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Critique des stratégies syndicales et politiques face au turbocapitalisme

par Évariste

 

Il est temps de comprendre qu’il faut refonder profondément les lignes stratégiques quand la mobilisation baisse au fur et à mesure que les politiques antisociales se font de plus en plus violentes.
La manifestation du 22 mai 2018 de la fonction publique a été la plus faible de toute l’histoire de France. Et pourtant les neuf syndicats étaient organisateurs de la manifestation. Mais les travailleurs de la fonction publique ont déserté la manifestation. Comme quoi les cartels ou les collectifs unitaires (y compris syndicaux) ne sont pas la panacée. Celle du 26 mai 2018, malgré le décloisonnement enfin réussi entre syndicats, associations et organisations politiques et le fait qu’elle ait été la plus importante de cette année de luttes, est bien loin d’être suffisante pour renverser la vapeur. Comme quoi l’accord entre organisations est loin d’être suffisante pour une mobilisation importante des travailleurs et des citoyens. La longue mobilisation des conducteurs de train1 n’a pas réussi à bloquer le processus d’avancée vers la privatisation et la baisse rapide de qualité du service de la SNCF. Preuve supplémentaire de la nécessité de refonder la ligne stratégique syndicale. Sans doute aurait-il fallu une plus grande solidarité syndicale et lancer une grande campagne pour multiplier les réunions publiques de soutien, entre autre financier pour obtenir les millions d’euros nécessaires pour tenir la lutte? Il y a eu sans doute un certain manque de lucidité et de réactivités des équipes syndicales de base mais aussi de toutes les directions syndicales qui n’ont à aucun moment tenter la convergence des luttes par un soutien massif et central.
Quant au champ politique, un sondage IFOP de juin 2018 sur les élections européennes de l’année prochaine, donne la « gauche globale » à 29,5% des exprimés (FI, PC, Génération.s, EELV, PS, NPA) emmenée par la FI à 11% . Et le fait que certaines de ces organisations soient encore néolibérales montre tout le chemin à parcourir pour que la majorité des votes exprimés deviennent critiques du turbocapitalisme néolibéral et indépendant de lui ! Même si ce n’est qu’un sondage et que les sondages, loin des échéances, peuvent être « redressées » de façon opaque pour satisfaire les stratégies de ceux les payent, force est de noter que le chiffre global est légèrement supérieur à celui de la présidentielle. Seule la répartition interne du sondage est sans doute critiquable (un autre sondage donne la FI à 13% mais sur un total inchangé ; mais comme il n’y a pas de transparence sur les redressements…).

En fait, en France, comme dans toute l’Europe, c’est l’alliance des droites et de l’extrême droite qui se propulsent en avant. Même si les formes sont différentes, l’analogie avec les années 30 est manifeste et donc ne pas voir que nous devons nous battre sur deux fronts impliquerait une cécité totale. Nous devons nous organiser aussi bien contre les politiques néolibérales des européistes libre-échangistes que contre les politiques néolibérales des protectionnistes impérialistes. Tout cela ne peut s’analyser que dans la course à la concurrence exacerbée des impérialismes entre eux. Et ce renforcement de la concurrence exacerbée est une conséquence directe de l’aggravation des difficultés économiques rencontrées dans leurs infrastructures économiques (Voir le texte ci-dessous en annexe à celui-ci). Pour comprendre le pourquoi de la politique de Trump, il faut voir que depuis l’action du président étasunien les valeurs boursières européennes sont à la traîne face aux valeurs étasuniennes, que le dollar à remonté face au panier de devises de ces concurrents, que les taux à 10 ans américains sont de nouveau attractifs, que le SP 500 a monté de 32,7% depuis l’accession de Trump face au 11,33% de la zone euro, des 13,4% des émergents, et aux 29,2% des japonais, que dans les 6 semaines entre début juillet et la mi-août le SP500 a monté de 6,14% alors que l’Euro Stoxx a baissé de 4%, depuis l’élection de Trump la valeur des banques américaines a cru de 51% contre 4% des européennes, depuis les mesures protectionnistes trumpistes du 1er juillet 2018 le trafic boursier vers Wall Street a cru de 10 milliards de dollars alors que celui de la zone euro a baissé de 6 milliards comme celui des émergents de 3,2 milliards… La preuve que la politique de Trump est excellente… pour les gros actionnaires !

On ne peut combattre le mouvement réformateur néolibéral avec les idées et les pratiques sociales de la phase précédente

