n°936 - 04/06/2020
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« Ségur de la santé » : le cercle de la raison sanitaire

par Frédéric Pierru

 

« C’est curieux, chez les marins, ce besoin de faire des phrases. »
Michel Audiard, Les Tontons flingueurs.

Le pouvoir macroniste recourt, depuis son accession au trône de la monarchie républicaine, à trois stratégies pour déminer le terrain social : le mensonge, l’enfumage et la répression policière. Impossible d’oublier la triste et terrible séquence des gilets jaunes : après avoir nié le caractère foncièrement injuste de la taxe sur les carburants, la répression s’était abattue férocement sur les catégories populaires protestant contre leur déclassement économique et social. Puis vint le temps de l’enfumage avec le Grand monologue dont on attend encore les conclusions et les synthèses promises. Le but de cet exercice, complaisamment relayé par les chaînes d’information continue détenues par les milliardaires français, était de permettre au Président de la République de laisser libre cours à son narcissisme tout en laissant accroire à un homme à l’écoute des Français. On a retrouvé peu ou prou les mêmes ingrédients lors du vaste mouvement contre la casse des retraites. Si la répression fut moins brutale – toutefois, le déploiement d’un nombre impressionnant de policiers le long des cortèges visait à rappeler aux manifestants qu’aucun « débordement » ne serait toléré –, on eut le droit aux mensonges assénés avec un culot cosmique : c’était une « réforme juste et simple », martelait alors le Premier Ministre ; tellement juste et tellement simple que tout le monde avait compris que Black Rock, dont le PDG avait été reçu en grandes pompes à l’Élysée au cours de l’été 2019, se régalait de la perspective de l’accélération de l’appauvrissement des futurs retraités des classes moyennes et populaires, public et privé confondus. Et le pouvoir de rappeler sans cesse qu’il y avait eu une vaste concertation (mot de la novlangue macroniste pour désigner l’enfumage) partout en France sous la houlette de Jean-Paul Delevoye… dont on apprit qu’il nageait dans les eaux troubles des conflits d’intérêts, autre marque distinctive de ce pouvoir.

Pendant ce temps, et alors que la pandémie de Covid-19 commençait à pointer son nez, les hospitaliers qui manifestaient devant le siège du ministère de la Santé et des solidarités étaient gazés… Pour eux, ce fut d’abord la répression, car la ministre de la santé Agnès Buzyn n’en démordait pas : « sa » réforme, étrangement baptisée « Ma santé 2022 », allait porter ses fruits. Il fallait aux soignants continuer à patienter et serrer les dents. Face à la menace de la convergence des mouvements sociaux, elle daigna concéder aux soignants une prime misérable, perçue à juste titre comme une aumône et une offense. Surgit alors la pandémie de Covid-19 et sa sarabande de grossiers mensonges cherchant à dissimuler l’impréparation coupable des pouvoirs publics, avant l’embastillement de la majorité de la population. Faute de masques, de tests, il n’avait pas d’autre choix. On en profita pour faire passer, à grands coups d’ordonnances, un État d’urgence sanitaire liberticide et l’ultime détricotage de ce que qui reste du droit du travail. Plus besoin de répression : les manifestants potentiels étaient incarcérés chez eux.

L’état de béatitude qu’a dû alors éprouver l’exécutif qui bénéficiait de facto des quasi-pleins pouvoirs devait forcément finir. Avec le déconfinement, la menace de reprise des mouvements sociaux est réelle. Certes, le Président de la République a déclaré vouloir « se réinventer ». Certes, la casse des retraites est – provisoirement – remisée au placard. Certes, les rassemblements de plus de dix personnes sont interdits. Certes, depuis trois ans maintenant, nous sommes habitués à voir l’espace public saturé de policiers. Mais, avec les Français et leur goût des révolutions, on ne sait jamais…

Aussitôt déconfinés, les soignants, premiers de corvée héroïques, ont recommencé leurs protestations. Difficile de leur envoyer à nouveau la troupe et les gaz lacrymogènes étant donné le soutien massif qu’ils ont reçu alors qu’ils étaient en première ligne dans la lutte contre la pandémie. Il fallait donc trouver un autre type d’enfumage… Car l’agenda de Macron était déjà arrêté : un plan hôpital, présenté comme « massif » (sic), était prévu en septembre. Mais que faire en attendant pour répondre à l’urgence de soignants qui n’en peuvent mais ? Une nouvelle « concertation » pardi ! Comme le Grand Monologue, comme la concertation pour les retraites…

Ainsi, en visite à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, foyer de la contestation hospitalière, le Président de la République a annoncé la tenue dans les plus brefs délais d’un « Ségur de la santé », histoire de tenir jusqu’aux vacances d’été. Et l’analyse, même superficielle, de ce « Ségur », commencé le 25 mai 2020, va donner la mesure du degré de « réinvention » d’Emmanuel Macron.

Première réunion, grand moment de communication, avec un discours fleuve d’Édouard Philippe devant 300 personnes présentes par visio-conférence. Première déception des participants qui auraient dû s’y attendre puisque le couple exécutif avait déclaré qu’il convenait certainement de revoir la « stratégie » mais certainement pas le cap. Édouard Philippe l’a à nouveau répété. Les grandes lignes de la réforme Buzyn sont confirmées, notamment pour ce qui est de la tarification à l’activité, si décriée par les soignants et nombre d’experts. L’objectif est de baisser la part de la T2A à 50 % du financement des établissements, soit exactement l’engagement de Macron pendant la campagne électorale. L’État renouvelle son engagement à reprendre un tiers de la dette des hôpitaux. Pourquoi seulement un tiers, étant donné que cette dette est très largement due au sous-financement chronique des hôpitaux depuis plus de dix ans ? On ne le saura pas. Mais on le devine : la dette est un rapport politique, ou de pouvoir, avant d’être un sujet économique. Ne reprendre que partiellement la dette permet de conserver l’épée de Damoclès sur les directions hospitalières et, partant, sur les personnels, afin de leur faire accepter les incontournables « restructurations ». On lira à ce propos l’excellente interview de l’économiste de la santé Brigitte Dormont : https://blogs.alternatives-economiques.fr/rcerevue/2020/05/31/les-crises-de-l-hopital-public-entretien-avec-brigitte-dormont

