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Point d’étape sur la présidentielle de 2017 : Jean-Luc Mélenchon entre en lice

par Évariste

 

Le 10 février dernier, Jean-Luc Mélenchon propose sa candidature. Depuis, le débat fait rage autour de cette proposition. Nous proposons aujourd’hui, d’abord d’analyser le réel, puis de mieux comprendre les analyses des protagonistes de ce débat, et enfin, à partir des conditions du soutien populaire, de situer la place de la présidentielle dans le combat général pour l’émancipation.

Quel est le réel populaire aujourd’hui ?

60 % des ouvriers et des employés s’abstiennent, ce qui empêche tout rassemblement populaire propulsif. Dans la minorité qui vote, le FN est largement en tête. La gauche de la gauche est bonne dernière. Normal, elle est en en voie de décomposition avancée après avoir perdu en quelques années, une bonne partie des voix qui se sont portées sur le candidat Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle de 2012. Depuis, le fossé s’est creusé entre cette gauche de la gauche et le peuple. D’abord, parce que les discours, les pratiques et la stratégie de la gauche de la gauche sont plus en phase avec les demandes des couches moyennes radicalisées qu’avec celles des intérêts des ouvriers et des employés. Dommage, les ouvriers et les employés représentent objectivement 53 % de la population et les couches moyennes salariés seulement 39 % (24 % pour les couches intermédiaires et 15 % pour les couches moyennes supérieures).

Par ailleurs, la gauche de la gauche s’est largement vautrée dans le sillage d’une politique visant tout au plus à un gauchissement du communautarisme anglo-saxon contre le principe d’organisation sociale de la République sociale qu’est la laïcité.

Dommage, sans ce principe, dans un pays développé, pas d’unité du prolétariat et du peuple tout entier, comme Jean Jaurès l’avait longuement expliqué. Au lieu d’un anti-racisme radical doublé de la promotion d’un principe d’organisation sociale (la laïcité est surtout cela), la multiplication des pratiques suivistes par rapport aux forces communautaristes et intégristes (y compris des proches de la Confrérie des frères musulmans) a élargi le fossé avec le peuple et ses couches populaires. Pour nous, en France, la constitution d’un peuple mobilisé ne s’est historiquement faite qu’autour d’un projet commun avalisé par le peuple avec des constantes de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité, de démocratie, de solidarité, de souveraineté populaire, d’universalité, de sûreté (avec aujourd’hui l’ajout du développement écologique et social). Force est de constater que parmi ces principes, nombreux sont ceux qui ont été écartés par la gauche de la gauche. Au moment où, depuis 1983, chaque gouvernement a fait pire que le précédent notamment en ce qui concerne les politiques économiques et sociales, où ce gouvernement s’apprête à proposer la pire régression en matière du droit du travail (lire dans ce numéro l’article de Z. Ramdane) et à intensifier la politique d’austérité visant à baisser la masse relative des salaires, la gauche de la gauche n’est pas à la hauteur des enjeux.

Pire, comme les mêmes causes produiront les mêmes effets, la reconstitution d’une nouvelle bulle financière progresse vers son éclatement, ce qui va accroître les difficultés sociales et économiques, et pousser l’oligarchie financière à accroître de nouveau sa politique d’austérité tout simplement parce que le capitalisme n’a plus de marges de manœuvre pour relancer son taux de profit dans l’économie réelle. Pas d’innovation technologique capable de faire monter la taux de profit de l’ensemble de l’économie, l’intensification du travail en est déjà à un niveau jamais atteint (suicides, nouvelles maladies, etc.), le niveau des armements empêche une destruction massive de capital par une guerre dans les pays développés, etc.

De plus en plus, le débat se pose ainsi: « ne faut-il pas changer de système économique et politique pour vivre mieux ? ». Donc exit les « rustines » et les simplifications surplombantes abusives.

En dernier lieu, les tergiversations de la direction du Parti communiste quant à sa stratégie désarçonnent les travailleurs. Non contente d’avoir plombé la gauche de la gauche avec des alliances ici et là avec le parti néolibéral solférinien au premier tour des élections, la voici qui tente de légitimer la primaire voulue par les néolibéraux.

