Mode d'emploi

Soutenir et financer

Bien que le journal électronique soit rédigé par des contributeurs non rémunérés, nous devons faire face à des frais (notamment informatique). C'est pour cela que votre aide financière est la bienvenue pour nous permettre de continuer à vous informer sur les combats de la Gauche Républicaine et Laïque. Pour ce faire vous pouvez faire une adhésion de soutien en vous inspirant du barème ci-après et en nous envoyant sur papier libre vos Noms, Prénoms, Adresse et courriel à :

Les Amis de ReSPUBLICA
27, rue de la Réunion
75020 PARIS

Barème indicatif :
Chômeurs, RMIstes, Etudiants : 10 €
SMIC et au-delà : entre 25 € et 100 €

 
Chronique d'Evariste
Rubriques :
  • Chronique d'Evariste
  • Europe
  • Lutter contre le néo-libéralisme
  • ReSPUBLICA
  • Grèce
  • lettre 786

Les Grecs ont dit OXI. Et après ?

Continuer à combattre la tyrannie du capitalisme

par Évariste

 

Les dirigeants néolibéraux répètent à l’envie : tina, tina, tina (there is no alternative, il n’y a pas d’alternative). L’un de ceux-là, celui-là même qui a permis l’ « optimisation fiscale » des banques et des firmes multinationales au Luxembourg, véritable paradis fiscal au milieu de l’Union européenne, Jean-Claude Juncker, donc, actuellement président de la Commission européenne, placé là par les néolibéraux de droite et de gauche, ajoutait : « Il ne peux y avoir de choix démocratique aux traités européens ». Peu importe aux néolibéraux que ces traités n’aient pas été décidés par un processus démocratique, la démocratie doit s’effacer devant les intérêts du capital.
La Commission et le Conseil européens ne pouvant exclure un pays via le traité de Lisbonne, ont délégué à l’Eurogroupe, qui n’est pas une instance légale de l’UE, le pouvoir d’asphyxier la Grèce par l’assèchement des liquidités.

La situation grecque est inhumaine

On connaît la situation sociale de la Grèce : hausse de 45 % de la mortalité infantile, hausse de 42 % du taux de suicides, baisse de trois ans de l’espérance de vie, 44,6 % de retraités vivant en dessous du seuil de pauvreté, le plus grand hôpital du pays, Évangélismos, ne pouvant plus fonctionner à compter de la fin juillet 2015, violation systématique des droits sociaux, économiques et humains de la population grecque au cours des quatre dernières années (Rapport relatif aux droits humains des Nations unies, présenté par Cephas Lumina).

Selon M. Jyrki Kataïnen, ancien Commissaire aux affaires économiques et monétaires de l’UE, « la validité de la Charte des droits fondamentaux de l’UE est suspendue en Grèce mais aussi dans tous les pays sous programme », dans la mesure où les memoranda n’ont pas à être soumis au droit communautaire. En décembre 2014, avant l’arrivée de Syriza au pouvoir et en réponse à une question d’eurodéputés de Syriza sur le non-respect du droit du travail en Grèce, son successeur, le très socialiste et humaniste Pierre Moscovici, faisait valoir, pour justifier de telles violations du droit, que les memoranda étant des accords intergouvernementaux, ils n’étaient pas soumis en tant que tels au droit communautaire (voir notamment « Un coup d’État financier contre Athènes », 29 juin 2015, de Vicky Skoumbi, rédactrice en chef de la revue grecque de philosophie Alitheia.

Selon V. Skoumbi, « ce qui est affirmé sans ambages ici est le fait que le principe fondateur de la démocratie depuis Solon, à savoir l’isonomie, n’est plus valable, ni pour les Grecs, ni pour les autre pays sous la tutelle de la Troïka. En somme, ce dont il s’agit, c’est de l’instauration de véritables zones de non-droit au sein de l’Europe, qui fonctionneront comme hauts lieux d’une exploitation extensive, d’autant plus que, du droit du travail, il ne reste presque rien. Un presque rien que les créanciers trouvent encore excessif et s’efforcent de rendre équivalent à zéro. Cette création des zones économiques spécialisées, régies par la seule loi du plus fort, ne sert pas uniquement la maximisation de profits sur place, mais l’intimidation de ceux qui ailleurs en Europe se mettront à résister à l’offensive néolibérale. » 

Le gouvernement Tsipras ne peut pas négocier sur le long terme avec l’oligarchie de l’UE sans trahir le peuple grec

Malgré une réelle volonté de départ de négocier avec l’oligarchie, Alexis Tsipras n’a pas voulu trahir le peuple grec, comme l’avait fait le parti socialiste grec. Il a donc décidé de provoquer un référendum populaire, mais a il dû mettre en place un contrôle des capitaux et fermer provisoirement des banques tout en assurant le maintien des avoirs du peuple dans ces banques. Par ailleurs, la présidente du Parlement grec a installé la « Commission de la vérité sur la dette grecque » qui a présenté ses travaux et notamment les « Fondements juridiques de la suspension et de la répudiation de la dette souveraine grecque »1.

