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Chronique d'Evariste
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Les retards de la gauche de la gauche en matière d’analyse et de nouvelles pratiques sociales

par Évariste

 

Comme déjà indiqué dans une précédente chronique1, la gauche de la gauche voit reculer son influence en milieu populaire (53 % de la population). Elle semble incapable de penser la fracture sociale qui s’est opérée. Mais cela ne suffit pas à comprendre la mutation en cours dans les recompositions politiques. Car la mutation sociale des partis s’accompagne d’une nouvelle ségrégation spatiale. C’est la fracture spatiale. Cet autre phénomène qui accompagne le précédent est le phénomène de gentrification en cours depuis plusieurs décennies largement soutenu par le mouvement réformateur néolibéral. La cécité de la gauche de la gauche a été également encouragée par les élus de toutes les gauches (y compris le PC) et par leurs conseillers, urbanistes et architectes, bureaucrates de la politique de la ville, qui ont accompagné ce mouvement dont la cause principale est la dynamique intrinsèque de la formation sociale capitaliste en crise du profit.

Fractures spatiale et sociale

Ce phénomène montre qu’il y a trois dynamiques principales dont le fil conducteur à l’œuvre est de voir, petit à petit, les couches populaires partir vers la périphérie et les classes bourgeoises reconquérir les villes centre et même certaines banlieues. Bien évidemment, tout cela a été accéléré par la volonté de désindustrialisation de l’oligarchie capitaliste, par la suppression progressive des grandes concentrations ouvrières, et par la dissuasion du marché immobilier en forte hausse lié au fait que les le mouvement réformateur néolibéral a toujours favorisé la rente.

D’abord la dynamique des métropoles, regroupant de plus en plus les gagnants de la mondialisation (ou qui se considèrent comme en faisant partie), soit la majorité des couches moyennes supérieures, une partie des non-salariés aisés et une partie des couches moyennes intermédiaires. C’est l’une des conséquences des actes I, II, III de la décentralisation qui s’est concrétisée récemment avec la loi Notre et la loi Mapam. De ce point de vue, chaque gouvernement a fait pire que le précédent. C’est aussi là que se crée l’emploi. A noter que c’est la première fois dans le capitalisme que la majorité des salariés ne vivent pas là où sont créés les emplois !

Puis, la France périphérique, composée des zones péri-urbaines (regroupant les villes qui ne sont pas des métropoles) et rurales, qui font vivre 60 % de la population française. C’est cette France qui voit augmenter fortement les couches populaires abandonnées par les dirigeants nationaux des partis néolibéraux de droite et de gauche mais aussi de la gauche de la gauche. Malgré beaucoup de publicité, cette France ne crée que peu d’emplois par rapport aux métropoles. Le fait que de nombreux endroits de cette France périphérique sont des zones dortoirs de plus en plus éloignées des métropoles où se trouvent le plus d’emplois, modifie bien plus l’aménagement du territoire que d’autres sujets dont on parle beaucoup plus.

Et, enfin, les banlieues, qui regroupent de moins en moins de couches populaires stabilisées dans leurs territoires. Car de plus en plus, les banlieues sont, pour de plus en plus de couches populaires, un lieu de transit provisoire entre les métropoles et la France périphérique. Mais c’est aussi, dans certaines villes de banlieue, un endroit de regroupements identitaires : français juifs sépharades, français d’origine arménienne, français de culture musulmane. Pour les uns, ces regroupements identitaires sont directement le produit des politiques municipales. Pour d’autres, c’est un « mix » entre des politiques municipales, la cherté de la vie et le coût du logement. D’autant qu’aucun gouvernement jusqu’ici n’a osé obliger les villes riches à construire des logements pour les couches populaires. Tout se passait comme si les gouvernements acceptaient la getthoïsation exponentielle des gagnants de la mondialisation dans les villes centres et les banlieues bourgeoises et ne poussaient au mieux l’idée de la mixité sociale que dans les villes à majorité populaire. La loi SRU est de ce point de vue notoirement insuffisante et peu contraignante.

On peut rajouter à cela la politique néolibérale de désertification dans la France périphérique mais aussi dans les banlieues de tout ce qui procède de la sphère de constitution des libertés (école publique, protection sociale, services publics). Ce n’est pas avec 1 000 maisons de service au public (MSAP), qui ne sont plus des maisons de services publics (MSP) que l’on inverse la politique de désertification de l’oligarchie capitaliste. Et ce n’est pas en fermant les yeux sur les trous percés de la sectorisation scolaire utilisés par les couches moyennes supérieures par les options linguistiques et autres, que l’on réglera les problèmes d’aménagement du territoire.

Autres fractures

Le résultat des élections régionales de décembre 2015 a mis au jour une fracture générationnelle. Les jeunes de moins de 35 ans ont voté très majoritairement à droite et à l’extrême droite : 61 % pour les moins de 25 ans et 56 % pour les moins de 35 ans. Et comme ce chiffre est moyen et que, de plus, le vote de la jeunesse est différencié entre les jeunes des métropoles et ceux de la France périphérique, les chiffres précédents sont bien plus forts dans la France périphérique et bien moins forts dans la jeunesse des métropoles. Disons-le, ce sont les personnes âgées qui ont empêché la victoire totale du FN aux élections régionales de 2015. Triste perspective, non ?

De plus, l’incapacité de la gauche de la gauche, comme des solfériniens d’ailleurs, de penser également le besoin de protection sociale, d’école laïque et républicaine, de sûreté et de sécurité des citoyens français est en partie responsable de la fracture identitaire qui favorise aussi bien le FN que les communautarismes (la percée de l’Union des démocrates musulmans de France dans certaines villes des Yvelines et de Seine-Saint-Denis et le développement des groupes dits citoyens mais en réalité communautaristes alliés à la gauche de la gauche, au PS ou à la droite) ou encore tous les intégrismes, dont celui de la Manif pour tous, des indépendantismes et de l’islamisme.

Car aujourd’hui, vu la crise du profit de l’économie réelle capitaliste, en l’absence d’un projet alternatif au capitalisme crédible au yeux des couches populaires et du peuple, le refus des conséquences du capitalisme (aujourd’hui celles du mouvement réformateur néolibéral) peut prendre le chemin de l’extrême droite, comme dans les années 30, ou celui aussi d’une néo-féodalisation intégriste, obscurantiste et pré-capitaliste (soutenue par une partie de la gauche de la gauche d’ailleurs) tout en étant branché Internet 2.0, ou encore celui encore d’une revendication ethniciste de type indépendantiste comme en Corse.2
Dans le premier cas, cela peut permettre comme dans les années 30, une alternative fascisante proposée par une alliance entre droite de la droite et FN, pour le plus grand bonheur de l’oligarchie capitaliste. Dans le deuxième cas, cela conduit à une régression sociale et sociétale doublée d’une insécurité dangereuse. Dans le troisième cas, à une modification géopolitique régionale car il n’y a plus de place aujourd’hui pour des petits pays indépendants. Il n’y a pas un petit pays qui ne fasse pas partie d’un ensemble géopolitique dominé par un impérialisme.

Ainsi, il ne suffit pas de se déclarer « frondeur » sans alternative ou de déclarer que l’ennemi du Front de gauche est le FN et qu’il faut mener une bataille front contre front, encore faut-il répondre à toutes les fractures sociale, spatiale, générationnelle et identitaire. Cela implique de mener la bataille pour une nouvelle hégémonie culturelle contres les causes de ces fractures, mais aussi de proposer, comme dans la stratégie de l’évolution révolutionnaire (Karl Marx 1850, puis Jean Jaurès), des solutions à court, moyen et long terme cohérentes entre elles. Dire que telle ou telle proposition de François Hollande n’est pas bonne est une chose, mieux est de dire comment faire pour qu’à court terme d’abord et à long terme ensuite, les citoyens français se sentent protégés, en sûreté, en sécurité.

Mais pour cela, il faudrait utiliser la stratégie jaurésienne de l’évolution révolutionnaire qui est la stratégie de la République sociale. Ce qui est difficile pour la partie de l’Autre gauche qui reste anti-républicaine et anti-laïque, sans aucun projet et modèle d’avenir en dehors d’un gauchissement du communautarisme anglo-saxon. D’où la décomposition de la gauche de la gauche.

Quid du sursaut citoyen possible des abstentionnistes ?

