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Laïcité : l’enlisement communautaire du pluralisme scolaire

par Eddy Khaldi

 

Faut-il s’interdire de poser la question du pluralisme scolaire financé par la puissance publique et se résigner ainsi à ne plus aborder et ses conséquences sur le démantèlement de l’Education nationale et la laïcité de l’Etat ?
Exclure, aujourd’hui, le pluralisme scolaire de la laïcité est un piège pour l’Ecole, pour la République et les institutions de la République.
Il y a comme une incohérence à prétendre défendre les principes de la loi de séparation en faisant silence sur le pluralisme scolaire. Et, il y a cohérence entre la promotion, dès 1986, de  la « laïcité plurielle » et la revendication du pluralisme scolaire.
La laïcité est un principe constitutionnel, on ne peut la cantonner à gérer exclusivement des questions de société, dont la place de l’islam dans l’espace public, et nier les questions institutionnelles posées par le financement public de réseaux scolaires confessionnels.

Le dogme contre la liberté de conscience, former pour conformer

Au nom d’une dénaturation du principe de la laïcité, certaines organisations revendiquent la prééminence de l’appartenance religieuse sur les principes de citoyenneté et de liberté de conscience des jeunes. Au nom de leur logique communautaire, ils se sont évertués à réécrire la charte officielle de la laïcité à l’Ecole du Ministère de l’Education nationale en y supprimant 12 fois le terme « laïcité » pour lui substituer 7 fois dans la « La charte de la laïcité expliquée aux enfants » les termes « religion » ou « religieux » ; Le vocable laïcité est seulement maintenu, bien évidemment, dans le titre de la charte revue et les deux sous-titres. Il eût été difficile de les supprimer dans les intitulés ce document destiné à expliciter la laïcité.
Ne surfent-ils-pas sur l’approche consumériste de l’école enfermée, depuis 1984, dans une stratégie politique du « libre choix » revendiqué par les tenants de l’enseignement privé ? Depuis lors certains se sont évertués à faire silence sur les conséquences institutionnelles, économiques et sociales de la question du pluralisme scolaire financé par la puissance publique.

D’autres entretiennent un prétendu catastrophisme permanent, de l’école publique, instrumentalisé et revendiquent « la parité » des moyens de l’enseignement public et enseignement privé confessionnel et récusant la disparité des obligations au nom de leur « liberté d’enseignement ». Une dérive aujourd’hui avérée et caractérisée, qui de fait, s’organise autour d’une alliance des libéraux avec les tenants d’une politique scolaire concordataire, et s’accompagne d’un retour vers les temps anciens de la mainmise de l’Église sur le corps social pour l’élargir demain à d’autres communautés religieuses ou non. Peut-on dénoncer les dangers du communautarisme en occultant sa légitimation institutionnelle dans le champ scolaire ? Ces anachroniques velléités  se manifestent de nos jours, avec un enseignement confessionnel à nouveau reconnu, près d’un siècle et demi après, comme un « service public », qui ignore et bafoue la laïcité de l’État. Prétendre « faire partie du service public », sans la laïcité, procède en effet, à tout le moins, d’une vision cléricale qui méprise la liberté de conscience de citoyens en devenir autant que la neutralité de l’État, et préfigure une logique d’organisation de l’école et de la société, sur le mode communautariste.

La loi Debré, brèche dans la séparation des Eglises et de l’Etat,
l’Etat missionnaire de l’Eglise

La loi Debré de 1959 a institutionnalisé une première entorse consistant à faire admettre ce postulat : « À école publique ou privée,  fonds publics. » Cette première dérive, déterminante, a permis à l’Église catholique, en dépit de la loi de séparation de 1905, de faire financer une visibilité sociale, par la concession de près de 20 % du système éducatif, et d’ainsi renouer avec un rôle politique officiellement perdu depuis 1905. La loi Debré présente une originalité singulière, celle d’offrir à quiconque, sans problème, la possibilité de l’interpréter à son profit. Le principal bénéficiaire de cette entorse juridique, est assurément pour l’heure l’Église, qui l’atteste cyniquement en petit comité : « La loi Debré est un texte qui a vécu. Il a été, en quelque sorte, réinterprété par la pratique sans qu’on en change pour autant la moindre virgule. »1 Une telle logique conduit l’État à entretenir, aujourd’hui, au moins, plusieurs réseaux, fatalement concurrentiels demain. Ainsi, l’Etat consacre le pluralisme institutionnel et idéologique où la logique privée libérale, machine de guerre lancée à l’assaut du service public, capte, sur fonds publics des parts de marché. Peut-on dès lors, occulter précisément cette question du pluralisme scolaire, qui fait de l’école un nouveau et précieux support pour la marchandisation et le prosélytisme subventionné ?

Dans Libération, le 28 décembre 2009, Bernard Toulemonde allait jusqu’à affirmer : « Je pense qu’on peut dire, honnêtement, que cette loi – Debré – est profondément républicaine ». Le même  Bernard Toulemonde qui, auprès de Savary en 1981, fut chargé du dossier « Public-privé » et auprès de Jack Lang, lui-même, auteur d’un bon nombre d’entorses aux principes républicains… Aujourd’hui, Bernard Toulemonde dans son tout récent livre, de décembre 2016, Et si on tuait le mammouth ?  – quel aveu ! – appelle à une désintégration de l’enseignement public en prenant modèle sur les établissements privés donnant ici des arguments à ceux qui promettent, demain, une saignée de la fonction publique, dont l’Ecole publique ne serait pas épargnée.

Ce développement d’un système pluriel d’enseignement financé par la puissance publique tend à aligner inévitablement, c’est le but recherché aujourd’hui, l’école publique sur le mode de gestion et de fonctionnement d’une école privée et catholique. Et ceci alors même que les termes de la concurrence sont faussés par le fait que cette dernière, bénéficie  au nom de « sa liberté » de l’exonération des contraintes de service public, sans cahier des charges et avec des marges de manœuvre lui permettant de sélectionner une « clientèle » homogène , issue de familles  socialement favorisées. Et de gagner au passage, après maintes sélections dissimulées, quelques  places lucratives au palmarès des établissements les mieux prisés, confortant ainsi  une  image lisse  et attractive de réussite éducative après avoir séparé « le bon grain de l’ivraie ». En effet, tout en dissimulant sa fonction originelle et missionnaire, l’école confessionnelle n’a l’espoir de prospérer aujourd’hui qu’en se posant en élément de comparaison et en posture de recours, vis-à-vis d’un enseignement public dénigré à dessein.  Derrière l’alibi pédagogique et les réussites acquises sans risque, le triomphe de la compromission libérale de l’enseignement catholique et réciproquement, le triomphe de la compromission catholique des tenants de l’éducation libérale, imposent en l’absence de tout débat démocratique, un retour dans une ère éducative passée, étrangère aux valeurs républicaines, dans un silence complice et coupable, des responsables politiques.

Et l’enseignement sous contrat, très discret lors de ce quinquennat, pour conserver les privilèges obtenus précédemment, fort de cette complicité avec la droite libérale et renforcé par le silence à gauche, trouve, là, une chance inespérée de se développer bien au-delà de son caractère confessionnel, pourtant censé le justifier et qui, loin de faire florès, lui offre la possibilité de capter la clientèle produite par le dénigrement systématique du service public.

Qui peut encore croire, dans un tel contexte, que la question du pluralisme scolaire soit apaisée, obsolète, dépassée ?  Aggravé par une escalade tout au long de ces trente dernières années, le pluralisme scolaire, vecteur décisif de cette privatisation rampante du service public d’éducation, est financé de façon croissante par l’ensemble des collectivités. L’organisation du communautarisme scolaire en réseaux confessionnels d’enseignement, financés par la puissance publique, incarne en retour cette « laïcité ouverte » aux religions reconnues par l’État, ouvrant ainsi une brèche dans la séparation institutionnelle des Églises et de l’État de la loi de 1905. Comme si cette dernière, socle de l’authentique laïcité républicaine, pouvait en quelque façon être qualifiée, par opposition, de « laïcité fermée ».
Cette mise à mort du service public et laïque d’éducation, sous les feux de ce nouveau cléricalisme, prélude-t-elle lors des prochaines échéances électorales ?

