n°952 - 08/12/2020
Sommaire

Chronique d'Evariste

Crise sanitaire

Face au terrorisme

Combat laïque - Combat social

Lutter contre le néo-libéralisme

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Chronique d'Evariste
Rubriques :
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De diverses violences et de la perversion du discours de l’oligarchie

par Évariste

 

Souhaiter l’idéal sans analyser le réel, c’est se tirer une balle dans le pied pour avancer plus vite. Trois marqueurs apparaissent dans le système qui nous oppresse : la remise en cause de tous les conquis sociaux du siècle dernier, l’extrême violence utilisée par l’oligarchie pour y arriver et enfin le nouveau management comme perversion de la logique des mots (on prétend tout faire pour défendre les pauvres !).

Commençons par l’état de la pauvreté

Cela tombe bien, l’Insee, la Cnaf et l’Observatoire des inégalités ont fourni leurs chiffres. 5,3 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté à 50 % du niveau de vie médian (soit 885 euros pour une personne seule) fin 2018, dernière année pour laquelle les données des revenus sont actuellement disponibles. Soit 8,3 % de la population  : 0,4 % de plus en 5 ans, une hausse de près de 350 000 personnes dont 250 000 rien que pour l’année 2018. Ce qui illustre un théorème du néolibéralisme, à savoir que chaque président fera pire que le précédent.

Comment pouvons-nous extrapoler ces chiffres au moment où est écrit cet article ? Les données du RSA donnent une indication : 1 844 000 allocataires du RSA en 2018, environ 2,1 millions fin 2020. Soit près de 250 000 allocataires de plus. Comme le niveau de revenu du RSA est très nettement en-dessous du seuil de pauvreté, vous pouvez entrevoir l’augmentation exponentielle du nombre de pauvres à fin 2020. Des associations prévoient près d’un million de pauvres en plus fin 2020 !

Donnons les ordres de grandeur : le salaire médian 1 770 euros (50 % ont moins que cela pour vivre), le SMIC net 1 200 euros, seuil de pauvreté à 60 % du salaire médian 1062 euros, minimum vieillesse et adulte handicapé 900 euros, seuil de pauvreté à 50 % du salaire médian 885 euros, seuil de pauvreté à 40 % du salaire médian 708 euros, RSA, Allocation de solidarité spécifique (chômeurs en fin de droits) 500 euros, niveau de vie des 10 % les plus pauvres des jeunes de 18-24 ans, 360 euros ! Et pendant ce temps-là, de Sarkozy à Macron en passant par Hollande, l’enrichissement des plus riches est exponentiel !

En 2017, 1,5 million d’enfants de moins de 18 ans vivaient dans un ménage dont le niveau de vie était inférieur au seuil de pauvreté de 50 % du niveau de vie médian. Ces enfants vivent dans la pauvreté, mais ils ne sont pas pauvres par eux-mêmes : ce ne sont pas des enfants pauvres mais des enfants de pauvres. Le plus souvent, leurs parents sont au chômage ou inactifs. Les enfants qui vivent avec leur mère seule sont les plus exposés. 22 % des jeunes de 18 à 29 ans qui vivent seuls (hors étudiants) figurent parmi les pauvres en 2017. Jusqu’à 25 ans, ils n’ont pas droit à un minimum social.

