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ReSPUBLICA, le journal de la gauche républicaine

n°610 - vendredi 6 mars 2009

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1 - chronique d'Evariste

1 - Front de gauche : à qui profite l’attentisme de la direction du NPA ?

Depuis la déclaration annonçant la création d’un front de gauche, fin 2008, en vue des élections européennes, nombre de partis et de militants ont répondu présent. La reformation du front qui donna en 2005 la victoire du Non au référendum sur le TCE soulève tous les espoirs. En effet, ce front de 2005 a démontré qu’au delà des guerres claniques qui agitent et divisent la gauche depuis des dizaines d’années, le consensus sur le refus radical du système actuel est lui une réalité ; et que cette réalité est une force qui envoie un signal fort et mobilise les citoyens.

Depuis fin 2008, la main a été tendue à tous, y compris en direction du NPA. Les membres du front de gauche ont mis en avant qu’il ne posait aucun préalable et aucune condition à la venue du NPA. À juste titre, la direction du NPA a expliqué qu’elle ne voulait pas d’une alliance fantôme, d’un coup électoral, et a demandé une alliance jusqu’aux élections régionales de 2010 sachant que ce point poserait problème au sein du PC (alors que nous ne connaissons rien de la situation politique qui aura cours en 2010 !). Les discussions ont porté sur les listes électorales, sur la question écologique, sur le refus d’une alliance avec le PS, etc. Force est de constater qu’il y a autre chose qui motive les dirigeants du NPA à l’égard d’un front de gauche.

Vers une division des forces de gauche anticapitalistes

Autant le dire tout de suite : à cette date, malgré les propositions, l’absence de préalables et la clarification dans les discussions, la direction du NPA se complaît en atermoiements face à l’initiative d’un Front de Gauche des forces anticapitalistes. La question devait être discutée lors du congrès fondateur du NPA en février, mais elle fût alors remise à début mars et discutée par les dirigeants du NPA à huis clos.
Rappelons : La direction du NPA mit sur le tapis les régionales de 2010 alors que nous sommes en pleine période de rupture, que l’on ne sait pas où nous en serons dans un an, et que des exemples comme les municipales d’Évreux démontrent qu’un effondrement total du PS est plus que probable s’il y a union des gauches radicales aux européennes. Mais alors la question écologique fît son entrée en scène. Et lorsque celle-ci fût finalement confortée, c’est la question du PS qui revint dans les discussions. À croire que les dirigeants du NPA n’en finissent plus de trouver des conditions et des exigences dès qu’ils se rendent compte que leur position est difficilement fondée. Certains pourraient ironiser :  « à quand des conditions sur la consommation de patates par les militants du Front de Gauche ? »... si l’enjeu n’était hélas aussi grave...
Lorsque les dirigeants du NPA voient qu’à une exigence de leur part, le Front de Gauche ou le PG apporte un oui clair, apparaît alors une nouvelle condition pour faire tourner la montre. Le ridicule ne tue pas... car c’est hélas ce qui ressort de ces ronds de jambes. Et au fil des mois, une logique se met à jour : celle de l’attentisme, du repli sécuritaire.

La direction du NPA face à des élections à seuil

Que veulent les dirigeants du NPA ? Les élections européennes sont des élections à seuil. Faire moins de 7 %, c’est n’avoir aucun élus ! Et dans la plupart des zones du découpage électoral pour les européennes, ce seuil est de 9 %, et ce seuil monte même jusqu’à 15 % dans la région centre. Serait-ce que la direction du NPA vise le score nul... ? Un baroud d’honneur ? Le seul comptage des voies ? ! Voilà qui est étrange lorsque l’on veut des lois contre les profits, des lois contre une Europe libérale, des lois pour l’école, des lois pour une meilleure protection sociale... Pour tout cela, il faut des élus. Et que dire aux français pour les élections régionales de 2010 ? quel message les militants du NPA donneront-ils aux citoyens qui souffrent ? «  Nous aurions pu renverser le PS, mais notre direction n’a pas voulu d’un Front de Gauche car cela aurait pu donner des élus à la gauche de gauche ! Et nous ne sommes pas un parti de gouvernement.. »... Est-ce cet attentisme qui va changer la vie des gens ? Relever les minima sociaux ? Soumettre les profits à l’impôt ?

Évariste Pour réagir aux articles,
écrire à evariste@gaucherepublicaine.org

2 - politique française

1 - Meeting de lancement du Front de Gauche, au Zénith à Paris, dimanche 8 mars à 14h30

Chaque jour de nouveaux plans sociaux sont annoncés. Le chômage connaît une hausse record. Le pseudo «plan de relance» de Nicolas Sarkozy est un échec complet. D’ailleurs les Français ne lui font plus confiance. Le 29 janvier dernier, une journée de grève et de manifestation interprofessionnelle a rassemblé plusieurs millions de personnes, d’autres se préparent. Et pourtant, Sarkozy ne veut rien changer à sa politique.

Dans ce contexte, les élections européennes du 7 juin 2009 représentent une étape dans la résistance à la politique de Sarkozy et pour construire une Europe sociale, démocratique et pacifiste.

L’enjeu est clair. Soit rien ne change en Europe avec la poursuite des politiques libérales actuelles et c’est l’enfoncement dans la crise du système capitaliste. Soit nous nous rassemblons sur des grandes orientations résolument à gauche pour changer d’Europe.

En 2005, nous avons dit NON à l’Europe de la concurrence libre et non faussée.

Non à l’Europe des technocrates, du dumping social et fiscal, de la dictature de la Banque européenne, de l’alignement sur l’OTAN…

En 2009, nous voulons construire l’Europe dont nous avons besoin :

C’est l’objectif du Front de Gauche initié par le PCF et le Parti de Gauche.

Par-delà nos différences, nous savons que la crise du capitalisme que nous traversons est porteuse de tragédies si nous n'apportons pas d'alternative face à l'urgence sociale, démocratique, écologique et pour la paix sur notre continent.

Le Front de Gauche s’adresse donc à tous ceux qui veulent construire une autre Europe en rupture avec l’orientation libérale du traité de Lisbonne : aux partis politiques comme aux citoyens pour qu’ensemble nous changions vraiment la donne.

