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SNCF : C’est le public qui finance et qui prend des risques et ce sont des actionnaires privés qui toucheront les dividendes

par Évariste

 

Elle n’est pas belle la vie des gros actionnaires ! Tout cela est possible grâce aux partenariats publics et privés (PPP). Déjà la CGT, dans son document rendu public le 20 février détaillant une analyse critique du rapport Spinetta. Comme le dit le groupe PPP d’Attac, la CGT « feint de s’étonner que ce rapport ne contienne aucune étude sur le surcoût des PPP ».

On a connu les scandales des PPP en matière hospitalière, voilà maintenant un nouveau scandale dans le ferroviaire.
Lisea, filiale de Vinci, n’a financé qu’une partie de l’investissement de la ligne LGV (ligne à grande vitesse) Tours-Bordeaux mais touchera l’entièreté des recettes sous forme de péages payés par la SNCF pendant 44 ans. Elle n’est pas belle la vie !
Le groupe PPP d’Attac montre que sur un montant d’investissement de 7,6 milliards, Lisea ne mobilise que 772 millions de fonds propres, fait un emprunt bancaire de 1,63 milliards mais avec la garantie de la SNCF et de l’État, prévoit de payer 1,2 milliards de frais financiers ce qui permet à Vinci et Réseau ferré de France (RFF) de déclarer qu’il finance presque la moitié de l’investissement.

Donc pour permettre aux actionnaires privés de Lisea-Vinci d’avoir une rentabilité de 14% sur leurs apports privés, la puissance publique finance à hauteur de 42% les investissements et SNCF Réseau 26% ! Elle n’est pas belle la vie !
Grâce au Canard enchaîné du 20/7/2011, nous savons de plus que le « le contrat de concession limite la responsabilité financière de VINCI à 350 millions, soit 4,5 % de l’addition finale ».

Comme le dit le groupe PPP d’Attac, « le concessionnaire, qui contribue pour moins d’un tiers à l’investissement, engrangera la totalité des recettes d’exploitation » sans prendre de gros risques ! Et des recettes gonflées puisque « les péages devraient presque doubler par rapport à la situation actuelle » (Renaud Honoré, TGV Tours-Bordeaux : préparez vos billets -10/12/2010- Les Echos.fr)

Pour la SNCF, obligée d’accorder 19 allers-retours au lieu de 13 qui auraient été suffisants aura une perte d’environ 100 millions d’euros par an d’après le groupe PPP d’Attac.
Fermer le ban !

Combat laïque - Combat social
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  • 10 mars 2018
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COMBAT LAÏQUE – COMBAT SOCIAL : La chronique de la réunion au Maltais rouge le 10 mars dernier

par Zohra Ramdane

 

Déjà la veille, une interview de Bernard Teper sur la web radio Arts Mada a eu lieu vendredi 9 mars sur le thème « Combat laïque-combat social ». Vous pouvez écouter en podcast cette interview d’une heure avec de belles coupures musicales.

Puis vint la réunion francilienne du 10 mars qui marqua une nouvelle phase de la campagne. Après l’écriture de l’appel dit du 15 décembre paru dans Marianne et dans Respublica, de sa réplique dans l’Humanité une semaine plus tard, de la réunion nationale des signataires le 10 février qui a montré l’arc de forces constitué par l’appel, nous sommes entrés à partir du samedi 10 mars dans les réunions dans les territoires pour débattre entre signataires de l’appel de la stratégie à adopter pour notre campagne « combat laïque- combat social ». La réunion du samedi 10 mars au Maltais rouge à Paris a réuni plus de 50 personnes. La prochaine aura lieu à Mulhouse une semaine plus tard. D’autres sont en train de s’organiser à Bourges, dans l’Ouest, en Auvergne, dans le Limousin et dans le Sud-est.

La réunion du Maltais rouge a réuni des citoyens éclairés non encartés, des responsables de blogs politiques et laïques, des militants syndicaux principalement de la CGT et de la FSU mais aussi de Solidaires, des militants d’associations de l’Ufal, du Réseau Education populaire, du journal Respublica, de l’observatoire chrétien de la laïcité, de l’association « Peuple et pouvoir », des militants politiques de la France insoumise, du Parti de gauche, du Parti communiste, du MS21, du PRCF, des écologistes, du Pardem, etc.
La réunion a commencé avec le visionnage de deux vidéos sur les 6 du DVD « Combat laïque – combat social » de nos amis de l’association « Peuple et pouvoir » en tant que présentation d’un outil de campagne. Tous les DVD présents ont été vendus.

Puis, Bernard Teper a présenté une analyse de la situation politique en appelant à définir les tâches politiques à effectuer dans des réunions à organiser dans tous les territoires et dans toutes les organisations. S’en est suivi plusieurs dizaines de prise de parole. La prise de position de l’historien Jean-Paul Scot a particulièrement retenu l’attention dans son appel à mener la bataille pour une nouvelle hégémonie culturelle. Mais aussi à globaliser et articuler tous les combats dans une vision holistique de notre action. Et encore à développer le mouvement d’en bas mais aussi quand on le peut les actions d’en haut à condition de les articuler. D’autres interventions ont développé la nécessité de lier notre action à la solidarité internationaliste. D’autres ont précisé que c’est à l’intérieur des luttes sociales que nous devrions développer notre action eu égard aux impasses dans lesquelles se trouvent ceux qui veulent s’appuyer sur les forces néolibérales et leurs alliés pratiquant la dérive néo-concordataire. C’est ce que nous avons fait le 1er mars dernier en allant intervenir à la Bourse du travail de Saint-Ouen lors d’une occupation de cette dernière par des syndicalistes CGT pour s’opposer à la volonté du nouveau maire de droite de détruire la Bourse du travail. D’autres ont précisé la situation dramatique de la réalité laïque et sociale dans certains départements notamment en Seine-Saint-Denis. D’autres ont proposé de nouveaux outils pour la campagne.

La réunion s’est terminée par un agenda précis de nos actions dans le futur proche. De nombreux camarades se sont proposés pour des tâches précises liées à l’agenda. Un collectif « Combat laïque-combat social » IDF a été constitué par une quinzaine de présents pour entrer dans l’action dans les jours qui viennent. Mais tous ceux qui souhaitent rejoindre ce collectif peuvent le faire. Danielle Simonnet, co-responsable du Parti de gauche nous a rejoint en fin de réunion et nous avons alors eu une discussion fructueuse avec elle.

Ce fut une après-midi de travail d’une grande utilité. N’hésitez pas à nous contacter pour élargir encore le collectif de lutte voir en créer dans d’autres régions et territoires.