Les protagonistes du débat sur la présidentielle de 2017

Le FN, dont pour l’instant tous les sondages disent qu’il sera au deuxième tour de la présidentielle, est en train de se recentrer pour montrer au Medef sa capacité à élargir sa base électorale, conformément au rôle classique des extrêmes droites dans les crises profondes. Toutes choses étant inégales par ailleurs, intéressons-nous aux années 30 par exemple.

La droite néolibérale, pour être présente au deuxième tour de la présidentielle, joue actuellement l’alliance LR-UDI et Modem de façon à fermer le champ possible de la gauche néolibérale solférinienne.

Le parti solférinien néolibéral a tenté de jouer l’unité nationale pour apparaître comme le meilleur candidat pour être au deuxième tour de la présidentielle. Ce pari semble perdu, sauf si une nouvelle crise paroxystique économique ou politique rebat de nouveau les cartes.

Les responsables des frondeurs, du PC et des petites formations du cartel du Front de gauche n’ont pas trouvé mieux que de proposer de discuter sans but (on croit revenir aux comités anti-libéraux de triste mémoire) et de ressortir l’idée d’une primaire large à gauche avec l’idée que tous les participants devront soutenir celui qui arrivera en tête ! Et ils appellent tout le monde à venir dans ce « travail collectif ». On fait croire qu’il y a quelque chose de commun entre la politique du gouvernement néolibéral solférinien et une future gauche de gauche qui veut renverser la table ? On ne dit pas quel sera le socle commun à tous les participants ? Et bien sûr pas un mot sur la stratégie alors que l’on a vu, dans toutes les élections municipale et régionale, les stratégies contradictoires de certains protagonistes. Par exemple, certains communistes s’allier dès le premier tour avec les néolibéraux solfériniens alors que d’autres communistes faisaient des listes Front de gauche. On peut tromper son monde une fois, deux fois, trois fois mais pas tout le temps, voilà ce que dit l’adage populaire.

Ne nous contentons pas d’une campagne électorale traditionnelle

Pour engager la bataille de l’émancipation, comptons d’abord sur la résistance du mouvement syndical revendicatif, sans quoi rien n’est possible, tout simplement parce que ce syndicalisme est le seul à pouvoir effectuer la double besogne : mener la lutte revendicative et tracer le chemin de l’émancipation.

Peut-être le seul choix, se disent déjà certains de nous, sera-t-il l’an prochain entre la candidature de Jean-Luc Mélenchon et l’abstention. Or nous avons vu au fil des derniers scrutins que si l’abstention a bien une signification politique, elle n’entraîne aucune sortie de la crise économique et politique.

D’autres sont enclins à attendre des mois que le cartel de la primaire discute dans son entre soi du sexe de ladite primaire.

Pour nous, il n’y a pas à attendre et il n’y a pas à s’abstenir de la préparation de cette présidentielle ; nous ne devons pas laisser notre appréciation de la personne de Mélenchon ou de tel ou tel élément supposé de programme nous conduire sur l’Aventin du scepticisme et de l’inaction.

Sans présence politique à l’élection, aucune bataille pour le pouvoir n’est possible. Nous avons besoin d’une présence politique avec une stratégie ouvertement autonome du pouvoir solférinien et nous avons besoin d’une séquence longue pour la mener en profondeur.

Si ReSPUBLICA a salué la création du Parti de Gauche et globalement soutenu le Front de Gauche, en leur temps, mais sans se priver de contredire certaines de leurs analyses, le journal se doit de maintenir cette option de soutien critique en l’adaptant à la situation du moment, en totale indépendance et en liaison avec l’éducation populaire.

Car la bataille pour l’émancipation et l’hégémonie culturelle exige aujourd’hui de multiplier les initiatives d’éducation populaire en même temps ou à côté de la campagne électorale ou des luttes syndicales. L’éducation populaire, ce sont des pratiques et des discours à appliquer dans le peuple, avec le peuple et pour le peuple et les partis politiques l’ont négligée dans la période récente. C’est très différent d’une campagne électorale traditionnelle avec uniquement des grands meetings.

Voilà pourquoi nous lançons un appel à multiplier les initiatives d’éducation populaire et pas seulement à faire une campagne électorale traditionnelle. Parce que ses responsables sont eux-mêmes présents en tant qu’acteurs de l’éducation populaire en association avec le REP ou parce qu’ils élaborent des positions théoriques utiles à ces mêmes acteurs, ReSPUBLICA souhaite travailler avec les comités locaux de soutien à la candidature de Jean-Luc Mélenchon comme avec les acteurs du mouvement syndical revendicatif.

