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L'avenir de la Sécurité sociale rime avec l'écologie

par Michel Marchand

 

Vivre dans un environnement sain, est-ce un droit ? La réponse devrait être OUI :

  • Le principe premier de la déclaration de Rio (conférence des Nations Unies pour le développement et l’environnement, 1992) est ainsi rédigé : « Les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable. Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature ».
  • L’article premier de la Charte de l’environnement, adossée en 2005 à la Constitution française, proclame que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de sa santé ».
  • La Charte européenne de l’environnement et de la santé des États-membres européens de l’OMS, signée en 1989, énonce le droit de chacun à un « environnement permettant la réalisation du niveau le plus élevé de santé et de bien-être » ainsi que le devoir de chacun de « contribuer à la protection de l’environnement dans l’intérêt de sa propre santé et de la santé des autres ».

Mais tous ces écrits n’engagent que ceux qui y croient puisque les lois tendancielles du capitalisme génèrent une logique contradictoire avec ces propos. L’écart entre le droit et la réalité est de plus en plus important.
La question environnementale fait souvent la une de l’actualité, que ce soit lors d’un épisode climatique extrême ou au moment d’un pic de pollution. Ces événements semblent toucher les populations de manière indifférenciée, mais la réalité montre que ce sont les plus démunis qui pâtissent plus que les autres des dégâts environnementaux. Ce sont les pays les plus pauvres qui subissent les pires conséquences du dérèglement climatique ou de la perte de biodiversité, et ce sont aussi, au sein des pays riches, les populations les plus pauvres qui habitent dans les territoires les plus touchés par la pollution de l’air et le bruit. Ce sont également les plus modestes qui ont le plus de difficultés à faire face à la hausse des prix des ressources, et en premier lieu celui de l’énergie. Les dégradations environnementales touchent en priorité les populations les plus précaires, et renforcent encore cette précarité. Autrement dit, problèmes sociaux et problèmes environnementaux sont étroitement liés et se renforcent mutuellement. Les deux questions ne peuvent donc être dissociées.

Les bases d’une refondation de la Sécurité sociale

Nous partirons de l’analyse que nous ne développerons pas ici que l’avenir d’une Sécu refondée ne peut plus exister dans le cadre du capitalisme, vu que les politiques d’austérité sont aujourd’hui consubstantielles au capitalisme (voir l’ouvrage Néolibéralisme et crise de la dette). Il convient donc de la penser globalement- de façon holistique- dans un autre type de formation sociale post-capitaliste, mais en pensant en même temps la période de transition (longue). Le seul modèle politique en magasin qui peut s’adapter immédiatement pour la transition vers le post-capitalisme est le modèle politique de la République sociale (voir l’ouvrage Penser la République sociale pour le XXIe siècle) dont le développement s’est arrêté après l’application du programme du Conseil national de la Résistance (CNR). La prise de pouvoir du mouvement réformateur néolibéral génère les politiques d’austérité toujours plus fortes et rend donc impossible la remise en marche de la Sécurité sociale solidaire dans le cadre du capitalisme.
Participant du constat partagé de la fin des croissances fortes, tout à fait explicables par l’analyse de Marx, nous n’adhérons pas à l’idée que pour penser le post-capitalisme, il faille commencer par imaginer le paradis en négligeant le processus de transition pour y parvenir. Nous préférons une attitude matérialiste au sens philosophique du terme en reprenant le concept de double besogne. Pour cela, nous avons besoin d’un modèle politique de transition et d’un pilotage de ce modèle politique, sachant que seul le peuple mobilisé avec sa classe populaire ouvrière et employée (53 % de la population française) est capable d’assurer ce pilotage.

Nous partons de trois propositions révolutionnaires : (i) le financement par la cotisation sociale, (ii) l’application du principe de la solidarité -à chacun selon ses besoins, chacun y contribue selon ses moyens-, (iii) le pilotage de la Sécurité sociale ni par le privé mais pas plus par l’État mais par les assurés sociaux eux-mêmes des textes de fondation de la Sécu (les deux ordonnances des 4 et 19 novembre 1945 et des trois lois d’Ambroise Croizat des 22 mai, 22 août et 30 octobre 1946) pour proposer une alternative anticapitaliste au modèle réformateur néolibéral. L’alternative passe d’abord par une extension à l’ensemble de la protection sociale (incluant la sécurité économique) puis au logement et ensuite, en intégrant ces trois propositions, au processus de République sociale avec ses 10 principes constitutifs, ses 4 ruptures nécessaires (dont la rupture écologique), ses 6 exigences indispensables et sa stratégie de l’évolution révolutionnaire pour penser la transition. Nous n’aborderons dans la suite de cette trop courte présentation que l’impérieuse nécessité de la rupture écologique.

Pourquoi associer la rupture écologique et l’avenir de la Sécurité sociale ?

Première raison : passer d’une logique de soins à une logique de santé.

Tout le système de santé et de protection sociale a été construit avec comme menace principale les maladies infectieuses. Aujourd’hui, ce sont les maladies chroniques qui sont la menace principale. Beaucoup de propositions dites nouvelles font comme si le seul changement devait être un changement dans la structure de financement, alors que la croissance exponentielle des maladies chroniques a à voir avec le productivisme du vieux monde. Il y a donc là matière à penser de façon écologique la rupture nécessaire du système en passant d’une logique de soins à une logique de santé intégrant – y compris dans le financement – l’éducation à la santé, la diminution des facteurs de risque et les dépistages ; sinon nous ne pourrons faire face à la menace des maladies chroniques.
Si la population en France a progressé de 21 % entre 1990 et 2008, les affections cardio-vasculaires (3,3 millions par an), les cancers (1,8 million par an) ont augmenté quatre fois plus vite que la croissance de la population. Pour le diabète (1,8 million), c’est une augmentation cinq fois plus rapide que la population. Quant aux affections psychiatriques de longue durée (1,0 million), la croissance serait encore plus grande si le néolibéralisme ne préférait pas l’emprisonnement au traitement des pathologies.
Nous connaissons les raisons mises en avant par les chercheurs écologistes :
– la nourriture ultra transformée et l’agriculture productiviste avec ses pesticides et autres pollutions,
– la contamination chimique généralisée (plastiques, engrais, etc.) et les pollutions industrielles et agricoles (nous en donnons une illustration en fin d’article),
– les inégalités sociales croissantes de toutes natures (de salaires, de santé, de logement, etc.), cf. les études de Wilkinson et Pickett évoquées plus loin,
– la « macronisation » du travail et le développement de son intensité au mépris de la recherche de la santé au travail,
– les risques émergents (nanotechnologies, ondes électromagnétiques, etc.)
– les risques dus au logement (pollution intérieure liée aux matériaux de construction, affections respiratoires causées par les moisissures dans les logements humides, exposition accrue aux pathologies hivernales, plus grande fréquence de problèmes de santé chroniques respiratoires, ostéo-articulaires et neurologiques, avec notamment un accroissement des dépressions) le tout renforcé par la précarité énergétique.
– les maladies professionnelles sont plus fréquentes parmi les moins qualifiés : par exemple, 28 % des ouvriers qualifiés sont exposés à des produits cancérigènes contre 2 % des cadres supérieurs
– chaque année, le nombre de personnes mourant prématurément de la pollution de l’air en Europe est supérieur au nombre de celles périssant dans des accidents de la circulation.
– la concentration urbaine dans les métropoles, …
Tout en gardant les principes de la sécurité de 1945, les menaces ayant changé, il faut donc changer de système de santé et de protection sociale et abandonner le productivisme.