C’est la pensée magique de la majorité de la petite bourgeoisie. Celle qui aime se battre avec la peau des autres. C’est celle qui est reprise par les médias néolibéraux. Il n’a donc aucune chance de se produire. Car les abstentionnistes ne sont pas en tant que tels une catégorie avec une composition représentative de la société française, tant les couches supérieures et mêmes intermédiaires votent en rangs serrés. Comme l’a montré la chronique d’Evariste citée plus haut, le gros des abstentionnistes est formé par les couches populaires qui, dans les circonstances actuelles et tant qu’une gauche de gauche n’effectue pas son surgissement, si elles ne s’abstiennent pas, voteront FN comme elles ont commencé à le faire aux élections régionales de 2015. Il ne reste comme solution que d’agir sur les causes, ce que le mouvement réformateur néolibéral ne veut à aucun prix, bien sûr !

Le slogan « rassemblons-nous autour des valeurs de la République » est-il efficace ?

Ce slogan, répété à satiété par les dirigeants de l’oligarchie capitaliste (grands patrons, responsables des grandes organisations internationales, prêtres médiatiques des chaînes néolibérales radio et télévisuelles) sans jamais définir quelles elles sont, n’engage que ceux qui veulent y croire, c’est-à-dire la petite bourgeoisie ballottée entre des positions contradictoires, mais sûrement pas les couches populaires bien plus nombreuses. Dire que le Front national n’est pas un parti républicain paraît juste, mais est-ce que LR, le PS et leurs alliés le sont davantage ? Là est la question !

Si on définit la République sociale, comme nous l’avons fait3 comme celle qui respecte les principes (et non les valeurs) de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité4, de solidarité, de démocratie, de souveraineté populaire, de sûreté, d’universalité, de développement écologique et social, force est de répondre non à la question posée. Si la république est un fourre-tout sans définition précise autre que celle de ne pas être une monarchie, alors tout le monde peut se targuer de l’être puisque personne ne la définie sérieusement. Il ne suffit pas de répéter que telle « valeur » est à poursuivre ni même que tel « principe » est celui qui convient. L’enjeu est le contenu que l’on met derrière les mots de liberté, d’égalité et de fraternité, comme de ceux qui les prolongent : laïcité, solidarité, souveraineté populaire… C’est leur usage pratique, non le slogan, qui importe, et le projet politique que ces mots sont censés exprimer.

Quelles recompositions possibles ?

Sans éclatement ou nouvelle recomposition des organisations existantes, les mêmes causes produisant les mêmes effets, la ligne néolibérale de plus grande pente pourrait être, si un nouvel élément de crise économique advenait, la poursuite de la montée du FN, des identités communautaristes et intégristes et des velléités indépendantistes avec en fin de parcours une recomposition droite de la droite/FN sous l’égide du grand patronat comme dans les années 30.

Une variante de cette ligne de plus grande pente, au moins dans un premier temps, pourrait être une recomposition PS/droite centriste, si LR venait à se disloquer avant tout élément nouveau de crise économique. C’est cela que vise François Hollande, qui a définitivement abandonné les quelques mesures sociales et laïques promises durant la campagne de 2012 et qui travaille cette recomposition en commençant par la réforme constitutionnelle du début février négociée avec des parties de la droite néolibérale. Parions que toute la fin de son quinquennat sera marquée par la volonté de recomposition avec une partie de la droite néolibérale.

Le mouvement progressiste pourrait quant à lui se développer, vu que le PS abandonne de plus en plus la position d’un parti de gauche. Trois possibilités stratégiques s’offrent à lui. Nous ne parlons pas là de ligne politique mais de stratégie politique :

- La première est une stratégie de type Syriza 2013 qui consiste à supprimer tout cartel ou collectif (de type Front de gauche qui empêche le débat démocratique entre les adhérents au profit de compromis entre dirigeants) par une fusion des petites organisations.
– La deuxième suppose une manifestation populaire préalable de type Indignés avec une sortie politique de type Podemos, avec une référence autour du « peuple » et non de la « gauche ».
– La troisième est une recomposition qui fait suite à des formes d’éclatement des partis traditionnels et de la politisation d’acteurs associatifs et syndicaux ou de citoyens éclairés suite à une droitisation constante du PS et de ses alliés.

Dans tous les cas, la recomposition ne pourra se faire, de notre point de vue, que dans la poursuite culturelle des grandes avancées historiques de l’histoire de France depuis la Révolution française, seule à avoir pu mobiliser les couches populaires puis le peuple entier. Donc par fusion entre un modèle de refondation républicaine et un projet progressiste capable de mobiliser d’abord les couches populaires pour mobiliser ensuite les forces progressistes du peuple. Donc en s’écartant du groupuscularisme, de la marginalisation volontaire, du gauchisme, du solipsisme, du sectarisme, toutes ces dérives étant des maladies infantiles de la pensée progressiste.

Mieux connaître le réel concret

Pour aller à l’idéal, il faut partir du réel concret et ne pas vouloir construire un avenir tel un professeur Tournesol indépendamment du réel et du processus pour l’atteindre. Pour cela, il faut comprendre des choses souvent mal connues des militants, comme le fonctionnement de la monnaie en système capitaliste, les lois tendancielles d’une formation sociale capitaliste, les doctrines de la démocratie, les lois tendancielles de notre écosystème, le fonctionnement des institutions sociales, la nécessité de penser une nouvelle industrialisation, etc. En un mot, il faut développer une théorie globale pour clarifier le complexe, tout en refusant les simplifications abusives de slogans qui fonctionneraient comme des déclencheurs sociaux et politiques, ce qui n’a jamais été le cas dans l’histoire sauf au « café du commerce ».

Par ailleurs, connaître le réel concret exige aussi de connaître les hommes et les femmes et notamment leurs besoins en fonction des différentes couches sociales en vue de la construction d’une convergence de projet. Ainsi on ne peut pas, par exemple, ne pas tenir compte des couches populaires (53 % de la population) qui ont bien d’autres besoins que les politiques d’assistance indispensables. Ils ont des besoins culturels, de pouvoir d’achat, de lutte contre le chômage et la précarité, d’une sphère de constitution des libertés de haut niveau (école, services publics, protection sociale), des besoins démocratiques, féministes (pour toutes les femmes ouvrières et employées, pour les deux millions de femmes élevant seules leurs enfants, largement oubliées aujourd’hui), laïques (car les ouvriers et les employées ne sont pas en France pour le gauchissement du communautarisme anglo-saxon ni pour le relativisme culturel cher aux couches moyennes supérieures de la mondialisation) et d’une cohérence anti-système par rapport aux oligarchies patronale, LR et PS.

Engager de nouvelles pratiques sociales

Sauf à vouloir s’enferrer continuellement dans les pratiques sociales anciennes qui ne marchent plus et sont aujourd’hui perdantes et de continuer à dire que l’on a toujours raison, mais que la communication manque de pédagogie, il serait plus utile d’engager le travail militant sur des nouvelles pratiques plus efficaces, tout en sachant que travailler à les élaborer et à les rendre démocratiques est chronophage.

Pensons à développer les pratiques d’éducation populaire « ascendantes », qui viennent des citoyens eux-mêmes, diversifier les formes de l’éducation populaire5, refuser les meetings où les « tunnels » d’intervention de tous les petits et grands chefs des organisations participantes et les phrases jargonnantes toutes faites, applaudies par les thuriféraires mais qui ennuient ou exaspèrent la majorité de l’assistance, aller vers ceux que l’on veut mobiliser (porte à porte, théâtre d’intervention, théâtre image, distribution uniquement si elle est massive, visuelle et que le cadre est propice à la discussion, moments de lutte de masse, etc.), favoriser les contacts avec les têtes de réseaux, travailler les rassemblements et les convergences (à l’exception des relativistes culturels), etc.