L’ensemble des idées et pratiques sociales de la « gauche dite radicale » correspond à une réponse à la phase précédente du capitalisme. En langage populaire, nous pensons que cette « gauche dite radicale » a un « métro de retard » car elle n’a pas réévalué ses idées, ses pratiques sociales, sa ligne stratégique en fonction du niveau atteint de la lutte des classes d’une part et du niveau d’aliénation tant des couches populaires ouvrières et employées que des couches moyennes intermédiaires. Quant aux couches moyennes supérieures, elles sont très majoritairement des alliés de l’oligarchie capitaliste et minoritairement aliénées comme les couches moyennes intermédiaires. Dire que la « gauche dite radicale » a « un métro de retard » veut dire que dans la phase précédente (avant la plénitude du turbocapitalisme néolibéral), les politiques de gauche pouvaient gérer le capitalisme, c’est-à-dire sans changer les rapports de production, en améliorant le sort des travailleurs et des citoyens. Aujourd’hui, cette amélioration ne peut avoir lieu que dans le cadre d’une transition vers un modèle politique post-capitaliste, c’est-à-dire en changeant les rapports de production. Il convient donc dans la phase actuelle de cerner les conditions de la révolution et non seulement clamer sa volonté de la faire y compris citoyenne.
L’incapacité de cette « gauche dite radicale » d’analyser les conséquences du krach de 2007-2008 a permis à l’oligarchie capitaliste d’ouvrir une phase nouvelle. Et cette phase nouvelle est concomitante à une aliénation grandissante d’une partie du salariat entrée dans le capitalisme « libertaire » de l’économie à la demande ou économie « collaborative ». Cette modification du rapport au travail a d’énormes conséquences sur la conscience des travailleurs y compris sur ceux qui ne sont pas directement touchés mais qui ont dans leurs proches des personnes qui sont entrées dans l’autoentreprenariat soit à titre partiel (avec du travail salarié partiel) soit à titre global. Sans compter ceux qui étant salariés utilisent en tant que consommateurs et donneurs d’ordre de façon grandissante ce nouveau capitalisme « libertaire » ubérisé qui développe une sorte de nouveau lumpenprolétariat au service d’abord des grandes entreprises mais aussi des salariés eux-mêmes. Ce développement exponentiel de ce « nouveau précariat » ne peut plus nous permettre de penser uniquement en termes de salariat (fonctionnaires, régimes spéciaux et CDI privés) et de chômage comme « armée de réserve ». Ce « nouveau précariat » surdétermine la conscience populaire. Si les cadres syndicaux, politiques, culturels ne prennent pas cela en compte, ils n’auront plus prise sur le réel et seront marginalisés2. On est sur cette voie. Plus tôt on en prend conscience mieux c’est.
Nous devons tout d’abord nous assurer que nous prenons bien en compte le réel et non nous appuyer sur une analyse erronée de ce dernier. Car s’il faut « aller du réel vers l’idéal », vouloir l’idéal à partir d’une analyse fausse du réel, revient à alimenter nos échecs futurs !
Nous devons ensuite, mais ensuite seulement, à partir de ce point de vue lutter contre toutes les surplombances (qui correspondent à ceux qui ne voient la politique que sur la base d’une seule contradiction dont celui de privilégier uniquement le conflit protectionnisme – libre-échangisme ou celui de ne privilégier uniquement que le souverainisme ou la constituante, etc.), et toutes les pensées magiques qui reprennent les analyses de nos adversaires (revenu universel dont le seul avenir crédible a été noté dès 1962 dans « Capitalisme et liberté » par le « pape » du monétarisme, Milton Friedman, etc.).
A partir de là, il est alors possible de construire une nouvelle ligne stratégique capable de s’opposer, pour la combattre efficacement, la nouvelle phase ouverte par le mouvement réformateur néolibéral.
Notre camp doit rester indépendant du néolibéralisme européiste et libre-échangiste (dispositif macroniste en France) et de celui qui vise à l’union des droites et de l’extrême droite impérialiste et protectionniste (différents populismes de droite étatsunien et européen). D’autant que ces deux forces pourraient s’allier si le grand patronat le décidait comme dans les années 30.
Mais notre camp doit d’abord gagner la bataille de l’hégémonie culturelle, sans laquelle le renversement de la table est impossible, tout en se développant sur le plan démocratique pour sortir de la nasse dans lequel nous sommes (voir ci-dessus). Gagner la bataille de l’hégémonie culturelle demande de développer dialectiquement les luttes sociales et politiques avec une formation de masse des militants et responsables politiques, syndicaux et associatifs mais surtout de lancer une campagne de masse d’initiatives d’éducation populaire refondée3. Quand nous prononçons les termes d’éducation populaire refondée, c’est pour rompre avec les pratiques des organisations naguère d’éducation populaire aujourd’hui supplétives des politiques d’accompagnement des politiques néolibérales (politique de la ville, etc.). Mais c’est aussi pour rompre avec les pratiques non démocratiques, bureaucratiques et verticalisantes qui se sont développés ces dernières années. Notre définition de l’éducation populaire refondée est d’être « une pratique culturelle qui vise à la transformation sociale et politique aux fins que chaque salarié ou citoyen soit auteur et acteur, individuel et collectif, de sa propre vie »
Car là est le problème dont il faut trouver la solution. Comment faire, voilà bien la question ! L’explicitation ne peut rentrer dans le cadre cet article déjà long pour un article de rentrée. Nous organisons des stages pour les équipes militantes qui seraient intéressées.

 

Concourir à une refondation du syndicalisme revendicatif

L’épuisement syndical provient principalement de l’inefficacité de la stratégie du « syndicalisme rassemblé » initiée par le couple Viannet-Thibaut. Stratégie acceptée soit avec enthousiasme soit en traînant les pieds, mais très largement acceptée dans le syndicalisme. Cette stratégie qui a « jeté le bébé avec l’eau du bain » pour se débarrasser de l’ancienne stratégie a supprimé des éléments qui pouvaient être aujourd’hui des points forts de la lutte (voir ci-dessous). Non pas qu’il faille revenir à la stratégie précédente qui a montré son inefficience (stalinisme, syndicat courroie de transmission du parti, communisme « soviétique » qui a implosé, etc.), mais parce qu’elle est aujourd’hui consubstantielle de la démobilisation populaire et notamment des couches populaires ouvrières et employées majoritaires en France. Ensuite parce que le turbocapitalisme mis en place en France par Macron a comme conséquence directe l’effritement rapide des couches moyennes intermédiaires dont une partie est en train de se prolétariser par le précariat et l’ubérisation lancés à grande vitesse. Alors que la stratégie du « syndicalisme rassemblé » s’appuyait sur la prévision d’un accroissement des couches moyennes intermédiaires. Errare humanum est, perseverare diabolicum !
Aujourd’hui, il faut renouer avec la double besogne déjà prévue dans la Charte d’Amiens en 1906, liant revendications immédiates et se préparer en même temps à passer dans un autre modèle politique post-capitaliste. Et dans ce cas, cela doit entraîner une remise en cause de l’utilisation des théories et des pratiques en dehors de leurs domaines d’efficacité. Prenons un exemple, l’utilisation du keynésianisme, opérante en période de taux de profits élevés dans l’économie réelle ( comme après 1945, est inopérante dans une période néolibérale. Deuxième exemple, le refus d’admettre que ce sont les lois tendancielles du capitalisme qui sont déterminantes en dernière instance. Et, non le seul volontarisme. Et, non en utilisant le couple gentillesse-méchanceté des dirigeants. Ras le bol de l’idée qu’il suffit de changer de président pour changer de politique. C’est le capital qui dirige la politique et les présidents successifs de la cinquième république ne sont que les gérants du capital. Il faut combattre principalement le capital et non ses gérants! Par exemple, parler de Macron seulement comme « président des riches », c’est occulter qu’il est d’abord et avant tout, un des gérants du capital ; ce point est d’une importance capitale. Pour cela, nécessité est de renouer avec la formation des cadres militants et surtout développer l’éducation populaire refondée (voir ci-dessus) pour tous les travailleurs sans laquelle il ne peut pas y avoir de victoire d’une nouvelle hégémonie culturelle. Luttes sociales et éducation populaire refondée sont les deux faces nécessaires de la pièce progressiste et révolutionnaire que nous devons écrire. Les syndicats qui continueront sans cette alternative de la dualité nécessaire « luttes sociales et éducation populaire refondée » verront leur influence diminuer inexorablement comme les nostalgiques du passé. Mais pour cela, il faut se rappeler que le syndicalisme est né, entre autres, du rassemblement des syndicats professionnels et des bourses du travail. Ces dernières étaient le lieu de l’éducation populaire ouvrière. Devenues des Unions Locales (UL), la stratégie du « syndicalisme rassemblé » a décimé cet outil indispensable qui a, pour ce qui en reste, abandonné l’éducation populaire refondée.
Ensuite et ce n’est pas le moindre, les Unions Départementales (UD) et les UL, comme les confédérations (ou leurs ersatz ailleurs, unions syndicale, ou fédération de fédération) ont subi une des lois tendancielles du capitalisme à savoir la tendance à la bureaucratisation des structures et organisations par un système électif à étages (pire que le Sénat !). Elles sont devenues des cartels de syndicats professionnels départementaux ou locaux dans lesquels les adhérents sont terriblement éloignés des choix de ligne, de stratégie et des choix des responsables. Et comme dans tout cartel ou collectif, c’est la démocratie qui en pâtie. Pas de démocratie selon les conditions de la démocratie de Condorcet en éloignant les travailleurs et les syndiqués des choix stratégiques importants et même de l’élection des dirigeants. Critiquer les modes électifs du Sénat ou des intercommunalités dans le champ politique devrait inciter à critiquer les modes d’élections des responsables nationaux syndicaux.
Les divisions syndicales doivent être réinterroger. Car il existe aussi des territoires, des entreprises, des services publics où le travail unitaire se fait de façon très correct avec un soutien des salariés(voir l’exemple ci-après des conducteurs SNCF de Sotteville). Mais dans la plupart des cas, c’est sans le soutien des salariés comme pour la manifestation des fonctionnaires du 22 mai 2018. Le patriotisme d’appareil est souvent un frein au travail de terrain. Il y a moins de 10% de syndiqués en France, de quoi développer tous les syndicats de lutte et transformation sociale. L’unité devrait se construire de la base au sommet sur la base de plateformes revendicatives (cf. Charte D’Amiens) débattues par les salariés à la base (et pas seulement dans un cartel de dirigeants syndicaux) et des pratiques unitaires valorisées par la démocratie dans toutes les organisations syndicales. La plupart des syndiqués et de travailleurs se sentent de plus en plus dépossédés du pouvoir de décision dans les luttes, pouvoir de décision renvoyé au sein des cartels syndicaux. Le rôle des Assemblées Générales4 des travailleurs doit être central pour la conduite démocratique des luttes. A condition bien sûr que les horaires de ces AG permettent à tous les salariés d’être présents et de respecter les 4 conditions de Condorcet de la démocratie. L’étude et la pratique de ces conditions et de ces pratiques font l’objet d’un stage de formation local au cours duquel nous pouvons fournir un intervenant. L’exemple récent de la victoire des conducteurs SNCF de Sotteville montre la voie à suivre. Tout y est : les conditions de la lutte, le moment de la lutte, la longueur de la lutte (54 jours d’affilée), les AG avec 100% du personnel, la pratique démocratique enfin pour les prises de décision, un appel, dès le début du conflit, à la solidarité ouvrière qui a permis une « cagnotte » permettant de tenir près de deux mois tous ensemble !
Enfin, une réflexion sur le nécessaire financement du syndicalisme serait nécessaire. Un financement au prorata du résultat des élections professionnelles5 ne serait-il pas mieux qu’un financement lié de plus en plus au bon vouloir du grand patronat ?
Même si cela ne peut aucunement se décréter, un mouvement de refondation syndicale sera, à terme, indispensable.