Surtout l’agenda de ce « Ségur » est très restrictif. Appeler « Ségur de la santé » une concertation portant sur le seul hôpital public est déjà un abus de langage, mais pas seulement : c’est aussi une faute logique. En effet, les causes de la crise hospitalière sont d’abord à rechercher en amont et en aval des hôpitaux publics. En amont, la désorganisation de la médecine de ville – déserts médicaux, banalisation des dépassements d’honoraires – pousse la France périphérique vers les services d’urgence. De même, en aval, la sous-médicalisation – sur lequel le Covid-19 a jeté une lumière crue – des établissements médico-sociaux et des EHPAD conduit les personnes âgées malades vers… les brancards des services d’urgence. C’est la raison pour laquelle le mouvement de protestation est parti… des services d’urgences toujours. Les paramédicaux de ces derniers – j’insiste : les paramédicaux : infirmières, aides-soignantes – ont créé le Collectif Inter-Urgences (CIU), rejoint peu après par le Collectif Inter-blocs puis le Collectif Inter-hôpitaux (CIH), rassemblant pour l’essentiel des médecins des hôpitaux parisiens (mais pas seulement). Nous y reviendrons dans quelques instants.

De même, est exclu de l’agenda du bien mal nommé « Ségur de la Santé » toute discussion sur le niveau de l’Objectif National des dépenses d’Assurance Maladie (Ondam), soit, grosso modo, le budget dédié au système de santé. Il s’agit là d’un sujet sérieux, réservé à la seule technostructure de Bercy et son appendice au ministère de la Santé, la direction de la sécurité sociale. Il est affirmé que le taux de progression de l’Ondam sera augmenté, mais de combien ? Mystère.

Cependant, il faut à l’exécutif concéder à l’urgence salariale et à la demande de revalorisation des carrières. Et pour cela qui de mieux que l’insubmersible Nicole Notat, qui restera dans l’histoire syndicale comme la dirigeante de la CFDT qui avait rallié le « Plan Juppé » en 1995, quand toute la France défilait contre. Précisons : Nicole Notat, flanquée de trois inspecteurs généraux des affaires sociales dont on devine les accointances avec le pouvoir. Et comme il s’agit de discuter de la rémunération des paramédicaux, autant le faire… sans eux !! En effet, Olivier Véran, sur ordre de l’Élysée, n’a pas souhaité que les organisations représentant cette catégorie de personnels soient présentes ! Exit donc le Collectif inter-urgences et le collectif inter-blocs et nombre des syndicats de ces professions. Le comble puisque ce sont les paramédicaux qui ont lancé la fronde avant d’être rejoints par les médecins ! De la même manière, les syndicats de salariés ont été marginalisés. Là encore, exit les contestataires. La CGT et FO, les deux syndicats arrivés en tête des élections professionnelles se sont fendu de communiqués dépités et scandalisés. Ils ont été rejoints récemment par Sud, proche du CIH. Si ça n’est pas du mépris de classe, cela y ressemble beaucoup.
La grand-messe inaugurale a donc connu une sévère cure d’amaigrissement, puisque de 300 personnes, on est passé à 40, essentiellement des institutionnels (directeurs d’ARS, directeurs d’hôpital, représentants de l’Ordre des médecins, etc.), auxquels viennent s’adjoindre deux médecins du Collectif Inter-Hôpitaux. Bref : on va discuter entre gens « convenables » et « raisonnables » et on imagine déjà l’audace des propositions qui vont ressortir de ce « machin » technocratique et élitiste, bien à l’image d’Emmanuel Macron. Une resucée du « Cercle de la Raison », cher à Alain Minc, que connaît si bien Nicole Notat, ancienne présidente du Siècle, ce cercle interlope pour happy few (grands patrons, syndicalistes affidés, journalistes et éditorialistes, intellectuels de cour, etc.). On ne peut que regretter que le CIH ait accepté sans broncher que ses alliés de l’hiver 2019 soient sortis du tour de table. On regrettera aussi qu’il ait traité les syndicats ouvriers comme des pestiférés. Mais il ne faut pas s’y tromper. Dans ce « Ségur », on va parler, parler, parler… pour gagner du temps. C’est l’objectif. Si le gouvernement voulait agir, il le ferait. Il existe en effet des dizaines de rapports officiels, des centaines de livres et d’articles qui ont déjà fait l’analyse du mal sanitaire français et avancé moultes propositions. Il était inutile de mettre sur pied un nouveau « Ségur » pour réaffirmer ce que tout le monde sait.

Au lieu de cela, on apprenait très récemment que le médecin référent du CIH au CHU de Grenoble s’est vu refuser sa nomination comme praticien hospitalier pour s’être « chamaillé » – comme le dit avec sa condescendance coutumière Emmanuel Macron – avec la direction de l’établissement. Il ne faudrait quand même pas que les premiers de corvée s’imaginent déjà chefs.

On l’aura compris, il n’y a rien à attendre de ce nouveau bidule, pour parler comme de Gaulle. Il s’inscrit dans la longue suite d’enfumages dont ce pouvoir est coutumier. Seul le rapport de force politique et syndical poussera la technostructure déguisée en politique à « se réinventer ». La journée de grève du 16 juin 2020 sera à cet égard une première étape.

Photo de Serge d’Ignazio de la manifestation devant l’hôpital Robert Debré le 28/05/2020.

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Le Serment de Vincennes, 19 juin 1960 : la Guerre scolaire visible hier, sournoise aujourd’hui, est toujours d’actualité

par Philippe Duffau

 

La Guerre scolaire public/privé majoritairement confessionnelle, tout comme la lutte des classes que d’aucuns affirment finie et qui pourtant fait toujours plus de ravages pour les plus modestes, la Guerre scolaire est toujours d’actualité mais ce sont les Églises qui la conduisent, notamment catholique, et les républicains qui font profil bas.

L’anniversaire du Serment de Vincennes est l’occasion de faire un bilan, bilan dans lequel nous constaterons que c’est la République laïque et son socle, l’enseignement public qui y a laissé des plumes, enseignement public qui, contre vents et marées, est maintenu à flots par ses soutiers que sont les enseignants.