Salut et fraternité

Courrier des lecteurs
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Les femmes doivent-elles faire leur auto-critique ?

par ÉMILIE

 

Courrier de Dephine Germain

Je voulais intervenir suite à la lecture de la réponse d’Emilie au courrier de M. Domergue, que par ailleurs je trouve légitime, posant des questions pertinentes, notamment sur le pouvoir de transmission des femmes, à quoi il ne lui a rien été répondu, comme si la question n’existait pas. J’ai trouvé d’ailleurs la réponse du groupe que représente Emilie, plus dogmatique que raisonnée.

L’article d’origine, au demeurant, pose quelques questions que je partage, comme l’égalité des droits des salariés sans distinctions à qualifications égales. Cependant, le pouvoir des femmes à participer elles aussi à une société qui aliène, au même titre que les hommes, est réel. Les métiers essentiels sont féminisés. Justice, transmission des savoirs, pour ne citer que les principaux. Mais des positions sont trop strictes pour que j’abonde à l’esprit du texte. Tant que les femmes ne peuvent exercer un pouvoir de nuance n’acceptant d’autres questionnements que la radicalité, je ne vois pas en quoi elles seraient meilleures que les hommes. Le courrier de H.D et la réponse m’ont été suffisants pour m’interpeler, pour soutenir certaines questions de M. Domergue et marquer une position de femme, différente de celle d’Emilie.

Il est assez décourageant de voir réduite la pensée des femmes à l’ambition d’une fin du patriarcat, car de fait, les femmes ont démontrés depuis quelques décennies au moins, leur aptitude à exercer une place dans la société, tout autant que l’intelligence, ou la violence et le pouvoir, que l’on prête ordinairement et originellement aux hommes. Au service du capitalisme aussi.
Si ce n’est pas dans les actes physiques de violences sexuelles, car il est délicat d’abuser par la force d’un homme, cela n’ en est pas moins vrai par les violences psychologiques. Les femmes ne sont pas en reste pour user des mêmes pulsions destructrices que les hommes. Dans une société où il est devenu impossible d’exiger un cadre et une discipline qui amène les citoyens à ne pas se penser seulement individuellement ou par groupe d’intérêts (Lipovetsky) les femmes rejoignent les hommes dans la capacité à s’affranchir du collectif et faire le jeu du capitalisme. Ce n’est jamais que l’instruction et le fait d’accéder à une conscience nourrie de la raison et de l’entendement du réel, qui donnera aux hommes et aux femmes la possibilité de se comporter dans le respect de la dignité de soi et d’autrui, un choix politique hérité des pensées des lumières .

Le discours me semble un peu daté sur certains points, comme si les femmes étaient réduites à être mères de nos jours. C’est méconnaître la réalité des femmes qui ont féminisé les métiers essentiels et répondent des mêmes injonctions de la société et elles usent autant de peu de jugement éclairé, à égalité avec les hommes. Vouloir un enfant seule, est aussi une violence faite aux hommes.

S’agissant de l’égalité des droits, il est évident que je n’ai rien à en redire. Mais concernant cette égalité, une nuance à mes yeux, c’est qu’homme ou femme, ce n’est pas le dogme de l’égalité qui doit l’emporter. C’est aux plus qualifiés qu’il est important de recourir pour penser une justice dans notre société. Et cela ne se peut sans les études, la connaissance des questions soulevées depuis des siècles sur notre condition humaine.
Ainsi, toute femme ou homme de bon sens devraient reconnaître les plus qualifiés d’entre eux, apprendre à écouter, et argumenter leurs échanges dans un esprit de concorde. Les revendications, lorsqu’elles portent sur une distinction de genre, enferment les protagonistes d’emblée dans des considérations que je trouve limitées. Les femmes elles-mêmes devraient faire leur propre auto-critique, étant aujourd’hui autant diplômées que les hommes. Elles en ont l’intelligence. Et s’allier aux hommes, contre celles et ceux qui participent de les exploiter sur la base de leur ignorance ou de leurs préjugés, serait signe d’intelligence.

Réponse d’Emilie

Faisant suite au courrier de H.  Domergue http://www.gaucherepublicaine.org/combat-feministe/courrier-dun-lecteur-et-reponse-demilie/7401250, celui de D. Germain reprend un argument bien connu : s’il y a globalement supériorité, domination, violence des hommes à l’encontre des femmes, il existe aussi l’inverse. On invoque ainsi, là, la responsabilité des femmes qui transmettent les valeurs patriarcales ou même perpétuent en actes une mutilation comme l’excision ; ici, on invoque les pulsions destructrices féminines qui gouvernent une violence, surtout psychologique,  à l’égard des hommes.  Certes, mais c’est un peu court. Cela nous rappelle une affirmation utilisée pour relativiser la responsabilité du colonialisme occidental, « il y a des colonisés qui participent aux côtés du colonisateur à l’injustice du phénomène ».  La notion de patriarcat, un peu fourre-tout il est vrai, tend à montrer, au-delà des cas individuels ou d’une prétendue nature, les tendances systémiques.

C’est ainsi qu’on peut opposer à la remarque de notre lectrice que nous méconnaîtrions « la réalité des femmes qui ont féminisé les métiers essentiels (Justice, transmission des savoirs, pour ne citer que les principaux)», le fait qu’un certain nombre de métiers peu qualifiés leur restent réservés (services, socio-médical…) ainsi que les temps partiels.

Lorsqu’elle écrit : « Ce n’est jamais que l’instruction et le fait d’accéder à une conscience nourrie de la raison et de l’entendement du réel, qui donnera aux hommes et aux femmes la possibilité de se comporter dans le respect de la dignité de soi et d’autrui, un choix politique hérité des pensées des Lumières »,  nous voudrions nuancer. S’en tenir à penser l’élévation du degré d’éducation et de conscience comme la clé de l’émancipation est une position idéaliste ; la conscience d’une domination est un préalable à la lutte contre celle-ci mais n’y suffit pas – c’est aussi vrai dans le domaine des luttes sociales que féministes. Et d’ailleurs la juste appréciation des rapports homme-femme n’a pas empêché des générations de femmes socialistes de devoir se résigner à voir leurs demandes considérées comme non prioritaires (faire d’abord la révolution…) Que les femmes fassent leur autocritique et s’allient « aux hommes, contre celles et ceux qui participent de les exploiter sur la base de leur ignorance ou de leurs préjugés », oui. Mais la prise en compte des spécificités du combat féministe ne dispense pas d’un regard plus large ; c’est pourquoi, au sein de Respublica, nous appelons à associer, à partir de l’analyse du réel socio-historique, la lutte féministe au combat social et au combat laïque…

Laïcité
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« Dialogue pédagogique sur la Charte de la Laïcité », par Pierre Hayat

par ReSPUBLICA

 

L’Académie de Paris a mis en ligne un document passionnant et original de notre ami Pierre Hayat, issu de sa pratique de professeur de philosophie dans un lycée du 9e arrondissement. Il s’agit d’une libre reconstitution de son enseignement auprès de terminales, depuis 2013, organisée sous forme de questions-réponses pour commenter la Charte de la Laïcité de l’Education nationale. Trop long pour le reproduire, nous vous invitons à le télécharger ICI.