Alexis Tsipras a ainsi déclaré qu’« après cinq mois de négociations, nos partenaires en sont venus à nous poser un ultimatum (…). Leur but est l’humiliation de tout un peuple (…). Notre responsabilité dans l’affirmation de la démocratie et de la souveraineté nationale est historique en ce jour, et cette responsabilité nous oblige à répondre à l’ultimatum en nous fondant sur la volonté du peuple grec. J’ai proposé au conseil des ministres l’organisation d’un référendum, et cette proposition a été adoptée à l’unanimité »2.

La réalité matérielle a donc transformé un gouvernement voulant négocier en un gouvernement menant la bataille contre l’Eurogroupe et le FMI. Une fois encore, la volonté ne suffit pas à tordre la réalité matérielle ; c’est bien la réalité matérielle et ses lois tendancielles qui régissent le réel. D’où l’importance d’une formation politique et économique pour tous les cadres et militants afin qu’ils ne prennent pas pour argent comptant les beaux discours techniques des « stars » de l’hétérodoxie néo ou post keynésienne ou encore du marxisme vulgaire. Ainsi, la question centrale n’est plus de décréter ce que nous devons faire sur le plan économique. Nous pouvons nous épuiser à lire toutes les stars de l’Autre gauche française, nous ne trouverons chez elles aucune réponse politique. Pour chercher ce qu’il convient de faire politiquement et comment le faire ici et maintenant, il faut rassembler le peuple, sans lequel rien n’est possible. C’est donc la politique qui doit être remise au poste de commande.

La montée en force depuis 2009 de la poussée populaire grecque

Nous constatons à chaque élection la poussée populaire grecque. Syriza faisait 4,6 % à l’élection législative de 2009 et 4,7 %, à l’élection européenne, puis 26,9 % à la législative de 2012, 26,57 % à l’européenne de 2014, et 36,3 % en janvier 2015, quand Syriza prend le gouvernement grâce au bonus de 50 députés pour la liste arrivée en tête et avec l’appoint de la droite souverainiste. Après qu’en 2013, le cartel Syriza a fait place à une organisation unifiée fusionnant tout le cartel et qui a obtenu plus de 60 % des voix sur le non (oxi) au référendum anti-austérité, malgré toutes les tentatives et bidouillages des médias et des néolibéraux grecs.

Ce non est un non à l’austérité néolibérale voulue par une Union européenne sous direction allemande et soutien de ses alliés, parmi lesquels la France de Hollande. Pour la première fois, et c’est en Grèce, une majorité du peuple construite par une alliance des ouvriers, des employés et des couches moyennes intermédiaires, bouscule le château de cartes ordolibéral de la zone euro et donc de l’union européenne elle-même. Il faut se réjouir politiquement de l’existence ici et là de poussées populaires qui accompagnent le mouvement social et l’émergence d’un parti unifié qui a surgi ces dernières années. Mais les lois tendancielles de la formation sociale capitaliste continueront à agir et à montrer que la zone euro et les traités de l’union européenne sont des carcans qu’une simple poussée populaire nationale (comme celle du 5 juillet) ne parviendra pas seule à ôter.

Ainsi, Tsipras a démissionné le bouillant Varoufakis qui, au vu de la large victoire du non, a cru pouvoir déclarer dimanche qu’il ne signerait jamais un accord austéritaire. Tsipras aurait été prêt, selon la rumeur, à passer sous la table en annulant le référendum et en acceptant l’essentiel des demandes des « institutions », quand, dans un dernier sursaut, il a au dernier moment maintenu ledit référendum. Fort d’un quasi-plébiscite, Tsipras espère maintenant pouvoir reprendre les négociations et obtenir ce à quoi il avait failli renoncer, la restructuration de la dette grecque, à laquelle FMI et Allemagne étaient farouchement opposés. Tsipras n’avait pas les moyens de renverser la table, et il sait que le référendum ne suffit pas à les lui donner, mais il peut espérer faire plier quelque peu l’UE, qui devra peut-être lui accorder les moyens de rembourser le FMI pour le sortir du jeu. Ce n’est pas la fin de la guerre que les dirigeants néolibéraux de droite comme de gauche et les économistes mènent contre les peuples, mais la poussée populaire change la donne, même si la fin de l’histoire n’est pas écrite.