Ensemble, nous vous appelons au rassemblement pour changer d’Europe et à venir participer à cette démarche au meeting le dimanche 8 mars au Zénith.

Le Front De Gauche Pour changer l'Europe
www.frontdegauche.eu

2 - À qui profite la ligne des dirigeants du NPA ?

La victoire du Non au référendum de 2005 est à l’évidence liée à l’union des forces de gauche. Aux yeux des français, ce front unitaire a montré que la question du refus radical du système actuel est un consensus dans les forces de progrès à gauche. Ce front a donc réussi à montrer que la position social-démocrate du Parti Socialiste n’est pas la seule issue électorale face à une droite arrogante.

Dans le sondage de janvier 2009, le front de gauche unitaire NPA, PG, PCF est crédité de 15 % aux élections européennes ! Et ceci avant le moindre début de campagne ! C’est un grand espoir qui est offert aux français et à tout ceux qui souffrent de la crise. Notons que le PS, tant détesté par le NPA, n’est qu’à 22 % des intentions de votes ! Autrement dit, un Front de Gauche en campagne (dont on a pu voir l’efficacité en 2005) n’aurait aucun mal à passer devant ce PS qui mine la gauche et les espoirs des gens depuis des années. Car la chute du PS ne s’arrêtera pas : si aux élections européennes le Front de Gauche est devant le PS, le PS sera rayé de la carte aux régionales de 2010 car les membres du Front de Gauche – dont les élus du PC ! – auront eu la preuve qu’ils peuvent faire cavalier seul ! Les élections municipales à Évreux en sont la preuve. Voilà ce que les dirigeants du NPA n’ont pas compris. Il faut enterrer le PS pour être sûr qu’aux régionales de 2010, les élus locaux ne seront tentés de sauver leur poste en s’alliant avec lui.
Làs, la division annoncée par les dirigeants du NPA, leurs refus et leurs exigences toujours plus extravagantes vont empêcher la constitution de ce front global qui basculerait définitivement le paysage politique de la gauche en faveur d’une gauche radicalement antilibérale. Un front unitaire des vrais partis de gauche montrerait que la contestation radicale et le refus du système capitaliste n’ont pas pour seuls opposants les dirigeants du Parti Socialiste. C’est ce que le front de gauche face au TCE a montré : lorsqu’il y a une union des gauches radicales, cette gauche de gauche est victorieuse face à la «  non-gauche  ». Hélas, les dirigeants du NPA n’ont pas compris qu’écraser le PS aux européennes, c’est se donner l’assurance que personne n’ira vers le PS aux régionales de 2010.

La direction du NPA conforte un système politique à l’américaine
Cet attentisme renforce un paysage politique qui se dirige vers celui des USA : un parti démocrate face à un parti républicain. Se dire révolutionnaire, contestataire, vouloir une autre perspective, une autre façon de penser la politique pour finalement faciliter la mise en place du paysage politique le plus destructeur pour les populations, voilà qui est étrange ! Ne pas vouloir d’élus, ne pas vouloir enterrer électoralement les dirigeants du PS aux européennes, c’est donner aux populations le triste choix entre des gouvernants issus d’un PS social-démocrate et des gouvernants issus de l’UMP ultra libérale. Quelle vision politique que celle des dirigeants du NPA ! Vouloir le changement, la lutte, et au final faire choisir les français entre les pieuvres ou les couleuvres.
Il faut des élus de la vraie gauche, il faut en finir avec la social-démocratie. voilà pourquoi Respublica avait lancé cet appel aux forces de gauche : sans la reformation du front du référendum, le « non » à l’Europe libérale n’aura aucun élus pour défendre les citoyens qui souffrent !

Car la seule position de la lutte ne suffit pas pour mener une politique de changement radical : il faut des lois qui sont comme des bouffées d’air pour les gens, des victoires tangibles qui leur montrent que leurs efforts se concrétisent enfin, et que lutter mène à des résultats tangibles et palpables dans leur vie de tous les jours. La lutte rageuse sans élus est un acharnement symbolique dont profitent les tenants du pouvoir actuel : UMP et PS savent utiliser les travers des dirigeants du NPA à leur profit. Ils n’ont politiquement rien à craindre de contestataires qui refusent d’aller au gouvernement, et ils s’appuient sur eux pour tuer toute alternative politique puissante capable de renverser les partis en place. Le référendum de 2005 fût aussi un enseignement pour Sarkozy. Il a compris que tant qu’il y aura à gauche des positions purement contestataires, le PS restera face à la droite la seule alternative de gouvernement aux yeux des gens. Autant dire que le capitalisme n’aura rien à craindre...
Tant qu’un front de gauche uni n’existera pas, tant que le NPA refusera d’avoir des élus en nombre, seuls les dirigeants du Parti Socialiste arriveront au pouvoir pour porter les espoirs des gens. Voilà ce que nous a enseigné la campagne unitaire de 2005 : la gauche de gauche n’est victorieuse que lorsqu’elle est complètement unie. Mais lorsqu’elle est unie, les dirigeants du PS se rendent compte qu’ils ne sont plus rien, juste le « gros parti » pour lequel les gens votent parce qu’ils sont le « gros parti ». Les dirigeants du PS prient pour que la direction du NPA brise l’union du front de gauche, car alors le PS s’écroulerait, et disparaîtrait aux régionales de 2010. Alors l’UMP se retrouverait face à un adversaire crédible capable de renverser la politique en France.

Le PS ne devra sa survie aux européennes, puis aux régionales de 2010, qu’au seul refus de former un front de gauche par les dirigeants du NPA.

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3 - L’espoir au front !

L’espoir au front comme le rouge aux joues.
L’espoir soulevé par ces départs d’un parti socialiste à la dérive droitière.
L’espoir d’un rapprochement des forces de gauche enfin.
L’espoir d’un discours prononcé dans la fièvre militante.

Nous vivons une époque difficile, où les individus, les ménages, sont sujets à des coups répétés, et où nous voyons l’argent, qui manque officiellement au niveau de l’Etat, aller vers des poches toujours plus pleines.