  1. http://www.gaucherepublicaine.org/chronique-devariste/regionales-2015-le-processus-de-decomposition-de-la-gauche-de-la-gauche-est-engage/7397189 []
  2. Voir http://www.france-corse.fr/?wysija-page=1&controller=email&action=view&email_id=96&wysijap=subscriptions&user_id=849. []
  3. Voir nos livres militants http://www.gaucherepublicaine.org/librairie et http://www.gaucherepublicaine.org/chronique-devariste/pour-la-republique-sociale-poussee-jusquau-bout/7397250. []
  4. http://www.gaucherepublicaine.org/respublica/la-laicite-enjeu-central-de-la-bataille-pour-lhegemonie-culturelle/7397257 []
  5. Pour ceux qui sont intéressés, contacter le Réseau Education Populaire sur www.reseaueducationpopulaire.info []
Combat féministe
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De l’européocentrisme comme cache-sexe, et de l'art de la prestidigitation en politique

Place Tahrir en Europe

par Marième Helie Lucas

 

Les faits avérés

Au réveillon de fin d’année 2015 ont eu lieu des attaques concertées contre les femmes dans l’espace public, à caractère sexuel, simultanément dans une dizaine de villes, principalement en Allemagne, mais aussi en Autriche, en Suisse, en Suède, en Finlande… Plusieurs centaines de femmes, à ce jour, ont porté plainte pour agression sexuelle, vol, et viol. Ces attaques ont été perpétrées par des hommes jeunes issus de l’émigration (qu’ils soient immigrés, demandeurs d’asile, réfugiés récents, ou autre…) originaires du Maghreb et du Moyen-Orient.

Les réactions ont été sans surprise : Occultation des faits, de leur coordination internationale et de leur magnitude aussi longtemps que possible par les gouvernements, leurs polices, et les media, sacrifiant comme à leur habitude les droits des femmes à la paix sociale. Levée préventive de boucliers à gauche et parmi un nombre important de féministes pour défendre les étrangers présumés ‘musulmans’ en tant que victimes potentielles de racisme (notons le glissement sémantique de « arabes » ou « maghrébins », une localisation d’origine géographique, comme les ont décrit les femmes agressées et la police, à « musulmans ».) Clameurs sécuritaires à l’extrême droite et premier passage à l’acte en Allemagne où s’est produit un pogrom anti-bronzés, sans discrimination d’origine. Déni et racisme : Un schéma classique qui accompagne la montée de l’extrême droite intégriste musulmane en Europe depuis les années 80.

Réminiscences

Centre de Tunis, rassemblement laïque et féministe anti Ben Ali : des groupes de jeunes intégristes (cela a été prouvé) entourent les manifestantes, majoritaires dans la manifestation, les isolent, les agressent sexuellement, touchant leurs sexes et leurs seins et les frappent violemment, malgré les efforts pour les protéger d’hommes de gauche qui sont venus en solidarité. La police regarde.

Place Tahrir au Caire, lieu de rassemblement de la contestation anti gouvernementale : pour la première fois, les femmes saisissent cette occasion de prendre leur place de citoyennes ; elles sont nombreuses dans les manifestations ; des groupes de jeunes gens  (à quel degré inféodés aux Frères Musulmans ou manipulés par eux ?) agressent sexuellement des centaines de manifestantes (et des journalistes de la presse étrangère), des photos de presse les montrent partiellement dénudées, il y a des plaintes pour viols. La police fait chorus et s’en prend également aux manifestantes qu’elle bastonne très violemment, soumet à des « tests » de virginité, etc. Cette politique de la terreur sexuelle se poursuivra au Caire pendant des mois, les organisations féministes mettent alors sur pied une carte électronique du Caire où sont signalées les agressions en temps réel pour que des équipes de sauveteurs ( hommes) parviennent sur les lieux à temps.

Réminiscence plus ancienne encore : Alger, été 1969, 1er Festival Culturel Pan-Africain : place de la Grande Poste, des centaines de femmes sont assises par terre, occupant tout le large carrefour qui a été pour la circonstance interdit à la circulation automobile ; elles assistent à l’un des nombreux concerts gratuits offerts à la population de 5h de l’après midi à 4h du matin chaque jour pendant des semaines, manifestations culturelles auxquels les femmes sont très assidues ; la plupart portent le haïk blanc traditionnel de l’Algérois et ont emmené plusieurs enfants chacune. La nuit tombe peu après 8h30 et un cri s’élève : ‘en- nsa, l-ed-dar’, ‘les femmes à la maison’, repris par les centaines d’hommes qui assistent aussi au concert. Petit à petit et à regret, les femmes et les enfants quittent la place. Les hommes rient, triomphants, méprisants. Comme disaient les Nazis : ‘à l’église, à la cuisine, auprès du berceau’…La place dans l’espace public des célèbres femmes algériennes révolutionnaires de notre glorieuse guerre de libération est déjà, 7 ans après l’indépendance, clairement définie. Patriarcat et intégrisme, culture et religion, voguent main dans la main.

Comme il est curieux que de tels liens ne soient pas faits avec l’affaire récente qui nous occupe ici, même par des féministes qui ont soutenu les femmes de la place Tahrir lorsqu’elles y furent agressées.
C’est que l’Europe n’a rien à apprendre de nous, et que rien de ce qui se passe chez nous ne peut ressembler de près ou de loin à ce qui se passe en Europe. Par définition. On ne va quand même pas mélanger les torchons et les serviettes. Un racisme sous-jacent, non explicité dans la gauche radicale, admet implicitement la différence infranchissable entre les civilisés et les sous développés, leurs comportements, leurs cultures, leurs situations politiques. Et sous cette altérité essentialisée, gît une inavouable hiérarchie : la gauche radicale, dans son aveugle défense des réactionnaires ‘musulmans’, accepte implicitement qu’il est normal qu’une situation d’oppression engendre une réponse d’extrême droite chez les non-Européens… nous ne sommes clairement pas dignes, ou capables, d’y apporter des réponses révolutionnaires. (je ne développerai pas ici l’exportation de cette pensée aux élites de gauche en Asie et en Afrique)

Cassandres inécoutées, nous nous égosillons pourtant depuis trois décennies à pointer du doigt des similitudes qui seraient éclairantes politiquement. Les Algériennes surtout, qui ont fui la terreur intégriste des années 90, ne cessent de montrer les différentes étapes de la montée intégriste en Algérie, des années 70 aux années 90, et leur similitude avec ce qui se met en place en France et ailleurs en Europe : d’abord des attaques contre les droits légaux des femmes (pour demander un droit spécifique ‘musulman’ en matière familiale, une ségrégation sexuelle dans les hôpitaux, les piscines, etc..), conjointement avec des demandes particularistes en matière d’enseignement (cursus adapté, non laïque ) puis des attaques ciblées contre les contrevenantes indisciplinées (filles lapidées, brulées) et contre tout laïque rebaptisé kofr (journalistes, comédiennes, Charlie), enfin des attaques indiscriminées contre tout comportement qui ne correspond pas à l’idéal intégriste (Bataclan, terrasses de café, match de foot, etc..). Tout ceci s’est développé suivant le même schéma, des années 70 aux années 90 en Algérie, en commençant de la même façon par mettre en cause les droits des femmes, et leur existence dans l’espace public, sachant trop bien que les gouvernements n’hésitent pas à monnayer les droits des femmes en échange du maintien d’une certaine paix sociale avec l’intégrisme.

Mais l’Europe de gauche semble incapable de s’extraire de sa situation spécifique où les personnes d’origine émigrée et, parmi elles, les présumés « musulmans », font effectivement face à des discriminations. Elle extrapole et exporte son analyse à la montée de l’intégrisme dans nos pays même, où pourtant les « musulmans » ne sont ni minoritaires ni discriminés sinon par leurs propres frères.
Plus grave encore est que la gauche laisse aux seules forces politiques de l’extrême droite européenne xénophobe traditionnelle le monopole du discours sur l’autre extrême droite, celle de l’intégrisme musulman, lui laissant aussi le monopole de la légitime dénonciation des forces d’extrême droite dite religieuse issues de nos pays. Je crains, beaucoup d’entre nous craignons, de plus en plus, que ce déni ne mène à des actions punitives populaires indiscriminées, ce qui satisferait à la fois le désir de vengeance de l’extrême droite traditionnelle xénophobe, et la tentative de l’extrême droite intégriste de recruter plus largement en Europe. On a déjà assisté à des tentatives de maires d’extrême droite de légitimer la création de milices populaires armées pour ‘protéger’ les citoyens français. Certes la gauche (tout comme la social démocratie) s’en indigne régulièrement, mais dans la mesure où elle se refuse à aborder le problème de l’intégrisme musulman et se cantonne au déni, elle laisse le terrain idéologique à l’extrême droite raciste.