Il n’est pas nécessaire d’être grand clerc pour prévoir une plus grande vigueur des peuples européens qui verront que la résistance est possible, d’où une augmentation des tensions politiques au sein de la direction de l’Union européenne. Et il y aura aussi augmentation des tensions d’ordre géopolitique, car la Grèce ne pèse certes qu’un peu plus de 2% du PIB de la zone euro, mais ses liens culturels avec l’Est de l’Europe, et même avec la Russie, et son ancrage dans le bassin méditerranéen lui donnent un poids géopolitique qui dépasse largement son poids économique.

Cet épisode est donc pour nous un tournant d’une importance capitale que nous saluons, car il relève d’un mouvement général de résistance à la gestion néo-libérale de la crise. Ainsi, Podemos se prépare à ouvrir en Espagne un nouveau front dans la lutte globale et internationale, tandis que les manifestations de soutien au peuple grec se développent et que des solidarités entre États-nations se font jour3. Il est temps en France à sortir du débat people du type «  Pierre Laurent a-t-il raison d’aller aux régionales contrairement à ce qu’il a dit un mois auparavant ? », et d’engager un processus politique visant à organiser une action de transformation de la réalité matérielle du peuple.

Les tâches de l’heure en France

Nous invitons les camarades à réfléchir aux conditions actuelles d’une lutte plus efficace :

– la priorité à l’éducation populaire en milieu populaire pour augmenter la conscientisation, la volonté de l’émancipation et la puissance d’agir ;

– la nécessité de l’éducation populaire dans les classes moyennes pour montrer l’inanité de la seule lecture des « stars » de la gauche de la gauche et pour centrer les débats sur comment connaître et rassembler le peuple par lui-même car c’est la seule solution ;

– l’efficacité de plus en plus faible des cartels, tels le Front de gauche en France ou Izquierda Unida en Espagne, et la force des organisations nouvelles sans cartels, tels Syriza, parti unique depuis 2013 qui monte en puissance, ou Podemos, mouvement citoyen

– la nécessité, pour mobiliser le peuple, de partir de ses préoccupations au lieu d’évoquer abstraitement les causes des injustices. Ces préoccupations se manifestent dans les actions liées à l’accès aux soins (les dispensaires gratuits en Grèce et les marches blanches en Espagne), au logement (les luttes contre les expulsions en Espagne), à la nourriture (les actions du type « Restos du cœur » en Grèce, liées à l’éducation populaire), aux services publics, y compris de proximité, etc. ;

– le développement du contact avec le peuple : porte à porte, théâtre de rue, liens avec le mouvement syndical revendicatif travaillant en milieu populaire, réinvestissement des MJC en milieu populaire, idem pour les associations de parents d’élèves et des associations familiales travaillant en milieu populaire, etc ;

– la nécessité d’une formation des militants bénévoles aux lois tendancielles du capitalisme et aux théories révolutionnaires et non aux variantes bourgeoises de la doxa militante ;

– le besoin de saisir les bases d’appui des grands mouvements populaires (même confus comme celui du 11 janvier), car il convient de tenir compte de la culture d’un peuple pour mener la bataille de l’« hégémonie culturelle » gramscienne. Cette bataille doit entraîner la fin des mono-combats censés régler par enchantement tous les autres maux de la planète pour lui substituer la globalisation jaurésienne des combats dans une liaison des combats démocratiques, laïques, sociaux, écologistes et féministes sans en oublier un seul ;

– la nécessité de comprendre que dans la gauche de la gauche, sont aujourd’hui pris à contre-pied ceux qui, majoritaires dans les directions des organisations associatives, syndicales et politiques de l’Autre gauche française, considéraient que l’Europe sociale était possible dans le cadre de l’Union européenne et de la zone euro. Là, les dirigeants de la gauche de la gauche de type « Europe sociale dans l’UE » où les nouveaux « Jésus Christ » de la prééminence surplombante d’une idée qui résout tout à elle toute seule nous sont de peu d’utilité dans la période car la priorité est ailleurs ;

– la nécessité de prendre de conscience qu’il faut combler le fossé entre le peuple et les équipes militantes : il suffit de faire une distribution de tracts dans un quartier populaire pour vite comprendre que le problème central est de supprimer le fossé entre la représentation politique de la gauche de gauche et les couches populaires ouvrières et employées (53 % de la population qui aujourd’hui s’abstiennent très majoritairement de voter pour tous les candidats gauche de la gauche comprise) ; on peut comprendre que ceux qui ne lisent que les « stars » de la gauche de la gauche sans avoir jamais distribué un tract en débattant dans un quartier populaire ont quelques difficultés à appréhender la réalité matérielle ;

