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Le budget 2017 de la Sécurité sociale

Ou comment réduire le « trou » par une réduction historique des droits sociaux

par Olivier Nobile

 
Olivier Nobile est l’auteur du livre Pour en finir avec le trou de la Sécu, repenser la protection sociale au XXIe siècle écrit en collaboration avec Bernard Teper. On peut se le procurer auprès de la librairie du site.

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 a été présenté le 5 octobre 2016 en Conseil des ministres et suit actuellement son cheminement législatif pour une adoption début décembre 2016. Rien ne sert d’attendre de la LFSS 2017 des transformations en profondeur ou des réformes considérables, à quelques mois de l’élection présidentielle et un an avant la renégociation des Conventions d’Objectifs et de Gestion (COG) entre l’État et les Caisses nationales de Sécurité sociale. La LFSS 2017 a donc vocation à être un texte législatif de stabilisation des mesures antérieures, étant entendu que les principales  « réformes » (ou coups de rabot, c’est selon) du quinquennat Hollande dans le domaine social ont d’ores et déjà été mises en œuvre : allongement de l’âge effectif de départ en retraite, réduction des prestations familiales et modulations des allocations familiales, réduction historique de la cotisation sociale (pacte de responsabilité), économies drastiques sur les dépenses de santé à l’hôpital, réduction douloureuse des coûts de gestion des organismes de Sécurité sociale ….

En réalité, la communication gouvernementale sur le  PLFSS est avant tout un exercice d’autosatisfaction, lui permettant de se targuer d’avoir ramené les comptes sociaux à l’équilibre, chose inédite depuis 2001. Le rétablissement des comptes sociaux engagé depuis 2012 devrait permettre en 2016 de ramener le déficit du régime général de sécurité sociale à un niveau de – 3,4 milliards d’euros, nettement inférieur à celui prévu par la loi de financement de la sécurité sociale initiale, soit une réduction de moitié en un an. Les prévisions de recettes et de dépenses pour l’année prochaine et la mise en œuvre des mesures prévues par le Gouvernement permettront d’atteindre un quasi-équilibre financier puisque le déficit du régime général devrait être de moins de 400 millions d’euros. Aussi, comment ne pas être admiratif devant la compétence d’un gouvernement qui est en passe de mettre fin au trou de la Sécu, que l’on croyait pourtant inscrit dans l’ordre des choses depuis toujours et pour l’éternité.

La réalité est tout autre. Les comptes de la Sécurité sociale profitent d’un double mouvement : d’une part une stagnation historique des dépenses sociales et d’autre part un accroissement de recettes du fait d’une progression dynamique de la masse salariale. Certes il faut accueillir favorablement le retour à l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale, ne serait-ce que cela est susceptible d’inverser le rapport de force idéologique à l’endroit de la politique sociale et démontrer l’ineptie du mythe du trou de la Sécu et de l’incapacité de l’institution à équilibrer ses comptes. Toutefois, cet équilibre s’inscrit dans un contexte d’aggravation de la couverture sociale de millions de français et ce, malgré la mise en œuvre de mesures très ciblées à l’endroit des plus pauvres (relèvement du seuil CMU-C et augmentation de quelques euros de certaines prestations familiales sous conditions de ressources).

Les mesures financières

Tandis que les dépenses sociales ont été freinées de manière brutale, dans le même temps, les recettes de la Sécurité sociale ont été affaiblies considérablement : le produit des cotisations sociales progresse 2 fois moins vite (+ 0,6 %) vite que la masse salariale du fait de l’accentuation des dispositifs d’exonération consentis dans le cadre du pacte de responsabilité qui portent uniquement sur la part patronale de cotisations sociales. Les recettes de la branche famille ont été sacrifiées par la baisse des cotisations familiales consenties doublement par la diminution du taux et la progressivité de la cotisation jusqu’à 3,5 SMIC. Ces deux mesures expliquent à elles-seules le déficit de cette branche. En revanche les cotisations salariales progressent de 3,5 %, de même que la CSG sur les revenus d’activité et de remplacement, ce qui prouve bien qu’a été orchestré un transfert de financement massif du patronat vers les travailleurs et vers l’impôt car, outre la CSG, les recettes fiscales affectées progressent dans le même temps de 3,1 % : il s’agit donc d’une double peine pour les travailleurs. 

La LFSS comporte malgré tout quelques mesures financières qui suscitent de l’intérêt. Ainsi, le gouvernement semble enfin prendre conscience du danger considérable que fait peser l’économie numérique (la fameuse ubérisation) sur les recettes de la sécurité sociale. Il entend en effet fixer des seuils de revenus réglementaires à partir desquels faux-taxis et loueurs d’appartements seront affiliés à la Sécurité sociale. Malheureusement les décrets risquent de ne jamais paraître à quelques mois des élections présidentielles. Mais surtout, le gouvernement n’a nullement agi pour limiter la massification des statuts de travailleurs indépendants low-cost, permise par la création du statut d’autoentrepreneur en 2008, lesquels sont utilisés fréquemment à des fins de contournement du salariat par les employeurs.

De même temps, le gouvernement entend soumettre à conditions de ressources les exonérations de cotisations sociales. La mesure peut surprendre de la part d’un gouvernement qui a multiplié dans des proportions inouïes les aides aux entreprises en matière d’allègement des cotisations ; celles-ci sont passées de 35 à 40 milliards d’euros par an avec le pacte de responsabilité, auxquelles s’ajoutent les 23 milliards d’euros du CICE. Mais à y regarder de plus près, la mesure ne concernera nullement les grands groupes du CAC 40 mais uniquement les chômeurs créateurs d’entreprises, certains secteurs particuliers et les employeurs des DOM, pour une total inférieur à 1 milliard d’euros. Mesure marginale donc, qui ne rompt en aucun cas avec l’inepte politique de l’offre qui a transféré massivement et sans impact sur le chômage le financement de la Sécurité sociale des employeurs vers les ménages.

Enfin, le gouvernement souhaite prendre des mesures (très vagues et timorées) contre les abus d’utilisation des travailleurs détachés. Ces abus sont directement issus de la directive européenne sur le détachement ainsi que du règlement (CE) n° 883/2004 de coordination des régimes de sécurité. Ces directives ont accéléré les situations de dumping social en Europe au travers d’une libéralisation du marché du travail et l’embauche de travailleurs rémunérés selon le régime social de leur pays d’origine. Disons-le sans ambages, la seule voie que le gouvernement Hollande aurait dû prendre et qu’il avait 5 ans pour mettre en œuvre était d’en demander purement et simplement le retrait. La PLFSS ne se risquerait pas à aller en ce sens ; le gouvernement entend uniquement « disposer de garanties suffisantes que les salariés détachés en France sont régulièrement affiliés et cotisent dans leur État d’origine ». Ce timide haussement de ton à 8 mois des élections présidentielles pourrait donc prêter à sourire si les enjeux n’étaient pas aussi fondamentaux que la pérennité des droits sociaux des travailleurs français.

