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Chronique d'Evariste
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Pourquoi la gauche radicale n'émerge-t-elle pas en France ?

par Évariste

 

Depuis plus d’un an, Respublica propose une analyse sur les conditions de la transformation sociale et politique en France. Nous avons analysé les causes objectives de la réalité matérielle française et les causes subjectives qui font que la ligne stratégique de l’Autre gauche française n’est pas à la hauteur des enjeux. Après la victoire électorale de Syriza en Grèce fin janvier 2015, voici la forte percée électorale de Podemos ce mois de mai 2015 (voir l’article d’Alberto Serrano, militant de Podemos Paris, dans ce numéro). Enfin, la presse et un universitaire1 commentent les causes objectives montrant que les situations matérielles de la Grèce et de l’Espagne sont différentes de la France (notamment le chômage, le mode de scrutin, etc.).
Reste que l’on peut se poser la question – pourquoi les bases subjectives du « Que faire ? » ne sont-elles toujours pas mises en débat ? Parce que cela dépasse les bureaucraties des organisations françaises ?
Syriza et Podemos sont des organisations unifiées, depuis le début en Espagne et depuis 2013 en Grèce. Mais en France on en est encore à la pratique désuète des cartels insidieusement appelés « collectifs », qui transfèrent le pouvoir du peuple au pouvoir des dirigeants de chaque organisation du collectif, et donc pour le Front de gauche installent la pratique du conciliabule secret entre la direction du PCF et la direction du PG sans que la démocratie soit présente. On ne dira jamais assez que si une organisation peut ne pas être démocratique, un cartel même affublé du nom de « collectif » ne l’est jamais.
Un collectif pourra être un palliatif dans une période où l’on devra faire avec une dispersion maladive du corps politique ou du corps syndical, mais il n’est pas une structure propulsive jusqu’à la victoire. À un moment, l’unification est indispensable. Syriza l’a faite en 2013. Podemos dès le début, c’est même le projet de créer une force efficace pour porter au pouvoir le mouvement social qui lui a donné naissance en 2014.
Il faut mettre en exergue le fait que Syriza et Podemos partent du vécu des citoyens et de leurs familles. Exemple pour Syriza :dispensaires gratuits et aides alimentaires, lutte contre l’austérité sur le pouvoir d’achat, sur la précarité, le chômage. Exemple pour Podemos :« Marche blanche » (qui a empêché des privatisations d’hôpitaux publics à Madrid), résistance aux expulsions engagées massivement, résistance de la population de Barcelone et d’un quartier de Burgos (Gamonal) contre les projets de restructuration et ségrégation urbaine des maires de droite, « Marches de la dignité », etc. Syriza et Podemos partent de la situation du peuple et rassemblent pour organiser la résistance, pour ensuite remonter jusqu’aux causes : le système voire le capitalisme lui-même (ça c’est de l’éducation populaire). L’Autre gauche française ne parvient aujourd’hui qu’à parler aux couches moyennes supérieures (les possesseurs de l’Assurance-vie !) radicalisées en ne parlant que des causes et en geignant que les couches populaires ne se déplacent pas ! Triste période quand l’Autre gauche organise des réunions « Stop Tafta », « stop Tisa », « stop Ceta », non à l’acte III de la décentralisation, etc, avec un langage pour technocrates.
Le problème du Front de gauche n’est pas que le vote populaire irait au FN. Le vote populaire FN est majoritairement une radicalisation du vieux vote populaire de droite, tandis que le vieux vote populaire de gauche s’abstient désormais massivement : c’est ce qui explique le recul de toutes les gauches, et rend vain la recherche opportuniste par l’Autre gauche d’un peuple de substitution en fricotant avec les communautarismes.
C’est un débat vieux de nombreuses décennies, mais qui ressurgit depuis que les couches moyennes supérieures radicalisées ont pris l’entier contrôle des postes de cadres dans les partis politiques de l’Autre gauche. Si l’on y parle bien de parité homme-femme (jusqu’à la réforme surréaliste du scrutin départemental où l’on vote pour un couple – parfois le mari y a même placé sa femme !) ou bien de parité avec des « minorités visibles », jamais la « parité sociale » n’est à l’ordre du jour. L’exclusion de 53 % de la population de la représentation politique, y compris par la transformation sociologique des partis et organisations qui amenaient les catégories populaires à la représentation sociale et politique, n’est-ce pas le plus grand problème de l’Autre gauche ?
Il y a 80 ans, un vieux dirigeant, fort critiquable par ailleurs, donnait les deux façons de former un cadre politique :
« La première : on prépare les gens d’une façon théorique abstraite. On s’efforce de leur donner la plus grande somme possible de connaissances arides ; on les entraîne à écrire de façon littéraire thèses et résolutions, et l’on ne touche qu’en passant aux problèmes du pays donné, de son mouvement ouvrier, de son histoire, de ses traditions… On ne fait cela qu’en passant.»
« La deuxième : un cours théorique où l’assimilation des principes essentiels (…) est basée sur l’étude pratique (…) des questions fondamentales de la lutte du prolétariat dans son propre pays, de telle sorte que, revenu au travail pratique, il puisse s’orienter tout seul, devenir un organisateur pratique indépendant, un dirigeant capable de mener les masses à la bataille…»
Les directions de l’Autre gauche font mine de regarder ailleurs (l’élection présidentielle ?) lorsque ces points, et quelques autres, sont soumis au débat. Seule l’éducation populaire permettra de forcer ce débat sur les conditions stratégiques et tactiques de la transformation sociale et politique.

Si, ¡Se puede ! (Oui, nous pouvons !)

  1. http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20150525.OBS9542/pourquoi-la-gauche-radicale-ne-perce-pas-en-france.html []
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24M : les peuples d’Espagne ouvrent les fenêtres et aèrent en grand

par Alberto Serrano

 

Alberto Serrano est militant de Podemos Paris.

En Espagne, on écrit les dates importantes en concaténant le nombre du jour avec l’initiale du mois : par exemple le 23F désigne la tentative de putsch du 23 février 1982, le 15M nomme l’irruption de la révolte populaire « des indignés » le 15 mai 2011, et ainsi de suite.
Le 24M désigne donc le dimanche d’élections du 24 mai 2015 : élections municipales dans tout le pays et renouvellement des parlements de 13 des 17 communautés autonomes – équivalentes aux régions, mais avec des compétences très étendues (restent à renouveler les parlements basque, catalan et galicien, l’Andalousie ayant voté de façon anticipée en mars dernier).
24M signe désormais le jour où les peuples d’Espagne auront commencé à ouvrir en grand fenêtres et volets, faisant passer un grand courant d’air frais dans tout le pays, balayant les toiles d’araignée, réduisant en poussière une partie de la vieille classe politique telle une bande de vampires carbonisée par le soleil du jour.

Comme par le passé, en Espagne la vague du changement démarre dans les villes ; ces élections ont fait tomber en miettes la mainmise du parti gouvernemental ultra-corrompu PP sur les plus grandes villes et régions, presque toutes entre ses mains jusqu’alors. Les déchiqueteuses de documents tournent à plein, de façon spectaculaire à Madrid – où les perdants du PP ont très peur de ce que pourrait trouver la nouvelle équipe dirigée par la juge Manuela Carmena sur le pillage des biens publics durant ces années…
Madrid et Barcelone, mais aussi notamment Saragosse, Cadiz, La Corogne, Saint-Jacques de Compostelle, Las Palmas de Gran Canaria, Oviedo… Dans toutes ces villes, des listes de large rassemblement citoyen initiées par Podemos ont gagné et vont porter à la tête des municipalités des personnes issues du peuple et à des années-lumière du profil de politicien professionnel dont les Espagnols en majorité ne veulent plus (ajoutons Valence, où deux listes de rassemblement citoyen, qui n’ont pas su aller ensemble au scrutin, sont tout de même largement en tête).
Les Espagnols appliquent ainsi la belle consigne des dirigeants de la Commune de Paris, qui en avril 1871 appelaient le peuple de Paris a élire ses représentants en choisissant les plus valeureux en son sein et surtout ceux qui n’étaient pas candidats, car leur désintéressement n’en ferait que de meilleurs élus.
Il en a été ainsi à Madrid, où les dirigeants de Podemos sont aller chercher Manuela Carmena qui ne s’est laissée convaincre que quelques semaines avant le scrutin ; ainsi d’Ada Colau, travailleur social engagée ces dernières années contre la vague d’expulsions par les banques de dizaines de milliers de familles de leurs logements, qui a franchi le pas pour en finir avec la gestion ultraréactionnaire de la droite indépendantiste à Barcelone. Citons aussi Monica Oltra, la très jeune dirigeante du rassemblement valencien « Compromis » (traduire par « engagement »), ou en Aragon Pablo Echenique, chercheur en physique fondamentale et handicapé circulant en fauteuil électrique, ou bien encore « Kitchi » Gonzalez, jeune prof d’histoire de collège bientôt maire de Cadiz, etc.