La violence légale de l’Etat

Notons le changement du Code de déontologie de la police Hollande-Valls en 2014 préfigurant le changement progressif du schéma du maintien de l’ordre. De la police encore républicaine en 1968 avec le préfet Grimaud et sa célèbre note aux gardiens de la paix jusqu’à l’épisode de la destruction des libertés publiques revendiquée par le préfet Lallemand lors de son audition au Sénat – où il défend l’autonomie des policiers sans superviseur, l’utilisation des LBD 40, etc. – que sont devenus le Syndicat Général de la Police et la FASP  majoritaire avec sa direction républicaine des années 80 et au début des années 90 ? Nous vous renvoyons à l’étude faite dans Respublica intitulée « Le long combat des policiers républicains dans la police nationale ».
Aujourd’hui, la hiérarchie policière a pris le contrôle du discours des directions des quatre plus importants syndicats de police, alors que, jusqu’en 1993, la direction du SGP et de la Fasp étaient des contrepoids à la volonté des gouvernements de contrôler les syndicats de police. Pire, aujourd’hui, la majorité des policiers votent RN alors que jusqu’à la fin du siècle dernier, il y avait un pourcentage de votes FN dans la police très nettement plus faible que dans la population française. Aujourd’hui, les directions des quatre premiers syndicats de police (FO, Alliance, Unsa, CFDT) deviennent les bras armés du ministre de l’Intérieur avec les mêmes éléments de langage que le RN.
Pire, ils font le lit d’un remplacement progressif d’une police nationale civile par trois autres polices : la police municipale armée sous dépendance directe du maire ou du président d’EPCI (comme aux Etats-Unis !), la police privée (promotionnée par la loi « Sécurité globale ») et la police militaire de la gendarmerie, sans syndicat de salariés (après que le seuil de 10.000 habitants pour l’activité de la gendarmerie soit déjà passé à 20.000 habitants par un gouvernement PS, nous voilà à un moment où il est question d’élever ce seuil à 40.000 habitants !).

Mais la dérive sécuritaire de l’extrême centre macroniste (nous reprenons le concept d’extrême centre de l’historien Pierre Serna dans son livre L’extrême centre ou le poison français, paru en 2019) ne s’arrête pas là.
Par décret du 14 août 2020, les Directions départementales interministérielles (DDI sous la responsabilité du Premier ministre depuis leur création, en décembre 2009) deviennent « des services déconcentrés de l’État relevant du ministre de l’Intérieur. Elles sont placées sous l’autorité du préfet de département ». L’article 2 du décret prévoit en outre que les carrières des fonctionnaires de ces directions départementales, l’organisation du service, les conditions de travail et ses missions dépendent désormais aussi du ministère de l’Intérieur.
C’est donc comme si les ministères de la Transition écologique, de la Santé, du Logement, de la Jeunesse et des Sports perdaient leurs fonctionnaires dans les départements, au profit, là encore, de l’Intérieur.
Comme le détaille Jean-Claude Boual dans un récent article, ce mode de gouvernement est une sorte de retour à l’Ancien Régime. Aujourd’hui, tout comme le roi jadis, Jupiter-Macron ne gouverne plus qu’avec deux ministres : le ministre des Finances pour les questions de budget (l’Intendant de la Ferme générale d’autrefois, l’une des figures les plus honnies des révolutionnaires, car chargé de récolter l’impôt auprès de la population, quand les nobles et le clergé en étaient dispensés) et le ministre de l’Intérieur (le Lieutenant général de la police, qui avait tout pouvoir sur les questions d’ordre public, notamment pour réprimer les pauvres), les autres ministres étant là pour la décoration.

Le silence des intellectuels

Face à cette « stratégie du choc », face à la perversion de la logique des mots du nouveau management global que disent nos intellectuels ? Comme Flaubert et les Goncourt, ils n’ont rien vu en dehors de leur entre-soi bourgeois ! « Rester silencieux, quand on a la possibilité d’intervenir dans l’espace public, m’est toujours apparu comme une forme de « trahison » surtout lorsque les auteurs des propos insultants appartiennent à mon propre milieu professionnel, » déclare le socio-historien Gérard Noiriel dans Dire la vérité au pouvoir. Les intellectuels en question (Agone, p. 263). Noiriel qui définit l’intellectuel comme celui qui « dit la vérité au pouvoir au nom des opprimés », tout en préservant l’autonomie propre de l’univers scientifique….

La protection des fonctionnaires

Que dire, après la décapitation de l’enseignant républicain Samuel Paty, du non-respect par le ministère de l’Éducation de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ? Ce texte indique : « Les fonctionnaires bénéficient, à l’occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d’une protection (…). La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. »

Et si on s’intéressait aux causes ?