– le rappel de ce que nous disons dans notre journal depuis très longtemps, que la perspective d’une Europe sociale compatible avec les traités de l’Union européenne et la zone euro est une chimère, que ces derniers sont des carcans qui empêchent toute orientation progressiste. Mais que la sortie de ces carcans ne se fera pas comme un dîner de gala par des mesures techniques à froid comme le présente certaines « stars » de la gauche de la gauche mais à chaud. Tout simplement parce que le problème n’est plus technique, mais politique et géopolitique. Il s’agit d’enlever des manettes les mains de l’oligarchie, et la lutte des classes est implacable. Mieux vaut se préparer à cela plutôt qu’à l’idéalisme des conseillers du prince car il n’y a plus de prince en place à conseiller.

Hasta la victoria, siempre (jusqu’à la victoire finale)
Si, se puede (si, c’est possible)

 

  1. http://cadtm.org/Fondements-juridiques-de-la []
  2. http://syriza-fr.org/2015/06/27/allocution-du-premier-ministre-a-tsipras-au-peuple-grec-la-choix-au-peuple-souverain-referendum/ []
  3. Prenons un exemple parmi d’autres, l’Argentine : « Llevados por el FMI ». El jefe de Gabinete, Aníbal Fernández, expresó ayer su solidaridad con el pueblo y el gobierno griego frente a su delicada crisis económica y financiera. El funcionario responsabilizó al Fondo Monetario Internacional por presionarlos a un ajuste y comparó la actual situación de la economía helena con la crisis socio-económica de 2001-2002. “Esto ya lo vimos alguna vez en la Argentina, con la complicación que significa que se van los fondos y se complica a los bancos y se los deja realmente en riesgo de quiebra”, remarcó el precandidato a la gobernación bonaerense en su habitual contacto con la prensa en Casa de Gobierno.
    Traduction très synthétique : Le Cabinet de la Présidence argentine (donc le Gouvernement) exprime sa solidarité avec le Gouvernement et le peuple grecs. []
Lutter contre le néo-libéralisme
Rubriques :
  • Lutter contre le néo-libéralisme
  • Protection sociale
  • ReSPUBLICA
  • HCF
  • lettre 786
  • Politique familiale

La logique sociale du néolibéralisme : mieux partager la pénurie

A propos des séparations familiales

par Bernard Teper

 

Nous avons à plusieurs reprises dénoncé les conséquences sociale du mouvement « réformateur » néolibéral (voir le récent article de ReSPUBLICA sur les inégalités). Examinons sur un cas, pris parmi de nombreux autres, celui des familles séparées, comment l’oligarchie capitaliste traite ces conséquences (cf France Stratégie, « Comment partager équitablement le coût des enfants après la séparation ? ».

La lecture de cette étude est édifiante. D’abord, il est incroyable de constater sur quels sujets le néo-libéralisme conduit les chercheurs à travailler. Ensuite, une inutile mathématisation bac+8 ne sert qu’à faire croire à la scientificité des conclusions. Derrière cet appareil, il s’agit en réalité de légitimer l’idée que la seule solution aux problèmes de notre temps est de mieux partager la pénurie toujours plus grande qui en est la cause ! Et ce message passe en boucle sur tous les médias néolibéraux !
Résumons l’étude : lors d’une séparation, celui qui est lésé par les mesures socio-fiscales actuelles serait… le parent qui ne garde pas le ou les enfants du couple dans le cas de la garde alternée et même dans le cas du droit de visite traditionnel. Et l’étude donne des alternatives préparant sans doute les prochaines « réformes » du mouvement réformateur néolibéral avec fourniture du logiciel permettant de proposer au juge une nouvelle pension alimentaire soi-disant plus juste.
Cette conclusion largement préétablie est assise sur une méthode de travail qu’un collectif de chercheurs a rapidement récusée (voir http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/06/25/l-appauvrissement-des-meres-apres-une-separation-n-est-pas-simule_4661769_3232.html), tandis qu’un collectif d’associations féministes titre : « France stratégie efface la pauvreté des mères seules avec enfants« .

De plus, ne mesurer les injustices que dans l’histoire synchronique du moment présent amène à négliger les évolutions dans le temps : on sait bien par exemple que les riches deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres (phénomène caché dans le discours néolibéral ).
Dans le cas considéré, on ne tient donc pas compte de la diachronie, de l’appauvrissement exponentiel dans le temps des familles monoparentales dirigées par des femmes à 96 % et majoritairement créés par les ruptures conjugales.

