n°837 - 21/03/2017
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Appel pour lier le combat laïque au combat social et pour fédérer le peuple

par un collectif

 

Ce texte collectif est né de la réflexion de militants associatifs et syndicaux ou d’élus dont la plupart ont participé en 2015 et 2016 à des rencontres en Ile-de-France, avec la participation notamment du Réseau Education Populaire et de l’Union des Familles Laïques. La Rédaction de ReSPUBLICA en est partie prenante et on retrouvera dans les lignes qui suivent des idées développées depuis longtemps dans le journal. Nous le livrons à nos lecteurs comme un élément discriminant en cette période électorale mais aussi, sur la durée, comme un argumentaire dont peuvent se saisir les camarades oeuvrant au sein d’organisations qui ne perçoivent pas toujours la nécessaire alliance du combat social et du combat laïque. Nous restons prêts, bien sûr, à poursuivre le débat argumenté avec vous sur cette question de fond, par écrit ou à l’occasion d’interventions publiques. 

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Aujourd’hui, le renouveau du combat laïque est une nécessité universelle. La laïcité est pour nous le plus haut niveau de liberté individuelle et culturelle pour tous. La laïcité permet de faire vivre un projet humaniste, c’est-à-dire une égale dignité entre les êtres humains.

Ce combat laïque est la “marque de fabrique” des forces d’émancipation sociale, féministe, antiraciste, écologiste, depuis la Révolution française. L’unité du peuple souverain dans une République indivisible est la matrice politique de notre pays.

Sans la laïcité, il sera impossible demain de fédérer le peuple pour surmonter la période de décomposition politique et idéologique qui s’annonce. La laïcité est la première des conditions à une riposte d’envergure face à la paupérisation d’une large fraction de la population, en particulier celle de la jeunesse.

Car la crise économique que nous traversons depuis 2007-2008 nous entraîne, toujours plus, vers des conflits sociaux et politiques. Il est clair que les fausses oppositions ourdies par les communautaristes sont des machines de guerre pour diviser le peuple afin de le neutraliser.

En effet, nous sommes dans une conjoncture particulière caractérisée par la récession comme dispositif de pouvoir. Le combat social et le combat laïque doivent former un seul bloc pour résister. Combattre sur le front social sans lutter sur le front laïque, et vice et versa, est voué à l’échec. La laïcité est notre outil pour fédérer les luttes sociales et lutter pour la justice sociale, la citoyenneté et la véritable égalité qui caractérisent la République sociale.Car les communautaristes, vieilles marionnettes des oligarchies financières, se servent en particulier de l’appauvrissement des quartiers populaires et des discriminations qui y sont subies pour justifier le fait politico-religieux (Manif pour tous, intégristes chrétiens, islamistes, etc.), et détourner les citoyens de ces quartiers du combat social et citoyen.

Nous ne sommes pas hors du temps. 2017 marque, après la crise financière puis économique de cette décennie, le début d’une crise politique qui oppose deux tendances au sein du camp de l’oligarchie : celle de Trump ou du Brexit qui a tout à perdre de la dissolution des Nations (bourgeoisie du patrimoine), et qui s’affronte à celle de Wall Street et de la City (oligarchie  financière) qui veut globaliser et détruire tout ce qui pourrait entraver la “libre-circulation” du Capital.

Dans cette situation de tension, le peuple doit garder son autonomie et lutter pour ses propres intérêts, sinon il sera instrumentalisé et servira la cause d’une ou l’autre fraction de  la bourgeoisie. Pour cela, le combat laïque et social doit servir de levier pour l’émancipation, en appuyant et en développant l’unité des salarié-e-s, des chômeurs/chômeuses, des précaires, etc. Il faut donc lutter pour ce qui nous unit et combattre ce qui nous divise artificiellement.Cette volonté d’unité démasquera ceux qui détournent et falsifient la laïcité afin de stigmatiser les seuls musulmans, ou encore ceux qui rêvent d’un « Concordat » avec les autorités religieuses islamiques comme sous Napoléon ou en Alsace-Moselle encore aujourd’hui.

Ainsi, pour unifier le peuple et le mettre en mouvement comme acteur politique, faisons respecter partout et toujours la séparation des Eglises et de l’Etat. Favorisons la gestion citoyenne de l’action culturelle pour plus de justice, de solidarité, de dignité et d’universalisme.

Ne laissons pas les communautaristes et les partisans du relativisme culturel nous diviser.

Tout candidat à l’élection présidentielle qui se réclame du combat social doit affirmer clairement son soutien à la laïcité, sinon toute « fédération du peuple » est une illusion.

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Le tournant de la marche du 18 mars

Que faire après la marche de l’espoir ?

par Bernard Teper

 

Le 18 mars dernier constitua la plus grande mobilisation de rue de la campagne de l’élection présidentielle de 2017. Plus de 100.000 personnes. Ce fut une marche de l’espoir. De l’espoir, il nous en faut. Car avec la séquence que nous vivons, celle de la décomposition des gauches qui – du parti socialiste à l’extrême gauche – voit s’opérer une coupure quasi mollétiste entre les discours et les pratiques, on pouvait se demander ce qui allait rester de la gauche en général.

D’autant que les médias néolibéraux, dont les principaux journalistes, ne soutiennent que Fillon ou Macron et essaient d’avantager leurs chouchous.1

Où en est la gauche de 2012 ?

