n°860 - 27/12/2017
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Initiation aux concepts marxiens : fédérer le peuple ? (1/2)

par Évariste

 

Sortir des discours hétéronomes

Avant d’aborder, dans un second article, les conditions de constitution d’une République sociale, nous reviendrons sur la définition des notions essentielles que sont le prolétariat, les ouvriers, les pauvres, les exploités, les dominés, les employés, etc. Le « gloubi-boulga » de la doxa militante et de ses gourous est le plus souvent influencé par le discours de l’idéologie dominante aujourd’hui néolibérale. Il s’agit là de discours hétéronomes. Si on veut entrer dans un processus révolutionnaire, il convient de sortir de l’hétéronomie et construire un discours autonome de l’idéologie dominante. Il convient donc de redéfinir tous les concepts qui structurent cette théorie puis de les articuler entre eux. Voilà qui demande une formation spécifique des militants, formation qui n’est plus proposée à grande échelle dans aucune grande organisation politique, syndicale ou associative de la gauche1. Cela va de pair avec le fait que la composition sociale des responsables de ces organisations a changé. Les couches populaires ouvrières et employés représentant la majorité du peuple objectif (ou du peuple en soi) ont été quasiment totalement exclues des responsabilités et remplacées par des éléments de la petite bourgeoise pouvant atteindre des niveaux bac+5. Et la majorité de ceux-ci, s’ils acceptent facilement l’acquisition de nouvelles compétences techniques, rechignent à remettre en cause leurs discours hétéronomes et confus liée à l’intégration dans leur pensée de nombreux pans de l’idéologie dominante. Par exemple, comprendre pourquoi nous voyons la concomitance de la victoire de l’idéologie néolibérale avec la pénétration chaque jour plus profonde dans la gauche dite radicale du communautarisme produit par le néolibéralisme, de l’abandon de la lutte des classes, ou celle de la disparition des ouvriers et de leur remplacement par les couches moyennes, etc. permet de réagir pour trouver enfin un discours autonome pour sortir de l’hétéronomie de la gauche dite « radicale ».

Définitions

Exploités et exploiteurs renvoient à la place des personnes dans les rapports de production. L’exploité se fait « voler » la plus-value produite par lui et extorquée par le capitaliste.
Pauvres et riches renvoient à une insuffisance de moyens pour vivre pour les premiers et une surabondance de moyens pour vivre pour les seconds.
Dominants et soumis relèvent du positionnement par rapport à l’autorité. On peut parler de domination masculine, de domination néocoloniale, etc.
Le prolétariat est constitué des travailleurs, actifs, en chômage ou en retraite (s’ils ont été prolétaires lorsqu’ils étaient en activité), non propriétaires des moyens de production. Le prolétariat est principalement propriétaire de sa force de travail qu’il échange contre un salaire direct et socialisé (ce salaire assurant la production et la reproduction de la force de travail). Un prolétaire peut être pauvre ou ne pas l’être. Tout pauvre n’est donc pas forcément un prolétaire. Donc un non-prolétaire (entrepreneur individuel, petit paysan, artisan, petit commerçant) peut être plus pauvre qu’un ouvrier. Le prolétaire se voit dépossédé d’une partie du produit de son travail (la plus-value) au profit de l’employeur.
Un petit patron peut être dominé, voire opprimé par le grand capital, il n’est pas exploité par lui et il n’en devient pas un prolétaire.
Pour l’oligarchie capitaliste il faut du chômage pour former « l’armée de réserve » aux fins que cette dernière fasse pression sur les actifs pour diminuer leur ardeur à la revendication.
Les marginaux ou le « lumpenprolétariat » (alternance de petits boulots, d’aide sociale, de mendicité) bien qu’ayant des conditions de vie souvent moins bonnes que le prolétariat n’en font pas partie.
La majorité des employés des services contribuant à la vie productive et sociale, une partie des services de santé, la majeure partie des services à la personne font partie du prolétariat.
Les ouvriers sont des prolétaires qui créent de la valeur ajoutée au sens de la valeur d’usage. Il y a donc des prolétaires non-ouvriers dans les personnels utiles qui gèrent la production mais ne la créent pas. Cela dit, la transformation de la typologie du travail (transport, conditionnement, grande distribution, informatique, commande électronique, etc.) a tendance à rapprocher une partie des employés de la condition ouvrière d’une part et même dans certains cas, les fait entrer dans le même rapport de production que les ouvriers. Voilà pourquoi certains parlent d’un passage progressif à une classe populaire ouvrière et employée. Mais, il faudra dans une analyse plus fine, tenir compte de l’adresse de Guy Debord :

« Suivant la réalité qui s’esquisse actuellement, on pourra considérer comme prolétaires les gens qui n’ont aucune possibilité de modifier l’espace-temps social que la société leur alloue à consommer (aux divers degrés de l’abondance et de la promotion permises). Les dirigeants sont ceux qui organisent cet espace-temps ou ont une marge de choix personnel. Un mouvement révolutionnaire est celui qui change radicalement l’organisation de cet espace-temps et la manière même de décider désormais sa réorganisation permanente (et non un mouvement qui changerait seulement la forme juridique de la propriété, ou l’origine sociale des dirigeants). (Bases politiques de mai 1963 dans Lire Debord (éditions de l’Échappée, 2016).