Comment ne pas voir les avancées intégristes en Europe, dont la récente brutale remise en cause de la place des femmes dans l’espace public européen, ce 31 décembre, n’est qu’un signe de plus… La lunette déformante de l’approche européocentriste empêche de voir les similitudes avec ce qui s’est passé, par exemple, au Maghreb et au Moyen Orient. En Europe, les « musulmans » ne peuvent être vus que comme des victimes, des minorités opprimées – ce qui justifie apparemment tout comportement agressif et réactionnaire de leur part – , alors qu’il suffit de franchir quelques frontières pour voir quel est, lorsqu’ils sont en majorité, ou au pouvoir, leur programme politique envers la démocratie, les laïques, les tenants d’autres religions et les femmes. C’est cette absence d’analyse politique qui permet leurs avancées en Europe. Sous prétexte d’oppression capitaliste et xénophobe en Europe, l’extrême droite intégriste se voit dédouanée de ses politiques ultra réactionnaires, non seulement en Europe mais aussi dans nos pays d’origine. Quel européocentrisme…
Que la gauche et bien trop de féministes s’en tiennent à la théorie des priorités (exclusive défense des émigrés – rebaptisés ‘musulmans’- contre la droite occidentale capitaliste) est une erreur fatale dont elles répondront devant l’histoire, et un abandon des forces progressistes de nos pays dont l’absurde inhumanité fera tâche indélébile sur le drapeau de l’internationalisme.
A ce boulet conceptuel de la gauche (l’ennemi principal vs l’ennemi secondaire) s’ajoute une autre théorie des priorités, celle ci issue des organisations de droits humains : une implicite hiérarchie des droits fondamentaux selon laquelle les droits des femmes viennent loin après les droits des minorités, les droits religieux, les droits culturels, pour ne nommer que quelques uns de ceux qui sont régulièrement opposés aux droits des femmes, – et ce jusqu’à l’ONU.

Depuis les attaques du 9-11 aux Etats-Unis et des mesures sécuritaires qui s’en sont suivies, on assiste de la part des organisations de droits humains et de la gauche radicale à un véritable tour de passe-passe : l’escamotage de la cause au profit de la conséquence. Ainsi, le thème principal des analyses et des débats est-il ‘la guerre contre la terreur’, les abus notoires qu’elle entraine, la limitation des libertés civiques, la crainte pour la démocratie. (Je ne débattrai pas ici du bie- fondé de ces accusations, mais uniquement de la technique discursive employée). Tous ces thèmes sont repris actuellement en France, avec l’état d’urgence qui fut instauré après les attentats de novembre à Paris, et la crainte d’un Patriot Act en Europe.
Mais en même temps, la ‘terreur’ elle même disparaît des discours, elle perd de sa réalité, elle devient le simple prétexte – illusion ? – à des actions gouvernementales liberticides : il y a bien une « guerre contre la terreur » mais la « terreur » est devenue une fantaisie de l’extrême droite xénophobe, il y a bien des bombes humaines qui explosent dans Paris, mais il n’y a pas de guerre en France… On élabore sans fin sur ce que le (ou les) gouvernement ne devrait pas faire, on dénonce ses intentions perverses, manipulatoires, attentatoires aux libertés. On dit que rien de tout cela n’est nécessaire à la sécurité des biens et des personnes. On dit que cela provoque ‘les musulmans’.
Ici reparaissent bien une cause et une conséquence, mais inversées. Après l’escamotage, le prestidigitateur illusionniste classique ressort le lapin du chapeau ; ici nous ressortons le chapeau du lapin…

Un phénomène mondial – la montée d’une nouvelle sorte d’extrême droite, celle de l’intégrisme musulman – est non seulement justifié, mais littéralement escamoté derrière la critique des réactions qu’il suscite. Quelles que soient nos prises de position par rapport à la nature et aux dérives de ces réactions, nous ne devrions pas permettre que le phénomène lui même soit escamoté : le déni ne le fera pas disparaître dans la réalité, comme il le fait disparaître des discours de la gauche radicale et des organisations de droits humains.
S’imaginer un instant qu’un phénomène politique mondial puisse être déterminé par la politique intérieure et extérieure de l’occident capitaliste et de lui seul (et ce quels que soient les régimes et les formes de gouvernement sous lesquels il apparaît, le niveau de développement économique et culturel de ces pays, les classes et les forces politiques en présence, etc.. ) , cela relève de la mégalomanie..

Au cours de ces trente dernières années, mettre la tête dans le sable n’a pas permis d’endiguer les demandes croissantes de l’extrême droite intégriste, ni en Europe ni ailleurs – bien au contraire, elle a surfé sur l’occultation de sa nature politique et sur son exploitation cynique des libertés démocratiques et des droits humains.
Ce qui est en jeu va bien plus loin que les simples droits des femmes ; c’est un projet de société théocratique, dans lequel, entre autres, – entre autres seulement -, les droits des femmes seront limités. L’action, concertée au niveau européen, du 31 décembre et sa remise en cause de la place des femmes dans l’espace public joue exactement le même rôle que l’apparition soudaine du prétendu ‘voile islamique’ : il s’agit d’une démonstration de force et de visibilité.

Il se peut qu’elle soit couronnée de succès, comme l’est en partie l’imposition du dit « voile islamique » ; les conseils prodigués aux femmes agressées à Cologne par certaines autorités de l’Etat allemand en font foi. : adaptez-vous, tenez-vous éloignées des hommes, ne sortez pas seules, etc… Bref, soumettez-vous ou supportez-en les conséquences. S’il vous arrive quelque chose, ce sera bien de votre faute, on vous aura prévenues…
Un conseil qui remet en mémoire ce qu’on disait, en plein tribunal, il n’y a pas si longtemps, aux femmes violées : mais qu’alliez vous faire là ? et à cette heure ? et dans cette tenue ?
Un conseil que ne sauraient désavouer les prêcheurs intégristes musulmans…

Que le premier souci ait été de préserver les coupables et non de défendre les victimes est une variante intéressante de l’habituelle défense des hommes coupables de violence envers les femmes. Quel pourcentage de défense du patriarcat et quel de défense des émigrés, minorités ethniques et religieuses ? Quand les intérêts du patriarcat (que la gauche n’ose plus guère défendre officiellement en tant que tel) peuvent se confondre avec la noble défense de l’opprimé (dont l’aura, même à gauche, a quand même pris un sale coup avec les récents attentats de novembre à Paris), cela arrange bien des gens.

Que l’on puisse encore se poser des questions sur le caractère concerté d’attaques simultanées, dans au moins 5 pays différents et une dizaine de villes en Europe, laisse pantois devant tant de mauvaise foi, et d’aveuglement – ou de perversité – politique.

Lutter contre le néo-libéralisme
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A qui va profiter le marché de la couverture complémentaire ?

Un festin de roi pour les financiers

par Nathalie Hiraux

 

La généralisation de la couverture santé pour les salariés est présentée par le gouvernement de François Hollande comme une avancée sociale aussi importante que la création de la CMU. Au 1er Janvier 2016, les 20 millions de salaries que compte la France doivent avoir une couverture complémentaire. C’est obligatoire : Est-ce à dire que jusqu’à maintenant ils n’en bénéficiaient pas ? La plupart d’entre eux avaient souscrit des couvertures individuelles auprès de mutuelles de proximité, non loin de leur habitation, et bénéficiaient ainsi de services tiers payant, d’accès aux soins dans des réalisations mutualistes locales (centres dentaires et optiques). Mais voilà, ce marché de 15 millions de personnes libres de leur choix en matière d’assurance complémentaire, échappait aux appétits financiers des grandes sociétés d’assurance privées et des institutions de prévoyance.

Marrisol Touraine leur a offert sur un plateau d’argent un festin de roi en généralisant la couverture complémentaire santé par le biais des conventions collectives nationales. Car les opérateurs recommandés ne sont autres que les grands groupes financiers de l’assurance. Qu’importe à Madame la ministre socialiste le service rendu par les mutuelles de proximité, que lui importe également le tiers payant local, la relation humaine mutuelle-assuré social mutualiste qui brise l’isolement des individus.
Si le souhait du gouvernement de François Hollande avait été réellement la recherche du bien-être des salariés, il aurait mieux valu généraliser la couverture prévoyance en matière de maintien des revenus (salaires) afin d’assurer aux 20 millions de salariés un revenu constant en cas de longue maladie.