De la « laïcité plurielle » au pluralisme scolaire

Les bâtisseurs ont conçu notre école publique comme inséparable de la défense de la République, ses ennemis d’hier, libéraux et cléricaux, prennent aujourd’hui leur revanche, avec la consécration d’une école fondée sur des particularismes religieux, linguistiques ou autres, et sur un modèle de fonctionnement antérieur à la loi de séparation des Églises et de l’État. Le pluralisme scolaire financé par la puissance publique, loin de figurer ce débat « dépassé », dont  d’aucuns, complices ou inconscients, se gaussent aujourd’hui avec une coupable inconséquence, engendre désormais plusieurs menaces. Une menace d’abord, sur la cohésion de la nation. Ensuite, un risque de privatisation du service public par démantèlement de l’Éducation nationale. L’enseignement catholique dont on flatte abusivement la mission comme relevant d’un « service public », alimente donc une stratégie libérale. L’enseignement privé sous contrat, par son mode de gestion, constitue le levier idéal vers une privatisation rampante. Cette menace déjà préoccupante, se double d’une seconde, qui plane non seulement sur la laïcité de l’école, mais également, sur celle de l’État lui-même. En effet, lorsque devient légale une telle concurrence, financée par l’État, contre ses écoles publiques, la nation ne peut plus s’identifier à son école laïque. L’enjeu de ce débat sur l’enseignement privé est le développement d’une conception libérale de l’enseignement, ouvrant la voie à l’établissement de la concurrence entre privé et public pour organiser l’école selon la loi du marché, gestion dans laquelle la considération religieuse  n’est pas inexistante. Cette politique remet finalement en question, jusqu’à la définition même de la République française. Certes, la République n’est plus aussi directement exposée qu’elle a pu l’être en diverses occasions de son histoire, de ses débuts, à l’obscure parenthèse de Vichy. Cependant, en changeant ainsi radicalement la conception de son école, de ses finalités, de ses missions, et organisation, c’est l’âme même de cette « République laïque et sociale », rétablie après-guerre, qui est altérée par le détournement actuel des principes d’égalité, de laïcité et de liberté de conscience.

L’omerta sur le pluralisme scolaire, financé par la puissance publique, ne fait que gangrener notre société, il la fractionne dangereusement en aggravant les discriminations et de surcroît engendre des surcoûts préjudiciables à l’ensemble de la population scolaire et à tous les citoyens qui financent cette aberration.

Accaparer des moyens publics

Une publication de la Fédération Nationale de la Libre Pensée transmise avec ses vœux pour 2017 dénonce  près de 7.5 milliards d’euros détournés pour le financement de l’enseignement privé du premier et second degré dans le budget du ministère de l’Education nationale. Ce détournement n’est qu’une partie infime d’un financement public de plus en plus difficile à identifier.

 Mais, il faudrait ajouter aux 7.5 milliards du budget de l’Education nationale, plus de 11.5 milliards de fonds publics et parapublics soit un total de subventions qui représentent plus 19 milliards d’euros par an. En effet, aux termes des lois de décentralisation de 1982 et 2004 relatives à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat, ces collectivités locales ont hérité de nouvelles charges. Ainsi, en 2014, ces collectivités locales  ont alimenté les caisses de l’enseignement privé pour 3,3 milliards d’euros. A cela il convient d’ajouter d’autres financements publics comme l’indique le document de 2016 « Repères et références statistiques »2 de l’Education nationale : 918 millions d’autres ministères et 416 millions d’administrations publiques diverses, soit un total de 1.43 milliards. Ce même document indique aussi les financements publics des entreprises par le biais pour la plus grosse part de la taxe d’apprentissage et de la formation continue du privé pour 4.2 milliards. Il y a aussi le financement par les ménages des établissements privés dont les 4 milliards peuvent être défiscalisés à hauteur de 66 %3 soit 2.64 milliards de réduction d’impôts  possible.

Cette défiscalisation des dons a été organisée entre 2008 et 2011. La « Fondation pour l’école » a bénéficié, peu après sa création, le 18 mars 2008, d’un décret sa reconnaissance d’« Utilité publique ». De plus, la « Fondation pour l’école », vient de se voir reconnaître par le ministère de l’Intérieur et de l’éducation nationale, le 4 août 2011, la capacité d’abriter des fondations en son sein. En devenant « fondation abritante », à l’instar de la Fondation de France, la Fondation pour l’école devient une des rares fondations françaises capables de proposer aux grands bienfaiteurs (particuliers et entreprises) de créer une fondation sous égide dans le domaine de l’éducation. Par décret du 16 février 2010, Luc Châtel, quant à lui, consacrait la « Fondation Saint Matthieu »4, nouvellement créée et officiellement liée à l’épiscopat et à l’enseignement catholique. L’extrait de la plaquette de présentation est explicite : « Les évêques de France, l’AEE Ile-de-France, et le secrétariat général de l’enseignement catholique ont décidé de créer la Fondation Saint Matthieu pour l’École Catholique. Cette initiative s’inscrit dans la continuité des efforts menés depuis toujours par les chrétiens pour répondre à l’urgence de l’éducation. »

Quel citoyen ne trouverait pas indécent de revendiquer la prise en charge, par la collectivité publique, de sa course en taxi au motif qu’il refuserait d’emprunter les transports en commun ? Quel citoyen oserait prétendre illégal le refus de financement public de son transport privé, pour la raison saugrenue, qu’il porterait atteinte à sa liberté fondamentale d’aller et venir ? C’est cependant le raisonnement fallacieux entretenu sans complexe, par ceux qui, abusivement, laissent entendre  que leur « liberté d’enseignement » impose un subventionnement public. Etre enseigné à domicile ou dans un établissement hors contrat interdit tout subside public, et relève pourtant de la même « liberté d’enseignement ». Cette imposture autour d’un tel détournement politique de la notion de « liberté d’enseignement », donne à l’éducation ce triste privilège, d’être le seul service public pour lequel l’État finance sa propre concurrence, au détriment de l’intérêt public, qui plus est au profit presque exclusif d’une religion. Avec ici, pour effet, destructeur du vivre ensemble, de démanteler l’école de la République.

Le pluralisme scolaire financé par la puissance publique n’est pas un débat « dépassé ». Il menace de privatisation du service public par démantèlement de l’Education nationale selon le principe des vases communicants. L’enseignement privé, aujourd’hui presque exclusivement catholique, et demain multiconfessionnel ou pluricommunautaire, prétend assurer abusivement « une mission de service public ». Il alimente ainsi, selon les circonstances et au gré des gouvernements, une stratégie libérale qui ne pourrait pas organiser, sans ces complicités qui visent la privatisation pure et simple du service public de l’éducation.

L’enseignement privé sous contrat, par son mode de gestion, constitue le sas idéal pour cette privatisation. L’enseignement privé sous contrat permet de capter les besoins scolaires et ainsi contourne l’obligation constitutionnelle d’organiser l’école publique dont l’Etat peut alors s’exonérer. Dans cette privatisation par substitution le privé doté de financements publics  répond plus vite parce qu’il peut du fait de son statut privé et au nom de « sa liberté » se libérer des contraintes inhérentes à l’intérêt général et aux principes institutionnels afférents au service public : égalité devant l’accueil, gratuité, continuité et mutabilité.  Ce n’est plus seulement le « caractère propre » qui le légitime mais une logique libérale assumée mais non identifiée comme telle.

Un enseignement catholique surdimensionné

Menace pour l’égalité des citoyens, lorsque l’Etat finance sa propre concurrence au profit d’établissements scolaires privés communautaristes, il porte atteinte à ses principes constitutionnels : « La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat. » De surcroît, il participe à financer les inégalités. En France cet enseignement privé alimenté presqu’exclusivement sur fonds publics est un facteur important de discrimination sociale. Ces éléments statistiques sont consultables sur le site de l’Education nationale dans l’édition 2016 de « Repères et références statistiques sur les enseignements, la formation et la recherche ». Les établissements privés scolarisent davantage d’élèves appartenant aux catégories sociales « favorisées » ou « très favorisées »5 avec une sous-représentation des élèves issus des catégories sociales « défavorisées ». Il y a plus de deux fois et demie de boursiers dans le public que dans le privé. Les publics favorisés en constante augmentation dans le privé, alors que les publics  défavorisés sont en forte régression dans ce même secteur.

