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Chronique d'Evariste
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Après son congrès 2016, où en est la CGT ?

par Évariste

 

Nouvelle bifurcation pour la CGT. La radicalisation du discours est manifeste. L’unification de la centrale sur le retrait de la loi El Khomri en est le ciment. Le « syndicalisme rassemblé » sur les bases de la CFDT, c’est comme Capri, c’est fini. Le virage par rapport à l’ère Thibault-Le Paon est enfin pris.
Un congrès animé qui a vu suivant les scrutins une abstention d’environ 10 % et des votes contre de 25 à 30 %. La raison principale est la « neutralité » du rapport d’orientation qui n’a pris à bras-le-corps aucun sujet important, en dehors de celui du fonctionnement des structures CGT.
Mais Philippe Martinez et son équipe ont pris la mesure de ce mécontentement par un discours d’ouverture plus « punchy » que le rapport d’orientation. Ils ont tenu compte des débats du congrès, puisque le secrétaire général a appelé dans son discours de conclusion du congrès à des grèves massives le 28 avril, précisant même que la possibilité de la reconduction du mouvement serait soumise aux travailleurs comme cela fut demandé par un nombre significatif de délégués.
Les votes massifs pour la désignation de la direction confédérale montrent que le congrès fut satisfait des inflexions que nous résumons ici et que de nombreux délégués critiques ont apporté leurs mandats à la direction confédérale. Ce fut un congrès vivant, et non un congrès stalinien comme celui de la CFDT, par exemple.
Il reste que si la CGT veut reconquérir une plus grande place dans le syndicalisme, il lui faut aller vers plus de cohérence, revenir à la pratique de la « double besogne », modifier ses structures et ses pratiques pour tenir compte des évolutions que le mouvement réformateur néolibéral a fait subir au salariat, devenir un pôle de rassemblement du syndicalisme revendicatif, et renouer avec la pratique de l’éducation populaire.
A cet égard, nous avons été surpris par le manque de cohérence dans le fait que la CGT n’a que très peu porté le 70e anniversaire de la Sécurité sociale et même celui des lois d’Ambroise Croizat de 1946, alors que c’est la CGT qui a été la force vive de la création de la Sécurité sociale. Tout le monde pourra le voir lors de la sortie nationale, début novembre 2016, du film « La sociale » de Gilles Perret, film qui lancera avec ses ciné-débats, le débat sur ce morceau d’histoire et sur la protection sociale de demain.
Nous pourrions aussi pointer, entre autres, les incohérences dans les propositions des comités d’entreprise animés par la CGT dans les choix des complémentaires santé.
De même, si plusieurs interventions sont revenues, à juste titre, sur le danger, pour le monde du travail et toute la société, de la montée du Front National, la question des mêmes risques, représentés par l’extrême-droite religieuse et le communautarisme, a été très peu évoquée, alors qu’elle est une préoccupation importante pour de nombreux secteurs du syndicat.

Quant à la « double besogne, quotidienne et d’avenir » comme le stipule la Charte d’Amiens de 1906, elle est nécessaire pour articuler les revendications et les actions immédiates avec le projet d’ensemble émancipateur qui s’oppose au réel d’aujourd’hui. Le Conseil national de la Résistance (CNR), qui incluait la CGT, avait fait cette double besogne en éditant son programme le 15 mars 1944 : le plan d’action immédiate et le projet émancipateur des « Jours heureux ». Cette double besogne est aujourd’hui à repenser et à appliquer par tous les acteurs de l’émancipation, même et surtout si chaque acteur (syndicats, partis, associations) doit être indépendant des autres acteurs de nature différente. Pour cela, relisons ce qu’en disait Jean Jaurès en 19131. Aujourd’hui comme hier, il convient que le syndicat précise le modèle politique qui entre en cohérence avec le plan des revendications immédiates.
Quant à la prise en compte des évolutions du salariat : gentrification, suppression des grandes concentrations ouvrières et employées, augmentation du nombre de salariés travaillant dans des entreprises sans syndicats, etc., il conviendrait sans doute de réévaluer le travail des unions locales, d’en augmenter le nombre, et de faire en sorte qu’elles deviennent des lieux d’éducation populaire.
Est-il opportun que la France reste le champion du monde du nombre de structures syndicales ? Est-ce que cela ne nuit pas à l’efficacité syndicale ? La question mérite d’être débattue, non ?
Il va de soi que le moteur du syndicalisme est porté par les luttes sociales. Mais l’histoire montre que son efficacité croît lorsque ces luttes sociales sont associées à des initiatives complémentaires d’éducation populaire. Car sans éducation populaire, pas de bataille pour l’hégémonie culturelle, et sans bataille pour l’hégémonie culturelle, pas d’émancipation.
En attendant, saluons la nouvelle phase dans laquelle est entrée la CGT.

  1. http://www.jaures.eu/ressources/de_jaures/le-syndicalisme-et-le-socialisme-1913/ []
Lutter contre le néo-libéralisme
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« La troisième guerre mondiale est sociale », par Bernard Thibault

par Pierre Hayat

 

La troisième guerre mondiale est sociale de Bernard Thibault1 a paru au moment où le congrès de la CGT a appelé à intensifier la mobilisation contre le projet de « Loi Travail » voulue par l’exécutif. La France étant l’un des pays au monde où les droits sociaux sont le plus élaborés, l’enjeu de ce conflit franco-français est également international. Un recul historique du droit du travail en France constituerait pour le capitalisme globalisé une victoire dans la « guerre mondiale » qu’il livre aux travailleurs de tous les pays, à travers sa course aux profits. Ancien secrétaire général de la CGT, actuellement administrateur de l’Organisation internationale du travail (OIT) en qualité de représentant des travailleurs français, Bernard Thibault veut produire un livre « utile » à ceux qui voient que la situation sociale du monde se détériore sensiblement, mais ne disposent pas d’éléments de connaissance précis. Mais il a surtout la conviction que l’OIT, agence spécialisée de l’ONU sur les questions sociales et le droit du travail, peut aujourd’hui contribuer au progrès social en France et dans le monde. C’est cette conviction-là que l’ouvrage veut faire partager. L’ancien secrétaire général de la CGT n’est-il pas victime d’une illusion imputable à un manque de recul avec la fonction absorbante qu’il exerce depuis deux ans, lui faisant imaginer qu’une institution sans pouvoir contraignant sur les États et sur les multinationales pourrait secourir providentiellement les travailleurs ? Thibault évite l’objection, par sa manière à la fois modeste et volontariste de militer pour que les syndicalistes et les citoyens connaissent mieux l’OIT et réclament pour l’unique institution mondiale tripartite (gouvernements-employeurs-travailleurs) davantage de moyens d’intervention et de pression.