Nos salaires sont réduits à ne plus suivre le cours de la vie, les fins de mois se rapprochent et d’autres dépensent des fortunes dans des foires aux enchères ou dans des collections de luxe.

Pendant ce temps le front se met en place.

Et nous on espère.

On espère que ce front fera front justement.

Qu’il nous permettra de vivre.

Qu’il nous permettra tout simplement.

On espère que tout ce monde, qui a eu le courage de s’entendre en 2005 pour repousser une première fois le traité constitutionnel, que tout ce monde de gauche va se retrouver en fin une seconde fois.

On espère que l’espoir né de la création de ce front de gauche va enfin prendre son vol.
On espère que l’alliance PCF – PG va dépasser les simples états major et qu’enfin nous allons voir émerger une véritable alliance pour l’avenir.

Nous espérons que les états major iront enfin, au-delà de divergences bien minces devant l’espoir du peuple de gauche, s’entendre et faire une répartition des places où nous nous y retrouverons.

Nous espérons que l’engagement des femmes et des hommes politiques en qui nous faisons confiance, qu’ils soient du PG, du PCF, des Alternatifs, du NPA, du M’Pep et de je ne sais où encore, nous espérons que leur engagement va au-delà de simples places, et que cet engagement à un prix politique qu’il est temps de payer.

Avec tous ces sans grades qui attendent nous espérons que vous vous entendiez, que vous nous entendiez !

Notre misère augmente, notre espoir diminue et vous vous attendez, vous nous oubliez.

Nous ne voulons plus attendre, nous voulons tout et tout de suite, parce que c’est notre devoir de vous le dire.

Entendez vous, s’il vous plait.

Oubliez vous pour repenser à nous.

Vous êtes notre espoir, nous sommes votre espoir.

Dominique Mourlane

4 - NPA dans le Front de Gauche : Une alliance rendue nécessaire par les évènements

'Il serait faux de considérer que la position officielle du NPA est partagée par une majorité des militants. Loin s’en faut ! De nombreux échanges ont lieu sur le sujet. Le billet qui suit est issu de ces discussions internes dans les comités du NPA de Seine et Marne sur sa venue, ou non, dans le Front de Gauche. Il montre que loin des positions sectaires et de repli systématique dont on taxe parfois trop facilement les militants de la base du NPA, la discussion bat son plein, et de nombreux militants (et particulièrement parmi les nouveaux venus) sont particulièrement conscients qu’un repli du NPA hors du Front de Gauche impliquera des répercussions très graves sur l’avenir politique de la Gauche de Gauche et l’avenir des citoyens de ce pays. Rappelons enfin que la NPA doit se prononcer très prochainement sur la participation du NPA au Front de Gauche.
Évariste

 

Comme beaucoup, je suis "nouveau" au NPA – je veux dire par là que je n’étais pas membre de la LCR avant sa dissolution. Comme beaucoup, les raisons qui m’ont dirigées vers le NPA ont mûri ces dernières années pendant les luttes. Comme beaucoup, j’ai constaté que les luttes avaient besoin d’un horizon politique – d’un "débouché" politique comme on dit. C’est-à-dire, concrètement et entre autres-choses, d’une perspective électorale.

La rue ET les urnes, sinon c’est l’impasse !

Constatons deux points essentiels à notre réflexion politique :
1 - La rue, même massivement mobilisée, n’a jamais empêché la poussée électorale des représentants des classes dominantes, faute d’une alternative crédible par le bulletin de vote ;
2 - Les urnes, lorsqu’elles ont conduit une gauche au pouvoir, n’ont jamais conduit à la rupture avec l’idéologie dominante, faute d’une mobilisation sociale concomitante.

Par ailleurs, à regarder l’Histoire, constate-on qu’il n’y a guère qu’en 1936 que la France ait connu un réel gouvernement de gauche : C’est à dire très précisément «  un gouvernement décidant des lois sociales parce que poussé par la mobilisation dans la rue  » !

Or, aujourd’hui la rue est là ! Elle est présente ! Rarement, il y aura eu autant de mouvements sociaux dans ce pays. Même à comparer avec des années « fastes ». Autant de manifestations, en métropole ou dans les îles. Autant de grèves et de luttes, sous toutes leurs formes possibles. Et le NPA naît de cela. Il en est le fruit. Le fruit de la recherche d’un prolongement des luttes, d’un trait d’union à construire entre ces deux pôles indissociables que sont « la rue » et « les urnes ».
Et l’union dans la rue fut si longue à venir entre les organisations syndicales... Mais au final, quel résultat ! Plus de deux millions le 19 janvier 2009. Combien serons-nous le 19 mars dans l’unité du mouvement social ? Et de l’autre côté de l’atlantique, on le voit : six semaines de grève en Guadeloupe, 49 organisations (pas moins !) toutes allant d’un même pas ! Et pourtant toutes différentes !
Assurément, je me sens bien des différences avec les militants du Parti Communiste. Bien des différences avec les anciens – et pas tous encore sevrés – militants du PS, avec les Alternatifs, les M’PEP (les quoi ?), les Unitaires, les Fédérés de tous poils. Mais indiscutablement ! ! PAS ASSEZ de différences pour ne pas y aller avec eux, aux élections européennes ! Avec tout l’enjeu politique qu’elles représentent pour notre pays ! Car tous ces autres militants ont été des compagnons de route contre «  Le traité  ». Et ces élections européennes qui viennent sont le prolongement de ce référendum du 29 mai 2005 ; et si ce n’est pas le cas, alors notre responsabilité – à nous militants politiques ! – est de faire en sorte qu’elles le deviennent !
Alors comment ne pas se sentir une responsabilité particulière avant de prendre une décision aussi importante ? Avant de refuser ou d’accepter ce qui peut faire basculer la donne politique à gauche en faveur de ceux qui sont au coté de ceux qui souffrent.

La crise, la mobilisation et les élections européennes sont dans un mouchoir de poche : cette conjoncture presque unique rend nécessaire les alliances – même ponctuelles – dans la rue et dans les urnes.

ANTICAPITALISTES DE TOUS LES PARTIS, UNISSONS-NOUS !