Avec Macron en digne successeur de François Hollande, on est sûr que le théorème du mouvement réformateur néolibéral sera encore vrai demain : « depuis 1983, et tant que nous resterons dans le néolibéralisme, tous les gouvernements font et feront pire que le précédent » !

Avec Hamon, certains ont cru que la musique différente qu’il a développée lors de la primaire socialiste allait dans le bon sens. Le désenchantement fut rapide.
Très vite, il reprit sur l’UE et la zone euro la position de François Hollande. Très vite, on a vu que la majorité des candidats socialistes aux législatives étaient politiquement favorables aux lois Macron et El Khomri, au pacte de responsabilité, au CICE et aux attaques contre la Sécurité sociale, entre autres. Jusqu’au secrétaire général d’En marche qui a été adoubé par les instances du PS pour les législatives. Jusqu’à l’apothéose mystique du revenu universel, vieille idée néolibérale de Milton Friedman, qui développait la notion d’impôt négatif dans « Capitalisme et Liberté » en 1962. Pour terminer avec comme simple projet le développement du RSA et une allocation pour les jeunes. Le reste est renvoyé aux calendes grecques pour les rêveurs.
Le spectre de 1969 et le soutien in fine à Macron participeront de la prochaine étape solférinienne.

Au parti communiste, on a constaté les stratégies antagoniques existant en son sein entre ceux qui souhaitaient un candidat communiste à la présidentielle, ceux qui souhaitaient soutenir Hamon et ceux qui souhaitaient soutenir Mélenchon. Même le vote majoritaire pour Mélenchon n’a pas entraîné le soutien de l’ensemble du PC. On a vu une base communiste votant avec une courte majorité pour soutenir Mélenchon contre sa direction et enfin un PCF,  à quelques semaines du vote, se préoccuper beaucoup plus des législatives que de la présidentielle elle-même. Pourtant ce parti a encore de nombreux militants mais qui n’auront pas brillé par leur militantisme dans la campagne présidentielle. Triste perspective.

Bien qu’elles aient réussi à avoir les 500 signatures, les autres organisations d’extrême gauche ne sont aujourd’hui que l’ombre de ce qu’elles ont été avec un peu plus de sectarisme pour l’un, de révisionnisme réactionnaire pour l’autre. Et ce n’est pas l’utilisation par certains autres de la stratégie du front unique à contre-emploi qui engagera une stratégie efficace. Leur avenir est la marginalité en attendant les jours meilleurs.

Quant aux autres candidats marginaux, ils pensent construire un courant politique de masse à partir de prééminences surplombantes qui seules sont à même, selon leurs thuriféraires, de frayer le chemin vers le paradis. Ce qui les conduit à ne pas critiquer le capitalisme lui-même et donc à vouloir y rester incarcéré.

Devant ce champ de ruines qui a de grandes chances de renforcer pour le court terme le pouvoir de l’oligarchie capitaliste sur la France, et donc de provoquer l’extrême droitisation du pays comme dans les années 30, le rassemblement initié par Jean-Luc Mélenchon permet d’éviter la parcellisation totale de la gauche tout en marquant la nécessité d’un rassemblement significatif de gauche non allié avec les solfériniens ouvertement néolibéraux. C’est une étape indispensable pour la suite d’abord parce qu’il est nécessaire de résister et aussi parce que la création du lien social et politique n’est pas la chose la plus aisée pour constituer ultérieurement le bloc historique gramscien indispensable à toute révolution citoyenne.

Sur l’ensemble des conditions indispensables de cette révolution citoyenne, il reste à y travailler en tenant compte d’abord du réel puis des lois tendancielles du capitalisme. Nous en avons déjà parlé dans Respublica. Nous y reviendrons dans la prochaine séquence politique.

Outre son caractère de masse, le rassemblement sur la place de la République a repris le caractère symbolique de la République sociale indispensable pour tenter de rassembler les couches populaires ouvrières et employées de la gauche objective, plutôt majoritairement tentées ces dernières années par l’abstention.

Disons-le encore, la seule réserve de voix pour Jean-Luc Mélenchon au-delà du niveau des sondages actuels se trouve principalement dans ces couches populaires ouvrières et employées. Ne pas comprendre cela, c’est ne pas comprendre qu’un processus révolutionnaire ne peut s’engager que si la classe populaire ouvrière et employée, objective en soi et majoritaire, devient petit à petit une classe subjective « pour soi ». Condition nécessaire pour construire le bloc historique gramscien avec des composantes des autres couches sociales.

Le rappel du 18 mars 1871, les drapeaux français en quantité, l’affirmation dès le début du discours de Jean-Luc Mélenchon du rôle nécessairement social d’une nouvelle constitution de la VIe République, le rappel appuyé des luttes importantes contre les lois antisociales de Macron et d’El Khomri, la réaffirmation du principe de laïcité, le rappel de la nécessité d’un projet global (incluant la rupture écologique, la recherche de la paix, etc.) et le couplage final des chants de la Marseillaise2 et de l’Internationale, permettent de renouer avec la symbolique populaire et révolutionnaire française.

Pourvu que cela dure !

Que faire après ?

Ce n’est pas au milieu de la séquence de la campagne de la présidentielle et des législatives qu’il faut avoir des états d’âme ni changer la priorité politique. Faire en sorte que le score de JLM soit le plus haut possible, point de départ essentiel pour les législatives face à la déferlante promise par les médias néolibéraux. Ensuite, si par malheur, deux des trois candidats de la bourgeoisie, Macron, Fillon, Le Pen sont au deuxième tour, la lutte des classes mettra le mouvement syndical revendicatif en première ligne de l’affrontement. Nous serons alors dans une séquence ultérieure où il faudra mettre le turbo pour le développement d’une éducation populaire refondée toujours du côté de ceux qui luttent en première ligne.
Nous nous préparons pour ce moment à élaborer de nouvelles propositions.