Nous pourrons alors critiquer les diplomaties française et étasunienne qui semblent s’allier en Syrie avec le Front Al-nosra qui, affilié à Al Qaïda, dirige la rébellion contre Assad, alors que nous développons l’idée qu’il faut combattre en même temps Daesh et Al Qaïda avec les forces kurdes qui sont les seules aujourd’hui à être à fond dans ce combat. Nous pourrons alors dire que les attentats ne sont pas la réponse au fait que nous bombardons les positions des djihadistes, mais bien que les djihadistes et leurs alliés islamistes développent un projet contradictoire à notre objectif d’émancipation, dans le monde entier y compris dans le nôtre. D’autant qu’une partie des alliés des forces néolibérales (la Turquie qui bombarde les kurdes, le Qatar et l’Arabie saoudite avec leurs financements, le soutien à la rébellion syrienne qui est malheureusement dirigé par Al Qaïda) joue double jeu.

Nous pourrons critiquer le gouvernement solférinien néolibéral (soutenu par la droite néolibérale sans laquelle il ne pourra bientôt plus passer une seule loi contre les conquêtes sociales des travailleurs) avec la vigueur nécessaire et sans le ménager en vue d’un accord électoral futur : critiquer le durcissement des politiques d’austérité, la tentative de criminalisation de l’action syndicale (nous n’oublierons pas que le procureur d’Amiens a suivi le ministère de la Justice, et donc le gouvernement, en portant la seule plainte existante à ce jour contre les Goodyear, qui a entraîné une condamnation à 9 mois de prison en première instance).

Nous pourrons alors développer l’idée d’une nécessaire rupture sur les plans démocratique (y compris dans l’entreprise), laïque, social, féministe et écologique… Développer l’idée de rupture avec la formation sociale capitaliste et donc avec l’UE, les traités, l’euro, mais dans le cadre du processus que nous appelons de nos vœux : la République sociale.

Hasta la victoria siempre !

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Des intellectuels de culture musulmane muselés

Soutenir Kamel Daoud

par Didier Brisebourg

 

La polémique autour des écrits de Kamel Daoud, et de sa personne, est révélatrice d’un état d’esprit mortifère pour l’intelligence et la liberté. Je résume très succinctement l’affaire. Je ne discute ni les propos de Kamel Daoud, ni ceux de ses accusateurs. Je gomme volontairement les nuances et vous invite à juger vous-mêmes, à lire les textes de référence : mon propos ici vise à révéler le mécanisme pervers par lequel l’accusation d’islamophobie tue la culture.

Lors de la nuit de la Saint-Sylvestre à Cologne, des femmes ont été sexuellement agressées. Les réfugiés nouvellement arrivés en Allemagne, la plupart de culture musulmane, sont rapidement accusés de ces violences. La polémique enfle, les partis d’extrême droite s’en réjouissent en douce et dénoncent l’accueil de ces réfugiés voulu par Angela Merkel ; certaines associations féministes sont accusées de se taire au motif qu’il ne faudrait pas alimenter le discours anti-immigrés ; des animateurs de la « gauche » s’inquiètent d’une instrumentalisation des faits à des fins xénophobes.

Là-dessus, Kamel Daoud, écrivain et journaliste algérien vivant à Oran, publie deux textes1 qui accusent l’Islam actuel de créer des refoulés sexuels, d’entretenir une violence masculine vis-à-vis des femmes, de faire de la femme un être nié, tué, voilé ou enfermé. Il accuse en particulier l’islamisme d’entretenir un rapport à la femme fait de pornographie et de violence.

Le 11 février 2016, un collectif publie un réquisitoire contre Kamel Daoud.2 Ce texte est symptomatique de l’utilisation du mot « islamophobie ». Il illustre parfaitement le mécanisme de destruction de la pensée libre.
Ce mécanisme est tout entier contenu dans l’extrait ci-dessous :

« Après d’autres écrivains algériens comme Rachid Boudjedra ou Boualem Sansal, Kamel Daoud intervient en tant qu’intellectuel laïque minoritaire dans son pays, en lutte quotidienne contre un puritanisme parfois violent. Dans le contexte européen, il épouse toutefois une islamophobie devenue majoritaire. Derrière son cas, nous nous alarmons de la tendance généralisée dans les sociétés européennes à racialiser ces violences sexuelles. »

Kamel Daoud est donc accusé d’alimenter l’islamophobie en Europe. Comment ? Parce qu’il se comporte en laïque dans son pays et le dit. Au prétexte de cette islamophobie, il ne faut surtout pas interroger le rapport des sociétés de culture musulmane à l’égard des femmes. C’est-à-dire qu’aucune critique de l’Islam et des sociétés musulmanes ne doit être exprimée, y compris en Algérie, qui aurait pour conséquence de susciter l’islamophobie en Europe.