Le 24M, Podemos, qui n’existait pas avant 2014, a obtenu 16 % des voix des scrutins régionaux. Il est à égalité avec le PSOE en Aragon, et peut y revendiquer la présidence. Au Pays valencien, Compromis et Podemos, d’être ensemble, auraient été en tête ; leur rapprochement les met en position de revendiquer la présidence de cette région.
Podemos ne se présentait pas en tant que tel aux élections municipales, mais entendait y promouvoir des listes de rassemblement citoyen. Cette orientation, décidée en novembre 2014 lors de la création du parti, actait l’impossibilité matérielle de garantir sur tout le territoire la constitution de listes valables ; elle entendait privilégier également la promotion de rassemblements nés d’une dynamique « d’en bas » et singuliers à chaque ville.
Cette dynamique n’a pas été possible partout, et l’absence du nom « Podemos » sur les bulletins municipaux aura sans doute pu freiner en partie le vote régional (ainsi par exemple à Séville où les différents acteurs locaux n’ont pas su se rassembler, nombre d’électeurs demandaient aux assesseurs sur quelle liste était Podemos, et deux listes à l’appellation proche ont conduit à disperser les voix). Mais là où Podemos a réussi à structurer le rassemblement, les résultats sont historiques, comme on l’a vu à Madrid et Barcelone.

Le petit parti centriste anti-corruption UPyD disparaît des écrans radar après cette élection, alors qu’il semblait pouvoir progresser fortement selon les enquêtes d’il y a un an. La coalition IU (équivalent du Front de gauche français) subit un revers historique en devenant un petit parti alors qu’elle était la troisième force du pays, donnée en progrès par les enquêtes de début 2014 ; IU a vu ses divisions internes exploser depuis le surgissement de Podemos et l’appel d’air que ce nouveau parti a provoqué pour le renouvellement des vieux appareils. Par contre, le parti de centre-droit Ciudadanos, né en 2007 en Catalogne et longtemps confiné à cette région, a connu une poussée remarquable au-delà de 10 %, sans pour autant réussir à entrer dans tous les parlements régionaux (contrairement à Podemos).

Le 24M, les deux partis dominant la vie politique espagnole depuis 1982 – PP de droite et PSOE de gauche – ont perdu leur domination écrasante. Au scrutin régional (qui ne se déroulait donc pas sur tout le pays), ils sont passés en six ans de 80 % des suffrages à eux deux à 50 % (avec avantage au PP).
La chute du couple PPSOE est inexorable. C’est la fin du bipartisme qui verrouillait complètement les institutions espagnoles, l’alternance sans alternative du PP et du PSOE pour la même politique, en masquant par les confrontations « sociétales » (avortement, mariage gay notamment) leur soumission aux volontés de l’oligarchie patronale (qui compte les deux anciens présidents Aznar et Gonzalez dans ses conseils d’administration).
C’est une étape décisive de la profonde crise du régime né de la « transition démocratique » en 1978, miné par la corruption à outrance qui a provoqué la multiplication des scandales concernant en premier lieu le PP, mais aussi la famille royale, les indépendantistes catalans, le PSOE, et a même hélas éclaboussé les syndicats et IU.
Malgré la fin du terrorisme de l’ETA, les aspirations indépendantistes en Catalogne et au Pays Basque sont ravivées par la crise et nourries par les stratégies opportunistes de confrontation identitaire déployées en face-à-face, voire en complicité, par le PP et la droite indépendantiste, notamment en Catalogne (le PP se donnant le rôle de rempart de l’unité de l’Espagne, les nationalistes de droite catalans promouvant l’indépendance comme projet d’avenir radieux face à la crise et faire oublier leur corruption massive et leur politique ultralibérale).
La crise de régime a été accélérée par l’effondrement du « modèle économique » désastreux basé sur les banques et l’immobilier (le « ladrillazo », bétonnage effréné). Puis l’austéricide appliqué à partir de 2008 a brisé le « deal » historique de la transition : « blanchiment » de la vieille oligarchie franquiste et intégration de nouvelles élites « de gauche », contre développement d’un État social et conquête de nouveaux droits démocratiques et d’expression – dans la limite du bipartisme.
Le parti socialiste espagnol, sur ordre de Bruxelles, a « sauvé » les banques en 2008 à coup de centaines de milliards d’argent public après l’éclatement de la bulle immobilière, puis a engagé la politique d’austéricide – qui lui a valu son effondrement électoral. Cette politique, aggravée par le PP à son arrivée au pouvoir en 2011, a plongé des millions d’espagnols dans la dégradation et la pauvreté, provoquant par exemple le départ de près d’un million d’espagnols du pays et celui de plus de 500 000 travailleurs immigrés, générant chômage de masse (24% de la population active malgré l’émigration de masse, 52% parmi les moins de 25 ans), chute des salaires, précarité généralisée (91% des contrats de travail signés sont précaires).

Avant le 24M, l’Espagne a vécu le 15M : le surgissement en 2011 du mouvement des « indignés », dont l’un des mots d’ordre clef était « ¡No nos representan ! » (Ils ne nous représentent pas). Ce mot d’ordre s’adressait bien au bipartisme et à la royauté autant qu’à tous les « vieux » appareils, progressivement installés dans le cadre institutionnel et l’acceptant : la coalition Izquierda unida (IU) avec le PCE, les syndicats UGT et CCOO (commissions ouvrières, équivalent de la CGT en France), sans parler des partis nationalistes institutionnels catalans, basques, etc.
En même temps que ce rejet des vieux appareils et de l’oligarchie financière, le mouvement du 15M scandait « Si, ¡se puede ! », « oui, c’est possible ! » : il y a bien, contrairement au matraquage idéologique du PPSOE et des médias aux ordres, une alternative de progrès à la politique de destruction de l’État social et de dépouillement des droits du plus grand nombre au nom de la dette, de l’Europe et de l’appétit insatiable de profits des oligarques.
Le mouvement du 15M est comme le point d’orgue d’une vague de mobilisations populaires puissantes, provoquées par la violence des « recortes », coupes claires pratiquées par le pouvoir dans tous les dispositifs sociaux. Ainsi à Madrid la Marea blanca (« marée blanche ») contre la destruction des services de santé et la privatisation des hôpitaux, mais aussi les manifestations inédites contre les politiques urbaines de ségrégation sociale (certaines devenant émeutes pour cause de répression policière à Barcelone ou Burgos), ou encore les luttes contre les expulsions massives de logements par les banques (de ces luttes a émergé Ada Colau, bientôt maire de Barcelone, qu’il faut voir se faire embarquer par la police dans les sit-in), sans omettre les mobilisations ouvrières contre les plans de licenciements massifs dans les usines ou les mines – marche des mineurs sur Madrid en 2013, occupations et manifestations puissantes de travailleurs en grève, etc.

Point commun à ces luttes massives, ces « marées », et au 15M : l’adoption de nouvelles formes d’organisation misant sur la souveraineté populaire et rejetant les « vieux appareils » syndicaux et militants, à la remorque et largués par ces mouvements.
De « Si, ¡se puede ! » (Oui, c’est possible) à « Podemos » (Nous pouvons), le pas aura été franchi fin janvier 2014, voilà 16 mois à peine, avec l’initiative lancée par un petit groupe de professeurs de l’université de Madrid, connus pour les émissions de débats politiques qu’ils produisent sur internet – surtout Pablo Iglesias, devenu invité récurrent sur certains plateaux télé où il portait avec brio l’esprit et les idées du 15M.
Un appel intitulé « mover fichas » (prendre l’initiative, se lancer) et signé d’une trentaine d’intellectuels et activistes – dont Juan-Carlos Monedero – les avait mis en mouvement. Début janvier 2014, Iglesias et Monedero rencontraient Cayo Lara, principal dirigeant de IU, pour lui proposer l’initiative d’une liste de large rassemblement ouverte aux activistes des luttes sociales et du 15M, par l’organisation de primaires ouvertes. Mais IU, à qui les sondages prédisaient qu’elle capitaliserait en partie le mécontentement croissant, n’avait pas l’intention de partager les places à gagner pour les personnes de son appareil, et ne se fixait pas l’objectif de gouverner pour mettre fin à l’austéricide et changer le modèle de pays (tout au plus se voyait-elle influencer « à gauche » un gouvernement socialiste).
Pablo Iglesias lança donc un appel, le 17 janvier, pour la constitution d’une force ouverte participant aux élections européennes. Il recueillit via internet les 50 000 soutiens que Podemos posait comme condition pour aller de l’avant : 50 000 soutiens en… 24h. Quatre mois plus tard, Podemos obtenait 9 % et 5 députés – alors qu’aucun sondage ne lui en accordait plus d’un (Podemos égalait ainsi IU).