L’oligarchie capitaliste comporte les familles propriétaires des holdings financiers privés (ayant un nombre d’actions leur permettant d’exercer une part significative du pouvoir) et des directions des grandes entreprises privés, une partie plus ou moins grande des couches moyennes supérieures, des magistrats, des professions libérales (propriétaires des grands cabinets), de la haute fonction publique, des hauts officiers de l’armée, de certains dirigeants des syndicats complaisants, des dirigeants communautaires religieux ou pas, des patrons de médias, des intellectuels et professeurs d’université qui contribuent à la production idéologique du néolibéralisme, des artistes du système, des grands sportifs instrumentalisés par le système.
La petite bourgeoisie comporte une partie des couches moyennes supérieures, les couches moyennes intermédiaires dont les personnels administratifs, une partie des professions libérales, la majorité des fonctionnaires (qui pour la plupart d’entre eux sont très utiles et indispensables mais ne produisent pas de plus-value et sont donc payés par la plus-value dégagée dans l’économie productive), des paysans propriétaires, la majorité des forces de l’ordre et de la justice, les retraités ayant un patrimoine significatif (au-delà de leur habitation principale) ou des revenus significatifs hors des systèmes de retraite par répartition. Une partie importante de cette petite bourgeoisie est de plus en plus confinée à un rôle de simple exécutant et / ou de consommateur du système capitaliste. C’est ce qui peut amener cette petite bourgeoisie à s’allier avec le prolétariat.
La contradiction principale dans les pays capitalistes développés réside dans l’opposition du prolétariat contre l’oligarchie capitaliste. Cette lutte des classes reste le moteur de l’histoire. La contradiction principale n’est pas entre l’oligarchie capitaliste et la petite bourgeoisie. Mais un processus de transformation sociale et politique ne peut advenir sans qu’une partie majoritaire de la petite bourgeoisie choisisse de s’allier avec le prolétariat dans un bloc historique.
Comme dans les pays capitalistes développés, l’État organise un contrôle social sur la société civile, le processus ne peut pas être enclenché sans qu’un bloc historique soit constitué entre le prolétariat, ses alliés de la petite bourgeoisie et une partie dominante de la société civile notamment sur le plan culturel et idéologique. Voilà pourquoi l’une des conditions indispensables est la victoire préalable d’une nouvelle hégémonie culturelle par un lien dialectique entre les luttes sociales et une éducation populaire refondée en utilisant toutes ses méthodes ascendantes et descendantes. On comprendra donc qu’un bloc historique, c’est plus qu’un simple front de classes.

Constitution objective et construction subjective

La notion de classe comme la notion de peuple a deux aspects, un aspect objectif (en soi) et un aspect subjectif (pour soi). Tout ce que nous venons de dire plus haut renvoie à une conception objective de la notion de classe ou de la notion de peuple. Mais la conception objective, seule, ne permet pas la mise en mouvement ni de la classe ni du peuple. Par exemple, aujourd’hui, nous voyons que les deux tiers du peuple objectif (du peuple en soi) étaient contre les lois travail mais que la majorité d’entre eux ne se sont pas mobilisés pour autant. Pour qu’une classe ou un peuple se mette en mouvement, c’est –dire devienne un peuple pour soi ou une classe pour soi, il faut que le caractère subjectif soit constitué et que donc les éléments constitutifs de la classe ou du peuple d’abord se reconnaissent en elle ou en lui et ensuite décident d’agir avec elle ou avec lui. On parle alors de peuple mobilisé (le peuple pour soi) ou de classe mobilisée (la classe pour soi). Là encore, le lien dialectique entre les luttes sociales d’une part et l’éducation populaire refondée d’autre part est un vecteur de cette constitution subjective d’une classe pour soi ou d’un peuple pour soi).

Fédérer le peuple

Pourquoi faut-il travailler à fédérer le peuple dans une démarche agonistique, surtout dans un pays développé ?
Parce qu’aucune classe seule ne peut engager un processus de transformation sociale et politique. Elle a besoin d’alliances et même plus de constituer un bloc historique capable d’engager la transformation. Constituer ce bloc historique, c’est fédérer le peuple.
Comme en 1792, lorsque la Législative « considérant qu’il est avantageux de resserrer les liens de fraternité qui unissent les Gardes nationales de tous les autres départements avec celle de Paris », décrète que 20 000 gardes nationaux se réuniront à Paris le 14 juillet pour protéger la capitale. Le roi met son veto. L’Assemblée passe outre. Les fédérés demandent la déchéance du roi, popularisent le Chant de l’armée du Rhin, devenu la Marseillaise, et participe à l’insurrection du 10 août 1792, qui permit la création de la 1ère République, républicaine, elle, le 22 septembre 1792
Comme en 1871 avec, d’un côté les versaillais, de l’autre les fédérés de la Commune. C’est pourquoi le mur des fédérés dans le cimetière du Père Lachaise reste un symbole de la fédération des fractions rivales du socialisme français.