  1. Ainsi le CSA a calculé que du 1er février au 26 février, Fillon et ses soutiens ont eu droit à 15.944 minutes, Macron a eu droit à 9.808 minutes, Le Pen à 7.090 minutes, Hamon à 6.761 minutes, Jean-Luc Mélenchon à 3.163 minutes, Nicolas Dupont-Aignan 510 minutes, Philippe Poutou 249 minutes, Jean Lassalle 80 minutes, Nathalie Arthaud 67 minutes, Jacques Cheminade 50 minutes, François Asselineau 37 minutes. Instructif, non ? []
  2. Nous rappelons aux gauchistes de tout bord que la grande manifestation ouvrière de février 1917, le jour de la création du Soviet de Petrograd, arrive du quartier populaire de Vyborg en chantant la Marseillaise  en russe ! []
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Critiquer l’euro ou critiquer le capitalisme ?

par Michel Zerbato

 

Le Traité de Rome était un projet d’Europe des nations fondé sur les supposés avantages du libre échange entre elles : contre le nationalisme, l’intégration européenne apporterait la paix et la prospérité. Au moment du 70e anniversaire dudit Traité, le constat d’échec est patent : stagnation économique, chômage de masse, montée des populismes, etc.) et est très largement partagé, les européistes eux-mêmes admettant des dysfonctionnements et la nécessité de revoir la construction européenne.

Les critiques pro-européennes proposent une révision pour plus de démocratie, plus de coordination, au prix si besoin d’une Europe à deux vitesses, etc. Qu’il s’agisse de mettre en place un gouvernement de l’euro, d’approfondir l’union bancaire, etc. tout cela va dans le sens d’un fédéralisme techno-bureaucratique. Ce ne sont là qu’expédients pour tenter de corriger les malformations de l’euro afin de renforcer ce carcan anti-social que les gouvernements ont conçu pour imposer les réformes structurelles qu’ils pensaient nécessaires pour faire converger les économies nationales vers l’équilibre par la grâce du respect de la loi du marché.

À l’opposé, les « souverainistes », réactionnaires ou progressistes, prétendent pouvoir refuser de se soumettre aux contraintes déflationnistes des Traités, ce serait selon eux une simple question de volonté politique des nations : à elles de retrouver l’autonomie de décision pour pouvoir mener les politiques économiques et sociales supposées salvatrices. Les uns proposent de sortir d’emblée de l’euro et de revenir tout simplement à une monnaie nationale, d’autres espèrent pouvoir renégocier les Traités pour instaurer des monnaies nationales parallèles à un euro monnaie commune. Pour les euro-critiques progressistes une Europe sociale serait alors possible via des discussions avec les partenaires (Plan A), leur échec conduisant en dernier recours à la sortie des Traités.

La faiblesse de ces constructions intellectuelles vient de leur « oubli » de la nature capitaliste des économies européennes, nature capitaliste qui explique l’instauration de l’euro monnaie unique comme conséquence de la crise du profit ouverte dans les années 70 (I) et l’inanité d’une proposition de sortie de crise qui ne serait pas pensée comme sortie du capitalisme (II). Toute vraie solution progressiste doit être définie à partir d’une « analyse concrète de la situation concrète » et non pas d’un « rêve » purement politique.

I – De la crise du profit ouverte dans les années 70 à l’institution de l’euro monnaie unique

Les Traités sont le résultat des contraintes exercées sur la construction européenne par la dynamique du capital, une critique conséquente de l’euro doit se fonder sur une critique du capitalisme. La dynamique du capitalisme est déterminée par ses lois économiques fondamentales, dont deux expliquent la mise en place de l’euro monnaie unique : la baisse tendancielle du taux de profit (BTTP) et la contrainte de compétitivité.

Le capital, c’est de l’argent qui fait de l’argent, c’est-à-dire de l’argent qui représente une richesse dont la valeur s’accroît. Comme Marx nous l’a appris dans sa théorie de l’exploitation, c’est le travail productif de marchandises qui crée la plus-value, c’est-à-dire le surplus de richesse réalisé en profit. Le capital est engagé sous forme d’argent dans le cycle A-M-A’ : il se reproduit et se développe en se métamorphosant d’argent en marchandise puis de nouveau en argent. Le bouclage monétaire du circuit de l’économie exige une monnaie supplémentaire de celle engagée initialement, qui est créée par les banques commerciales au prix de l’intérêt qu’elles perçoivent en échange du pari qu’elles font sur la réussite du pari des capitalistes (faire du profit). La monnaie supplémentaire est fournie par la banque centrale via sa monétisation de l’excédent de la balance des paiements, excédent issu des exportations de marchandises (capitalisme industriel-commercial) ou des importations de capitaux (capitalisme financier).

Pendant les Trente glorieuses, la dynamique du capitalisme reposait sur de forts gains de productivité et un large autofinancement des investissements par le profit réalisé. Mais la BTTP était à l’œuvre, bien que sans cesse combattue par des contre-tendances, tels l’inflation, l’intensification des cadences, le développement de l’actionnariat, l’internationalisation des firmes, etc., et elle s’imposa inéluctablement à partir du milieu des années 60, quand les rapports sociaux ne permirent plus ou s’opposèrent au développement des forces productives.