Un militant du NPA

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5 - Projet d'Appel pour un référendum sur la réintégration de l'Otan par la France

Sur le même sujet voir également le très bon article de Serge Halimi dans le Monde Diplomatique, "A quoi sert l’OTAN ?".
La rédaction

Réintégration de la France dans le Haut-commandement militaire intégré de l’Otan ?
Le Mouvement de la Paix demande un référendum

Le Président de la République Nicolas Sarkozy a annoncé que la France réintégrerait le Haut Commandement militaire de l'Otan lors du prochain Sommet de l'Organisation à Strasbourg, le 4 avril prochain.

Cette décision - qui ne figurait pas dans le programme du candidat Nicolas Sarkozy – soulève de nombreuses réactions de doute, voire d’inquiétude et même d’indignation émanant de toutes les sensibilités politiques de notre pays, jusque dans la majorité présidentielle. Si les approches sont diverses, l’unanimité se fait sur une question : il ne s’agit pas d’une simple formalité, mais bien d’un engagement qui a des conséquences politiques et stratégiques fortes pour la France, l’Union européenne et le monde.

Le Mouvement de la Paix estime qu’« une telle décision ne saurait être prise sans un large débat national qui devrait déboucher sur une consultation populaire sous la forme d’un référendum ».

Le Général de Gaulle accompagnant la volonté populaire, a retiré la France de l’organisation militaire intégrée de l’OTAN en 1966, cette décision s’inscrivait dans l’ambition d’indépendance de la France à l’égard des blocs militaires et dans le souci de sa souveraineté.

Pour l’organisation pacifiste « les français sont en droit d’exprimer leur opinion sur une question d’une telle importance pour l’indépendance de la France, sa souveraineté, sa place internationale spécifique dans l’Union Européenne et dans le monde ».

L’association pacifiste prendra dans les jours à venir les contacts nécessaires pour permettre de rassembler dans une expression large et unitaire tous ceux qui partagent cette demande de consultation populaire.

Le Mouvement De La Paix www.mvtpaix.org/

6 - Retour sur la Guadeloupe : PWOFITASYON

Témoignage de Sadi SAINTON, étudiant à l'Université Antilles Guyane en Guadeloupe :

Je vous envoie ce mail un peu long, certes, mais je voudrais vous dire deux ou trois choses, que vous ne voyez pas trop dans les JT de canal+, France Télévision, TF1, M6, LCI... à propos de la grève en Guadeloupe puisque je la vis de l’intérieur. J’espère sincèrement que vous prendrez le temps de lire ces quelques lignes. Lisez tout, si vous le pouvez. Et une partie si c’est trop long. Je tiens au paragraphe en violet car c’est cette question qui m’a poussé à écrire un si long mail, mais je crois que tout comporte son intérêt...

Pourquoi? Parce que j’imagine que vous entendez comme tout le monde les infos et que je les trouve très partielles (et partiales). Parce que je pense qu’il peut y avoir méprise. Vous pouvez diffuser à votre guise au sein de PMP6.

N. B: Je soutiens cette grève. Ce mail comporte donc une dose de subjectivité, mais je ne fais ni dans la propagande, ni dans le mensonge. Je reste objectif sur des faits dont vous n’entendez probablement pas parler.

Let’s go!

En effet, la Guadeloupe connait depuis bientôt 4 semaines une grève générale contre les profits abusifs (de grâce, cessez de parler de grève contre la vie chère car il ne s’agit pas tout à fait de cela).

Je vais simplement, sans organisation donner quelques faits (j’écris à mesure que ça vient et je m’excuse d’avance des fautes d’orthographe que ma vigilance laissera passer).

Une grève contre la vie chère? Non. Pas vraiment.

Le collectif qui mène la grève est un ensemble de 49 associations syndicales, politiques, associations de consommateurs et associations culturelles. Elle a déposé (un mois avant le début de la grève générale, et personne n’a jugé bon de s’en préoccuper) un cahier de 146 revendications réparties sur 10 chapitres. Parmi ces chapitres, un (un seul !) concerne la vie chère.

Mais alors qu’est-ce que cette grève?

Le collectif à l’initiative de cette grève s’appelle "LKP" : Lyannaj kont pwofitasyon (C’est du créole). Traduction "alliance contre le vol et les profits abusifs". C’est une mobilisation sans précédant. Le LKP parle de 100 000 personnes dans les rues (sur une population de 460 000, soit près du quart de la population). Au delà de la bataille des chiffres, une chose est sure: c’est historique. C’est la plus grande mobilisation de l’histoire de la Guadeloupe et chaque sortie du LKP crée un nouveau record. Depuis une semaine, la Martinique emboite le pas, la réunion depuis deux jours, et la Guyane s’y prépare.

Qu’est-ce que la "pwofitasyon"?

Surtout, ne pas traduire par "profit" (c’est un faux amis).
La "pwofitasyon", ici peut se traduire comme je viens de dire par "profits abusifs". Dans le langage courant, "pwofitasyon" désigne l’abus de pouvoir qu’un puissant exerce sur quelqu’un dont il sait déjà qu’il est plus faible que lui, pour le rendre encore plus subordonné.
L’exemple type, est celui des enfants dans la cours de récréation d’une école primaire. Les "grands" de CM2 peuvent exercer dans la cours des "pwofitasyon" sur les "petits" de CP, qui n’auront que leur yeux pour pleurer. (N’est-ce pas mignon, notre cher et tendre enfance?)

Les domaines de "pwofitasyon" sont multiples chez nous:

Le constat est le suivant. En Guadeloupe, les prix sont beaucoup plus élevés qu’en France et donc parmi les plus élevés d’Europe et du monde. On constate (pour les mêmes enseignes et les mêmes produits) des écarts de plus de 100 % que l’éloignement (il faut bien payer le transport) n’explique pas (exemple : 84 % sur les pâtes alimentaires). Selon tous les experts, après analyse de la chaine, de la production au cadie du consommateur, en passant par le transport, le surcoût par rapport à l’hexagone ne devrait pas dépasser 10 %. Les différences de prix constatées ressemblent donc fortement à.... du vol organisé.

Quelques exemples de "pwofitasyon" dénoncés par le LKP :

Le reste des revendications?