À suivre.

  1. Pour avoir des intervenants pour vos formations, vous pouvez contacter soit Respublica sur evariste@gaucherepublicaine.org soit le Réseau Éducation Populaire sur reseaueducationpopulaire@gmail.com []
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Pourquoi le  P.I.R. et Mme Houria Bouteldja ne sont pas fréquentables

par Alliance des Travailleurs/Travailleuses Laïques Autogestionnaires et Solidaires

 

Houria Bouteldja est une des trois porte-parole du Parti des Indigènes de la République (PIR). Nous vous proposons une lecture commentée de son livre Les Blancs, les Juifs et nous (La Fabrique Editions) sur la base de citations.

Enfin les catégories que j’utilise : « Blancs », « Juifs », « Femmes indigènes » et « indigènes » sont sociales et politiques. Elles sont des produits de l’histoire moderne au même titre qu’ « ouvriers » ou « femmes ». Elles n’informent aucunement sur la subjectivité ou un quelconque déterminisme biologique des individus mais sur leur condition et leur statut.  p.13

Dès le départ, H. Bouteldja tourne le dos à une analyse en termes de classes sociales. En effet toute son analyse est interclassiste, mais pas seulement. Le P.I.R. est à venir…

Fusillez Sartre !

Ce mot d’ordre d’anciens combattants sur les Champs Elysées le 3 octobre 1960 caractérise les pp. 15 à 28.

Après avoir reconnu  qu’en matière de colonialisme et de racisme, fidèle à sa conscience d’adolescent, il ne se trompera presque jamais. On le retrouvera mobilisé contre le « cancer » de l’apartheid, contre le régime ségrégationniste des Etats Unis, en soutien à la révolution cubaine et au Viet Minh. Il se déclarera même porteur de valises du FLN. 

Mais aujourd’hui, H. Bouteldja écrit « Fusillez Sartre ! Ce ne sont plus les nostalgiques de l’Algérie Française qui le proclament. C’est moi l’indigène. »

Quel crime Sartre a-t-il commis ? En 1948, il prend position pour la création de l’Etat hébreu ! Certes on doit  critiquer cette prise de position. Mais la cheffe des Indigènes oublie juste un détail : les pensées, les idées se construisent dans une histoire et dans des territoires. On ne peut décontextualiser l’erreur de Sartre sans rappeler la période : juste après la Shoah, la seconde Guerre mondiale ! L’histoire du mouvement social est pleine de penseurs, d’idées qui furent révolutionnaires en leur temps et qui nous paraissent dépassées/insuffisantes/ incomplètes aujourd’hui. En ouvrant d’autres possibles, elles ont néanmoins permis leur propre dépassement.

Alors critiquer Sartre (ou tout autre) sans concession, comme l’a fait Josie Fanon, oui. Mais le «fusiller», même symboliquement, c’est déjà une forme de totalitarisme. Reprendre en toute connaissance un mot d’ordre d’extrême droite, c’est déjà un choix politique.
On peut aussi faire un détour avec des propos récents concernant Clémentine Autain qui a fait le choix de dire qu’Houria Bouteldja n’est pas une camarade. La réponse de Bouteldja sur le site du PIR est éclairante : « Chère Clémentine, peut-être qu’en dépit du réel, maintiendras-tu que je ne suis pas ta « camarade », en revanche, je peux t’assurer d’une chose qui t’indifférera peut-être dans l’immédiat mais que tu méditeras dans un avenir proche : si c’est la lutte qui fait le camarade, c’est bien l’ennemi qui fait le traître. » Site du PIR 24 novembre 2017.

Ce chapitre qui n’est pas sans un certain lyrisme vagabond n’est pas avare de citations qui devraient toutes/tous nous amener à réfléchir sur les arrières pensées des intellectuel-le-s des Indigènes. 

Morceaux choisis

Je suis dans la strate la plus basse des profiteurs. Au-dessus de moi, il y a les profiteurs blancs. Le peuple blanc, propriétaire de la France : prolétaires, fonctionnaires, classes moyennes. Mes oppresseurs. Ils sont les petits actionnaires de la vaste entreprise de spoliation du monde. Au-dessus, il y a la classe des grands possédants, des capitalistes, des grands financiers qui ont su négocier avec les classes subalternes blanches, en échange de leur complicité, une meilleure répartition des richesses du gigantesque hold-up et la participation –très encadrée- au processus de décision politique qu’on appelle fièrement « démocratie ». 

Houria Bouteldja pointe des contradictions apparentes au sein du prolétariat. Oui, on peut être à la fois opprimé et oppresseur. Mais le poser en esquivant la lutte des classes qui sévit au sein même des « blancs », c’est basculer dans une vision ethnique des rapports de forces. Elle oublie que chez les « racisé-e-s », il y a aussi des bourgeois, des actionnaires, des propriétaires. Elle oublie que les prolétaires, les fonctionnaires « blancs » ne sont en aucun cas les actionnaires de la vaste spoliation du monde, mais qu’ils en subissent aussi une partie des effets. Même si elle est moindre que celle subit par les peuples du « Sud ».