Mais alors, comment Kamel Daoud pourrait-il critiquer le comportement de la société dans laquelle il vit vis-à-vis des femmes s’il ne peut en critiquer la culture majoritaire ?
Comment pourrait-il accuser sa propre culture majoritaire sans tomber nécessairement sous l’accusation d’islamophobie ?

Nous voyons bien que c’est impossible : tout discours critique de l’Islam tenu d’un point de vue laïque tombe nécessairement sous l’accusation d’islamophobie. Il s’agit là d’un piège terrible.
« Laïques en terre d’Islam, taisez-vous ! » Voilà l’ordre donné par ces universitaires parisiens à la pensée libre en terre musulmane.
C’est là une négation de la liberté de penser et de dire, un déni de la liberté d’expression, une fatwa contre les penseurs réformistes de l’Islam, une machination digne des procès staliniens.
Ceci a au moins deux conséquences.

Non seulement, les Européens seraient des idiots définitifs, incapables de penser par eux-mêmes ce qui relève du racisme et ce qui relève de la critique. Mais d’autre part, c’est aussi le rejet de toute critique interne au monde musulman. Or, il se trouve quantité d’intellectuels de cultures musulmanes critiques de leur propre culture, comme il y en a aussi en Europe capables de critiquer la leur.

Kamel Daoud est victime d’une fatwa le condamnant à mort, prononcée par un imam intégriste3. On aurait pu attendre de la part de ce collectif au moins un soutien à une victime de la vindicte islamique. Mais non, rien en ce sens.

On voit bien à quoi sert le mot « islamophobie » ici. Il sert à museler ces intellectuels de culture musulmane qui jette un regard critique sur leur propre culture et sur l’Islam. C’est pourtant avec ceux-là que nous devons lutter contre le racisme et défendre la démocratie, la liberté, la laïcité et la fraternité, en Algérie et ailleurs.

Il y a cependant des penseurs musulmans qui soutiennent Kamel Daoud4, travaillons avec eux.

  1. http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/01/31/cologne-lieu-de-fantasmes_4856694_3232.html et http://www.nytimes.com/2016/02/14/opinion/sunday/la-misere-sexuelle-du-monde-arabe.html?_r=0 []
  2. http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/02/11/les-fantasmes-de-kamel-daoud_4863096_3232.html []
  3. http://www.huffingtonpost.fr/mohamed-sifaoui/politiques-journalistes-et-intellectuels-se-mobilisent-en-faveur-de-kamel-daoud-condamne-a-mort-par-un-islamiste-algerien_b_6346060.html []
  4. Fawzia Zouari : http://www.liberation.fr/debats/2016/02/28/au-nom-de-kamel-daoud_1436364 et Hamidou Anne : http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/02/23/kamel-daoud-haro-sur-un-ecrivain-revolte_4870196_3212.html []
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Ils ont définitivement gagné... dans le cadre du capitalisme !

par Bernard Teper

 

On s’achemine vers une nouvelle confrontation majeure contre le gouvernement solférinien et ses alliés néolibéraux (dont le FN).
Le nouveau code du travail proposé par le mouvement réformateur néolibéral suscite une forte réprobation. Plusieurs centaines de milliers de signatures en quelques jours sur une pétition, du jamais vu. Un début de mobilisation syndicale, des initiatives nouvelles des jeunes, des réseaux sociaux plus souvent utilisés pour la mobilisation. C’est la bataille centrale des mois qui viennent. Nous devons soutenir cela de toutes nos forces et pas nous éparpiller dans un activisme démobilisateur sur des milliers d’autres sujets. Il faut savoir cibler, à chaque période, la bataille centrale. Le report de 15 jours pour le passage au conseil des ministres est le temps nécessaire pour discuter avec les syndicats d’accompagnement du néolibéralisme. Notre mot d’ordre est le retrait du texte comme l’a été le retrait du CPE.