Mais le marché de la couverture complémentaire santé est plus juteux car les cotisations sont plus élevées et génèrent davantage de flux financiers.
Ainsi les financiers du monde de l’assurance seront les seuls qui tireront leur épingle de ce jeu de dupes. Car les accords de branche sont signés sur la base de niveaux de prestations peu élevés, obligeant les salariés à souscrire des garanties complémentaires sur lesquelles il n’y a pas de participation de l’employeur. Conséquence, les employeurs dépensent moins les familles de salaries dépensent plus, les assurances privées et les institutions de prévoyance encaissent un maximum.
Et puis, dès lors que les salariés vont être corsetés dans des contrats obligatoires aves les financiers de l’assurance, qui s’opposera à de nouveaux désengagements de la Sécurité Sociale dans les remboursements des soins et des médicaments ? Le boulevard sera ouvert pour aller vers une Sécurité Sociale bis, totalement privée, telle qu’elle existe aujourd’hui en Allemagne, financée par les assurés sociaux eux-mêmes et non plus par les cotisations patronales.

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Merci pour ces commémorations !

par Mohamed Sifaoui

 

Le rideau est tombé sur la séquence « commémorations » des attentats de janvier 2015. En attendant les prochaines, en mars, pour honorer la mémoire des victimes de Mohamed Merah et à l’automne prochain, pour perpétuer celle des victimes des attentats du 13 novembre et en espérant que dans l’intervalle il n’y ait pas de nouvelles attaques terroristes qui viennent imposer de nouvelles commémorations, nous allons essayer de reprendre une vie normale.

Quoi qu’on puisse en dire, ces moments où la République rend hommage aux victimes de l’abject sont importants tant la douleur des familles endeuillées et celle des blessés est incommensurable. Mais la France, dirigeants politiques comme société, ne peuvent plus se satisfaire des commémorations et des discours, aussi martiaux soient-ils.

Aujourd’hui, nous avons besoin d’actes. Des actes concrets qui montrent que la France a pris la mesure, non pas de la guerre -au sens militaire- qui lui a été imposée, mais qu’elle assume surtout, la guerre idéologique, celle qui doit faire barrage au projet de société que l’on veut nous imposer.

Ces actes doivent être, en partie, décidés par la classe politique, mais également acceptés et compris par les citoyens.

Car, répétons-le autant de fois que nécessaire: la violence islamiste, celle que nous subissons n’est pas gratuite. Elle est au service d’une idéologie. Et elle concerne chacun de nous au quotidien. En cherchant à nous terroriser, les tenants de cette logique totalitaire veulent nous amener à accepter des discours, à tolérer des codes vestimentaires, à admettre la validité d’une pensée fascisante, à nous résigner qu’au sein de notre société, il faudrait laisser une catégorie de personnes, organisées en « communauté », vivre selon une logique moyenâgeuse et des principes contraires aux valeurs incarnées par la France.

Certains lâches et autres calculateurs cyniques, les néo-munichois qui, depuis plusieurs années, font le lit de cette idéologie mortifère, souhaiteraient, au nom de la « paix sociale », qu’on aille de compromis en compromissions, pour accepter la burqa, la non-mixité, les menus hallalisés, et, pourquoi pas, la polygamie et la déscolarisation des enfants, en somme, vers tous les « accommodements » qui, le croient-ils, mettraient définitivement la France à l’abri des opérations terroristes.

Chacun doit pouvoir s’engager dans cette lutte, à son niveau. Chacun d’entre nous a le devoir de repérer les signaux faibles, de comprendre leur portée réelle, de les condamner, de les combattre, et de ne pas permettre à son entourage de valider, d’encourager, de banaliser et donc, de laisser passer ou dire, des discours qui iraient à l’encontre du droit et des valeurs de la République et qui légitimeraient, via des processus de dénigrement de la France et de rationalisation d’une haine viscérale contre les démocraties et ce qu’elles symbolisent, des logiques de diabolisation dont l’ultime but, ne soyons-pas dupes, est d’encourager, de justifier et de légitimer les attaques qui les ciblent.

La France n’a pas à rougir de ce qu’elle est. Bien au contraire ! Elle n’est ni raciste ni, pour reprendre l’escroquerie sémantique consacrée, « islamophobe ». Sauf à nous montrer dans quel pays musulman, un musulman -considéré ici d’abord comme citoyen – a autant de droits qu’en France ? Dans quel pays musulman, un intégriste, appartenant à tel ou à tel courant, qu’il soit sunnite ou chiite, a-t-il autant de droits et peut-il jouir, dans le cadre de la loi, d’une aussi grande liberté d’expression ? En Iran, on opprime les sunnites et à Bahreïn, on opprime les chiites. En France, les uns et les autres, mêmes les plus rigoristes d’entre eux, vivent librement. Dans quel pays musulman, même le terroriste est aussi bien traité ? Disposant d’un total droit à la défense, payé parfois par le contribuable, pour faire entendre, dans des procès équitables, les justifications, y compris les plus indécentes. N’est-ce pas? En Arabie Saoudite, chantre du wahhabisme, le terroriste islamiste quand il s’attaque à la monarchie est condamné à la peine de mort. En France, il trouvera associations et acteurs de la société civile qui veilleront à son bien-être. Répéter de telles réalités, souvent éludées, ne suffira pas à faire entendre raison à ceux, y compris non musulmans, qui au nom d’une idéologie islamo-gauchiste, sont plus prompts à mettre la France sur le banc des accusés sans jamais formuler la moindre réserve quant à la réalité de l’islam politique et de ses promoteurs.

En premier lieu, balayons cette fausse idée qui laisse certains croire que ce serait les interventions militaires françaises au Mali, en Irak et en Syrie qui seraient la cause des actions terroristes.
Affirmer une telle ineptie montre une méconnaissance totale de l’idéologie islamiste et il suffit de parcourir le dernier numéro de Dar El Islam, le magazine francophone de Daesh, pour s’en convaincre. Les adeptes d’Al Baghdadi ne fustigent pas la France pour son déploiement militaire, mais pour sa laïcité et promettent de s’en prendre aussi bien aux enseignants qu’aux écoles de la République. Que faut-il de plus pour convaincre que la guerre est idéologique? Et une guerre idéologique, si nous assumons de la mener, nous engage.

Réaffirmer ce que nous sommes et voulons être

Elle nous engage d’abord à réaffirmer ce que nous sommes et ce que nous voulons être : une République laïque, une et indivisible, une société, d’un point de vue ethno-religieux, riche de sa diversité, riche des idées et des avis qui la traversent, riche des aspirations de son peuple, fier de son histoire, ayant banni le racisme et l’antisémitisme, ainsi que les inégalités de ses discours, faisant de chaque personne, un être responsable et adulte, un citoyen à part entière, lui conférant des droits et exigeant de lui des devoirs, confiante en son avenir, et rythmée par les seules valeurs résumées par la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Identifier notre ennemi clairement

Elle nous engage ensuite, à identifier notre ennemi, en l’occurrence l’islamisme qui se décline tantôt à travers la pensée wahhabite saoudienne tantôt à travers celle des Frères musulmans et ses alliés, conscients ou idiots utiles qui, au nom d’une haine farouche de la France ou de complexes historiques, lui trouvent des justifications, légitiment ou minimisent ses actions, y compris les plus meurtrières. Cet ennemi qui brandit le chantage à « l’islamophobie » pour atrophier le débat et anesthésier la légitime et nécessaire condamnation du terrorisme et des idéologies qui le nourrissent; use de relativisme culturel pour imposer des codes vestimentaires ou des comportements inacceptables; s’approprie un territoire abandonné par la République pour y faire sa loi, souvent avec la complicité de petits notables locaux plus attentifs à leurs petits privilèges et leur petite carrière politique qu’au devenir de la Nation.
Une stratégie et des moyens pour y parvenir

Elle nous engage enfin, et particulièrement nos dirigeants, à mettre en place une stratégie et donc des moyens. En d’autres termes, la lutte contre l’islam politique ne se mène pas à coups de campagnes de communication seulement, elle ne mobilise pas que l’émotion, mais davantage les forces les plus républicaines, les plus attachées à la laïcité, les acteurs les plus sincères et les plus engagées tant sur les plans national que local pour refuser catégoriquement les logiques qui visent à faire de pratiques islamistes des référentiels islamiques. L’école doit être le fer de lance de cette guerre afin de préserver la jeunesse et la rendre imperméables aux discours totalitaires et aux théories complotistes qui visent à délégitimer et à diaboliser les démocraties, engager une politique culturelle pour ré-enchanter les grands principes de la République et principalement la Liberté et l’Égalité. Détruire les ghettos ethno-religieux pour favoriser des villes et des quartiers qui mettent en exergue le métissage et la diversité, car c’est dans les ghettos que se développent non seulement les fléaux mais surtout les sentiments d’exclusion et l’intégrisme. Il ne doit plus exister un territoire abandonné par la République.