De plus, les établissements privés sont de plus petite taille, avec des effectifs réduits par classe. Ainsi, les lycées généraux et technologiques du public ont 29,7 lycéens par classe et le privé seulement 26,1. Une multitude de petits  lycées professionnels privés  soient 44,1 %  ont moins de 100 élèves, et seulement 1.1 % dans le public. 84,1 % des lycées professionnels privés ont moins de 300 lycéens Dans cette myriade de lycées privés à effectifs très réduits, 12.3 % des classes du second degré privé (2 % pour le public) ont moins de 14 élèves et 21,3 % (6,8 % pour le public) moins de 19 élèves. De fait,  les lycées publics ont en moyenne 970 élèves et les privés seulement 400. Un nombre très important de lycées privés 41 % du total public privé pour seulement 22 % de la population scolaire. Cette photographie récente est pour le moins explicite.

Un lobby clérico-politico-économique

Menace sur la laïcité de l’école et de l’Etat lorsque la concurrence, financée par l’Etat, contre ses écoles publiques est légale, l’Etat ne peut plus s’identifier à son Ecole laïque. Cette prétention, que les écoles catholiques  remplissent une « mission de service public », sans la laïcité, l’égalité relève d’une vision cléricale de la société. L’école catholique, qui, en plus, est en réseau, constitue ainsi un système institutionnel structurant autour de l’Eglise s’inscrit bien dans une logique communautaire de la société. Elle revendique cette obsession communautariste à peine dissimulée et instrumentalisée par le « libre choix des familles » L’organisation du communautarisme scolaire en réseaux confessionnels d’enseignement, financés par la puissance publique, incarne cette forme de « laïcité plurielle », « laïcité positive » et « laïcité ouverte » aux religions que l’Etat, en dérogation à la loi de séparation est intimé à reconnaître institutionnellement. Le pluralisme scolaire est donc bien une brèche dans la séparation institutionnelle des Eglises et de l’Etat de 1905.

Ce pluralisme scolaire, au profit presque exclusif d’établissements d’enseignement privés catholiques, demeure, jusqu’à ce jour, un instrument majeur de l’offensive néolibérale et néo cléricale. Ainsi, le silence entretenu sur cette question laisse une porte ouverte à l’emprise du marché dans l’éducation et à la communautarisation de l’espace scolaire. Certains, au nom du « libre choix » revendiquent de cultiver leur système élitiste financé par la puissance publique et vont même à considérer l’égalité comme une injustice.

Les DDEN et d’autres militent pour l’égalité en éducation, non celle des groupes ou des communautés mais celle des citoyens. Sinon, on introduit une différence des droits entre groupes. Ainsi, on dénature le concept de service public expression de l’égalité des citoyens et non des communautés.  On ne cesse de nous asséner la laïcité ne pose aucun problème, le pluralisme scolaire est dépassé.

Gambetta ne disait-il pas : «  En éducation comme en politique, il y a deux erreurs à éviter dans notre jugement sur le catholicisme : l’une est de croire qu’entre l’Eglise et l’Etat laïque la lutte est sur le point de cesser ; l’autre, qu’elle va continuer dans les mêmes conditions. » Et Marceau Pivert (L’Eglise et l’Ecole,  2010 Demopolis) démontrait le lien entre l’ecclésial et le social à fins d’évangélisation de la société, et sa visée de perpétuation de la domination : « Toute Église tend à devenir une institution de classe, et par suite un instrument de classe, puisque, dès que la lutte des classes pénètre dans l’histoire, l’autorité spirituelle de l’Église est forcément utilisée par la classe dominante comme moyen de conservation et de coercition. » 

L’enseignement privé catholique fait croire à l’opinion qu’il incarnerait l’alternative aux carences, en partie, présupposées de l’enseignement public. S’il est certes à regretter que dans son fonctionnement quotidien, l’enseignement public ne parvienne pas toujours à corriger les inégalités en dépit de l’idéal de sa mission, il faut bien comprendre en revanche, que les établissements privés contribuent, eux, à entretenir ces inégalités et même à les aggraver structurellement.  L’enseignement catholique s’approprie et épouse sans décence l’essentiel des demandes individuelles du libéralisme éducatif pour faire financer sans scrupules sur fonds publics la concurrence scolaire. Ces stratégies individuelles du « libre choix » sont détournées, en réalité, vers l’adhésion à un projet confessionnel imposé abusivement. Dans une logique consumériste ne qualifient-on pas ces méthodes de « publicités mensongères » ?

L’école prétendue « libre » n’entend pas s’assumer hors du concours de l’Etat de plus en plus sollicité. Ce dernier sait pertinemment qu’au nom de la sacro-sainte « liberté », il  ne pourra juridiquement exiger en contrepartie toutes les missions et obligations assumées par le service public d’éducation. Ce remariage de l’Eglise et de l’Ecole ouvre une brèche dans la séparation des Eglises et de l’Etat.

La loi du 31 décembre 1959 qui régit « les rapports entre l’Etat et les établissements d’enseignement privés », avec l’adjectif « privés » au pluriel, qui s’accorde avec « établissements » et non « enseignement », s’avère à l’usage, aujourd’hui un authentique « concordat scolaire » passé avec l’Eglise catholique. Les notions « d’école catholique » ou « d’enseignement catholique » ne figurent dans aucun texte législatif. Ces structures ne sont reconnues que par le droit canon de l’Eglise. Jusqu’en 2008, ce réseau fonctionnait sous tutelle d’une commission informelle de l’épiscopat encadrée par un évêque6. Désormais, après l’adoption de nouveaux statuts en juin 2013, cette entité « enseignement catholique » est un service direct de la « Conférence épiscopale de France » institution suprême de l’Eglise catholique. Les établissements catholiques prétendus « libres » et « autonomes » sont en fait, muselés par un nombre impressionnant de structures privées, fortes de quelques milliers d’agents… À titre d’exemple, la seule direction diocésaine de Vendée emploie  plus de 60 personnes qui, sans autre légitimité qu’ecclésiale, doublent les structures administratives académiques et régionale de l’Education.

L’école catholique, ultime intervention sociale de l’Eglise

Ainsi, l’Eglise catholique, soutenue par les forces libérales, vise à déstructurer le service public d’éducation, et n’accepte toujours pas l’Ecole du peuple, ouverte à toutes et tous. Bien des catholiques contestent pourtant, cette « mission » d’une Eglise tournée vers le passé. Mais ils n’ont pas le soutien de leur Hiérarchie, complice de tous ceux qui, idéologiquement, combattent les institutions et les services publics. Ainsi, l’association Chrétiens pour une Église dégagée de l’école confessionnelle (CEDEC) s’interroge : « Les chrétiens ont-ils besoin d’un milieu scolaire protégé ? Où sont aujourd’hui 95 % des enfants d’immigrés, de chômeurs ? Où sont les boursiers et la plupart des enfants en grande difficulté intellectuelle ? » Le CEDEC milite également pour que la laïcité soit « de plus en plus un facteur essentiel de paix civile. Elle reste le meilleur moyen de lutter contre les intégrismes. »7 Les militants du CEDEC disent se sentir «  humiliés quand l’Eglise catholique contribue, par le comportement des responsables de cette école confessionnelle, à appauvrir l’école publique – école de la Nation ». (Communiqué du 16 août 2010  du CEDEC.)

Seule l’intervention de la puissance publique, affranchie de toute tutelle, ecclésiale ou autre, sans distinction d’origine, sociale, culturelle ou autres convictions des élèves, peut garantir l’égalité de leurs chances. Il ne s’agit en aucun cas de dissoudre ni les identités ni les libertés fondamentales, mais de revendiquer d’abord la liberté de conscience. La nécessité s’impose de construire un cadre législatif seul à même de permettre l’épanouissement de  toutes les diversités.