Cette étude est donc un exemple de la mystification « réformatrice » néolibérale, pure action idéologique basée sur une succession accélérée de « réformes » toutes plus justes les unes que les autres à condition d’accepter de trouver normal que les riches s’enrichissent et que les pauvres s’appauvrissent.
Asseyant ainsi un peu plus sa victoire (jusqu’ici) dans la bataille pour l’hégémonie culturelle, le mouvement « réformateur » néolibéral propose de corriger les injustices au fur et à mesure qu’elles apparaissent, mais seulement entre les plus pauvres ! Cela rappelle le débat sur les fraudes à la sécurité sociale où on ne parle que des fraudes des assurés sociaux (moins de 1 % des dépenses !) mais jamais des fraudes tant illégales qu’illégitimes du patronat !

À cette fin, des instances de dialogue et de concertation créées pour le besoin offrent un simulacre de débat : le Conseil d’orientation des retraites (COR), le Haut conseil pour l’amélioration de l’assurance-maladie (HCAAM), le Haut conseil de la famille (HCF), le Haut conseil du financement de la protection sociale (HCFi-PS), etc. La composition de ces instances, véritables appareils idéologiques de l’État néolibéral, revient au Premier ministre, mais que ce soit du temps de Sarkozy ou de Hollande, elle reste la même. On y trouve une majorité « en béton » de personnalités dites qualifiées, c’est-à-dire ouvertement néolibérales et favorables à l’actuelle construction européenne. Et ce n’est pas l’intégration minorisée (surtout au HCF) du mouvement syndical afin de donner une impression d’objectivité qui assure un réel pluralisme de vues.
À l’appui de l’action idéologique via ces instances, le mouvement réformateur néolibéral peut largement mobiliser la haute administration pour lui commander des études ou la faire animer ces instances, mettant ainsi des centaines de hauts fonctionnaires, à plein temps ou à temps partiel, au service du maintien de son hégémonie idéologique, tandis que les médias dominants se font les porte-voix des messages à répandre.

Encore une illustration de la nécessité de mener avec force et vigueur la bataille pour l’hégémonie culturelle et donc de l’éducation populaire !

Combat féministe
Rubriques :
  • Combat féministe
  • Fiscalité
  • lettre 786

L’impôt à la source aggrave la surimposition des femmes

par Christiane Marty

 

TRIBUNE : Le mariage du prélèvement à la source et du quotient conjugal défavorise les femmes.

Les implications du prélèvement à la source ont été diversement commentées mais un aspect est oublié, c’est l’impact de sa combinaison avec le quotient conjugal, c’est-à-dire, l’imposition commune des couples. Les femmes en couple vont désormais voir leur revenu personnel, salaire ou pension, directement amputé par un taux d’imposition qui est calculé sur le revenu moyen du couple (c’est le principe du quotient conjugal). Ce qui en pénalisera un grand nombre.

Donnons un exemple : une femme gagne 1 500 euros par mois, son mari en gagne 3 000. L’impôt étant progressif, le taux d’imposition augmente avec le niveau de revenu. Ce qui est plus juste en théorie devient inégalitaire avec le quotient conjugal. Ainsi, le taux d’impôt calculé sur le revenu moyen du couple, qui est de 8,42 % au barème 2015, sera à l’avenir prélevé à la source sur le salaire du mari comme de la femme alors que le taux d’impôt de la femme ne devrait être que de 4,24 % au regard de son salaire. Celui-ci diminuera donc chaque mois de 126,3 euros au titre de l’impôt, au lieu de 63,6 euros. Les salaires et pensions des femmes étant déjà en moyenne bien inférieurs à ceux des hommes, cet impôt surévalué est loin d’être bienvenu. Or, ce cas sera fréquent, puisque les trois quarts des femmes gagnent moins que leur mari (Insee, 2014) et que le revenu d’une femme ne représente en moyenne que 36 % du revenu du couple.

On objectera que le conjoint au plus haut revenu (l’homme en général) bénéficie à l’inverse d’un taux d’impôt plus faible que s’il était imposé séparément. La réduction d’impôt qui en découle pour lui étant supérieure au surplus d’impôt pesant sur sa conjointe, au total «le couple reste gagnant». En réalité, dire cela n’a de sens que si le couple fait bourse commune. C’est une des failles de l’imposition commune : elle n’est légitime que si les couples mettent leurs ressources en commun.