Depuis le début de cet article, nous égrenons quelques conséquences concrètes scandaleuses des politiques menées depuis des décennies. Et si on s’intéressait aux causes de ces conséquences ? Si on réfléchissait sur le pourquoi de nos échecs depuis des décennies ? Ne faudrait-il pas engager une bataille politico-culturelle  contre ceux qui déplorent les effets des causes qu’ils chérissent ? Ne faudrait-il pas remettre en cause nos propres modes de pensée ou celles des organisations qui nous sont chères car « on ne résout pas un problème avec les modes de pensées qui l’ont engendré » (Albert Einstein). Peut-être nous apercevrions-nous que la logique du capital nous a entraînés à ces conséquences scandaleuses via le mariage entre le mouvement réformateur néolibéral et l’ordolibéralisme allemand, base de la construction de l’Union européenne. Cela nous changerait du moralisme désuet du bien et du mal de la vie politique française…

 

Crise sanitaire
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Il y a urgence !

par Christophe Prudhomme

 

« Si le vaccin constitue une arme supplémentaire contre le coronavirus, il ne s’agit pas de l’arme absolue », explique Christophe Prudhomme, médecin au Samu 93 dans son billet publié dans l’Humanité.

Les laboratoires pharmaceutiques nous annoncent, à grand renfort médiatique, l’arrivée de vaccins, tous plus efficaces les uns que les autres. Cette précipitation est suspecte, car son objectif est strictement commercial : pouvoir capter immédiatement les plus grosses parts de marché. Il faut donc rester vigilant. Si le vaccin constitue une arme supplémentaire contre le coronavirus, il ne s’agit pas de l’arme absolue. En effet, le vaccin permet de se protéger contre la maladie, mais n’élimine pas le virus qui continue à circuler. Le meilleur exemple est celui de la variole, qui a pu être définitivement éradiquée en 1980, alors que le premier vaccin a été mis au point par Edward Jenner en 1796 !

Il est donc nécessaire de continuer à utiliser les autres armes à notre disposition que sont les mesures barrières et les tests, tant que le virus sera présent. Ce qui peut durer encore plusieurs années. L’histoire nous en apprend beaucoup sur ces épidémies. L’actuelle ressemble fortement à celle de la grippe russe, qui a sévi pendant plusieurs années à la fin du XIXe siècle, avec la même cinétique que celle du coronavirus actuel : à savoir des pics brutaux, puis une régression tout aussi brutale, sans que nous n’ayons d’explication encore aujourd’hui.

D’autre part, au regard de la suspicion vis-à-vis des vaccins qui existe dans notre pays, un débat très large est nécessaire afin de répondre aux interrogations légitimes de la population. Un vaccin est un médicament avec des effets bénéfiques et des effets secondaires, potentiellement graves. Il est donc toujours nécessaire d’examiner le rapport bénéfices/risques de son utilisation pour les différents groupes de population auxquels il est destiné. Par ailleurs, la rapidité des processus d’homologation peut susciter des interrogations. Ce, d’autant que l’opacité des laboratoires pharmaceutiques concernant l’accès à leurs résultats, sous couvert du fameux « secret des affaires », ne peut qu’inquiéter.

Il faut se rappeler le drame des premiers vaccins contre la polio dans les années 1950 : un laboratoire avait mis sur le marché un lot de produits, qui a inoculé la maladie aux enfants vaccinés. Alors, oui, les vaccins constituent une des avancées majeures de la médecine moderne. Mais, pour que la campagne de vaccination qui s’annonce soit une réussite, il est urgent que notre gouvernement accepte le débat et les critiques sur sa gestion de la crise jusqu’à ce jour, afin que les citoyens puissent être convaincus de la justesse et de l’efficacité des mesures préconisées.