L’équipe de Podemos décida ensuite d’organiser le nouveau parti et engagea un processus constituant. L’objectif : se préparer pour gagner les élections générales (législatives) de novembre 2015 – « asaltar los cielos » (partir à l’assaut du ciel). Quelques mois plus tard, après le congrès constituant de novembre 2014 et jusqu’en janvier 2015, les enquêtes donnaient même Podemos comme premier parti en intentions de vote.
À partir de janvier, la contre-offensive particulièrement violente des médias « mainstream » avec l’intervention directe des ministres du gouvernement, consista à salir le nom des principaux dirigeants en montant en épingle tout et n’importe quoi – le quotidien « de référence » El Pais, proche du PSOE, n’étant pas en reste au mépris de toute éthique professionnelle.
L’autre volet de la contre-offensive a été la convocation par le PSOE d’élections anticipées au parlement d’Andalousie, obligeant ainsi Podemos à engager une campagne électorale en février sans avoir pu s’organiser en parti politique dans cette région. Le but du PSOE andalou était de prendre Podemos à contre-pied et de maintenir sa mainmise sur cette région qu’il gouverne depuis plus de trente ans. Le pari aura presque réussi, puisque le PSOE a retrouvée sa première place (perdue au profit du PP en 2011) – bien qu’il fasse le plus mauvais score de son histoire. Podemos obtenait 15% et la troisième place : c’est certes le triple qu’aux européennes, mais cela a suffi pour enclencher le discours médiatique sur le « dégonflement » de Podemos, le maintien du bipartisme, etc. (Dommage collatéral des élections anticipées : la défaite cuisante de la coalition écolo-communiste IU, qui participait au gouvernement d’Andalousie jusqu’à ce que le PSOE la congédie, et qui aura payé son soutien au PSOE sans mettre en cause le clientélisme et la corruption qui marquent sa gestion.)
Troisième volet de la contre-offensive : la promotion du petit parti Ciudadanos, se présentant comme neuf et anti-corruption et disputant à Podemos sa place de parti du renouveau. Ciudadanos, parfaitement ultralibéral, rassure « les marchés » : puisque le PP est tellement discrédité qu’il va finir en lambeau, la mise en avant de Ciudadanos permet d’avoir en réserve une alternative afin que si tout change, rien ne change. Mais on a vu, avec les résultats du 24M, que cette opération a certes fonctionné mais n’a pas atteint le résultat espéré par l’oligarchie : Ciudadanos n’est pas passé devant Podemos, et son influence sur les prochaines désignations des maires et des présidents de régions va être très limitée, au contraire de Podemos.

La contre-offensive de l’establishment et la rudesse des coups bas ont un peu surpris les dirigeants de Podemos, comme ils le reconnaissent eux-mêmes, et en auront fortement marqués certains – notamment Juan-Carlos Monedero, particulièrement harcelé par les médias et qui a fini par quitter la direction début mai.
Par ailleurs mais dans la même séquence, la construction d’un parti selon des modalités accélérées a mis en forte tension la logique d’une organisation centralisée et hiérarchisée face à la volonté de promouvoir systématiquement la démocratie d’assemblée et la participation la plus large possible à toutes les décisions. Si la volonté d’aller vite s’explique par les échéances électorales, cette construction accélérée – avec un processus d’élections de structures dirigeantes qui a créé des confrontations et déjà des blessures et déceptions – a laissé se diffuser, dans une partie de la base activiste, le sentiment de perdre une part d’âme et la crainte de devenir un parti « comme les autres ». En démissionnant (tout en restant activiste « de base ») Juan-Carlos Monedero exprimait bien cela.

Le 24M a montré que, pour Podemos, l’hiver à la défensive est terminé. Podemos a franchi une nouvelle étape en s’imposant comme la force incontournable et qui peut gagner. Pour cela, il a retrouvé son rôle de dénonciation du régime épuisé et corrompu de 1978, et en même temps sa place dans la défense du peuple soumis aux dures injustices de la politique ultralibérale. De façon très caractéristique, les percées électorales aux municipales de Madrid et de Barcelone ont été permises par la mobilisation déterminante des électeurs des quartiers populaires, où l’abstention massive est d’habitude la règle.
Podemos a aussi démontré la sincérité de son projet d’approfondissement de la démocratie, au-delà de la démocratie participative, par la promotion de l’empowerment (« empoderamiento » en espagnol) citoyen, notamment dans les processus d’élaboration des programmes.
Son ouverture à d’autres forces (telle l’organisation écologiste Equo) et à des personnalités non « encartées » dans la constitution des listes sans leur demander de perdre leur identité, en promouvant les primaires et la transparence au contraire des négociations fermées entre appareils, a permis d’enclencher la dynamique de rassemblement qui va maintenant se propager partout.
Sa volonté d’obtenir des mesures d’urgence sociale pour la population et non des postes et des avantages pour ses dirigeants, lors des négociations pour la désignation des maires et présidents de région (l’Andalousie en aura donné le premier exemple par anticipation), confirme aux yeux des espagnols l’approche éthique et désintéressée que ses dirigeants maintiennent depuis le début.
Mais le 24M a également montré combien est cruciale l’émergence de nouvelles figures charismatiques capables d’assumer le leadership, l’importance pour la dynamique de changement d’apporter aux espagnols les nouveaux visages issus « d’en bas », dans lesquels ils vont se reconnaître et reconnaître le meilleur de leur pays.

Podemos ne veut pas devenir un parti « comme les autres ». Il n’entend pas non plus être le parti léniniste « de l’avant-garde », axe inamovible détenant la vérité et autour duquel se construirait tout rassemblement. Il n’envisage pas de fêter ses 125 ans comme le PSOE ou bien ses 90 ans comme le PCE.
Podemos refuse aussi de se désigner comme parti « de gauche », radicale ou pas : que veut dire aujourd’hui pour le peuple la dichotomie gauche/droite, quand les partis qui se disent de gauche font la politique du grand capital et diffusent le même discours de renoncement, quand on y retrouve la même caste ? Podemos prend acte que l’interpellation droite/gauche a perdu son sens pour une grande partie des couches populaires ; il prend acte aussi de l’immense déroute historique de la gauche, dans ses différentes composantes, au siècle passé. Le projet de Podemos est donc de construire le rassemblement populaire aujourd’hui, en parlant le langage qui peut être reçu par tous et en ne craignant pas de s’ouvrir largement.
Cela ne retire rien à la radicalité de la dénonciation des politiques en place ni à la radicalité des propositions de changement. Sans masquer leur sensibilité propre, les dirigeants de Podemos prétendent s’adresser à tout le peuple et le représenter, en rassemblant pour des solutions progressistes à partir de la réalité des difficultés expérimentées par tous, qu’ils se croient de droite ou non, en rassemblant autour des besoins, des aspirations communes, de la participation la plus large à la construction d’alternatives sociales et politiques. Comme le dit Pablo Iglesias, la lutte des classes, il vaut mieux la faire plutôt qu’en parler en vain.

Podemos se veut instrument du rassemblement dans ce moment historique de crise de régime, comme une fenêtre d’opportunité pour porter, enfin !, au gouvernement et au pouvoir les forces de progrès qui engageront, après Syriza, les changements dont les peuples d’Espagne et d’Europe ont un urgent besoin. Son organisation, tentative de synthèse d’organisation de parti « classique » et de pratique « assembléiste » (pas d’adhérents, cercles ouverts à tous) avec un usage novateur des réseaux sociaux, sera sans doute amenée à évoluer avec l’expérience, avec le souci de rester un outil et de ne pas devenir une fin en soi. En ce sens, ses dirigeants se disent prêts à prendre toutes les décisions utiles afin que grandisse la dynamique du rassemblement populaire, qui va chasser des institutions la vieille oligarchie et les laquais de Mme Merkel, et transformer l’Espagne.

La crédibilité de Podemos pour diriger le pays sort renforcée du 24M – et va se renforcer encore dans les prochaines semaines, marquées par la question des alliances de gouvernement local et régional.
Rendez-vous à l’automne – en novembre si le pouvoir ne décide pas d’anticiper le scrutin en septembre – pour le changement de gouvernement en Espagne : « Si, ¡Se puede ! »

Protection sociale
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Santé publique : de Sarkozy à Hollande, le même combat est à mener !

par Bernard Teper

 

Commençons par rappeler que près du tiers (plus de 31 % du PIB) de la richesse produite par la France sert à la protection sociale de notre pays. Pourtant, pour l’Autre gauche française, ce dossier est secondaire, contrairement aux pratiques sociales et politiques de Syriza et de Podemos. De nombreux articles de ReSPUBLICA précisent les causes du recul électoral de l’Autre gauche depuis la présidentielle de 2012. Cet article met en exergue l’une des causes (malheureusement pas la seule) : la non priorité militante donnée aux questions qui intéressent au premier chef la majorité des couches populaires de gauche (qui s’abstiennent aux élections) : la protection sociale, l’éducation, les services publics.