La  première partie porte sur la définition de la laïcité, la seconde sur la laïcité de l’école. Il faut recommander à tous de ne pas se satisfaire de la première partie car, même si nous ne sommes ni élèves, ni parents d’élèves, ni professeurs, elle comporte des enseignements qui débordent le champ scolaire. L’optique est bien celle de la philosophie – politique, morale et civique – et évite à la fois le juridisme et la référence à des cas de figure concrets d’application de la laïcité. Pour autant, rien d’inactuel on le verra, et les références livresques vont de Descartes à C. Kintzler ou A. Bidar en passant par J. Simon et F. Buisson, tandis que les références historiques vont de la Saint-Barthélémy  aux attentats de 2015 en passant par le CNR.

« Comme bien des idées politiques, la laïcité se retourne contre ses principes lorsqu’elle est appliquée de façon simpliste, ou quand elle sert de façade à une autre politique », note l’auteur en ouverture de la partie consacrée aux définitions, soulignant le lien entre la laïcité et les luttes émancipatrices au travers de l’histoire. Suit l’examen des notions de liberté de conscience et de liberté d’expression, puis de celle de neutralité tant de l’Etat que de ses agents.

Que la liberté soit au cœur du principe laïque est envisagé sous l’angle individuel mais aussi, ce qui est moins fréquent, sous l’angle de l’intérêt général et c’est là parmi les considérations les plus neuves de Pierre Hayat. Il montre en effet comment la laïcité sous-tend le refus des violences et favorise un exercice de la citoyenneté tourné vers le bien public, ce qui lui permet de boucler la triade républicaine sur les rapports de la laïcité avec la fraternité.

Cette première partie se conclut par l’idée que, pour la jeunesse, la laïcité pourrait bien être une réponse à la perte de sens dont elle souffre et le propos devient militant lorsque l’auteur écrit : « La connivence, insuffisamment remarquée, des intégrismes religieux et de l’ultralibéralisme contemporain, qui livre des millions d’hommes à la précarité et à l’insécurité généralisées, est pour la laïcité un enjeu majeur, l’obligeant à ne pas se réduire à un indispensable cadre juridique qui met tous les hommes à égalité devant le droit commun. C’est pourquoi la laïcité ne saurait ignorer les questions sociales, culturelles, économiques et écologiques, insolubles sans des structures sociales solidaires et sans la contestation de l’appropriation des richesses par une infime minorité. » (p.16)

Dans la seconde partie consacrée à la laïcité scolaire, Pierre Hayat relève les apparentes contradictions de l’expression « neutralité scolaire » en analysant les particularités de la neutralité qui s’impose à l’enseignant – il doit faire découvrir à ses élèves le sens des principes républicains dans défendre un point de vue partisan, mais aussi protéger leur liberté de conscience du prosélytisme – et celle de la neutralité des élèves, de nature différente, telle qu’en particulier l’exprime la loi du 15 mars 2004, « exigeante pour certains élèves » mais débarrassée au terme d’une analyse rappelant les circulaires Jean Zay de 1937 de tout soupçon d’intention « répressive ».

Un cran au-delà de la notion de liberté de conscience, le texte s’achève sur celle de libre arbitre, de son exigence morale, et Pierre Hayat d’écrire allègrement, citant Descartes qu’il « embarque » dans la laïcité du XXIe siècle,  que l’école se doit d’ « offrir à chaque élève le maximum de moyens pour ‘’voir clair en (ses) actions et marcher avec assurance en cette vie’’. Elle lui fait comprendre par quels chemins, exigeants et joyeux, on peut résister à la dépréciation de soi et acquérir l’estime légitime de soi.[…] L’École laïque a précisément pour mission de former les élèves à analyser, douter et juger, et, bien sûr, dialoguer.»

Monique Vézinet

 

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L'Islam, cheval de troie d'un retour au concordat ?

A propos de deux livres sur l’islam

par Charles Arambourou

 

L’islam, une religion française – Hakim El Karoui (2017 Le Débat, Gallimard)
Misère(s) de l’islam de France – Didier Leschi (2017, Ed. du Cerf)

Pour « organiser l’islam » en France, « la cour en conseillers foisonne1 ». Voici deux ouvrages émanant apparemment de deux bords opposés, mais qui visent l’un comme l’autre –et ce ne sont ni les premiers ni les derniers !- à conseiller le pouvoir pour cette « organisation » néo-concordataire. L’un comme l’autre méritent d’être lus, et foisonnent en informations utiles. Cependant, même si l’on peut partager certaines de leurs prises de position ponctuelles, tous les deux prennent appui sur l’islam pour proposer autre chose que la laïcité…

Toute « organisation d’un culte » par l’Etat est contraire à la loi de 1905 !

Rappelons préalablement que le système concordataire, instauré par Bonaparte en 1801, est un régime de « cultes reconnus » (catholiques, protestants, élargi aux juifs en 1808) : lesdits cultes ont le statut juridique d’établissements publics ; leurs « ministres » (à la fois responsables et représentants) sont nommés et rémunérés par l’Etat2, qui contrôle ainsi ces religions domestiquées… et, pense-t-il, les populations concernées. Ce cadre inégalitaire, négateur de la liberté de conscience comme de celle de culte, subsiste en Alsace-Moselle.

Pour exercer sa mainmise sur les religions, il fallait à l’Etat des interlocuteurs « organisés », qu’on a nommés « les cultes ». L’Eglise catholique étant, en 1801, la seule instance centralisée, sur un modèle monarchique, Bonaparte a imposé aux religions minoritaires (Réformés, Luthériens et Juifs) une « organisation du culte », mettant fin par la contrainte étatique à l’éparpillement originel des paroisses et communautés concernées.

C’est précisément ce régime liberticide que la loi « de séparation » de 1905 a entendu détruire en proclamant (art. 2) : « La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte ». L’interdiction de « reconnaître » n’est pas une « obligation d’ignorer », mais l’abolition du statut public des « cultes », et leur retour à la liberté. Sortant de la sphère étatique, ils relèvent désormais du droit privé associatif (art. 4), sous la forme des « associations cultuelles ».3

Or, qu’on le veuille ou non, le terme de « culte », même employé aujourd’hui, renvoie implicitement toute religion au modèle des 4 « cultes reconnus » par le Concordat en 1801. Que dire, par exemple, de l’incongruité que constitue, dans une République laïque, l’existence d’un « bureau des cultes » au ministère de l’intérieur ? La France, malgré qu’elle en ait, est bien restée un Etat crypto-concordataire, incapable de mettre en œuvre pour l’avenir (et pour les cultes non concordataires) le système posé en 1905 : la brillante idée que l’Etat « favorise l’organisation du culte musulman », que partagent nos deux auteurs « modernes », nous renvoie en fait à 1801 !