Face au terrorisme
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Intervention d'Amar Bellal au CN du PCF le 7 novembre

par Amar Bellal

 

Publié le 22 novembre 2020 par le Front de Gauche Pierre Bénite
http://fdgpierrebe.over-blog.com/2020/11/intervention-d-amar-bellal-au-cn-du-pcf-le-7-novembre.html

 

Cet acte de Barbarie, cet attentat [la décapitation de Samuel Paty], est un tournant pour la gauche. Une gauche qui a longtemps sous-estimé le problème que représente l’islamisme sur notre territoire. La raison est qu’elle ne voulait pas être amalgamée aux réactions de l’extrême droite. Il aura fallu ce choc  pour comprendre qu’elle n’avait plus d’autre choix que de se pencher sérieusement sur ce problème et nommer les choses.

Pour comprendre qu’on puisse jeter en pâture un enseignant de cette manière, il faut imaginer le sentiment d’impunité qui anime certaines personnes qui se permettent d’intimider toute une communauté éducative, et se sentent suffisamment forts et légitimes au point de remettre en question les principes même qui fondent notre société. Un contexte où l’État et ses services publics, déjà très affaiblis par des politiques d’austérité budgétaire des derniers gouvernements, sont en plus régulièrement dénigrés et pointés du doigt par tout un milieu associatif et politique, comme vecteurs de racisme, oppresseurs d’une religion en particulier, la laïcité quant à elle régulièrement vilipendée et présentée comme une anomalie dans le monde où nombre de pays n’ont pas la même approche.

Ce qui a déclenché et permis cet acte c’est toute cette ambiance, tout un écosystème idéologique, celui que construit l’islamisme, pas à pas, infusant à petites doses et avec des ballons d’essai réguliers une idéologie aux multiples ramifications et relais.

Idéologie qui peut se targuer en France d’avoir fait reculer les valeurs de la République, de laïcité, d’émancipation par l’éducation, de liberté d’expression, et d’avoir gagné des batailles culturelles parmi toute une partie de la population qu’elle fourvoie. En effet cette idéologie avance en France sous couvert du visage du progressisme en prétendant défendre une minorité, protéger les libertés individuelles, alors qu’il n’en est rien : l’agenda de ce mouvement est tout autre et son projet est profondément réactionnaire, y compris et surtout pour celles et ceux qu’elle prétend défendre.

Entendons-nous bien : il ne s’agit pas pour ces mouvements d’instaurer la Charia en France, c’est impossible. Mais leur but est de créer suffisamment de troubles pour aller vers des revendications et droits spécifiques pour une religion en particulier.

Et ils ont bien compris que la présence de 5 millions de Français descendants d’Afrique et dont la religion supposée est l’islam, est une base pour eux pour semer le trouble et provoquer des affrontements, jusqu’à un début de guerre civile.

Il y a eu de la part du gouvernement la volonté de dissoudre certaines associations jugées responsables au moins indirectement de la mort de Samuel Paty, dont une association en particulier le CCIF. Il est délicat de se prononcer sur une telle démarche de façon globale, il faut faire du cas par cas, car on peut mettre le doigt dans un engrenage néfaste pour nos libertés et la démocratie, et il faut rester prudent. Notons que le problème se pose aussi pour des mouvements comme Génération Identitaire : le gouvernement a essayé à plusieurs reprises de dissoudre cette association, mais il n’a pas pu, pour des raisons juridiques. Par exemple, il est compliqué de prouver qu’il y a un lien direct entre le CCIF et cet attentat (celui contre Samuel Paty). Le CCIF est certes proche des Frères musulmans, mais cela ne constitue pas un délit, ce n’est pas un crime au regard de la loi. Ce fait d’ailleurs est maintenant clairement établi car une journaliste qui l ‘avait affirmé, sur la base d’enquêtes et travaux sérieux, a été traînée en justice par cette même association, et cette femme a malgré tout gagné son procès. Donc c’est établi que le CCIF est proche de la mouvance islamiste, on a le droit de le dire.