Elle cite Sadri Khiari son « alter ego » des Indigènes : « Parce qu’elle est le partenaire indispensable des indigènes, la gauche est leur adversaire premier. ». Sadri Khiari est aussi un porte-parole du PIR. Le troisième étant Youssef Boussoumah.

On a ici l’impression de relire les textes de tous les crypto-léninistes et autres avant-gardes autoproclamées que le premier ennemi est celui qui est le plus proche. On voit où ce genre de théorie stalinienne a mené la gauche révolutionnaire après 1968.

Vous, les Blancs

Je pense donc je suis l’homme moderne, viril, capitaliste et impérialiste. Le « je » cartésien va jeter les fondements philosophiques de la blanchité. Il va séculariser les attributs de Dieu et les transférer vers le dieu Occident qui au fond n’est rien d’autre qu’une parabole de l’homme blanc. 

Nous y voilà ! Bien sûr il y a tout lieu de critiquer le capitalisme, l’impérialisme avec leurs cortèges d’horreurs et d’exploitation… Mais pas parce qu’il a pris la place de « Dieu ». D’ailleurs le « dieu Occident » est-il le seul à avoir imposé par la guerre sa religion. Les conquêtes faites au nom de l’Islam dans toute la Méditerranée n’ont-elles pas existé ?

Que dire de ce concept de « blanchité », si ce n’est qu’une vision, ethnicisante des rapports  de classes ? Les invasions capitalistes ont été subies par des peuples « blancs ». N’y-a-t-il pas eu des invasions entre puissances africaines et /ou asiatiques ?

Il n’y a pas d’homosexuels en Iran » C’est Ahmadinejad qui parle. Cette réplique m’a percé le cerveau. Je l’encadre et je l’admire…  p. 32

Le cerveau percé, voilà une explication possible de cette horreur…

Stupéfaction. Tollé général. Ou presque. Du moins je le suppose. Les cyniques blancs comprennent. Les anti-impérialistes encaissent. Les autres – la bonne conscience – ont les boyaux qui se tordent. Le sentiment qui suit : la haine. Et moi, j’exulte. Normalement, je dois saisir ce moment du récit pour rassurer : « Je ne suis pas homophobe et je n’ai pas de sympathie particulière pour Ahmadinejad.  Je n’en ferai rien … p. 33

Une pensée pour les anti-impérialistes et autres cyniques blancs qui ont de la bienveillance pour cette auteure et son parti politique…

…A l’affirmation « Il n’y a pas de torture à Abou Ghraib », répond l’écho « Il n’y a pas d’homosexuels en Iran ». La rhétorique persane à l’usage des progressistes blancs fait mouche. Les deux mensonges s’annulent, la vérité éclate. Elle devient grimace. Ne reste que la laideur…et les poètes. Mais qu’elle est laide cette gauche

Comme si deux mensonges pouvaient faire éclater la vérité, celle des atrocités commises à Abou Ghraid et en Iran…Houria Bouteldja n’envisage que la « mauvaise conscience », elle nous interdit la conscience. Rhétorique somme toute assez religieuse. C’est sur la culpabilité des anticolonialistes/anti-impérialistes/anticapitalistes, qu’elle sous-tend toute sa rhétorique…

Vous le savez

Vous savez que vous êtes blancs lorsque vous vous mariez avec un Antillais, lorsque vous partagez un mafé chez votre copine sénégalaise ou lorsque vous vous baladez à Saint-Denis, Bamako ou Tanger…  p 37

…Entre le bénéficiaire final et le spolié premier, il y a toute une chaîne d’intermédiaires…L’indigène spolié est vulgaire. Le Blanc spoliateur est raffiné. A bout de la chaîne, il y a la barbarie, à l’autre la civilisation. C’est bon d’être innocents, vous êtes humanistes. Ce n’est pas le moindre de vos talents. Ce rôle, vous l’interpréter avec un brio et une maestria inégalables. Je ne peux que m’incliner…  p. 38

Je vous le concède volontiers, vous n’avez pas choisi d’être blancs. Vous n’êtes pas coupables. Juste responsables. S’il y a un fardeau qui mérite d’être porté, c’est celui-là. La race blanche a été inventée pour les besoins de vos bourgeoisies en devenir car toute alliance entre les esclaves pas encore noirs et les prolos pas encore blancs devenait une menace pour elle… p. 41

La bourgeoisie américaine vous a proposé un deal : vous intéresser à la Traite des Noirs et ainsi vous solidariser de l’exploitation des esclaves. La bourgeoisie a ainsi inventé une communauté d’intérêts entre elle et vous, ou vos ancêtres si vous voulez. C’est ainsi que progressivement, en s’institutionnalisant, la race blanche a été inventée. En fait la race, entre les mains des bourgeois blancs, est un instrument de gestion, entre vos mains, un salaire, une distinction. Depuis, ce qui nous sépare n’est ni plus ni moins qu’un conflit d’intérêts entre races aussi puissant et structuré que le conflit de classe…  p.  42