 

Concourir au rassemblement populaire dans le champ politique

Si le syndicat et l’organisation politique doivent rester indépendants, ces deux structures indispensables à la transformation sociale et politique doivent toutes les deux pratiquer la double besogne dans leurs champs et se rassembler lorsque c’est nécessaire dans le respect de l’indépendance de chacune des structures.
Mais plus aucune organisation politique ne pratique aujourd’hui la double besogne pour la simple raison qu’elles en restent à présenter seulement un programme politique, somme toute nécessaire mais insuffisant, et jamais un modèle politique post-capitaliste avec son processus de transition, qui alors devrait s’articuler avec le programme politique. Ce modèle politique devrait signifier les principes constitutifs, les ruptures nécessaires avec le modèle actuel, les exigences indispensables à la transformation sociale et politique et la stratégie à employer à l’instar de Marx et de Jean Jaurès qui eux proposait la stratégie de l’évolution révolutionnaire pendant la période de transition (comme nous le soumettons au débat dans notre livre sur la République sociale qui est à votre disposition dans notre « Librairie militante » en haut à droite de notre site ). Comme toute bifurcation historique est un processus, ce modèle noterait la façon dont pourrait s’effectuer la transition. Des idées claires devraient émerger sur toutes les principales questions que se posent non pas chez les seuls militants et responsables politiques mais aussi au sein des couches populaires ouvrières et employées mais aussi des couches moyennes intermédiaires tant celles qui sont en processus de précarisation et de prolétarisation que de ceux qui se posent des questions sur le sens de leur vie. C’est loin d’être le cas aujourd’hui.
Dans la dernière période, beaucoup de militants n’ont pas compris que le succès, limité, mais succès quand même, de la France insoumise est qu’elle a fourni un cadre avec les groupes d’action qui rompait avec la bureaucratisation de la plupart des organisations politiques, des cartels et des collectifs. Il est vrai au prix d’une verticalisation importante qui posera sans doute contradiction majeure si elle n’est pas résolue dans l’avenir. Mais, il est incroyable de ne pas comprendre le ras le bol de beaucoup de citoyens des dénis démocratiques de ceux qui n’ont que le mot «  démocratisation » à la bouche. Vouloir la démocratisation dans la société sans la pratiquer chez soi devient à la longue visible et insupportable. D’autant que nous sortons d’une pratique peu démocratique qui est celle de l’obligation du consensus produit par l’altermondialisme, qui excluait de ce fait la démocratie elle-même. Obligation du consensus entraînant l’obligation de l’autocensure sur les tabous de l’altermondialisme (laïcité, la nation, la république, etc.) sous peine d’être marginalisé sans débat. Cela rajoutait au non-démocratique produit par le procédé des cartels et des collectifs. On en voit la dérive dans l’évolution des forums sociaux mondiaux ou de ce qu’il en reste largement repris en main par des forces religieuses et des ONG dont les financements ne préfigurent en rien une velléité post-capitaliste! On pourra par exemple, voir le bal des hypocrites dans les communiqués de presse suite au décès de Samir Amin chez ceux qui l’ont combattu et qui passent sous silence son analyse contre les rassemblements ethniques et communautaristes (il assimilait par exemple l’islam politique à du fascisme et il proposait une internationale des travailleurs et des peuples dont les règles n’étaient pas celles de l’altermondialisme). Voir l’un de ses derniers textes et son entretien avec Christophe Ventura dans ce même numéro n°882.
Que pensez par ailleurs d’une période où seuls les dirigeants de l’oligarchie capitaliste avouent pratiquer la lutte des classes alors que certaines forces progressistes croient au consensus des 99% ! Confondre le consensus des 99% avec un bloc hégémonique politico-culturel, est une expression du retard théorique du mouvement social et politique aujourd’hui ! Warren Buffet, une des plus grandes fortunes du monde ne déclarait-il pas : « Bien sûr que la lutte de classe existe, et c’est notre classe qui est en train de la gagner ! ». Cette faiblesse des organisations politiques dite de la « gauche radicale » ou de la « gauche du peuple » qui n’osent pas se porter à la hauteur des enjeux est ce qui empêche les couches populaires ouvrières et employés d’adhérer au mouvement social ou politique. Comment comprendre que le premier choix des ouvriers et des employés est l’abstention alors qu’ils représentent 53% des français ! Que le PCF n’a pratiquement plus de vote ouvrier et n’a que 2% des votes exprimés des employés et que même la FI, aujourd’hui première force progressiste en France et de loin, a nettement moins de la moitié des votes exprimés ouvriers et employés que le Rassemblement national de Marine Le Pen(renvoyer à notre analyse du sondage IFOP de juin 2018 noté ci-dessus). Il ne peut pas y avoir de sortie par le haut sans la reconquête des voix ouvrières et employés car ils sont la majorité du peuple en soi. S’ils n’intègrent pas le peuple pour soi, il n’y aura pas de bifurcation sociale et politique possible quel que soit le tribun ! Il est là le plafond de verre !!!! Se désintéresser des smicards et de ceux qui sont juste au-dessus et qui sont majoritairement ouvriers ou employés est suicidaire. Et cette reconquête ne se fera pas avec un programme en guimauve ni avec des pensées magiques du type revenu universel dont le seul horizon est le projet de Milton Friedman de 1962 présenté dans son livre « Capitalisme et liberté », bible des monétaristes !
Venons-en à la formation des militants et à l’éducation populaire refondée pour le peuple tout entier. Quand une organisation politique vous dit : « Je pratique la méthode Alinsky ! », rappelez-lui que la première règle de cette pratique, sans laquelle l’action est inopérante, est que les militants doivent vivre dans le même quartier que ceux dont on veut transformer la colère en revendications victorieuses ! Quand une organisation politique vous dit « Je pratique l’éducation populaire ! », « je fais de la formation de cadres politiques », demandez-leur combien de personnes ont été concernées par ces actions! Et puis à vous de poser des questions aux organisations politiques et syndicales : « Combien avez-vous fait de réunions publiques pour expliquer aux citoyens le contenu des ordonnances Macron, pour présenter l’Action publique 2022, pour présenter les projets du gouvernement en matière ferroviaire, en matière de sécurité sociale (dont l’infâme prochaine contre-réforme des retraites qui arrivent), de services publics, d’école, etc. ?». Fermer le ban !
Quant à ceux qui vous disent que cela prend trop de temps de faire de l’éducation populaire refondée, la réponse est toute faite : « Préférez-vous un échec programmé de plus car vous ne programmez pas la campagne massive d’initiatives d’éducation populaire refondée qui permettraient d’ouvrir une perspective de victoire d’une nouvelle hégémonie culturelle ! ». Et oui, les pensées de Marx, Engels, Jaurès, doivent être complétés par celle d’Antonio Gramsci, qui a montré que, dans les pays développés, les lois tendancielles qui explicitent les crises du capitalisme et le fait qu’aucune transformation sociale et politique de l’histoire n’ait pu avoir lieu sans la victoire préalable d’une nouvelle hégémonie culturelle, sont une seule et même théorie cohérente.