Elles traversent TOUS les domaines de la société. Vraiment tout. Les 9 autres chapitres : Education, Formation professionnelle, Emploi, Droits syndicaux et liberté syndicales, Services publics, Aménagement du territoire et infrastructures, Culture, et enfin "pwofitasyon" (il s’agit de réclamer des mesures pour contrôler désormais les prix).
J’appelle ça un mouvement sociétal. Si certains persistent à parler de vie chère... je n’y peux rien. C’est un véritable cahier de Doléances. Il parcourt l’ensemble des domaines de la société.

Rappelons que ces revendications sont au nombre de 146 et que le LKP a défini parmi ces 146, 19 à négocier immédiatement, puis d’autres qui demandent des réponses plus purement politiques voire institutionnelles, qui devront être débattues à long et moyen terme.

Je peux, si vous le souhaitez, vous envoyer ce cahier de revendications.

Mais alors... Pourquoi ne parle-t-on que de ces foutu 200€ que le LKP demande?

Parce que cela fait partie effectivement des revendications et comme tout le monde s’y attendait, c’est le point qui bloque les négociations. Le LKP ne démord pas. Le patronat ne démord pas. Les positions se radicalisent.

Commentaire personnel : Je trouve ça dommage qu’un si beau mouvement bloque sur un point que je considère comme étant secondaire en terme de portée sociétale sur le futur de la Guadeloupe.[3]

Les guadeloupéens sont asphyxiés et meurent de faim alors?

Mais pas du tout ! !
C’est cette question qui m’a poussé à écrire ce mail. Un ami métropolitain m’a appelé aujourd’hui pour me demander si on tenait le coup. Au début j’ai commencé à répondre que malgré la durée du conflit, la mobilisation était toujours de mise. Il me coupe :
"Non, je voulais dire... Arrivez vous à remplir le réfrigérateur" ! !

La Guadeloupe est en grève générale depuis bientôt 4 semaines. Les hyper marchés et super marchés sont fermés. En revanche les petits commerces de proximités sont ouverts, mais les rayons des magasins sont de plus en plus vides...

MAIS : La Guadeloupe s’organise. L’UPG (Union des Producteurs Guadeloupéens) ainsi que les pêcheurs font parti du LKP. Les poissons ne sont pas en grève : les pécheurs continuent à pêcher et à vendre leur poisson. Les animaux ne sont pas en grève : les éleveurs continuent à s’en occuper et à vendre leur viande. La terre n’est pas en grève : les cultivateurs continuent à travailler leurs exploitations et vendent leur denrées. Notre réfrigérateur n’a jamais été aussi plein.

Les hyper marchés sont fermés, mais les marchés sont ouverts. Il y a mieux : des marchés populaires sont organisés devant les piquets de grève et un peu partout. Les producteurs y vendent leur denrées aux prix auxquels ils ont l’habitude de vendre aux super marchés. Conséquence : ils ne perdent pas leur récolte ni leur revenus, et le porte feuille du consommateur apprécie puisque les marges exorbitantes de la grande distribution ne sont plus là.

Nous mangeons à notre faim et -fait intéressant- nous n’avons jamais autant consommé local ! !
Je n’ai pas de purée mousseline, je n’ai plus de pâtes panzani... et alors? J’ai des tubercules, des légumes, de la viande, du poisson, des fruits frais, des fruits secs, des fruits de mer... Et ça coûte moins cher que d’habitude.
En fait, je crois que je n’avais jamais mangé aussi équilibré de ma vie.

Si vous n’avez jamais entendu tout ça, est-ce que la presse nationale fait de la désinformation?

Je n’irai pas jusqu’à dire qu’on vous ment. Disons que parmi tout ce que les envoyés spéciaux des média nationaux voient, ils choisissent 5 %, et le choisissent d’une manière assez surprenante.

La première semaine, ils n’en parlaient pas. La deuxième semaine, ils n’ont montré que des images de touristes dont les vacances ont été gachées par cette grève (je suis sincèrement désolé pour eux, mais c’est la vie). Ils ont montré des rayons de super marché vide et ont semblé vouloir dire que la rupture des stocks créait le plus grand désarroi... Ils ont fustigé une grève qui - dit-on - pénaliserait de manière irrémédiable l’économie Guadeloupéenne.

Puis Le secrétaire d’état aux DOM est arrivé en Guadeloupe. Il y a carrément déplacé son cabinet et son staff. La presse ne pouvait plus se contenter des mini sujets baclés. Ils ont commencé à en parler un peu plus. Aujourd’hui, l’information que vous recevez est de plus en plus conforme à ce qui se passe.

Les "vrais" reportages font leur apparition. France inter a fait une longue émission dessus, j’ai pu voir un long article sur Elie Domota, porte parole du LKP dans je journal Le Monde. Libération a publié un long texte d’Enest Pépin (écrivain Guadeloupéen)... Ca commence à changer. Pourtant, je suis persuadé que ceux qui ont tout lu de ce mail ont appris beaucoup de choses.

Pour les plus courageux, j’ajoute encore quelques points importants. Je quitte la description pour rentrer dans l’analyse (mais vous pouvez vous arrêter là).

Xénophobie? Racisme? Les slogans?

Non, non, et trois fois non!
Le slogan principal repris depuis le 20 janvier en cœur par les manifestants :

"La Gwadloup sé tan-nou, la Gwadloup sé pa ta yo. Yo péké fè sa yo vlé, adan péyi an-nou"

Traduction littérale : " La Guadeloupe est à nous, La Guadeloupe n’est pas à eux. Ils ne feront pas ce qu’ils veulent dans notre pays"

Traduction plus usuelle : "La Guadeloupe nous appartient, elle ne leur appartient pas. Nous ne les laisserons pas faire ce qu’ils veulent dans notre pays. "

La question qui inquiète certains : Mais qui est ce nous et ce eux?
Nous = noirs?
Eux = blancs? Si oui, lesquels? Les blancs en général (métropolitains) ou les "béké", descendants des maitres d’esclaves et qui ont su conserver leur domination économique et d’influence grâce aux héritages de génération en génération depuis l’époque esclavagiste, jusqu’à présent (sans la diluer dans le reste de la population car le béké fait souvent attention à "conserver la race"[4].