La loi santé Hollande-Valls-Touraine

Cette loi est une loi « rustines » de plus. Elle ne prend pas compte de la définition de la santé par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), qui ne se réduit pas à une absence de maladie, mais est un bien-être social, psychique et physique. Elle ne prend pas en compte la crise austéritaire subie par les assurés sociaux. Elle ne prend pas en compte le fait que la condamnation de la France le 9 avril dernier pour non-application de la loi DALO sur le logement est un nouveau marqueur qui montre que la santé publique n’est pas un objectif de ce gouvernement. Elle ne prend pas en compte la réalité de la vie des assurés sociaux. Elle ne prend pas en compte les causes du développement exponentiel des maladies chroniques dans notre pays. Pire, elle donne tous les pouvoirs à une préfecture sanitaire des ARS (les Agences régionales de santé) dont le véritable objectif caché est de faire des économies à court terme pour augmenter fortement à moyen terme les structures privées à but lucratif pour les actionnaires. C’est une aggravation de la loi Sarkozy-Fillon-Bachelot de 2009 ! Il n’y a donc qu’une solution, le refus frontal ! Se battre pour réussir un vrai plan de santé publique !

Pour changer de système

Il faut d’abord comprendre les évolutions : en parallèle à un recul très important des maladies infectieuses, un développement exponentiel des maladies chroniques.
Qu’apprenons-nous grâce aux statistiques de l’Assurance-maladie, partie importante de la Sécu ?
Si la population a progressé de 21 % entre 1990 et 2008, les affections cardio-vasculaires (3,3 millions par an), les cancers (1,8 millions par an) ont augmenté quatre fois plus vite que la croissance de la population. Pour le diabète (1,8 millions), c’est une augmentation cinq fois plus rapide que la population. Quant aux affections psychiatriques de longue durée (1 million), la croissance serait encore plus grande si le néolibéralisme ne préférait pas l’emprisonnement au traitement des pathologies.
Les causes sont connues :

- la nourriture ultra transformée et l’agriculture productiviste avec ses pesticides et autres pollutions,

- la contamination chimique généralisée (plastiques, engrais, etc.) et les pollutions industrielles,

- les inégalités sociales croissantes de toutes natures (de salaires, de santé, de logement, etc.),

- la « macronisation » du travail et le développement de son intensité,

- la concentration urbaine dans les métropoles…

Or les maladies chroniques n’intéressent que peu le capitalisme d’aujourd’hui, phénomène qui fut pointé pendant les États généraux de la santé et de l’assurance-maladie (EGSAM, organisés par de nombreuses organisations du mouvement social) il y a près de 10 ans. Dans leurs propositions, les EGSAM appelaient à transformer la logique de soins en logique de santé car en France, il y a longtemps que les maladies infectieuses ne sont plus le problème principal mais bien la croissance exponentielle des maladies chroniques. Si la logique de soins était la bonne après guerre quand le problème principal était le caractère infectieux des maladies (la tuberculose par exemple que la logique de soins adossé sur la Sécurité sociale de 1945 a vaincu), elle est largement obsolète aujourd’hui.
A noter que le système de la logique de soins a fonctionné avec le paiement à l’acte et d’une façon générale avec le système économique compatible avec la logique de soins. Il faut lui substituer aujourd’hui une logique de santé incluant le soin mais aussi la prévention (diminution des facteurs de risques, dépistage, éducation massive à la santé, etc.). Ce qui veut dire que l’économie de la santé doit tenir compte d’une nécessaire et massive montée des actes de prévention qui ne peuvent plus s’accommoder de l’ancien système (paiement à l’acte, concurrence libre et non faussée, etc.). Tout simplement parce que la prévention a bien sûr un coût mais qui n’est pas quantifiable comme un acte dans la logique de soins. Exit donc le paiement à l’acte et la tarification à l’activité à l’hôpital (T2A) si nous voulons un vrai plan de santé publique !

Ainsi, la progression des pathologies chroniques concourt au recul de l’accès aux soins. Si on ne prend pas en compte cette analyse, on ne peut comprendre la nouvelle fracture sociale en train d’émerger, à savoir la fracture sociale de santé !

L’organisation du système de soins

La CGT a raison de critiquer la façon dont sont mis en place les groupements hospitaliers de territoires (GHT). C’est pour que les préfectures sanitaires des ARS puissent accélérer les restructurations hospitalières pour faire des économies et faire fructifier le privé lucratif et non pour améliorer la santé publique. Comme le dit la CGT «  la désertification médicale et le non accès aux soins pour des millions de familles tant des banlieues abandonnées que des campagnes oubliées » est programmée ! « Alors que les urgences ont frôlé la catastrophe lors de la récente épidémie de grippe, les hôpitaux devraient encore économiser 3 milliards d’euros, ce qui se traduirait par 22 000 suppressions d’emplois. »1

Nous partageons de plus, le positionnement de la CGT contre les actions des syndicats de médecins néolibéraux de la médecine ambulatoire car « sous couvert d’un discours mettant en avant les intérêts des patients, c’est bien ceux de professions corporatistes qui motivent leur opposition à la loi, même si les généralistes sont dans une situation très difficile qui justifie leurs demandes de revalorisation de leur profession par rapport aux autres spécialistes. » Mais cela ne peut plus se faire comme nous venons de le montrer par la médecine à l’acte ! « En effet, quelle est la principale revendication ? Le refus du tiers payant. Pour quelle raison ? Parce qu’alors le seul reste à charge pour les patients sera les dépassements d’honoraires qui ont tendance à se généraliser. Ainsi, les assurés sociaux, pour lesquels il est très difficile aujourd’hui de s’y reconnaître dans un système très complexe, auraient une connaissance immédiate de ces sommes qui vont directement dans la poche des médecins et ils pourraient éventuellement en contester la légitimité. La mise en place du tiers payant généralisé » serait donc « une formidable occasion de s’engager dans une simplification nécessaire du système, gage de démocratie, de qualité et d’efficacité. Oui le temps médical est si précieux qu’il ne doit pas se dissoudre dans de la gestion administrative et suivi de comptabilité. »2

Bien évidemment, ReSPUBLICA est pour la généralisation du tiers payant mais aussi pour engager un processus de décroissance des complémentaires santé jusqu’à leur extinction en préparant la possibilité que l’Assurance-maladie puisse fournir elle-même cette complémentaire santé dans une perspective de fusion avec l’Assurance-maladie elle-même.
Rappelons que les frais de gestion des complémentaires santé sont au moins trois fois plus importantes que celle de l’Assurance-maladie (15 % au lieu d’environ 5 %) pour le seul profit des du privé lucratif auquel malheureusement la plupart des mutuelles et des instituts de prévoyance y concourent en acceptant de siéger au sein de l’Union des organisations complémentaires à l’Assurance-maladie (UNOCAM, centre d’attaque contre la Sécurité sociale). Le remboursement à 100 % par l’Assurance-maladie doit rester notre objectif.

- un maillage de centres de santé, pivot d’une véritable loi de santé publique où le paiement à l’acte serait banni.

- un plan de santé publique, visant à diminuer les inégalités sociales de santé, dans lequel serait supprimé tous les forfaits et franchises sur les soins et tous les dépassements d’honoraires médicaux et actes techniques correspondants.

- une loi-cadre rappelant les principes d’organisation et de financement de notre système de santé, intégrant toutes ses composantes afin de s’engager résolument dans cette reconquête d’une Sécurité sociale de haut niveau et dans le renversement nécessaire de logique : le passage d’une politique du soin pour l’essentiel portée par la réparation à une politique de santé tournée vers la prévention, l’éducation et la promotion de la santé au travail. Ainsi que la prise en charge de la perte d’autonomie par l’Assurance-maladie mais aussi les questions du médicament et de l’industrie pharmaceutique et de la recherche.

A titre d’antidote, trois lectures indispensables

Mais il ne suffit pas de s’indigner. Il ne suffit pas de regarder la télé. Il ne suffit pas de commenter. Il ne suffit pas d’interpréter. Il faut engager un processus de lutte pour transformer cette réalité matérielle. Pour cela, comprendre la crise sanitaire et sociale qui s’annonce, avoir les bases théoriques d’analyse, être clair sur le modèle culturel, politique et social que nous voulons devient un impératif catégorique. Puis viendra, bien sûr, le combat social et politique.