Pour ce qui est de l’esclavage, l’auteure oublie juste un détail. Qui capturait les Africains qui allaient être déportés dans le cadre du commerce triangulaire ? D’autres Africains, des Arabes, qui vendaient les esclaves aux marchands Européens…

Pour ce qui est de la bourgeoisie, est-elle « blanche », en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie ? Non, mais ces bourgeoisies s’entendent bien pour faire fonctionner le capitalisme…

Quant à nos ancêtres dont nous serions assignés à porter le fardeau de la culpabilité, deux réponses. Les théories de la responsabilité collective d’un peuple pour des fautes commises ont conduit à la guerre des Balkans entre Serbes, Croates et Bosniens… Par ailleurs, il n’est pas certain que les méchants prolétaires « blancs » aient beaucoup profité de l’esclavage, en particulier les enfants « blancs » qui travaillaient dans les mines…

Vous les Juifs

On ne reconnaît pas un Juif parce ce qu’il se déclare Juif mais à sa soif de vouloir se fondre dans la blanchité, de plébisciter son oppresseur et de vouloir incarner les canons de la modernité. Comme nous.  p. 49

Je vous reconnais entre mille. Votre zèle est trahison. Il y en a même parmi vous qui combattent le racisme anti-blanc.  …
Vous n’êtes pas le véritable peuple élu.  p. 50

Comme je vous l’ai dit, vous m’êtes à la fois familiers et étrangers. Familiers parce que non-Blancs insolubles dans la blanchité antisémite mais étrangers parce que blanchis, intégrés dans un échelon supérieur de la hiérarchie raciale. 

L’auteure ne parle pas de hiérarchie sociale, mais bien de hiérarchie raciale… « Le philosémitisme, ça use. Tout comme le paternalisme. Trop gluants pour être vrais ». Le philosémitisme est une thèse défendue par l’extrême droite française dans les années 1930….

 Nous les Femmes indigènes

Mon corps ne m’appartient pas. Aucun magistère ne me fera endosser un mot d’ordre conçu par et pour des féministes blanches.  p71

J’appartiens à ma famille, mon clan, à mon quartier, à ma race, à l’Algérie, à l’Islam. p. 72

Pas de commentaires. Une pensée pour les féministes qui soutiennent l’auteure…

Sait-on combien de nos sœurs se sont suicidées, prises dans le feu de la bataille que se sont livrée les deux patriarcats ? Le Blanc, conquérant et sûr de lui, l’indigène, dominé et aux abois.  p. 76

D’abord l’indifférence quasi-totale de cette élite au patriarcat blanc qui structure et détermine la vie de millions de femmes. Et pourtant, tous les indices montrent que la condition des femmes françaises se dégrade (viols, violences conjugales, écarts de salaires, exploitation du corps des femmes à des fins commerciales…). Ensuite ils se mettent en rangs serrés pour dénoncer sans appel des violences faites aux femmes de banlieues, quand l’auteur est noir ou arabe. Le sexisme des mecs de quartiers est une barbarie sans cause et sans origine. Voyez, tous ces phallocrates blancs qui se découvrent féministes lorsque le banlieusard apparaît ?  p. 77

Là nous sommes d’accord avec l’auteure. La dénonciation du double jeu de certains. La dénonciation du patriarcat dominant. Mais cela doit-il nous amener à ne pas dénoncer le patriarcat des opprimés ?

L’idée d’un féminisme « décolonial » comme « un compromis entre une certaine résistance au féminisme chez nous et dans le tiers monde et la réalité massive et inquiétante des violences multidimensionnelles qui nous sont faites, violence produites par des Etats et le néo-libéralisme » est intéressante. Mais d’entrée l’auteure refuse toute forme d’universalisme au féminisme. Que le féminisme, comme d’autres mouvements émancipateurs ,se construise dans des territoires et des contextes historiques, nous sommes d’accord. Pourtant le féminisme est né des luttes des femmes. N’ont-elles eu lieu qu’en Occident ? Non. Le féminisme, comme d’autres mouvements émancipateurs, n’est sans doute pas seulement un phénomène exporté avec le colonialisme… C’est oublier le féminisme porté par les femmes égyptiennes, tunisiennes, algériennes pour ne parler que d’elles…

Une femme noire violée par un noir doit-elle refuser de porter plainte, comme dans l’exemple cité par l’auteure ?

« Nous savons notamment que les hommes de chez nous sont tous opprimés que nous, selon d’autres modalités ». Les prolétaires blancs sont aussi opprimés, cela excuse-t-il le patriarcat ?

« Le féminisme décolonial doit avoir comme impératif de refuser radicalement les discours et pratiques qui stigmatisent nos frères et qui dans le même temps innocentent le patriarcat blanc. ».  La lutte contre le patriarcat  est à mener partout.