Or justement, cette condition n’est pas vérifiée. Parmi les couples, dont les deux conjoints sont actifs, seuls 59 % mettent leurs revenus entièrement en commun1. Parmi les couples pacsés, cette proportion tombe à 30 %. On est donc loin d’une pratique générale, ce qui rend déjà illégitime le principe de l’imposition commune.

Mais un pas sera encore franchi avec le prélèvement de l’impôt à la source : c’est le fisc qui désormais décide à la place des conjoints de la répartition entre eux du paiement de l’impôt, puisqu’il prélève le même taux d’imposition sur les deux salaires (8,42 % dans l’exemple) quelle que soit leur différence. Au sein d’un couple, le fisc applique ainsi un impôt proportionnel et non plus progressif. Bien sûr, le couple pourra toujours se lancer dans le calcul des prélèvements payés par l’un et l’autre chaque mois pour tenter d’appliquer une répartition équitable. Le fisc renvoie ainsi à d’incertaines négociations internes au couple, la tâche de rectifier un prélèvement fiscal abusif.

L’imposition commune ne satisfait pas à l’exigence d’égalité de traitement devant l’impôt des hommes et des femmes, des personnes mariées et des célibataires. Ce problème est identifié depuis longtemps, c’est une des raisons qui militent pour la suppression du quotient conjugal et le passage à l’imposition séparée2.

La France est, avec le Luxembourg et le Portugal, le seul pays de l’OCDE à avoir l’imposition commune obligatoire pour les couples mariés ou pacsés. Les autres pays ont opté pour l’imposition séparée, qui est plus transparente et plus équitable. Concernant le prélèvement à la source, ses partisans font remarquer que la quasi-totalité des pays l’appliquent. Oui, mais on oublie de dire que ces pays n’ont pas le système de quotient conjugal (ni d’ailleurs le quotient familial, c’est-à-dire les parts attribuées au titre des enfants). Or, vouloir superposer à notre système actuel, familialisé, le prélèvement à la source, individualisé, est incohérent et inéquitable.

Le quotient conjugal et familial se veut un outil de politique familiale inséré dans la politique fiscale. Il est très peu lisible pour les contribuables. Surtout, il rend le mode d’imposition complexe et inégalitaire, en particulier à l’égard des femmes. La suppression du quotient conjugal, et donc le passage à l’imposition séparée, a de ce fait de très nombreux partisans. Précisons que supprimer ce système de quotient ne signifie pas renoncer à prendre en compte les charges familiales. Simplement il serait plus rationnel de s’en tenir au principe : «De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins» et de séparer les fonctions de la fiscalité et de la politique familiale. La fiscalité s’en tiendrait à considérer les ressources financières d’une personne pour définir sa faculté de contribuer aux dépenses publiques. La politique familiale s’occuperait d’apporter le soutien de la société aux charges familiales des ménages. Nul doute que cette séparation des fonctions rendrait l’impôt plus lisible, plus transparent et plus juste, et de ce fait plus acceptable pour l’ensemble des contribuables. Le passage au prélèvement à la source devrait a minima permettre de débattre d’une réforme globale de la fiscalité.

  1. «La mise en commun des revenus dans les couples», Insee 2012. []
  2. Voir «Fiscalité des ménages : pour une remise à plat du quotient conjugal», http://www.fondation-copernic.org/spip.php?article1092 []
A lire, à voir ou à écouter
Rubriques :
  • A lire, à voir ou à écouter
  • International
  • ReSPUBLICA
  • Hugo Chávez
  • lettre 786
  • Venezuela

Ma première vie, par Hugo Chávez (Conversations avec Ignacio Ramonet)

« Permettre l'utopie, organiser l'impossible »

par Monique Vézinet

 

Cet ouvrage publié aux Editions Galilée (2015, 720 pages, 32€) dans une présentation très soignée peut être vu comme un document de référence pour ceux qui s’intéressent à l’histoire latino-américaine1, mais aussi comme un récit de vie profondément humain, ou encore comme une mine de réflexions sur la stratégie révolutionnaire, dans le contexte anti-impérialiste de la dernière partie du XXe siècle.

Déjà auteur d’une biographie à deux voix de Fidel Castro, Ignacio Ramonet a travaillé avec le président vénézuélien – rencontré dès 1999 – pendant plusieurs séances de travail échelonnées de 2008 à 2012 et à partir d’une documentation considérable. La maladie qui a emporté Hugo Chávez en 2013 n’est pas la raison pour laquelle le livre s’arrête au moment de l’investiture présidentielle. Cette « première vie » a été voulue à la fois comme une œuvre d’histoire sur une période dont le recul permet une certaine sérénité et comme une approche de la personne de Hugo Chávez, de sa formation, une réflexion aussi sur son « destin ». De fait, il n’y a pas de ces allers-retours entre le présent et le passé dont les biographies sont coutumières mais dont la sincérité peut parfois être mise en doute. En totale empathie avec son interlocuteur, Ramonet relance, précise, ramène au fil de la chronologie sans juger : sur deux points seulement Chávez semble devoir se justifier, sur sa solidarité « patriotique » avec le terroriste Carlos, sur ses relations avec l’Argentin Rafael Ceresole aux thèses antisémites « inacceptables ».