Hakim El Karoui : Concordat4, le retour !

Hakim El Karoui, normalien et agrégé de géographie, banquier chez Rotschild (comme… devinez qui ?), puis « entrepreneur social » et consultant, anime le très chic « club du XXIème siècle », regroupant des élites « issues de la diversité » (voir le portrait que lui a consacré le Canard Enchaîné du 7 février 2018). Successivement conseiller de Raffarin, de Thierry Breton, de la candidate Ségolène Royal, de Ben Ali, …il est aujourd’hui bien en cour auprès de Macron. Réussira-t-il à obtenir une place officielle ?

Il a coordonné pour le très « libéral » Institut Montaigne (fondé par Claude Bébéar) une enquête IFOP et un rapport intitulé « Un islam français est possible », sur lequel s’appuie son ouvrage. On lira ce livre avec intérêt, car la partie « constat » et les analyses sont particulièrement riches. La typologie des musulmans, comme dans l’enquête d’origine, est certes sujette à caution (d’autant qu’il en propose une autre), mais les faits ne sont pas niés. En tout cas, on le suivra pour dire que « l’islam est une religion de France ».

Il note que le port du voile et la nourriture hallal sont deux marqueurs identitaires, que beaucoup de musulmans considèrent à tort comme des « piliers de l’islam ». Analysant « l’islamisme » avec pertinence, il distingue la stratégie religieuse réactionnaire et antimoderne des salafistes (vivre à part dans la société française) et celle, clairement politique, des Frères musulmans (pénétrer la sphère publique), dont le but est de « mettre en place un Etat islamique et d’instaurer la charia ». Il caractérise l’islamisme politique comme un « modernisme », un « populisme », une « identité » et une « violence ». Certains intellectuels français sont au passage accusés de tomber dans « le piège islamiste » : Edwy Plenel, curieusement Caroline Fourest, sans compter A. Finkielkraut, P. Bruckner, et enfin E. Zemmour.

En revanche, son chapitre 6 « Combattre l’islamisme en créant un islam français » heurte de front le « modèle français d’assimilation » par la laïcité qu’il vient de célébrer au chapitre 5 ! C’est tellement un retour proclamé au Concordat, qu’il y propose de faire profiter le « culte musulman » du statut concordataire subsistant en Alsace-Moselle.

L’objectif est de « créer des instances –gérées par une nouvelle génération de musulmans [dont lui-même, sans doute] capables de produire et de diffuser des analyses religieuses et des valeurs qui s’inscrivent dans la modernité française » (p. 243). Il décrit pour cela deux institutions. La première existe déjà c’est la « Fondation pour l’islam de France » de J. P. Chevènement, chargée de la « formation culturelle des imams » et de « la production de connaissances sur l’islam » (missions en pratique assez difficiles à distinguer de la théologie !).

La seconde, à créer, serait une association cultuelle loi de 1905 finançant l’exercice du culte proprement dit (construction des lieux de culte, salariat des imams, formation théologique). Il l’appelle AMIF (association musulmane pour un islam de France). Evidemment, des « hommes et des femmes neufs » (comme Hakim El Karoui ?) seraient à sa tête, conformément aux principes macroniens. Le financement proviendrait d’un prélèvement sur l’abattage rituel, dont l’agrément serait attribué par l’Etat à la seule AMIF, qui délivrerait les cartes de sacrificateurs religieux. Jusqu’ici, pas de recours à l’argent public : néanmoins, il y a bien contrôle du culte par l’Etat, qui accorde pour l’abattage rituel les dérogations à l’obligation d’étourdissement préalable (actuellement aux mosquées de Paris, Evry, et Lyon).

El Karoui propose en outre la création d’un « grand imam de France », sur le modèle du « grand rabbin », chargé de « représenter le culte musulman ». Or la notion de « représentation » n’a pas de sens dans une République laïque qui ne « reconnaît » aucun culte ! Il ne peut y exister que des « responsables » de leur exercice. On se rapproche de nouveau du modèle concordataire…

C’est exactement ce qui est décrit pages 256 à 264. Former les imams à l’université, voilà qui est possible en Alsace-Moselle ! Plus généralement, El Karoui propose « d’intégrer l’islam au régime concordataire » des trois départements concernés, puisque celui-ci, rappelle-t-il, n’a pas été jugé « entaché d’inconstitutionnalité ».5 D’autres en ont rêvé avant lui, mais, comme il le regrette, le Conseil constitutionnel a fermé cette porte en interdisant d’élargir les différences de ce statut local avec celui de « la France de l’intérieur ».6 Qu’à cela ne tienne ! « Il n’y a qu’à » recourir à une nouvelle loi, qui, déférée devant le Conseil constitutionnel, donnerait à celui-ci l’occasion de… revenir sur sa jurisprudence ! On peut toujours rêver ? Il le fait : par souci d’ »égalité, il propose même d’élargir le concordat aux autres cultes non concordataires : « orthodoxe, protestant évangéliste ». Mais que fait-il des bouddhistes et des hindouistes ? Car, on le sait, en matière de religion, les quémandeurs sont nombre !

Enfin, cerises sur le gâteau, H. El Karoui propose :
– de créer des postes de professeur d’enseignement religieux musulmans, orthodoxes, et évangélistes. Peu astucieux, alors que cet enseignement n’est désormais plus obligatoire, et que la question se pose de restituer l’heure correspondante aux enseignements généraux !
– de prévoir la rémunération des ministres de ces trois cultes sur le budget de l’Etat : ben voyons !
La boucle est bouclée, le concordat élargi au culte musulman. Le coût en est même calculé : environ 6 millions d’euros, « autant dire rien » (sic) ! On ne manquera pas d’y ajouter la proposition de prise en charge par l’Etat de la formation des aumôniers, comme élèves-professeurs stagiaires s’il vous plaît !

En conclusion, notre auteur se prend à rêver du discours d’installation que pourrait prononcer « le nouveau président ou la nouvelle présidente de l’association cultuelle nationale » qu’il appelle de ses vœux –ce qui a tout l’air une offre de services…

Et pourtant, l’auteur montre avec pertinence que le statut concordataire imposé à l’Algérie par le colonisateur, même après 1905, était l’instrument de la domination de l’Etat sur la religion (encadré ci-après) : comment peut-il proposer de le rétablir ? Une telle contradiction laisse pantois.

Didier Leschi : le Concordat sans le dire

Didier Leschi, originaire de l’extrême-gauche puis passé à la gauche estudiantine, est un poulain de Jean-Pierre Chevènement avec lequel il a travaillé à plusieurs reprises, et qui l’a propulsé dans la carrière de haut-fonctionnaire. D’abord membre de cabinets de préfets de région, il a été notamment chef du bureau des cultes au ministère de l’intérieur (collaborant au regrettable rapport Machelon en 2006)7, chef de service au ministère de la justice, préfet à l’égalité des chances en Seine-Saint-Denis, et à ce jour, directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Il a co-écrit en 2016 avec Régis Debray La laïcité au quotidien: Guide pratique (éd. Gallimard, col. Folio), dans lequel ces laïques proclamés se prononcent malgré tout pour le maintien du statu quo concordataire en Alsace-Moselle… Tiens, tiens !