C’est un vrai programme qu’il convient d’initier en lieu et place de toutes les mesures populistes et inefficaces qui divisent la société sans assurer de surcroît une quelconque efficacité.
Évidemment, dire Merci pour toutes ces commémorations. Mais maintenant au travail ! Le contexte exige rigueur, sérieux et une politique de guerre contre l’idéologie islamiste.

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« Les musulmans d’Europe, on est en train de leur enlever Paris »

par Ilya U. Topper

 

Source : publié en espagnol dans « El Confidencial » le 19 novembre 2015 et sur M’Sur : http://msur.es/2015/12/10/topper-daesh-paris. Traduction pour ReSPUBLICA d’Alberto Serrano.

J’imagine Ahmed Mohamed sortant de chez lui dans l’après-midi, prêt à l’action, vérifiant la boucle de sa ceinture d’explosifs ; tout est en ordre, ah non attend, où ai-je mis le passeport ? Faudrait pas que la police m’arrête parce que je n’ai pas mes papiers. Mieux vaut emmener mon passeport syrien pour montrer que je suis un vrai clandestin, sans visa ni tampon d’entrée. Faudrait pas qu’on se retrouve au commissariat et que je doive m’exploser en tuant des policiers au lieu de civils.

Je rembobine ; ça ne me convainc pas. Ahmed Mohamed vérifie la boucle de sa ceinture, etc. et il prend son passeport syrien. Comme ça ils sauront que cette boucherie c’est moi qui l’ai faite, un réfugié, une de ces centaines de milliers de personnes qui avons fui le régime d’El Assad, risqué notre vie sur une embarcation, marché par-delà monts et forêts en y blessant nos pieds, avec une seule intention : pouvoir enfin mourir en tuant des Français à Paris.

Heureusement, pense Ahmed Mohamed, que je n’ai pas jeté mon passeport syrien, comme font les autres pour éviter que la police sache qu’ils viennent de Grèce et les renvoient illico à Athènes, ainsi que le prévoit l’accord de Dublin. Heureusement je suis arrivé à temps : depuis le 3 octobre, quand ils m’ont enregistré à Lesbos, à peine six semaines se sont écoulées : un vrai marathon façon steeple-chase pour atteindre Paris, contacter l’organisation, préparer les explosifs. J’aurais presque dû venir avec la ceinture d’explosifs sur moi, mais ça n’aurait pas été pratique en barque.

Bon, je le mets dans quelle poche, le passeport ? Dans le pantalon il va finir en miettes avec l’explosion. Dans le blouson ? Il faudrait inventer un blindage pour passeport. Personne n’y a encore pensé, parce que les autres camarades vivent en France depuis toujours et ils n’ont pas besoin d’avoir sur eux des papiers pour signer l’attentat. Bon, je le mets là et advienne que pourra.

C’est ainsi qu’Ahmed Mohammed sort dans la rue. Je lui donne ce nom fictif parce que c’est le plus commun possible. Et vous pouvez décider de croire cette histoire qu’on vous raconte, si ça vous chante.

Évidemment, si j’étais un des chefs de Daesh – on va l’appeler comme ça pour simplifier – je me compliquerais moins la vie. J’enverrais quelqu’un s’enregistrer avec un passeport à Lesbos et tout de suite après je lui donnerais un autre passeport, un de ceux qui servent à voyager vraiment, et un billet Athènes Paris.

Mais comme ceux de Daesh sont musulmans, ce qui est synonyme d’idiot, en tout cas c’est que croient bien des gens, ils n’aiment pas faire les choses facilement.

Ils préfèrent envoyer leurs petits moutons se noyer d’abord, parcourir 3 000 kilomètres ensuite d’un bout à l’autre du continent. Il suffit bien sûr qu’un seul survive pour rejoindre le reste de l’équipe kamikaze – tous citoyens français ou belges, en majorité nés à Paris ou Bruxelles – pour faire la démonstration que, oui, extrême droite et ministres et journalistes ont raison d’affirmer que la vague massive de réfugiés sert à envoyer des djihadistes en Europe.

C’est idéal, ça sert à tout le monde.

À la droite, ça sert à fantasmer sur les invasions islamiques depuis Charlemagne et tout (et, c’est à peine concevable, mais il y a des gens qui y croient).

À une certaine gauche, ça sert à fantasmer la vengeance des démunis : ceux de Syrie ou d’Irak ou de ce coin-là, qui souffrent sous les tanks américains ou les avions de chasse français et qui accumulent tant de rage qu’au bout du compte ils n’ont pas d’autre choix que de se mettre une ceinture d’explosifs et de se foutre en l’air à Paris ou Londres. Le tout parfaitement justifié, fruit de l’oppression que l’Occident exerce sur le reste du monde.

Ce que vous et moi ferions, en quelque sorte. Ah non, pas nous. Mais les musulmans, oui : ils sont comme ça.

Ce beau discours n’est pas seulement terriblement raciste, il est mensonger : tous les attentats djihadistes en Europe ont été commis par des ressortissants européens, nés ou élevés en Europe, et s’ils ont vu un avion chasseur bombardier dans leur vie ça doit être au défilé de la fête nationale (sauf les marocains de l’attentat de Madrid en 2004, dont l’expérience de l’oppression occidentale pourra être mise sur le dos d’un touriste espagnol à Tétouan).

Mais tout est bon pour se soustraire au vrai débat : pourquoi les fils de la riche Europe, élevés dans la paix, se convertissent-ils en assassins suicidaires ?

Et ne me ressortez pas que ce sont les exclus, le quart-monde, les rebuts de la société. Lisez donc les blogs des Britanniques de vingt ans qui prennent l’avion vers la Turquie pour se rendre au Califat comme d’autres prendraient le taxi pour se rendre à la discothèque à la mode. Ce discours avait du sens quand les barbus distribuaient du pain et des corans dans les bidonvilles de Casablanca. Mais nous sommes en 2015 et ceux qui adhèrent à Daesh à Paris et Londres n’ont pas eu faim.

Alors laissez tomber vos dialectiques matérialistes et cherchez donc la page où il est écrit ce truc sur l’opium du peuple.

Ah mais non non non. Religion ? Le terrorisme n’a pas de religion ! C’est un consensus mondial, certifié par 25 chefs d’État lors du dernier sommet du G-20 à Antalya, et répété à profusion dans tous les réseaux sociaux. Le terrorisme c’est le terrorisme, une entité abstraite, pure, sans fins ni motifs, le Mal immaculé. Un rapport avec l’Islam ? Dieu nous en préserve !

Désolé, mais : c’est une arnaque. Le terrorisme est un outil employé par ceux qui n’ont ni tanks ni avions, qu’ils soient allemands (juifs) en Palestine en 1930, tamouls (hindouistes) au Sri Lanka de 1990 ou Français (musulmans) en 2015. Lutter « contre le terrorisme » c’est en quelque sorte comme aller à la guerre en luttant « contre les fusils » sans se demander qui tire et pourquoi.

Évidemment qu’on a envie de dire que l’Islam n’est pas fautif, quand les suprématistes chrétiens vomissent leurs discours, cachés derrière l’élégante étiquette de « la défense des valeurs européennes ». Une étiquette d’ignorants puisqu’elle occulte que l’Europe, depuis la Renaissance, a hérité de la civilisation arabe ; elle n’existerait pas sans cela. Une étiquette raciste aussi quand elle proclame que les valeurs européennes doivent être réservées à l’usage exclusif des Européens. Les assassins de Paris ne représentent évidemment pas les musulmans, tout comme les chrétiens ne sont pas représentés par ces médecins irlandais qui préfèrent laisser mourir une femme dans d’atroces souffrances plutôt que de lui pratiquer un avortement thérapeutique.