Selon moi, il ne s’agit pas de ça. Moi qui vit ce mouvement de l’intérieur, moi qui reprend ce refrain avec joie depuis 4 semaines, je n’ai jamais désigné le blanc par ce "eux" et tous les gens de mon entourage sans exception sont du même avis.

Mais alors qui?

Eux... mais bien sur, cela désigne les "profiteurs". Les responsables de la pwofitasyon. La Guadeloupe n’est pas un simple tube digestif, une sorte de terre de consommation, un simple marché ou tout le monde peut venir faire ce qu’il veut, comme dans une zone de non droit. Or les "pwofitasyon" révélées par ce collectif, et que plus personne ne conteste donne bien l’impression que c’est le cas depuis déjà trop longtemps. Avec la complicité de l’Etat, volontairement ou par négligence (je veux bien croire que c’est par négligence).

On en est à une situation ou il a fallu qu’un collectif de 49 association déclenche une grève générale et déclenche les plus grandes manifestations de l’histoire de la Guadeloupe pour que l’Etat, enfin joue son rôle d’arbitre et de répression des fraudes. De nombreuses voix en Guadeloupe avaient déjà dénoncé ces faits, mais de manière isolées et sans réel résultat. Aujourd’hui, la tendance semble s’inverser. C’est ce eux là que nous dénonçons depuis 4 semaines (27 jours)

Quant au nous, il est prometteur de quelque chose de tout à fait nouveau, qui peut être enfin dépassera les clivages de race (ou en tous cas tendra vers ça). La première personne à m’avoir envoyé un sms pour me dire de venir en meeting est une Guadeloupéenne... blanche!

Pour moi, un Guadeloupéen est quelqu’un qui lie son destin au destin de la Guadeloupe. Il est souvent noir (question de chiffre), mais il est aussi blanc, indien (de nombreux indiens ont débarqué en Guadeloupe après l’abolition de l’esclavage). Il pourrait même être vert pomme que cela ne dérangerait pas les dizaines de milliers de manifestants qui chantent ce slogan.

Surtout, nous ne sommes pas prêts à échanger sous prétexte de la race, une pwofitasyon blanche contre une pwofitasyon noire. Ce Nous-Eux est moral, bien plus que racial.

Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de problème de racisme en Guadeloupe. Il est clair que la société est pyramidale et que plus on monte vers le sommet de la pyramide, plus les peaux sont claires. Les races n’existent pas, c’est une vérité qu’il faut répéter sans cesse... Mais le racisme existe et le poids de l’histoire esclavagiste et coloniale est palpable. Nous voila avec ce mouvement face à un formidable défi qui consiste à poser les problèmes tels qu’ils sont, pour les régler, et les dépasser. Permettez moi d’ajouter que je suis assez optimiste sur cette question[5].

Scolarité en péril?

J’étais à Paris 6 lors de la grève contre le CPE et sur les 12 semaines prévues du semestre, on a pu faire 11 semaine (moyennant le sacrifice des vacances scolaires). Il y a fort à parier que nous ferons la même chose. Tout le monde est prêt à voir disparaitre les vacances de pâques, pentecôte et les jours fériés. D’ailleurs les cours sont mis en ligne par les enseignants dans de nombreux établissement. Et RFO, la télé locale (une branche de france télévision) va bientôt commencer à diffuser des cours faits par des enseignants sur les plateaux de télévision, afin que tout le monde puisse regarder, à chaque niveau, à chaque matière. La petitesse de l’île le permet, nous ne nous priverons pas de ce moyen !

Evolution statutaire?

Peut être. En tous cas la question est posée. Le débat est ranimé. Le mouvement s’exprime sous forme de grève mais la densité du cahier de revendications montre clairement que tous les fondements de la société sont remis en question.
Parmi les meneurs du LKP, nombreux sont ceux qui sont "au moins" autonaumistes. Pourtant, après 4 semaines, aucun membre (sans exception) n’a jamais prononcé les mots "évolution statutaire". C’est un débat qui déchaine les passions et pour le bien du mouvement, il convient de rappeler que ce n’est pas le but du mouvement. Ce mouvement pose des questions et met en avant ce que veulent les Guadeloupéens.
Si les hommes politiques apportent parmi leurs réponses une question institutionnelle, elle fera de toutes les façons objet de débats, et de référundum.

Mon avis sur la question :

Les lois françaises sont conçues pour répondre à une réalité géopolitique précise. Celle d’une France au cœur de l’Europe, société post-industrielle. Elle n’ont jamais convenu ni aux colonies, ni plus tard aux DOM-TOM et COM. Si bien que pour pallier le "handicap", nous sommes toujours passé par des lois, qui mettent en avant de nombreuses spécificités. Aujourd’hui, le système d’intégration montre ses limites. Ceux qui jadis s’en accommodaient, aujourd’hui soutiennent massivement un mouvement social, qui -bien que ce ne soit pas son objectif- attire l’attention sur le fait que rien ne va bien et qu’il faut peut être songer à changer les choses en profondeur[6].

Les pistes avancées sont plutôt celles d’une évolution statutaire dans le cadre de la République Français (genre article 73 et 74 de la constitution) vers plus de pouvoir décisionnel local, plus de pouvoir législatif et douanier, afin de répondre à la réalité géopolitique (nous sommes européens, mais nos îles baignent dans le bassin caraïbéen!).

Voila un lien vers la constitution française. Vous pourrez donc consulter les articles 73 et 74.

Voila mon constat et mon point de vue sur cette grève générale en Guadeloupe.

Je vous remercie d’avoir bien voulu lire un aussi gros pavé. Je rappelle que je ne suis ni politologue, ni sociologue... vous excuserez les approximations et la lourdeur du style. Je suis simple étudiant guadeloupéen, solidaire du mouvement et j’expose là, ce que je comprends de ce mouvement.