On ne peut dénier à l’auteur du talent, et beaucoup d’énergie, dans la présentation des différentes « misères » qui caractérisent l’islam, même si son style est parfois un peu obscur. Il connaît la matière, du fait de son parcours professionnel. Il faut donc le lire.

Si le 1er chapitre, « Misère de l’exception française », trahit une vision parfois approximative de la laïcité8, ses analyses vigoureuses sur l’islam méritent attention, même si elles prêtent à débat. On souscrira à la plupart de ses critiques, sur le détournement religieux des luttes sociales, la « radicalité », le voilement des femmes. Il dénonce l’idéologie propagée par Tariq Ramadan, mais plus encore celle des « indigénistes ». Enfin, c’est de façon salutaire qu’il récuse le « mimétisme » entre la prétendue « islamophobie » et l’antisémitisme, beaucoup plus avéré.

Les choses se gâtent avec le chapitre « misère des mosquées, misère des imams », où apparaît l’idée curieuse que la formation des imams « laisse à désirer » (p. 126) : diable, mais à qui ? Eh bien, à « la République laïque », écrit sans crainte de la contradiction notre auteur, laquelle « ne peut se désintéresser de la qualité, y compris théologique, des ministres du culte… ». L’expression fleure bon le Concordat : c’est bien à la formation des ministres des « cultes anciennement reconnus » qu’il se réfère pour déplorer que l’islam n’ait pas « hérité de cette histoire »… qui n’est que celle du Concordat ! Leschi va donc au-delà de la « Fondation pour l’islam de France » de Jean-Pierre Chevènement, qui est censée ne pas s’ingérer dans les questions théologiques. Pour ce faire, l’initiative de l’Etat (en toute violation du principe de séparation !) s’appuierait financièrement sur une contribution volontaire des abattoirs autorisés à pratiquer l’abattage rituel (proposition connue).

Mais le retour subreptice du Concordat suppose un autre élément : l’organisation d’une instance représentative « qui puisse à la fois guider les fidèles dans leur pratique et parler (…) devant l’ensemble de la société française ». Resurgit alors l’expression chevènementiste de « l’islam admis au banquet de la République » -comme si la République était une agape des religions ! Simple question : la laïcité est-elle compatible avec cette ingérence de l’Etat dans une religion ?

En toute candeur, D. Leschi cite longuement le précédent du « culte mosaïque » (Juif), intégré de force à la « table de la République », c’est-à-dire… au système concordataire, par Napoléon. Ceci au prix de réponses à un questionnaire fourni, valant renonciation à certaines pratiques cultuelles, qu’il est proposé de rééditer 115 ans après pour l’islam. Voilà donc le véritable modèle de D. Leschi. Pour lui, il revient à l’Etat de présider à « l’organisation du culte musulman ».

Certes, ce n’est pas explicitement un concordat avec l’islam, puisque les imams ne seraient pas rémunérés par l’Etat. Mais la logique reste la même, contraire à l’esprit de la loi de 1905 : l’ingérence de l’Etat dans les affaires religieuses.

La déplorable « organisation du culte musulman » imposée par le colonisateur en Algérie de 1907 à l’indépendance, qui tournait clairement le dos à la loi de 1905, devrait pourtant servir de leçon ! Didier Leschi la décrit lui aussi de façon critique (encadré ci-après) : que n’en tire-t-il les conséquences pour le présent ?

La République n’a pas à recréer quelque « culte » que ce soit. L’organisation des religions est l’affaire de leurs seuls adeptes, et s’ils le souhaitent : ce qui paraît douteux, s’agissant des musulmans, éparpillés en courants, sectes, et surtout influences étrangères.

Bref, il n’y a sur le fond guère de différence entre la proposition extrême de Hakim El Karoui d’utiliser le statut concordataire d’Alsace-Moselle pour contourner la laïcité, et celle de Didier Leschi, d’apparence plus modérée, que l’Etat se contente d’« organiser le culte musulman ».

 

 

UNE LEÇON OUBLIÉE DE L’HISTOIRE : « L’ORGANISATION DU CULTE MUSULMAN »
EN ALGERIE (LE COLONIALISME CONTRE LA LOI DE 1905)

Extrait de L’islam, une religion française, de Hakim El Karoui, pp. 261-262
« L’islam est une religion de France en effet depuis 1830 et la conquête de l’Algérie (…). Pourtant, avant comme après la loi de 1905, le culte musulman en Algérie fut placé sous la tutelle de l’Etat qui nommait et salariait les imams : le Parlement a bien étendu la loi [de 1905] à l’Algérie, mais les colons d’Algérie ont réussi à imposer une lecture finalement totalement opposée à l’esprit de 1905 grâce à un décret du 27 septembre 1907. Il n’était pas question de libérer la religion musulmane de l’intervention de l’Etat, mais au contraire de continuer sa mise sous tutelle dans une forme renouvelée(…) Les départements d’Algérie sont donc restés sous une règle quasi-concordataire jusqu’en 1962. (…) Les musulmans (…) étaient soumis au code de l’indigénat et à la justice musulmane.

Extrait de Misère(s) de l’islam de France, de Didier Leschi, pp. 138à 140
C’est « le choix de la non-application de la loi de 1905 » (…) « dans les départements français d’Algérie qui pèse encore sur la situation présente de l’islam de France et plus largement sur l’islam maghrébin.
(…)
[Avant 1905], « l’indigène musulman », bien que français, n’en avait pas les attributs juridiques et continuait d’être régi par la loi musulmane (…) Le culte musulman y était, en pratique, intégré au régime concordataire. La volonté de contrôler, comme en métropole, son exercice tout autant que la volonté de prendre possession des biens religieux, expliquent cette intégration. Le culte musulman fut placé sous l’autorité de l’administration centrale concernée, et le salaire des imams fut pris en charge par le budget du service dédié du ministère de l’Intérieur, comme l’étaient les ministres des autres cultes. (…) L’action de contrôle eut pour visée d’affaiblir l’ensemble de la société algérienne. (…)

Il y avait bien un enjeu à appliquer la Séparation et à donner ainsi au culte la possibilité de s’organiser indépendamment d’un contrôle étatique. En voulant garder la mainmise sur le culte musulman, la République coloniale empêcha qu’émerge une organisation cultuelle indépendante de l’Etat qui aurait pu en cela servir de futur modèle possible. Il fallut en conséquence prévoir dans les décrets d’application de la loi de 1905 que le traitement des imams soit remplacé par une indemnité temporaire de fonction à peu près équivalente à l’ancien salaire. Cette première entorse à la mise en œuvre de l’article 43 de la loi de 1905 fut prévue pour 10 ans. Elle fut reconduite en 1917 pour 5 ans, puis en 1922 sine die. En 1947, la loi du 21 septembre portant statut de l’Algérie ne revint pas sur cette non-application de la loi de Séparation que les plus républicains des nationalistes algériens, comme Ferhat Abbas ou Messali Hadj, souhaitaient pourtant voir mise en œuvre. Cette situation fut laissée en héritage au FLN dont le nationalisme superposait identité algérienne et identité musulmane. »

On ne saurait mieux dire : la loi de 1905, c’est la liberté ; le Concordat par « l’organisation du culte », c’est la domination de la religion par l’Etat. Attention : « l’histoire ne se répète pas, elle bégaye ! ».