Deuxième raison : piloter par les besoins réels.

Nous devons revenir à un pilotage par les besoins réels et non par un pilotage pour permettre des taux de profits haussiers. Cela conduit au refus des gouvernements représentatifs anti-démocratiques (Sièyes) et à son remplacement progressif par des structures enfin démocratiques (avec les 4 conditions de Condorcet jamais appliquées) qui assureront le contrôle du processus progressif d’internalisation de tous les coûts écologiques dans le prix des marchandises et non par des taxes comme le proposent les altercapitalistes écologistes.
Prenons un exemple avec les transports (20 % des gaz à effet de serre, 1/3 de l’énergie consommée). Il faudra internaliser de façon progressive dès la période de transition les coûts liés au bruit, à l’effet de serre, aux accidents, aux pollutions, à la congestion, à l’entretien des routes, à l’énergie grise, aux conditions de travail, aux délocalisations (protectionnisme social et écologique reversé aux pays à bas salaire pour développer les systèmes de protection sociale et écologique). Bien évidemment, cela ne peut se faire qu’après un gigantesque effort de construction de transports en commun, notamment en zone périurbaine pour ne pas pénaliser les ouvriers et les employés qui subissent déjà le phénomène de gentrification. Mais il s’agit de faire aussi cela dans tous les domaines (eau et agriculture, eau et industrie, déterminants de la santé, sécurité alimentaire, etc.), à commencer par le bâti ancien et nouveau. Le tout est lié, d’une part à une planification écologique démocratique avec de nouveaux indicateurs dont, entre autres l’empreinte écologique, d’autre part à une démocratie refondée ce qui demandera des modifications institutionnelles, enfin à un accroissement fort en recherche-développement industriel sans lequel tout serait illusoire.

Troisième raison : utiliser la protection sociale comme levier de la transition écologique

L’utilité des socles de protection sociale pour atténuer les effets des crises économiques sur les ménages individuels et l’économie au sens large a été démontrée. Les mêmes mécanismes à l’œuvre en période de crise peuvent aussi faciliter les transitions écologiques, par exemple en protégeant les travailleurs licenciés qui cherchent un nouvel emploi ou qui entreprennent une reconversion. Ils peuvent constituer une part importante d’un ensemble de mesures permettant d’aider les pauvres des pays en développement victimes du changement climatique, de rémunérer les pauvres pour les services environnementaux et de remédier à la précarité énergétique.

Quatrième raison : utiliser la protection sociale pour lutter contre les inégalités sociales pour mieux effectuer le pilotage par l’empreinte écologique.

Il est difficile de démontrer un lien de causalité directe entre inégalités et empreinte écologique. Il semble plutôt que le lien soit indirect : les pays les moins inégalitaires seraient des pays où les politiques environnementales sont les plus avancées, permettant ainsi de réduire l’empreinte écologique plus qu’ailleurs. L’accroissement des inégalités constitue donc un risque pour le progrès des politiques environnementales.
Les épidémiologistes Richard Wilkinson et Kate Pickett dans leur ouvrage Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous, se sont en particulier intéressés aux déterminants de la qualité de la santé publique et de la cohésion sociale, en s’appuyant sur de nombreux indicateurs (maladie mentale, espérance de vie, taux de mortalité infantile, obésité et maternité précoce pour la santé publique ; niveau de confiance, réussite scolaire des enfants, homicides, taux d’incarcération et mobilité sociale pour la cohésion sociale). L’indice de problèmes sanitaires et sociaux est faiblement corrélé au niveau de richesse dans les pays développés. En revanche, les pays les plus inégalitaires semblent clairement souffrir de problèmes sanitaires et sociaux en moyenne plus importants. Pour ces auteurs, la réduction des inégalités est aussi une condition pour assurer la soutenabilité environnementale de nos sociétés.
Wilkinson et Pickett font également le lien entre inégalité et enjeux environnementaux à travers le consumérisme. Revenant sur le concept de « consommation ostentatoire » théorisé en 1899 par le sociologue et économiste américain Thorstein Veblen dans son ouvrage Théorie de la classe de loisir, ils soulignent que l’accroissement des revenus des plus riches provoque des insatisfactions pour le reste de la société, favorisant ainsi une surconsommation. La baisse des inégalités pourrait alors engendrer un « déplacement historique de la source de la satisfaction humaine : il s’agira de privilégier une société plus conviviale au détriment de la croissance économique ». Une telle perspective apparaît alors comme une réponse efficace aux enjeux environnementaux. Elle faciliterait aussi la mise en place de politiques environnementales ambitieuses tant au niveau national que mondial. Marie Duru-Bellat dans son livre Pour une planète équitable arrive à la même conclusion. Le coût de l’inaction concerne tout autant les risques environnementaux que la montée des inégalités au niveau mondial. Pour la sociologue, il apparaît donc indispensable d’organiser la société selon les principes de justice globale pour résoudre les enjeux environnementaux. D’autant que dans la période de transition écologique, la croissance sera faible.
Qui dit croissance faible, dit que la loi tendancielle de montée des inégalités par le patrimoine devra être contrecarrée. Il n’y a de ce fait pas de meilleur moyen de lutte contre les inégalités que le développement et l’extension de la Sécurité sociale. De ce point de vue, une gigantesque bataille culturelle via une éducation populaire refondée est alors nécessaire pour faire en sorte qu’une force politique soit enfin à la hauteur des enjeux.