Le lecteur découvre d’abord un tableau sombre de l’état social du monde. Au nom de la loi de la concurrence, les travailleurs de tous les pays se trouvent engagés « dans une guerre sans merci contre des ennemis invisibles qui cherchent à gagner des parts de marché en pratiquant un dumping social toujours plus agressif ». Les rapports de l’OIT révèlent que la part de la rémunération du travail dans le produit intérieur brut (PIB) mondial est passé en trente ans de 75 % à 65 % et que près des trois-quarts de la population mondiale ne bénéficie d’aucune protection sociale. On apprend également que la moitié de la population active ne dispose pas d’un contrat de travail et que 168 millions d’enfants sont des travailleurs. Cet état de fait ne tient pas du hasard. Les stratégies patronales oscillent aujourd’hui entre une dérégulation totale du marché et une instrumentalisation de l’OIT qui produirait des normes ajustées au plus près des intérêts des actionnaires. Elles promeuvent également une souveraineté des nations à géométrie variable, permettant aux États de se dérober aux normes protectrices des droits des travailleurs. Dans tous les cas, il s’agit pour le capitalisme mondialisé de faire prévaloir les « besoins concurrentiels des entreprises » sur les normes protectrices des travailleurs. L’enjeu est directement politique puisque cette gouvernance mondiale vise à imposer une allégeance des individus et des États à des firmes multinationales. Avant d’être citoyen, on deviendrait consommateur/travailleur/client de Bouygues, de L’Oréal, de Bolloré… Encore plus radicale que la privatisation des services publics, une privatisation des politiques et des réglementations publiques tend désormais à s’installer. Ainsi, « les multinationales incarnent les pouvoirs privés contre les pouvoirs publics ». Elles s’implantent dans les territoires les « moins regardants » en matière de libertés, d’environnement et de protection sociale. L’UE, quant à elle, n’est pas redevable des droits du travail devant l’OIT mais exige des États en difficulté des « plans de redressement » qui les mettent en infraction avec les normes internationales du travail.

L’enjeu présent serait d’imposer des règles aux firmes multinationales, mais aussi à l’UE, au FMI, à l’OMC, au G20, à la Banque mondiale, en vue d’une inversion des normes, au bénéfice des droits humains… Cette subversion du présent ordre mondial impliquerait un renversement du rapport des forces en faveur des travailleurs et des peuples. La thèse que Thibault veut faire passer est que l’OIT pourrait être un des leviers de ce basculement. Le livre expose l’histoire et le fonctionnement de l’OIT. Aujourd’hui, l’OIT soutient les mêmes principes que les grands mouvements sociaux émancipateurs contemporains : l’abolition du travail forcé et du travail des enfants, le droit à la négociation collective, les libertés syndicales, un salaire égal pour un travail égal, et des droits en matière de santé, de grève et d’emploi. L’OIT élabore des normes internationales du travail qui sont autant d’instruments juridiques permettant de définir les droits minimums au travail. « Soyons honnêtes, écrit cependant Thibault, les normes créent des obligations essentiellement morales pour les États qui les ratifient. » Mais il précise aussitôt que ces normes sont pour les salariés des repères et des armes. Ainsi, en 2011, la CGT avait déposé plainte avec succès auprès de l’OIT, contre Sarkozy qui avait réquisitionné les salariés des raffineries de pétrole en grève lors du conflit sur l’avenir des retraites. La France a également été mise en défaut en 2006 avec la loi instituant le contrat nouvelle embauche (CPE), qui contrevenait à une convention de l’OIT faisant obligation aux employeurs de justifier les licenciements. En revanche, l’efficacité de l’OIT est franchement moins probante s’agissant des conditions de travail inhumaines au Qatar. Et l’UE se dérobe, elle aussi, au droit international du travail, en faisant allègrement le tri entre les normes. Quoi qu’il en soit, pour Thibault, l’OIT peut devenir un point d’appui dans le combat internationaliste qui anime le syndicalisme depuis sa fondation. Car le syndicalisme, comme les politiques, se heurtent aujourd’hui à la représentation intimidante d’un monde semblable à une base de données d’où l’on exploiterait des matières premières et de la main-d’œuvre. À la globalisation néolibérale présentée comme une fatalité, et au repli nationaliste ou religieux, il convient d’opposer la solidarité internationale des travailleurs et des peuples autour des libertés, du droit du travail et de la protection sociale.

Bernard Thibault admet que lors de ces dernières décennies, les libertés démocratiques et les droits sociaux ont décliné et que le syndicalisme ne dispose pas de la même force d’entraînement que dans les années 1950-1980. Raison de plus d’après lui pour que les syndicalistes s’approprient les normes de l’OIT. Ainsi, un lien fort est-il établi par l’OIT entre la sécurité au travail et la liberté collective au travail (droit d’expression, d’association, de grève). Les syndicalistes du monde peuvent se revendiquer des principes de l’OIT, présentés comme « pleinement applicables à tous les peuples du monde ». Pour Thibaut, il convient d’universaliser le slogan d’après lequel « le travail n’est pas une marchandise », qui signifie qu’une relation de travail n’est pas semblable à une relation commerciale et qu’un contrat de travail doit apporter des droits au salarié que n’apportera jamais un contrat commercial. Au-delà, Thibault convie les syndicalistes et les citoyens à réfléchir à la relation de travail, à l’heure du numérique. On ne trahit pas le syndicalisme français des origines, qui exigeait « l’abolition du salariat », en revendiquant la généralisation du statut de salarié garanti dans ses droits, à un moment où certains employeurs souhaitent sortir du salariat afin de placer les travailleurs en dehors d’un périmètre protecteur. Ce n’est pas seulement l’emploi précaire et « informel » qui est en cause, mais la prolifération d’auto-entrepreneurs sans droits.