Extrait de L’islam, une religion française, de Hakim El Karoui, pp. 261-262
« L’islam est une religion de France en effet depuis 1830 et la conquête de l’Algérie (…). Pourtant, avant comme après la loi de 1905, le culte musulman en Algérie fut placé sous la tutelle de l’Etat qui nommait et salariait les imams : le Parlement a bien étendu la loi [de 1905] à l’Algérie, mais les colons d’Algérie ont réussi à imposer une lecture finalement totalement opposée à l’esprit de 1905 grâce à un décret du 27 septembre 1907. Il n’était pas question de libérer la religion musulmane de l’intervention de l’Etat, mais au contraire de continuer sa mise sous tutelle dans une forme renouvelée(…) Les départements d’Algérie sont donc restés sous une règle quasi-concordataire jusqu’en 1962. (…) Les musulmans (…) étaient soumis au code de l’indigénat et à la justice musulmane.

Extrait de Misère(s) de l’islam de France, de Didier Leschi, pp. 138à 140
C’est « le choix de la non-application de la loi de 1905 » (…) « dans les départements français d’Algérie qui pèse encore sur la situation présente de l’islam de France et plus largement sur l’islam maghrébin.
(…)
[Avant 1905], « l’indigène musulman », bien que français, n’en avait pas les attributs juridiques et continuait d’être régi par la loi musulmane (…) Le culte musulman y était, en pratique, intégré au régime concordataire. La volonté de contrôler, comme en métropole, son exercice tout autant que la volonté de prendre possession des biens religieux, expliquent cette intégration. Le culte musulman fut placé sous l’autorité de l’administration centrale concernée, et le salaire des imams fut pris en charge par le budget du service dédié du ministère de l’Intérieur, comme l’étaient les ministres des autres cultes. (…) L’action de contrôle eut pour visée d’affaiblir l’ensemble de la société algérienne. (…)

Il y avait bien un enjeu à appliquer la Séparation et à donner ainsi au culte la possibilité de s’organiser indépendamment d’un contrôle étatique. En voulant garder la mainmise sur le culte musulman, la République coloniale empêcha qu’émerge une organisation cultuelle indépendante de l’Etat qui aurait pu en cela servir de futur modèle possible. Il fallut en conséquence prévoir dans les décrets d’application de la loi de 1905 que le traitement des imams soit remplacé par une indemnité temporaire de fonction à peu près équivalente à l’ancien salaire. Cette première entorse à la mise en œuvre de l’article 43 de la loi de 1905 fut prévue pour 10 ans. Elle fut reconduite en 1917 pour 5 ans, puis en 1922 sine die. En 1947, la loi du 21 septembre portant statut de l’Algérie ne revint pas sur cette non-application de la loi de Séparation que les plus républicains des nationalistes algériens, comme Ferhat Abbas ou Messali Hadj, souhaitaient pourtant voir mise en œuvre. Cette situation fut laissée en héritage au FLN dont le nationalisme superposait identité algérienne et identité musulmane. »

On ne saurait mieux dire : la loi de 1905, c’est la liberté ; le Concordat par « l’organisation du culte », c’est la domination de la religion par l’Etat. Attention : « l’histoire ne se répète pas, elle bégaye ! ».

  1. La Fontaine, Fables II, 2, Conseil tenu par les rats. []
  2. Seulement en 1831 pour les rabbins []
  3. Ou, aujourd’hui, des associations culturelles de la loi de 1901 (cas du culte musulman),. []
  4. Pour simplifier, on désignera par Concordat (qui ne concerne que l’Eglise catholique) l’ensemble du système mis en place à partir de 1801, incluant les articles organiques et le statut des Juifs. []
  5. Conseil constitutionnel, décision n° 2012-297 QPC du 21 février 2013 []
  6. Conseil constitutionnel, décision n° 2011-157 QPC du 5 août 2011 Société Somodia []
  7. Commandé par N. Sarkozy, ministre de l’intérieur, pour « toiletter » (=enterrer) la loi de 1905. []
  8. Il y présente par exemple la loi Debré comme un « compromis », qui aurait fini par « apaiser »« les guerres scolaires entre catholiques et républicains remontant au XIXème siècle » ! []
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Réforme du système de santé : vigilance maximale

par Olivier Nobile

 

Le Premier Ministre Edouard Philippe et la ministre de la Santé, Agnès Buzyn ont annoncé le lancement de la stratégie de transformation du système de santé. Il s’agit d’une réforme « globale, cohérente, méthodique » de l’ensemble du système de santé précisent-ils. Le gouvernement lance une période de réflexion et de concertation de trois mois, de mars à mai 2018, à la fois au niveau local pour « recueillir l’avis des acteurs du terrain » et au niveau national, notamment par une consultation en ligne, sur cinq grands chantiers structurants pour sortir d’un système de santé « cloisonné » et fondé sur une tarification à l’acte qui pousse à la « course aux volumes ». La phase de concertation s’achèvera par la présentation d’une feuille de route détaillée avant l’été.

Une « task-force » dédiée à la réforme du financement du système sera créée auprès de la ministre de la Santé. Jean-Marc Aubert, directeur de la DREES, l’animera. Constituée d’experts et associant l’assurance maladie, elle examinera non seulement le sujet de la tarification hospitalière, mais aussi les nouveaux modes de rémunération des professionnels de santé, y compris en ville, selon une logique forfaitaire pour les pathologies chroniques. Par ailleurs, le ministère formulera, « avant l’été », des propositions d’amélioration de la régulation de l’Ondam et plus particulièrement de l’Ondam « soins de ville ».

Le gouvernement entend réinterroger le système de santé dans son entier afin de le préparer aux défis d’aujourd’hui et de demain. Il s’agit donc de placer le patient au cœur des réflexions et des évolutions à venir.