Où est la gauche de la gauche ? Est-ce que la gauche de gauche arrive ?

Bien sûr, nous ne sommes pas dans la meilleure des situations. La gauche de la gauche est en état de décomposition tout simplement parce que sa majorité n’a pas l’analyse concrète de la situation concrète, elle ne part du réel pour aller à l’idéal mais veut construire un idéal choisi par elle sans analyser le réel, parce qu’elle croit à l’altercapitalisme, parce qu’elle croit qu’un simple volontarisme suffit à changer les choses en négligeant les lois tendancielles du capitalisme, qu’elle développe dans sa majorité une sorte de projet de gauchissement du communautarisme anglo-saxon concordataire en se mettant à la remorque de l’obscurantisme et des intégrismes. A noter que les communautaristes de la gauche de la gauche utilisent, pour justifier leur soutien aux communautaristes et intégristes, la conception néolibérale de la liberté du « chacun doit pouvoir faire ce qu’il veut où il veut » alors que savons que cette phrase ne permet que « la liberté du renard dans le poulailler ». De ce fait, jamais, ils ne font leur la revendication, notamment des jeunes filles et jeunes femmes, de ne pas subir la pression des responsables de ces organisations communautaristes et intégristes puissamment subventionnés par les pouvoirs publics de tous bords. Ou encore la revendication des athées, des agnostiques et de nombreux croyants qui ne supportent plus le détournement de la loi de 1905, encouragé par les néolibéraux, comme les subventions cultuelles aux structures religieuses qui sont les seules que ne subissent pas l’austérité (exemple les subventions récentes mais abondantes à la cathédrale de Créteil allant bien au-delà de la cathédrale d’Evry). Ou encore des partisans de l’école publique de la République sociale qui voient aujourd’hui qu’il y a plus d’argent par tête d’élève pour l’école privée confessionnelle que pour l’école publique.
En fait, la direction du PC s’est alliée ici et là dans les élections de 2014 et 2015 avec les forces néolibérales solfériniennes, tandis que la majorité de la gauche de la gauche s’associe avec des forces communautaristes et intégristes qui sont alliées au mouvement réformateur néolibéral. Après, on s’étonne du manque de clarté et du fossé avec le peuple. Mais de ce point de vue, le peuple est en avance sur ceux qui se considèrent comme des élites politiques. Car toutes les études sérieuses (c’est-à-dire en dehors des études sociologiques qui refusent de confronter leurs travaux avec des approches anthropologiques, ethnologiques, philosophiques, économiques, sociales, etc.) concluent que le peuple français, comme dans le passé, ne peut entrevoir son avenir qu’avec le principe de laïcité. La dernière étude de l’INED de janvier 2016 intitulée « Trajectoires » a montré que les Français qui déclarent que la religion n’influe pas sur leur mode de vie sont 93 % ; pour les immigrés 79 % (d’origine turque 74 % et d’origine maghrébine 72 %).
Le mouvement réformateur néolibéral a définitivement gagné l’hégémonie culturelle… dans le capitalisme. Il est sorti des dernières crises économiques et financières du siècle en renforçant son pouvoir et en intensifiant les politiques d’austérité. Pour la prochaine, c’est mal parti tant la gauche de gauche tarde à se constituer.
Sur le plan idéologique, la majorité de la gauche de la gauche utilise souvent, soit des simplifications hâtives et abusives en les présentant comme des prééminences surplombantes qui ouvrent le paradis (telle que le revenu universel par exemple, mais il y a des dizaines de propositions de ce type qui ne sont que des propositions altercapitalistes au mieux et régressives au pire), soit des conceptions néolibérales comme on vient de le voir ci-dessus.
Une gauche de gauche doit au contraire travailler à un projet global démocratique, laïque, féministe, économique, social et écologique. Elle doit pour rassembler le peuple commencer par supprimer le fossé qui existe aujourd’hui avec les couches populaires ouvrières et employées. Alors, où sont les discours qui intéressent ces couches sociales majoritaires dans le pays et qui s’abstiennent aujourd’hui majoritairement ? Où sont les discours sur la protection sociale, les services publics, sur l’école, sur la laïcité, sur comment lutter contre le chômage, la misère, la pauvreté, la précarité, le pouvoir d’achat, la politique de la petite enfance, sur la République sociale ?
Une gauche de gauche doit tenir compte du réel d’aujourd’hui (les ravages contre l’écologie, l’offensive des communautarismes et des intégrismes dont l’islamisme contre les intérêts du peuple, l’UE et la zone euro comme carcans contre la possibilité des politiques progressistes, l’extrême éparpillement de la gauche dans son ensemble, les risques d’attentats du total-terrorisme, les besoins de sûreté et de sécurité, la nécessité de retrouver le chemin de nouveaux conquis sociaux, etc.) et donc prendre une ligne et des pratiques nouvelles. Elle doit rompre avec sa ligne volontariste, néokeynésienne et altercapitaliste, qui lui fait notamment croire (car il s’agit bien d’une croyance !) que l’euro et les traités européens peuvent devenir sociaux ou même des balivernes du genre : « il suffit de sortir demain matin à 8h 30 de l’euro et de transformer la monnaie unique en monnaie commune (on a déjà essayé ce principe avec le SME des années 80 qui fut un échec). Nous estimons que seul le plan C possède une crédibilité théorique et pratique à savoir que la sortie de l’euro ne pourra se faire que lors d’une crise paroxystique de type de celle de 2007-2008. Et là, il vaut mieux s’y préparer que d’être pris de court.