Le régime social des indépendants

Véritables laissé pour compte de la Sécurité sociale, situation héritée il est vrai des revendications corporatistes des artisans et commerçants qui avaient refusé leur intégration dans le régime général, les travailleurs indépendants bénéficient d’un système de Sécurité sociale aussi dysfonctionnel qu’insuffisant. En 2007, la réforme insensée du Régime Social des Indépendants (RSI) et la création de l’Interlocuteur Social Unique (confiant aux Urssaf le recouvrement des cotisations) avait conduit au plus grave accident industriel que la Sécurité sociale ait connu depuis ses origines. Un bug informatique aussi colossal qu’ignoré des médias avait plongé à la fois les bénéficiaires et les salariés des caisses concernées dans une grave crise qui n’est pas encore totalement résolue, 9 ans après son commencement. En ce sens, la seule vraie évolution notoire de cette LFSS est à rechercher de ce côté-là. Ainsi, est-il mis fin sans trompettes ni couronnes à l’interlocuteur social unique, au profit d’une une structure de pilotage national unique ayant autorité sur le réseau Urssaf et le réseau RSI, conduite par un directeur national qui sera responsable de la qualité du service rendu aux cotisants dans les deux réseaux et ayant autorité sur l’ensemble des services en charge de ces missions.

Parallèlement, le gouvernement tend à simplifier les règles de calcul des cotisations sociales et à renforcer les modalités d’allègement des cotisations sociales pour les travailleurs indépendants les plus modestes, transformant de plus en plus le régime social des travailleurs indépendants en régime de solidarité nationale, situation aggravée par la concurrence des autoentrepreneurs qui bénéficient d’un régime social proche du néant. Au prix d’un sacrifice de leurs droits sociaux.

La politique de santé

Dans le domaine des dépenses d’assurance maladie, le PLFSS 2017 poursuit la tendance initiée depuis 5 ans. Depuis 15 ans en réalité, car les réformes Hollande-Touraine s’inscrivent dans la droite ligne des réformes mises en œuvre sur les quinquennats Chirac et Sarkozy dont aucune mesure essentielle n’aura été abrogée, singulièrement dans le domaine du reste à charges des malades. Certes, le gouvernement Hollande peut se féliciter d’avoir mené une négociation conventionnelle en 2012 qui a limité (mais non supprimé, bien au contraire) la pratiques des dépassements d’honoraires et réduit la pratique insupportable des refus de soins de la part des professionnels de santé. De même, la réforme PUMA (protection universelle maladie) garantit depuis 2016 la continuité de l’affiliation à l’assurance maladie en cas de cessation ou de changement d’activité, mais au prix de la disparition de la notion d’ayant droit et d’un inévitable fiscalisation intégrale de l’assurance maladie, laquelle a vocation à devenir un dispositif socle placé sous contrôle de l’État et grignoté par l’assurance privée. Quant à la réforme phare de l’accès aux soins, à savoir la mise en œuvre du tiers payant généralisé, celle-ci semble s’être désormais enlisé dans un situation conflictuelle inextricable entre la Ministre et les syndicats de médecins d’une part et les complémentaires santé d’autre part et ne devait pas aboutir avant fin 2017 … si elle aboutit un jour. Certes le relèvement des seuils d’attribution de la CMU et de l’aide à la complémentaire santé (ACS) ont permis à 600 000 personnes supplémentaires de bénéficier de cette couverture maladie réservée aux plus pauvres, mais cet état de fait est principalement dû au contexte de chômage de masse et d’aggravation de la pauvreté qui a poussé de millions de français dans les dispositifs de lutte contre la pauvreté au détriment d’une affiliation de droit commun dans le cadre d’un emploi salarié. Pour ces derniers en revanche, le niveau de couverture maladie se situe toujours à un niveau historiquement bas. En outre, une part considérable et croissante des dépenses repose sur une socialisation externe, autrement dit transférées sur les complémentaires santé d’entreprise, dont la généralisation a été mise en œuvre avec l’Accord National Interprofessionnel (ANI) de 2012.

Le gouvernement conclut donc à une diminution du reste à charge mais celui-ci ne fait que revenir au niveau de 2003, date à laquelle avaient été initiées les nouvelles générations de reste à charge non remboursables (participation forfaitaire, franchises). Le texte de loi permet ainsi au gouvernement de dresser un bilan élogieux de la politique de santé dont les dépenses sont contenues, et se garde bien d’occulter un taux considérable du renoncement aux soins de la part des Français (30 % des Français y seraient confrontés au moins une fois dans l’année). L’ objectif de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) est ainsi voté à un taux historiquement bas : + 2,1 %. Certes, cela reste supérieur à la croissance mais compte tenu des facteurs socio-démographiques de progression des dépenses de santé (vieillissement de la population, progrès technique, poids des affections longue durée qui représentent 2/3 de la dépense de santé, etc), cette progression ne pourra se faire qu’au prix de nouveaux coups de canif dans la couverture santé des catégories intermédiaires non couvertes par la CMU-complémentaire ou l’ACS.

En effet, le gouvernement présente un nouveau plan d’économies de 4 milliards d’euros dans le domaine des soins ce qui porte les économies à 10 milliards d’euros cumulés depuis 2014. Certes, ce dernier round d’économies portera pour bonne part sur la politique du médicament (- 1,4 milliards) et disons-le tout net, il nous sera difficile de nous associer aux larmes de crocodile des entreprises du médicament. En revanche, la LFSS accentue les économies relatives à la dépense hospitalière (- 800 millions d’euros) en sus du développement de la médecine ambulatoire en établissements (- 600 millions). S’il convient de ne pas rejeter en bloc les mesures prises, il convient de dire toutefois qu’elles accentuent la situation financière devenue intenable de l’hôpital public au bord de l’asphyxie financière après 10 ans de généralisation de la tarification à l’activité. Le gouvernement indique il est vrai qu’il a engagé depuis 2012 une réforme du modèle de financement des établissements de santé visant à sortir du « tout tarification à l’activité (T2A) ». Les mesures comprises dans le PLFSS pour 2017 visent en réalité à orienter l’hôpital vers davantage de prise en charge ambulatoire au détriment des hospitalisations complètes, évolution qui peut avoir de l’intérêt mais comporte aussi des risques en termes de prise en charge des patients. Enfin, le gouvernement estime enfin que le modèle actuel de financement des unités de soins critiques (réanimation, soins intensifs, surveillance continue) ne permet pas de répondre de manière pleinement satisfaisante aux spécificités de cette filière. A cette fin, il est prévu de créer « un niveau de tarification intermédiaire entre prise en charge externe et hospitalisation de jour » dont les modalités d’application restent à définir. Malgré ces mesures d’application bien tardive, les faits demeurent malheureusement têtus : le gouvernement Hollande n’a nullement inversé la tendance de mise en concurrence déséquilibrée entre l’hôpital public et l’hospitalisation privée (au détriment de la première) et n’a rien fait pour proposer une réforme d’ampleur de financement encline à garantir de manière pérenne et stable le service public hospitalier.

Dans le domaine des soins de ville, la LFSS s’appuie sur les mesures issues de la nouvelle convention médicale signée en juillet 2016 entre l’Assurance Maladie et les syndicats de médecins. A cette occasion, les médecins libéraux ont obtenu une revalorisation des honoraires médicaux et l’instauration de nouveaux modes de rémunération forfaitaires qui pourront représenter plusieurs dizaines milliers d’euros par an par praticien. En contrepartie la LFSS leur demande de nouveaux efforts en matière de maîtrise des prescriptions d’arrêts de travail et de médicaments, qui porteront in fine sur les assurés sociaux. De même, le gouvernement poursuit l’action découlant des dispositions de la dernière convention médicale visant à favoriser l’installation de praticiens en zones défavorisées, et ce au travers de mesures d’intéressement financier à l’installation des jeunes praticiens libéraux. Mais surtout, le gouvernement entend développer la télé-médecine et proroge d’un an des dispositifs visant à permettre des consultations à distance … Ces mesures ne répondent évidemment en rien à l’enjeu des déserts médicaux et au hiatus entre la liberté d’installation libérale et la nécessaire présence médicale sur le territoire. Plus que jamais, nous rappelons qu’il y a urgence à promouvoir une médecine de centre de santé, particulièrement en zones rurales ou défavorisées, permettant l’exercice d’une médecine salariée de haut niveau dans des centres pluridisciplinaires axés autour d’une prise en charge décloisonnée des patients. Sur ce point, la LFSS reste malheureusement muette.