Le mouvement a une dimension internationale. Hier, c’est le révérend Jessy Jackson en personne qui a envoyé son soutien au peuple de Guadeloupe et au LKP. Les organisations syndicales du monde entier (je n’exagère pas) rentrent en contact avec le LKP pour leur demander comment ils arrivent à mobiliser 100 000 personnes, sans un débordement (c’est le service d’ordre du LKP qui organise la sécurité générale).
La Guadeloupe vient de connaitre ses 27 jours les plus calmes niveau violences domestiques. Jamais il n’y a eu si peu d’agressions et de faits divers. 0u d’accidents de voitures (pas d’essence, tout le monde roule à 70 km/h).

Les Guadeloupéens sont vraiment fiers de ce mouvement. Mais ce matin, la repression a commencé face a un mouvement pacifiste depuis 27 jours. Il y a eu une soixantaine d’arrestations de gens qui étaient simplement sur les barrages pacifiques. Une des tête du LKP a été blessée. Il a subi des injures racistes venant des forces de l’ordre (toux ceux qui s’y connaissent un peu en histoire de la Guadeloupe savent que c’est monnaie courante lors des repressions de mouvement sociaux aux DOM).
Je ne fantasme pas sur le poids de l’histoire. Tout au long de la seconde moitié du 20è siècle, tous les grands mouvements sociaux ont été réprimés par les mitraillettes, lorsqu’à Paris, le gaz lacrimogène suffisait largement. C’était le cas en 1910, en 1952, en 1967, en 1975, en 1985. Chaque répression a apporté son lot de mort, même si celle de mai 1967 accapare toutes les mémoires puisque le nombre de morts a dépassé peut être la centaine de personnes.

Evidemment, de l’eau a coulé sous les ponts. 1967 et 2009 sont différents. Mais le prefet et l’état jouent à un jeu dangereux. Car l’ensemble des mobilisés connait le poids de l’histoire et la tension est à son comble et beaucoup ont déjà averti que cette fois ci, les guadeloupéens ne mourront pas...
Le LKP a appelé au calme. Il appellent à la mobilisation massive et pacifiste pour faire reculer la répression. L’immense majorité des interpellés aujourd’hui ont été relachés ce midi grâce (une fois de plus) à la pression populaire de la foule, massée pacifiquement devant la police et et le tribunal de Pointe-à-Pitre. La tension redescend petit à petit.
Le préfet avait promi que les environ 4000 CRS débarqués en Guadeloupe dès le début du conflits étaient juste une sécurité qu’il souhaitait de tous cœurs ne pas utiliser. Depuis que les négociations sont bloquées, d’autres ont débarqué... Et comme on dit dans les îles : Kimbé rèd pa moli!

Notes

[1] N.B: La SARA est en situation de monopole en Guadeloupe, pas de concurrence. C’est elle qui distribue l’essence.

[2] Les géants de la distribution sont en situation de quasi monopole. Il s’agit principalement du groupe Hayot (Bernard Hayot est dans le top 120 des fortunes françaises). En plus ils détiennent l’importation et ont le monopole de la distribution sur plusieurs grandes marques. Pour accentuer le problème, les quelques concurrents existants sont des groupes amis (cousins, alliancés...) puisque ce circuit est aux mains d’une ethno-classe compacte et réduite. Voir reportage assez édifiant de canal + "Les derniers maitres de la Martinique" voici un lien ou on peut voir l’émission|_|: [charger le lien]

[3] Il s’agit d’une augmentation de 200€ des bas salaires

[4] voir reportage assez édifiant de canal + "Les derniers maitres de la Martinique" voici un lien ou on peut voir l’émission [charger le lien]

[5] Pour ceux qui voudraient, je peux envoyer un extrait de discours du porte parole du LKP abordant ce sujet d’une manière que je trouve assez fine, de manière forte, mais sans haine.

[6] Quelque soit ce qui arrive, l’indépendance n’est absolument pas à l’ordre du jour. Ni l’Etat, ni le LKP, ni les nombreux manifestants qui soutiennent le LKP, ni même les organisations anciennement indépendantistes des années 60, 70 et 80 ne considèrent que la question est à l’ordre du jour. Les organisations "anciennement indépendantistes" continuent à énoncer le principe moral du droit des peuples à l’autodétermination qui est un droit inalliénable inscrit dans la charte de l’ONU; mais s’accordent pour dire qu’il faut aller pas à pas, sans bruler les étapes.

Sadi SAINTON

3 - économie

1 - Plaidoyer pour la "biodiversité" bancaire française

in LE MONDE du 24 février 2009

Compte tenu des crises économiques et sociales qui la suivent, la crise financière est la première dont on mesure encore mal la réalité et la durée. Il en a résulté d’abord une tendance à faire de la finance la mère de tous les maux. Et aujourd’hui, une dangereuse démagogie antibanque. Il est de la responsabilité des dirigeants économiques, médiatiques, politiques de résister à la démagogie du bouc émissaire. On sait où elle mène. Résister à la démagogie, c’est d’abord réaffirmer que nos systèmes économiques de marché ont besoin de banques solides et de finances patientes pour financer les mutations devant nous : les enjeux environnementaux et énergétiques nécessitent des investissements considérables ; l’économie de la connaissance et la transformation du capital humain également ; le financement de nos retraites aussi. Finissons-en avec le haro sur les banques pour nous demander : quelles finances et quelles banques voulons-nous ?

Résister à la démagogie, c’est aussi démêler les différentes crises financières qui se sont succédé et avoir un diagnostic rigoureux de la manière dont les banques ont été concernées ou touchées. Il n’y a pas une, mais des crises financières : subprimes et produits structurés, puis assureurs de crédits, puis chute de grandes banques, pertes sur les marchés financiers, enfin Madoff. Tout cela, fort complexe, n’est pas de même nature, et ne touche pas uniformément toutes les banques. Le Crédit coopératif, en tant que banque coopérative universelle, a été peu touché. De même que les banques coopératives régionales. Dire la vérité sur la crise financière, c’est dire que la France n’est pas, loin s’en faut, parmi les pays les plus touchés, et se mettre d’accord sur les raisons. Avoir un diagnostic partagé est essentiel pour définir les mesures à prendre.

Pour moi, la France résiste bien grâce à deux caractéristiques propres. D’une part, l’importance en France des banques universelles, moins soumises aux aléas du marché que les banques d’investissement et de financement (BFI). Tirons-en les conséquences. D’autre part, l’importance des banques coopératives (60 % des dépôts français) de proximité, propriétés de leurs clients sociétaires. Tirons-en les conséquences.