Pendant lesdites Trente glorieuses, la contrainte de bouclage monétaire était relativement faible, car l’inflation restant rampante, de légères dévaluations, permettaient les ajustements de compétitivité nécessaires. Car les gains de productivité permettaient d’articuler les économies nationales en recourant aux politiques conjoncturelles keynésiennes, en combinant action par la monnaie et par le budget pour réguler inflation et chômage en substituant alternativement l’une à l’autre. Mais les contre-tendances à la BTTP perdirent progressivement de leur efficacité, l’inflation devient croissante et la résistance ouvrière aux pertes de pouvoir d’achat induisit des dévaluations de plus en plus agressives et récurrentes. Le tout fut fatal aux gains de productivité et le capital ne sut plus produire assez de profit pour continuer de se valoriser en supportant l’expédient de l’inflation.

Le capital étant contraint à retrouver un taux de profit compétitif en cassant les salaires, directs ou socialisés, cela réduisit les débouchés et généra du chômage : la crise du profit apparut sous la forme de la stagflation, ce qui mit fin à la poursuite du compromis keynésien. Devenue galopante, dans les années 70, la « taxe d’inflation » (selon l’expression monétariste) qui rognait le patrimoine financier était devenue excessive pour que le rentier (l’épargnant) continue d’engager son argent dans l’entreprise capitaliste. Pour le rassurer, il a fallu revenir à « la vérité des prix », et avec l’engagement général au tournant des années 70-80 dans des politiques  d’austérité salariale (politique de l’offre, politiques de rigueur, stratégie de « désinflation compétitive », etc.) ce fut « la revanche du rentier ».

Parallèlement, en suscitant des dévaluations compétitives récurrentes et toujours plus fortes, le couple BTTP-contrainte extérieure a conduit à la crise du système monétaire international des années 70, ce qui a mis les pays européens en concurrence et donc mis en danger la construction européenne. Lesdits pays ont alors tenté de se protéger des turbulences de l’économie mondiale en faisant de l’Europe un havre de calme : l’intégration monétaire devait leur permettre de limiter les écarts de taux d’inflation, d’intérêt, etc.

Ce qui revenait à diriger leurs politiques conjoncturelles contre l’inflation, c’est-à-dire contre les salaires. Dans un premier temps ce fut l’instauration du Serpent monétaire, dont l’échec lui fit laisser la place au SME, dans le cadre duquel l’ECU devient la monnaie commune de l’Europe quand il fut autorisé à figurer dans les réserves des banques centrales. C’est de l’échec du SME qu’est venue la décision de passer à la monnaie unique.

II – De la vraie nature austéritaire de l’euro aux impasses de l’euro-criticisme

L’euro fut donc institué comme monnaie unique et fut flanqué des fameux « critères de Maastricht » dans le but d’obliger les pays membres de la zone à faire converger leurs économies, c’est-à-dire à rapprocher leurs structures économiques et sociales en sorte que les déséquilibres fauteurs de troubles (inflation, dette publique, etc.) dans le fonctionnement du marché disparaissent.

L’euro est donc supposé rétablir la stabilité propice à la réalisation des bienfaits du libre échange. En réalité, compte tenu de la contrainte extérieure, l’euro fonctionne comme un système d’étalon-or et en a tous les défauts que Keynes avait dénoncés dès les années 20, quand la Grande-Bretagne (GB) annonça son intention de rétablir ledit étalon-or : le pays le plus fort, le plus compétitif, dicte aux pays plus faibles le rythme des prix et des salaires. Devant l’interdiction de dévaluer, ces pays n’ont d’autre choix que l’austérité, avec les conséquences destructrices de la cohésion sociale que sont le chômage et la misère.

L’histoire a montré que ce système fonctionne de manière acceptable tant que le leader a les moyens de financer les besoins en liquidité de la zone or et que lorsqu’il ne le peut plus, la zone implose. Les pays en difficulté restent dans le système autant qu’ils le peuvent, mais quand la reproduction sociale se bloque, ils le quittent inéluctablement. Après 29, les pays capitalistes ont progressivement dû abandonner la parité or, d’abord la GB, puis les É-U et les participants au bloc-or constitué autour de la France, elle-même résistant jusqu’en 36. Aujourd’hui, plus aucun pays de la zone euro ne respecte strictement les critères, pas même l’Allemagne (dette > 60 %).

Relativement à la contrainte extérieure, la mécanique de l’euro repose sur le mécanisme Target2 : chaque pays de la zone euro crée son propre euro (les pièces et billets en portent la marque), et il revient à la BCE de ne faire faire qu’un de ces 19 euros en les faisant circuler dans toute la zone, ce qu’elle fait en inscrivant les soldes internationaux à son bilan : une dette pour les importateurs nets, une créance pour les exportateurs nets.

En effet, typiquement, quand par exemple un Français achète une auto allemande, il la paye avec un chèque sur une banque française qui devra le payer auprès de la banque allemande du vendeur. Elle le fera avec des euros empruntés à/émis par la BCE par inscription au passif de son bilan, donc en contrepartie d’une dette de ses actionnaires, dont le principal est l’Allemagne ! (au prorata de sa part dans le PIB de la zone).