Serment de Vincennes

Nous, délégués des pétitionnaires des communes de France, représentant 10.813.697 Français et Françaises de toutes origines et toutes opinions ayant signé la pétition solennelle contre la loi scolaire de division du 31 décembre 1959 (dite loi Debré) faisons le serment solennel :
– de manifester en toutes circonstances et en tous lieux notre irréductible opposition à cette loi contraire à l’évolution historique de la Nation,
– de lutter sans trêve et sans défaillance jusqu’à son abrogation,
et d’obtenir que l’effort scolaire de la République soit uniquement réservé à l’École de la Nation, espoir de notre jeunesse. »

Ces 10.813.697 pétitionnaires dépassaient largement dans 64 départements la majorité absolue des votants aux législatives du 30 novembre 1958. L’après-midi du 19 juin 1959, au parc de Vincennes du fait de l’interdiction du Préfet de défiler de Nation à République, plusieurs centaines de milliers de personnes se sont regroupées sur la pelouse de Reuilly. La liste des organisations qui ont soutenu la pétition du CNAL figure en bas de texte (1)Parti Socialiste Autonome, l’Union de la Gauche Socialiste, le Parti Socialiste S.F.I.O., le Parti Radical et Radical-Socialiste, les Socialistes Indépendants et Indépendants de Gauche, le Parti Communiste Français, la Libre-Pensée, l’Union rationaliste, la CGT, la CGT-FO, la Ligue des Droits de l’Homme, l’Union Nationale des Étudiants de France, le Grand Orient de France, le Droit Humain, la Fédération Nationale des Combattants Républicains : de tous ces signataires nombreux sont ceux qui ont abandonné ce combat.

Une rivalité est soigneusement entretenue et favorisée par les responsables institutionnels entre « l’école du mal » forcément publique et celle du « bien » a fortiori confessionnelle. Selon le journal La Croix du 16 décembre 2009, la guerre scolaire s’est apaisée 50 ans après la loi Debré. Selon Les Échos du 29 décembre 2009, la querelle scolaire semble en passe de s’éteindre.

La loi Debré : une loi qui est une étape fondamentale dans la remise en cause de la laïcité dans l’enseignement

La loi Debré se révèle moins comme une solution de compromis et de paix que comme une étape nouvelle du conflit scolaire. Elle est la porte ouverte à une remise en cause de la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905 au bénéfice, aujourd’hui, presque exclusif de l’enseignement catholique et demain de l’enseignement musulman.

Le secrétaire général de l’enseignement catholique le confirme : « La loi Debré n’est pas une loi parmi d’autres. Elle est bien un de ces nœuds de l’histoire dont, soixante ans après son vote, nous n’avons pas encore mesuré la portée. En permettant, selon René Rémond, de « réunir ce que la loi de 1905 a séparé », elle est sans doute l’ultime étape du « ralliement » des catholiques et de l’Église à la République. »

La loi Debré est donc une entorse essentielle à la loi de 1905. Elle est la source d’un communautarisme scolaire qui ne demande qu’à s’étendre. Elle introduit des concepts flous, ambigus comme « caractère propre », « besoin scolaire reconnu » et aujourd’hui « parité ». Cela aboutit à l’aggravation de la ségrégation sociale.

Toutes les lois qui ont suivi sont allées encore plus loin pour favoriser l’enseignement confessionnel en tournant le dos aux souhaits de Michel Debré lui-même : « Il n’est pas concevable, pour l’avenir de la nation, qu’à côté de l’édifice public de l’Éducation nationale, l’État participe à l’élaboration d’un autre édifice qui lui serait en quelque sorte concurrent et qui marquerait, pour faire face à une responsabilité fondamentale, la division absolue de l’enseignement en France. »

Pourtant la loi Debré qui se traduit par une séparation des enfants au nom de la religion est devenue plus coûteuse aujourd’hui.

La loi Debré une régression fondamentale vers un système mis en place sous le régime pétainiste

Selon des responsables de l’enseignement catholique : « La loi du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l’État et les établissements d’enseignements privés constituent l’aboutissement réussi de la lutte engagée dès 1945 par les partisans de la liberté de l’enseignement. Elle signe le retour à un régime initié par Vichy… ». La main mise sur notre jeunesse au travers de l’école catholique, préoccupation privilégiée de l’Église, pourrait devenir, selon le cardinal français Jean-Louis Brugès, « le seul lieu de contact avec le christianisme », « l’école est le point crucial pour notre mission », cette main-mise est un point essentiel pour l’Église.

Une loi financièrement onéreuse

La République laïque finance ainsi la visibilité sociale de l’Église par la concession de 20 % du système éducatif. Par la loi Debré, l’État entretient aujourd’hui deux réseaux scolaires et demain une multitude fatalement concurrentielle.

De la sécularisation à la séparation des Etats et des Églises : des avancées vers l’émancipation des individus et des reculs

17e siècle : Après Bacon l’Anglais, Descartes le Français, Spinoza le Hollandais qui ouvrent les voies de l’affranchissement de la pensée par la raison, John Locke (1632-1704) est le premier à poser et développer le principe de séparation entre les Églises et l’État : « J’estime qu’il faut avant tout distinguer entre les affaires de la Cité et celles de la religion, et que de justes limites doivent être définies entre l’Église et l’État. » (Lettre sur la tolérance, 1689).

18e siècle : En Allemagne avec Humbolt, Kant, Fichte (« un État qui marche avec les béquilles de la religion ne fait que prouver sa faiblesse »), en France avec les Encyclopédiste (Rousseau, Voltaire, Diderot) et la Révolution française avec le décret de Ventôse an III de la République (repris par la Commune insurrectionnelle de Paris en 1871) : « Nul ne doit être contraint de financer un culte qui n’est pas le sien », aux États-Unis (première constitution avec principe de séparation entre l’État et les Églises, Thomas Paine dénonçant l’union adultère de l’Église et de l’État), la volonté de se libérer de l’emprise religieuse s’amplifie.