L’évocation de l’enfance est pleine de couleurs, de senteurs et de sentiments, dans les Llanos, les plaines de cet Etat de Barinas que « Huguito » ne quittera qu’à 15 ans pour aller à l’Académie militaire de Caracas. Une famille pauvre de paysans sans terre, des parents maîtres d’école qui le confient pour être élevé à une grand-mère qu’il vénère2. Une région de métissage où lui-même porteur de sang noir, indien et blanc dit que le racisme n’existait pas. Par contre l’histoire des luttes sociales y est très présente : c’est le peuple y garde la mémoire d’Ezequiel Zamora, chef d’une révolution paysanne que Chávez qualifie de « présocialiste » et liée au mouvement des idées en Europe en 1850-1860. Sa famille a éloigné la mémoire d’un autre héros local qualifié d’assassin, « Maisanta » qui est son aïeul et sur lequel il fera des recherches prolongées : en fait, un des derniers guérilleros à cheval, un rebelle politique. Dans une zone où le pétrole a causé l’exode rural, les guérillas ne peuvent plus prospérer, analyse Chávez ; il en verra les derniers épisodes dans l’État de Sucre, en tant que jeune officier chargé de la répression. Il en retire une profonde horreur de la violence et l’analyse politique de ce qu’une rébellion sans le peuple est condamnée à l’échec.

Sur le jeune Chávez, notons encore l’empreinte du catholicisme : le Christ fera définitivement partie de son panthéon, à côté de Simón Bolívar et Ezequiel Zamora. Notons la soif d’apprendre et la mémoire d’un excellent élève, la façon dont il a appris à former son esprit avec l’Encyclopédie autodidactique Quillet, alors qu’il rêve de devenir peintre, puis joueur de base-ball. Notons son caractère éminemment sociable : animateur, organisateur de concours de beauté… il est populaire, partout à l’aise, toujours prêt à chanter, il ne lui sera pas difficile, pour suivre Gramcsi « d’être le peuple » plutôt que « d’aller au peuple »3.

Sa formation militaire sera aussi une formation scientifique et politique. Dans les transmissions puis dans les blindés, le jeune sous-lieutenant s’interroge encore sur sa vocati,on. Il découvre une armée vénézuélienne où la troupe est formée des fils du peuple les plus humbles, tandis que les officiers proviennent des couches moyennes ou supérieures avec d’ailleurs certains progressistes (à plusieurs occasions, et parfois au travers d’anecdotes savoureuses, on découvre comment les activités clandestines de Chávez sont percées à jour par ses supérieurs et font l’objet d’une certaine bienveillance, de même que le traitement des mutins emprisonnés). Appliquant la notion d’alliance civico-militaire due à Fabricio Ojeda4, Chávez prend conscience du rôle social et politique du soldat, et fait de l’alphabétisation au sein de l’armée.

Or, suite à la nationalisation du pétrole en 1976 et malgré l’argent qui coule à flot, les inégalités sociales et le mécontentement s’accroissent. Chávez participe au Mouvement Rupture et est proche du parti d’extrême gauche Causa R. Il travaille à implanter dans l’armée des cellules bolivariennes et recrute en profitant même de ses activités officielles d’instructeur

Devenu capitaine de parachutistes en 1982, il crée à la fin de la même année un MBR-200 (Mouvement bolivarien révolutionnaire-200) bien modeste : 8 ou 10 officiers, 20 ou 30 élèves officiers au début. Il faudra compter 10 ans avant le déclenchement d’une première rébellion, années qu’il est impossible de résumer ici mais que ponctue le Carcacazo, grand soulèvement populaire du 27 février 1989 dû au virage austéritaire néolibéral du président social-démocrate Carlos Andrés Pérez, et qui se termine dans le sang. « Le peuple nous a pris de vitesse », analyse douloureusement Chávez. Trois ans plus tard, l’alliance civico-militaire sera au rendez-vous lors du « 4-F », 4 février 1992, qui parvient presque à la prise de pouvoir. Le Commandante en attribue l’échec à la démoralisation de la gauche. Il est fait prisonnier avec 300 officiers et 10 000 soldats.