Trois livres peuvent nous aider à tenir cette gageure : ils sont d’ailleurs la base du travail d’éducation populaire en matière de santé et de protection sociale du Réseau Éducation Populaire (REP, www.reseaueducationpopulaire.info ).

« Contre les prédateurs de la santé »3 possède trois parties : d’abord la liste diachronique de tous les reculs historiques en matière de santé et d’assurance-maladie depuis 1967, puis une critique radicale du développement des complémentaires santé contre le principe de la sécurité sociale et enfin, un projet concret de politique de santé et d’assurance-maladie.

« Pour en finir avec le trou de la Sécu, repenser la protection sociale au XXIe siècle »4) représente un projet complet pour tous les domaines de la protection sociale : santé et assurance-maladie, retraites, politique familiale, assurance-chômage, accidents du travail et maladies professionnelles, perte d’autonomie et les politiques sociales. Des schémas inédits jamais présentés au grand public permet de comprendre tout au long de l’ouvrage l’antagonisme entre le mouvement réformateur néolibéral en matière de santé d’une part et le projet proposé qui est une extension actualisé du programme du CNR.

« Capital santé- Quand le patient devient client »5 appelle à une insurrection du patient pour changer le paradigme du modèle réformateur néolibéral. Il montre comment le système de santé est passé sous le joug de l’entreprise (hôpital entreprise, revanche de la médecine libérale, souffrance des soignants, standardiser pour comparer ce qui n’est pas comparable), de la concurrence (le patient devient le maillon faible de la construction marchande de la santé, le marché entre à marche forcé dans le secteur de la santé), de la fragmentation des droits contre l’universalité des droits, de la croissance des inégalités sociales de santé, de la privatisation des profits (des établissement de soins, de la colonisation du public par le privé, du remboursements des soins, de l’augmentation du reste à charge, déremboursement du petit risque par l’assurance-maladie) et de la socialisation des pertes, de la déresponsabilisation du système sanitaire(qui fait porter la responsabilité de la maladie sur le patient) , du financement des dividendes de l’industrie pharmaceutiques par l’argent socialisé,etc. Des encadrés très explicites donnent des exemples concrets pour bien comprendre la logique du mouvement réformateur néolibéral.

Qu’en conclure pour l’action ?

Parce que se contenter de réformer le capitalisme aujourd’hui, c’est lui permettre de durcir les politiques austéritaires néolibérales, parce qu’ un système de santé et de Sécurité sociale n’est pas fait pour faire plaisir aux capitalistes… dans ce domaine, comme dans bien d’autres, il faut aujourd’hui sortir du capitalisme et construire un modèle économique et politique alternatif.
Lecteur de ReSPUBLICA, tu vas me dire que c’est difficile avec l’état actuel de l’Autre gauche et tu auras raison ! Eh bien changeons la ligne et la stratégie de l’Autre gauche! Comment? Par l’éducation populaire parbleu! Que cent réunions publiques fleurissent à l’automne sur ces thèmes !

Déjà nos camarades du Réseau Éducation Populaire préparent des interventions dans le cadre du 70e anniversaire de la Sécurité sociale, quasiment « autogestionnaire » à ses débuts (ordonnances des 4 et 19 octobre 1945) pour montrer qu’il n’y a pas de problème de financement mais seulement deux difficultés à traiter : la nécessaire bifurcation de la « tuyauterie » des financements et la rupture avec une logique de diminution de la part de la richesse produite – qui elle progresse régulièrement – consacrée à la santé publique

Annexe : Les dépassements d’honoraires

Le gouvernement néolibéral Sarkozy-Fillon voulait « limiter » les dépassements d’honoraires néolibéraux. Les gouvernements néolibéraux Hollande-Ayrault-Valls ont mis en place un dispositif pour cela en 2013. L’Assurance-maladie dirigée depuis 2004 par les pires néolibéraux, a été pris en flagrant délit de mensonge lorsque le 20 avril elle fanfaronnait sur  les « effets positifs pour les patients et leur reste à charge ». L’Observatoire citoyen des restes à charge en santé a publié, jeudi 21 mai, les conclusions de sa propre étude. Entre 2012 et 2014, relève-t-il, ces dépassements ont enregistré une progression de 6,6 % et représentent désormais plus de 2,8 milliards d’euros à la charge des patients. Pour les lecteurs de ReSPUBLICA, il convient de noter que cela s’ajoute aux dépassements d’honoraires des dentistes (+ de 4 milliards d’euros) et des actes techniques (+ de 5,5 milliards d’euros).

Le mensonge ou la mauvaise fois du directeur de l’Assurance-maladie est patent. Pour justifier sa politique néolibérale, il annonçait  que le taux de dépassement pratiqué par les médecins en secteur 2 (en honoraires libres) avait connu une légère baisse entre 2012 et 2014, passant de 55,4 % à 54,1 %. Un bon résultat obtenu selon lui grâce à la mise en place du Contrat d’accès aux soins (CAS), signé et respecté par 8 750 praticiens libéraux s’engageant à ne pas demander à leurs patients le double des tarifs de la « Sécu » contre une prise en charge d’une partie de leur cotisation sociale par l’Assurance-maladie (pour un montant moyen de 5 500 euros). Les lecteurs de Respublica comprendront que la baisse de ces dépassements ont été contrebalancée par un versement du salaire socialisé des salariés vers les médecins.Comme cela, au lieu que ce soit le patient qui paye le dépassement, c’est en fait tous les salariés qui les payent désormais même ceux qui ne consultent pas auprès des médecins  pratiquant les dépassements! Vive le néolibéralisme!

L’Observatoire citoyen des restes à charge en santé explique la forte hausse de 6,6 % par une augmentation de médecins en secteur 2 qui ont appliqué des dépassements d’honoraires en  43 % contre 41,1 %. La « généralisation rampante » des dépassements d’honoraires chez les médecins spécialistes représente désormais un « mouvement de fond », juge-t-il.

L’Observatoire dénonce également les « effets d’aubaine » générés par le le Contrat d’accès aux soins (CAS) qui a contribué à « généraliser » les dépassements, « puisque tous les médecins signataires sont autorisés à en pratiquer ». Vous avez bien lu, lecteur de ReSPUBLICA : certains spécialistes  de secteur 1 qui n’avaient pas le droit de pratiquer un dépassement d’honoraires avant 2013 ont aujourd’hui ce droit puisqu’il leur suffit de signer le jackpot - c’est-à-dire le contrat d’accès aux soins (CAS) ! Les dépassements facturés par les 1 000 radiologues de secteur 1 ayant signé un CAS sont ainsi passés, entre 2012 et 2014, de 16 à 30 millions d’euros.

Alors, avec nous, demandez la suppression des dépassements d’honoraires, des forfaits et des franchises et le remboursement assurance-maladie à 100 % !

  1. Source http://www.cgt-hopital-manosque.fr/?p=3490 []
  2. Id. []
  3. Catherine Jousse, Christophe Prudhomme et Bernard Teper chez 2ème édition []
  4. par Olivier Nobile avec la collaboration de Bernard Teper chez Eric Jamet éditeur (ericjamet@aol.com []
  5. Philippe Batifoulier, aux éditions La Découverte []
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Politique hospitalière : R. Bachelot (UMP) et M.Touraine (PS) utilisent la même manipulation médiatique

par André Grimaldi

 

En 2008, Roselyne Bachelot annonçait la création de 25 000 emplois dans les hôpitaux publics mais à part Angers, elle ne savait pas vraiment dire où et quand.
En 2015, Marisol Touraine annonce la création de 24 000 emplois (« net ») mais elle ne sait pas vraiment répondre aux questions: qui ? où ? et quand ?Du coup on se demande pourquoi Martin Hirsch, directeur de l’APHP, annonce la suppression de 4000 emplois programmés sur 5 ans si l’APHP ne réduit pas le nombre des RTT. (En 2010 Benoît Leclercq ancien directeur de l’APHP annonçait, lui également, la suppression de 3 000 emplois surv3 ans mais ajoutait « je ne le dis plus puis qu’on m’a demandé de ne pas le dire ».)

La séquence est assez semblable : les ministres ne suppriment jamais d’emplois au contraire elles en créent ! En même temps elles réduisent les tarifs et resserrent la progression de l’ONDAM (réduction des dépenses publiques oblige), mettant les hôpitaux en déficit. Pour essayer de maintenir l’équilibre financier, les directeurs sont obligés de supprimer des emplois. A leur tour, ils essaient de refiler la patate chaude aux syndicats qui bien sûr la refusent « dans l’intérêt des malades » ! Finalement Martin Hirsch (ou son successeur) sera très sûrement obligé, dans ce cadre contraint, de diminuer les RTT et de supprimer des emplois.