19e siècle : en France,

  • recul avec la loi Falloux de 1850, toujours appliquée en partie dans les trois départements concordataires Haut-Rhin, Bas-Rhin et Moselle) qui impose une éducation religieuse dans les écoles publiques et ne concerne que quatre cultes un catholique, deux protestants et un israélite, loi à l’occasion de laquelle Victor Hugo, pourtant membre du parti de l’Ordre du ministre Falloux et chrétien convaincu, déclare à l’adresse du parti clérical: « Si le cerveau de l’humanité était là, devant vos yeux, à votre discrétion, ouvert comme la page d’un livre, vous y feriez des ratures ».

  • avancées avec les lois de séparation des écoles et de l’Église (1881- 1882 afin de mettre en œuvre la mission essentielle de l’école publique « Former des esprits libres et non les conformer à des dogmes religieux ou idéologiques ».

1940 : l’État français de Vichy, enseignement privé catholique subventionné, enseignement public désorganisé, suppression des écoles normales d’instituteurs

IVe République : renoncements avec les subventions maintenues au privé, 1951, subventions renforcées par les lois Marie et Barangé. La loi Marie a ouvert aux élèves des établissements privés le droit à bénéficier des bourses. La même année, la loi Barangé a attribué une allocation scolaire aux familles, que leur enfant soit dans une école publique ou privée.

Ve République : recul avec la loi Debré du 31 décembre 1959 qui sacrifie un équilibre de sagesse, qui apporte la division religieuse, qui ouvre une opportunité pour les intégrismes des trois grandes religions monothéistes, qui organise la division religieuse avec une compétition inévitable entre les religions, qui pérennise la division sociale avec une opportunité pour certains milieux socialement aisés animés d’ambitions élitistes et pour l’« entre soi ». L’école laïque devait accueillir tous les enfants. Il fallait donner à une certaine aristocratie la possibilité d’y échapper. Les établissements privés apparaissaient comme l’échappatoire à la démocratisation que le collège avait pour mission d’appliquer. Depuis 2007 (M. Darcos) la levée des contraintes de la carte scolaire a permis l’échappée de certaines couches sociales vers des secteurs socialement plus « distingués ».

Division politique

  • En 1971 : la loi Debré doit être révisée. La loi Pompidou est plus favorable au lobby clérical. Le rapporteur, Olivier Giscard d’Estaing en donne l’esprit : remplacer le budget national tel qu’il est construit par l’octroi d’allocations scolaires pour chaque famille selon le nombre et l’âge des enfants. Valéry Giscard d’Estaing exprime la volonté de réduire l’enseignement public à 50 % de la population scolaire. L’idée sous-jacente qui chemine est de privatiser l’enseignement public. Pour cela, il faut dénigrer l’enseignement public, réduire ses moyens afin de faire accepter par nos concitoyens la substitution à l’école laïque « moule commun alors que la société est diverse » des écoles selon les affinités professionnelles, sociales, politiques, confessionnelles. Le parti clérical actionne deux leviers pour menacer l’Éducation nationale : empêcher son développement et favoriser l’entreprise d’enseignement privée.

  • Mépris des lois de la République pour mieux favoriser l’enseignement confessionnel

Le Code de l’éducation, article L212-2 précise : « Toute commune doit être pourvue au moins d’une école élémentaire publique. Toutefois, deux ou plusieurs communes peuvent se réunir pour l’établissement ou l’entretien d’une école. »

En 2013 : 487 communes dont la population scolaire justifierait l’existence d’une école n’en ont pas. Des maires malgré les demandes refusent d’ouvrir une école publique.

La Constitution de la Ve République affirme : « L’organisation de l’enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir d’État. »

  • Entraver l’enseignement public par l’asphyxie

En 2010, le gouvernement Sarkozy et son ministre de l’Éducation, Xavier Darcos décident la suppression d’un emploi sur deux dans l’enseignement (ne remplacer qu’un départ à la retraite sur deux). Pour cela, il faut « Augmenter la taille des classes dans le premier degré… Réduire le besoin de remplacement dans le premier degré et recourir à des non-titulaires en contradiction avec la pratique depuis 1972 : remplacer un enseignant au pied levé sans que les élèves en subissent les conséquences nécessite des enseignants chevronnésLimiter la scolarisation des enfants de deux ans.

  • Bonnes manières de l’État en faveur des établissements privés sous contrat

L’État verse 7 milliards d’€ (2015) aux établissements privés. L’art. L 442-13 du Code de l’éducation affirme que les mêmes « règles et critères (doivent s’appliquer) pour l’ouverture et la fermeture des classes correspondantes de l’enseignement public ». Ainsi la taille des classes et établissements du privé ne doivent pas être plus favorables que celle des établissements publics.
– Pourtant, des complaisances à foison apparaissent en n’appliquant pas les mêmes règles que pour le public. Ainsi en 2013, dans toutes les académies, les établissements privés du second degré ont des effectifs moyens inférieurs que ceux de l’enseignement public.
– Plus de postes budgétaires pour le privé : depuis 1980 existe un partage tacite de la population scolaire, soit 80 % pour le public, 20 % pour le privé. En réalité, la population scolaire se répartit entre 83 % pour le public et 17 % pour le privé. En 2011, le gouvernement Fillon supprime 16 000 postes. En proportion il aurait fallu supprimer 3 200 postes dans le privé, il y en eut 1 633. Ainsi le public a supporté 92 % des suppressions.

Guerre financière

  • 1er séisme : Durant la période révolutionnaire, s’exprime la volonté de créer une « instruction publique » affranchie de toute influence religieuse tout en laissant toute liberté à un particulier de faire donner une instruction autre à ses enfants. Les lois Guizot et Falloux rétablissent la férule religieuse sur l’école publique.

  • 2e séisme : loi Ferry du 28 mars 1882 (séparation des Églises et de l’école) et loi de 1905 (Séparation des Églises et de l’État). La liberté est laissée à tout particulier de faire donner à ses enfants l’enseignement de son choix.

Guerre de reconquête cléricale

Elle s’est appuyée sur deux piliers :

  • L’Église a pour mission divine d’enseigner. Campagnes de dénigrements, de calomnies, d’insultes de « l’école sans dieu ».

  • Argument financier : le parti clérical réclame « la répartition proportionnelle scolaire ». Les parlementaires de l’époque refusent : « les fonds publics doivent aller à l’école publique. »

Étapes :

  • Régime de Vichy, juillet 1940. Promesse est faite au cardinal Gerlier primat des Gaules d’octroyer une aide de l’État français à l’enseignement catholique (loi du 2 novembre 1941).