L’Ecole fait, aujourd’hui, en partie défaut. Elle manque à son devoir, d’œuvrer à l’éducation et à la formation de citoyens en devenir, maîtres de leur destin et capables d’autonomie de jugement en vue de leur émancipation.

La République doit-elle financer une école privée particulière instrument de différentiation sociale et porter atteinte à ses principes constitutionnels de liberté d’égalité de fraternité et de laïcité ?

  1. Colloque de l’enseignement catholique le 5 mai 2010 au lycée La Mennais à Ploërmel. []
  2. http://cache.media.education.gouv.fr/file/2016/97/5/depp_rers_2016_614975.pdf  voir page 335. []
  3. Pour l’impôt sur le revenu, 66 % des dons permettent de réduire l’impôt (dans la limite de 20 % du revenu imposable). Pour l’ISF, le pourcentage s’élève à 75 % dans la limite de 50 000 euros depuis la loi Tepa du 21 août 2007. []
  4. « La Fondation a pour mission de concourir aux besoins d’investissement de nature immobilière (rénovation, mise aux normes, extension et acquisitions de locaux) et à l’entraide au sein des établissements de l’Enseignement Catholique. ». []
  5. « Un fils de cadre supérieur à quatre-vingts fois plus de chances d’entrer à l’Université qu’un fils de salarié agricole et quarante fois plus qu’un fils d’ouvrier et ses chances sont encore deux fois supérieures à celles d’un fils de cadre moyen » Bourdieu, P. et Passeron, J. C. Les héritiers. Editions de Minuit, 1964. []
  6. CEMSU : commission épiscopale du monde scolaire et universitaire []
  7. Extrait de la lettre adressée par le CEDEC (Chrétiens pour une Église dégagée de l’école confessionnelle) à l’épiscopat en juin 2000 après le congrès des APEL en mai 2000 à Vannes. []
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Pour nos retraites, merci Fillon, Macron et Hamon ! 

par Bernard Teper

 

La DREES a publié une étude sur les effets des réformes des retraites entre 2010 et 20151. Nous savions déjà que le mouvement réformateur néolibéral avait fait perdre à terme 20 points de retraite à cause de la réforme Balladur de 1993. Merci Fillon d’avoir soutenu Balladur ! Nous savions très bien que la réforme Fillon (déjà lui !) avait fait baisser les retraites des fonctionnaires et des régimes spéciaux, respectivement en 2003 et 2008. Merci Fillon ! Maintenant, nous savons que le PS et ses élus ont aussi mis la main à la pâte pour faire baisser les retraites.

Les augures nous avaient déjà prévenus : le capitalisme, aujourd’hui et contrairement à la période précédente, ne peut survivre qu’en baissant la masse des salaires, tant directs que socialisés. Donc les néolibéraux, ou si vous voulez mieux les défenseurs du capitalisme, qu’ils se disent de gauche ou de droite, sont contraints d’aller en ce sens.

Déjà, la note de la DREES nous dit que ces réformes de 2010 à 2015 (donc dues entre autres à Fillon, Macron et Hamon !) ont en même temps fait baisser, non seulement nos retraites, mais aussi leur part dans le PIB. La part des retraites dans le PIB est aujourd’hui de 12,2 %, soit près d’un point de moins (plus de 20 milliards !) par rapport à ce dont les retraités auraient bénéficié sans les réformes. J’espère que l’oligarchie a remercié tous ceux qui ont œuvré à cela, ou l’ont accepté.
En tous cas, trois de ceux-là sont à concourir pour la présidence de la République.

Rappelons que la réforme de 2010 (merci Fillon !) a relevé l’âge de l’ouverture des droits à la retraite de 60 à 62 ans et l’âge d’annulation de la décote de 65 à 67 ans. Conséquence : un an et demi de moins de retraite! Merci Fillon !

La réforme de 2014 sur l’allongement de la durée requise pour avoir droit au taux plein2 a diminué le temps de retraite de 4 mois et diminué la pension de 1,1 %. Merci Macron et Hamon ! Les autres mesures (ANI et AGIRC-ARRCO) de 2011 (Merci Fillon !), 2013 et 2014 (merci Macron et Hamon !) ont entraîné une diminution du montant des pensions de plus de 1,1 %.

La note de la DREES montre par ailleurs que la « pension cumulée sur le cycle de vie » a baissé, à cause des réformes menées entre 2010 et 2015 (merci Fillon, Macron et Hamon !) de 1,3 % pour la génération de 1950, de 4,2 % pour celle de 1960, de 5,9 % pour la génération de 1970 et de 4,5 % pour la génération de 1980.

Quant aux femmes, elles perçoivent à la liquidation de leur retraite une pension en droit direct (hors pension de réversion) de 40 % de celle des hommes. On peut donc créditer Fillon, Macron et Hamon de n’avoir rien fait contre cette inégalité flagrante ! Ils pensaient peut-être que la loi sur la parité devrait leur suffire !

Et on constate, quelle surprise, que les pauvres sont plus touchés que les riches !

Pour l’ensemble des réformes étudiées, l’effet sur les pensions cumulées est une perte de 10 % pour les hors emploi, de 6 % pour les bas salaires et seulement de 3 % pour les hauts salaires. Merci Fillon, Macron, Hamon !
Soyons honnêtes, Fillon mérite un bon point : effet, les mesures liées à la réforme de 2010 induisent à elles seules une baisse de pension cumulée de 6,6 % pour les cotisants « en dehors de l’emploi dès 50 ans », alors que l’effet est quasi nul pour les salaires élevés. Merci Fillon !

  1. http://drees.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/er985.pdf []
  2. Alors que depuis la réforme de 2010, la durée de cotisation requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein était fixée génération par génération, l’année de leur 56 ans, elle sera désormais fixée dans la loi selon un calendrier préétabli : pour les générations nées à partir de 1958, le projet de réforme prévoit une augmentation d’un trimestre supplémentaire toutes les trois générations, de manière à atteindre 43 ans – soit 172 trimestres – pour les assurés nés en 1973. []
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Le monde magique de la politique

par Jean-Michel Muglioni

 

Source : Mezetulle, le blog-revue de Catherine Kintzler
http://www.mezetulle.fr/monde-magique-politique/

Soit un jeune homme, pris dès la sortie de l’enfance dans la vie politique, n’ayant pas d’autre monde que celui de ses relations, toujours nourri, logé, voituré, sans avoir rien à faire pour obtenir ce que les autres obtiennent par leur travail : quel peut bien être son rapport au réel ?

Bourgeois et prolétaires selon Alain

Marx distingue le bourgeois qui est propriétaire des moyens de production, et le prolétaire qui lui vend sa force de travail. Alain subvertit cette distinction, pour opposer deux types de rapport au monde radicalement différents1. Le bourgeois agit par signes, comme l’enfant qui pleure ou crie pour obtenir ce qu’il désire : la baguette magique des contes, qui transforme une citrouille en carrosse, dit la vérité de l’enfance. Un bourgeois absolu ne rencontrant jamais l’obstacle des choses vivrait dans un monde magique où il suffit de demander pour avoir. Au contraire le prolétaire – dont le manœuvre est le type – n’attend pas que les choses lui obéissent : il agit sur elles par son travail. Il faut que nous soyons en quelque façon prolétaires, c’est-à-dire confrontés à la nécessité extérieure, pour sortir de l’enfance et apprendre à distinguer le rêve et la réalité, c’est-à-dire comprendre qu’aucune menace ou aucune séduction ne peut fléchir le réel. Et pour aller jusqu’au bout de son paradoxe, Alain fait du mendiant le type même du bourgeois, proposition que nous pouvons inverser pour retrouver Marx : le bourgeois comme le mendiant obtient ce qu’il désire du travail des autres. Chacun de nous, prenant cette distinction comme instrument d’analyse, peut se demander en quoi il est bourgeois ou prolétaire, c’est-à-dire comment il se rapporte au réel : s’il rêve ou s’il est bien éveillé.

Qu’est-ce qui fait de nous des bourgeois ?