Par quoi commencer ici et maintenant ?

Certains diront que nos critiques sont dures. Elles nous paraissent cependant nécessaires pour sortir par le haut de la crise de la gauche qu’elle soit sociale ou du peuple. D’autant que de nombreux sujets d’une importance capitale sont rarement traités par notre camp : quelle rupture écologique est nécessaire (la règle verte bien sûr mais aussi comment relancer la réindustrialisation indispensable de la France si on veut régler son déficit commercial structurel tout en pratiquant la rupture écologique, quel processus de transition énergétique, développer un féminisme social et non seulement sociétal, quelle rupture sociale pour modifier les rapports de production, etc. , quelle rupture démocratique est nécessaire y compris dans l’entreprise, quelle politique énergétique liée à la géopolitique de l’énergie est nécessaire et comprendre pourquoi nous avons malheureusement bradé Alsthom Energie par exemple, quelle souveraineté économique et monétaire, quelles sont in fine les projets néolibéraux en matière de sécurité sociale, de services publics, d’école publique, pourquoi il est indispensable de lier le combat laïque au combat social, comprendre les différentes lignes stratégiques, quel modèle politique post-capitaliste, rôle des transformations systémiques en matière de travail, pourquoi le processus révolutionnaire a aujourd’hui plus besoin de l’engagement des prolétaires intellectuels que des intellectuels militants, etc.).
Sans doute, la prise en compte de la refondation nécessaire ne se fera pas en quelques minutes ou même en quelques heures. Il faut donc bien commencer par un début. D’abord sortir du déni de la crise et de ce qu’on croyait encore juste il y a peu.
Dès à présent il nous faut, tous, réinterroger nos axes prioritaires et nos agendas. La multiplication de réunions « entre soi » ne fait pas avancer les luttes. Ne pas prendre ce temps du bilan et des choix à faire, c’est répéter sans fin des démarches chronophages qui nous épuisent.
Nous répétons luttes sociales, formation des militants et éducation populaire refondée pour toutes et tous, travailleurs et citoyens est une priorité et non un supplément d’âme. Nous sommes à votre disposition pour en discuter. Alea jacta est !

Annexe : Comprendre la nouvelle séquence en éradiquant les fausses bonnes idées

Notre adversaire n’est ni Trump, ni Macron, ni Merkel, ni le libre-échange. Pas plus que le protectionnisme notre ami. Notre adversaire, c’est le capital. Les trois premiers sont les gérants du capital dans leur pays et dans les pays sous leur influence. Ces trois premiers ont remplacés leurs prédécesseurs qui étaient également des gérants du capital. Et le capital se sert du 4ème et du 5ème suivant les circonstances. On entend Macron est le président des riches, comme ses prédécesseurs en pire! Il nous faut rompre avec la personnalisation du pouvoir qui laisserait à penser qu’il suffit de changer de locataire de l’Elysée pour aller dans le bon sens.
Trump a décidé d’utiliser des méthodes protectionnistes. Pourquoi ? Parce qu’il est « poussé » par l’oligarchie capitaliste de son pays. Pourquoi l’est-il ? Voilà la question qui mérite d’être posée.
Sur longue période, le taux de croissance du PIB par habitant étasunien baisse (directement corrélé sur la baisse des taux de profit dans l’économie réelle), les temps des périodes de récession augmentent, les temps des phases d’expansion diminuent, la part des salaires dans le PIB étasunien devient si faible que les ventes réelles par habitant chutent tout autant, la chute des investissements internationaux aux Etats-Unis est forte, voilà les raisons du déclenchement des mesures protectionnistes de Trump. Dès le déclenchement de ces mesures, la baisse des ventes de l’industrie allemande s’est produite sur trois mois consécutifs. C’est un début de guerre commerciale qui appellera des appels à des « unions sacrées nationales en soutien au capital national » « comme en 14 ». Nous devons sortir de ce nœud coulant !