  • 1944 : supprimer ou non la législation scolaire de Vichy. Gouvernement provisoire : Les subventions sont officiellement supprimées sauf pour l’enseignement technique privé, l’éducation physique, les mouvements de jeunesse et les établissements privés peuvent recevoir des aides sous forme de bourses. 

  • 1948 : le décret Poinso-Chapuis : Voie détournée pour réinstaller le financement des écoles privées par l’intermédiaire du ministre de la Santé : « aider les familles éprouvant des difficultés matérielles pour l’instruction de leurs enfants » par l’Union nationale, les unions régionales et locales des allocations familiales. Mise en appétit pour aller plus loin (MRP) vers le soutien des écoles privées, Mgr Cazeaux, évêque de Luçon, lance, en soutien, la grève de l’impôt pour le financement des école confessionnelles.

  • 1951 : les lois Marie et Barangé : Les familles dont les enfants fréquentent une école privée recevront des subventions d’État. Lois obtenues dans le cadre de l’Alliance MRP (parti clérical, Barangé), la SFIO et le parti radical (Marie). L’Organe des Écoles libres jubile : « Gloire aux vainqueurs… Une brèche est ouverte : il ne s’agit que de l’agrandir et de passer avec le gros des troupes ». Le financement ne suffit plus, il faut un statut à l’enseignement privé catholique.

  • 1959 : la loi Debré ; le début d’un aboutissement. On passe de l’aide aux familles par l’intermédiaire de bourses à la relation contractuelle entre l’État et les établissements d’enseignements privés. « Les dépenses de fonctionnement des classes (un établissement peut passer un contrat pour la totalité ou une partie de ses classes) sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes du privé. »*

  • 1977 : la loi Guermeur. Avec la loi Debré, le contrat est passé avec chaque établissement privé. Avec la loi Guermeur, l’enseignement catholique devient l’égal de l’éducation nationale et prétend même en faire partie. Est actée l’égalisation des situations des enseignants du privé et du public (déroulement des carrières pour les avancements et promotions ; les mesures sociales, les retraites). Est introduit le forfait communal versé pour chaque élève et par an avec les mêmes critères que pour les classes correspondantes du public (mars 1978). De facultative, la contribution des communes devient obligatoire.

  • 2004 : art.89 de la loi de décentralisation et 2009, loi Carle. Le sénateur socialiste, Charasse propose une loi faisant obligation pour toute commune de financer les dépenses d’entretien d’un élève dont les parents sont domiciliés dans la commune mais dont l’enfant fréquente une école privée d’une autre commune. Loi Carle (2009) : « garantir la parité de financement entre les écoles primaires publiques et privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence. »

Ainsi est constitué le corpus législatif qui marque l’aboutissement d’un siècle de guerre scolaire menée par le parti clérical.

La notion de caractère propre : une insulte aux principes de la laïcité et le cache-sexe de caractère confessionnelle et religieux

« Pour un OGEC (Organismes de gestion de l’enseignement catholique ), il s’agit de désigner l’annonce de l’Évangile et sa célébration comme des lieux privilégiés de discernement des décisions à prendre ; Il s’agit de redécouvrir qu’en régime chrétien, la gouvernance se dit « diaconie », intendance au service de l’œuvre du Christ. »

Au pays du cartésianisme ou au pays qui prône l’émancipation par l’usage de la raison, l’État garant et gestionnaire de l’école de la République assure, sans état d’âme, le fonctionnement gratuit d’écoles partisanes concurrentes au travers de lois qui encouragent et consolident la division de la jeunesse contre l’école laïque rassembleuse, symbole de l’unité de la nation.

Formation des personnels du privé en contradiction avec la notion de liberté de conscience inscrite dans la loi

C’est en conformant les esprits qu’un régime autoritaire entend se perpétuer. Le plus sûr moyen d’y parvenir est de conformer ceux qui sont chargés de transmettre sa vérité à ceux qui sont l’avenir du régime, la jeunesse.

A l’opposé, la démocratie exige que l’enseignement soit « universel », disait Condorcet, laïque, dirions-nous aujourd’hui et que les enseignants soient préparés à cette mission.

Il y a totale antinomie entre les deux démarches laïque et cléricale. Les Églises visent à diffuser et transmettre leur vérité aux générations futures. La loi Debré leur convient financièrement mais pas pour la transmission car elle garantit le respect de la liberté de conscience des enseignants. La Loi Guermeur leur donne satisfaction car après 1968, « L’école chrétienne a tendance à se dégager de ses liens avec l’épiscopat et les supérieurs majeurs. » dixit en 1970, Mgr Cuminal.

En 2002, l’enseignement catholique relève « le défi de cette double appartenance (structure civile et institution chrétienne), la relation administrative avec l’État…, le lien avec l’Église dont il reçoit la mission de témoigner auprès de tous les jeunes de la vérité vivante de la révélation chrétienne. » La tutelle diocésaine et congréganiste et des recteurs des universités catholiques est assurée sur l’ensemble des acteurs de la formation.

2013 : le « Nouveau statut de l’Enseignement catholique », révélateur de l’ambition d’une mainmise cléricale sur l’esprit de nos enfants

Lors de la Conférence des évêques de France en 2003, il est soutenu que l’enseignement catholique construit son caractère propre entre « l’enseignement, l’éducation et la révélation d’un sens de la personne enraciné dans l’Evangile. » Le caractère propre ne concerne plus l’établissement mais l’enseignement. Cela relève de l’exercice d’acrobatie :

  • respecter le contrat (loi de refondation de 2013 : respect total de la liberté de conscience, respect des règles et programmes de l’enseignement public, dispenser l’enseignement obligatoire et laïque dont le contenu est déterminé par les lois et règlements)

  • et le bafouer dans le même temps.

Les personnels : prosélytisme religieux et liberté de conscience bafouée

  • (Art.32 du statut des écoles privées catholiques) : Une école catholique est une communauté éducative… constituée autour d’un chef d’établissement qui reçoit mission de l’Église. Il lui revient que la foi catholique soit proposée à tous.