Notons toutefois que des mesures intéressantes en faveur de la prévention sont initiées, en particulier dans le domaine dentaire (amélioration du dispositif MT dents à destination des enfants, revalorisation d’actes …). Cela dit ces améliorations cosmétiques ne risquent pas de rendre caduc le constat affligeant de la Cour des comptes qui conclut au désengagement des pouvoirs publics dans la politique de soins dentaires. Ainsi, rien n’est prévu, en dehors de la revalorisation des actes prophylactiques pour régler le problème structurel de santé dentaire en France et l’affligeante modicité de la prise en charges des soins prothétiques et d’orthodontie.

Un effort de prévention est enfin mis en exergue dans la foulée de la loi Touraine de modernisation du système de santé. Ainsi, retrouvons-nous pêle-mêle des mesures tièdes en faveur de la nutrition (consommation de soda, réduction des sucres dans les aliments commercialisés dans les DOM…), des initiatives timides mais intéressantes dans le domaine des conduites addictives (tabac, drogues …) ou des renforcements de la détection du VIH. Nous saluons en particulier, et en toute honnêteté l’ouverture des premières salles de consommation à moindre risque dans quelques grandes agglomérations, en dépit des oppositions politiques indécentes. Précisons toutefois que l’initiative est somme toute extrêmement circonscrite et que la France accuse un retard de près de 10 ans par rapport à ses voisins européens en matière de prévention des risques sanitaires liés à la toxicomanie, laquelle relève toujours d’un traitement pénal aussi inepte qu’inutile que le gouvernement n’a nullement cherché à atténuer.

Au total, une enveloppe de 227 millions d’euros supplémentaire est mise à disposition des agences régionales de santé dans le domaine de la prévention. Rappelons toutefois que les dépenses de prévention représentent à peine 3% de l’ensemble des dépenses de santé en France et ces 227 millions représenteront peu ou prou 0,10 % des dépenses totales de l’assurance maladie. C’est certes mieux que rien mais il y a peu de probabilités que les mesures prévues modifient la tendance et s’approchent d’une véritable plan cadre de médecine préventive incluant à la fois une revalorisation du rôle des acteurs essentiels de prévention (médecine du travail, PMI, planning familial, centre de médecine préventive etc…) et une orientation volontaire dans le domaine de la santé environnementale que nous appelons ardemment de nos vœux : qualité alimentaire et réduction de l’utilisation des pesticides, réduction des toxiques utilisés dans l’industrie, renforcement de la santé au travail, accès à une contraception gratuite et adaptée aux patientes …

La politique familiale

La LFSS ne comportera pas de mesures phares en matière de politique familiale. Il faut dire qu’une réforme d’ampleur a été mise en œuvre en 2013, qui a mis fin notamment à l’universalité des allocations familiales.1

La LFSS comporte toutefois trois mesures intéressantes dans le domaine du soutien à la monoparentalité : elle confirme la création d’une agence nationale de recouvrement des pensions alimentaires et lui confie de nouvelles mesures de soutien à la monoparentalité en sus de la mise en œuvre de la garantie des impayés de pension alimentaire (GIPA) en vigueur depuis 2016.2

Précisons que la GIPA n’est rien d’autre qu’une amélioration à la marge de l’Allocation de soutien familial versée aux familles monoparentales par les Caisses d’Allocations familiales depuis des décennies. En outre, la mise en place d’une agence nationale occulte le fait que les Caf exercent depuis des décennies une mission de recouvrement des pensions alimentaires auprès des parents défaillants. Par la création de cette agence, le gouvernement désavoue le réseau des caisses d’allocations familiales et impose une organisation …qui n’est rien d’autre que celle mise en œuvre par les Caf d’ores et déjà mobilisées sur le sujet. En réalité, le gouvernement s’immisce pour la première fois dans l’organisation-même des missions des Caf et affirme une volonté d’étatisation complète de la Sécurité sociale, jusque dans son fonctionnement. Voila le véritable caractère novateur de cette mesure…

Des Caisses de sécurité sociale en situation critique

Les bénéficiaires de la Sécurité sociale l’ignorent souvent, mais la Sécurité sociale tient pour beaucoup au professionnalisme et au dévouement des personnels qui œuvrent au quotidien dans les organismes sociaux, lesquels ne sont ni fonctionnaires, ni tout à fait salariés. Alors que les dépenses de fonctionnement représentent moins de 4 % de l’ensemble des dépenses, les économies de gestion demandées depuis 15 ans aux organismes de Sécurité sociale atteignent des proportions considérables. Les effectifs salariés sont ainsi passés de 180 000 salariés en 2004 à 148 000 aujourd’hui. Pour autant, les Caisses sont confrontées à des évolutions réglementaires incessantes et intervenant à un rythme accéléré, tout en évoluant dans un cadre procédural de plus en plus contraignant en raison des exigences de certification  par la Cour des Comptes. Le cas de la branche famille est assez éloquent : depuis 2015, les Caf ont dû absorber notamment, uniquement avec des renforts à durée déterminée, la modulation des allocations familiales, la mise en œuvre de la prime d’activité, la réforme des aides aux logements, la réforme de l’allocation de rentrée scolaire, la mise en œuvre de la politique d’accueil du jeune enfant … En 2017, une réforme d’ampleur des minima sociaux s’annonce par ailleurs. Et ce, en sus, des 30 législations familiales existantes et des politiques d’action sociale à gérer au quotidien, le tout dans un contexte de réformes permanentes, complexes et défavorables aux bénéficiaires qui durcissent les relations avec les usagers. Le gouvernement peut toutefois d’enorgueillir d’avoir atteint un montant d’économies cumulées d’1,7 milliards d’euros sur les dépenses de fonctionnement de la Sécurité sociale mais au prix d’un malaise généralisé des salariés et des usagers.

La LFSS 2017 annonce sur ce point la couleur des futures négociations des Conventions d’Objectifs et de Gestion régissant les rapports entre Sécurité sociale et les différentes branches de la Sécurité sociale. Le mouvement d’économies ne connaîtra en toute hypothèse aucune pause en 2017. Pis encore, les efforts demandés auront pour conséquence vraisemblable de modifier l’organisation  territoriale des organismes de Sécurité sociale au prix d’un éloignement décisionnel des organismes des besoins des populations et d’une réduction de l’effort d’aménagement territorial auquel les Caisses de Sécurité sociale contribuent pourtant de manière centrale depuis des décennies.