Que faire, sinon nos tâches !

Considérer que l’action syndicale et l’action politique sont indispensables, mais insuffisantes. Il manque le troisième pilier qu’est l’éducation populaire avec ses discours et ses pratiques. Sans l’ajout de ce dernier pilier, pas de victoire possible de la nouvelle hégémonie culturelle, l’une des conditions de la transformation culturelle, sociale et politique.
Travailler à la constitution large d’une gauche de gauche avec la perspective d’une rupture vers la République sociale.

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Avec les solfériniens, plus ça va, plus c’est pire pour les travailleurs !

par Zohra Ramdane

 

La dernière trouvaille du mouvement réformateur néolibéral solférinien est incroyable. On savait déjà que chaque gouvernement depuis 1983 est pire que le précédent. Nous savons aujourd’hui que même avec le même gouvernement, chaque mesure va plus loin dans la destruction des “conquis” sociaux que la précédente.

Ainsi, le projet de modification du code du travail (pour plus de détails, lire l’analyse ci-dessous de Gérard Filoche, ancien inspecteur du travail). Dès l’article 1, la messe est dite. On transforme la durée « légale » en durée « normale » en précisant que « des conventions et accords collectifs peuvent retenir une durée différente », c’est donc la fin de la durée légale. Suppression de plusieurs alinéas du Code du travail (deuxième alinéa de l’article L.3121-2, deuxième alinéa de l’article L.3121-3, modification de l’article L.3121-4) permettant de supprimer la rémunération des temps de pause et de restauration, les temps d’habillage et de déshabillage quand une tenue de travail est nécessaire, des modalités de contrepartie (repos ou rémunération) si le temps de déplacement professionnel est supérieur au temps habituel de déplacement entre le domicile et le lieu du travail.

L’accord collectif d’entreprise (là où le rapport des forces est le plus faible, comme par hasard !) ou d’établissement passe avant l’accord de branche (même s’il est plus défavorable) et les usages disparaissent de ces améliorations possibles.

Les onze heures de repos obligatoires par tranche de 24 heures pourront être fractionnées. Pour un licenciement illégal, l’indemnité prud’homale sera plafonnée à 15 mois de salaire. Elle est pas belle, l’histoire, pour le patronat ?