  • Pourtant dixit le Code de l’éducation, art. L442-5 : l’enseignement est confié dans le cadre de l’organisation arrêtée par le chef d’établissement et de la liberté de conscience des maîtres.

Manquements à la loi des écoles privées catholiques selon le nouveau statut :

  • Pour le Code de l’éducation, le caractère propre signifie le caractère privé des établissements. Pour le nouveau statut de l’enseignement catholique, il s’agit de l’enseignement et de son contenu. Les pouvoirs publics vérifient-ils le contenu de l’enseignement notamment en sciences et histoire ?

  • Le nouveau statut de l’enseignement catholique ignore le respect de la liberté absolue de conscience.

  • L’enseignement doit être donné dans le respect de la conscience des élèves. Comment l’enseignement préconisé par le « Nouveau statut », imprégné du dogme de la religion catholique peut-il être respectueux des consciences, c’est-à-dire neutre comme l’est l’enseignement officiel laïque ?

  • Tolérer un « Statut » qui proclame et organise la « mission de l’Église » dans l’enseignement, qui transgresse la loi, insulte autant la laïcité de la République, c’est accepter que d’autres imitent ce mauvais exemple. Tolérer ce « Statut » c’est avaliser que la recherche de moyens efficaces d’endoctriner la jeunesse soit présentée comme une « mission d’intérêt général », une « mission de service public ».

Des dérives antirépublicaines multiples à venir

A quand un « Statut de l’enseignement coranique », une « Statut de l’enseignement évangéliste », un « Statut de l’enseignement talmudique ou judaïque », un « Statut de l’enseignement régionaliste » … financés comme l’enseignement catholique par l’impôt de tous ? En France, Etat de droit, ce qui est accepté et organisé pour une tendance doit l’être pour toutes les autres. Ainsi, on se dirige vers une dispersion de la jeunesse entre des organisations scolaires concurrentes entre elles et concurrentes de l’école de la République. C’est l’unité de la nation qui volera certainement en éclats.

Conclusion : la laïcité et le progrès social ne sont des combats permanents perdus que si on ne les mène pas

Droit de l’enfant ou droit du père de famille, c’est l’alternative qui apparaît tout au long de notre histoire : éducation laïque ou endoctrinement ? Selon la belle expression de Jean Rostand « Former des esprits ou les conformer (à des dogmes) ? »

Jean Jaurès, défendant la loi de 1905 et l’école laïque : « Je dis qu’il ne s’agit ni du droit de l’État, ni du droit des familles, mais qu’il y a un droit de l’enfant. » Citant Proudhon : « L’enfant a le droit d’être éclairé par tous les rayons qui viennent de tous les côtés de l’horizon, et la fonction de l’État, c’est d’empêcher l’interception d’une partie de ces rayons. »

Le député Pierre Cot en 1946 répondant à Maurice Schumann pour qui le père dispose d’un droit supérieur à celui de la société pour donner l’enseignement qu’il juge convenable : « Le père n’a pas le droit d’imposer une volonté à son enfant. L’État n’a pas le droit d’imposer sa volonté à l’enfant. Ce que le père et l’État ont le devoir de faire, c’est de donner à cet enfant une formation qui le rende capable, lorsqu’il sera grand, de choisir librement sa voie et de définir ses propres idées. »

Condorcet : « Les peuples qui ont leurs prêtres comme instituteurs ne peuvent rester libres. » « Que la morale fasse partie d’une éducation publique commune à toutes les classes de citoyens ; que l’on écarte de cette éducation toute influence sacerdotale. »

Ferdinand Buisson en 1909 dans La grande Revue illustre le nécessaire lien entre combat pour la laïcité et combat pour le progrès social : « Jusqu’à ces derniers temps, la société s’était représenté l’instituteur comme le défenseur attitré de l’ordre établi. Elle comptait sur lui pour inculquer aux enfants des classes laborieuses, avec un certain nombres d’autres vertus, le respect absolu de ses lois, de ses institutions, de ses traditions. On comptait sur lui pour combattre le mauvais esprit […]. C’est cela même que l’on sent qu’il ne fera plus très bien. »

Ces combats pour le respect de la liberté absolue de conscience face aux dogmes issus de tous les horizons sont permanents. Il serait naïf de croire que la Guerre scolaire est dépassée. Elle se poursuit et les mouvements qui sont à la pointe pour déstabiliser l’’enseignement public, soutenu par l’Église catholique mais aussi tous les mouvements religieux ultras de toutes les confessions islamistes, judaïques, évangéliques… sont à la manœuvre. Les républicains laïques, malheureusement, sont les grands absents ou insuffisamment combatifs. Osons le parallèle avec la lutte des classes. Selon Warren Buffet qui fait partie des hommes les plus riches du monde : « Il y a une lutte des classes, évidemment, mais c’est ma classe, la classe des riches qui mène la lutte. Et nous sommes en train de gagner. » Il en est de même en ce qui concerne le combat pour l’enseignement public et laïque, pour la primauté de la liberté de conscience sur les libertés religieuses qui en font partie mais ne sont pas au-dessus.

Sources :

  • N° 261, décembre 2019, de la revue « Le délégué de l’Éducation nationale

  • Livre de Guy Georges et Alain Azouvi paru chez Max Milo en septembre 2015

On trouvera également dans ReSPUBLICA un dossier très complet sur les reculs de la laïcité depuis 1905, où la question scolaire est détaillée, en parallèle à d’autres domaines : http://www.gaucherepublicaine.org/wp-content/uploads/2019/05/Les-reculs-incessants-de-la-lai%CC%88cite%CC%81.pdf

Notes de bas de page   [ + ]

1. Parti Socialiste Autonome, l’Union de la Gauche Socialiste, le Parti Socialiste S.F.I.O., le Parti Radical et Radical-Socialiste, les Socialistes Indépendants et Indépendants de Gauche, le Parti Communiste Français, la Libre-Pensée, l’Union rationaliste, la CGT, la CGT-FO, la Ligue des Droits de l’Homme, l’Union Nationale des Étudiants de France, le Grand Orient de France, le Droit Humain, la Fédération Nationale des Combattants Républicains
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Suède, Algérie... entre fiction et document

par ReSPUBLICA

 