Une illustration de la relation entre santé publique et dégradation de l’environnement

La dispersion dans l’environnement des substances toxiques pour la santé humaine (ex : l’intoxication au mercure de pêcheurs de Minamata au Japon dans les années 1950) s’est accentuée avec la mise sur le marché de nouveaux produits chimiques et des rejets en excès dans tous les éléments de la biosphère (air, eau, terre et sols). On compte plus de 30 millions de substances chimiques (chacune d’entre elles a un code d’identification comme un n° de sécurité sociale, c’est ce que l’on appelle le n° CAS), issues pour l’essentiel de la biosynthèse animale et végétales (produits naturels). Le nombre de substances produites par l’industrie chimique et utilisées communément dans nos sociétés, est beaucoup plus modeste, de l’ordre de 100 000 et 5 % d’entre elles sont dangereuses. La réglementation actuelle évolue vers plus de protection et de prévention (objectif visé par le règlement européen REACH). Mais l’augmentation mesurable dans l’environnement de substances et de résidus provenant de produits biocides et phytosanitaires constitue une des préoccupations actuelles de santé publique liée à l’environnement. Les pesticides sont une bonne illustration de produits qui s’avèrent toxiques pour l’environnement et par voie de conséquence pour l’homme alors qu’ils sont utilisés à l’origine avec des intentions positives.
Un insecticide qui augmente le risque de cancer. Il s’agit de la survenue du cancer de la prostate à l’exposition au chlordécone, un insecticide utilisé durant trente ans aux Antilles contre le charançon du bananier. Interdit dès 1976 aux États-Unis, il a été utilisé massivement jusqu’en 1993 aux Antilles. La Guadeloupe et la Martinique présentent l’un des taux d’incidence de cancer de la prostate le plus élevé au monde – le double de celui observé en métropole – avec près de 500 nouveaux cas par an dans chacun des deux départements.
Les études épidémiologiques indiquent que l’exposition au chlordécone est associée à un risque augmenté de survenue du cancer de la prostate. Cette augmentation de risque est observée de manière significative chez les hommes ayant été les plus exposés. Mais, à niveau de contamination égale, le risque est plus élevé chez les hommes présentant des antécédents familiaux de cancer de la prostate (facteurs génétiques) et de manière inattendue, chez les hommes ayant résidé temporairement dans un pays occidental. Lorsque ces deux facteurs sont présents simultanément, l’exposition au chlordécone multiplie par quatre le risque de cancer de la prostate.
Concernant l’influence d’une résidence dans un pays occidental, on en reste au stade des hypothèses : les populations migrant dans des pays dits occidentaux acquièrent des modes de consommation alimentaire à risque, consommation élevée de graisses animales et laitages au détriment des poissons, fruits et légumes. Les mesures prises par les autorités sont largement justifiées, telles que le contrôle de la qualité des eaux et celles destinées à protéger la population de la consommation de denrées alimentaires contaminées. Par ailleurs, l’idée est également soutenue de favoriser l’alimentation traditionnelle aux Antilles afin d’éviter les dérives de l’alimentation des pays occidentaux, permettant aussi de lutter contre l’obésité et le développement de maladies de plus en plus fréquentes aux Antilles comme le diabète.
Le chlordécone fait partie de ces polluants organiques dont les écosystèmes ne parviennent pas à se débarrasser, il est aussi classé cancérigène possible pour l’homme et perturbateur endocrinien potentiel. Ce produit est persistant parce qu’il se stocke dans les sols (il n’est pas soluble, donc non entraîné par les eaux de ruissellement) et qu’il n’est pas biodégradable (comme le DDT). On estime à une période de 3 à 4 siècles le temps nécessaire pour qu’il s’évacue des terres et la population antillaise devra vivre avec ce produit cancérigène dans son environnement. La question ne peut plus être une prévention du risque mais une gestion du risque.

Références

  • Duru-Bellat M. 2014 Pour une planète équitable. L’urgence d’une justice globale, Seuil, coll. « La république des idées »
  • Inserm 2010 Exposition au chlordécone et risque de survenue du cancer de la prostate. http://www.inserm.fr/espace-journalistes/exposition-au-chlordecone-et-risque-de-survenue-du-cancer-de-la-prostate
  • Teper B. et Zerbato M. 2012 Néolibéralisme & crise de la dette. Coll. Oser la République sociale
  • Teper B. et Nicolas P. 2015 Penser la République Sociale pour le XXIe siècle. Tome 1 – De la cité à l’atelier. Ed. Eric Jamet
  • Teper B. et Nicolas P. 2015 Penser la République Sociale pour le XXI e siècle. Tome 2 – Du salariat aux travailleurs associés. Ed. Eric Jamet
  • Veblen T. 1970 [1899] Théorie de la classe de loisir (traduction). Ed. Tel, Gallimard.
  • Wilkinson R. et Pickett K. 2013, Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous, Ed. Les petits matins.
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Une votation citoyenne sur la loi El Khomri

par un collectif

 

Appel à l’initiative de : CGT, FO, FSU, SOLIDAIRES, UNEF, UNL, FIDL

La démocratie ayant un sens pour les salarié-e-s, les jeunes, les privé-e-s d’emplois,les retraité-e-s, les organisations syndicales et de jeunesse, mobilisées depuis presque 3 mois décident d’une VOTATION CITOYENNE dans les entreprises, les administrations et les lieux d’étude.
La mobilisation puissante des salarié-e-s, jeunes, privé-e-s d’emplois et retraité-e-s s’est construite dans le pays pour combattre le projet de Loi Travail et porter l’exigence de nouveaux droits sociaux pour les salarié-e-s. Pour toute réponse le gouvernement a choisi le déni de démocratie avec l’utilisation du 49.3, puis l’autoritarisme et la répression.

Lire la suite : tract-votation-intersyndicale

Pour signer l’appel : http://votationtravail.fr/

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Une crèche associative, solidaire, innovante : Baby-Loup

Pour les enfants, pour les femmes, pour la mixité sociale et culturelle

par Lucette Guibert

 

La crèche Baby-Loup est née d’un constat : pour pouvoir travailler et acquérir leur indépendance financière, les femmes d’un quartier pauvre de Chanteloup-les-Vignes n’avaient pas de moyens de garde pour leurs enfants. Leurs horaires de travail étaient atypiques : quelques heures tôt le matin, tard le soir ou en week-end, des plannings variables, des stages, des petits boulots de temps en temps…
Leurs enfants méritaient mieux que d’être confiés en dépannage à la famille élargie, aux voisines, aux plus grands, ou être laissés seuls en espérant qu’il n’y ait pas de problèmes.
Des femmes de ce quartier ont donc décidé de créer une association avec pour objectifs :

– Répondre aux besoins de garde des enfants en milieu défavorisé pour permettre l’insertion sociale et professionnelle des parents

– Fonctionner en priorité avec des femmes du quartier et les professionnaliser (certaines avec un niveau scolaire très bas)

– Répondre à l’ensemble des besoins collectifs émanant des familles sur les plans professionnel, social, culturel, sans distinction d’opinion politique ou confessionnelle.