On comprend alors que l’Allemagne souhaite que ses partenaires fassent les efforts nécessaires en lui réclamant avec insistance les fameuses « réformes structurelles ». On comprend que sans ces réformes, il lui reviendrait d’opérer les transferts nécessaires à la pérennité de la zone, ce qui explique par exemple qu’elle ne veuille pas payer pour « résoudre » la crise grecque. Ces transferts ne peuvent se concevoir qu’au sein d’une Europe politique (dotée d’un numéro de téléphone), c’est-à-dire au sein d’une nation européenne. Il est logique que les Traités instaurant l’euro comme monnaie unique pour intégrer monétairement des pays politiquement souverains (dans la forme) aient de fait ôté toute souveraineté réelle aux pays faibles et donné à la BCE un statut de cerbère de l’austérité.

Mais pour sauver les meubles (les Traités) quand la crise de l’euro a suivi en 2010 celle des « subprimes » de 2007-2008, la BCE a dû changer de politique en se lançant telles les banques centrales des É-U ou du Japon dans le « Quantitative Easing » (QE), qui consiste à injecter dans le circuit économique toutes les liquidités nécessaires à sa survie. Certains économistes euro-critiques de gauche qualifient absurdement cette politique de keynésienne, alors qu’elle n’est que l’application directe de l’explication monétariste de la crise déflationniste des années 30 par la restriction monétaire.

Dans la logique monétariste, la crise réelle est la conséquence de salaires politiques, économiquement irrationnels, mais elle est aussi monétaire, car « la monnaie compte », par ses conséquences sur le niveau général des prix (inflation/déflation). Trop de monnaie et c’est la taxe d’inflation, pas assez et c’est la déflation, tout aussi néfaste pour le capital, déflation que les banques centrales tentent de contrer en recourant le QE. Cela peut faire penser à la préconisation keynésienne d’abondance monétaire (dont Keynes doutait de l’efficacité), c’est pourquoi Milton Friedman proclama « nous sommes tous keynésiens ».

Dans la logique keynésienne, l’abondance monétaire est supposée dynamiser l’économie réelle, mais dans une situation de crise du profit, l’investissement n’embraye pas et l’économie reste en panne. L’heure du keynésianisme est passée, peut-être reviendra-t-elle, si une nouvelle configuration capitaliste fait redémarrer le progrès des forces productives. En attendant, l’abondance monétaire ne fait qu’alimenter ces « bulles gonflées d’argent nominal » dont parlait le curé Meslier, cité par Marx. La politique de la BCE ne fait qu’acheter du temps, tandis que la situation ne peut qu’empirer jusqu’à la prochaine crise financière.

III – Que proposer, que faire ?

Les lois de l’économie capitaliste contraignent les choix politiques de la nation, qui ne peut être réellement souveraine que dans un cadre économique dynamique. Ces choix résultent de l’état de la lutte des classes, au sein de la nation, où joue la BTTP, mais aussi au sein des rapports inter-impérialistes, où joue la contrainte extérieure (qui résulte de la contrainte de bouclage du circuit monétaire). Ces lois ne jouent certes pas mécaniquement, mais en dernière instance elles sont déterminantes. Les ignorer, c’est donner au politique un pouvoir qu’il n’a pas, c’est surtout éviter de mettre en cause la base capitaliste du mouvement de la société.

À l’époque d’une crise structurelle du capitalisme, la souveraineté nationale n’est réelle que pour les pays compétitifs au niveau du marché mondial. Les “souverainistes” croient pouvoir ignorer cette réalité et proposent ni plus ni moins de revenir au cadre institutionnel des Trente glorieuses, années de forte croissance pendant lesquelles le keynésianisme pouvait gérer une certaine autonomie des nations.

Une sortie à froid de l’euro est ainsi difficilement concevable dans la situation actuelle de crise structurelle du profit. D’abord, rendre à la banque centrale nationale ou à la BCE le pouvoir de financement direct de l’État ne résoudra pas ladite crise : ce n’est pas la loi de 1973, tellement décriée, mais qui ne faisait que prolonger les lois Debré de 66-69 et précéder la loi bancaire de 1984, qui est la cause des difficultés, ces lois sont la conséquence de la crise du profit.

Ensuite, la souveraineté monétaire qui pouvait permettre une certaine autonomie des politiques économiques et sociales ne le peut plus, notamment parce que la large imbrication des systèmes productifs dans le cadre de la mondialisation que ladite crise a induite (et qui n’a rien réglé au fond) empêcherait toute réelle reconstruction keynésienne.

Cela ôte aussi la possibilité d’imaginer à gauche une voie de sortie progressiste dans la même ligne d’un retour aux Trente glorieuses, en accusant ici la loi de 73 d’avoir donné le pouvoir à la finance au détriment de la production de richesses. D’autant que c’est l’incapacité de créer profitablement des richesses qui a donné le pouvoir à la finance, qui peut « créer de la valeur pour l’actionnaire » en captant de la richesse produite ailleurs (dans les pays à rente minière ou à bas salaires) selon le bon vieux mécanisme impérialiste de la « tonte des coupons » de Lénine.

À l’opposé, les européistes croient pouvoir régler la question de l’euro par de simples arrangements institutionnels.

Les européistes « de gouvernement », de droite ou de gauche, proposent de surmonter la crise de l’Europe en allant vers une nécessaire forme de fédéralisme européen pour construire une Europe des nations (fédération ou confédération, selon les sensibilités). Mais, qu’il s’agisse de « gouvernement de l’euro », de Parlement européen, etc., c’est toujours la même erreur, car dans la situation de crise actuelle, la contrainte extérieure empêche, comme toute l’histoire de la construction européenne l’a montré depuis les années 70, toute coordination des politiques nationales selon un supposé intérêt général de la zone. Or cet intérêt général n’existe pas, et le repli actuel sur soi, alors que le débat protectionnisme vs libre échange gagne les institutions internationales elles-mêmes (OCDE, FMI, etc.).