Sur les traces des assassins d’Olof Palme : La folle enquête de Stig Larsson (Jan Stocklassa, Ed. J’ai Lu)

Rappel (Wikipedia) – L’assassinat d’Olof Palme, Premier ministre suédois, eut lieu le vendredi 28 février 1986, à 23 h 21, au croisement des rues Sveavägen et Tunnelgatan, dans le centre de Stockholm.
L’enquête a suivi plusieurs pistes, entre autres celle du PKK, de Victor Gunnarson et de l’Afrique du Sud, sans pour autant aboutir à aucune conclusion concrète. En décembre 1988, un certain Christer Pettersson (en) a été arrêté en tant que suspect du meurtre et reconnu coupable en juillet 1989 par la cour de Stockholm, mais il a ensuite été libéré par la Cour d’appel en novembre de la même année. Des soupçons envers Pettersson ont cependant persisté et un recours a été introduit par le procureur général en décembre 1997 mais il a été rejeté par la Cour suprême de Suède le 28 mai 1998. Depuis lors, aucune percée n’a été réalisée ni aucun suspect inculpé, et ce bien que cent trente personnes aient avoué le meurtre et que l’enquête reste l’une des plus vastes au monde.

Stig Larsson est cet auteur à qui nous devons les trois premiers romans de la série Millénium. Avant d’être cet écrivain reconnu internationalement, Stig Larsson était surtout un journaliste qui a passé sa vie à enquêter (et à alerter) sur les réseaux d’extrême droite et de leurs connexions avec certains services de l’Etat suédois.
L’assassinat du premier ministre suédois Olof Palme abattu en pleine rue à Stockholm en 1986 a amené Stig Larsson à enquêter pendant cinq ans. Cette enquête a eu une influence majeure sur sa création littéraire : Millénium. Malheureusement Stig Larsson n’a pas eu le temps d’achever cette enquête. Il est mort d’une crise cardiaque en novembre 2004. Sans que ce bourreau de travail ait su lever le pied à temps.
Jan Stocklassa, lui aussi journaliste indépendant, a repris cette enquête et l’a approfondie. Pour Stig Larsson, l’assassinat d’Olof Palme mettait en cause les services secrets Sud-Africains (En 1986 nous en sommes encore à l’apartheid) l’extrême droite suédoise et certains policiers et membres des services secrets suédois. Jan Stock Lassa penchait lui plutôt pour le geste d’un amateur assassin solitaire haïssant Olof Palme.
Ce roman documentaire, qui se lit comme un thriller, nous raconte cette double enquête. Il explore les différentes pistes sans jamais céder au complotisme. Les hypothèses sont régulièrement confrontées aux faits, aux contradictions …
De ce travail, Jan Stocklassa émet une hypothèse qui semble cohérente. Ce qui est certain c’est que le travail des deux journalistes (Stig et Jan), complété par d’autres sources ont été transmis à la justice et police suédoises…
On peut s’interroger sur les raisons qui font que depuis 1986, les magistrats et policiers suédois n’aient pas abouti. Une mobilisation citoyenne est sans doute nécessaire…

Philippe Barre

One, two, three, nouvelle Algérie. Le mouvement citoyen raconté par celles et ceux qui le font, par Mina Kaci

Amoureux du livre version papier, ça y est, vous pouvez commander le mien One, two, three, nouvelle Algérie, depuis le 27 mai en librairies (éditions la Boîte à Pandore).
Le mouvement citoyen algérien, ce fameux hirak, raconté comme si vous y étiez !
Mon livre questionne : pourquoi un tel mouvement ? Pourquoi n’est-il en rien un soubresaut des « printemps arabes » ? Pourquoi ébranle-t-il la société tout entière ? Pourquoi, en dépit de sa suspension à cause du Covid-19, il est toujours d’actualité, toujours vivant dans le corps algérien ? Pourquoi quiconque dans le monde peut se reconnaître dans cette quête algérienne pour la liberté et l’égalité ?
Achetez-le, lisez-le et, surtout, faites-moi part, svp, de vos réactions.

Mina Kaci

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Chansons déconfinées 6

par Philippe Barre

 

Nos lecteurs prennent le relais… Soit qu’ils/elles nous proposent des liens avec des chansons soit qu’ils/elles nous envoient leur production relocalisée…

 

« La plage dynamique » de Pascal Genneret : un récidiviste !

https://www.youtube.com/watch?reload=9&v=XMVUADb_pyA

 

« Les matraquées » d’Eric Charles (un autre récidiviste) : ce coup-ci, nous avons écrit les paroles à 3 (fallait bien ça !!). Merci à Gauvain Sers pour l’air de sa chanson « Les oubliés »

https://vimeo.com/424814139

 

Juju le Confiné, « Corona, tu m’auras pas » : ce type est sur Youtube avec une chanson par jour…
https://www.youtube.com/watch?v=LlCKhckAcQ0&list=RDDT_twT1WXDo&index=10

Juju le Confiné, « Confiné en paix » :
https://www.youtube.com/watch?v=DT_twT1WXDo

 

Les Goguettes, « Le battement d’ailes du Pangolin » sur l’air du « Youki » par Richard Gotainer :
https://www.youtube.com/watch?time_continue=26&v=_i7Vgv6iJg

Les Goguettes, « Ça balance pas mal » :
https://www.youtube.com/watch?v=Ag4iV5f20jI

Ecole publique
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Rentrée des classes… de classes

par Montreuil vu d'ici

 

Témoignage initialement publié sur le site Montreuil vu d’ici.

 

Depuis la réouverture des écoles le 11 mai, vu d’ici, la réalité de terrain est très éloignée des déclarations de Jean-Michel Blanquer qui répète en boucle « tout va bien, les écoles sont ouvertes ».