La laïcité au service de la mixité

L’obligation de neutralité religieuse s’est imposée du fait même de la diversité des familles vivant dans le quartier pour rompre la tentation du repli communautaire. On connait surtout Baby Loup comme emblème de la laïcité à cause du conflit qui a opposé une des salariées à la direction. La justice a donné raison à la direction (la laïcité est précisée dans le règlement intérieur). Malheureusement, cette victoire s’est accompagnée d’une montée de l’hostilité de la part des soutiens de la salariée voilée. Le déménagement proposé par la direction est voté par le personnel.

La crèche aujourd’hui en quelques chiffres

Les créneaux horaires classiques (38 places de 7h à 19h) représentent 79% de l’activité. Mais 39% de ces parents ont des plannings variables acceptés par aucune autre crèche (professionnels de santé, policiers, pompiers, personnel de restauration, pilote de ligne…). 21% de la fréquentation correspondent à des horaires atypiques (nuits, week-end et jours fériés).

En 2015, sur les 153 familles accueillies, 67 sont des familles monoparentales, 78 ont des revenus sous le seuil de pauvreté, 41 ont pu bénéficier de l’accueil d’urgence pour rupture d’hébergement (premier motif) formation, soutien à l’insertion, hospitalisation, problèmes de santé, décès, violences intrafamiliales.

Eveil à la musique et à la lecture, fêtes, connaissance d’autres cultures sont des activités proposées aux enfants. Les parents participent à la vie de la crèche.

35 employées ont obtenu un diplôme depuis la création et 2 sont actuellement en formation.

Economie participative et associative contre économie
de marché

Un autre danger menace maintenant la crèche Baby Loup : l’asphyxie financière.
La cause en est des retards de paiement et/ou paiements partiels de la part de certaines institutions, le non renouvellement des conventions, le changement des règles d’inscription, les pressions sur les parents pour ne pas inscrire leurs enfants…

Dans le même temps, des groupes privés à but lucratif (comme le groupe homonyme Babilou) proposent « des berceaux » dans le cadre de partenariats public-privés avec les mairies et profitent du désengagement des collectivités publiques dans le domaine de la petite enfance.

Un combat solidaire pour la citoyenneté

Les enfants sont les citoyens de demain. Nous leur devons les moyens de s’épanouir et de vivre le mieux possible, quels que soient leur milieu social et leurs origines.

Baby Loup est une alternative progressiste et humaniste à la mise à la consigne des enfants, au renvoie de leurs mères au foyer, au chômage de leurs parents travaillant en horaires atypiques. Qu’elle vive !

Soutenir Baby Loup

Vous êtes invités à la journée portes ouvertes du 4 juin de 10h00 à 18h00. Venez voir la volonté, l’énergie et l’imagination en actions : 1 rue Camille Pelletan 78700 Conflans Ste Honorine (à 2 pas de la gare Conflans SNCF)
Inscrivez-vous à la liste de diffusion créée pour témoigner des problèmes rencontrés et recueillir vos propositions. vivebabyloup@gmail.com

Contactez les pionniers de l’équipe de direction pour créer votre crèche associative et solidaire. Malgré les difficultés, c’est une belle initiative à reproduire : babyloup3@orange.fr

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Espagne : quand la gauche radicale s’érige en nouvel étendard de la laïcité

par Hugo Lauzy

 

L’incertitude sur la formation du futur gouvernement espagnol est la conséquence de la récente recomposition du paysage politique due à l’émergence de nouvelles forces aux élections générales de décembre 2015, tels Podemos d’extrême gauche issu du « mouvement des Indignés » de mai 2011, ou le parti de centre-droit Ciudadanos. Cette incertitude a permis de revoir la vision globale du pays organisée autour du traditionnel bipartisme Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE)-Parti populaire (PP). Autour des problèmes récurrents du chômage et de l’emploi, principaux cancers de l’économie espagnole depuis le début de la crise économique, plusieurs thèmes de société jusque-là passés sous silence ont alors refait surface ces derniers temps.

Les pouvoirs successifs du PSOE et du PP de Mariano Rajoy, encore Premier ministre espagnol jusqu’aux prochaines élections de juin 2016, se sont succédé sans pour autant avoir de réelles discussions de fond sur la place qu’occupe encore la religion en Espagne. Témoin de cette connivence entre la sphère religieuse et politique, la Semaine Sainte, véritable symbole de la place du pouvoir ecclésiastique au sein de la société espagnole.

Une Église au centre de la sphère politique et sociale

D’après la Constitution espagnole de 1978, l’Espagne n’est pas « laïque » mais  « aconfessionnelle », ce qui oblige le pouvoir constituant à coopérer avec les confessions religieuses enracinées sur le territoire. Capitale de l’Andalousie, Séville est le miroir de la foi religieuse encore persistante et fortement ancrée dans les mentalités. Mélange d’un moment unique et précieux où un peuple rencontre sa ville dans les traditions les plus anciennes, la Semana Santa en est l’expression la plus représentative. Datée du XVe siècle, cette festivité est suivie par plusieurs milliers de personnes à travers les défilés des différentes confréries et pénitents qui parcourent les tracés des multiples processions célébrées dans toute l’Andalousie. Autre paramètre important, les bénéfices économiques récoltés pour Séville, qui traduisent la bonne santé des célébrations religieuses avec plus de 280 millions d’euros de rentrées d’argent en 2015. L’Église exerce par conséquent un puissant lobby, pas seulement sur les politiques, mais sur la société toute entière.

Dans la même lignée, l’État espagnol subventionne l’Église qui elle-même finance beaucoup de projets dans différents domaines, notamment l’éducation sur laquelle elle exerce un droit de regard. L’institution a donc toujours gardé son pouvoir d’ingérence au sein de la politique nationale. En témoigne les réclamations des partis de gauche – PSOE, Podemos, Izquierda Unida – sur la suppression de l’exemption fiscale, dont l’Église tire parti sur les lieux de culte et biens fonciers en vertu du Concordat de 1953, afin de relever les recettes publiques en temps de crise. Elle constitue un levier politique de taille avec la possibilité de pouvoir lui verser un prélèvement de 0,7 % de l’impôt sur le revenu des contribuables, ce qui rapporterait selon l’institut Europa Laïca, plus de 11 milliards d’euros annuels en subventions et exemptions d’impôts à l’Église catholique espagnole.