Nous les Indigènes

Adoptons le point de vue des Indiens d’Amérique. Que disent-ils ? [….] Ils nous disent : expansion capitaliste donc lutte des classes sociales, nous répondons : expansion coloniale donc lutte des races sociales.  p. 116

Qui mieux que nous peut devenir cette force de proposition ? Qui mieux que nous peut contraindre , par le jeu des rapports de force, les Blancs antiracistes et anti-impérialistes à combattre les politiques impérialistes et néolibérales de leur pays, aider à décoloniser leurs organisations et renoncer à dicter la meilleure façon de lutter ?  p. 120

Désolé, « camarade » H. Bouteldja, mais les « blancs » antiracistes et anti-impérialistes militaient avant que le Parti des  Indigènes de la République existe.

Allahou Akbar !

C’est le dernier chapitre (p. 127). Trois citations faites par H. Bouteldja

  • « Dieu est mort, Marx est mort, et moi-même je ne me sens pas très bien», Woody Allen
  • « Allah est beau et aime ce qui est beau », hadith rapporté par Muslim
  • « Il n’y a de Dieu que Dieu», profession de foi en Islam

La prégnance des références religieuses dans ce livre, montre que l’auteure est clairement une politico-religieuse. Ce qui est son droit le plus absolu, mais qui doit être pris en compte dans l’analyse.

Si l’auteure déroule un certain nombre de critiques pertinentes de la société capitaliste mais qu’elle ne nomme jamais comme cela. Sans doute que sa vision interclassiste et essentialiste s’accommode très bien du capitalisme. Tout comme la plupart des courants politico-religieux. Sa pensée se situe clairement dans ce courant :

Mais ce cri –Allahou Akbar !- terrorise les vaniteux qui y voient un projet de déchéance. Ils ont bien raison de le redouter car son potentiel égalitaire est réel : remettre les hommes, tous les hommes, à leur place,  sans hiérarchie aucune. Une seule entité est autorisée à dominer : Dieu.

Tous égaux et soumis à Dieu ! Sans pour cela qu’elle allume la République et la Laïcité avec tant de passion.

La conclusion est à l’image de la thèse de l’auteure :

Mais trêve de larmes et de regrets. Le passé n’est plus. Nous sommes la somme de nos lâchetés et de nos résistances. Nous serons ce que nous aurons mérité d’être. C’est tout. Ce qui est vrai pour nous tous, Blancs ou Noirs. C’est là que se pose la question du grand NOUS. Le Nous de notre rencontre, le Nous du dépassement de la race et de son abolition, le Nous de la nouvelle identité politique que nous devons inventer ensemble, le Nous de la majorité décoloniale. Le Nous de la diversité de nos croyances, de nos convictions et de nos identités, le Nous de leur complémentarité et de leur irréductibilité. Le Nous de cette paix que nous aurons méritée parce que payée le prix fort. Le Nous d’une politique de l’amour, qui ne sera jamais une politique du cœur. Car pour réaliser cet amour, nul besoin de s’aimer ou de s’apitoyer. Il suffira de se reconnaître et d’incarner ce moment « juste avant la haine » pour la repousser autant que faire se peut et, avec l’énergie du désespoir, conjurer le pire. Ce sera le Nous de l’amour révolutionnaire.

Alors commençons par le commencement. Répétons-le autant que nécessaire : Allahou Akbar ! Détournons Descartes et faisons redescendre tout ce qui s’élève.

Ce grand Nous, c’est la classe sociale que nous nommons le salariat. Une classe sociale doit combattre toutes les formes de Capitalisme, de Colonialisme, d’Impérialisme, de Patriarcat, de Racisme, d’Oppression etc. Y compris en déconstruisant en interne les schémas réactionnaires. En aucun cela ne peut être un projet politico-religieux. Mais le sens d’un combat laïque et social.

En fait, quoiqu’elle en dise dans son avant-propos et dans sa conclusion, Houria Bouteldja développe une thèse de « racisme inversé ». Une sorte « d’apartheid » politique  qui ne peut conduire qu’à des affrontements entre prolétaires de différentes origines. Pointer les différentes formes d’oppression au sein même des classes populaires est important et intéressant, mais parler « d’amour révolutionnaire » après ce tombereau de haine et de racisme, relève de l’imposture. Mais après tout, l’auteure fait jouer sa libre conscience, qu’elle ne nous accorde pas.

Le plus grave est cette espèce de bienveillance envers cette thèse et le parti qui l’incarne (le PIR) de la part d’une partie de l’intelligentsia altermondialiste. Cette bienveillance n’est pas de nature à travailler à une prise de conscience anticolonialiste, anti-impérialiste au sein du mouvement social. Les thèses du PIR et d’Houria Bouteldja sont autant de fractures supplémentaires au sein du salariat…

En effet, eux qui suivent la logique des « Indigènes », participent à l’effacement de la lutte des classes au profit de la lutte des races, des luttes ethniques et religieuses. Mais aussi à l’effacement de la bataille de l’émancipation au profit du soutien à l’obscurantisme.