  1. L’UFAL a eu l’occasion de s’exprimer à de nombreuses reprises à ce sujet pour dénoncer cette réforme qui accélère la stratification des droits sociaux des français et ce, en dépit des efforts très ciblés à l’endroit des plus pauvres. Le Gouvernement pousse le cynisme jusqu’à présenter ce plan de 2 milliards d’euros d’économies sur la politique familiale en mesure de justice sociale, soit… []
  2. Ainsi, la LFSS 2017 prévoit que :
    les victimes de violences pourront bénéficier sur décision judiciaire de l’intermédiation de l’agence, qui percevra directement les pensions auprès de l’ancien conjoint pour les reverser aux personnes ;
    l’agence pourra sécuriser le montant des pensions et en assurer le recouvrement en cas d’impayé ultérieur en donnant force exécutoire aux accords fixant le montant de la pension alimentaire ;
    les personnes victimes d’impayés de pensions alimentaires et vivant de nouveau en couple ou ayant des enfants majeurs pourront demander l’accompagnement de l’agence au même titre que les parents isolés. []
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Chiffres du chômage, controverses et manipulations

par Alexandre de Saint-Denis

 

Le chômage et les controverses relatives à l’évaluation de son ampleur et la véracité des données fournis sont des phénomènes planétaires. Les débats et polémiques ainsi engendrées présupposent qu’il existe un chiffre objectif du nombre de chômeurs, que le découpage statistique entre chômeurs, population active occupée et population inactive est facilement définissable et, surtout, que les hommes et femmes politiques jouent un rôle déterminant dans sa gestion et sa réduction. Au contraire, les économistes expliquent aujourd’hui que « l’essentiel du phénomène tient dans l’hétérogénéité de son contenu, dans l’indétermination de ses frontières, dans la diversité des statuts des chômeurs et de l’impact qu’exerce le passage par le chômage sur leur destin individuel. » Pourtant, d’aucuns s’accordent que son évaluation est cruciale pour l’analyse de la politique macroéconomique.
Dans ces conditions, que penser des annonces des différents gouvernements ? En septembre 2016, les Etats-Unis disent avoir un taux de chômage de 5 %, l’Allemagne 6.1 %, la Grande-Bretagne 4.9 %. Les chiffres français du mois dernier ne sont pas encore disponibles mais nous savons qu’en août, ils repassés au-dessus de la barre des 10 % (10.3 %), juste en-deçà de la moyenne de l’Europe à 28 (10.1 %). Selon l’agence Eurostat, les deux pays les moins affectés de l’Union Européenne (U.E.) en juillet étaient la République Tchèque (3.7 %) et l’Allemagne (4.2 %) alors que les deux pays les plus touchés étaient la Grèce (23.4 %) et l’Espagne (19.5 %).1
Jusque-là, rien de bien nouveau. Ce sont les chiffres récités ad nauseam dans la presse, souvent sans aucune explication. Ces articles donnent cependant deux fausses impressions : ils laissent supposer que, premièrement, les chiffres fournis par les différents pays sont directement comparables et que, deuxièmement, les statistiques sont fiables et objectives. Il ne s’agit généralement pas d’un problème de fiabilité mais plutôt de l’imperfection des instruments de mesure et de la multiplication des définitions et des indicateurs, ce qui constitue inévitablement « une source de tentation pour le pouvoir politique. »2

Un chômage français

Les français les mieux informés savent bien que les statistiques nationales peuvent être manipulées ou, pour être plus précis, utilisées de manière malhonnête ou mystificatrice. L’économiste Jacques Sapir rappelle par exemple que les données hexagonales ne sont pas celles du « chômage » mais celles des « demandeurs d’emploi », c’est-à-dire la ‘’catégorie A’’ qui recense le nombre de « demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, sans emploi. » Manquent ainsi à l’appel les travailleurs à activité réduite plus ou moins longue ainsi que ceux non tenus de rechercher activement un emploi (en raison d’un stage, d’une formation, d’une maladie, d’un contrat aidé, etc.). Ainsi, si cette catégorie A peut en effet servir de référence, on ne peut que regretter qu’elle ne soit pas plus inclusive.
Au mois d’août 2016, la France métropolitaine comptait 3 556 000 de demandeurs d’emploi catégorie A (10.3 % de la population active), soit – 0.3 % sur un an. Si l’on tenait compte des quatre autres catégories, toutes en croissance sur un an, le chiffre monte à 6 182 300, soit 18.25 % de la population. Déjà beaucoup plus élevé que le chiffre officiel, il faudrait au minimum rajouter les chômeurs des DOM-TOM (environ 330 000) et une partie des 1,4 millions de sans-droits (jeunes de moins de 25 ans, auto-entrepreneurs, etc.), ce qui nous amènerait à un taux de chômage supérieur a 20 %. Enfin, on pourrait aussi se questionner sur le statut d’un grand nombre de précaires tels que les bénéficiaires du Revenu de solidarité active (RSA), de la prime d’activité ou de l’Allocation adulte handicapé (AAH) non-inscrits à Pôle Emploi, les bénéficiaires de certaines allocations si elles dépassent un certain seuil (pensions alimentaires, pensions de réversion, etc.), etc. Un article d’Agoravox cite un chiffre supérieur à 11 millions, soit 32-33 % de la population active. Ce dernier taux est clairement trop élevé et confond population inactive, précaire et inoccupée. Cependant, il incite à réfléchir sur la question primordiale des rapports qui existent entre taux de chômage et taux d’inactivité ou entre travail et précarité.
En réalité, le débat politique se concentre sur la catégorie A, quitte à faire passer un certain nombre de chômeurs dans les autres catégories pour faire diminuer la première. C’est ce que l’on appelle le « chômage camouflé ». Aujourd’hui, les stages, formations et contrats aidés sont au plus haut et, malgré cela, le nombre de chômeurs catégorie A n’a pas diminué de manière significative et a même augmente fortement en août. Espérons que la prévision de l’Insee à 9.5 % d’ici la fin de l’année s’avère vraie. Mais, dans tous les cas, cela ne sera qu’une victoire à la Pyrrhus dans la mesure où, toute catégorie confondue, le nombre de demandeurs d’emploi a augmenté quasiment trimestre par trimestre depuis 2008. La soi-disant baisse de la catégorie A ces derniers mois n’a en fait que générer une stagnation des chiffres globaux.
Le but du présent article n’est pas de dresser un panorama complet du chômage en France mais de comprendre certains aspects des stratégies de communication sur l’emploi utilisées par les pays de l’OCDE. Dans le cas français, on pourra juste retenir que le taux de chômage en France peut légitimement être considéré comme dans une fourchette de 20 % à 25 %, soit plus du double du chiffre officiel.

L’économie américaine repart-elle vraiment ?