Cet européisme est anti-démocratique par sa fuite dans un fédéralisme techno-bureaucratique qui manifeste la volonté néo-libérale d’éradiquer toute intervention politique dans le domaine économique, des techno-bureaucrates assurant le gouvernement de la (con)fédération selon les supposées lois naturelles du marché, lois qui en réalité ne font que traduire celles du capital. Les institutions de sauvetage de l’euro (MES, Union bancaire, etc.) relèvent de ce pseudo-fédéralisme déterminé par les interactions entre bureaucraties nationales et européennes, de plus en plus conflictuelles au fur et à mesure de l’approfondissement de la crise.

Les européistes démocrates, plus ou moins à gauche de la gauche de gouvernement, au contraire, attribuent essentiellement les difficultés de l’euro et de l’Europe au déficit démocratique de sa construction, qui donne le pouvoir à ceux qui suivant leur intérêt prônent l’austérité, tandis que le peuple, qui en souffre, est empêché par la mauvaise construction politique de l’euro d’imposer une orientation progressiste de la marche de l’Europe.

L’espoir progressiste ne peut hélas pas davantage reposer sur les propositions euro-pas-franchement-critiques de renégocier les Traités (Plan A) ou de désobéir (Plan B) afin de reconstruire une Europe acceptable. Car le volontarisme politique, aussi déterminé soit-il, ne pourra pas imposer une Europe fiscale pour une Europe sociale, par exemple. La nécessaire profonde renégociation des Traités dans le sens d’une Europe keynésienne se heurterait au même mur que Keynes à Bretton Woods. Plans A et B restent du domaine d’un rêve politique qui ignore les vraies lois de l’économie.

Les propositions qui tournent autour des monnaies complémentaires ou parallèles et de la monnaie commune tentent de tenir compte de cette réalité, mais elles supposent que l’existence d’une monnaie pour les transactions européennes libérerait les économies nationales de la contrainte de convergence. Elles supposent que la monnaie nationale fonctionnant en circuit fermé, la banque centrale nationale pourrait financer l’économie réelle, et couplé au fait que les dévaluations sont redevenues possibles, l’austérité serait « éluctable ». C’est toujours la même illusion d’un possible retour au keynésianisme des Trente glorieuses auquel la crise du profit mit fin, c’est ignorer que c’est l’échec du keynésianisme à gérer ladite crise qui conduisit à tenter l’expérience avortée de la monnaie commune que devint officiellement l’ECU quand il fut renommé euro en 1999 afin d’en faire la monnaie des transactions internationales de l’UE.

Refondation, réorientation, Plans A, B ou A/B, rien n’y fera. C’est une crise paroxystique de l’euro qui elle, est inéluctable, et la question du jour n’est pas de penser la renégociation des Traités, mais de penser l’après implosion de l’euro et de l’UE. C’est ce en quoi consiste notre Plan C.

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Laïcité et intégrisme

par Catherine Kintzler

 

Source externe : Mezetulle, le blog de Catherine Kintzler : http://www.mezetulle.fr/laicite-et-integrisme/, le 14 mars 2017

Le régime politique laïque installe une dualité libératrice permettant à chacun d’échapper aussi bien à la pression sociale de proximité qu’à une uniformisation officielle d’État. Les intégrismes, qui ne souffrent aucun point de fuite, ne peuvent que le détester. Aussi la laïcité est-elle le point de résistance le plus puissant pour les affronter – à condition de ne pas renoncer à cette puissance par des « accommodements » qui la ruinent1.

L’injonction d’uniformisation

L’intégrisme ne peut pas souffrir les points de fuite par lesquels on peut échapper, même momentanément, à son exigence d’uniformisation de la vie et des mœurs. Tout ce qui rompt ce tissu qu’il veut intégral, ordonné à une parole unique, tout ce qui peut le rendre perméable à une autre parole, à une autre manière de vivre, lui est odieux. Rien d’étonnant à ce qu’il s’en prenne à la liberté d’expression, et généralement à toute altérité. Les États de droit et leurs effets de liberté sont naturellement dans le viseur de son tir. On se souvient des caricatures au Danemark, de Theo van Gogh, de Rushdie, de Redeker, de Toulouse – la liste s’allonge, pensons, entre autres, aux procès faits à Pascal Bruckner, à Georges Bensoussan, à Djemila Benhabib, à Kamel Daoud, pour n’en citer que quelques-uns.

Dès janvier 2015, avec les assassinats de Paris, où un parcours sanglant des figures de la liberté a été tracé (le « blasphémateur » qui teste la liberté, le policier républicain qui la protège, le Juif qui incarne l’altérité haïe), suivi par la démonstration sans précédent d’un peuple se réappropriant ses principes, on a atteint une sorte de classicisme dans l’opposition politique épurée entre la violence intégriste meurtrière et les principes républicains libérateurs. Le sillon sanglant s’est poursuivi avec les carnages du Bataclan puis le 14 juillet de Nice, où l’esprit même de la réunion libre et fraternelle par delà toutes les appartenances a été frappé. Dans son éditorial du 14 janvier 2015, Charlie-Hebdo, sous la plume de Gérard Biard, avait déjà pointé la cible profonde et l’enjeu de cette opposition absolue : le régime laïque et ses effets, nec plus ultra de l’État de droit.