Cette logique mortifère « indigéniste »  touche toutes les organisations politiques de transformation sociale et la plupart des organisations syndicales.

Il est invraisemblable que des membres du PIR ou compagnons/compagnes de route du PIR soient invité.e.s comme intervenant.e.s dans un stage syndical.

L’appartenance au Parti des Indigènes est incompatible avec une adhésion à un syndicat, une association ou un mouvement politique luttant pour l’émancipation sociale.

On peut parfaitement appeler à une manifestation contre les violences policières, sans cosigner un texte avec cette mouvance ou siéger à la même tribune d’un meeting, etc.

 

 

 

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Les stratégies climatiques des multinationales du CAC40

par Georges Menahem

 

Au moment où Emmanuel Macron convoquait à Paris l’ensemble du secteur financier privé et public pour un sommet climatique d’un jour pour sauver la planète, un rapport d’Attac mettait en lumière la réalité des obligations vertes censées financer des projets compatibles avec la protection de l’environnement et du climat. Celles-ci ne représentent que 0,1% du marché obligatoire mondial estimé à 100 000 milliards de dollars, marché qui est la principale source de financement des entreprises et des États. Le texte qui suit montre la réalité des stratégies climatiques des multinationales du CAC40 lorsque celles-ci sont adossées aux seules logiques financières et de communication (greenwashing), elles conduisent à un réchauffement de 5,5°C, bien au-delà des 2°C maximum fixé par l’Accord de Paris de la COP21.

La Rédaction de ReSPUBLICA

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Quelle est la réalité des stratégies climatiques des firmes multinationales quand elles sont adossées à leurs logiques financières ? Le rapport d’étude publié en 2017 par le cabinet de conseil EcoAct nous procure des données pour le savoir. Il donne à la première lecture l’impression que les multinationales sont très nombreuses à prendre en compte les variables climatiques. Mais, quand nous examinons de plus près les données de ce rapport, nous constatons qu’il contient deux éléments très différents : d’un côté, il montre en quoi les évolutions climatiques représentent une opportunité pour les entreprises ; d’un autre côté, il indique qu’il s’agit plus d’une stratégie de green-washing, dirigée vers les actionnaires, afin de présenter sous une allure écologique des stratégies principalement financières.

L’évolution climatique en France est une formidable opportunité pour le CAC40

Le rapport d’étude du cabinet de conseil EcoAct fait état de la prise en compte du dit “risque climatique” dans les stratégies des quarante entreprises du CAC40, en précisant qu’il s’est limité aux données boursières ou aux sites internet de ces firmes. Selon Thierry Fornas, président de ce cabinet, qui a déjà étudié les plus grandes entreprises de par leur capitalisation boursière au Royaume-Uni (FTSE 100) et en Espagne (IBEX 35), « l’un des principaux enseignements de notre étude est que l’enjeu climatique en France est devenu une question de bon sens économique et non plus de vertu ».

La première donnée exhibée par ce rapport est que la totalité des 40 entreprises du CAC40 “identifient le changement climatique comme un risque pour leur activité“. Un tel jugement revient en effet au simple bon sens économique dans la situation actuelle où la fréquence des catastrophes climatiques a doublé de la période 1985-1995 à la période 2005-2015 et continue à augmenter au rythme de 14 % par rapport à 1995-2004 (cf. comptage du rapport “The Human Cost of Weather-Related Disasters 1995-2015” de l’UNISDR). Si les entreprises veulent optimiser le rendement de leur capital dans un tel avenir incertain, la plus élémentaire prudence leur impose de prendre en compte ce nouvel enjeu majeur qu’est le risque climatique. De plus, selon EcoAct, « cette transformation [le défi de la durabilité] représente aujourd’hui une véritable opportunité : l’évolution du climat ouvre en effet un champ des possibles formidable pour repenser et déployer avec succès de nouvelles stratégies de développement ».

Neuf catastrophes sur dix étant maintenant liées au climat, l’activité d’assurance contre le risque climatique devient par exemple une part essentielle du chiffre d’affaires de l’assureur AXA. Ainsi, pour son PDG, Henri de Castries, « La question de savoir si le réchauffement climatique est une réalité n’est plus de mise. La question est aujourd’hui de savoir quand et sous quelles formes il se manifestera. » De plus, son directeur des affaires publiques et de la responsabilité d’entreprise Jad Ariss avançait l’alerte suivante au récent One Planet Summit « Depuis le milieu des années 70, on constate une augmentation de la fréquence et du coût moyen des catastrophes naturelles dans le monde. Or, un monde qui se réchaufferait de plus de 4°C n’est plus assurable ». Et il concluait : « Si cette tendance ne s’inverse pas à l’avenir, le risque est que le secteur de l’assurance ne puisse absorber qu’une part déclinante du coût des catastrophes naturelles » (cf. information sur le One Planet Summit de l’Argus de l’assurance).