  1. D’autres secteurs de cheminots étaient mobilisées, mais moins visibles en termes de suppression de trains : les personnels du fret. []
  2. Le soutien rapide aux autoentrepreneurs (ex. livreurs), qui luttent pour aller vers un statut de salariés doit être une priorité des structures syndicales départementales et régionales. []
  3. Cela implique la formation syndicale. Mais cela implique aussi de comprendre que l’éducation populaire refondée n’est pas de faire quelques réunions touchant peu de monde mais bien d’engager la bataille pour une nouvelle hégémonie culturelle gramscienne. L’éducation populaire refondée est une « pratique culturelle qui vise à la transformation sociale et politique au fins que chaque travailleur, chaque citoyen devienne auteur et acteur de sa propre vie ». Comme indiqué ce n’est pas seulement un objectif mais un ensemble de pratiques qu’il faut connaître qui permettent d’aller à l’objectif. Dit autrement, cela veut dire que c’est le chemin qui mène à l’objectif ! Cela implique des campagnes avec bien sûr des pratiques descendantes mais surtout des pratiques ascendantes de co-éducation. Toutes les méthodes de l’éducation populaire refondée sont à apprendre pour les appliquer bien sûr. Nous sommes là bien loin des pratiques culturelles de la gauche dite radicale. []
  4. Tout en formant les militants à contrer les tentatives de manipulations qui existent aussi dans les AG. []
  5. C’est en partie le cas dans la fonction publique. Certaines municipalités ou Conseil Départementaux accordent aussi des subventions dont le montant est calculé en fonction des résultats aux élections professionnelles dans le public comme dans le privé. Pour autant l’indépendance syndicale passe par la cotisation des adhérents. []
Combattre le racisme
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Comment l'idéologie identitaire fait perdre à la gauche occidentale son identité collective

par Tomasz Pierscionek

 

Le phénomène d’idéologie identitaire qui se répand dans le monde occidental sert une stratégie politique d’atomisation sociale qui interdit l’émergence d’une véritable résistance aux classes dirigeantes.

Un principe fondamental du socialisme est l’idée d’une solidarité globale rassemblant la classe ouvrière internationale et qui invalide tout facteur susceptible de la diviser, tel le nationalisme, la race la religion ou le genre. Les travailleurs de tous les pays y sont mobilisés sur des bases de solidarité, avec même valeur et même niveau de responsabilité dans la lutte contre ceux qui exploitent leurs capacités intellectuelles, leurs talents, et leurs efforts physiques.

Il demeure que le capitalisme, en particulier sous sa forme la plus évoluée, la plus exploiteuse et la plus cruelle – l’impérialisme – a accablés certains groupes humains plus que d’autres, au sein des classes laborieuses. Les empires coloniaux eurent tendance à réserver leur répression la plus brutale aux peuples indigènes des colonies, tandis que la classe ouvrière nationale de ces pays impérialistes, plus proche des miettes qui “ruisselaient” de la table impériale, pouvaient en espérer quelques unes. Mais la lutte de classe internationale vise à libérer tous les peuples du fardeau du capitalisme, quel que soit leur degré d’oppression passée ou présente. L’expression «blesser quelqu’un est une blessure pour tous» acculture cet état d’esprit et contredit l’idée de prioriser les intérêts d’une faction de la classe ouvrière sur l’ensemble du collectif.

Depuis la fin du 20ème siècle, une tendance idéologique libérale1  s’est implantée au sein de la gauche petite-bourgeoise (du moins en Occident) qui prétend abolir la conscience de classe au profit d’identités multiples basées sur le genre, la sexualité, la race, la religion ou tout autre facteur de division communautaire, étranger aux rapports sociaux de production subis par tous. Chaque sous-groupe, de plus en plus dissocié de tous les autres, se concentre sur la forme spécifique d’identité qu’il juge partager en propre, ne considère que les expériences individuelles de ses membres et donne la priorité à sa seule autonomisation. Toute personne extérieure à ce sous-groupe auto-centré est au mieux rétrogradée au rang « d’allié ».

Au moment de la rédaction de cet article, il y aurait semble-t-il plus de 70 options différentes en matière de genre en Occident, sans parler des « préférences sexuelles » déjà dénombrées – l’acronyme LGBT traditionnel s’est déjà, à ce jour, étendu à LGBTQQIP2SAA . L’ajout des races2 à cette agrégat, entraîne un nombre encore plus grand de permutations ou d’identités possibles, des « choix multiples »3. Chaque sous-groupe a sa propre idéologie et ils en arrivent à consacrer l’essentiel de leur temps à se confronter entre eux, suscitant une forme d’émulation qui tourne principalement autour du degré d’oppression4 subi par chaque « communauté » et permet de disqualifier celles jugées les moins opprimées en leur enjoignant de «vérifier leurs privilèges»5 , tandis que se rejoue continuellement le classement des «Olympiades de l’oppression».

Les règles de ce sport sont aussi mouvantes et confuses que les identités qui s’y confrontent. L’un des derniers dilemmes qui angoissent actuellement ce mouvement politique identitaire est la question de savoir si les hommes en transition vers la féminité méritent d’être reconnus et acceptés ou si les femmes trans ne sont pas des femmes et apparemment « violeraient »… des lesbiennes.

L’idéologie commune de cette vogue identitaire veut que le mâle blanc de droite soit au sommet de la pyramide des privilèges, et donc responsable de l’oppression de tous les autres groupes. Dans ce nouveau récit biblique des origines, le “péché originel” essentialisant le “grand mâle blanc” le condamne irrémédiablement à la damnation éternelle.

S’il est raisonnable de juger que les hommes blancs (sans distinction) ont globalement vécu moins d’avanies que les femmes, les hommes homosexuels ou les minorités ethniques, il n’est pas moins raisonnable de dire que la majorité des hommes blancs, passés et présents, ont eut quelques difficultés à survivre dignement… et sont tout autant concernés par l’oppression de tout autre groupe. On observe ainsi que la plupart des individus les plus riches du monde sont des hommes “caucasiens”, pourtant il existe des millions d’hommes blancs pauvres et sans ressources. Cette idée de «blancheur» relève d’ailleurs d’un concept ambigu, relevant du profilage racial6.

A titre d’exemple, les juifs irlandais, slaves et ashkénazes peuvent paraître blancs mais n’en ont pas moins souffert plus que leur juste part des famines, des occupations et des génocides à travers les siècles. L’idée de lier les privilèges sociaux  d’un individu à son type physique n’est rien d’autre qu’une représentation raciste élucubrée par des «intellectuels» libéraux (certains diraient “privilégiés”) qui du reste seraient identifiés comme parasitaires dans n’importe quelle société socialiste.

Est-ce que les lesbiennes appartenant à une minorité ethnique vivant en Europe de l’Ouest sont plus opprimées que les Syriens à l’apparence blanchâtre qui vivent sous l’occupation de l’État islamique? La classe ouvrière blanche britannique est-elle vraiment plus privilégiée qu’une femme de la classe moyenne de la même société? Les stéréotypes fondés sur la race, le sexe ou tout autre facteur ne mènent qu’à l’aliénation réciproque et à l’animosité. Comment peut-il y avoir une solidarité efficace au sein de la gauche si nous sommes seulement fidèles à nous-mêmes et à ceux qui nous ressemblent le plus? Certains hommes «blancs» qui pensent que la gauche n’a rien à leur offrir ont décidé de jouer le jeu de la logique identitaire dans leur recherche du salut et ont décidé de soutenir Trump (un milliardaire avec qui ils n’ont rien de commun) ou des mouvements d’extrême droite, ce qui entraîne une aliénation, une animosité et une impuissance accrues qui, à leur tour, ne font que renforcer la position des 1% supérieurs. Les populations du monde sont plus discriminés par leur classe sociale que par tout autre facteur.