Certes le gouvernement semble prendre conscience de l’impasse dans laquelle la tarification à l’activité (T2A) a plongé l’hôpital public. Ce mode de rémunération des actes instauré il y a 11 ans, directement inspiré du contrôle de gestion, a littéralement étranglé le service public hospitalier et attisé la concurrence des établissements privés à but lucratif qui ont pu organiser leur activité au travers d’une inflation des actes et d’une sélection des activités et des patients rentables. Alors que la majorité des CHU sont aujourd’hui surendettés et que le personnel soignant, à bout de souffle, paye le prix fort des réductions d’effectifs et les errements des partenariats public-privé, c’est l’ensemble du modèle de financement de l’hôpital public qui doit être réinterrogé d’urgence afin de réhabiliter un service public hospitalier exsangue. Le gouvernement ne sera pas hardi à ce point : “L’enjeu n’est pas de supprimer la tarification à l’activité, mais de la corriger, de la rééquilibrer », a-t-il assuré, « pour intégrer dans les parcours les nouvelles pratiques de soins ambulatoires et d’hospitalisation à domicile”. L’objectif est donc celui fixé par Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle : avoir un maximum de 50 % de tarification à l’activité à la fin du quinquennat.

Autrement dit, la T2A perdurera mais sera limitée à la moitié de l’activité des établissements (publics). L’autre moitié sera financée selon des modalités qui demeurent mystérieuses (enveloppe globale ? rémunération sur objectifs ? Rémunération globale à la pathologie) et qui ne devraient en tout état de cause être nullement réservés aux établissements publics. Surtout, le gouvernement entend accentuer le « virage ambulatoire » à l’hôpital, initié par Marisol Touraine, autrement dit les interventions chirurgicales sans séjour post-opératoire des patients à l’hôpital avec les risques que cela suppose : rechutes et risque de ré-hospitalisation, difficultés domestiques liées au retour à domicile de patients en convalescence et nécessitant une assistance dans leurs gestes de la vie quotidienne …

La seule chose qui est certaine c’est que les moyens financiers et humains ne progresseront nullement à l’hôpital public : avec 4 milliards d’euros d’économies annoncées dès 2018, la réforme du système de santé devra se faire à euros décroissants. Pour gérer la pénurie, le gouvernement entend accélérer le mouvement de réorganisation territoriale des soins via une accentuation des restructurations hospitalières initiées sous le quinquennat Hollande avec les Groupements hospitaliers de territoire (GHT) qui tendent à réorganiser l’offre de soins des établissements autour des grands pôles hospitaliers urbains et qui accentuent la fracture territoriale en santé.

Dans le domaine des soins de ville et de la désertification médicale, les annonces gouvernementales laissent dubitatif. Il s’agit en particulier de prendre le virage de la télémédecine. Plutôt que prendre acte de l’impasse actuelle de la pratique libérale de la médecine, en particulier du paiement à l’acte et de la libre installation des praticiens, le gouvernement table sur des consultations médicales à distance via des écrans interposés. Outre qu’une telle dématérialisation de la relation praticien-patient précipite la déshumanisation des soins, il faut bien saisir que le marché de la télémédecine attise déjà les appétits de nombreuses entreprises spécialisées dans le numérique médical. Il s’agit évidemment d’un marché juteux.

Difficile d’en dire plus à ce stade sur une réforme qui visera sans nulle doute à faire des économies drastiques dans le domaine de la santé. Le communiqué ministériel, lénifiant s’il en est, nous renseigne très peu sur le contenu de cette réforme mais reste évidemment muet sur le principal : est-ce que cette réforme vise réellement à améliorer l’accès aux soins de tous alors que les renoncements aux soins pour raison financière atteignent des niveaux historiques ? Nous pouvons en douter. Selon une méthode rôdée depuis des décennies, une grande réforme de la protection sociale se doit de démarrer par une phase de dialogue factice visant à légitimer une réforme dont le contenu est d’ores et déjà écrit. L’UFAL qui a pu participer à des concertations analogues au sein du Haut Conseil de la Famille n’est pas dupe. Il y a très peu de choses à attendre de cette consultation cousue de fil blanc.

C’est donc aujourd’hui que notre mouvement en appelle à la vigilance maximale de l’ensemble des acteurs citoyens, associatifs et militants face à une réforme qui pourrait précipiter la fracture sanitaire de notre pays. L’UFAL n’est pas dans une posture défensive et polémique. Notre mouvement s’est impliqué depuis de nombreuses années dans le domaine de la santé et a publié de nombreuses propositions visant à permettre un total accès aux soins de toutes les citoyens et de leur famille au sein d’un système de santé de haut niveau, décloisonné et performant. Cela passe avant tout par la réhabilitation de la Sécurité sociale et de l’hôpital public en tant qu’acteurs clés du système de soins et par le développement de centres de santé permettant de sortir de l’impasse d’une pratique libérale de la médecine qui accentue les inégalités financières et territoriales entre les patients. Nous doutons que la réforme envisagée aille dans ce sens.

> Stratégie de transformation du système de santé – Dossier de presse – Mardi 13 février 2018
> Consulter le discours d’Edouard PHILIPPE prononcé à cette occasion

Source : http://www.ufal.org/sante-protection-sociale/reforme-du-systeme-de-sante-vigilance-maximale/

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Echos de Cinéma Imagin' à Gaillac (81)

par Christian Dulieu

 

Le jeudi 8 mars, dans le cadre du cycle Cinéforum « La question migratoire aujourd’hui » avec la participation de Catherine Wihtol de Wenden, a été projeté le documentaire de Ai Weiwei Human flow (États-Unis 2018 – VO – 2 h 20)

Organisé par REP TSC (Réseau d’Éducation Populaire – Travail Social et Culturel), Parti Communiste Tarn et Amnesty international Albi. En partenariat avec Imagin’Cinémas et Les 400 coups

Plus de 65 millions de personnes ont été contraintes de quitter leur pays pour fuir la famine, les bouleversements climatiques et la guerre : il s’agit du plus important flux migratoire depuis la Seconde Guerre mondiale. Le documentaire aborde l’ampleur catastrophique de la crise des migrants et ses terribles répercussions humanitaires. Tourné pendant une année dans 23 pays, il s’attache à plusieurs trajectoires d’hommes et de femmes en souffrance partout dans le monde – de l’Afghanistan au Bangladesh, de la France à la Grèce, de l’Allemagne à l’Irak, d’Israël à l’Italie, du Kenya au Mexique en passant par la Turquie. Il recueille les témoignages des migrants qui racontent leur quête désespérée de justice et de sécurité. Ils nous parlent des camps de réfugiés surpeuplés, de leurs périples en mer à très haut risque, des frontières hérissées de barbelés, de leur sentiment de détresse et de désenchantement, mais aussi de leur courage, de leur résilience et de leur volonté d’intégration. Ils évoquent la vie qu’ils ont dû abandonner et l’incertitude absolue d’un avenir meilleur.