Néanmoins, l’esprit de la Transition démocratique amorcé en 1976 et articulé autour du pluralisme politique et de la fin du national-catholicisme, a redéfini le rôle de l’Église jusque-là omniprésente dans l’organigramme de l’État espagnol sous la dictature franquiste. À l’exception de quelques réformes importantes sur le plan des droits civiques avec l’autorisation du mariage homosexuel et de modifications au niveau du système éducatif sous le gouvernement socialiste Zapatero (2004-2011), les privilèges de l’Église catholique ont rarement été contestés par les chefs de gouvernements de la Moncloa. L’Espagne reste pour l’instant dans une impasse dont elle est peut-être encore loin d’avoir trouvé la sortie malgré quelques signes avant-coureurs.

Une société en voie de mutation

Selon les chiffres de l’Église catholique, 70,5 % des Espagnols sont apparentés ou se définissent de culture catholique à des degrés d’implications différents. Dans la réalité, les catholiques pratiquants réguliers ne représentent seulement que 13 % selon les enquêtes officielles du Centro de Investigación Social (CIS). Le processus de sécularisation est déjà à un stade bien avancé et en constante progression malgré les réactions conservatrices de certains politiques au sujet de l’avortement notamment. Lors d’une autre récente enquête du CIS, 60 % des Espagnols se sont déclarés en faveur de l’euthanasie, nouveau sujet tabou mis sur le devant de la scène. Ce qui fait dire que la société espagnole paraît bien plus avancée que ses lois.

L’actuel archevêque de Madrid, Carlos Osorio Sierra, défend la position de l’Église et esquive les interrogations actuelles sur les accords entre l’Église et l’État précisant que « le catholicisme reste le porte-drapeau de l’Espagne ». Ce dernier refuse de parler de Concordat, toujours applicable, jamais abrogé à ce jour et renforcé par les concordats successifs avec le Vatican. La religion catholique, enseignée à tous les niveaux en Espagne, fait désormais l’objet de controverses. Les parents peuvent en effet signer un papier pour empêcher leurs enfants de participer à ce cours, remplacé par des heures d’éducation civique.

En retard sur les autres démocraties occidentales au niveau de la laïcisation et de la transparence entre l’exécutif et le religieux, mais également pionnière en termes de reconnaissance juridique du divorce, de légalisation de l’avortement et d’autorisation du mariage homosexuel en Europe, l’Espagne constitue un paradoxe en elle-même. Durant la Seconde République espagnole (1931-1939), le gouvernement avait pourtant déterminé et acté la séparation entre l’Église et l’État et reconnu le droit de vote universel des femmes par la suite réprimée sous la dictature. Aujourd’hui, pour la gauche radicale, « non seulement le gouvernement ne veut rien retirer à l’Église, mais il souhaite lui complaire » s’insurge le député d’Izquierda Unida (IU), Alberto Garzón.

La contradiction du rôle de l’Église en Espagne réside dans le fait que le nombre de fidèles en baisse fait face à un épiscopat encore très présent dans les sphères du pouvoir. Cela reste une incompréhension supplémentaire dans le débat public où « le cheval de bataille de l’Église, est d’inculquer ses valeurs dès le plus jeune âge. Son influence se veut démesurée par rapport à son poids culturel et sociologique actuel », explique Angel Luis López Villaverde, spécialiste des relations entre l’Église et le pouvoir exécutif dans l’Espagne contemporaine.

Des propositions laïques pour réformer le système

Les partis de gauche radicale, Podemos de Pablo Iglesias secondé par Izquierda Unida, poursuivent leur discours détonnant et à contre-courant de l’ensemble de la classe politique espagnole sur ces questions de religion. Les dirigeants des deux formations, qui se sont récemment alliés pour les prochaines élections générales de juin prochain, réclament une éducation détachée de toute relation avec l’Église afin de promouvoir et faciliter la laïcité, la suppression de tous les privilèges fiscaux et l’annulation des accords signés entre l’Espagne et le Vatican de 1953 à 1979 sur la position de l’Église au sein de l’État. Ils veulent ainsi anéantir le pouvoir de pression et de présence de l’Église sur les débats et décisions de la vie politique nationale. Les critiques ne sont toutefois jamais bien loin et certaines propositions sont perçues comme des provocations parmi une partie de la population.

La Semana Santa a récemment été l’objet de revendications de la part de Podemos souhaitant selon Sergio Pascual, ancien numéro 3 du parti, « une réappropriation populaire afin de la démocratiser et de reconnaître ses valeurs qui ont créé l’identité de la ville de Séville, adaptée à une réalité locale qui se comprend à travers tous les Sévillans, religieux et laïcs, et non seulement par une partie de la hiérarchie ecclésiastique ou de la population ». Par ailleurs, certains proposent un ensemble de mesures au maire socialiste de la cité sévillane, Juan Espadas (PSOE), pour changer le panorama religieux et historique de la ville. L’interdiction à des membres du Conseil municipal de participer directement à des actes religieux, l’arrêt de toutes relations politiques avec les archevêchés, la non-autorisation de la tenue d’élections politiques dans des lieux publics contenant des symboles religieux et le retrait de tous les signes et noms à consonance religieuse des espaces publics (rues, monuments, universités…) sont les principaux arguments d’une série d’annonces qui prétendent encourager et promouvoir la laïcité à court terme.

L’avis de Ramón Cotarelo García, politologue et professeur d’université, est à double tranchant sur l’arrivée éventuelle de Podemos au pouvoir car « si un parti comme celui-ci (Podemos, ndlr) touche à la religion, je vous assure que l’Espagne connaîtra des scènes de violence dans la rue. Le catholicisme en Espagne, c’est une histoire sans fin. Se dire de gauche, c’est être obligatoirement pour la laïcité. Mais la laïcité n’est qu’une illusion ici en Espagne. Une fois au pouvoir, les partis de gauche ne touchent à rien », assure t-il, en référence aux périodes de gouvernance socialiste depuis la chute du franquisme. La problématique reste ainsi entière dans un environnement où le catholicisme persiste et signe dans son rôle de pilier et de ciment de la société, catholicisme avec lequel elle serait dans l’obligation de composer si la gauche radicale accède au pouvoir.