La troisième guerre mondiale est sociale paraît fidèle à ce que Bernard Thibault a toujours voulu être : « utile », au regard des intérêts fondamentaux du monde du travail et des objectifs concrets du syndicat, loin des postures dogmatiques et des slogans stériles. Lorsqu’à dix-huit ans, il adhéra à la CGT après trois années passées au centre d’apprentissage SNCF, c’était déjà pour être utile — et aussi, il est vrai, pour marquer sa reconnaissance envers un vieux militant infatigable, systématiquement malmené par la direction. Aujourd’hui, Thibault, à qui il fut facile de trouver une mission utile après son départ du secrétariat général de la CGT, produit un livre qui ne prétend pas livrer clés en main la recette pour renforcer le syndicalisme. Aussi, laisse-t-il méthodiquement de côté les questions, pourtant cruciales, liées aux lignes stratégiques, aux formes d’organisation et aux pratiques syndicales. L’intérêt de l’ouvrage fait aussi sa limite. Mais des commentateurs proches des milieux patronaux ont décelé dans La troisième guerre mondiale est sociale le projet diabolique de transformer l’inoffensive OIT en Tribunal mondial des Prud’hommes. Et tous verront que le livre conduit à juger le projet de « Loi Travail » pour ce qu’il est : un dispositif conforme à l’obsession de dérégulation du Medef et aux injonctions néolibérales de l’UE, parfaitement contraires à la sécurisation de la condition des travailleurs — enjeu fondamental de vie et de justice du XXIe siècle. L’ouvrage contribue du même coup à réfléchir aux nouveaux enjeux de l’émancipation humaine en France, en Europe et dans le monde, un quart de siècle après la chute du Mur de Berlin.

  1. Les éditions de l’atelier, avril 2016, 224 p., 15€. []
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Les « Social impact bonds », cheval de Troie du libéralisme

Ou la marchandisation de l'action sociale

par Monique Castro

 

Article paru dans le quotidien Le Progrès social

Les Social impact bonds (SIB) débarquent en France. Ce dispositif très libéral, né au Royaume-Uni en 2010, et qui a déjà essaimé dans les pays anglo-saxons, consiste à faire financer par une entreprise privée, des actions sociales relevant normalement de financements publics. Qui aurait imaginé des banques s’engageant dans la lutte contre la récidive de jeunes sortant de prison ou l’insertion professionnelle d’habitants de banlieues défavorisées ? Afin d’assurer la réussite du projet, un objectif précis est assigné au financeur qui doit trouver l’art et la méthode de l’atteindre. Si ça marche, l’État rembourse l’intégralité de la dépense engagée et si le succès est vraiment au rendez-vous s’y ajoutent des intérêts plus ou moins juteux. Histoire de rémunérer le risque pris!
Le 15 mars, la secrétaire d’État chargée de l’Économie solidaire, Martine Pinville, a lancé un appel à projets pour sélectionner, d’ici le 31 janvier 2017, des candidats susceptibles de bénéficier de ce nouveau financement. Il faudra attendre cet automne pour savoir si cet appel à projets a rencontré le succès. Jusqu’ici, peu de personnes ont entendu parler de ce dispositif de financement pour le moins atypique dans le secteur du social. Et il y a fort à parier que grâce à lui, les participants à la Nuit debout auront encore de bonnes raisons de ne pas aller se coucher.

Une mise doublée en 7 ans

Le terme « bond » qui signifie obligation en anglais n’est pas vraiment correct dans ce cas précis. La traduction française de ce dispositif serait plutôt, comme le définit l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) : un « contrat à terme sur résultats sociaux ». L’organisation a rédigé une note établissant que les SIB « ont constitué des instruments coûteux » et insiste sur le fait que les décideurs devraient évaluer la plus-value du choix d’un SIB « par rapport à une approche traditionnelle ». D’autant, poursuit l’étude, que si ce nouveau mode de financement vise à transférer le risque porté sur le gouvernement et les prestataires de services sociaux sur les investisseurs, « les mécanismes de protection du capital et de garantie,comme l’existence de clauses de résiliation anticipée dans le contrat de SIB, peuvent diluer le risque couru par les investisseurs ». D’après les calculs du Collectif des associations citoyennes (CAC), les investisseurs recevront un retour sur investissement payé par l’autorité publique « à deux chiffres, jusqu à 13 % voire 15 % par an selon les contrats ». Ce qui signifie qu’« en moins de sept ans, la somme qui devra être remboursé par le secteur public aura doublée ». Révolté, le collectif invite à co-signer et diffuser l’appel « Quand le social finance les banques et les multinationales ». La banque Goldman Sachs, très impliquée dans ce dispositif nous en donne un exemple criant. En 2014, dans le Massachusetts, elle cofinance le plus important SIB jamais mis en œuvre. Le projet, doté de 27 millions de dollars, s’étale sur sept ans et est destiné à lutter contre la récidive d’environ mille jeunes délinquants. La banque a apporté 9 millions de dollars. Si la prise en charge atteint son but et réduit de 40 % le nombre de jours d’incarcération, les bailleurs de fonds seront remboursés avec un rendement annuel de 5 %. Si le nombre de jours d’incarcération diminue dans des proportions plus importantes, Goldman Sachs empochera 1 million de dollars.