Un accord d’entreprise (là où le rapport des forces est le plus faible) pourra baisser les salaires, augmenter le temps de travail, et il pourra diviser par cinq les majorations des heures supplémentaires, dans des conditions beaucoup plus défavorables pour les salariés que dans les conventions collectives ou dans la loi. Les temps d’astreinte pourront être décomptés des temps de repos. Le dispositif des forfaits-jours, qui permet de ne pas décompter les heures de travail, est étendu. Les apprentis mineurs pourront travailler 10 heures par jour et 40 heures par semaine. Le plancher de 24 heures pour un contrat à temps partiel n’existera plus. Un référendum pourra imposer une mesure antisociale par chantage contre l’avis de 70 % des syndicats. Un entreprise pourra faire un « plan social » sans que l’entreprise n’ait de difficultés économiques. Après un accord d’entreprise, un salarié qui refuse un changement dans son contrat de travail pourra être licencié car l’accord d’entreprise aura dans la hiérarchie des normes une supériorité par rapport à un contrat individuel plus ancien. Un simple accord d’entreprise pourra faire passer de 10 heures à 12 heures le temps de travail journalier. Les congés pour décès d’un proche ne seront plus garantis. La durée maximale de la durée hebdomadaire de travail pourra passer de 48 heures à 60 heures sur simple accord d’entreprise ! Et bien sûr, dans l’affaire, des effets particulièrement nocifs vont atteindre les femmes.
Vous voulez une primaire avec le PS et défendre cela s’il gagne la primaire ?
Il faut en finir avec l’oligarchie capitaliste ! Bien sûr, ils ont reculé la date du passage en conseil des ministres mais c’est juste pour essayer de négocier avec la CFDT, la CFTC et la CGC pour garder l’essentiel pour eux et enlever certaines horreurs en en laissant d’autres ! L’heure est à la mobilisation.

Annexe : “Retrait du projet de loi El Khomri”

par Gérard Filoche (1er mars 2016)

 ” Tout est dans l’article 1 : ne serait-ce qu’à cause de ce seul article, tout le projet de loi El Khomri doit être retiré. C’est la remise en cause historique, théorique, juridique fondamentale d’un siècle entier de code du travail.
Pour le comprendre il faut savoir que le code du travail est né en 1910 après la catastrophe de Courrières de 1906 dans le Pas-de-Calais. Lors de cette tragédie, 1099 mineurs avaient perdu la vie au fond des puits. Le patron avait exigé que le travail reprenne en cessant la recherche des survivants, car sinon le charbon polonais allait arriver et il allait mettre la clef sous la porte. Une douzaine de jours plus tard, 13 puis 1 survivants étaient ré apparus. Le choc émotionnel avait été tel qu’on avait décidé de créer le Ministère du travail pour qu’il échappe aux exigences du Ministère de l’économie.
Le choix fondamental a été d’adapter le travail aux humains et non pas les humains au travail. Si nous avons exigé les 3 x 8 : 8 h de travail, 8 h de loisir, 8h de repos, ce n’est pas pour plaire aux patrons des entreprises, c’est pour plaire aux humains, pour qu’ils puissent vivre avec leur travail.
Aussi lorsque le Président Hollande annonce qu’il allait « adapter le droit au travail aux besoins des entreprises », c’est une contre-révolution conceptuelle. Elle n’a rien de « moderne » et rien à voir avec la « crise » : c’est le retour au 19° siècle, bien avant 1906, aux débuts du salariat post esclavage quand il n’y avait ni lois ni cotisations sociales.
Ça n’a rien à voir non plus avec l’emploi : François Hollande l’avoue le 21 février 2016 en précisant que cette loi « n’aura pas d’effets en termes d’emploi avant plusieurs mois. Mais il s’agit d’installer un nouveau modèle social ». Il ne pouvait mieux reconnaître que le chômage était un prétexte, et qu’il visait surtout à rompre avec le droit du travail existant.
Le projet dit El Khomri est donc une remise en cause idéologique ultra libérale de décennies de combat des syndicats et la gauche pour protéger les salariés. Même les patrons ont été surpris de ce projet de loi qui va plus loin que ce qu’a fait la droite.

Lire la suite sur le blog http://www.filoche.net/2016/03/01/retrait-du-projet-de-loi-el-khomri/

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Les enjeux de l'enseignement professionnel en France

par Damien Pernet

 

Alors qu’un lycéen sur trois est aujourd’hui scolarisé dans l’enseignement professionnel et qu’environ 30 % des bacs délivrés sont des bacs professionnels, cette voie de formation est la plus mal connue du système scolaire français. Un détour par son histoire nous permettra de comprendre en quoi la volonté du tout-apprentissage s’avère dangereuse, danger renforcé par la réforme actuelle du collège.

1- Qu’est ce que l’enseignement professionnel ?