Outre que les écoles sont loin d’être réouvertes partout, la fréquentation de ces écoles est très faible et ce qui s’y passe est très éloigné d’un retour à la normale. En même temps, selon certains éditorialistes pour faire l’école il suffit de copier B-A BA au tableau et de laisser infuser. Il est probable que cette conception de l’école rétrograde corresponde aux projets très « 3ème République » du ministre. Normal, lui diriez-vous, que les parents soient réticents à partager l’enthousiasme du ministre pour renvoyer leurs enfants en classe. En effet, l’annonce de réouverture s’accompagne d’un protocole sanitaire irréalisable dans la vraie vie et, si jamais il était appliqué, s’apparenterait à un traitement digne de vous faire tatouer le plan d’évasion sur le dos. D’ailleurs les parents sont dans leur bon droit puisque ce retour à l’école est sur la base du volontariat.
Mais voilà, l’économie doit tourner. M Castex déconfineur officiel l’a dit devant le Sénat, le choix de réouverture, d’abord appliqué aux écoles, est lié au fait que les petits ne se gardent pas tous seul. Il devient donc impératif que les enfants retournent à l’école et leurs parents au boulot.
Depuis le début du quinquennat, la macronie a pris l’habitude de grimer ses projets de maux sociaux, de mots sociaux. Ce retour à l’école n’y échappe pas. L’école réouvre donc, sous couvert d’accueillir en priorité  les décrocheurs, les fracturés du numériques, les « en danger » dans leurs familles. Si je ne comprends pas bien ce que les enfants en situation de danger dans leurs familles font dans cette liste, puisque dans ce cas, la justice et les services sociaux doivent remplir leur mission sans tarder et sans attendre que l’école réouvre, je comprends en revanche parfaitement que pour les décrocheurs et les fracturés, l’école doit être une chance. Mais ce n’est pas à l’occasion de cette crise que les professionnel de terrain le découvrent. Si la fracture numérique gêne maintenant le ministre, pourquoi ne pas faire de l’accès à Internet un droit réel, pourquoi un tel nombre d’établissements en sont encore à l’âge des cavernes informatiques, pourquoi n’y a-t-il pas un corps de fonctionnaires chargés, à l’échelle locale, de la maintenance quand un équipement existe, pourquoi les plans et les dotations informatiques sont dépendants de la volonté ou de l’affichage des différentes collectivités et le suivi du bénévolat des profs ? Généraliser et financer, ce que font certains départements comme le Val-de-Marne et jadis la Seine-Saint-Denis et équiper chaque élève de 6ème, voilà une réponse concrète loin de ce que nous vivons avec le recours à des fondation privées pour fournir ici une tablette, là-bas une 4G… Voire, soyons fous, équiper chaque enseignant-e pour respecter les règles liées au télétravail et éviter que les profs n’improvisent, avec leur propres moyens, lors de la prochaine crise. Bon c’est vrai, créer un service public du numérique, un droit opposable, ça fait moins start-up nation que de demander à la fondation des copains du CAC 40 de faire (et leur communication « bonne action » est soustraite à l’impôt).
Et les décrocheurs, me direz vous, là, le ministre a bien raison. Oui, mais là également, dommage qu’en temps ordinaires les décrocheurs soient victimes de services sociaux et judiciaires clochardisés. Dommage que localement les projets des équipes pédagogiques pour raccrocher ces élèves soient victimes et du turn-over des lubies ministérielles et des logiques budgétaires. Logiques, qui depuis des années réduisent les moyens horaires des établissements et mettent en concurrence chaque projet, chaque matière et les établissements entre eux.

Derrière ces considérations, somme toute légitimes, et qui ne font sans doute râler que les syndicalistes et les militant-e-s, résonne une petite musique.
En effet, le glissement est vite fait entre décrocheur, fracturé du numérique, élève en difficulté et origine sociale.
Un glissement qui s’appuie sur le fait que notre système scolaire souffre de reproduire les inégalités sociales mais aussi d’un mépris de classe latent qui met le signe égal entre pauvreté et volonté des parents de faire échouer volontairement ou involontairement leurs enfants.
Depuis 20 ans que je suis enseignant spécialisé en éducation prioritaire, je n’ai rencontré que des parents qui souhaitent la réussite des enfants. Que cette réussite ne soit pas la même pour tous et toutes ne vient que rarement aux cerveaux de nos décideurs. Que les premier-e-s de corvée soient majoritairement issu-e-s des rangs de ces classes populaires ne semble pas faire sens. Que si ces métiers invisibilisés étaient rémunérés à la hauteur de leur utilité sociale, les lycées professionnels n’auraient pas de peine à apparaitre autrement qu’un choix par défaut, que mes élèves seraient fièr-e-s du métier de leurs parents et seraient donc plus confiant-e-s en elles et eux…
Quoi qu’il en soit, comme la fréquentation des écoles est plus faible, depuis la réouverture, dans les établissements prioritaires, il est facile de se laisser glisser sur la pente « les pauvres sabotent le retour à l’école ». Et de là, les hiérarchies de l’Éducation nationale et même au-delà sommées de mettre tout en œuvre pour que les classes populaires renvoient leurs enfants à l’école et retournent au travail. Les profs sont invité-e-s à faire du rabattage en usant de leur argument d’autorité, appeler les familles pour les convaincre de renvoyer leurs enfants. Ces mêmes profs qui, bien souvent, ne renvoient pas leurs enfants en cours, bien informé-e-s elles et eux des conditions de reprise.

Et le volontariat prôné il y a quelques semaines déjà oublié ? Ou alors il n’était réservé qu’aux enfants des classes « éclairées » ? Les classes populaires ne sont elles pas assez responsables et adultes pour décider que ce gouvernement et leur relais médiatiques se sont tellement fourvoyés dans les mensonges et les incohérences qu’il était sage de ne pas leur faire confiance ? Les quartiers populaires n’ont-ils pas été objectivement les plus touchés par la maladie ? La faute d’un système de soins bien plus faible qu’ailleurs, de conditions de vie plus difficiles, d’un non recours aux droits endémique ? Alors oui il semble bien que les classes populaires résistent bien mieux à la communication de Blanquer et ne croient pas à l’objectif annoncé de lutter contre l’échec scolaire. Sa parole n’est plus audible et c’est sans doute plus inquiétant pour un gouvernement décrédibilisé. Mais dans le sillage de celle de Blanquer et des « élites éclairées » n’est-ce pas la parole des enseignant-e-s qui risque encore d’avoir perdu de son crédit et que comme sur tant d’autres sujets, le covid ait mis en lumière des pans entiers d’un système éducatif déjà branlant ?



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