Bombes à retardement

On comprend aisément pourquoi le collectif appelle à la vigilance. En effet, les SIB représentent une forme de partenariat public-privé « dont les conséquences désastreuses ont été soulignées à maintes reprises » notamment par la Commission des lois du Sénat qui les qualifient de « bombes à retardement pour les finances publiques ».
Saisi par la secrétaire d’État chargée de l’Économie sociale et solidaire, le Haut conseil à la vie associative (HCVA) vient de rendre un avis sur les SIB. « Nous aurions souhaité, regrette Chantal Bruneau, secrétaire générale du HCVA, qu’il y ait une phase d’expérimentation. Au lieu de cela, nous avons un appel à projets tous azimuts. Il aurait fallu auparavant connaître les économies réelles que ce dispositif aura sur les financements publics. Car cela risque de coûter plus cher qu’un investissement classique. »
Il est un peu tôt pour faire le point sur ce dispositif encore jeune. Une des premières opérations qui porte également sur la réduction du taux de récidive en prison et qui a été mise en œuvre en Angleterre n’a pas donné des résultats significatifs. « Le taux de récidive a baissé, reconnaît Chantal Bruneau, mais dans des proportions insignifiantes ».

Une éthique bafouée

Certaines associations craignent, qu’attirées par le profit, les entreprises privées ne financent que des opérations rentables ; ce qui écarterait les publics les plus précaires et les plus vulnérables des dispositifs sociaux. Et soulèverait un véritable problème éthique. Par ailleurs, comment évaluera-t-on ces projets ? Comment fixera-t-on les critères de réussite ? « Ces indicateurs auront-ils du sens pour toutes les parties? On pense par exemple à l’indicateur de remise à l’emploi de personnes peu qualifiées, s’inquiète Véronique Huens coordinatrice à la Fédération d’économie sociale belge, dans une étude intitulée SIB : win-win [gagnant-gagnant] ou marché de dupe ? Mais de quel type d’emploi parle-t-on ? Est-ce-que trouver un intérim de trois semaines peut-être considéré comme un emploi ? »
Cette marchandisation de l’action sociale remet en cause les fondamentaux du travail social. En effet, accompagner une personne, c’est travailler avec elle pour faire émerger une solution à ses problèmes, trouver une réponse qu’elle aura co-construite avec l’éducateur. Le travail social, c’est le tâtonnement, le sur-mesure, sûrement pas le protocole fixé d’avance que l’on suit à marche forcée en cochant les cases. « Des tas d’initiatives existent, notamment dans le fonds d’expérimentation pour la jeunesse, rappelle Chantal Bruneau. Elles fonctionnent depuis des années » Et ne demandent qu’à être développées, appliquées à un plus grand nombre. « Je ne crois pas à ces appels à projets nationaux, ajoute-t-elle. On ne traite pas forcément les problèmes de la même manière dans le nord et dans le sud de la France, elles dépendent du contexte. Je crois aux expériences locales, elles sont la politique de demain. »

Extrême-droite religieuse
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Pologne : guerre contre les femmes = guerre contre la démocratie

Un projet d'interdiction totale de l'avortement

par Nina Sankari

 

Plus d’un quart de siècle après le début de la transformation dite démocratique qui a imposé une loi anti-avortement très restrictive en Pologne, 60 ans après l’introduction du droit à l’IVG sous le régime dit communiste, 84 ans après que les Polonaises aient obtenu la légalisation de l’avortement pour des raisons médicales ou de viol dans la période de l’entre-deux-guerres… le gouvernement polonais fait retourner les femmes aux jours d’avant l’indépendance de la Pologne. Le projet d’interdiction totale de l’avortement, considéré sans exception comme un crime, est une loi qui a été en vigueur sous le partage de la Pologne. Aujourd’hui , le gouvernement polonais traite les citoyennes comme l’ont fait les occupants il y a plus de cent ans.

Des textes peuvent tuer

C’est ce qu’affirmait déjà Tadeusz Boy-Żeleński, un grand humaniste et combattant pour les droits des femmes, l’auteur d’Enfer des femmes qui luttait dans les années vingt du 20e siècle contre l’interdiction totale de l’avortement et la pénalisation des femmes et pour la légalisation de l’avortement pour des raisons sociales.

En 1932, une loi autorisant l’avortement pour des raisons médicales et dans le cas de grossesse résultant d’un « acte sexuel criminel » (un viol, un inceste, tout acte sexuel avec un/une mineur-e ) fut adoptée en Pologne. A cette époque, c’était la législation européenne la plus libérale (à l’exception de l’Union soviétique).

La légalisation de l’avortement pour des raisons sociales a été autorisé en Pologne en 1956 . Qu’une femme déclare être dans une situation difficile est devenu une raison suffisante pour procéder à l’avortement. Maria Jaszczuk, la députée rapporteur du projet de loi, a persuadé les députés, chiffres à l’appui : 300 000 avortements illégaux effectués par les « faiseuses d’anges », 80 000 femmes admises dans les hôpitaux chaque année suite à un avortement clandestin, dont 2 % sont décédées. Grâce à ce texte, la femme polonaise a eu le droit de choisir et de se déterminer librement pendant 36 ans. En 2007, peu avant sa mort, Maria Jaszczuk, âgée de 91 ans, parlait avec amertume de la perte des acquis des femmes après les changements politiques.

Retour à l’enfer pour les femmes

La célèbre transition démocratique de 1989 en Pologne fut accompagnée de l’appropriation systématique du pouvoir par l’Église catholique grâce à son alliance avec la droite conservatrice. L’Église catholique présenta une lourde facture pour son rôle indéniable dans la chute du dit régime communiste. Le veto de l’Épiscopat polonais exclut de la nouvelle Constitution les principes de séparation de l’Église et de l’État, de laïcité ou de neutralité.