La quasi-totalité des medias semble s’accorder sur un fait : l’économie américaine est repartie ! Un des indicateurs souvent cités est le chiffre du chômage qui, d’un point haut à quasiment 10 % en 2009 est retombé à 4.9 % en 2016. Comme en France, il faut regarder de plus près les méthodes de catégorisation des demandeurs d’emploi. Les chiffres ci-dessus ne comptent que les citoyens américains classés U3, c’est-à-dire les individus ayant activement recherché un emploi durant les quatre dernières semaines avant l’enquête gouvernementale. Le taux de chômage U3 est défini de manière relativement étroite et ne prend en compte ni les demandeurs d’emploi découragés, ni les travailleurs à temps partiels qui n’arrivent pas à trouver d’emploi à plein temps. C’est pourquoi le bureau américain des statistiques utilise aussi la catégorie U6, plus large, et qui, stable depuis la mi-2015, s’élevait le mois dernier à 9.7 %.
Cependant, cet indicateur a ses propres limites. D’abord, il n’intègre pas les découragés longue durée. Le site Shadowstats, géré par un consultant en économie publique, estime que si ces derniers étaient recensés, le taux de chômage américain serait depuis 2010 aux alentours de 23 %. C’est d’ailleurs un chiffre parfois cité par Donald Trump pendant sa campagne présidentielle.3
La raison principale est qu’aux Etats-Unis, l’assurance chômage est distribuée pendant une période de temps bien plus courte qu’en Europe : en général, 26 semaines (6 mois). Deux états seulement, le Montana (28 semaines) et le Massachusetts (30 semaines) se montrent plus généreux. Plusieurs états du sud-est, comme la Floride, la Géorgie ou la Caroline du Nord, limitent l’allocation à environ 3 mois. Ainsi, nombreux sont ceux qui, après l’expiration de leurs droits, ne se présentent plus mensuellement au bureau pour l’emploi local et se trouvent radiés de ses listes.
Plusieurs organisations et agences gouvernementales ont commencé à étudier le problème. L’Institut de Politique Economique estime qu’il existe 1 à 2 millions de « travailleurs manquants » (missing workers), non comptabilisés dans les études officielles. Jim Clifton, le PDG de la société de conseil et de sondages Gallup, a aussi créé le buzz en publiant en février 2015, sur le site de son entreprise, un article intitulé « Le Grand Mensonge : 5.6 % de chômage ». Critiqué dans différents médias, il a d’ailleurs réitéré le mois dernier : « J’ai beaucoup lu que l’économie se « redressait ». Cela a même fait la une du New York Times et du Financial Times la semaine dernière. Je ne crois pas que cela soit vrai. » Il cite comme preuves le taux d’employés à plein-temps de 48 %, stable depuis 2010 et le plus bas depuis 1983 ; la diminution par presque 50 % sur 20 ans du nombre d’entreprises inscrites en bourse, de 7 300 à 3 700 ; le taux de création d’entreprises (ndla : au plus bas depuis 40 ans). Clifton déplore que les Etats-Unis soient en train de perdre leur classe moyenne en négligeant ces « Américains invisibles ». Selon un sondage de Gallup, seulement 51 % des personnes interrogées estiment faire partie de la classe moyenne, soit 12 % de moins qu’en 2009.4
Autres chiffres intéressants : le taux de participation au marché du travail est en déclin continu depuis 2000 (67.3 %) et se trouve aujourd’hui proche de 63 %. Ces 4.3 % se traduisent par une différence de plus de 16 millions de personnes si l’on prend compte de la croissance de la population. De même, la population active entre 25 et 54 ans est à peu près au même niveau aujourd’hui qu’en 2000 malgré une croissance de la population de 40 millions de personnes. De nombreux analystes, malheureusement peu relayés par les médias, lient cette baisse de l’emploi à un déclin de l’activité économique, visible dans les données de la consommation de pétrole depuis 2009, de l’indice Cass du volume de fret en Amérique du Nord ou des revenus par action des entreprises du S&P 500. Ce dernier, si sont pris en compte l’inflation et les rachats d’actions, n’est pas même à 80 % de son niveau de 2000 !
C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre le repositionnement des banques centrales qui, après avoir soutenu indirectement la valeur des grandes entreprises, par exemple grâce à des prêts, se demandent si elles ne vont pas imiter le modèle japonais et prendre le contrôle du marché en achetant directement les actions des entreprises cotées.

Et l’Europe alors ?

La France n’est pas non plus un cas isolé en Europe, ni en terme de méthode, ni en terme de niveau de chômage. Les pays d’Europe du Sud – Espagne, Portugal, Italie, Grèce – sont, il est reconnu, dans une situation peu enviable. D’autres économies, par exemple, la Belgique, le Danemark, la Finlande, la Hollande – connaissent une conjoncture économique similaire à celle de la France. Les données économiques réelles contrastent fortement avec l’image retranscrite par les médias et la plupart des politiques.
Nous allons cependant nous concentrer ici sur la première puissance de la région, présentée par certains comme un miracle économique et par beaucoup d’autres comme un modèle à suivre. Il s’agit bien sûr de l’Allemagne. Selon les chiffres de son agence pour l’emploi, le taux de chômage de septembre pointe à 6.1 %. En 2005, plus de 12 % de la population était au chômage. Suite à des reformes controversées, le gouvernement de Gerhard Schröder aurait pour ainsi dire métamorphosé l’« homme malade de l’Europe » en parangon de l’efficacité économique.
Cependant, si l’Allemagne est sans commune mesure la première puissance industrielle européenne, sa situation n’en est pas moins proche de ses voisins. Quand on regarde les réformes du droit du travail et de la sécurité sociale dans le détail, on comprend mieux pourquoi le taux de chômage de la nouvelle Allemagne est si bas. Par exemple, dans un pays où l’âge de la retraite est fixé à 65 ans, toute personne au chômage de plus de 58 ans est automatiquement radié.5 C’est aussi le cas des personnes recevant une formation, qui sont tombées malades ou qui se sont enregistrées dans une agence de recrutement privée. Ces catégories constitueraient environ 2 % de la population active.
Mais il y a pire. Les « mini-jobs », pseudo-emplois ne rapportant au maximum que €450 par mois, se sont multipliés et constituent aujourd’hui environ 15 % de la population active. Dans le même temps, le nombre de contrats à horaire décalé et contrats zéro heure a fortement augmenté. En 2015, 24 % des emplois étaient payés moins de 9,5 € de l’heure. Plus récemment, l’opinion publique s’alarmait des chiffres croissant de la pauvreté infantile et de la paupérisation des 20 % les moins riches. Enfin, on ne peut manquer de parler d’une variable essentielle, la démographie. L’Allemagne est en effet dotée de la population la plus âgée d’Europe, d’un taux de natalité faible et d’un nombre de retraités croissant. Une certaine diminution du chômage est ainsi quasi automatique.
Dans un tel contexte, que penser alors des 4.9 millions de bénéficiaires des prestations chômage ? Si l’on prend ce chiffre pour argent comptant, il représente 11.3 % de la population active, soit près de deux fois le taux officiel. Si l’on rajoute l’allocation anti-précarité Hartz IV, ce nombre grimpe à 6.91 millions, soit 15.9 % de la population active.
Ironiquement, c’est un gouvernement de centre-gauche qui a libéralisé le marché du travail et c’est le gouvernement plus conservateur de Merkel qui a augmenté les allocations chômage de base et (ré)institué en janvier 2016 un salaire horaire minimum de 8.5 €. Celui-ci reste tout de même inférieur à son équivalent français, belge ou hollandais.
Ainsi, le modèle allemand ne résiste pas à l’analyse et l’on comprend que les pays voisins n’ont pas cherché à émuler ce « nouveau modèle rhénan ». Il est impossible d’évaluer précisément le taux de chômage allemand mais il est sûr que l’on est loin des 6.1 % annoncés. Comme le conclue un article du magazine allemand « Focus », si le taux de chômage officiel est bas, le nombre de personnes tributaires des aides étatiques est 2.5 fois plus élevé qu’en 1991, période économiquement catastrophique marquée par les séquelles de la réunification.6

A bout de souffle

Ingrid Liebeskind Sauthier, professeur d’histoire économique et sociale à l’université de Genève a beaucoup travaillé sur la définition et l’histoire du chômage. Dans un article de 2009, elle note que le Bureau International du Travail (BIT) a indiqué que « le taux de chômage est perçu tant comme un indicateur de paix sociale que comme un indicateur de résultats économiques ou de bon fonctionnement du marché de l’emploi. » On comprend mieux la « tentation » et les efforts des gouvernements successifs à présenter des chiffres peu élevés ou sous-évalués. La chercheuse souligne aussi qu’avec la nouvelle définition du BIT de 1982, s’amorcent la multiplication des indicateurs et la déconstruction du concept traditionnel de chômage issu des combats sociaux de la fin du XIXe. En 1982, les Etats se voient invités à ne plus comptabiliser les « découragés ».7 Depuis lors, chaque pays s’évertue à développer un système plus à même de montrer son efficacité économique malgré les conséquences souvent néfastes de la déréglementation et de certaines formes d’organisation du travail.
Ce dont a besoin la France, et à plus forte raison l’Union Européenne, ce sont d’indicateurs fiables et comparables d’un pays à l’autre. Au lieu de cela, nous en sommes aujourd’hui à comparer des chiffres vidées de leur sens et de leur vertu politique, qui pour des visées électoralistes et de légitimation d’un système à bout de souffle, sont étalés ici et là au détriment d’une lutte organisée contre les inégalités et la pauvreté.