Alors pour bien mesurer la confusion qu’il y a à gauche, y compris dans nos rangs, il faut savoir que le CCIF a été auditionné ici même, au siège du PCF, il y a 4 ans. Oui, vous avez bien entendu, dans ces murs, cette association a été invitée pour nous conseiller sur notre politique de lutte contre le racisme. J’avais alerté pourtant à l’époque la direction nationale du parti au plus haut niveau, avec d’autres, sur l’aspect très controversé de cette association, des valeurs douteuses qu’elle véhiculait, mais en vain. J’espère que c’est définitivement le passé et que maintenant nous avons enfin compris et tourné une page.

La gauche doit réaffirmer ses valeurs et son combat pour l’émancipation des consciences par l’éducation, ce qui heurte inévitablement et frontalement le projet des réactionnaires qui prospèrent sur le terreau de l’ignorance. Il ne peut y avoir la moindre convergence avec eux. Il faut lutter contre cette nouvelle extrême droite, pas seulement celle des Le Pen, de Génération identitaire, des Zemmour et autres, mais aussi combattre cette extrême droite islamiste, avec nos mots, nos valeurs de gauche. Et j’ajoute que la Laïcité, la République, cela ne se décrète pas, il faut la faire vivre partout dans les quartiers, en donnant des moyens au service public plus particulièrement l’École, c’est comme cela qu’on s’attaquera efficacement au terreau de l’islamisme.

C’est la meilleure façon de défendre vraiment les enfants issus de l’immigration et non pas en les encourageant au repli identitaire ou en flattant des penchants communautaristes.

Ce n’est pas parce qu’un problème est instrumentalisé par l’extrême droite, qu’il n’existe pas pour autant.

 

Combat laïque - Combat social
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Tribune : « Nous avons l'ambition de rendre vivante la République sociale et laïque »

par un collectif

 

Plusieurs intellectuels, militants de gauche ou simples citoyens engagés désirent réaffirmer l’importance de défendre une république sociale et laïque autant attaquée par la droite que par la gauche sociale-démocrate (une tribune initialement publiée par Marianne).

 

 

Nous vivons une époque de grandes violences et de grandes confusions. Les ignobles attentats de Conflans et de Nice se conjuguent avec une pandémie qui révèle le délabrement de notre système de santé. La logorrhée de paroles qui se déverse sur les chaînes d’information en continu et sur les réseaux sociaux tend à brouiller les repères intellectuels et politiques. C’est pourquoi, avec cette tribune, nous souhaitons réaffirmer les principes fondamentaux du contrat social et politique républicain.

Combattre le terrorisme islamiste et les complaisances idéologiques visant à le relativiser

L’odieuse décapitation de Samuel Paty porte un message : empêcher le travail émancipateur de l’école laïque et saper les principes de la République. Ces principes définissent le cadre du « creuset français » rendu possible par la Révolution de 1789. Celle-ci a refondé la nation dans un sens universaliste, celui des droits humains conquis à rebours des particularismes coutumiers et religieux. Le fascisme islamiste a juré la mort de notre République laïque. Tout ce qui ressemble à des excuses propres à relativiser de tels assassinats doit être condamné avec la plus grande fermeté. Par ailleurs, si la répression et la prévention s’imposent contre le terrorisme islamiste enfin désigné, on ne peut s’en tenir à des déclarations martiales tonitruantes. Il faut combattre en parallèle tout amalgame entre islamistes et musulmans et toute dérive idéologique identitaire comme celle qui consiste à s’émouvoir de la présence d’un rayon hallal dans les épiceries.