Les Polonaises ont payé ce changement de leur santé et de leur vie Les droits reproductifs et sexuels des femmes sont devenus le butin de guerre de l’Église et de son associée – la droite. Une loi anti-avortement très restrictive (uniquement dans le cas de danger grave pour la santé et la vie de la femme, malformations graves du fœtus et si la grossesse est le résultat d’un acte criminel) fut votée en 1993, contrairement à l’avis de l’opinion publique et en violation des principes fondamentaux de la démocratie. Une initiative de citoyens et citoyennes ayant rassemblé 1,5 million de signatures, demandant un référendum sur la question, a tout simplement été négligée. Mais la pratique montre qu’une fois l’IVG interdit, même les cas légaux d’avortement ne sont plus respectés, causant des souffrances inouïes aux femmes et aux enfants nés avec des malformations graves.

L’Église polonaise contre les fondations mêmes de la démocratie

On aurait pu croire que l’Église avait obtenu tout ce qu’elle voulait. Cependant, sous le gouvernement de la Plate-forme civique libérale, elle a encore lancé une guerre ouverte contre les femmes et contre les libertés démocratiques, y compris en incitant ouvertement la hiérarchie catholique à ne pas observer la loi de l’État, et en encourageant des groupes agressifs catholiques à l’emploi de la violence physique. Pour l’Église le “genre” est devenu une cause majeure du mal en Pologne : « Le genre détruit la Pologne, le genre détruit la famille, genre : STOP ». La Pologne “crucifiée” du Parlement aux crèches, des bureaux de poste jusqu’aux banques; les femmes privées de leurs droits fondamentaux de décider librement de leur corps et de leur sort, obligées de poursuivre leur grossesse malgré les malformations graves du fœtus et d’accoucher d’enfants non viables; l’école publique transformée en madrasa catholique où les élèves ont plus de cours de religion que de biologie; les chercheurs qui subissent des pressions pour restreindre la liberté de la recherche scientifique; les artistes à la parole bâillonnée; les médecins et les enseignants incités à reconnaître la suprématie de la loi divine sur celle de l’Etat, les avocats s’appuyant sur le droit canon, les prêtres qui sont au-dessus de la loi et les députés qui prient pour faire pleuvoir – telle était la situation en 2014, avant la prise du pouvoir par la droite populiste de Droit et Justice.

La droite populiste à l’assaut de la démocratie

Avec la victoire électorale du parti Droit et Justice, fortement appuyé par l’Église catholique, d’abord dans les présidentielles au printemps et puis dans les législatives en automne 2015, la Pologne s’engouffre dans un coup d’État larvé. Il est clair qu’il s’agit d’éliminer l’équilibre entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, de paralyser le Tribunal constitutionnel, d’affaiblir le parlement et de créer conditions permettant l’instauration de formes autoritaires de gouvernement. Cette posture provoque des réactions de protestation massives dans plusieurs grandes villes en Pologne, dont la première, le 12 novembre à Varsovie, a rassemblé 50 000 personnes sous le slogan «liberté, égalité, démocratie». Toutefois, il faut dire que la situation actuelle a été préparée par le parti au pouvoir précédemment, avec la destruction systématique de la laïcité.

La démocratie sans les femmes n’est pas une démocratie

L’Église catholique en Pologne a réuni aujourd’hui les conditions pour réaliser son objectif de pouvoir absolu en Pologne. Puisque l’enseignement des évêques polonais n’a pas suffi, ils doivent imposer leurs injonctions et interdictions par force politique. L’épiscopat polonais a émis encore une nouvelle facture à payer par le gouvernement polonais, et elle est libellée dans une monnaie qui s’appelle « droits des femmes ». Les fondamentalistes catholiques, produit de l’ambiance d’acquiescement de la part des médias et des intellectuels au cours du dernier quart de siècle, ont déposé un projet d’interdiction totale de l’avortement et de criminalisation des femmes, du médecin et des personnes participant à l’acte Ce projet a obtenu le soutien du gouvernement polonais. Il constitue l’atteinte aux droits des femmes la plus importante depuis la période de l’entre-deux-guerres.

Peut-être la conscience des évêques polonais peut-elle tout accepter : de la pédophilie des prêtres cachée au sein de l’Eglise jusqu’à imposer un projet de loi dont le résultat sera le féminicide ? Mais ce ne sont pas les évêques qui siègent au Parlement. C’est les politiciens serviles et dociles à l’égard de l’Église qui seront responsables des tragédies subies par les femmes. Le projet d’interdiction totale de l’avortement n’a rien à voir avec la protection de la vie, au contraire, il condamne à mort la femme pour la vie de laquelle la grossesse constitue une menace. Il en oblige d’autres à mener la grossesse à terme avec un fœtus non viable et à assister, impuissantes, une fois l’enfant né, à son agonie. Il en forcera d’autres à donner naissance à un enfant né d’un acte criminel. Dans la loi en vigueur qualifiée hypocritement de « compromis », ces situations permettent en théorie un avortement légal. Mais quand la femme perd le droit de choisir, même le droit à l’avortement légal cesse d’être appliqué pour devenir une fiction juridique.

Pologne Paris
Des cintres devant l’ambassade de Pologne à Paris, le 10 avril 2016

Plusieurs messages de solidarité et de soutien pour les femmes polonaises arrivent de la part de nombreuses organisations féministes, libre penseuses et démocratiques. « Nous exigeons un avortement sûr et accessible pour les femmes en Pologne, en Croatie et partout dans le monde ! » — ont écrit les femmes croates de 30 organisations affiliées au Réseau des Femmes Croates. Leur message a été lu pendant une grande manifestation contre l’interdiction totale de l’avortement en Pologne. Organisée par une alliance d’organisations féministes et laïques, celle-ci s’est tenue devant le parlement polonais le 9 avril avec le mot d’ordre «Regagner le droit de choisir», et rassemblé plusieurs milliers des femmes à Varsovie. Des manifestations de soutien ont eu lieu dans toutes les grandes villes de Pologne, ans plusieurs villes européennes (par ex. à Berlin, Prague, Paris, Londres, Vienne) mais aussi à Tokyo .