Xavier Niel, (feu) Pierre Bergé, Matthieu Pigasse contrôlent des groupes de presse de posture “de gauche” (Le Monde, telerama, les Inrocks, le Diplo, etc. ) pratiquant un parfait œcuménisme de “genre” et d’identités… ainsi que quelques autres milliardaires “mâles blancs”, à l’instar des affairistes qui comme eux sont tous sponsors de Macron et possèdent l’essentiel de la presse et des médias français, y compris revues spécialisées, ados, cuisine, magazines horticoles ou animaliers … etc.

Il est beaucoup plus facile de «lutter» contre un groupe également ou légèrement moins opprimé que de se mobiliser pour s’unir avec eux contre l’ennemi commun – le bourgeois capitaliste. Combattre l’oppression par une rhétorique identitaire est, au mieux, une forme paresseuse, perverse et fétichiste de la lutte de classe menée par des activistes par frustration, majoritairement libéraux, issus de la classe moyenne et de l’enseignement supérieur, dans une incompréhension et une totale extériorité à toute idéologie positivement révolutionnaire. Au pire, c’est un ressort idéologique de plus, instrumentalisé par les 1% dirigeants pour diviser les 99% restants en 99 ou 999 groupes distincts et concurrents, plus préoccupés par leur propre petit monde que de défier le statu quo politique et social. Il y a une amère ironie à observer que l’un des principaux bailleurs de fonds du mouvement de promotion du fantasme identitaire est le milliardaire “mâle blanc” George Soros , dont les ONG ont contribué (avec les services secrets occidentaux) à orchestrer les manifestations d’Euromaidan en Ukraine, laissant place à l’émergence de mouvements d’extrême droite et néo-nazis : le genre de personnes qui croient en la supériorité raciale et ne considèrent pas la diversité avec beaucoup de bienveillance.

Il y a une idée stupide, mais  méthodiquement construite et répandue parmi la petite bourgeoisie “éduquée” occidentale, qui est que la politique identitaire dériverait de la pensée marxiste. Elle a servi à populariser l’expression dénuée de sens de «marxisme culturel»7, qui a plus à faire avec la sous-culture libérale qu’avec Marx, mais qui est sollicitée pour mieux vendre cette idéologie nombriliste. Non seulement la politique identitaire n’a rien de commun avec le marxisme, le socialisme ou tout autre aspect de la pensée traditionnelle de gauche, mais elle en est l’antithèse parfaite.

Une blessure à une personne est une blessure pour tous ” a été remplacé par quelque chose comme ” Une blessure pour moi, c’est tout ce qui compte “. Aucun pays socialiste, que ce soit dans la pratique ou de nom seulement, n’a favorisé la politique d’identité. Ni les nations africaines et asiatiques qui se sont libérées de l’oppression colonialiste, ni les États de l’URSS et du bloc de l’Est, ni les mouvements de gauche qui ont surgi en Amérique latine au début du 21ème siècle n’ont eu le temps de jouer à l’identité politique.

L’idée (fausse) que l’idéologie identitaire est une composante spontanée de la pensée de gauche historique fut conçue et promue… par la droite, cherchant ainsi à disqualifier les mouvements progressistes de gauche, et exploitant des « innovations théoriques » de libéraux qui cherchent à infiltrer, diaboliser et annihiler les mouvements de transformation sociale progressiste, ou de jeunes radicaux chimériques sans la moindre culture ou théorie politique et qui n’ont ni la patience ni la discipline de l’acquérir. D’autres encore, cherchent les « cheap thrills »((Frissons bon marché … autrement dit les plaisirs faciles procurés par des sensations au rabais.)) que leur procure l’auto-conviction d’avoir ébranlé les fondements de l’ “establishment” bourgeois alors qu’en réalité ils en sont les collaborateurs les plus efficaces.

Cette idéologie identitaire est très majoritairement un phénomène “émergent” de classe moyenne, encouragé car apprécié de la classe dirigeante à qui il permet d’entretenir à moindre frais l’aliénation panurgique amplement relayée par ses mass-media.

En Occident, vous êtes libre de choisir n’importe quel genre ou sexualité, de faire la transition de l’un à l’autre si ça vous chante, voire d’en créer un nouveau qui vous soit propre (dont idéalement vous seriez le seul et très remarquable représentant), mais vous n’êtes pas autorisé à remettre en question les fondements du capitalisme ou du libéralisme.

La forme névrotique de refoulement compensatoire8 que produit cette rhétorique identitaire est le nouvel « opium des peuples ». Un encouragement au solipsisme narcissique, à la paresse intellectuelle et civique qui obère toute lutte organisée contre le système social injuste qui les opprime concrètement. De fait, certains courants9 de cette gauche occidentale estiment même que les «libertés démocratiques» qu’ils apporteraient ainsi seraient un progrès humain décisif et donc un indicateur de la supériorité culturelle de l’occident, justifiant sa “mondialisation” “humanitaire” par le biais des ONG ou, plus brutalement, par des « révolutions colorées » et des « changements de régime » (à coups de bombe et de génocides) dont résultent massacres , ruine et malheur … pour tous.

  1. Cette tendance a en réalité émergé en même que les couches sociales qui la portèrent, dès la fin de la période de forte croissance des années 50-60 du 20ème siècle ( 1968 et après ). Elle se manifesta initialement par l’apparition des problématiques dites « sociétales » se substituant aux conflits sociaux « traditionnels ». []
  2. des « races » qui pourtant selon eux “n’existent pas”, selon leur propre rhétorique critique du racisme []
  3. Ces choix qui désormais remplissent un épais volume de QCM , sont parfaitement conformes au principe fondateur de la Liberté dans sa conception libérale-capitaliste : « la liberté c’est le choix ». On est donc “libre” par ce qu’on a le choix… entre plusieurs marques de petits-pois au supermarché, plusieurs candidats aux élections, etc. et désormais plusieurs « parcours de vie sexuelle », à options multiples et même possibilité d’échanger le produit en cas d’insatisfaction… []
  4. en fait ils ne parlent plus d’oppression et moins encore d’exploitation, mais plutôt de « domination » []
  5. Sans doute la nostalgie des auto-critiques publiques si prisées de leurs précurseurs maoïstes occidentaux. []
  6. voire de la physiognomonie … []
  7. Cf. en France le « post-marxisme », « l’intersectionnalisme », etc. []
  8. refoulement et négation de tout être social et de toute culture et représentation universelle et partagée []
  9. c’est ainsi que, parmi ceux qui se sont mis « en marche », on observe désormais des « courants », ceux qui marchent de plus en plus vite … []
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L'indispensable reconstruction de l'Internationale des Travailleurs et des Peuples

par Samir Amin

 

 Samir Amin, historien et économiste, est décédé le 12 août 2018. Pour rendre hommage à ce militant franco-égyptien, nous publions ici l’un de ses textes qui mérite le détour.