  1. « Euro area unemployment at 10.1 % », Eurostat 186/2016, 30 Septembre 2016. []
  2. Jacques Freyssinet, Le chômage, Paris, Éditions La Découverte, 2004. []
  3. Jim Williams, Alternate Unemployment Charts, www.shadowstats.com, 7 octobre 2016. []
  4. Jim Clifton, « The Big Lie : Unemployment at 5.6 % », www.gallup.com, 3 février 2015 ; Jim Clifton, « The Invisible American », www.gallup.com, 20 septembre 2016. []
  5. « Der Arbeitsmarkt im September 2016: Einsetzende Herbstbelebung reduziert Arbeitslosigkeit », Bundesargentur für Arbeit, 29 Septembre 2016. []
  6. « So viele Arbeitslose gibt es wirklich in Deutschland », Focus, 2 Juin 2016. []
  7. Ingrid Liebeskind Sauthier, « Histoire de la définition du chômage », Courrier des Statistiques, n° 127, mai-août 2009. []
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« La laïcité pour 2017 et au-delà. De l’insoumission à l’émancipation », par François Cocq et Bernard Teper

par Pierre Hayat

 

La laïcité pour 2017 et au-delà de François Cocq et Bernard Teper (Penser et agir, Éric Jamet, éd., 2016, 8 €, voir ci-contre la Librairie militante) assume ses choix politiques. Ses auteurs ne se soumettent pas à la doxa d’une laïcité du « vivre ensemble inclusif », faussement consensuelle, qui cache un positionnement social-libéral. Non, expliquent-ils, la laïcité n’est pas neutre, car elle engage un modèle politique et se situe aujourd’hui au cœur d’un enjeu historique : en 2017, la France verra soit des communautés s’affronter,soit le peuple se refonder. Cette façon de concevoir et de soutenir la laïcité n’est pas neutre, elle non plus. À l’image de ce que Louis Althusser disait de la philosophie, la laïcité est aujourd’hui semblable à un champ de bataille, où des positions sont investies, perdues ou reprises, deviennent mineures ou hégémoniques… Dans ce terrain de lutte qu’est devenue la laïcité, où il s’agit d’occuper la position centrale, la laïcité signifierait-elle tout et son contraire, au gré des récupérations, des dérives et des mises à jour ? Aujourd’hui, presque tout le monde en France se déclare laïque, y compris ceux qui s’en voulaient naguère les contempteurs. La confusion est, du coup, à son comble, puisque s’affirment laïques des nostalgiques du Concordat, des communautaristes, des xénophobes et des racistes en tous genres. Hier opposé à la loi scolaire du 15 mars 2004, le Front national réclame aujourd’hui son extension à l’ensemble de l’espace public. Dans cette mêlée, Teper et Cocq ne se placent pas du côté d’une laïcité autoritaire car ils doutent qu’une multiplication d’interdictions et autres « délits d’entraves à la laïcité » fera reculer les intégrismes religieux. On ne les verra évidemment pas dans le camp d’une laïcité ouverte aux Indigènes de la République, diffuseurs de haine. Mais ils ne se replient pas derrière une laïcité obsidionale qui se pose en dernier rempart de la République. Et ils seront condamnés sans appel par les tenants d’une « laïcité ouverte et inclusive » pour qui l’État est laïque mais pas le peuple, et qui se représentent ce dernier comme un agrégat de sous-ensembles juxtaposés et d’identités collectives figées, à propos desquels il serait déplacé de contester les dominations, les sectarismes et les violences. Par leur vision d’une laïcité réduite à la neutralité bienveillante de l’État à l’égard des religions, les laïques inclusifs conviennent au capitalisme globalisé. Tout autre est le rôle que La laïcité pour 2017… assigne à la laïcité.
En présentant la laïcité comme une « boussole », Cocq et Teper affirment un projet politique républicain et démocratique : celui du peuple, par le peuple et pour le peuple. À la suite de plusieurs générations militantes, ils luttent pour imposer leur interprétation populaire de la laïcité, en usant librement des sources étymologiques du mot laïcité : du grec, on tirera le peuple, son union par-delà les hiérarchies. De la source latine, on fera encore prévaloir le peuple, la masse, les gens de la base, que nul ne tient pour supérieurs aux autres… Sur un plan proprement politique, la laïcité qui s’expose dans l’ouvrage est républicaine : elle fait valoir l’esprit public et l’intérêt général, et se fonde sur l’universalité du peuple comme corps politique des citoyens libres et égaux en droits. Émancipée de l’opposition stérile entre la république et la démocratie, la laïcité qui est ici soutenue est également démocratique. Si elle œuvre pour l’émancipation de la mainmise de la religion sur les esprits, elle étend ce projet d’autonomie à la souveraineté du peuple. Le livre ne se contente d’une connivence étymologique entre les aspirations démocratiques et la laïcité. Il montre que le lien du principe de laïcité et du principe démocratique est de type historique et dialectique. Lorsque la démocratie est ébranlée, la laïcité régresse. Et, à l’inverse, les progrès de la laïcité sont historiquement accompagnés de reconstructions démocratiques. Cette dynamique tantôt descendante tantôt ascendante de la laïcité et de démocratie se cristallise dans le caractère fondamentalement social de la laïcité soutenue par les auteurs, pour qui la laïcité a partie liée aux combats pour une République sociale. Teper et Cocq se ressourcent dans Durkheim qui, malgré ses ambiguïtés, fait comprendre que l’atomisme social menace l’édifice républicain. En un moment où prolifèrent dans les médias divers sociologues et politologues réactionnaires, vendeurs de communautarisme compassionnel et manipulateurs de l’histoire, Durkheim permet de montrer pourquoi les saillies de la laïcité républicaine furent historiquement des moments d’avancées sociales, et qu’il peut en être de même demain. Continuateurs de la gauche ouvrière et laïque des XIXe et XXe siècles, Teper et Cocq estiment que la revendication de la liberté de conscience ouvre sur une « conscience de soi sociale » et un refus de se soumettre à une prétendue « fatalité des injustices sociales ». La laïcité qu’ils portent est la République sociale au sein de laquelle les droits sociaux et les protections sociales découlent des droits promus en 1789. Combats d’hier, combats à recommencer… Aujourd’hui, le retrait des services publics, l’affaiblissement d’un cadre social protecteur en matière de santé et de droit du travail, les politiques clientélistes et les pratiques maffieuses, aux antipodes de la vertu républicaine, offrent un terreau favorable aux communautarismes religieux, réfractaires aux principes républicains de liberté et d’égalité, pourvoyeurs en identités de substitution et en reconnaissances à bas prix.
Mais ce livre politique ne se borne pas à soutenir l’implication réciproque de la laïcité et du peuple, sous ses trois déclinaisons républicaine, démocratique et sociale. Il perçoit le génie historique et philosophique de la laïcité, d’être non seulement politique mais simultanément humaniste. Comme l’enseigne la philosophie politique, les grands modèles politiques engagent des visions de la société, de l’humain et du monde. Dans le cas de la laïcité, un idéal de liberté individuelle croise un projet d’émancipation collective. Une visée de l’universalité humaine, en chacun et dans l’organisation sociale, incarnée dans une histoire ouverte, oriente la laïcité. On comprend pourquoi avec La laïcité pour 2017…, l’histoire de la laïcité ne commence pas en 1905, ni en 1789. Il y a une histoire, et une préhistoire, de la laïcité, perceptible dès le XVIe siècle dans le refus des guerres de religion, des persécutions religieuses et des haines théologiques. D’abord circonscrite à la religion et à la conscience, cette levée de liberté a progressivement pris aux XVIIe et au XVIIIe siècles une tournure rationaliste et politique. Les auteurs de La laïcité pour 2017… font valoir cette richesse intellectuelle et morale de la laïcité. Délaissant les scories antihumanistes d’un structuralisme qui a mal vieilli, ils retrouvent l’humanisme universaliste de Buisson et Jaurès, et se réfèrent aux combats des Lumières contre le fanatisme, pour la liberté et la rationalité. Ils montrent qu’aujourd’hui, la laïcité a vocation à s’imposer comme l’antidote politique et intellectuel de deux maux en miroir: l’individualisme égoïste et le communautarisme grégaire.