« Seules les notions de musulmanophobie et d’arabophobie sont exemptes d’ambiguïté. »

Quand l’extrême droite usurpe la laïcité alors qu’elle pratique un différencialisme identitaire, il convient de dénoncer pied à pied son idéologie d’exclusion. Quand l’idéologie décoloniale calomnie la laïcité en la qualifiant de racisme d’État il faut souligner l’absurdité d’une telle accusation. Toute complaisance électoraliste, de part et d’autre, doit être combattue. Il faut donc restaurer le principe de laïcité : oui à la liberté de conscience et à la liberté d’expression sans autre limite que la pénalisation des injures aux personnes. Oui, chacun a le droit de faire l’éloge d’une religion ou de la rejeter sans risquer sa vie. Il est loisible à chacun de critiquer l’islam, le christianisme, le judaïsme, le bouddhisme ou l’humanisme athée, et de le faire publiquement pourvu qu’il respecte les personnes comme telles.

À cet égard l’acceptation de la notion piège d’islamophobie a validé la confusion perverse entre le rejet de l’islam comme religion et celui des personnes de confession musulmane. Le respect n’est pas dû aux  religions, mais aux personnes et à leur liberté de croire ou de ne pas croire. Accepter de soutenir des mots d’ordre de groupes religieux comme le CCIF n’est pas seulement une erreur, c’est une faute. Seules les notions de musulmanophobie et d’arabophobie sont exemptes d’ambiguïté.

Reconstruire la République sociale est une urgence absolue

Contre le terrorisme islamiste, la seule répression ne suffit pas. Il existe aujourd’hui trop de territoires perdus de la République, abandonnés du fait d’un néo-libéralisme obsédé par la « concurrence libre et non faussée ». Trois décennies de destruction des services publics et de mise en cause des solidarités sociales par le reflux de l’impôt redistributeur ont été dévastateurs pour les plus démunis. C’est la promesse sociale de la République qui est démentie ainsi, au détriment d’une politique humaine d’intégration. L’affirmation de l’idéal républicain doit s’accompagner de perspectives de vie meilleure pour la jeunesse reléguée des banlieues, notamment par la mise en œuvre sérieuse d’une protection sociale à  la hauteur des besoins et d’une politique de plein-emploi. Ne laissons pas le champ libre aux recruteurs d’assassins qui exploitent la déshérence sociale. Ne tolérons pas celui qui se comporte de manière inhumaine. Qui assassine en pleine conscience est responsable de ses actes, il doit être poursuivi, jugé et condamné selon les lois de la République.

Pour incarner l’idéal républicain de laïcité il faut se donner les moyens de l’action, faire que l’école redevienne un havre de paix où les élèves laissent à la porte le poids de leur déterminisme social et des habitudes familiales. Il faut redonner à l’école publique une force qu’elle a perdue, faute de moyens et de reconnaissance sociale. Il faut aussi restituer aux services publics qui assurent la sécurité une efficacité que leur ont enlevée des années de coupes budgétaires et de déstructuration de l’État au nom de principes comptables ineptes.

« Nous voulons affirmer aujourd’hui qu’il existe une force populaire qui veut une République laïque et sociale. »

Les forces politiques qui, en ce domaine, ont failli sont nombreuses : la droite, se gargarisant de son républicanisme, a méthodiquement cassé les services publics, cassé la protection sociale, laissé s’enkyster tous les problèmes sociaux. La social-démocratie et ses subalternes d’hier, ralliés au néolibéralisme, ont amplifié les dégâts car elle aussi a détruit les services sociaux. Ces deux courants politiques ont alterné au pouvoir ces dernières décennies dans une terrible course au pire. Que dire des néolibéraux au gouvernement ? Ils vendent le pays à la découpe, privatisent, continuent à appauvrir l’hôpital en pleine crise sanitaire. Et maintenant ils font mine de s’étonner du chaos qu’ils ont contribué à semer. Mais la droite extrême ne promet que d’aller encore plus loin dans la tartuferie, amplifiant les coups de menton, les appels à la répression et à la violence, porteurs de divisions. Elle ne donne aucune perspective de redressement économique ni de protection sociale.

Nous voulons affirmer aujourd’hui qu’il existe une force populaire qui veut une République laïque et sociale. Notre pays ne peut pas s’enfermer dans les fausses solutions que lui proposent une droite extrême et les néolibéraux charognards qui ne veulent rien comprendre aux principes et aux valeurs de la République.