Ai Weiwei est l’un des artistes les plus connus aujourd’hui. Il mélange de manière provocante l’histoire et traditions chinoises à son style contemporain et s’en sert pour militer pour les droits de l’homme, appuyer des commentaires culturels et critiquer le déséquilibre mondial du pouvoir, faisant de lui une cible politique. « Je ne quitterai jamais la Chine », a-t-il une fois déclaré, « à moins que j’y sois forcé. Parce que la Chine fait partie de moi. Je ne laisserai pas quelque chose qui m’appartient aux mains de gens en qui je n’ai pas confiance ».

Catherine Wihtol de Wenden, docteur en science politique, a été consultante pour divers organismes dont l’OCDE, la Commission européenne, le HCR, le Conseil de l’Europe. Depuis 2002, elle préside le Comité de recherche Migrations de l’Association internationale de sociologie. Elle est également membre du comité de rédaction de Hommes et migrations, Migrations société et Esprit. Juriste et politiste, elle a mené de nombreuses enquêtes de terrain sur les relations entre les migrations et la politique en France. Ses recherches comparatives portent sur les flux, les politiques migratoires et la citoyenneté en Europe et dans le monde.

Commentaire de Christian Dulieu adressé à Catherine Wihtol de Wenden : J’ai lu ce matin article de Sylvie Kauffmann qui accrédite et renforce les analyses que vous proposez depuis de nombreuses années : « Immigration le facteur clé » (Le Monde du jeudi 8 mars 2018). Le « point commun de toutes les insurrections électorales qui secouent les démocraties occidentales depuis trois ans, qui ont ouvert les portes des parlements aux mouvements politiques populistes ou extrémistes, […] ce facteur c’est la résistance à l’immigration massive. […] le moment est venu d’affronter cette question comme ce qu’elle est, une tendance structurante de long terme et non une crise accidentelle. […] Le verdict italien rend encore plus urgente une politique qui organise, réhabilite et maîtrise l’asile et l’immigration à l’échelle européenne. »

Pour cette journée internationale du 8 mars 2018, où est rappelé les droits des femmes, il est bon de rapprocher cet article d’un autre titre du même journal : « L’éducation des jeunes filles est un défi planétaire pour le XXIe siècle. » Je cite Gaël Giraud, économiste en chef de l’Agence française de développement, et directeur de recherche au CNRS. Il est prêtre jésuite. « En 2018, le simple fait d’être une fille est encore un facteur de déscolarisation. Selon l’Unesco, 15 millions de filles vivant aujourd’hui sur la planète n’auront jamais la chance de fréquenter l’école primaire, contre environ 10 millions de garçon. Les disparités sont particulièrement criantes en Afrique sub-saharienne où, pour 100 garçons non scolarisés au primaire, 123 filles se voient refuser le droit à l’éducation. » Hors une grande partie des jeunes filles qui immigrent en Europe actuellement sont d’origine subsaharienne. Ces inégalités devant l’accès à la scolarisation, pourraient dans les années à venir devenir un facteur important de fuite des populations féminines vers d’autres horizons plus justes.

Car, toujours selon les mêmes sources, « Dans le même temps, fait historique sans précédent, en Occident au sens large (Europe, Japon, Corée du Sud, anglosphère ) le niveau éducatif des femmes est devenu supérieur à celui des hommes. ». Quand les discriminations s’estompent sur un territoire et qu’elles s’enkystent sur un autre territoire voisin, ne pensez-vous pas que cela risque bien de provoquer un appel d’air supplémentaire vis à vis des populations féminines africaines tentées par l’exil ?

On voit la que la la formule de « gestion migratoire »  nous paraît une formule impropre. La gestion migratoire est avant tout un problème politique, au plus haut et au plus fort sens du terme.

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"La danse des volontés", une laïcité en action

par "0 de conduite"

 

En collaboration avec l’association 0 de Conduite

Un lieu à La Courneuve, au milieu d’une banlieue en reconstruction, dans un petit immeuble bas, perdu entre des pavillons avec leurs jardinets-pendeloques, de grands  immeubles flambant neufs, des morceaux de terrain et de vieux murs, en attente d’investissement….Le tout coupé, entrecoupé de routes et voies rapides.

C’est là, dans cette banlieue fracturée, que se trouvent les locaux du Secours Populaire où nous étions invités, par eux et un collectif de vidéo-cinéastes « Les Yeux de l’Ouïe », à découvrir une installation audio-visuelle intitulée « La Danse des Volontés » c’est-à-dire un ensemble de films réalisés par des bénévoles et mis en œuvre par un réalisateur pratiquement en résidence.

Le document publié à l’occasion de cette porte ouverte sur le travail du Secours Populaire à La Courneuve annonçait :

« Des personnes dévouées d’âges et cultures diverses offrent leur temps, assurent la cadence, définissent leur place, coordonnent leurs énergies…autant de défi à leur solidarité, à la recherche d’une organisation commune, au bien-être individuel. Leur danse ne peut s’arrêter : les nécessités sont nombreuses et multiples…entre ce qu’on veut et ce qui peut, quelle dynamique peut perdurer ? »

Des l’entée, des images animées et sonores nous accueillent, une profusion d’images sur petits et grands écrans nous surprennent….et ainsi dans tout le local…. On nous explique : «  ces images, ces sons vous donnent à voir et entendre ce qui se passe habituellement dans l’endroit où vous êtes. » ils font référence au mouvement quotidien du lieu.

Ainsi au fil de la visite vous vivez l’accueil, le travail, la relation à l’autre, les nécessités des gens aux moyens insuffisants pour vivre.  Les images vous envahissent, elles sont là, les unes à coté des autres et même parfois enchevêtrées les unes aux autres vous donnant à imaginer ce que vous découvrez.  Dans cet univers social, jeunes, très jeunes et personnes d’âge mur forment comme un ballet de convivialité unis par cet acte de solidarité auquel ces bénévoles contribuent. Elles/Ils déchargent les palettes de victuailles et les organisent pour la distribution.  Pour certains et certaines, franchir le seuil de ce lieu autre, que l’on ne connait pas est souvent difficile, il faut braver l’isolement, sortir du groupe, de la communauté et affronter cette sorte d’inconnu, ce monde dangereux qui vous rejette et vous minimise.

C’est tout un univers de temps, de travail au service de l’AUTRE.  Ici le geste devient mutualité. Jusqu’à ce jeune qui dans l’un des films dit : « Je me sens ici plus grand qu’au collège » La force des images sonores et animées est de vous faire découvrir la puissance, salle après  salle, des rires, des mouvements ; tous ces  propos qui  résonnent consacrant cette entraide, cette solidarité profonde. Oui ici Egalité rime avec Solidarité.

Le film objet/sujet de cinéma c’est aussi cela : vous aider à remarquer ce qui perdure dans cette entraide, ce souci de l’autre, ce COMMUN fondement d’une laïcité au quotidien.

J.-J. M.



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