Ayant été enfants avant que d’être hommes, comme le rappelle Descartes, nous gardons en effet tous en nous une part de bourgeoisie. Or beaucoup de métiers manuels ont disparu. Nous nous rapportons au monde par la médiation de la société : ainsi l’argent est un signe qui nous permet de nous procurer du pain que nous n’avons pas fait nous-mêmes. Nous nous heurtons à la nécessité extérieure par le biais des institutions sociales, et non plus directement. Il est rare qu’on mange des racines comme autrefois, mais on fait la queue pour obtenir sa carte de chômeur. La civilisation nous embourgeoise, et il faut que nous nous en réjouissions : elle nous libère parce qu’elle nous évite de subir la nécessité extérieure. Mais il est inévitable que nous risquions ainsi de nous couper du réel et que nous prenions nos rêves pour la réalité, d’autant plus que les progrès techniques les plus extraordinaires nourrissent les croyances magiques, puisqu’ils nous permettent de produire des effets sans que nous sachions comment : il suffit d’appuyer sur une touche. Je ne dis rien des ravages de l’informatique et du virtuel. L’homme n’est plus alors qu’un enfant gâté.

L’esclavage des passions

Descartes demande, à la manière des Anciens, que nous nous exercions à ne pas croire que nous avons le pouvoir de nous offrir tout ce que nous désirons. Et il ajoute

[…] « qu’il est besoin à cet effet d’un long exercice, et d’une méditation souvent réitérée ; dont la raison est que nos appétits et nos passions nous dictent continuellement le contraire ; et que nous avons tant de fois éprouvé dès notre enfance, qu’en pleurant, ou commandant, etc., nous nous sommes faits obéir par nos nourrices, et avons obtenu les choses que nous désirions, que nous nous sommes insensiblement persuadés que le monde n’était fait que pour nous, et que toutes choses nous étaient dues. En quoi ceux qui sont nés grands et heureux, ont le plus d’occasion de se tromper ; et l’on voit aussi que ce sont ordinairement eux qui supportent le plus impatiemment les disgrâces de la fortune. Mais il n’y a point, ce me semble, de plus digne occupation pour un philosophe, que de s’accoutumer à croire ce que lui dicte la vraie raison, et à se garder des fausses opinions que ses appétits naturels lui persuadent »2.

Les enfants gâtés de la politique

Il est difficile d’être philosophe, c’est-à-dire de ne pas oublier le principe de réalité. Imaginons un jeune homme pris dès la sortie de l’enfance dans la vie politique, n’ayant pas d’autre monde que celui de ses relations, toujours nourri, logé, voituré, et obéi, n’ayant rien à faire pour obtenir ce que d’autres obtiennent par leur travail, ignorant même le prix du pain. Il a beau vieillir, il est toujours comme l’enfant dont parlent Descartes et Alain. Comme lui il se donne beaucoup de peine pour agir par signes sur les autres hommes, mais il n’a aucun rapport aux choses ; il ne se sait pas coupé du monde. Ne supposons donc pas qu’il est malhonnête s’il va de soi pour lui que nourriture, logement, voiture, avions, lui soient dus. Il peut fort bien vivre lui-même et sa famille grâce à l’argent public sans savoir qu’il vole. Et son adversaire politique, qui a la même vie infantile que lui, peut imaginer un monde où il ne serait plus nécessaire de travailler pour vivre.

  1. Voir par ex. et entre autres les textes d’Alain : Les Dieux, chap. 6 ; Les Idées et les âges, L. 7. Voir le site de l’Université conventionnelle, atelier « Lire Alain ». []
  2. Descartes, lettre à Reneri pour Pollot, avril mai 1638, au numéro 2, où Descartes donne une explication détaillée de la troisième maxime de la célèbre morale par provision de la 3e partie du Discours de la méthode. []
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Le Corbeau et le Paon, une fable

Dédié aux militants de classe de la CGT ainsi qu’aux défenseurs de la Francophonie

par Le PRCF

 

Source : http://www.initiative-communiste.fr/articles/luttes/le-corbeau-et-le-paon/

Nomination « in extremis » de Thierry Le Paon à un poste prestigieux de « défense de la langue française » par le gouvernement PS finissant.
Triple pied de nez à la CGT, à la classe ouvrière et à la langue française répudiée par l’oligarchie…

Plus soucieux d’orner sa cage

Que de garder la basse-cour,

Un Paon consacrait ses jours

A redorer son plumage…

Pourtant, sur le poulailler,

L’Aigle brun cerclait sans cesse ;

Et tout un peuple en détresse

De terreur piaillait, piaillait…

Assoupi, le coq gaulois

Laissait l’Oiseau de parade,

Encensé par des pintades,

Courtiser l’Oiseau de proie.

Un Corbeau jaloux du Paon

Et friand de bons fromages

Canardait de commérages

Un devis d’appartement :

« O  Paon qui faites la roue

Lorsque le prolo végète,

Pour vos tapis, vos moquettes,

Passez voir chez Saint-Maclou ! »

Dès lors, exploitant l’aubaine,

L’Aigle fond sur les oisons,

Crochant poussins, canetons,

Oiseau bleu, oiseau d’ébène !

***

Lutt’  des places, tours de faux culs

Ouvrent la brèche aux rapaces ;

Combats de classe et de masse

Valent mieux que coups tordus !

EPILOGUE,  février 2017

Sous les coups de l’anglo-ricain

Notre langue agonisant,

Il fallait bien qu’un Le Paon

Picorât son dernier grain,

Moquant la classe ouvrière

Par ce choix compromettant ;

Quant au parler de Molière

Qu’il crève, il a fait son temps !

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Comment, l'air de rien, on « fabrique » l'opinion

par Jean ESTIVILL

 

Cinq minutes de présentation du programme de Jean-Luc Mélenchon à une heure de grande écoute, dans une  émission sur la santé : deux mensonges, et un aveu involontaire sur les carences de l’hôpital, pour justifier qu’on y reste le moins de temps possible (pratique  présentée en permanence comme un progrès).

A l’émission (parfois intéressante, sinon divertissante) “Allô docteur”, on présente sur France 5, le 7 février, le programme de JLM sur la santé.
Il veut  mettre fin aux  dépassements d’honoraires. Commentaire : ” il risque de se mettre les médecins à dos en supprimant la médecine libérale” . Sans doute que pour cet animateur( ?) journaliste( ?), tous les médecins pratiquent le dépassement, et que sans lui pas de médecine libérale. Alors  que  leur liberté de praticien est au contraire bel et bien remise en cause chaque jour par la pression qu’on exerce sur eux, sur les demandes  incessantes de justification  des  arrêts de travail, l’inquisition sur leurs ordonnances, sur les médicaments qu’ils prescrivent… Si cela ce n’est pas de l’intox ?
Autre fourberie : “il veut le remboursement à cent pour cent. Commentaire : en s’attaquant aux complémentaires il risque de mécontenter les syndicats qui ont créé les mutuelles”. Comme si AXA, par exemple –  dont on vient de révéler les liens entretenus avec Fillon qui veut  la disparition de la Sécu, et de son principe mise en place à la Libération  –  et Cie avaient un rapport avec les mutuelles d’origine ouvrière, et partageaient les mêmes règles.
Et cette réflexion savoureuse de Madame D’Encausse, alors qu’il est dit que JLM est contre la médecine ambulatoire et se prononce pour une prise en charge plus longue par les hôpitaux : « quitter rapidement l’hôpital a des avantages à cause des maladies nosocomiales ». Au secours fuyons l’hôpital, il est dangereux ! Autrement dit, ce n’est pas un problème de lits, de manque de personnel ….

Pitoyable mais efficace, ces présentateurs sont tellement sympathiques….

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« Elle a osé… »

Marine Le Pen et la circulaire de Jean Zay

par Hélène Mouchard-Zay

 

Hélène Mouchard-Zay est la fille de Jean Zay. Ce texte a été diffusé sur le site de Tony Ben Lahoucine

Après avoir rapté avec cynisme le concept de laïcité pour en faire une machine de guerre contre les musulmans, voilà que Marine le Pen, dans son programme, ose invoquer le nom de Jean Zay, citant une phrase de la circulaire signée par lui en 1936, qui interdit tout signe politique dans les établissements scolaires.

