre.

Trente années de conflits au Moyen-Orient ont constitué une machine à fabriquer les pires extrémistes religieux dopés par deux grandes victoires : contre les Soviétiques, puis contre les États-Unis. Excusez du peu. À partir d’une telle posture, il n’y a pas lieu de s’étonner que le Califat puisse rêver d’instaurer sur le territoire qu’il contrôle les traits de la société de ses vœux- le régime des Talibans en pire ! – et d’appeler tout musulman où qu’il se trouve à participer à ce combat. L’adresse concerne potentiellement un milliard et demi de personnes. Ce n’est pas rien, et maints pays sont déjà ébranlés.

En quoi sommes-nous concernés ? Il ne s’agit évidemment pas de convertir la France à l’Islam mais à pousser les musulmans qui l’habitent à vivre pleinement leur religion dans ses traditions d’origine, non-perverties et littéralistes, et ce quitte à bousculer les valeurs de la République en expliquant que les règles de l’appartenance à l’Oumma doivent primer sur toute citoyenneté nationale. C’est évidemment un appel à dissidence. Les adeptes dont la foi est plus chevronnée seront encouragés à défier les lois à travers des actes ostensibles qui seront réprimés. Et puis les plus déterminés seront sollicités pour rejoindre le combat en terre de Califat ou perpétuer là où ils se trouvent les actes les plus barbares. La population musulmane de France est dans sa très grande masse rétive à ces invitations et aucuns signaux sérieux ne permettent de penser qu’elle serait susceptible de se laisser impressionner par ces discours. Mais l’objectif recherché est de communautariser et de faire monter les tensions lourdes d’affrontement.

Le projet radical islamiste nous interpelle à un autre titre. Si l’on considère que l’une des plus grandes bifurcations de l’humanité fut les Lumières, c’est à dire ce moment particulier où des hommes s’élevèrent pour dire : c’est assez, il faut en finir avec les Lois divines supposées régir nos vies. Nous devons décider nous-mêmes de nos lois et de notre façon de vivre. Alors effectivement, c’est cette grande bifurcation que l’on veut remettre en cause et il ne faut pas s’étonner de voir resurgir les spectres du blasphème et de l’attaque du sacré par ceux qui veulent faire ainsi étendre leurs croyances à ceux qui ne sont pas concernés. Tout cela prouve que le combat pour les Lumières est loin d’être terminé, y compris même au sein de l’Europe où certains pays disposent encore d’un arsenal juridique qui réprime toujours le blasphème – sous l’influence là des religions chrétiennes.

Les responsabilités de l’Occident sont très fortes dans l’émergence des radicaux islamistes mais ceux qui préconisent l’alliance des deux Prophètes, l’enturbanné et le désarmé, à la recherche d’un nouveau né-prolétariat, oublient que tout ce qui bouge aux confins de l’Empire n’est pas rouge et peut être porteur des pires régressions. Il y avait la peste brune. Il faudra aujourd’hui compter avec la peste verte.

International
Rubriques :
  • Brèves
  • Elections
  • International
  • Politique
  • Proche-Orient
  • ReSPUBLICA

Analyse des résultats des élections israéliennes

par Zohra Ramdane

 

L’extrême droite progresse, la crise des gauches continue. L’extrême droite au pouvoir progresse d’un siège (44 au lieu de 43). Par contre, le parti dominant de l’extrême droite (le Likoud avec 30 sièges) siphonne les deux autres formations : L’extrême droite russophone a désormais 6 sièges et l’extrême droite sioniste religieuse 8.
La droite perd 1 siège (20 au lieu de 21) avec un rééquilibrage entre deux partis d’une droite moderniste.
Les partis religieux intégristes juifs perdent 5 sièges principalement à cause d’une scission dans le parti intégriste sépharade (les scissionnistes n’ayant pas dépassé la barre minimale) et un léger recul du parti intégriste ashkénaze. Le premier a aujourd’hui 7 sièges et l’autre 6.
Une majorité néolibérale extrême droite – droite et intégristes religieux existe donc puisque qu’il faut 61 députés pour soutenir un gouvernement.
L’alliance entre le parti travailliste et un petit parti de droite Kadima dans un ensemble intitulé « Union sioniste » a gagné 3 sièges passant de 21 sièges à 24.
Le parti de la gauche de la gauche à recrutement principalement ashkénaze (Meretz) perd un siège et a donc aujourd’hui 5 sièges.
Les deux partis arabes (le parti nationaliste arabe et le parti intégriste islamiste) alliés au Front judéo-arabe Hadash (animé par le parti communiste israélien) progressent de deux sièges avec aujourd’hui 13 sièges. A noter que Hadash passe de 4 à 5 députés, le député supplémentaire étant un israélien juif.
L’impossibilité actuelle de réaliser une gauche politique crédible qui puisse rassembler juifs et arabes plombe le développement d’une gauche crédible en Israël. Pourtant, lors des deux dernières élections municipales à Tel Aviv, le candidat arrivé en deuxième position avait bénéficié du soutien de la gauche de gauche de l’autre « communauté » (électorat Meretz votant pour le candidat PC puis électorat communiste votant pour le candidat Meretz en 2013).

Courrier des lecteurs
Rubriques :
  • ReSPUBLICA

Le PCF et le peuple

 

Reçu de Denis Billon au sujet de l’article Comment un appareil s’éloigne de sa base

Très intéressant l’article de Julian Mischi sur l’évolution des militants du PCF au niveau sociologique. Pourquoi le PC coule lentement comme un bateau percé? D’abord parce qu’il n’a pas survécu à la débâcle de l’Union soviétique. Surtout parce qu’il a trop lentement soutenu les outrances de ce socialisme autoritaire. Il suffit de faire les marchés. Si on s’annonce communiste, on se fait insulter. Ensuite, si on s’annonce autrement, on se fait reprocher de s’allier aux communistes. Ensuite parce qu’il a tout jeté sans garder ce qui faisait l’attrait de l’engagement communiste. Le marxisme est toujours d’actualité. L’internationalisme est susceptible de mobiliser les foules. Au lieu de cela, le PC s’est blotti contre tous les communautarismes. D’abord avec Roger Garaudy. Puis avec l’action catholique ouvrière. Le PC est volontiers en lutte contre l’islamophobie, défend l’idée qu’il faut accueillir toutes les populations de la terre entière, comme les gauchistes, comme les ultralibéraux, et il oublie d’être républicain et laïque. Or la classe ouvrière n’est plus ouvrière, elle est chômeuse. Son syndicat, c’est pôle emploi. Et cette « classe ouvrière » est révoltée. Sans être raciste, elle trouve qu’il y a trop d’étrangers en France. Bien sûr, il faut expliquer, mais ne pas réfuter leur point de vue et leurs angoisses. Le repli sur soi génère du FN. Ensuite, il faut que le PC se rappelle ce qu’il fut. Une véritable société dans la société, une organisation d’aide aux plus démunis. C’est comme cela qu’on s’ancre dans le peuple. C’est ce que font les islamistes, c’est aussi ce que fait le FN. Eh bien oui, le PC oublie le peuple. Mais tout comme le PS. Et c’est ce qui explique le formidable rejet des électeurs pour ce parti qui n’est plus qu’un parti d’élus qui s’adossent à des ayants droit ou des apparatchiks. C’est ainsi qu’on peut aussi prédire la disparition prochaine des socialistes, à tout le moins dans leur forme actuelle.