La condamnation de ce projet barbare pourrait réussir à mobiliser non seulement les féministes et les laïques mais tous les démocrates, y compris les milieux chrétiens qui s’opposent au fondamentalisme catholique et à l’autoritarisme du parti Droit et Justice. Les trois ex-premières dames, les épouses d’anciens présidents, se sont exprimées contre ce projet dans une lettre ouverte. Danuta Walesa, catholique elle-même, a lancé une critique sévère de Jarosław Kaczyński en le rappelant “à la raison”:  “Vous n’avez pas d’enfants, vous n’avez pas de femme. Que savez-vous de la vie des abeilles si vous ne vivez pas dans la ruche ?

Mais dans les milieux féministes on pense qu’il faut briser le soi-disant « compromis » hypocrite sur l’avortement, conclu par-dessus la tête des femmes Le 8 avril 2016, le Comité d’Initiative législative “Sauver les femmes” a proposé un projet de loi relative aux droits des femmes et de la parentalité. C’est une nouvelle tentative pour restaurer les droits reproductifs et sexuels des femmes et des hommes , les droits à l’information,à l’éducation, à des consultations permettant la prise de décisions conscientes dans le domaine sexuel. Le projet prévoit la possibilité d’interruption légale et sûre de la grossesse jusqu’à la 12e semaine, plus tard l’avortement serait permis dans en cas de risque des dommages graves et irréversibles pour le fœtus, de maladie incurable menaçant sa vie, du danger pour la vie et la santé des femmes ou si la grossesse est issue d’un acte criminel. Le projet prévoit également la mise à disposition du public d’une liste de médecins qui invoquent la clause de conscience pour refuser l’interruption de grossesse. Le projet vient d’être déposé au Parlement et, après son enregistrement, commencera la collecte des signatures.

Il y a quelques années, la grande manifestation du 8 mars marchait à Varsovie sous la bannière « La démocratie sans les femmes, c’est la moitié d’une démocratie. ». Mais la démocratie sans les femmes n’est pas du tout une démocratie ! La question de l’avortement, c’est-à-dire la question du libre choix de la femme, n’est pas le problème des femmes uniquement. Ce n’est pas un problème réservé à leurs proches non plus. Elle touche la société dans son ensemble. L’asservissement de la femme par un gouvernement autoritaire, c’est le début de l’asservissement de toute la société.

On peut penser aussi qu’il ne s’agit pas uniquement des femmes polonaises, ni de la seule société polonaise.

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Le Poing Commun, présentation d'une jeune association

« Un peu de réflexion autour des principes républicains »

par ReSPUBLICA

 

Interview d’Elliott Aubin, membre du bureau de l’association, par Bernard Teper pour la rédaction de ReSPUBLICA.

D’où vient le Poing Commun ?
Le Poing Commun, c’est la rencontre entre des citoyennes et des citoyens soucieux de défendre et de promouvoir le projet républicain. L’intérêt nouveau de notre démarche est de réussir à faire travailler ensemble des femmes et des hommes engagés, ou non, dans des mouvements politiques, associatifs ou syndicaux différents, mais tous portés par un idéal commun.

Cette aventure collective est le fruit de plusieurs semaines de travail, au cours desquelles les six membres fondateurs ont décidé de lancer le Poing Commun, motivés par le souhait de consacrer cette association citoyenne à la réflexion politique et philosophique liée aux principes républicains qui puisent leur référence idéologique dans la Révolution française, c’est ainsi que LPC a vu le jour en juin 2015.

Revenir aux fondamentaux républicains pour comprendre les défis actuels et penser demain et ses enjeux, c’est l’essence même de ce qu’est Le Poing Commun. En voici le texte fondateur :

« Le Poing Commun » est une association nationale de défense et de promotion des fondamentaux républicains. Celle-ci regroupe des citoyens engagés dans la vie de la cité d’orientations et d’opinions diverses. Que nous soyons militants, syndiqués, partisans, citoyens, encartés ou non, nous sommes tous résolument attachés à une certaine idée de la République que nous considérons mise à mal par des contempteurs ignorants ou malveillants. La République est-elle encore un idéal ? Peu de mots sont aussi galvaudés que celui-ci. Ses valeurs et ses grands principes ont été vidés de leurs sens au point qu’ils justifient des positions antagonistes. Elle semble n’être plus qu’un slogan. Nous croyons urgent, dans une tradition d’éducation populaire de remettre aux goûts du jour les mots de la république et d’initier au-delà des clivages politiques traditionnels une défense commune d’un idéal de société, en ayant pour objectifs :

  • De travailler sur la sémantique républicaine
  • De jouer un rôle de lanceur d’alerte grâce à un travail de veille sur l’actualité.
  • De permettre à chacun des adhérents d’agir sur son territoire grâce à la création de groupes locaux.
  • De pouvoir contribuer et débattre par le biais des « tribunes libres »
  • De penser des nouveaux outils « d’éducation populaire » par un renouvellement des formes d’engagement et d’actions.

L’essentiel de notre objet : l’organisation de cycles thématiques, inaugurés par des séminaires de réflexions, des rédactions collaboratives alimentés par des conférences et des travaux de recherche et conclus par des événements publics, citoyens et festifs.

En bref, s’il fallait résumer en quelques mots l’ambition de cette association : tenter de replacer un débat d’idées au cœur de la cité.

Bureau : Aubin Elliott – Baillon Quentin – Bocquet Jonathan – Bouvet Marlène – Chaplet Adèle – Diab Soel – Thibault Graindorge – Jonas Sallembien

Depuis le bureau s’est renouvelé et nous comptons à ce jour une centaine d’adhérents.

Comment fonctionne votre association d’un point de vue interne ?

Le Poing Commun est une association composée d’un bureau national, d’un conseil d’administration et de plusieurs pôles thématiques dans lesquels tout adhérent peut contribuer.
Le pôle secrétariat est en charge des questions administratives et trésorières.
Le pôle action travaille sur l’aspect événementiel : conférences, manifestations, happenings, micros-trottoirs, etc.
Le pôle publication anime le cycle thématique, travaille sur les communiqués de presse, les fiches lectures, les tribunes libres.
Le pôle communication gère les réseaux sociaux, le site internet, la charte graphique, etc.