Mais sait-elle pourquoi Jean Zay réaffirme avec force dans cette circulaire le devoir de laïcité dans les établissements scolaires ? Ceux en effet qui, dans les années 30, menacent la laïcité, ce sont essentiellement les ligues d’extrême-droite qui, pour détruire la République, maintiennent l’agitation dans les établissements scolaires et cherchent à y introduire leur propagande, par toutes sortes de ruses : tracts, recruteurs, enrôlement, etc . C’est contre les menées de ces ligues que Jean Zay veut protéger les enfants, et par la protection de la loi. L’année suivante, il rappelle que l’interdiction vaut aussi pour les propagandes confessionnelles. : ‘Aucune forme de prosélytisme ne saurait être admise dans les établissements…’

Loin de prôner une « neutralité » qu’invoque M. Le Pen, Jean Zay appelle les enseignants à la mobilisation pour la défense de la République et les valeurs qui la fondent. S’il refuse tout militantisme politique, idéologique ou religieux dans l’école, c’est au nom des valeurs qui fondent la République et que combat au contraire M. le Pen : il veut une école qui apprenne à juger par soi-même et non à applaudir des hommes – ou des femmes – providentiel(le)s. Il veut une République ouverte, fraternelle, solidaire, qui n’exclut personne en raison de ses origines ou de sa religion, et dont le fondement est une école qui accueille tous les enfants, quels qu’ils soient, et qui tente de les ouvrir au monde.

En 1940, c’est cette même extrême-droite qui accueille comme une ‘divine surprise’ (Maurras) l’accession au pouvoir, grâce à la victoire de l’Allemagne, de Pétain et de ce régime qui va s’empresser de mettre à mort la République, avant d’engager les persécutions contre ceux qu’il désigne comme ‘l’anti-France’. Ses journaux, en particulier Gringoire et Je Suis Partout, ne cessent pendant toute l’occupation d’alimenter la haine contre les juifs et les résistants et Jean Zay, depuis toujours détesté par l’extrême-droite, continue à être l’une de leurs cibles principales. La milice s’engage activement dans cette chasse à mort contre les juifs et les résistants. Cette même milice qui assassinera Jean Zay en 1944…

Le FN est l’héritier historique de cette extrême-droite française, maurassienne et pétainiste. Il ne s’en est jamais démarqué, et chacun peut constater l’inspiration maurassienne des idées qu’il développe.

 

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« L’État et les religions en France. Une sociologie historique de la laïcité », par Philippe Portier

par Pierre Hayat

 

En une période où la laïcité est le terrain d’une lutte idéologique et politique intense, L’État et les religions en France de Philippe Portier est révélateur des enjeux de cet universel concret. Le mérite de l’ouvrage de ce sociologue réputé (paru aux Presses Universitaires de Rennes en 2016) est de ne pas cacher son parti pris. Il s’agit de prouver que derrière des apparences décourageantes, la laïcité française tend vers une sortie du modèle de la loi du 9 décembre 1905 portant séparation des Églises et de l’État. Alors que la loi scolaire du 15 mars 2004 pourrait faire craindre la pérennité d’une laïcité d’un autre temps et qu’aujourd’hui encore, cette laïcité d’interdiction demeure populaire, l’ouvrage prétend prouver que le mouvement profond de l’histoire mène vers une laïcité « postmoderne » et « recognitive ». Trois modèles polémiques de laïcité sont exposés, qui correspondent chacun à trois périodes de l’histoire française : la laïcité juridictionnaliste (à partir de 1800), la laïcité séparatiste (à partir de 1880) et la laïcité partenariale (à partir de 1960). Cette tripartition s’appuie sur un concept général de laïcité comprise comme une articulation de la souveraineté de l’État et de la liberté de conscience. La correspondance de ces trois modèles avec l’histoire empirique française est censée prouver que « la laïcité partenariale », « postmoderne » et « recognitive », est celle qui convient à la société française d’aujourd’hui. Un résumé du livre précédera sa discussion critique.

I – Le premier moment de la laïcité selon Portier s’articule autour du système concordataire, inauguré sous Bonaparte. Ce système serait laïque car il promeut la souveraineté d’un État qui ne s’autorise pas de Dieu. S’il accorde un statut officiel aux institutions religieuses, il ne le fait pas au nom d’une certitude surnaturelle, mais au nom de l’ordre social. Portier cite ce syllogisme de Bonaparte : « Nulle société ne peut exister sans morale ; il n’y a pas de bonne morale sans religion ; il n’y a donc que la religion qui donne à l’État un appui ferme et durable ». Ainsi, l’État accorde-t-il un statut officiel aux institutions religieuses tout en les contrôlant de façon intrusive. D’après Philippe Portier, ce régime juridictionnaliste garantit, pour l’essentiel, la liberté de conscience.

Le second moment laïque retenu par l’ouvrage, qualifié de « séparatiste », est initié par les républicains dans les années 1880. L’adjectif « séparatiste » fait penser au premier abord à une politique de sécession. En fait, le sociologue évoque le « séparatisme » en référence à la loi de 1905 portant séparation des Églises et de l’État. Elle commence par la révolution scolaire,se poursuit avec le vote de la loi du 9 décembre 1905, pour se clore avec la consécration constitutionnelle de la laïcité à la Libération qui « grave dans le bronze le modèle de dissociation mis en place sous la IIIe République ». C’est, d’après Portier, la période d’une « modernité enchantée » qui imagine une communauté de valeurs et un gouvernement ayant tranché tout lien avec la religion. En ce temps-là, la laïcité séparait presque tout : non seulement les Églises et l’État, mais aussi le privé et le public, la croyance et la raison, la société et l’État, la religion et la morale, la barbarie et la civilisation… La formule de Victor Hugo : « L’Église chez elle et l’État chez lui » résume un système politique qui se serait construit d’après Portier « autour de la figure de ‘l’État fort’, installé en surplomb de la broussaille de la société civile ».

Le troisième moment de cette histoire de la laïcité française débuterait dans les années 1960-1970. Est apparu alors le modèle « partenarial » de la laïcité, qualifié aussi de « coopérationniste »,dans un contexte de retour du religieux. Cette laïcité serait portée par le « paradigme recognitif ». Cette formule savante signifie que la laïcité reconnaît désormais aux institutions religieuses un statut officiel et préférentiel dans l’espace public et l’État. Dans ce florilège d’adjectifs, le lecteur s’égare parfois. Car la laïcité concordataire d’hier était tout aussi « recognitive » que la laïcité « partenariale » d’aujourd’hui, sauf que l’une précède chronologiquement la loi de séparation de 1905 tandis que l’autre lui succède. Toutefois, d’après Portier, le troisième régime se distingue du premier en ce que les religions sont désormais mise sà égalité, et qu’elles sont moins contrôlées par l’État. La nouvelle laïcité s’inscrit dans les débats d’opinions de la société et se régule par le dialogue entre identités en demande de reconnaissance. Portier montre qu’avec la « laïcité partenariale », le principe de séparation n’est pas seul à être écorné.La neutralité de l’État est revue et corrigée dans le sens d’une bienveillante coopération entre l’autorité politique et les religions. La première loi de référence de cette laïcité partenariale est la loi Debré du 31 décembre 1959, qui accorde à l’enseignement privé confessionnel un statut dérogatoire. Depuis, le mouvement qui pousse à la reconnaissance officielle des religions n’aurait cessé de se renforcer. Philippe Portier cite Michèle Alliot-Marie qui, comme ministre de l’Intérieur, estimait que « dans un monde qui a vu s’effondrer la plupart des repères idéologiques et moraux, les religions ont plus que jamais vocation à éclairer la société, qu’elle soit civile ou politique ». Ce soutien bienveillant que l’État apporte aux groupements religieux attend en contrepartie l’acceptation de« l’espace axiologique de la démocratie constitutionnelle ». Mais autant cet « espace »paraît incertain, autant les forces qui profitent de ces reconnaissances identitaires sont aisément repérables. L’ouvrage n’élude pas les progrès du prosélytisme islamiste, évitant ainsi l’inquiétant déni de réalité, fréquent chez les tenants de la « laïcité ouverte et inclusive » également autoproclamée « laïcité de dialogue et de reconnaissance ».