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Pour une régie publique de l’eau

Un modèle de vœu à déposer en Conseil municipal

par ReSPUBLICA

 

Grâce à toutes les réformes annoncées, nous sommes dans la bonne période pour revendiquer haut et fort la mise en régie publique de la distribution de l’eau.
Si vous êtes  élus ou si vous pouvez informer des élus,  vous trouverez ci-dessous un modèle de voeu à déposer lors d’un prochain Conseil municipal de votre Municipalité, ainsi que des informations vous permettant de défendre le projet. Ces document m’ont été fournis par la Coordination Eau Ile de France. C’est applicable dans toute la France.
Si vous souhaitez des formations sur le sujet, vous pouvez contacter directement Bernard Teper : reseaueducationpopulaire@gmail.com
Et pour tous autres renseignements Maryvonne Rocheteau :  maryvonne.rocheteau@orange.fr

Vœu à déposer en Conseil municipal pour une régie publique de l’eau

La Réforme Territoriale va de fait provoquer au 1er janvier 2016 la dissolution de la Communauté d’Agglomération du Val de Bièvre et redonner la compétence « eau » aux Villes qui y étaient adhérentes. C’est le cas de notre commune de XXXX.

Considérant le manque de transparence de la gestion de l’eau (Rapport annuel 2013 du SEDIF) qui perdure dans la délégation de service public alors que nos concitoyen-nes affrontent quotidiennement les difficultés de la crise qui s’aggrave,

Considérant que la délégation de service public « eau » n’apporte pas de réponse concrète à une tarification sociale et/ou solidaire en direction des plus démunis et des populations marginalisées, bien au contraire : elle aggrave la situation des plus précaires comme le démontre aujourd’hui le non-respect de l’application de la Loi Brottes par les délégataires,

Considérant les nombreuses mobilisations citoyennes ces dernières années en faveur du retour en gestion publique de la ressource « eau » pour éviter les dérives marchandes, mobilisations qui ont mené à de nombreux retours en régie publique sur l’ensemble du territoire français et quelle que soit la couleur politique des Villes,

Considérant que ce bien vital relève plus que jamais d’une gestion responsable et désintéressée aux regards des enjeux territoriaux, notamment pour réduire les inégalités de tarification entre populations et entre territoires desservis, dans le cadre d’une gestion durable et soutenable de cette ressource qui conditionne toute vie et la paix pour les générations futures,

Considérant que la commune de XXXX a approuvé lors du Conseil municipal du (jour-mois-année) la Charte de l’Eau / Plan Bleu du Conseil Général du Val de Marne et montré par là son souhait de s’engager sur la thématique « l’eau notre bien commun », (optionnel)

Considérant que la commune de XXXX à travers la voix de la majorité de ses élu-es s’était prononcé « pour » la transparence de la gestion de l’eau et contre la délégation de service public lors de l’Appel « L’eau a besoin d’une gestion publique et démocratique » de 2008, (optionnel)

Considérant que la commune de XXXX s’était déjà positionnée lors d’un Voeu municipal le (jour-mois-année) en faveur d’une gestion publique et non déléguée de l’eau, (optionnel)

Le Conseil municipal de XXXX, réuni le XXXX :

- Se positionne contre le principe de délégation de service public de l’eau et appelle à un retour du mode de gestion en régie publique de l’eau pour notre Ville.

- Mandate le-la délégué-e de notre Ville au Conseil Communautaire du Val de Bièvre et au Syndicat des Eaux Ile de France, à voter contre tout principe de délégation de service public de l’eau, pour défendre et affirmer notre position dans les instances représentatives actuelles et à venir tels que le Territoire auquel s’agrégera notre commune.

Quelques billes …

Source Que Choisir 2007 : Palmarès des profits les plus élevés.

D’après l’étude, alors que le taux de marge normal devrait avoisiner les 15%, trois villes franchissent la barre des 50%. Le Syndicat des eaux d’Ile-de-France, qui gère 4 millions d’usagers, arrive en tête du palmarès avec une marge nette de 58,7%. En clair, pour un euro facturé par le SEDIF, l’association estime que 41,3 centimes seulement sont destinés à couvrir le coût de distribution de l’eau, le reste constitue le taux de marge net. Le SEDIF facture ainsi 2,91 euros le mètre cube d’eau, hors taxe, à ses clients alors que le prix normal devrait être de 1,2 euro le mètre cube d’après l’UFC. (car la régie est « intéressée » puis déléguée : dans ce cas précis le délégataire et le déléguant font des marges, ce qui n’a pas changé sur le fond..) »

Demander la MARGE calculée en 2013 pour le SEDIF et pour le délégataire (VEOLIA)

Source CESER novembre 2012

– Hauts de Seine, Val de Marne et Seine Saint Denis : 4,43 euros/m3

– Essonne              : 4,40 euros/m3

– Val d’Oise            : 4,31 euros/m3

– Yvelines               : 3,71 euros/m3

– Seine et Marne      : 3,37 euros/m3

– Paris                 : 3,10 euros/m3

Moyenne nationale    : 3,62 euros/m3

Enquête CNL 2013  prix national moyen : 4,15 euros/ m3

Après une lecture attentive du RAPPORT SEDIF-VEOLIA 2013

Pour commencer, ce que ne dit pas le rapport Sedif-Veolia, c’est le manque de transparence dans la gestion que fait Veolia de l’eau. En effet, en l’absence d’un véritable compte de résultat d’exploitation 2013 du Sedif, qui aurait pu mentionner le détail des coûts de la masse salariale, des loyers, des charges exceptionnelles, nous n’avons qu’une idée très parcellaire de l’utilisation de l’argent des usagers.

 Ce que ne dit pas le rapport Sedif Veolia, c’est qu’aucune instance représentative des citoyens ne figure dans le conseil d’administration du délégataire Veolia, où l’on retrouve de « bien  belles » personnalités issues de ces mêmes systèmes financiers, comme BNP Paribas, la banque Rothschild ou la banque d’investissement Qatarie, ceux-là même décriés à longueur d’incantations par la gauche.

Ce que ne dit pas le rapport Sedif Veolia, et qui devrait pourtant scandaliser les élus de gauche attachés à la solidarité, c’est le nombre important de coupures d’eau pratiqués par Véolia sur tout le territoire Français, pratique pourtant interdite depuis la loi Brottes de 2013 qui interdit aux distributeurs d’eau toute coupure y compris pour non-paiement. Qu’un salarié désobéissant soit licencié par Veolia parce qu’il a refusé de couper l’eau aux familles en peine de payer, ça non plus le rapport ne le dit…

Ce que ne dit pas le rapport Sedif Veolia dans son chapitre consacré au prix de l’eau, c’est que le coût élevé de ses tarifs ne provient pas de la cherté des traitements de l’assainissement, comme le Sedif veut nous le faire croire, mais bien de l’eau elle-même : une simple comparaison avec Paris nous le démontre, avec des prix de l’eau de 1,07€/m3 pour Paris contre 1,47€ pour le Sedif, soit une différence de 37%.

 Ce que ne dit pas le rapport Sedif Veolia, c’est que le soit disant « tarif multi-habitat » a tout l’air d’une tromperie. Avant cette grille tarifaire qui date de 2011, les bailleurs ou les syndics négociaient un tarif « grande consommation » par immeuble ou groupe d’immeubles et ne payaient qu’un seul abonnement par contrat. Désormais, avec le multi-habitat, non seulement c’est le tarif général qui est appliqué, mais cerise sur le gâteau, le tarif d’abonnement est multiplié par le nombre de logements (OPH Villes).

Ce que ne dit pas le rapport dans son chapitre consacré à la qualité de l’eau, c’est que les grandes opérations d’investissement du SEDIF visent à une eau brute de plus en plus polluée. Or, en écologie, la meilleure lutte contre la pollution, c’est d’abord ne pas en faire. Et cela, les villes de Paris et de Munich par exemple l’ont bien compris. Elles ont installé des champs d’agriculture biologique au-dessus des nappes phréatiques qui alimentent leurs réseaux de manière à préserver la ressource et prévenir les pollutions au lieu de gaspiller de l’argent à coût de traitement chimique.

Ce que ne dit pas ce rapport, c’est le gaspillage de la ressource auquel incite la politique de Veolia à travers ses tarifs « grande consommation » et « tarif voirie publique ». Le premier est un tarif à rebours des préoccupations écologiques et économiques des usagers. Son message c’est de dire : plus vous consommez, moins vous payez. C’est exactement le contraire de ce qu’il faudrait faire, c’est-à-dire un tarif qui augmente avec la consommation, pour préserver les ressources et inciter à la responsabilité. Le tarif « voirie publique » destiné aux collectivités est de 50% moins du tarif général, que payent les particuliers. Est-il nécessaire de rappeler que l’eau potable est une production industrielle qui consomme de l’énergie, des substances chimiques, qui rejette du CO2, et dont l’usage premier est le maintien de la vie : tout cela pour nettoyer la voirie ? Ne peut-on pas développer et promouvoir des solutions alternatives et peu coûteuses, comme à Paris, où la voirie est nettoyée avec un second réseau d’eaux brutes.