Nous sommes une association de bénévoles, cela demande donc un réel investissement. A terme l’objectif est de permettre à chacun des adhérents qui souhaitent s’investir dans une mission de la réaliser et développer par la même, la pratique démocratique au sein même de notre structure.

Vous semblez être une association de jeunes, comment l’expliquez-vous ?
« Rajeunir », « rafraîchir », « actualiser », « moderniser », ces mots-là ont souvent été mentionné lors de nos réflexions avant de fonder cette structure. Autrement dit, nous ne nous adressons pas qu’aux jeunes, évidemment, mais notre marque de fabrique, nos méthodes et notre communication, elle, est plutôt appréciée par un public jeune en recherche de nouveaux modes d’actions et d’investissement. Cependant, notre association accueille toutes les générations, consciente de la nécessité de l’expérience des générations précédentes.

La République peut-être parfois perçue caricaturalement comme des institutions élitistes, poussiéreuses et dépassées. Nous essayons d’aller à contre-courant et de véhiculer une autre image de la République, celle de l’idéal philosophique qu’elle représente et du cadre permettant l’émancipation de chacun de ses citoyens.

Qu’est-ce qui vous distingue du « Printemps Républicain » par exemple ?
Le Poing Commun n’a pas de position unanime vis à vis de cette initiative. Nous sommes toujours intéressés par l’émergence de nouveaux lieux de débat mais nous restons vigilants à collaborer avec des structures réellement indépendantes notamment des partis politiques.

A l’avenir « Le Poing Commun » a-t-il vocation à devenir mouvement politique ?
Ce n’est pas notre ambition. L’objectif est de rendre, cet espace de dialogue, nu de toutes appartenances partisanes, et où le fond, la pensée, la réflexion sur le long terme, prennent le dessus, sur la stratégie, les négociations et l’immédiateté.
A partir de là, il ne peut pas être un concurrent des partis politiques, il peut donc être perçu comme un complément de son action.
Le Poing Commun n’a pas la prétention de dire qu’il est le seul et l’unique, il s’inscrit dans l’émergence de ces nouvelles initiatives citoyennes qui fleurissent un peu partout sur le territoire, proposant des nouvelles formes d’engagements citoyens. Nous croyons dans cette soif de commun qui traverse notre pays malgré la période trouble dans laquelle il se trouve.

Le Poing Commun va fêter son premier anniversaire en juin, quel bilan en tirez-vous ?
Nous sommes toujours en construction. Il nous a fallu quelques temps pour réussir à bien s’imprégner de l’identité qu’on cherchait à incarner. Aujourd’hui on compte une centaine d’adhérents sur toute la France, plusieurs dizaines de publications sur de nombreux thèmes, et sous de nombreuses formes (tribune libre, communiqué de presse, cycle thématique, fiche lecture…) plusieurs actions de terrain, des partenariats et des rencontres avec d’autres acteurs associatifs, l’organisation de conférences et événements publics sur Lyon, Villeurbanne, Aix-en-Provence, Paris …

Nous pouvons nous satisfaire de cette première année, au regard de nos moyens puisque la difficulté majeure reste la question financière, puisque nous refusons toutes subventions pour préserver notre indépendance, seuls les dons et les adhésions – que nous ne voulions pas trop chères non plus pour être accessible à tous – nous permettent de vivre.

Quelles sont les futures perspectives du « Poing Commun » ?
Sur chacun des pôles on s’est fixé des objectifs. Nous pouvons vous en présenter quelques-uns :
Nous allons publier sous forme de livret accessible notre premier cycle thématique.
Nous organisons un événement festif et citoyen à l’occasion de notre anniversaire. La forme de cet événement est encore en cours d’élaboration mais nous envisageons l’organisation d’un banquet républicain « moderne ».
Et nous sommes en train de constituer des groupes locaux là où des adhérents sont prêts à s’investir et à travailler sur leur territoire. On devrait pouvoir officialiser la création d’un groupe à Dijon d’ici cet été, et à Toulouse, Paris, Nancy, Nantes, Clermont et d’autres, par la suite.

Quel regard portez-vous sur l’actualité : Loi Travail, Nuit Debout, Panama Papers, les tensions identitaires …
Il faut imaginer Le Poing Commun comme un laboratoire d’idées, dès lors, tout sujet d’actualité en lien avec l’objet de l’association trouve un intérêt, en tant que cas d’étude.
Au sujet de la Loi Travail, nous pouvons dire que l’ultra-libéralisme est peut-être le premier démon de l’indivisibilité républicaine.
L’héritage jaurésien, repris plus tard par le Conseil national de la Résistance, auquel le Poing Commun est profondément attaché, fixant de nombreux acquis sociaux est aujourd’hui l’une des cibles du camp libéral. Selon nous, la question sociale est au cœur de la promesse républicaine. Renforcer les services publics, lutter contre la précarité, le chômage, favoriser les solidarités et exiger l’égalité des droits, c’est aussi cela qui garantit le progrès social.

L’exemple des Panama papers, de l’évasion fiscale, peut-être évidemment analysée sous l’angle républicain. Qu’est-ce qui fait l’appartenance et l’adhésion à un projet collectif, si ce n’est la contribution à ce qui est commun ? Ces évadés sont des traîtres à la République.

Quant à Nuit Debout, Le Poing Commun y porte un regard bienveillant, de par sa volonté de réappropriation de l’espace public et sa tentation du « faire ensemble ». Certains adhérents vont d’ailleurs proposer des tribunes libres sur le site pour partager leurs expériences vécues sur ces places ou leurs points de vue vis-à-vis de ce mouvement.