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Dernières nouvelles de Sanders – 24 mai 2016

par Arguments pour la Lutte Sociale

 

Sanders est à l’extrême limite de la stratégie radicalement démocratique qui a été la sienne et qui s’est avérée gagnante jusque là : il pousse à fond la démonstration que le parti démocrate n’est pas un parti démocrate, et nourrit le désir d’un véritable parti démocrate aux États-Unis, qui ne pourrait être qu’un parti rompant avec Wall Street et défendant la majorité contre le capital.

C’est un signe qui ne trompe pas. Le journal Le Monde qui depuis un an annone imperturbablement que Bernie Sanders va perdre et n’a aucun espoir à nourrir, commence cette fois-ci à s’énerver : « Bernie pourrait-il faire perdre Hillary ? » (22 mai). Il y a quelque ressemblance entre cette humeur maussade et la manière dont les mêmes commencent à traiter les grévistes en France de preneurs d’otage, alors qu’ils ont le soutien massif du monde du travail … On commence à parler aussi mal outre-Atlantique de « Sanders » que de «la CGT » en France !

Mais ce qu’il faut bien comprendre là, c’est que Le Monde est, à propos des présidentielles US, un baromètre fidèle des humeurs de l’état-major de H. Clinton et de la presse « Wall Street ». Car en effet, là, on s’énerve.

Sanders n’a pas eu la politesse de s’effacer, il a failli gagner dans le Kentucky – 4000 voix en sa faveur disparues dans les deux plus gros comtés de l’État, Clinton donnée gagnante par 1924 voix : la routine dans le parti « démocrate » ! – et il a gagné dans l’Oregon. Il menace de cartonner encore, dans les nombreux États de la dernière fournée, le mardi 7 juin, avec la Californie. Son argumentation dignement démocratique agace de plus en plus l’establishment et les mauvais coups ont commencé.

Deux épisodes récents modifient en effet sérieusement la tonalité générale des événements, faisant venir en surface ce que chacun savait déjà être sous-jacent.

D’abord, le Nevada. A priori pas un État décisif et une primaire ayant eu lieu en février, gagnée d’une courte tête par Clinton sur un total de voix de toute façon assez faible, après une campagne ayant nettement opposé deux syndicats de l’AFL-CIO : celui des garçons d’hôtel de Las Vegas pro-Clinton et celui des infirmières, pro-Sanders comme ailleurs dans le pays. Mais il y avait eu des complications post-primaire : la désignation des délégués a en effet lieu après la primaire dans le Nevada, avec une convention d’État, où les délégués pro-Sanders se sont trouvés plus nombreux du fait, semble-t-il, de la démobilisation des équipes pro-Clinton après la convention, ayant permis par leur absence dans les réunions de comtés la désignation de délégués suppléants qui se sont avérés plus souvent pro-Sanders. En somme, le Nevada, faiblement peuplé, était le seul État où la balance penchait « injustement » pour Sanders, bien que sans aucune fraude, à la différence des centaines de milliers, voire plus, de voix, détournées, annulées, falsifiées, en faveur de Clinton dans l’ensemble des autres États, New York en tête !

Pour l’appareil démocrate cet outrage devait être réparé, et il le fut : 64 délégués d’État furent accusés de ne pas être membres du parti démocrate contrairement au règlement, et la balance fut inversée outrageusement en faveur d’H. Clinton, aboutissant à une convention démocrate du Nevada tournant en chaos général, sinon en bataille rangée, la sénatrice pro-Clinton Barbara Boxer faisant intervenir la police contre les « sanderistas ». Dans les jours qui suivirent elle a reçu des milliers de mails de protestation et a rendu publics quelques messages menaçants et sexistes.

Tel fut le levier d’une opération médiatico-politique de grande ampleur, très au delà du Nevada, au contenu idéologique parfaitement calibré.

Les partisans de Sanders sont dépeints comme des gens agressifs et sans repères, dans un parallèle voulu avec les partisans de Donald Trump. Le parallèle a un fondement : dans les deux cas, il s’agit de révolte et d’indignation contre la crise sociale, mais les réponses des pro-Sanders et des pro-Trump sont évidemment opposées. Mais surtout, les sondages comme les échos du pays profond n’ont cessé de dire, et ceci s’accentue, que Sanders candidat démocrate battrait Trump, alors que pour H. Clinton, ceci est rien moins que sûr !

Depuis le début de la campagne résonne l’antienne selon laquelle Sanders a le soutien de la « jeunesse blanche ». Problème : le fameux « vote noir pro-Clinton » fonctionne dans les primaires démocrates, mais pas forcément dans un vrai scrutin national, la masse des noirs ne votant pas et n’éprouvant pas d’enthousiasme particulier pour le couple Clinton contrairement à la légende. D’ailleurs, en Alabama, le résultat de la primaire donnait 14 points de plus à Clinton que les sondages de sortie des urnes, étrange. Le « vote noir » propriété d’une famille, on fait mieux comme message émancipateur …

Toujours est-il que depuis l’incident de Las Vegas le 17 mai, le refrain sur le « vote jeune blanc pour Sanders », mis en parallèle avec le « vote petit blanc pour Trump » est devenu un véritable amalgame. L’état-major démocrate et au delà l’establishment nord-américain joue à se faire peur avec l’idée suivante : et si les petites échauffourées du Nevada annonçaient ce que sera la « convention disputée » du parti démocrate appelée de ses vœux par Bernie Sanders à Philadelphie fin juillet ? Et si les hordes pro-Sanders allaient martyriser le parti démocrate comme les hordes pro-Trump ont martyrisé le parti républicain ? Autrement dit : après l’effondrement du parti républicain, Sanders osera-t-il provoquer l’effondrement du parti démocrate ? Ces gens là ne respectent donc rien ? Le parti républicain out, le parti démocrate out, où va t-on ?

Au passage, cette campagne de peur indique combien est profonde l’erreur de la majeure partie (pas tous, heureusement) des groupes nord-américains d’extrême-gauche qui ont voulu voir en Sanders un instrument de rabattage au service de Clinton. La dynamique sociale – et générationnelle – de sa campagne a de toute façon conduit à une confrontation.

Et le deuxième épisode, après l’affaire du Nevada devenue bel et bien affaire nationale, c’est le début de durcissement réel, et pas imaginaire comme on le lui a déjà souvent reproché, de Bernie Sanders.

D’abord, cet homme discret et pondéré traité de boute-feu et de pousse-à-l’émeute à Las Vegas, a tout de même consenti à faire savoir qu’à Las Vegas justement son bureau électoral a été la cible de tirs et que des locaux de ses équipes ont été mis à sac …

Et surtout, il a apporté son soutien à Tim Canova, un universitaire qui vient d’entrer dans le parti démocrate pour y défier l’élue de Floride Debby Wasserman Schulz, présidente du Democratic National Committee, en demandant contre elle l’investiture pour l’élection locale à la Chambre des représentants qui doit avoir lieu en même temps que la présidentielle. Cette initiative est perçue, et de fait elle l’est, comme une attaque directe et frontale contre le saint du saint du parti démocrate.