Le rapport annuel Sedif Veolia est curieusement muet sur les fuites d’eau dans les villes gérées par Veolia en Ile-de-France. Pourtant, selon une enquête menée par la Fondation France Libertés et 60 Millions de consommateurs en mars dernier, 1 300 milliards de litres d’eau, soit l’équivalent 430 000 piscines olympiques par an, sont perdus dans les fuites, payées par les consommateurs. C’est donc une sorte d’ « open bar » permanent et inutile que l’usager paye à son insu. Lorsque le réseau de l’eau potable est géré par une collectivité, et n’a donc aucun intérêt à laisser ces fuites, leur taux tombe en-dessous des 10%. Mais après tout, pourquoi une multinationale devrait-elle encourager les économies, alors qu’elle vit de nos dépenses ?

Ce que ne dit pas non plus le rapport Sedif Veolia dans son chapitre consacré à la solidarité internationale, c’est l’implication de Veolia dans des projets comme le tramway qui devait traverser la zone occupée de Jérusalem au mépris du droit international, les scandales de pollution dans les rivières de Bruxelles ou de Lanzhou en Chineles hausses de prix en Inde où des salariés sous-payés sont entrés en grève de la faim, ou encore au Maroc où des citoyens désabusés ont manifesté en scandant « Veolia dégage ».

Enfin, ce que ne dit pas le rapport Veolia Sedif, c’est qu’il il y a des raisons pour espérer que la gestion de l’eau, ce bien commun de notre humanité, échappe enfin au marché du CAC 40 pour retrouver le giron d’une gestion publique et transparente. En février 2013, un collectif Eau Ivry Choisy Vitry a été créé pour exhorter les maires de nos trois villes pour élaborer un scénario technique permettant le passage vers une gestion publique et directe de l’eau potable. Dans la même veine, le Conseil Régional d’Île de France propose des aides aux collectivités souhaitant étudier la faisabilité technique, juridique et financière pour sortir du Sedif.

Des alternatives tarifaires à la pseudo politique sociale du Sedif-Veolia sont également possibles : ainsi, une première tranche gratuite ou à bas prix, suivie d’un tarif progressif, répondrait à la fois à la justice sociale et à l’urgence écologique de préservation de la ressource. La loi Brottes permet ce genre d’expérimentation pour cinq ans, à condition que les collectivités se manifestent avant le 31 décembre 2014. Je saisis cette occasion pour que notre assemblée demande une expérimentation à XXXX, voire à l’échelle de notre communauté d’agglomération.

Courrier des lecteurs
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Confusion générale ou Comment la religion peut masquer le racisme

par Ghislain

 

Rentré de voyage en France après les attentats du début janvier, j’ai compris qu’ il ne fallait pas dire un mot de travers. Ni « Je suis Charlie » ni « Je ne suis pas Charlie » et surtout ne participer à aucune polémique. Elle serait vaine. Car enfin où est le problème avec un livre, un journal, un film ou une pièce de théâtre ? On ne force personne à lire un journal ni à voir un film !
Le comble du ridicule est atteint quand vous avez une manifestation hostile à Charlie Hebdo en Afghanistan (ou au Pakistan, à Gaza ou au Bangla Desh… pays où ce journal est totalement ignoré). J’ai eu la chance d’ aller en Afghanistan en 1983 pour une mission de Médecins du Monde, ce fut un choc. Et je peux dire que ce genre de manifestation est instrumentalisée et pure hypocrisie. Et que si on veut parler indignation alors c’est la situation qui est faite aux femmes chez les Pashtounes qui est indigne ! Qui est la pire de ce que j’ ai pu voir à travers plus de 50 ans de voyages dans plus de 80 pays. Qui partage ce triste record de sexisme avec l’ Arabie saoudite, terra incognitapour moi – mais où nous avons suffisamment de témoignages, compris le film Wadjda de la Saoudienne Haifaa al Mansour pour l’affirmer.
La chronique des événements en Afghanistan à partir de 1979 a été bâtie sur un mensonge de l’Occident et de ses alliés. Le méchant était l’U.R.S.S. et il s’agissait d’ une invasion… Faux. Le gouvernement afghan était communiste.Il avait signé des traités d’ assistance avec l’URSS. Il a fait des réformes par décrets, malhabiles peut-être mais que je ne pourrai jamais lui reprocher : réforme agraire, égalité hommes/femmes ! Vous imaginez la tête des mollahs ! Guerre sainte contre les impies ! Allah Akbar ! C’est parti ! Vous imaginez la tête de nos imbéciles de service, Bernard Kouchner en première ligne ! Allons aider ces pauvres afghans opprimés. Médecins du Monde aux côtés d’ Amine Wardak et Médecins sans Frontières aux côtés du « Lion du Panshir » avec un double but : humanitaire et rapporter de l’ information… tronquée et rien sur les femmes. Mais c’est seulement en 2014 que j’ai appris qu’Amine Wardak et Massoud, qui avaient fait des études en France et parlaient un excellent français, étaient tous deux des agents du SDECE (voir J.C.Notin, La guerre de l’ombre des Français en Afghanistan. 1979-2011 » Fayard) ! D’autres pays se sont investis de façon plus directe en fournissant armes et argent aux moudjaheddines (on ne parlait pas encore de talibans) : USA, Arabie saoudite et Égypte.
Cette expérience m’a beaucoup aidé à comprendre la situation actuelle, disons la confusion actuelle et m’a rendu méfiant rapport aux guerres saintes soi-disant libératrices.(la Syrie en particulier et là encore une fois la propagande occidentale a « mis le paquet »). Très vite j’ai compris que quand il y avait un Salman Rushdie quelque part (ou une Taslima Nasreen) nous devions être à ses côtés. Que nous devions être solidaires d’ une femme comme Taslima Nasreen même si elle a l’hostilité de 100 millions de personnes qui ne l’ont pas lue et que nous devrions lire, au moins Enfance au féminin. Que nous devrions bannir à jamais les fatwas et ceux qui les prononcent !
Le lavage de cerveau peut être pratiqué par des gens que nous croyons proches ou qui l’ont été. Les islamo-gauchistes par exemple. Les Indigènes de la République se sont spécialisé dans la dénonciation de l’ islamophobie. Une obsession chez eux qui engendre de la confusion dans le débat sur le racisme.
Quand un flic ou un militaire israélien maltraite un Palestinien, il se  fout de savoir si celui-ci est musulman, chrétien ou communiste. Il l’identifie comme Arabe et ça lui suffit. Quand un flic français contrôle ou maltraite un Arabe, il ne sait pas s’ il est musulman, indifférent ou athée. C’est ce qu’on appelle le contrôle au faciès. C’ est du racisme pur et non pas de l’islamophobie, terme que je n’ utilise pas car il amène du religieux là où ce n’ est pas nécessaire. (C’est même malhonnête dans la mesure où nous savons que ceux qui souffrent le plus du racisme sont les Roms et assimilés.)
J’ai pu mesurer à quel point les islamo-gauchistes pouvaient faire du mal. Leur sectarisme leur permet d’ éviter de parler du racisme dans sa globalité. En Afrique de l’ Ouest des Africains (Noirs) qui étaient allés au Maghreb m’ ont parlé du racisme qu’ ils y ont subi. C’est hélas le fléau le mieux partagé dans le monde.
La religion devrait garder un caractère privé. Or de nombreux sujets restent tabous. La sexualité, le planning familial, l’avortement, même l’adoption… L’ambassadeur de France au Vatican vient d’être nommé par le gouvernement. Il est homosexuel et n a toujours pas été adoubé par le Vatican ! Oui les religions sont géniales pour les dirigeants pour dominer les peuples. Poutine l’a bien compris et les Pussy Riots ont bien compris Poutine.
Le problème avec les Indigènes est qu’ils évitent de parler de ce qui dérange. Rien sur Boko Haram. Rien sur les dizaines de milliers de morts dans les guerres sectaires et fratricides qui opposent chiites et sunnites. (Bien sûr nous avons connu les guerres de religion en France opposant catholiques et protestants voici 500 ans). Mais depuis Darwin et bien des philosophes sont passés par là. Niés par les fondamentalistes des sectes évangélistes et nombre d’ islamistes. Ce matin de 13 mai 2015 j’ apprends qu’ un 3e Libre Penseur a été assassiné au Bangla Desh. Et un raid sur une école au Pakistan, 154 enfants massacrés, on peut en parler non quand on fait la chasse à l’ islamophobie ? Et Malala ? Une balle dans la tête à 15 ans parce que femme rebelle ?
Comment voulez-vous que le Français qui avale du TF1 à longueur d’année puisse comprendre leurs discours pitoyables enfermés dans la victimisation alors que le plus grand nombre de victimes dans le monde sont des musulmans tués par d’ autres musulmans et qu’en France même les premières victimes du racisme sont les Roms (comme par hasard ce sont eux qui ont le moins les moyens de se défendre ).
Quand les islamistes égyptiens massacrent des Coptes nous devons défendre les Coptes. Quand des protestants oppriment des catholiques (je l’ai vécu en Irlande du Nord) nous devons soutenir les catholiques. Quand des musulmans oppriment des bouddhistes nous devons soutenir les bouddhistes (je l’ai vécu au Bangla Desh). Et quand des bouddhistes oppriment des musulmans (présentement en Birmanie) nous devons soutenir les musulmans Rohingyas. Tout simplement parce que le sectarisme qui débouche sur le crime est intolérable.
Tout est à traiter au cas par cas. Les analyses des islamo-gauchistes sont manichéennes. Ils n’ ont pas compris que nous sommes dans une nouvelle phase du fascisme et que, malgré les apparences la plupart des pouvoirs sont complices (les USA en particulier mènent une politique ambiguë mais aussi le Pakistan, l’ Arabie saoudite, la Turquie par haine des Kurdes etc.). Dans les années 30 on a laissé monter le fascisme, on a laissé écraser les Républicains espagnols et en 1939… trop tard, le rapport de force était encore une fois imposé, il fallait se battre…
Qu’ils relisent Matin brun.