Nous avons l’ambition de rendre vivante la République sociale et laïque.

 

Signataires :

Flavien Chailleux, fonctionnaire au ministère du travail
François Cocq, essayiste
Romain Dureau, agroéconomiste, GRS
Hélène Franco, magistrate et syndicaliste
Christophe Gache, Mouvement des citoyens (MDC)
Jean Gatel, ancien secrétaire d’État à l’économie sociale et solidaire
Christian Gaudray, président de l’Union des Familles Laïques (UFAL)
Riva Gherchanoc, présidente de Combat laïque Combat social (CLCS)
Bastien Gouly, président des Rencontres républicaines
George Kuzmanovic, président de République souveraine
Manon Le Bretton, membre des Constituants
Sacha Mokritzky, rédacteur en chef de la revue Reconstruire
Claude Nicolet, Secrétaire général adjoint de République moderne, Président de La Nation citoyenne
Henri Peña-Ruiz, philosophe
Nicolas Pomies, membre du bureau national de l’UFAL
Bernard Teper, co-animateur du Réseau éducation populaire
Frédéric Viale, essayiste

Lutter contre le néo-libéralisme
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L’Union européenne créatrice d’injustice : la preuve par l’Irlande !

par Zohra Ramdane

 

Les critiques envers l’Union européenne (UE) et la zone euro se font de plus en plus rares dans les directions des grandes organisations politiques et syndicales et dans les médias. Pourtant, non seulement les traités empêchent toute alternative à l’alliance du modèle politique néolibéral avec l’ordolibéralisme allemand mais favorisent la croissance des inégalités sociales et la croissance des inégalités territoriales au sein de l’UE.

Intéressons-nous à un des paradis fiscaux existants à l’intérieur de l’UE : l’Irlande. Il y en a d’autres, me direz-vous ! Commençons donc par ce cas. Outre une belle équipe de rugby et une nature dépaysante, ce pays retrouvera dès 2021 son niveau de production intérieure brut (PIB) d’avant la crise sanitaire. Merci à Xerfi Canal pour avoir rassemblé les chiffres qui suivent. Dans les dix dernières années, la zone euro (hors Irlande) a vu son PIB croitre de 13 %. Pour l’Irlande, ce sera 82 %. En ce qui concerne le chômage, ce dernier est passé en Irlande en un an de 4,9 % à 20,2 % avec une pointe à 30 % ! Explication : la forte croissance va de pair avec des salaires en berne et un niveau d’emploi catastrophique.

 

Le PIB qui est la somme des valeurs ajoutées est aussi l’addition de la consommation, de l’investissement, de la variation des stocks et du solde du commerce extérieur.

Les exportations de biens et services de l’Irlande se sont élevées à 440 milliards d’euros en 2019. Rapportées au nombre d’emplois, cela équivaut à 196 566 euros par tête soit 5 fois plus que l’Allemagne ! Et pourtant le principal port d’Irlande n’a qu’un faible transit vers d’autres pays…

Explication : il suffit pour cela d’utiliser les possibilités du modèle politique néolibéral largement accepté par l’ordolibéralisme allemand (et c’est l’oligarchie capitaliste de tous les pays qui en bénéficient !) qui permet de protéger les profits des grandes entreprises par des impôts faibles (12,5 % et même deux fois moins si les entreprises déposent leurs brevets en Irlande !) et d’utiliser les prix de transfert pour vendre les productions réalisées ailleurs au prix les plus bas mais de les facturer au prix maximum en Irlande ! Sans transit des marchandises sur le sol irlandais ! Donc les sièges de Google, Facebook, Apple, le siège européen de Microsoft et des centaines d’autres entreprises, sont situés en Irlande.

Ils ne payent donc pas leurs impôts dans les autres pays européens car ils les payent légalement en Irlande ! Tant pis pour les travailleurs des autres pays européens ! Elle n’est pas belle la vie des oligarques ?



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