Les différences selon les entreprises selon le rapport d’EcoAct

Le rapport EcoAct analyse d’abord les engagements, la stratégie, les actions et les résultats des entreprises du CAC 40 selon une grille d’analyse conçue en 2011 pour intégrer le défi de la durabilité au cœur de leur business model. Premier critère, les entreprises obtiennent en moyenne de bons résultats sur les critères “Mesure & Reporting”, “Engagement & Innovation” et “Stratégie & Gouvernance”, selon le classement du cabinet. Cela est dû notamment aux conséquences de la législation française, en particulier de la loi de transition énergétique et du Grenelle 2.

Mais il faut noter que plusieurs de ces critères sont basés sur les déclarations d’intention de ces entreprises :

  • 37,5 % des entreprises déclarent utiliser un prix du carbone interne ;
  • une entreprise a défini un objectif dit “science based“ ;
  • la manière dont les entreprises du CAC 40 répondent aux exigences du dit “reporting environnemental” préconisé par Grenelle2.

Car, selon le rapport EcoAct qui se fait l’avocat du changement de conception préconisé par le gouvernement, « le rôle des entreprises dans l’action climatique va bien au-delà de la simple mesure de l’empreinte carbone ou d’une compilation de données sur une page web ou dans un rapport annuel. Il s’agit, pour les entreprises, d’engager leurs parties prenantes dans une transition globale et collective. Pour ce faire, l’information est clé : les entreprises doivent informer leurs parties prenantes des actions qu’elles ont mises en œuvre, des résultats qu’elles ont atteints, des objectifs sur lesquelles elles s’engagent et de la stratégie qu’elles prévoient de déployer à cette fin. »

Mais, au-delà de ces proclamations vertueuses, que représentent la réalité des dits “engagements des entreprises du CAC40 pour intégrer le climat dans leur stratégie” ?

En définitive très peu d’entreprises réduisent effectivement leur empreinte carbone

Le rapport estime que les résultats ne sont pas au rendez-vous. Il le dit dans des termes prudents : « une marge importante de progression subsiste en matière “d’objectifs et de réduction” ». Pourtant, EcoAct a multiplié les dimensions d’analyse :

  • le degré selon lequel les entreprises ont mis au point des produits bas-carbone (ce qu’ont déclaré effectuer 25% des entreprises du CAC40) ;
  • la pratique d’achat de crédits carbone afin de compenser leurs émissions résiduelles (ce que déclarent effectuer 32,5% des entreprises du CAC40) ;
  • la manière dont une entreprise collabore avec ses parties prenantes (les clients, la chaîne d’approvisionnement, les investisseurs et le gouvernement), soit pour réduire son empreinte environnementale, soit pour tirer des avantages commerciaux de sa stratégie climat ;
  • les innovations menées en partenariat avec les fournisseurs – pour développer de nouvelles technologies, produits ou modes de production.

Ensuite viennent une série de critères correspondant aux déclarations d’intention des entreprises (soulignées ci-après) :

  • 82,5 % des entreprises du CAC40 communiquent sur un objectif de réduction de leur empreinte carbone(mais quel sont les résultats concrets de ces objectifs ?) ;
  • 25% proposent au moins un produit neutre en carbone (mais quelle est sa part dans le chiffre d’affaire ?) ;
  • 12,5% se sont engagées à se désinvestir des énergies fossiles (certes mais dans quelle proportion ?).

Au total, note le rapport EcoAct, la majorité des entreprises (33 sur 40) ambitionnent de réduire d’au moins 49 % leur empreinte carbone. Mais seules trois (Kering, Atos, Capgemini) ont des objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre en phase avec les scénarios scientifiques sur l’évolution du climat et l’objectif de l’Accord de Paris (Science Based Target), soit moins de 8 % des entreprises du CAC40.

Dans le classement final d’EcoAct des dix premiers sur l’ensemble des critères, Schneider Electric, spécialiste de gestion de l’énergie et des automatismes, est le leader. Il atteint un taux de 79 % devant les ex-aequo Solvay, chimiste, et Unibail-Rodamco (73%), groupe européen d’immobilier commercial spécialisé dans les centres commerciaux, les bureaux et les centres de congrès. Suivent de très près la multinationale de gestion de l’environnement Veolia Environnement (72,5%), Peugeot, Renault et Danone (72%), et juste après AXA (70%), ex-aequo avec Société Générale et l’Oréal. Mais il faut garder à l’esprit qu’il s’agit là d’un classement concernant avant tout l’apparence que ces entreprises veulent donner aux investisseurs financiers, soit aux candidats à l’achat de leurs actions (cf. tableau publié par le site Novethic).

En conclusion, il n’est pas surprenant de constater, au delà des appréciations mesurées du rapport EcoAct, que selon une étude de Mirova, la société de gestion spécialisée sur la finance durable du groupe Natixis, « le CAC40 reste l’un des indices boursiers les plus carbonés au monde, dont les stratégies climatiques conduisent à un réchauffement de 5,5°C à la fin du siècle ». Performance désastreuse et “bien au-delà des 2°C maximum fixé par l’Accord de Paris” (cf. conclusions du site Novethic présentant une analyse rapide du rapport EcoAct).



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