Paradoxalement, c’est l’intervention télévisée de 50 secondes qu’il fait pour expliquer la reddition qui sera au départ de son immense popularité et implante l’idée que le dernier mot n’est pas dit. Une seconde rébellion, principalement due à l’armée de l’air, se produit en novembre. Chávez la soutient mais sans participer à sa direction stratégique. La conspiration reprend en prison, période « féconde » pour travailler sur le programme politique, la démocratie participative, les modalités d’une assemblée constituante… Tant et si bien que lorsque Chávez est libéré en 1994, sous condition de démissionner de l’armée, il est prêt à faire ouvertement campagne dans une longue tournée à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Il reçoit notamment à La Havane un accueil exceptionnel de Castro. Le voilà plus clairement perçu sur le nuancier politique mais aussi cible d’une propagande violente de plusieurs bords. La réflexion le conduit alors à préférer désormais l’action électoraliste à l’action militaire, et face aux critiques de la gauche il se décide à « assumer le leadership que le peuple [lui] réclamait ».

Finalement, en avril 1997, le Mouvement Ve République est lancé et la pré-candidature de Chávez annoncée. On sait la suite avec les 56,20 % de voix obtenues aux présidentielles du 6 décembre 1998.

La fin du livre revient sur des notions plus générales, le socialisme, la révolution et sur un « mythe Chávez » qui n’était pour l’intéressé que l’expression d’une espérance collective, destinée à être dépassée pour que le « mythe du nouveau Venezuela » puisse émerger, pour que l’utopie (bolivarienne) soit enfin possible, et c’est pour pour cela que Chávez dit avoir surmonté ses doutes en travaillant à organiser l’impossible5.

Voilà donc gros ouvrage qui peut être le compagnon de longues semaines d’été. L’histoire a beau se dérouler sur un autre continent et au siècle dernier, je mets le lecteur au défi de ne pas en tirer de fructueuses réflexions pour le monde dans lequel nous vivons !

 

  1. Le lecteur peu familier avec le contexte historique sera aidé par les notes concernant les centaines de personnages mentionnés et par l’index qui les regroupe. []
  2. Sur le machisme, il écrira : « La femme libre libère le monde… la femme libre nous libère, nous, les hommes. » []
  3. Pour lui, c’est le peuple « l’intellectuel organique ». []
  4. Il lit alors beaucoup d’histoire et de stratégie militaires et évoque Mao : le soldat au milieu du peuple comme le poisson dans l’eau. []
  5. Marc Aurèle : « Le secret de toute victoire réside dans l’organisation de l’impossible. » []
Brèves
Rubriques :
  • Brèves
  • Politique française
  • lettre 786
  • Parti de Gauche

François Delapierre : « Présent » !

par Bernard Teper

 

Terrassé par une tumeur au cerveau à 44 ans, il a reçu de ses amis et camarades un dernier hommage jeudi 25 juin dernier au crématorium du Père-Lachaise à Paris.
Un millier de personnes ont répondu « présent » lorsque son nom a été prononcé à la fin de la cérémonie.
Bras droit de Jean-Luc Mélenchon, il faisait partie d’une des pièces maîtresses du dispositif mis en place par ce dernier. C’est lui qui organise la tendance au sein du PS, c’est encore lui qui organise l’association PRS (Pour la République sociale). C’est encore lui qui organise la sortie du PS et la formation du Parti de gauche qu’il a animé jusqu’à la découverte de sa maladie. C’est lui qui est directeur de campagne de Jean-Luc Mélenchon lors de la campagne présidentielle de 2012. C’est encore lui qui comprend que les systèmes d’organisation des partis doivent changer du fonctionnement traditionnel. Etc.
Dirigeant politique structuré et organisé, il estime que tout doit être engagé au cordeau. De la date de naissance de ses deux filles à toutes les phases du processus politique dans lequel il était engagé, rien n’est laissé au hasard.
Trois interventions ont eu lieu avec l’une de ses sœurs, sa femme Charlotte et bien sûr Jean-Luc Mélenchon.
Après une cérémonie pleine d’émotions, l’Internationale et la Marseillaise retentissent reprises par les participants à l’événement.



Si vous ne souhaitez plus recevoir cette lettre, désinscrivez-vous en cliquant ici.

ReSPUBLICA, le journal de la gauche républicaine est édité par l'association :
"Les Amis de ReSPUBLICA"
27, rue de la Réunion
75020 PARIS
Courriel : respublica@gaucherepublicaine.org
Site: gaucherepublicaine.org