Bien sûr, une légion de racistes va profiter des événements pour faire peser le soupçon sur toute personne qui aura « l’air islamique », de A comme Aïcha à Z comme Zineb : c’est précisément le but du massacre de Paris. C’est de cela qu’il s’agit.

Et pour cette raison, proclamer que « Daesh n’a rien à voir avec l’Islam » c’est fermer les yeux et vouloir croire que le massacre a été causé par une météorite venue de l’espace. Alors que nous savons que l’idéologie qui a fait sauter les explosifs est venue d’un pays avec un nom et sa religion officielle : l’Arabie saoudite.

Non, ça ne vient pas de Syrie. Depuis le premier jour, Daesh est formé de mercenaires venus de partout ; que Raqqa soit sa « capitale » est un pur hasard géographique, comme c’était le cas auparavant des monts d’Afghanistan (Daesh n’est rien d’autre que la version 2.0 d’Al Qaeda, dont la marque est devenue inutilisable après qu’il a été démontré qu’ils étaient alliés des USA et de l’Europe en Libye). Bombarder la Syrie en réponse à un attentat commis par des Français et des Belges en France serait risible si ce n’était si grave : c’est une tentative de détourner l’attention, d’agiter un épouvantail pour camoufler les responsables de la terreur.

Voyez comme il ne manque pas de citoyens musulmans qui dénoncent le massacre avec la phrase « Not in My Name – pas en mon nom ». D’aucune se montre en photo avec le hidjab, le voile islamique, afin de signifier visuellement qu’il y a une grande distance entre islamiste et assassin, afin de mettre en évidence que l’islamisme serait une idéologie mais pas un plan pour tuer.

Dans la même tendance, nombre d’analystes appellent à soutenir, financer et renforcer « l’islam modéré » : si on propose un islam assez attractif, disent-ils, les radicaux ne ressentiront plus la nécessité d’aller le chercher en Syrie, kalachnikov en main. Installons en Europe un semi-Califat, quelque chose qui ressemble à ce que prêchent les imams saoudiens mais sans violence, nous aurons résolu le problème. Eh, les filles : en avant avec vos hidjabs ! Qu’on voie qu’on peut être musulmane fondamentaliste sans être terroriste !

« Je m’appelle Aïcha. Je suis musulmane, pas terroriste ». Ça a l’air d’un propos à applaudir. Mais ça cesse de l’être quand on se demande si la même personne pourrait dire autre chose. « Je m’appelle Aïcha, je ne suis pas musulmane » : voilà la phrase que vous ne lirez pas dans les réseaux sociaux. Personne ne peut la prononcer sans en craindre les conséquences : de la part de sa famille, de ses proches, de la mosquée du quartier.

On naît musulmane et pas moyen de cesser de l’être. Pour les racistes européens et pour les défenseurs de « l’islam modéré », vous vous appelez Aïcha et on vous applique un double contrôle d’identité. Mains en l’air ! Parce que vous êtes l’une des autres, ceux qui peuvent être terroristes. Vous vous appelez Aïcha et on vous crache dessus si vous buvez une bière pendant le ramadan, parce que vous êtes « des nôtres », de celles qui doivent être « décentes ». Si tu t’appelles Aïcha personne ne te demande si tu crois en Dieu : ton nom le dit.

L’obligation légale d’être musulman, qui pèse sur chaque citoyen du Maroc, d’Algérie, d’Égypte ou de Jordanie (sauf s’il est né juif ou chrétien) ne délivre pas une empreinte génétique censée protéger de l’athéisme sur sept générations. Non, ce qui empêche de se déclarer agnostique, c’est la peur.

C’est la crainte des islamistes et c’est aussi le tabou imposé par ceux qui veulent échapper au soupçon d’être des racistes européens. Un tabou sans faille, suffisamment puissant pour qu’une télévision française (D 8) coupe la parole à une journaliste marocaine, Zineb El Rhazoui, rescapée du massacre de Charlie Hebdo, au moment où elle commence à dénoncer l’islamisme comme l’idéologie des assassins de Paris1.

L’Islam est intouchable, proclament-ils. Ça paraît incroyable mais c’est ainsi : les massacres commis au nom de « l’Islam » servent de rempart à toute critique dudit « Islam », à savoir cette idéologie inhumaine wahhabite qui a usurpé le nom de l’Islam et qui est en passe d’éradiquer la religion monothéiste qui portait jusqu’alors dignement ce nom.

Il suffit pour cela d’agiter l’épouvantail de « l’islamophobie », un mot qui a connu un succès marketing presque aussi irrésistible que le mot « antisémitisme » pour faire taire le débat sur les crimes de l’État d’Israël. L’islamophobie n’est autre que l’instrument qu’utilisent les cerveaux de l’idéologie islamiste saoudienne pour imposer la division de l’humanité en deux blocs : les musulmans et les Autres. Les Autres auront la démocratie, des lois humaines (c’est-à-dire établies pour l’Humanité), des libertés individuelles, des opinions. Les musulmans auront les desseins de Dieu, dans leur version codifiée par les théologiens de La Mecque.

Voilà à quoi servent les attentats de Paris : à stigmatiser tous les musulmans et obtenir qu’ils participent à cette stigmatisation, en proclamant leur « identité musulmanes » pour serrer les rangs autour des mosquées « modérées ». Ces mosquées où l’on prêche aux Français, aux Belges, aux Britanniques et aux Espagnols « d’origine musulmane » qu’ils doivent se différencier des autres citoyens quand il s’agit de se vêtir, de boire et de baiser.

Avec cette différenciation, le fondamentalisme saoudien dépouille ses victimes de toute citoyenneté. Les assassins du Bataclan ne se sentaient pas Français. Ni Maghrébins. Être musulman était leur seule identité. Ils avaient été convertis en robots d’une religion.

Le jour où, dans les mosquées européennes, les imams prêcheront que tout musulman peut apostasier sans que cela ne pose problème à personne, ce jour-là se proclamer musulman sera un choix respectable.

Jusqu’à ce que ce jour arrive, se proclamer musulman n’est pas un choix respectable mais un acte forcé pour quiconque s’est fait appeler Aïcha à sa naissance. Faire semblant de croire que c’est un choix, c’est contribuer à blanchir une idéologie mortifère. Défendre l’islamisme – comme le font celles qui mettent le hidjab noir pour s’identifier en tant que « musulmanes croyantes » – tout en condamnant les bombes, c’est soutenir la terreur quotidienne contre les musulmanes pas si Croyantes.

Les musulmans d’Europe, on est en train de leur enlever Paris.

  1. NDLR : Voir l’intervention de celle-ci lors d’une réunion publique organisée par l’UFAL le 30 mai dernier : https://www.youtube.com/watch?v=hF6qY9GPLRE. []
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« Très nombreux, chacun seul », avec Jean-Pierre Bodin et la participation de Christophe Dejours

par Monique Vézinet

 

Le Théâtre du Soleil a abrité du 10 décembre au 10 janvier une entreprise de théâtre dit documentaire sur le travail, une pièce à laquelle j’ai assisté trop tard pour vous recommander d’aller la voir toutes affaires cessantes à la Cartoucherie de Vincennes. Notons cependant qu’il y aura une représentation au Théâtre de Sénart le 16 janvier et que l’équipe cherche à diffuser le spectacle aussi hors du réseau du théâtre subventionné, qu’il peut se prolonger en débats ou expositions. Des syndicats, des comités d’entreprise, des établissements scolaires s’y intéressent : on trouve sur le site http://jeanpierrebodin.com/spectacles-parent/tres-nombreux-chacun-seul-2012/ les moyens de comprendre le projet et de contacter J.P. Bodin.

Créé en 2012 par un collectif, « Très nombreux, chacun seul » est donc une pièce avec un seul acteur et une grande économie de moyens : 1 h 20 alternant le montage de témoignages, les plans fixes de jardins ouvriers, de gestes indéfiniment répétés, d’intérieur d’usine, et une intervention filmée du psychiatre Christophe Dejours. Pour illustrer la souffrance au travail, deux thèmes sont développés : l’un, joyeusement enlevé, porte sur tous les jeux ou concours avec primes dérisoires dont le management habille la concurrence entre les travailleurs, une émulation dont l’objectif n’est en réalité que de leur éviter de penser à leur situation. Mais le sujet principal est celui du suicide, plus précisément celui de Philippe Widdershoven, directeur informatique et délégué CGT de l’usine de porcelaine Deshoulières (entreprise familiale rachetée et restructurée). En porte-à-faux entre des responsabilités qui le rendent proche de la direction et son rôle de délégué, cet homme est bien intégré, il n’est pas victime de harcèlement mais il en vient à se sentir menacé et à passer à l’acte.