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Quelques nouvelles pour vous dire... Sans elles, Lui n'existe pas, de Salih Mara

par Zohra Ramdane

 

Ce livre (14 euros, 120 pages) est publié par l’Harmattan. Salika Amara, de son nom de plume Salih Mara, fut la cofondatrice de la « Marche de l’égalité des droits et contre le racisme » de 1983. Cette marche historique fut bâtie sur une dynamique laïque. Comment se fait-il que, 32 ans plus tard, Salika Amara appose sa signature via les « Fils et filles de la République » qu’elle préside à un appel pour un meeting contre « l’islamophobie » le 6 mars dernier aux côtés des obscurantistes néolibéraux de l’UOIF, des associés de l’extrême droite catholique dans la Manif pour tous comme PSM et des ultra-communautaristes favorables à une ségrégation « racialisée » comme les Indigènes de la république? Il a vraiment fallu l’incapacité du corps social français à répondre positivement à ce que fut cette marche remarquable de dignité de 1983 pour en arriver là. Mais c’est une autre histoire.
Revenons au recueil des nouvelles renvoyant à la situation des femmes algériennes des années 80. L’image des pères et des frères en Algérie n’est pas reluisante. Sauf dans une des nouvelles où le frère sauve la mise, ces histoires vécues de la domination paternelle, et de celle du frère qui veut ressembler au père, explicitent de façon émotionnelle la situation de dominées des femmes de la maison, dont la reproduction est assurée par les mères qui en assurent la transmission.
Inceste par le frère, mariages forcés, viols légalisés, fugues pour sortir de l’enfer, tout est présenté dans ce recueil de nouvelles tant en France qu’en Algérie.
Ce sont des fictions, mais elles relatent mieux la réalité que nombre d’ ouvrages de sociologues français. Comme la lecture de Balzac éclaire mieux sur la réalité de la bourgeoisie française au XIXe siècle que nombre d’articles d’historiens.
A lire seul, à lire en atelier de lecture, et surtout à débattre…

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Le livre noir des religions, de Frank Timour

par Bernard Teper

 

Ce livre publié aux Éditions de l’Épervier (514 pages, 25 euros) est écrit par un auteur d’origine turque, né au Canada, qui a enseigné la philosophie et l’histoire aux États-Unis où il vit actuellement. Disons d’emblée que sa thèse n’est pas la thèse laïque car il professe l’interdiction des signes religieux dans tout l’espace public (donc y compris la rue) dont elles « ne sont sorties que pour le malheur de l’humanité »  alors que la thèse laïque ne la proclame que dans les sphères de l’autorité politique et de constitutions des libertés (école, services publics, protection sociale). Pour les partisans du principe de laïcité, la liberté la plus grande doit exister dans la société civile (donc y compris dans la rue) sous réserve du respect de l’ordre public. Dit autrement, l’auteur se fait l’avocat d’une société athée et non d’une société laïque, dans laquelle le principe de laïcité doit permettre le plus haut niveau de liberté pour tous. A noter et c’est d’importance, qu’il fustige l’ensemble des religions avec la même ferveur et non une seule religion, l’islam, comme les ultra-laïcistes français de droite et d’extrême droite.1
Cette critique étant posée, je me dois de dire que ce livre est, malgré tout, d’un grand intérêt car il s’appuie sur une étude historique et littéraire impressionnante. Même si le procès des religions est uniquement à charge, il donnera aux citoyens éclairés des connaissances avec les sources correspondantes (565 notes se déployant sur 35 pages). Si l’auteur met en perspective « le bilan historique criminel de toutes les religions », force est de constater que toutes les religions en prennent pour leur grade : animisme, judaïsme, christianisme, islam, hindouisme, bouddhisme, etc.
Autant dire que l’auteur fustige l’idée que « les religions professent l’amour ». En fait, ce livre n’est pas un livre contre les croyants mais « contre la croyance »(page 7). D’une certaine façon, il reprend le flambeau des thèses athées de Bertrand Russel dans « La religion a-t-elle contribué à la civilisation » (1930) et de d’Holbach dans « La cruauté religieuse » (1769). A noter que Diderot était holbachien.
La première partie du livre fait un recensement diachronique tiré des grands auteurs grecs, romains, français, etc. des assassinats de masse, avec chiffres à l’appui, effectués au nom des différentes religions. L’auteur prend des partis pris historiques comme l’imputation de l’incendie de Rome en l’an 64 aux chrétiens (et non à Néron) en « croisade pour la pudeur ». Après les massacres organisés par les animistes, par les Hébreux avant notre ère, les répressions sanglantes des chrétiens, la présentation des associations religieuses criminelles comme la « Sainte Vehme », les persécutions de la conquête islamique, la croisade catholique contre les cathares, contre les sorcières, contre les non-catholiques en Espagne, le génocide des nord -amérindiens, les guerres inter-religieuses, la chasse aux juifs, les génocides en Arménie, au Biafra, au Rwanda, le bouddhisme meurtrier, etc.
La deuxième partie du livre rassemble pour les justifications des crimes de guerre dans les textes religieux eux-mêmes. Et là tout y passe : la Bible, le Coran, les textes religieux indiens et chinois (notamment le taoïsme et le confucianisme), etc. Les persécutions sont étudiées dès la Grèce antique. Puis les persécutés de chaque religion : d’Hypathie à Galilée pour le christianisme, d’Al kindi à Averroès pour l’islam, Servet pour le protestantisme, etc. Sont appelés à la barre du tribunal : Diderot, D’Alembert, Voltaire, Kant, Spinoza, Bauer, etc.
La troisième partie essaye de justifier par l’actualité le projet de l’auteur de « chasser Dieu de l’espace public » pour empêcher la religion de perpétrer ce que l’auteur appelle « un crime contre l’humanité ». L’Algérie, le Liban, le Nigeria, la Côte-d’Ivoire, les croisades de Bush, etc. sont analysés. Les anathèmes notamment contre Salman Rushdie, Itzak Rabin, Anouar el Sadate  sont précisés. Il engage une forte polémique contre Bernard-Henri Lévy « le nouveau Saint-Bernard », contre Tariq Ramadan « le jésuite islamique », contre Charles Taylor « le multiculturaliste canadien », contre Edwy Plenel « le thuriféraire de la laïcité molle des intellectuels des beaux quartiers », contre l’hebdomadaire Le Point et contre Philosophie magazine utilisant la stratégie de la confusion, contre le Monde des religions et « sa stratégie de l’euphémisation », contre le journal Philosophie qui est selon l’auteur « le rendez-vous du spiritualisme bobo », contre l’offensive obscurantiste des créationnistes, etc. Puis vient le caractère nocif du laxisme contre les religions quelle que soit la période historique. Le livre se termine par des propositions de calendrier athée et de la semaine de travail de 4 jours sur 6.

  1. Nous rappelons que pour nous, l’ultra-laïcisme est le pendant anti-laïque de la laïcité d’imposture des communautaristes qui adjective le mot « laïcité » pour en changer le sens. []


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