L’ouvrage voit clair sur la réplique à opposer à l’offensive politique que mène aujourd’hui l’islamisme, qui concerne l’ensemble des démocrates puisque, comme l’écrit Gilles Kepel, « l’islamisme absolu considère le peuple souverain ou dèmos comme une idole à renverser et que la souveraineté n’appartient qu’à Allah et que la seule Loi est la charia ». Mais Cocq et Teper alertent sur les dangers d’un interventionnisme de la puissance publique, sans pour autant se retrancher derrière un formalisme juridique qui méconnaît le problème social et politique, car, écrivent-ils, « le dialogue avec les religions, qu’il convient d’avoir pour imposer le cadre républicain, ne peut se transformer en ingérence dans la bataille théologique et politique qui se mène au sein même de l’islam ». La séparation laïque des Églises et de l’État n’est pas une loi qu’il suffirait de nommer pour la voir s’appliquer. Le principe laïque de séparation n’est jamais acquis : sa mise en œuvre résultera toujours d’une volonté démocratique et d’un combat idéologique au sein des religions et hors d’elles. Le combat des catholiques laïques en faveur du droit au mariage homosexuel, malgré la Manif pour tous, ne fut-il pas, à cet égard, exemplaire d’engagement efficace ?
Ce très bon ouvrage militant est éclairant également sur l’école, autre lieu disputé dans le champ de bataille qu’est devenu la laïcité. Les laïques « ouverts et inclusifs » ont oublié que la séparation de l’Église catholique et de l’école publique a historiquement précédé la séparation des Églises et de l’État. Ils choisissent ainsi d’ignorer des pans entiers de l’histoire et de la pensée laïques car ils n’aiment pas parler de la singularité de l’école publique et de la recherche publique, saccagées par l’ultralibéralisme. Ils préfèrent opposer deux laïcités : la leur, la bonne, ouverte et respectueuse des différences ; et celle des autres, rationalistes dogmatiques et nostalgiques de la France coloniale. Ils n’ont toujours pas digéré la loi du 15 mars 2004 parce qu’elle présume que l’école publique est un lieu d’enseignement qui n’est pas comparable à l’espace public de la rue. S’ils n’ont pas renoncé à miner cette loi, ils concentrent aujourd’hui leurs forces contre l’Université qu’ils rêvent de communautariser. Ils sont en phase avec les islamistes passés à l’offensive pour y imposer une présence et une pression maximales. Ils veulent accréditer l’idée que la laïcité de l’enseignement public ne concernerait que les seuls personnels, par opposition aux usagers qui ne seraient pas concernés par la laïcité. Mais il faudrait pour cela qu’un élève et un étudiant soient de simples usagers de connaissances et des consommateurs de sciences. Comme l’écrivent Teper et Cocq, l’astriction au principe de laïcité concerne « l’activité publique d’enseignement et de recherche elle-même », pour des raisons qui tiennent à leur visée et à leurs méthodes. L’enseignement et la recherche ont un besoin vital de distance critique et de complète liberté de la pensée, sans restriction ni réserve, notamment religieuse. La rationalité et le questionnement libres forment la règle d’or de tout enseignement véritable. Durkheim observait que les premières écoles chrétiennes elles-mêmes avaient éprouvé un besoin de laïcité, de rationalité libre, dès lors qu’elles cherchaient à enseigner des connaissances, au lieu de se borner à inculquer des habitudes et des croyances. On comprend alors qu’en réclamant aujourd’hui l’extension de la loi du 15 mars 2004 à l’ensemble de l’espace public, le Front national nie, lui aussi, la spécificité de l’enseignement public. Il en est de même de la confusion de la neutralité laïque dans les services publics et dans les entreprises privées : en prétendant élargir la laïcité aux entreprises privées sur le modèle des services publics, on sape les fondements républicains du service public voué à l’intérêt général et on consacre la logique de privatisation du secteur public.
Avec La laïcité pour 2017…, la laïcité se place au carrefour de plusieurs formes et régimes de liberté, avec la recherche du maximum de liberté pour tous. Le mouvement réactionnaire de la Manif pour tous contre l’égalité des droits et la reconnaissance de l’émancipation individuelle au regard des orientations sexuelles, a trouvé face à lui la laïcité militante de la liberté personnelle et d’une société émancipée des morales religieuses, les interdits et les prescriptions religieux ne pouvant, d’après elle, s’imposer qu’à ceux qui y croient. Cocq et Teper rappellent que la laïcité implique le droit de pratiquer paisiblement et collectivement son culte mais aussi celui d’interpeller « par la voix de la raison, la religion, les religions, toutes les religions ». Ils ne renient pas le code génétique de la laïcité : la revendication du libre examen, et une résistance opposée au fanatisme religieux et aux guerres qu’il suscite, aggrave, ou justifie. À l’exemple de Spinoza, la laïcité veut une société de paix par la liberté individuelle et collective. Le livre rappelle qu’en France, la laïcité fut à l’origine de la loi sur les associations de 1901 qui renforce les possibilités de créer du commun dans le peuple, par-delà les conceptions spirituelles. La Laïcité pour 2017 et au-delà est à lire avec attention et à diffuser sans modération.

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Un peu de pédagogie sur le délit de blasphème

par ReSPUBLICA

 

Nous vous recommandons deux textes :

  • Un bref point de vue de Michel Seelig dans le Républicain Lorrain, précisant ce que signifie l’abolition du délit de blasphème en Alsace-Moselle, suite à un récent vote du Sénat : seelig-blaspheme. Le président du Cercle Jean-Macé rappelle : “Nous pouvons nous moquer d’une religion, idéologie parmi d’autres. Nous n’avons pas le droit d’injurier les personnes qui la pratiquent. La différence n’est pas qu’une simple nuance. Dommage que tous ne la perçoivent pas.

Extrait : Un blasphème est un discours jugé insultant à l’égard de ce qui est vénéré par les religions ou de ce qu’elles considèrent comme sacré. Mais “le blasphème n’est scandaleux qu’aux yeux de celui qui vénère la réalité blasphémée” a dit Pierre Bayle au XVIIème siècle. Aucune loi n’institue un espace sacré dont le contenu serait placé hors du champ de la loi librement débattue. Il n’y a donc pas de blasphème “objectif”. La notion de blasphème étant strictement religieuse, il existe du point de vue d’une société laïque une liberté de pensée et d’expression qui ne reconnait pas la limite de l’espace imaginaire déclaré comme sacré par les religions. Il n’y a donc pas de droit au blasphème puisque le blasphème n’a aucune réalité ni dans l’ordre de faits observables ni dans l’ordre juridique. Le « droit au blasphème » est donc aussi total que celui d’injurier le Père Noël.