Au moyen-âge, la formation professionnelle est entièrement dévolue aux corporations de métiers.A partir de la Renaissance, l’évolution des pratiques commerciales amène de grandes maisons (les Frügger en Allemagne, les Médicis en Italie) à fonder des écoles pour l’apprentissage de la comptabilité commerciale. Ce sont donc les temps modernes qui inventent l’enseignement technique et professionnel à la faveur du passage progressif de sociétés artisanales à des sociétés manufacturières puis industrielles. Mais ces écoles adaptées sont peu nombreuses. Il faut attendre le XVIIIe siècle pour qu’il se développe et le XXe pour qu’il s’institutionnalise.
Les finalités inhérentes à l’enseignement professionnel sont les mêmes que celles de l’enseignement général et technologique : « Le droit à l’éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, d’exercer sa citoyenneté » (Article L. 111-1 du code de l’éducation).
La voie professionnelle n’est donc en rien cantonnée à la formation d’exécutants malgré les préconisation de l’OCDE et la volonté du patronat.Historiquement, c’est depuis 1976, avec le remplacement des CET par les LEP, que “>l’enseignement professionnel devient une filière distincte au sein de second cycle, avec un fonctionnement spécifique.

2- Une lutte de plus d’un siècle pour la mainmise sur l’enseignement professionnel.

Dans le contexte des lois Ferry (1881-1882), l’enseignement technique se développe dans une ambiance de polémique entre les ministères de l’instruction public et du commerce et de l’industrie. L’intégration dans le service public est difficile. Qui doit organiser l’enseignement professionnel: les entreprises ou l’État?L’année1900 voit ainsi le rattachement de toutes les écoles pratiques au ministère du commerce et de l’industrie.Toutefois, en1920, Millerand créé un sous-secrétariat d’État à l’enseignement technique rattaché au ministère de l’instruction publique. Puis, en 1942-1943, la délivrance des diplômes techniques devient monopole d’État. En réaction, la FEN et le MEN introduisent des séquences de formations obligatoires en entreprise pour l’obtention du CAP et du BEP (10 semaines).

3- Privatiser l’enseignement professionnel ?

Malgré son intégration progressive dans le service public d’éducation, il existe toujours une pression pour sortir l’enseignement professionnel de l’éducation nationale à travers l’objectif partagé par le PS et LR d’orienter un million d’élèves vers l’apprentissage. Il s’agit bien de privatiser une partie la formation professionnelle conformément aux dogmes néo-libéraux :

  • « Le rôle des éducateurs ne peut plus être assuré comme hier (…) C’est de plus en plus à l’entreprise qu’il échoit de se charger d’une partie de l’éducation [des élèves] » L. Parisot, Discours au lycée Carnot, 2008.
  • « La voie de l’alternance est une des voie d’excellence qui mène à l’insertion; Elle mérite d’être promue et développée. » L. Wauquiez, salon de l’apprentissage et de l’alternance, 2010

Pourtant, le taux de réussite aux examens est presque identique en LP et en alternance. Mais 30 % des apprentis abandonnent en cours de formation. Donc le taux d’échec y est supérieur. De plus, le taux de poursuite d’études est inférieur. Ainsi, seuls 36 % des CAP poursuivent en Bac pro, et 12 % poursuivent des études supérieures après une formation en apprentissage.Statistiquement, donc, l’apprentissage n’est pas un ascenseur social supérieur au LP.
Ensuite, se pose le problème du Bac pro 3 ans. L’amputation d’une année de formation est très problématique. L’introduction du Bac pro en 1985 était lié à la massification. Aujourd’hui, on veut former moins et faire réussir davantage. Curieuse équation.
Enfin, il est à craindre que l’actuelle réforme du collège n’impacte encore plus des publics fragiles scolairement, issus de milieux sociaux où la culture générale s’acquiert principalement à l’école. En diminuer les horaires pour y substituer des activités moins exigeantes condamne encore plus les lycéens professionnels à l’échec dans le supérieur, donc à une reproduction accrue des inégalités.

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La monnaie et les lois tendancielles du capitalisme (vidéo)

Interview de Michel Zerbato par Bernard Teper, et documents annexes

par ReSPUBLICA

 

Cette entrevue a été réalisée à l’occasion de la formation assurée par Michel Zerbato, les 12 et 13 décembre 2015 à la demande du Réseau Education Populaire (REP).
On retrouvera l’essentiel de ces journées dans les documents suivants :

– un diaporama général  ICI
– le texte de la première partie (La nature de la monnaie) ICI
– le texte de la deuxième partie (La valeur de la monnaie)  ICI

 

 



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