En agissant ainsi, Sanders est à l’extrême limite de la stratégie radicalement démocratique qui a été la sienne et qui s’est avérée gagnante jusque là : il pousse à fond la démonstration que le parti démocrate n’est pas un parti démocrate, et nourrit le désir d’un véritable parti démocrate aux États-Unis, qui ne pourrait être qu’un parti rompant avec Wall Street et défendant la majorité contre le capital.

Derniers développements depuis le 24 mai

Clinton refusant à Sanders un débat avant les primaires finales du 7 juin, concernant notamment la Californie, Sanders a proposé un débat public avant le 7 juin à Trump. Qui a, sur le principe, accepté.
Des chefs démocrates s’indignent soudain de cette chute dans la « politique spectacle » alors que pour une fois, le spectacle a rarement été aussi politique !
Suite du feuilleton : puis c’est Trump qui se défile, il serait « inapproprié » de débattre avec quelqu’un qui ne sera pas investi, ben tiens …

Politique française
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Lenglet, Mélenchon et Morales

par Jean-Luc Mélenchon

 

Juste un petit mot sur la dernière émission (ouf, Pujadas va peut-être enfin s’adonner à temps plein à la pêche à la mouche ou au perfectionnement des graphiques sous Excel) de « Des Paroles et Des Actes » (DPDA) d’hier soir que j’ai regardée dans son intégralité. M. Mélenchon en était l’invité (ceci explique peut-être cela ) et, compte tenu de ce qui suit, s’en est très bien sorti, me semble-t-il.

Car l’émission a parfaitement collé à ce à quoi je m’attendais. On aurait dit que j’en avais écrit le script au préalable. Coups fourrés, coupures incessantes, harcèlements perpétuels, propagande éhontée sous couvert de questionnement « journalistique », débats sans queue ni tête (surtout celui avec Emmanuel Cosse qui, clairement, n’était pas venue pour débattre mais pour tenter de justifier – aux yeux de qui on se le demande bien ? – sa dernière pitoyable traîtrise) avec des opposants en bois et bien sûr mépris de caste à peine dissimulé de la part de toute l’équipe des médiacrates endimanchée. En fait, la partie la plus intéressante, a probablement été, à mes eux, le débat avec M. Gérald Darmanin, député maire de Tourcoing et membre de LR, un mec de droite donc, mais non sans culture quoi qu’un tantinet cabot.

Je passe rapidement sur les mini-débats (qui n’en furent pas, comme on pouvait s’y attendre) avec ce que la rédaction de France2 a présenté comme deux Français « ordi­naires », Djibril Bodian, un arti­san boulan­ger de la capi­tale, et Céline Imart, une agri­cul­trice exploi­tante, et qui au final s’avèrent ne pas être du tout des « français ordinaires » puisque le premier est… boulan­ger de l’Ély­sée, et la seconde, diplô­mée de Sciences Po et de l’Es­sec, et s’était essayée à la finance inter­na­tio­nale avant de devenir … vice-prési­dente du syndi­cat agri­cole des Jeunes Agri­cul­teurs (pas vrai­ment le profil le plus repré­sen­ta­tif du monde agri­co­le).

Mais j’en viens rapidement au sujet de mon billet.  L’altercation (qui débute à 49’43) entre M. Mélenchon et M. Lenglet, le soi-disant (et prétendu) monsieur économie à la mode sévissant depuis le service public jusqu’aux tréfonds des plateaux BFMiens, et sa complice de torture oligarchique,  l’aboyante Saint-Cricq, celle qui veut « repérer » et « traiter » les non-charlies, vous vous souvenez ?  En voici une transcription après que M. Lenglet a traité avec un aplomb effarant Evo Morales, président de la Bolivie, de corrompu  :

M. Mélenchon : Pesez vos mots M. Lenglet !  Vous êtes sans doute plus corrompu que ne le sera jamais M. Morales !  Pesez vos mots, hein !

M. Lenglet : Je vous demande de retirer cela immédiatement !

M. Mélenchon : Alors vous, vous retirez ce que vous venez de dire sur Evo [Morales] !

M. Lenglet : Je ne retire rien du tout.

M. Mélenchon : Vous avez une preuve ?  Vous êtes capable de dire … vous traitez M. Morales, président de la Bolivie, de corrompu ?  Vous, M. Lenglet ! (hilare)

M. Lenglet : La petite amie de M. Morales, qui est la mère de son fils, a bénéficié de 500 millions de dollars de commandes publiques ! (scandant sa phrase au rythme de son petit poing battant l’air pour mieux marquer son indignation, je suppose) …

Le ton de Lenglet était ferme, posé, ne laissant transparaitre aucune hésitation.  Franchement, à vous faire douter …

Mais, fidèle à mes principes, j’ai tout de même voulu vérifier.  Et grand bien m’en a pris.  J’ai donc consulté pas mal d’articles en ligne (en français et en espagnol) pour essayer d’un peu mieux comprendre cette histoire.  Au final, il me semble que l’article qui résume le mieux ce que j’en ai compris est celui publié le plus récemment (que j’ai trouvé).  Il s’agit d’un article sorti il y a quelques jours (le 12 mai) par Paris Match, journal crypto-marxiste bien connu, et d’où il ressort que :

  • Une dénommée Gabriela Zapata était alors responsable commerciale de cette entreprise chinoise CAMC (en poste semblerait-il à partir de février 2015)
  • Or, cette Gabriela Zapata a été la compagne du président bolivien Evo Morales pendant 2 années entre 2005 et 2007.  Leur relation a donc pris fin 8 années avant que Gabriela Zapata n’obtienne son poste de dirigeante chez CAMC
  • Gabriela Zapata est aujourd’hui en détention, depuis février, et la justice ne cesse d’alourdir les charges qui pèsent à son encontre dans le cadre de ce trafic d’influence – notamment «enrichissement illicite», «complicité de trafic d’influence», «blanchiment de profits illicites», «fausses déclarations» ou encore «conspiration»
  • Evo Morales a lui aussi été poursuivi pour «trafic d’influence» mais a été blanchi par le parlement
  • Concernant le volet privé de l’affaire, Evo Morales a rapidement reconnu avoir eu une liaison avec la jeune femme et admis la possible existence d’un enfant, soulignant qu’il le croyait mort peu après sa naissance en 2007, comme le lui aurait assuré la mère.
  • Après de multiples rebondissements, Gabriela Zapata est revenue sur ces propos et a affirmé que l’enfant était vivant.  Morales a alors demandé qu’on lui présente le garçon, au cas où il serait bien vivant, pour pouvoir s’en occuper.
  • La juge Jacqueline Rada a estimé que l’enfant que lui a présenté Gabriela Zapata n’était pas l’enfant de Evo Morales et a par conséquent conclu que «l’existence physique» d’un enfant de Morales avec Zapata n’avait pas été prouvée.
  • Pour fonder ses conclusions, la juge s’est basée sur « quatre photos imprimées » du garçon présentées par Gabriela Zapata, dont l’âge et l’aspect « diffèrent de l’enfant qui a été présenté devant la justice » et sur le test ADN auquel s’était soumis Evo Morales à sa propre demande, fin avril, et qui s’est avéré négatif.