 

 

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Budget 2017 : l'offensive chaviste…

Ce qu'on ne dit pas sur le Venezuela

par William Serafino

 

Les médias-système recommencent à s’exciter sur le Venezuela… Vieilles ficelles : montrer les manifestations de la droite sans montrer les marches populaires qui défendent la révolution bolivarienne. Parler de crise humanitaire alors même que de nombreux produits reparaissent peu à peu dans tout le pays. Occulter le fait que face à la guerre d’un secteur privé jusqu’ici quasi monopolistique, le gouvernement a construit un vaste système public de production, commercialisation et distribution alimentaires qui commence à porter ses fruits.
Le budget très social de 2017 ayant été rejeté d’emblée par la droite – majoritaire à l’Assemblée Nationale – le président vénézuélien l’a soumis au Tribunal Suprême de Justice qui l’a validé. Explication par William Serafino de Misión Verdad.

Ce qu’on ne dit pas sur le budget…

  • Le calcul des ressources générées par l’exportation de produits pétroliers sur la base du prix international de 30 dollars le baril, ne garantit pas seulement la capacité de l’Etat vénézuélien de couvrir une part importante des dépenses (malgré un -toujours possible- scénario de contraction des prix sur le marché énergétique mondial à court ou moyen terme). Il permet aussi d’avoir une marge suffisante dans le cas contraire d’une stabilisation des prix au-dessus de 50 dollars le baril en 2017; c’est d’ailleurs ce que projettent les ministres de l’énergie de pays comme l’Iran et la Russie pour leur propre budget. Le gouvernement bolivarien a établi un budget permettant d’assurer, dans la pire des hypothèses, les services publics tels que la santé, l’éducation, le paiement des salaires et des pensions ainsi que les investissements sociaux ou  en infrastructures.
  • L’investissement dans les programmes sociaux équivaut à 73,6 % du budget 2017 alors qu’il n’était que de 42 % en 2016 ; à titre de comparaison, un pays comme l’Espagne, érigé en modèle de planification, ne consacre que 0,65 % de son budget à l’Education, 1,11 % à la Santé, 4,73 % aux services publics et 0,5 % aux services sociaux. On constate la même tendance pour des pays considérés comme des modèles en Amérique latine : la Colombie et le Mexique. Selon des sources autorisées, en 2015, si l’on s’en tient au domaine de l’Education, l’Etat colombien n’y avait consacré que 10 % de l’ensemble de son budget ; et le Mexique a réduit les dépenses de 5 milliards 697 millions de pesos soit d’environ 9 %, tout en supprimant  au passage 14 programmes scolaires. Décidément, le néo-libéralisme ne paie pas…
  • Le point névralgique du budget 2017 de la Nation repose sur l’indépendance des ressources pétrolières pour pouvoir se financer. 83 % sera assuré par le recouvrement interne du SENIAT (service de perception des impôts) et les 17 % restant par la vente internationale du pétrole, à quoi s’ajouteront à hauteur de 11,9 % du budget total les dividendes produits par les entreprises et les banques d’Etat. Les services publics et les programmes sociaux ainsi que l’augmentation de 413 % de la dotation constitutionnelle aux mairies et aux gouverneurs seront maintenus grâce à l’activité économique interne à laquelle sera appliquée l’augmentation des taux de recouvrement impositif (ISRL, impôt sur le luxe, droits d’importation, etc…) ; cette dernière procède du paquet de lois organiques lancé par le président Maduro au début de cette année et vise à taxer davantage les grands patrons et autres riches contribuables.

Les tendances suicidaires de la droite vénézuélienne.

Au-delà de l’économie il y a les facteurs politiques. Ce sont les plus importants car ils dessinent les traits et les caractéristiques du conflit actuel au Venezuela.

La MUD (coordination de la droite), qui engage de grands groupes économiques nationaux ou internationaux  par les discours qu’elle émet  -ou omet-  depuis l’Assemblée Nationale, se frottait les mains à l’idée de paralyser l’Etat par un refus d’approuver et d’appliquer le budget 2017.

Elle ne pensait pas en termes d’ « infaisabilité technique » sur le plan économique, mais en termes de gain politique : arriver à  imposer politiquement au chavisme son propre agenda et son propre rythme.

Mais elle s’est elle-même mise entre le mur et l’épée. Elle a passé outre les normes du Tribunal Suprême de Justice (TSJ) et a autoproclamé une majorité qualifiée de 112 députés malgré la fraude électorale avérée dans l’état d’Amazonas le 6 décembre dernier. La décision des députés chavistes de solliciter l’arbitrage du  TSJ est une façon de refuser les fraudes de la droite.

Cette droite parlementaire invoque l’ « illégalité » de la présentation du budget de la Nation 2017 devant le TSJ, veut juger Nicolas Maduro et le TSJ, et argue du fait que la décision « viole » plusieurs articles de la Constitution. L’ironie étant qu’en 10 mois elle s’est déjà bien chargée de violenter chaque règle légale du jeu juridique, économique et politique.

Au-delà du budget : la capacité politique du chavisme

Derrière le budget 2017 de la Nation et au-delà des aspects stratégiques commentés ci-dessus, il y a une signification politique globale qui ne peut se réduire à des considérations techniques et encore moins économique.

L’Etat de droit et ses institutions représentatives traditionnelles entrent en crise. Ce processus a débuté au Venezuela en 1989 et n’a jamais cessé depuis. Mais ce n’est pas un symptôme local ; cette crise politique est globale.

Pour preuve les coups d’Etat au Honduras, au Paraguay ou plus récemment au Brésil où les parlements ont été instrumentalisés afin de procéder à un changement rapide de régime et au démantèlement de l’Etat au service des grandes multinationales. Ou encore, en Colombie, un Alvaro Uribe Velez brisant le consensus des élites politiques et financières en imposant le NON au référendum sur les accords de paix avec la guérilla des FARC, via ses puissants lobbies médiatiques et ses réseaux paramilitaires.

Si le chavisme perdure au pouvoir c’est bien parce qu’il a su tirer les leçons des expériences récentes de coups d’état parlementaires. Le pouvoir est une question de rapports de forces, pas d’ « équilibre des pouvoirs ». Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à voir toutes les tentatives  de sanctionner le Venezuela dans le cadre de l’OEA, la politique systématique de sabotage financier contre le pays, le soutien au décret Obama, l’asphyxie économique appliquée par Fedecamaras et ses acolytes.

Ce sont les mêmes, avec un tel passif,  qui exigent maintenant que le chavisme leur soumette sur plateau d’argent la décision d’approuver ou non le budget 2017 de la Nation,  ou qui refusent de reconnaître une décision de justice invalidant la collecte de signatures pour fraude massive de l’opposition. Allez raconter ça à une autre Dilma !

Dans cette course effrénée contre la montre, où la droite n’a pas su capitaliser sa victoire aux législatives de décembre 2015 et voit avec effroi une possible sortie de la crise économique, le chavisme a pris un temps d’avance.

Texte : William Serafino
Traduction : Jean-Claude Soubiès

Source: http://misionverdad.com/la-guerra-en-venezuela/presupuesto-2017-ofensiva-chavista-y-los-alaridos-de-la-legalidad-burguesa



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