Le système en place depuis une trentaine d’années est caractérisé par l’extrême centralisation du pouvoir dans toutes ses dimensions, locales et internationales, économiques, politiques et militaires, sociales et culturelles.

Quelques milliers d’entreprises géantes et quelques centaines d’institutions financières, associées dans des alliances cartellisées, ont réduit les systèmes productifs nationaux et mondialisés au statut de sous-traitance. De cette manière les oligarchies financières accaparent une part croissante du produit du travail et de l’entreprise transformée en rente pour leur bénéfice exclusif.

Ayant domestiqué les partis politiques traditionnels majeurs  de « droite »  et de « gauche », les syndicats et les organisations de la société dite civile, ces oligarchies exercent désormais également un pouvoir politique absolu, et le clergé médiatique qui leur est soumis fabrique la désinformation nécessaire pour la dépolitisation des opinions générales. Les oligarchies ont annihilé la portée ancienne du pluripartisme et lui ont substitué un régime de quasi parti unique du capital des monopoles. Privée de sens, la démocratie représentative perd sa légitimité.

Ce système du capitalisme tardif contemporain, parfaitement clos, répond aux critères du « totalitarisme », qu’on se garde néanmoins d’invoquer à son endroit. Un totalitarisme pour le moment encore « doux » mais toujours prêt à recourir à la violence extrême dès lors que, par leur révolte possible, les victimes – la majorité des travailleurs et des peuples – viendraient à se révolter.

Les transformations multiples associées à ce processus dit de « modernisation » doivent être appréciées à la lumière de l’évolution majeure identifiée dans les lignes précédentes. Il en est ainsi des défis écologiques majeurs (la question du changement climatique en particulier) auxquels le capitalisme ne peut apporter aucune réponse (et l’accord de Paris sur le sujet n’est rien d’autre que de la poudre jetée aux yeux des opinions naïves), comme des avancées scientifiques et des innovations technologiques (informatique entre autre) rigoureusement soumises aux exigences de la rentabilité financière qu’elles doivent procurer aux monopoles. L’éloge de la compétitivité et de la liberté des marchés, que les médias asservis présentent comme garants de l’expansion des libertés et de l’efficacité des interventions de la société civile, constitue un discours aux antipodes de la réalité, animée par les conflits violents entre fractions des oligarchies en place et réduite aux effets destructeurs de leur gouvernance.

Dans  sa dimension planétaire le capitalisme contemporain procède toujours de la même logique impérialiste qui a caractérisé toutes les étapes de son déploiement mondialisé (la colonisation du XIX è siècle constituait une forme évidente de mondialisation). La « mondialisation » contemporaine n’échappe pas à la règle : il s’agit d’une forme nouvelle de mondialisation impérialiste, et rien d’autre. Ce terme passe partout, sans qualification, cache la réalité majeure : le déploiement de stratégies systématiques développées par les puissances impérialistes historiques (Etats Unis, pays de l’Europe occidentale et centrale, Japon) qui poursuivent l’objectif de pillage des ressources naturelles du Grand Sud et la sur exploitation de ses forces de travail que la délocalisation et la sous traitance commandent. Ces puissances entendent conserver leur « privilège historique » et interdire à toutes les autres nations de sortir de leur statut de périphéries dominées.

L’histoire du siècle dernier avait précisément été celle de la révolte des peuples des périphéries du système mondial, engagés dans la déconnexion socialiste ou dans les formes atténuées de la libération nationale, dont la page est provisoirement tournée. La recolonisation en cours, privée de légitimité, demeure de ce fait fragile.

Pour cette raison les puissances impérialistes historiques de la triade ont mis en place un système de contrôle militaire collectif de la planète, dirigé par les Etats Unis. L’appartenance à l’Otan, indissociable de la construction européenne, comme la militarisation du Japon, traduisent cette exigence du nouvel impérialisme collectif qui a pris la relève des impérialismes nationaux (des Etats Unis, de la Grande Bretagne, du Japon, de l’Allemagne, de la France et de quelques autres) naguère en conflit permanent et violent.

Dans ces conditions la construction d’un front internationaliste des travailleurs et des peuples de toute la planète devrait constituer l’axe majeur du combat face au défi que représente le déploiement capitaliste impérialiste contemporain.

Face au défi défini dans les paragraphes précédents l’ampleur des insuffisances des luttes conduites par les victimes du système paraît béante.  Les faiblesses de ces réponses populaires sont de nature diverse que je rangerai sous les rubriques suivantes :

(i)L’émiettement extrême des luttes, du local au mondial, toujours spécifiques, concernant des lieux et des domaines particuliers (écologie, droits des femmes, services sociaux, revendications communautaires etc.). Les rares campagnes de portée nationale ou même mondiale n’ont guère enregistré de succès significatifs entraînant des changements dans les politiques mises en œuvre par les pouvoirs ; et nombre de ces luttes ont été absorbées par le système et nourrissent l’illusion de la possibilité de sa réforme.

La période est pourtant celle de l’accélération prodigieuse de processus de prolétarisation généralisée : la presque totalité des populations des centres sont désormais soumis au statut de travailleurs salariés vendeurs de leur force de travail, l’industrialisation de régions du Sud a entraîné la constitution de prolétariats ouvriers et de classes moyennes salariées, leurs paysanneries sont désormais pleinement intégrées au système marchand. Mais les stratégies politiques mises en œuvre par les pouvoirs sont parvenues à émietter ce gigantesque prolétariat en fractions distinctes, souvent en conflit. Cette contradiction doit être surmontée.

(ii)Les peuples de la triade ont renoncé à la solidarité internationaliste anti impérialiste à laquelle ont été substituées au mieux des campagnes « humanitaires » et des programmes « d’aide » contrôlés par le capital des monopoles. Les forces politiques européennes héritières de traditions de gauche adhèrent largement de ce fait à la vision impérialiste de la mondialisation en place.

(iii)Une idéologie nouvelle de droite a gagné l’adhésion des peuples.

Au Nord le thème central de la lutte de classe anti capitaliste est abandonné – ou réduit à son expression la plus parcellaire – au bénéfice d’une prétendue définition nouvelle de la « culture sociétaire de gauche », communautariste, séparant la défense de droits particuliers du combat général contre le capitalisme.

Dans certains pays du Sud la tradition des luttes associant le combat anti impérialiste au progrès social a cédé la place à des illusions passéistes réactionnaires d’expression para religieuses ou pseudo ethniques.

Dans d’autres pays du Sud les succès de l’accélération de la croissance économique au cours des dernières décennies nourrissent l’illusion de la possibilité de la construction d’un capitalisme national « développé » capable d’imposer sa participation active au façonnement de la mondialisation.

Le pouvoir des oligarchies de l’impérialisme contemporain paraît indestructible, dans les pays de la triade et même à l’échelle mondiale (la « fin de l’histoire » !). L’opinion générale souscrit à son déguisement en « démocratie de marché » et le préfère à son adversaire du passé – le socialisme – affublé des qualificatifs les plus odieux (autocraties criminelles, nationalistes, totalitaires etc.).