Concernant les tensions identitaires que l’on observe, elles semblent être symptomatiques du recul des valeurs républicaines.
S’interroger sur ce qui fait corps dans le peuple, dont le triptyque républicain, permet le contrat et l’établissement d’un lien politique entre les citoyens, plutôt que d’alimenter les tensions, c’est aussi un des caps que le Poing Commun s’est fixé. Quelles innovations proposer pour permettre de renforcer ce lien ? Comment concrétiser l’idéal fraternel en acte ? Comment défendre le socle laïc assurant la liberté de conscience, face aux attaques des obscurantistes ? Voilà encore des pistes de réflexions du Poing Commun. La République pose la question du bien commun et de ce qui nous rassemble et nous unis dans une période de grande division.

C’est, en réalité, l’idée même de nos cycles thématiques où l’ensemble des adhérents choisissent un thème, définissent un calendrier et travaillent sous plusieurs formes (actions, publications…) sur ce même thème… Le premier, introductif porte sur « les mots, les valeurs, les acteurs de la République », mais nous pourrions décider d’établir nos prochains travaux sur les questions économiques et sociales ou sur la question écologique, ou à l’émergence de la philosophique « éco-citoyenne » ou même à la notion de souveraineté et de nation…

Comment vous situerez-vous lors la période des présidentielles ?
Une campagne présidentielle est un moment fort pour le pays. Des idées émergent, des clivages se forment, le débat est passionné et les enjeux sont de tailles. Notre association ne peut donc pas y échapper. Pour autant, Le Poing Commun ne soutiendra aucun candidat, vous l’aurez compris. En revanche nous aimerions organiser un débat avec certains d’entre eux, ou leurs représentants, sur les thèmes liés à la République puisque nous avons l’ambition de peser sur le débat public et politique.
Dans tous les cas, l’association ne prendra jamais de position sur une quelconque échéance électorale, mais nous espérons pouvoir apporter un peu de réflexion en dehors de la tourmente médiatique des présidentielles, en permettant aux indécis et aux perplexes de se forger une opinion argumentée au regard des principes républicains. A travailler donc…

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lepoingcommun@gmail.com

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L'absentéisme à l'hôpital

par André Grimaldi

 

Comme prévu, l’absentéisme des soignants paramédicaux augmente. Faute d’en analyser les causes profondes, la seule proposition « efficace » est de réinstaurer un jour de carence qu’on pourra augmenter si nécessaire à deux ou trois jours, en attendant que le président de la FHF devenu ministre « fluidifie » le statut des personnels en permettant aux hôpitaux publics de se transformer en ESPIC.
Les causes de l’absentéisme sont connues :

1°) Les conditions d’application des 35 heures et des RTT ayant entraîné une fragmentation de la prise en charge des patients. Quand, dans une unité d’hospitalisation de semaine, les infirmières changent tous les 2 ou 3 jours, elles ont bien du mal à connaître les patients. La motivation au travail n’est pas la même.

2°) Le tout T2A qui conduit à toujours plus d’hospitalisations de durée toujours plus courte.
La « productivité hospitalière » a augmenté depuis 2003 de plus de 2 % par an. Jusqu’à il y a 3 ans, l’augmentation du nombre de médecins avait suivi, mais pas celle des soignants non médicaux.
Avec une augmentation de l’ONDAM de 1,75 % pour une augmentation programmée des charges de 3 %, le tout T2A va finir enfin par casser la machine hospitalière ! Fin de « l’hospitalo-centrisme » se réjouiront certains, hélas sans réelle alternative pour les malades.

3°) Dislocation voulue des équipes de soins au profit du taylorisme managérial. Les infirmières « polyvalentes » passent d’un jour à l’autre du 5e (service X) au 3e (service Y).
Les plus modernes ont même supprimé le terme de service pour que chacun et chacune comprenne bien qu’il n’est qu’un élément d’un pool. Le statut de « bouche-trou » ne suscite pas la motivation malgré les discours sur l’enrichissement personnel entraîné par la « polyvalence ».

4°) Au-delà d’un certain seuil, l’absentéisme des uns induit l’absentéisme des autres qui en ont assez de combler l’absentéisme des premiers. Et les cadres doivent se « recentrer sur leur cœur de métier : faire le planning » (sic).

5°) L’accroissement abracadabrantesque des inégalités salariales dans le pays, révélées tous les jours par les médias. En bas de l’échelle, l’idée « j’en fais assez pour ce que je suis payé » se répand.

Et la seule conclusion que tirent les managers et les commentateurs, c’est que l’absentéisme coûte cher à l’hôpital ! Aucun n’ose dire la vérité brutale: L’absentéisme va de pair avec une dégradation de la qualité des soins.

Pour appliquer le slogan publicitaire « mettre le patient au cœur de l’hôpital ! », il faudrait d’abord peut-être se préoccuper des conditions de travail des soignants et arrêter de gérer l’hôpital comme une entreprise.

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Jaurès et le patronat : un correctif

par ReSPUBLICA

 

ReSPUBLICA a publié dans son dernier numéro, sous cette rubrique, un texte de Jean Jaurès http://www.gaucherepublicaine.org/histoire/documents-dhistoire/sur-le-patronat-qui-a-bien-pu-ecrire-cela/7397934 qui nous a valu une mise au point justifiée d’un lecteur attentif.
Tout d’abord, il fallait lire que ce texte provenait de La Dépêche et non de L’Humanité, qui n’existait pas en 1890…
Plus sérieux, il apparaît que les deux premiers paragraphes reproduits sont apocryphes. Selon Gilles Candar qui a confronté les textes, la manipulation daterait des années 1970 et la version « améliorée » du texte de Jaurès aurait d’abord circulé dans les milieux patronaux. L’erreur s’est répandue ici et là malgré les mises en garde des jaurésiens : il faut lire le petit fascicule de Candar (Jaurès et les patrons. Le faux et le vrai, publié par la Fondation Jean Jaurès en 2008 et qui peut être téléchargé ICI) pour comprendre la falsification du texte et son utilisation, mais aussi pour retrouver le texte authentique dans sa totalité et l’analyse des positions de Jaurès à l’époque où il l’écrivait : un « socialisme » inattendu, bien éloigné de la lutte des classes.



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