II – Les trois modèles de laïcité exposés dans l’ouvrage sont conçus par leur auteur sous un concept général de laïcité définie comme un dispositif qui « articule le principe de la souveraineté de l’État et celui de la liberté de conscience ». Il n’est cependant pas sûr que tout régime théocratique fasse obstacle à la souveraineté de l’État. En outre, la revendication de l’autonomie du politique qui s’affirme à travers la laïcité, déborde le cadre étatique : elle a une signification démocratique et républicaine. Enfin, l’émancipation laïque, telle qu’elle s’est forgée dans l’histoire,ne se limite pas à la conscience individuelle : elle vise aussi une émancipation collective et s’attache à l’instruction.

Mais nous centrerons nos objections sur la tripartition exposée dans l’ouvrage. Car des trois modèles de laïcité échafaudés par Portier, seul le second modèle, dit « séparatiste », se rapproche de la laïcité telle qu’elle s’est historiquement développée dans sa persévérance, ses contradictions et ses métamorphoses. L’ouvrage use de deux procédés pour miner l’idée laïque.
Le premier consiste à présenter l’histoire laïque française comme un mouvement ternaire qui débute par une sécularisation moderne fondée sur une alliance du religieux et du politique (régime concordataire) pour aboutir à une sécularisation « postmoderne » fondée elle aussi sur une entente du religieux et du politique (modèle communautariste). En usant du terme « laïcité » pour qualifier deux modèles (le concordataire et le communautariste), opposés à la laïcité historique,on se prépare à faire dire au mot laïcité le contraire de ce qu’il a signifié pendant plus d’un siècle. On mesure l’enjeu de ce décentrement sémantique abusif si l’on observe qu’il dépossède la laïcité de la revendication d’une irréductible égalité des croyants et des non croyants, et qu’il charge la laïcité d’une idéologie officielle de coopération de la raison et de la foi religieuse, disqualifiant a priori toute critique philosophique, politique et sociale de la religion. Qu’elle soit concordataire ou partenariale, la laïcité recognitive selon Portier place l’athéisme, l’agnosticisme et toutes formes de libre pensée et de spiritualité non religieuses dans un espace de tolérance précaire.

Le second procédé utilisé par l’ouvrage pour sortir subrepticement de la laïcité est une approche unilatérale de la laïcité dite « séparatiste ».On doute, par exemple, que les laïques qui ont établi la loi de séparation en 1905 et constitutionnalisé la laïcité en 1946, aient seulement édifié un État fort surplombant la société et les individus. La IIIe République a en effet permis un développement inédit des libertés civiles et de la vie associative. Elle a séparé l’École de l’Église catholique avant de séparer les Églises et l’État. Elle a visé l’émancipation des individus et la souveraineté du peuple, avant de promouvoir celles de l’État. Durkheim et Buisson contestèrent la sacro-sainte raison d’État, au nom de principes supérieurs. Sous la Ve République, les lois sur la contraception, l’IVG et le mariage pour tous n’ont pas renforcé la souveraineté de l’État, pas plus qu’elles n’ont bénéficié de l’aimable coopération partenariale des autorités religieuses. Et la « République sociale » promue par la Révolution de 1848, aux antipodes d’un État coupé de la société, n’a cessé d’inspirer des générations d’intellectuels et de militants laïques qui se sont succédé depuis le milieu du XIXe siècle.

En même temps qu’il exagère le poids de l’État dans la laïcité « séparatiste », l’ouvrage sous-estime l’importance du référentiel républicain, abusivement réduit à un étatisme. La République portée par la laïcité est celle de l’intérêt général, du bien public, de la loi commune, de la réciprocité des droits et des devoirs, de la responsabilité citoyenne et de l’instruction publique, avant d’être un mode d’assujettissement à l’État. Plutôt qu’une école d’État, l’école laïque est historiquement l’école de la République, qui pose « les bases d’une culture rationnelle pour l’universalité du peuple ». On trouve trace du marqueur républicain de la laïcité jusque dans les termes de loi de 1905, qui dispose que c’est « la République » qui « assure la liberté de conscience », puis dans la Constitution qui définit « la République » comme « laïque ». Cela ne signifie nullement que l’État ne serait pas laïque, mais qu’il est censé être au service de la République plutôt que l’inverse. Pour la laïcité historique, la séparation n’est pas une fin en soi mais le moyen pour rassembler des citoyens libres, et la neutralité n’est pas elle-même neutre puisqu’elle permet l’égalité.

Cette tentation de la caricature se retrouve à propos de l’engagement rationaliste de « la laïcité séparatiste », présentée comme une idéologie scientiste et dogmatique de fonctionnaires d’État, certains de marcher dans le sens de l’histoire. Cette représentation de la laïcité ne correspond guère à la réalité de l’école laïque dont le rationalisme s’est affirmé à travers de l’exigence d’explication, le recours à l’intuition et à l’expérience, la référence au libre examen, à l’esprit critique, à la hardiesse de la recherche… L’invitation durkheimienne faite à la raison de se garder d’une « raison raisonnante » est, elle aussi, à mille lieues d’une raison dogmatique. Mais à s’en tenir à cette Sociologie historique de la laïcité, on oublierait que l’une des inventions les plus remarquables de la laïcité républicaine française, qui émerge à la Révolution de 1848, est l’articulation de la liberté de conscience et de la liberté critique, qui faisait dire à Lamartine que « la liberté de penser, de parler et d’agir ne s’arrête pas devant la liberté de croire ».

On est encore en présence d’une sociologie plus idéologique que scientifique lorsque l’ouvrage cultive un malentendu fréquent,en opposant une approche dite « inclusiviste » de la laïcité, opposée à une approche « exclusiviste ». Ainsi, l’approche « exclusiviste », que Portier repère chez Kintzler et Pena-Ruiz, s’enfermerait dans la représentation restrictive d’une laïcité exclusivement française. En revanche, l’approche « inclusiviste », de Baubérot et de Portier à sa suite, aurait la vertu d’intégrer l’histoire de la laïcité française au mouvement général du monde moderne. Mais cette opposition, formulée à l’aide de deux adjectifs insolites, ne rend pas compte de la possibilité de repérer à la fois une singularité de l’histoire française et la présence partout ailleurs et sous des formes diverses d’un même idéal social et politique. Et si la laïcité est née en France, comme la démocratie est née en Grèce, la France n’a pas l’exclusivité d’une laïcité immuable, pas plus que la Grèce n’est détentrice exclusive d’une démocratie éternisée dans son essence.

On relèvera pour finir l’intéressante contradiction qui perturbe ce livre, riche en données documentaires. D’un côté, on présente la laïcité « séparatiste » comme étant « en décalage avec la réalité » et ne répondant plus aux « demandes de la société ». Mais d’un autre, on relève, pour le déplorer, que la loi « séparatiste » du 15 mars 2004 est approuvée par 85 % des Français, qui sont également nombreux à souhaiter un recul de l’influence des religions dans la société. Malheureusement, cette contradiction n’amène pas le sociologue à interroger ses propres présupposés. Elle lui fait seulement regretter la « résistance du corps social » au communautarisme « ultramoderne ». Ainsi, le sociologue de la laïcité se heurte-t-il à un réel qu’il ne parvient ni à accepter ni à penser : l’insistante laïcité de la société française.

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« Des Roses et du Jasmin » – une tragédie tristement d'aujourd'hui

par Marie-Thérèse Estivill

 

Raconter le conflit israélo-palestinien, sans prendre parti, sans tomber dans un didactisme factuel pesant, parvenir à émouvoir, confier ce texte à la troupe du Théâtre national palestinien, il fallait oser se lancer dans une telle aventure et pourtant c’est dans ce projet fou que s’est engagé, en février 2015, l’auteur et metteur en scène Adel Hakim. Pour arriver où ? Au bout des trois heures de représentation, on sort sonné, le cœur serré. Ces moments de théâtre se font rares : cette impression que, le temps de la représentation, il y a eu une vraie communion entre le plateau et la salle (ce mot étant tellement galvaudé qu’on n’ose plus l’écrire, mais pour évoquer Des Roses et du Jasmin, il fait véritablement sens). Au moment des applaudissements, les comédiens semblent vidés, heureux, émus devant des spectateurs, debout, dans le même chamboulement émotionnel. Comment cela a-t-il été possible ?