La dualité du régime laïque : une respiration

La laïcité comme régime politique est en effet une cible éminente pour les visées intégristes. Cette éminence la désigne comme le point de résistance le plus puissant pour s’en prémunir – à condition de ne pas renoncer à cette puissance par des « accommodements » qui la ruinent.

La laïcité va jusqu’aux racines de la disjonction entre foi et loi. Au-delà même de la séparation des églises et de l’État, elle rend le lien politique totalement indépendant de toute forme de croyance ou d’appartenance : il ne se forme pas sur le modèle d’un lien préexistant, religieux, coutumier, ethnique. L’appartenance préalable à une communauté n’est pas nécessairement contraire au lien politique, mais elle n’est jamais requise par lui. Et si une appartenance entend priver ses « membres » des droits ou les exempter des devoirs de chacun, l’association politique la combat. On voit alors que, si l’intégrisme peut encore s’accommoder d’une association politique « moléculaire » où les communautés en tant que telles sont politiquement reconnues, il ne peut que haïr celle qui réunit des atomes individuels, qui accorde aux communautés un statut juridique jouissant d’une grande liberté mais leur refuse celui d’agent politique ès qualités.

Ce faisant, le régime laïque installe une dualité qui traverse la vie de chacun et rend concrète une respiration redoutée par l’intégrisme. D’une part, le principe de laïcité proprement dit applique le minimalisme à la puissance publique et à ce qui participe d’elle : on s’y abstient de toute manifestation, caution ou reconnaissance en matière de cultes, de croyances et d’incroyances. Mais d’autre part ce principe d’abstention, ce moment zéro, n’a de sens qu’à libérer tout ce qu’il ne gouverne pas : l’infinité de la société civile, y compris les lieux accessibles au public, jouit de la liberté d’expression et d’affichage dans le cadre du droit commun. Sans cette dualité, la laïcité perd son sens. Chacun vit cette distinction concrètement : l’élève qui ôte ses signes religieux en entrant à l’école publique et qui les remet en sortant fait l’expérience de la respiration laïque, il échappe par cette dualité aussi bien à la pression sociale de son milieu qu’à une uniformisation officielle d’État. Croire qu’une femme voilée serait incapable de comprendre cette articulation, la renvoyer sans cesse à l’uniformité d’une vie de « maman voilée », c’est la mépriser et la reléguer dans un statut d’intouchable ; c’est aussi désarmer celle qui entend échapper au lissage de sa vie.

Une pensée « progressiste » et « inclusive » au secours de l’exclusivité communautaire

On comprend que cette altérité fondamentale des espaces, des temps, des règles, des fonctions, soit diamétralement opposée à tout intégrisme, et c’est pourquoi il est absurde de parler d’ « intégrisme laïque » –  ce qui est contradictoire puisque le régime laïque distingue les domaines et ne les uniformise pas. Cette respiration, caractéristique du régime laïque, fait obstacle, par définition, à toute emprise intégrale sur l’existence humaine et c’est pourquoi les intégrismes religieux l’ont en aversion. Mais comment comprendre qu’elle soit récusée et même combattue, au prétexte de « respect des cultures » et d’ « inclusion », par des progressistes ? Comment comprendre que le brouillage des distinctions soit obstinément reconduit, que les injonctions au conformisme soient complaisamment tolérées, que le grignotage de ce régime libérateur soit systématiquement proposé par des « décideurs » dont la couleur politique varie, mais non l’assentiment à cette pensée diffuse qui fait de l’attitude croyante une norme, qui la considère comme un modèle de « vivre-ensemble » et qui invite chacun à s’y inscrire, sans répit, sans moment critique, sans respiration ? L’introduction des signes religieux à l’école publique (sortis par la porte en 2004 et revenant par la fenêtre avec les accompagnateurs de sorties), la mise en quartiers des cimetières, l’appel au financement des cultes – comme si la liberté de culte était un droit-créance –, l’injonction faite à l’école de se livrer à son extérieur en organisant l’impossibilité d’instruire (bonne recette pour produire des ghettos scolaires voués à la monotonie communautaire), l’abandon par les services publics de zones qu’on ne devrait pas appeler « urbaines » : en finira-t-on bientôt avec cette politique antilaïque et antirépublicaine qui n’est autre qu’un soutien à l’intégrisme politico-religieux ?

Oser imposer le modèle laïque aux « décideurs »

Non la France n’a pas de problème de laïcité. Mais une grande partie de son personnel politique et médiatique autorisé a un problème avec la laïcité. Ce problème ce sont des discours compassionnels et culpabilisants dont l’effet est le retournement victimaire. C’est un regard paternaliste et méprisant par son indulgence même envers des communautés exclusives et féroces – comme si les individus qui les composent n’étaient pas dignes de prendre en main leur propre destin dans sa singularité, comme s’ils ne pouvaient jouir que d’une identité tribale « clés en mains ». C’est un dévoiement de l’antiracisme et de la lutte contre les discriminations, une virulence qui va jusqu’à solliciter le bras meurtrier en lui désignant les cibles d’un index complice et en susurrant l’accusation suprême – « islamophobe ! ». C’est la perméabilité à la normalisation par le religieux à laquelle il faudrait « s’adapter », comme si la laïcité était anti-religieuse, et comme s’il fallait avoir honte d’afficher son athéisme ou son agnosticisme. Ce sont les sirupeuses génuflexions devant un « vivre-ensemble » impératif, un douteux « bien commun » sans égards pour la singularité, comme si le civisme républicain était une valeur sacrificielle de patronage et comme si le Promeneur solitaire devait toujours être lapidé. Ce problème c’est aussi que nous, citoyens, n’osons pas imposer avec assez de force à nos « décideurs » la réappropriation du modèle politique laïque et de sa puissance libératrice.