Christophe Dejours se propose avec la théorie de la psycho-dynamique du travail de comprendre comment les individus luttent pour maintenir leur équilibre mental malgré les contraintes de conditions de travail de plus en plus dures (voir son livre publié en 1998 « Souffrance en France. La banalisation de l’injustice sociale »). Il n’explique pas le suicide au travail par une pathologie, il met en cause un « raptus » relevant d’une situation intenable. Si le travail a toujours été fondamentalement ambivalent, ce qui est nouveau avec les nouvelles formes de management, c’est que le système néolibéral puisse faire admettre ces souffrances comme tolérables, c’est la banalisation des conduites injustes auxquelles répondent les lâchetés des travailleurs dominés par la peur. Desjours conclut dans la pièce en admettant que le terme de « totalitarisme » s’applique bel et bien à l’entreprise (son livre précise le parallèle entre le système néolibéral et le système nazi, tous deux capables de faire fléchir la conscience morale des individus face au mal).

Ainsi, nulle psychologisation des problèmes sociaux, l’individu n’est pas sommé de recourir aux moyens de faire face, au détriment des solutions collectives et politiques ; nul espoir non plus à placer dans une humanisation des méthodes d’un management se rendant compte qu’il va trop loin… Non, mais loin de désespérer, la pièce lance une piste dont on peut se saisir : on constate que les travailleurs font généralement du zèle, qu’ils sont créatifs, car s’ils se contentaient – sans plus – d’obéir aux consignes, le système serait en panne, rien ne fonctionnerait1. Alors, une seule façon de résister pour les travailleurs, la grève du zèle !

  1. Les camarades économistes de rédaction de Respublica peuvent expliquer en quoi l’intensification de la productivité pour contrecarrer sa baisse tendancielle est une caractéristique du capitalisme de la période. Voir « Penser la République sociale pour le XXIe s. T. II » pp. 81 sq. []
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« Soigner l'humain (manifeste pour un juste soin pour un juste coût) », de Claire Georges

par André Grimaldi

 

Parmi les bonnes nouvelles, la parution aux éditions de l’EHESP de Soigner l’humain (manifeste pour un juste soin pour un juste coût), de Claire Georges de la PASS (permanence d’accès aux soins de santé) de Saint-Louis. On y retrouve beaucoup des idées du MDHP pour la prise en charge globale des patients (bio-psycho-sociale) contre la réduction du patient à un « porteur de maladie », contre l’hôpital entreprise et sa déviance managériale et contre le tout T2A .
Au fond ce livre illustre l’équation « prise en charge globale = dotation globale » et montre que la qualité suppose une personnalisation permettant une évaluation personnalisée mais échappant aux indices dits de qualité qui conduisent à soigner les indices plutôt que le malade. On peut lire « certains médecins hospitaliers eux mêmes orientent leur pratique en fonction de la T2A, devenant de véritables experts en codage » (page 239).
Bienvenue au club de la critique de la politique auto-réalisatrice du tout T2A ! Ceci-dit, ce livre illustre aussi les difficultés de notre combat:

1) Il est teinté d’un fort corporatisme ignorant le combat mené depuis plus de 40 ans pour une « médecine intégrée » par des gériatres,des pédiatres, des psychiatres,des médecins généralistes prônant une pratique d’équipe, des spécialistes de la maladie chronique et tout particulièrement par les pionniers de l’éducation thérapeutique du patient… Seuls sont cités les spécialistes des soins palliatifs

Du coup les autres, tous les autres, sont vite rangés dans le même sac, de simples techniciens à la vision maculaire, accusés avant même d’avoir été jugés. Ainsi on peut lire page 57 « Il est probable qu’une prise en charge au sein du service de néphrologie de l’hôpital aurait conduit à effectuer ce choix qui apparaît aux yeux du spécialiste comme le seul choix possible ». La patiente aurait été dialysée puis greffée « Par la suite elle aurait reçu un traitement immunosuppresseur qu’elle n’aurait certainement pas pu recevoir au Burkina. Elle n’aurait pas pu faire ce qu’elle souhaitait: repartir dans son pays une fois guérie ».

Cette séparation simpliste entre les bons – nous – et les mauvais – les autres – conduits les élèves directeurs stagiaires à l’ANAP qui ont participé à ce travail,  à une réécriture touchante de l’histoire, en décrivant l’ensemble des directeurs comme « avant tout des hommes ou des femmes de santé publique » ? « Le directeur n’est plus le directeur-économe mais un personnage majeur de l’Etat-providence veillant à l’humanisation et à l’accès de tous à des soins de qualité » peut-on lire avec surprise alors que l’Etat-providence est à la peine ! Propos fort sympathiques et rassurant sur l’engagement de leurs auteurs mais gommant l’adoption par la FHF du slogan Hôpital-Entreprise,la transformation à l’initiative de directeurs des Services usagers ou patients en « Service clients », le changement de nom du Syndicat des cadres hospitaliers devenu Syndicat des manageurs des établissements de santé, le soutien apporté par ce syndicat de directeurs à la loi HPST avec  ses terminologies issues du code du commerce, le soutien de la FHF au » tout T2A », l’adoption de la nov’langue : « business-plan, travail à flux tendu, gains de productivité, gains de parts de marché… »

2) Du coup le livre oscille entre d’une part la volonté de faire de la PASS, pratiquant la prise en charge globale financée par des MIG (dotation) un modèle à étendre à de nombreux autres services, comme y insistent plusieurs articles du livre et d’autre part le choix inverse de faire de la PASS , un centre de désencombrement de l’hôpital-entreprise comme le propose Jacques Barrier (« Les PASS permettent de fluidifier le fonctionnement global d’un établissement de santé qui se trouve ralenti par la prise en charge de ces situations ». Page 96  « Il n’est pas question de proposer une démarche de retour en arrière consistant à penser l’intégralité du champ médical comme relevant de l’artisanat ». Page 102  « En parallèle de l’industrie florissante que représentent les protocoles hospitaliers, le modèle artisanal des PASS permettant de soigner les marges a toute sa place dans notre système de santé ». Page 109 « Ils sont les marges de la patientèle, les 5 % d’une courbe gaussienne « … « On peut ici faire l’hypothèse que l’approche industrielle est efficace dans 80 % des cas, justifiant une approche plus artisanale dans 20 % des cas ».)

Ce qui est un peu surprenant c’est non seulement que le débat ne soit ni mené ni même ébauché entre les auteurs du livre mais pire que les cosignataires d’articles contradictoires soient les mêmes

3) Le livre ne cesse de faire l’éloge du principe éthique « du juste soin au juste coût » , inscrit soit dit en passant dans le code de déontologie médicale, c’est à dire du juste soin pour la personne au moindre coût pour la collectivité. Cependant il passe sous silence lors d’une comparaison entre les Centres de soins palliatifs et les PASS, le fait que les soins palliatifs ont obtenu une T2A « valorisante » (ce qui les a soustrait du combat contre le tout T2A, en rendant la mort « rentable » !).
Et dans un article sur la pertinence médico-économique abandonnant tout-à-trac « le juste soin au juste coût » les auteurs affirment « Dans une perspective de retour sur investissement, les PASS sont des investissements rentables pour un établissement de santé » (page 245).
Rien d’étonnant dès lors à ce que Christian Anastasy , directeur général de l’ANAP, qui a écrit la conclusion du livre, ait eu l’audace lors de la présentation publique de l’ouvrage de proposer pour les PASS un « GHS valorisant »!

Le débat est donc ouvert s’agit-il de « soigner l’humain » pour 80 % de l’activité hospitalière ou seulement à la marge, ou mieux l’action humanitaire ne pourrait-elle pas être utilisée comme un slogan marketing rentable financé par l’hôpital-entreprise de la même façon que les grands du CAC 40 ont leurs « œuvres » ? Merci à toutes et tous d’y contribuer malgré ces temps moroses de résignation.



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