Voilà donc toute l’histoire.  Quand on remonte dans le temps, on peut trouver trace par exemple d’un article de La Croix d’avril 2016, autre journal bolchévique de renom, qui résume également l’affaire, mais dans l’état où se trouvait l’enquête 1 mois auparavant, c’est à dire au moment où Morales vient de demander à la justice le test de paternité.  Plus en amont encore, on trouve un tas d’articles (boliviens et français dont l’inénarrable Libé qui déverse sa bile dès qu’il peut sur tout ce qui est sud américain – et pas blanc), en février et mars, beaucoup moins clairs et tous à charge contre Morales (on connaît le respect de la présomption d’innocence légendaire des journalistes).

Relisons maintenant, si vous le voulez bien, la phrase de M. Lenglet supposée étayer son accusation de corruption, à l’aune de ces éclaircissements :

« La petite amie de M. Morales,

Là, d’entrée, premier gros mensonge, puisque Gabriela Zapata n’est plus la petite amie de Evo Morales depuis une dizaine d’années.

qui est la mère de son fils,

Deuxième énorme mensonge, puisque il est maintenant prouvé (test ADN) et jugé (par la Justice) que M. Morales n’est pas le père de l’enfant présenté (on se demande bien en outre ce que cette histoire de paternité vient foutre dans l’argument de corruption avancé par Lenglet, mais bon, tant qu’on peut salir, pourquoi se priver, hein ? Diffamez, diffamez, il en restera toujours quelque chose).

a bénéficié de 500 millions de dollars de commandes publiques ! »

Troisième mensonge ou déformation puisqu’il paraît fort douteux qu’un deal d’un montant de 560 millions de dollars ait pu occasionner un détournement par Gabriela Zapata de 500 millions de dollars (90% du montant du deal aurait été détourné !).  M. Lenglet semble totalement perdu au milieu de ses chiffres ce qui, pour un gourou en économie, n’est pas du meilleur effet, vous en conviendrez.

Alors, peut-être que cette histoire aura d’autres rebondissements, peut-être que la CIA aura le temps d’ici quelques mois de fabriquer de toute pièce des « preuves bétons » (comme elle sait si bien le faire) qui donneront alors raison a posteriori à M. Lenglet, mais une chose est sure à ce stade : avec les éléments dont on dispose aujourd’hui 27 mai 2016, M. Lenglet aurait effectivement mieux fait de peser ses mots avant de se laisser emporter par sa fougue anti-rouge viscérale car il a clairement diffamé le président bolivien en rapportant des mensonges vieux de plusieurs semaines et démentis depuis : Gabriela Zapata n’est plus, et depuis longtemps, la « petite amie » de Evo Morales ; ils n’ont pas eu d’enfant ensemble ; il n’existe pas de faits de corruption les liant.

L’émission a été regardé par plusieurs millions de personnes (11,5% de part d’audience) et nous sommes, faut-il le rappeler, sur le… service public payé par nos impôts !  M. Lenglet devrait clairement, et au minimum, présenter ses excuses aux téléspectateurs de France 2 pour leur avoir consciemment menti.  Dans toute démocratie digne de ce nom, il devrait en outre être purement et simplement viré …

… mais bon, on sait bien que rien de tel ne se produira, jamais !  L’oligarchie se soutient.

PS : je vois avec plaisir que Maurice Lemoine, un spécialiste de l’Amérique du sud, a également été choqué par cet épisode et vient de sortir également un billet, sur « Mémoires de luttes », dénonçant la corruption du débat de M. Lenglet.  D’autres détails sur l’affaire s’y trouvent. A lire.

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Nuit debout : expérience d'un passage place de la République

par Hemet Patrice

 

Je suis allé dimanche 29 mai passer quelques heures aux Nuits debout de la place de la République, à Paris.
Il y avait quelques débats en cours et j’ai suivi celui intitulé “L’islamophobie à l’école”. Je peux donc confirmer que ces rassemblements sont infiltrés de façon organisée et méthodique par la tendance “Indigènes de la  République”.
Leur propos principal consiste à présenter la loi de mars 2004 sur les signes religieux à l’école comme une loi islamophobe et à militer pour son abrogation. Il était porté essentiellement par une dizaine de personnes menées par un enseignant du  93 . On y trouvait des “féministes” (?), des femmes voilées, et quelques enseignants convaincus que demander à une jeune fille de retirer son voile pendant sa scolarité est une oppression inqualifiable, inévitable prélude et caution à toutes les autres exactions islamophobes.
Je suis intervenu à de nombreuses reprises pour défendre une conception jaurésienne de la laïcité. A ma troisième intervention, je commençais clairement à marquer des points auprès d’une assistance qui s’était un peu étoffée (une quarantaine de personnes). L’attitude des communautaristes à mon égard s’est alors nettement infléchie vers des tentatives d’intimidation. Cela a pris la forme d’une prise à partie personnelle, d’une tentative de disqualification du débat (“vous êtes ignorant, vous ne connaissez rien à la laïcité”) , puis d’insultes ouvertes (“raciste”, “vous êtes un exemple de domination blanche, machiste et néo-coloniale” “vous n’avez rien à faire aux nuits debout” , etc.). Ils en sont venus à m’arracher le micro…
Bilan positif cependant. A l’issue de ce débat houleux, cinq ou six personnes sont venues me manifester leur accord idéologique sur la question laïque. Je garde le contact d’un juif tunisien, naturalisé français qui se dit “atterré” par le niveau de bêtise du discours anti-laïque des intégristes de toutes obédiences et qui m’a semble très érudit sur l’histoire complexe du monde arabe.
A suivre.



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