 

Notes

  1. Ce texte est une version modifiée, augmentée et actualisée de l’article publié le 30 janvier 2015 sur Le Monde.fr, intitulé “Contre l’intégrisme, choisissons la respiration laïque
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Laïcité et école privée 

Réactions à l'article d'E. Khaldi

par ReSPUBLICA

 

Voir dans le précédent numéro : “Laïcité : regardons comment les candidats à la présidentielle se positionnent face à l’école privée”

1/ « Le succès du privé est une conséquence et non une cause »

Oui l’école privée, essentiellement catholique, est discriminante mais comment expliquer que de plus en plus de familles, y compris musulmanes, fassent des pieds et des mains pour y mettre leurs enfants ? Il faut bien se poser le problème !
Le vrai problème est le fonctionnement de l’école publique et de ses résultats confirmés par de nombreuses enquêtes . Et ce n’est pas qu’un problème de moyens ; qu’ils baissent ou augmentent depuis plus de vingt ans la dégringolade se poursuit . Pourquoi ?
Je suis enseignant retraité et mon fils a fait tout son cursus jusqu’au niveau d’ingénieur dans les établissements publics du secteur mais aujourd’hui la situation est bien différente : ghettoïsation, communautarisation, méthodes et programmes absurdes, problèmes de violence, enseignants mal ou pas formés et pas respectés . Mais qui aura le courage de faire un vrai bilan ?  et de proposer de vraies solutions ?
Sinon, l’enseignement, de plus en plus privé, croîtra inexorablement et le public sombrera en garderie au rabais .
J. Champetier

Commentaire de la Rédaction
Ce lecteur indique bien les problèmes majeurs de l’enseignement public ; bien sûr “Le succès du privé est une conséquence et non une cause”, mais il refuse malheureusement de voir la cause dans les moyens. Par exemple, “les enseignants mal ou pas formés, pas respectés” : à l’époque où tout se mesure par l’argent, comment les jeunes respecteraient-ils des gens qui gagnent si peu (pendant tout le milieu de ma carrière, mes étudiants démarraient avec le même salaire que moi au bout de 20 ans) ? comment les bons étudiants s’engageraient-ils dans l’enseignement quand on leur leur propose le double ou le triple dans le secteur privé ? “La garderie au rabais”, ça fait des lustres qu’elle est là, au moins à l’université. Le mauvais fonctionnement que dénonce notre lecteur n’est pas la cause, mais il a une cause, la baisse des moyens (quand a-t-on vu une hausse des moyens ?), la casse de l’enseignement public ayant commencé avec la crise ouverte dans les années 70 et le refus de l’impôt exprimé dès les années 70-80 (l’anti-fiscalisme de Reagan-Thatcher repris hier par Médecin-Le Pen père et aujourd’hui Fillon).
MZ

2/ “La conséquence d’une série de réformes menées par la droite et le PS en alternance”

J’ai lu avec intérêt votre article sur les écoles privées catholiques que je partage… sauf que si un petit d’origine maghrébine est très bon, il n’est pas refusé.

La loi prise à la suite de la manifestation des écoles privées par le PS reste un vrai scandale même si elle a améliorée la formation de enseignants du privé sous contrat. mais n’oublions pas qu’il y a aussi le privé commercial très agressif et très ségrégatif.
N’oublions pas non plus cette ubérisation commencée avant que le mot existe de l’école publique, ubérisation débutée avec brio par le PS aussi : démantèlement de l’enseignement technique long au profit de l’apprentissage, puis dans un second temps de l’enseignement professionnel (le PS a su habilement jouer sur les clivages internes à la FEN).
Qui vraiment a protesté ? Et pourtant avec notre enseignement à double finalité venue de la Libération, l’enseignement technique bien fait, avec des programmes non dégradés, a lutté sans bruit contre les inégalités scolaires.

Ces réformes ont lancé ce grand marché de la formation professionnelle auquel nous assistons aujourd’hui,
– introduction de langues vivantes sans formation des enseignants avec le recours à des personnes sous contrats privés. Rebelote avec N:B: la ministre actuelle pour une LV dès le CP.
– la fameuse réforme dite des rythmes scolaires qui la baisse des moyens des communes aidant se traduit de façon grandissante à un système payant assuré par un marché fructueux en train de s’installer.

Et c’est encore un ministre socialiste Allègre qui a popularisé l’idée qu’il fallait « dégraisser le mammouth ».
Avec ces amis de l’école publique laïque et gratuite, les ennemis ont une voie dorée toute tracée.
Tout cela conduit à un recrutement grandissant d’enseignants en contrats plus ou moins privés, en CDD ou en vacations, sans formation, laissés à eux mêmes dans des conditions difficiles, qui eux aussi se sentent abandonnés de la société.
Certes personne ne parle vraiment de cela et c’est encore Mélenchon qui parmi les candidats en parle le mieux.
Il ne manque pas d’études pour dénoncer l’aggravation des inégalités par l’école française, ce qui n’est qu’en partie vrai.
Mais ce n’est là que la conséquence d’une série de réformes menées par la droite et le PS en alternance ! Au loin crie le loup.
Madeleine Jorand



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