Et pourtant ce système n’est pas viable pour beaucoup de raisons :

Le système capitaliste contemporain est présenté comme « ouvert » à la critique et à la réforme, inventif et flexible. Des voix commencent à s’exprimer qui prétendent mettre un terme aux abus de sa finance incontrôlée et aux politiques d’austérité permanente qui l’accompagne, et ainsi de « sauver le capitalisme ». Mais ces appels resteront sans écho : les pratiques en cours servent les intérêts des oligarchies de la triade – les seuls qui comptent – dont elles garantissent la croissance continue de la richesse, en dépit de la stagnation économique qui frappe la triade.1

(ii)Le sous-système européen fait partie intégrante de la mondialisation impérialiste. Il a été conçu dans un esprit réactionnaire, anti socialiste, pro impérialiste, soumis à la direction militaire des Etats Unis. L’Allemagne y exerce son hégémonie, en particulier dans le cadre de la zone euro et en Europe orientale annexée comme l’Amérique latine l’est par les Etats Unis. L’ « Europe allemande » sert les intérêts nationalistes de l’oligarchie germanique, exprimés avec arrogance comme on l’a vu dans la crise grecque. Cette Europe n’est pas viable et son implosion est déjà amorcée.2

(iii)La stagnation de la croissance dans les pays de la triade fait contraste avec son accélération dans des régions du Sud qui ont été capables de tirer profit de la mondialisation. On en a conclu trop vite que le capitalisme est bien vivant, mais que son centre de gravité se déplacerait des vieux pays de l’Occident atlantique au Grand Sud en particulier asiatique. En fait les obstacles à la poursuite de ce mouvement correctif de l’histoire sont appelés à prendre toujours plus d’ampleur dans la violence de leur mobilisation – par le moyen entre autre des agressions militaires. Les puissances impérialistes n’entendent pas permettre à un pays quelconque de la périphérie – grand ou petit – de se libérer de leur domination.3

(iv)Les dévastations écologiques associées nécessairement à l’expansion capitaliste viennent renforcer les raisons pour lesquelles ce système n’est pas viable.4

Le moment actuel est celui de « l’automne du capitalisme » sans que celui-ci ne soit renforcé par l’émergence du « printemps des peuples » et de la perspective socialiste. La possibilité de réformes progressistes d’ampleur du capitalisme parvenu à son stade actuel ne doit pas faire illusion. Il n’y a pas d’alternative autre que celle que rendrait possible un renouveau de la gauche radicale internationaliste, capable mettre en œuvre – et non pas seulement d’imaginer – des avancées socialistes. Il faut sortir du capitalisme en crise systémique et non pas tenter l’impossible sortie de cette crise du capitalisme.

Dans une première hypothèse rien de décisif ne viendrait affecter  l’attachement des peuples de la triade à leur option impérialiste, en particulier en Europe. Les victimes du système demeureraient dans l’incapacité de concevoir la sortie des sentiers battus du « projet européen », la déconstruction nécessaire de ce projet, préalable incontournable à sa reconstruction, plus tard, dans une autre vision. Les expériences de Siriza, de Podemos, de la France insoumise, les hésitations de Die Linke et d’autres témoignent de l’ampleur et de la complexité du défi. L’accusation facile de « nationalisme » à l’endroit des critiques de l’Europe ne tient pas la route. Le projet européen se réduit de plus en plus visiblement dans celui du nationalisme bourgeois de l’Allemagne. Il n’y a pas d’alternative, en Europe comme ailleurs, à la mise en place d’étapes de projets nationaux populaires et démocratiques (non bourgeois, mais anti bourgeois), amorçant la déconnexion de la mondialisation impérialiste. Il faut déconstruire la centralisation outrancière de la richesse et du pouvoir associée au système en place.

Dans cette hypothèse le plus probable serait un « remake » du 20 è siècle : des avancées amorcées exclusivement dans quelques périphéries du système. Mail il faut savoir alors que ces avancées demeureront fragiles comme l’ont été celles du passé, et pour la même raison, à savoir la guerre permanente que les centres impérialistes ont poursuivi contre elles, largement à l’origine de leurs limites et dérives. Par contre, l’hypothèse d’une progression de la perspective de l’internationalisme des travailleurs et des peuples ouvrirait la voie à d’autres évolutions, nécessaires et possibles.

La première de ces voies est celle de la « décadence de la civilisation ». Elle implique que les évolutions ne sont maîtrisées par personne, se creusent leur chemin par la seule « force des choses ». A notre époque, compte tenu de la puissance de destruction à la disposition des pouvoirs (destructions écologiques et militaires) le risque, dénoncé par Marx en son temps, que les combats détruisent tous les camps qui s’y affrontent, est réel. La seconde voie par contre exige l’intervention lucide et organisée du front internationaliste des travailleurs et des peuples.

La mise en route de la construction d’une nouvelle Internationale des travailleurs et des peuples devrait constituer l’objectif majeur du travail des meilleurs militants convaincus du caractère odieux et sans avenir du système capitaliste impérialiste mondial en place. La responsabilité est lourde et la tâche exigera des années encore avant de donner des résultats visibles. Pour ma part je soumets les propositions suivantes :

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Beaucoup ont encensé et encensent Samir Amin sans connaître toute sa pensée, notamment contre l’islam politique. Nous vous proposons de visionner cet entretien vidéo, mené par Christophe Ventura.

  1. L’objectif est de créer une Organisation (l’Internationale nouvelle) et non simplement un « mouvement ». Cela implique qu’on aille au-delà de la  conception d’un Forum de discussions. Cela implique également qu’on prenne la mesure des insuffisances associées à l’idée, encore dominante, de « mouvements » prétendus horizontaux, hostiles aux organisations dites verticales, sous prétexte que ces dernières sont par nature anti démocratiques. L’organisation naît de l’action qui secrète par elle-même des cercles « dirigeants ». Ces derniers peuvent aspirer à dominer, voire manipuler les mouvements ; mais on peut également se protéger contre ce danger par des statuts appropriés. Matière à discussion. []
  2. L’expérience de l’histoire des Internationales ouvrières doit être étudiée sérieusement, même si l’on pense qu’elles appartiennent au passé. Non pour « choisir » un modèle parmi elles, mais pour inventer la forme la mieux appropriée aux conditions contemporaines. []
  3. L’invitation doit être adressée à un bon nombre de partis et d’organisations en lutte. Un premier comité responsable de la mise en route du projet devrait être constitué rapidement. []
  4. Je n’ai pas souhaité alourdir ce texte. Je revoie néanmoins à des textes complémentaires (en français et en anglais) : a)un texte fondamental concernant l’unité et la diversité dans l’histoire moderne des mouvements au socialisme b)un texte concernant l’implosion du projet européen c)quelques textes concernant : l’audacité exigée dans la perspective du renouveau de gauches radicales, la lecture de Marx, la nouvelle question agraire, la leçon d’Octobre 1917 et celle du maoisme, le renouveau nécessaire de projets nationaux populaires. []


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