Abel Hakim nous raconte trois périodes du conflit à travers le destin de trois femmes. 1944-1948 : Miriam, ayant fui Berlin, arrive à Jérusalem. Elle tombe amoureuse d’un Anglais, John, qui est convaincu que l’Angleterre est une nation libératrice et pacificatrice. Très vite, elle est rejointe par son frère, Aaron, qui lui annonce la mort de leur mère et de leur sœur dans le camp de concentration de Bergen Belsen. Aaron s’engage dans l’organisation secrète Irgoun qui lutte pour la création d’Israël et encourage sa sœur à faire de même. Miriam voit alors son histoire intime inextricablement liée à l’histoire de son pays. Informée que l’Irgoun prévoit un attentat contre les Anglais, elle tente de protéger son mari mais le destin tragique en a décidé autrement : John meurt, Miriam se retrouve seule avec leur fille, Léa. 1964-1967 : c’est au tour de Léa de lutter en vain contre le fatum. Elle a pourtant essayé en épousant un Palestinien, qu’elle aime, Moshen. Mais l’Histoire la rattrape, incarnée par son oncle, Aaron. Celui-ci la séquestre, la séparant définitivement de son mari et de sa fille, Yasmine. Dernière période : 1988. Le conflit israélo-palestinien amène à se rencontrer deux sœurs qui ne se sont jamais vues, qui ne savaient même pas que l’autre existait mais elles ne sont pas dans le même camp : Yasmine, élevée par son père, défend la cause palestinienne, Rose, née quand Léa était prisonnière de son oncle, est dans l’armée israélienne. Sans dévoiler la fin de la pièce, on imagine quel sera le destin là encore tragique des deux sœurs. Résumée ainsi, la pièce pourrait laisser craindre un didactisme forcené, il n’en est rien. D’abord, cela tient à la justesse du propos : oui, cette guerre entre deux peuples est une Tragédie, l’histoire de chacun se trouvant sous l’emprise de l’Histoire des hommes (c’est là aussi la force de ce texte, jamais il n’est question de Dieu et de religion…). Comme dans toute tragédie, chœur et coryphée interviennent apportant un peu d’humour puisqu’ils s’agit ici de clowns mais aussi, par leurs adresses directes, ils permettent au spectateur ce juste équilibre entre distance et implication, condition indispensable à toute réflexion. Un mot aussi sur la scénographie d’Yves Collet : elle est juste et belle, sachant se faire oublier pour donner à voir et entendre magnifiquement le texte. Enfin, cette tragédie est portée par une troupe de comédiens qui semblent littéralement subjugués, pour ne pas dire possédés, par le texte qu’ils défendent. Chez chacun d’eux, jamais on n’aura autant compris l’engagement vital du comédien dans ce qu’il joue. Dans son Journal d’une création tumultueuse, Mohamed Kacimi, le dramaturge de la pièce, explique combien il est difficile d’exister pour le Théâtre national palestinien qui se trouve à Jérusalem : il ne peut avoir que des aides internationales et des partenariats avec l’étranger. On imagine alors tout ce que représente comme engagement et comme combat de jouer Des Roses et du Jasmin pour ces comédiens. Mais le théâtre, c’est aussi (avant tout ?) un plaisir à être là, à jouer, et malgré tous les enjeux qu’il y a à représenter une telle pièce aujourd’hui pour une telle troupe, ce plaisir existe bel et bien.

Un regret : Des Roses et du Jasmin n’a été proposée que treize fois en région parisienne. Le 25 février 2017, elle sera représentée à La Comédie de Genève, du 28 février au 8 mars 2017, au Théâtre National de Strasbourg. Souhaitons qu’elle soit à nouveau programmée la saison prochaine longtemps et partout pour permettre notamment aux collégiens et aux lycéens de la voir. Alors qu’en France, nombre de dirigeants politiques se servent du communautarisme pour monter les citoyens les uns contre les autres, Miriam, Léa, surtout, par leur choix amoureux sont des figures de résistance. Yasmine et Rose, sous le joug total de l’Histoire, mourront trop jeunes sans avoir eu ni temps ni la possibilité d’exercer leur libre arbitre.

Des Roses et du Jasmin – texte et mise en scène d’Adel Hakim
Edition L’Avant Scène Théâtre – scénographie et lumière Yves Collet – dramaturge Mohamed Kacimi – assistante à la mise en scène Giorgina Asfour – collaboration artistique Nabil Boutros – costumes Dominique Rocher – vidéo Matthieu Mullot – chorégraphie Sahar Damouni
Avec Hussam Abu Eisheh – Alaa Abu Gharbieh – Kamel El Basha – Yasmin Hamaar – Faten Khoury – Sami Metwasi – Lama Namneh – Shaden Salim – Daoud Toutah
Pièce créée en juin 2015 à Jérusalem – jouée du 20 janvier au 5 février 2017 à la Manufacture des Oeillets à Ivry sur Seine – en tournée : le 25 février 2017 à la Comédie de Genève, du 28 février au 8 mars 2017 au Théâtre national de Strasbourg

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Respublica aime l'Université des classes populaires

Des ressources qui répondent aux besoins du mouvement historique

par ReSPUBLICA

 

Qu’est-ce que l’Université des classes populaires (http://lunipop.fr) ?
Extrait de la page « Pourquoi l’UCP ? » :

Les classes populaires qui se trouvent, aujourd’hui comme hier, en première ligne dans la production de la richesse sociale, qui sont aussi des acteurs essentiels du mouvement historique d’ensemble, ne sont plus considérées comme parties prenantes de cette histoire. Elles ne sont pas davantage impliquées dans la production des connaissances du monde social et politique.
[…] L’ambition de l’Université des classes populaires est de contribuer à faire venir au jour ce qui se développe de façon embryonnaire, en restituant les connaissances et conceptions du monde qui répondent aux besoins et perspectives du mouvement historique des classes populaires. En sachant que ce qui contribue à l’élévation et l’unification de la conscience ne donne pas magiquement les conditions d’une reprise de l’initiative dans le domaine des luttes immédiates. Dès maintenant, des pas en avant peuvent cependant être réalisés pour ce qui touche à la pratique politique. Il ne s’agit pas en la matière de partir de ce que l’on désire ou que l’on “veut” mais de “ce qui est” — dans ses dispositions socio-historiques fondamentales —, afin de dresser les contours d’un devenir possible : ce que l’on “peut” faire advenir.

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« Migrantes et autonomes »

Invitation de Africa 93 et Femmes Solidaires

par ReSPUBLICA

 

Invitation à l’avant-première du film « Migrantes et autonomes » réalise par Alima Arouali et Anne Galland. Samedi 4 mars 2017 à 15 heures à l’auditorium de la Médiathèque Aimé Césaire 1, Mail de l’Égalité, La Courneuve 93120

Ce film  retrace nos luttes tout au long de cette année  pour l ‘ exigence d ‘un statut autonome pour les femmes immigrées.

La loi Buffet votée le 26 mai 2016 a représenté une première victoire  même partielle et c ‘est un énorme encouragement pour les femmes victimes de la triple discrimination :  patriarcale , institutionnelle et raciste.

Ce sont majoritairement de très jeunes femmes qui n’avaient aucune expérience de la lutte dans leur pays et qui ont fait preuve d ‘un courage extraordinaire en luttant pour leurs droits dans un environnement très hostile.

Ce film retrace leur lutte et un encouragement pour toutes les autres femmes. Alors venez les encourager et  valoriser  cette lutte féministe issue des quartiers populaires.

AFRICA 93 et  FEMMES SOLIDAIRES (contact : 06 60 11 94 94)



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