La crise ne remet pas en cause les principes du modèle coopératif, mais leur non-application, ou leurs applications insuffisantes. Ces principes sont d’une grande actualité : rémunération limitée du capital qui évite la finance impatiente ; impartageabilité des réserves qui en font des entreprises intergénérationnelles ; double qualité de sociétaire et de client qui permet au client de mieux connaître sa banque et de faire entendre sa voix, et à la banque de réduire son risque ; capital assis sur la confiance des sociétaires. Ces principes permettent de privilégier le long terme, de s’enraciner dans la proximité, de fabriquer de la confiance.

C’est la raison pour laquelle, à l’heure du bilan et des opérations de rapprochement en cours, je dis aux banques coopératives : restons sur nos fondamentaux, ou revenons-y ! Et aux pouvoirs publics : nos principes rencontrent vos préoccupations d’intérêt général !

Le système bancaire français se caractérise par une biodiversité, faisant cœxister des banques cotées, des banques publiques, et des banques coopératives. Nous défendons cette biodiversité, le pluralisme, et réaffirmons le besoin de règles spécifiques aux banques coopératives. Parce que nos dividendes sont limités statutairement, nos organes centraux n’ont surtout pas pour rôle de prendre des risques, mais de renforcer nos structures financières et de contrôler efficacement les risques.

Pour tout le reste, il faut défendre une gestion décentralisée, un principe de subsidiarité qui laissent l’initiative et la responsabilité aux "banques de base". Il faut résister à l’idée reçue selon laquelle plus on serait gros, plus on serait solide, et aux tentations centralisatrices françaises. Les mauvaises décisions appliquées à l’échelle de tout un groupe sont dévastatrices.

Les banques coopératives ne doivent pas être gérées comme des succursales d’un organe central tout-puissant. Cela ne va pas dans le sens de l’histoire. D’autant moins que les banques coopératives disposent, de par leurs principes mêmes, de ratios de capitaux propres et de fonds propres élevés, en particulier s’agissant du tier one. Les excès de risque ou l’assèchement des fonds propres ne viennent pas des banques de base. Il serait aberrant de réduire leur pouvoir et celui de leurs sociétaires.

La contribution des banques coopératives à l’intérêt général est réelle et démontrable. La volonté du Crédit coopératif d’être, dans son projet Coopéraction 2015, d’abord et avant tout, une "banque utile" en témoigne. Nous sommes prêts et désireux, dans le respect de notre indépendance, à contribuer à de nouvelles régulations au service de l’intérêt général et du développement économique, notamment local. Les élus locaux connaissent l’ancrage territorial des banques coopératives. Il sera demain plus que jamais nécessaire pour financer la création d’entreprises, le microcrédit, la reprise d’entreprises par les salariés, les nouvelles formes d’entrepreneuriat social, le logement social, les énergies nouvelles...

Pour cela il faut donc bien distinguer les problèmes de BFI des enjeux des banques coopératives universelles, dans les discussions et rapprochements en cours, et travailler à l’actualisation et à l’approfondissement du projet coopératif, dans des structures de groupe vraiment coopératives.

Jean-Claude Detilleux président du Groupe Crédit coopératif

2 - Fusion Banque Populaire – Caisse d’Epargne : l’Etat... gère

Plus l’échéance approche, plus il semble que l’accouchement soit difficile. Le mariage est prévu pour le 26 février 2009, jour de la publication des résultats des deux groupes, l’Etat doit recourir aux forceps car les nouveaux mariés n’ont pas l’air très enthousiastes, vu le contexte : Natixis, la filiale des deux groupes accuse un déficit de 2, 5 à 3 milliards d’euros auquel s’ajoutent le déficit de la Caisse d’Epargne, de l’ordre de 2 milliards et celui de la Banque Populaire : 300 millions… une broutille à côté.

Heureusement le Crédit foncier de France, filiale de la Caisse d’Epargne annonce un bénéfice de 200 millions en 2008 et prévoit de faire aussi bien en 2009 : on aimerait savoir par quel miracle une telle prévision peut se faire en début d’année, compte tenu des incertitudes qui règnent et qui n’augurent rien de bon. Pour l’économie les crédits se raréfient et pour les banques, elles ne trouvent plus à emprunter sur les marchés financiers ?

De plus, le Crédit foncier détient des créances liées à l’immobilier en Angleterre et en Espagne où le marché s’est effondré ! On craint plutôt le pire

Comme disait ma grand’mère, « deux misères ne font pas une richesse ». On a beau présenter l’opération comme la naissance du second groupe bancaire français, après la BNP Paribas, fort de ses 40 milliards de fonds propres et de ses 480 milliards d’épargne et de dépôts, de ses 8200 agences, de ses 100000 salariés, on n’arrive pas à y voir la «  bonne  » nouvelle qu’on cherche à nous vendre.

On le sait, Sarkozy avait fortement souhaité cette fusion, la Ministre des finances est arc-boutée sur sa concrétisation, au point que son directeur de cabinet, Stéphane Richard, en charge du dossier, tiendrait la corde pour la présidence du futur ensemble : curieux mélange des genres ! L’Etat a même dû menacer de «  rentrer  » dans le capital à hauteur de 30 % et a précipité le mouvement pour le 26 février.

Car ce que l’Etat voulait, c’est un directeur qui ne soit pas issu des deux organismes pour donner le sentiment qu’il va y avoir du changement. Plusieurs noms circulent encore.
Et surtout, l’Etat –qui ne veut pas entendre prononcer le mot de nationalisation, même partielle et temporaire- va pouvoir dicter ses conditions et maîtriser la gestion par président interposé. Cela en transformant le statut des deux banques qui avaient la particularité  d’être des banques mutualistes et coopératives où chaque sociétaire dispose d’une voix.

Ce que l’on veut nous mettre dans la tête c’est qu’il faut des banques fortes avec une assise solide de dépôts et de fonds propres. A condition de savoir ce qu’elles vont en faire, les critères des crédits qu’elles consentent ou si elles vont tenter de se refaire en se relançant dans la spéculation pour dégripper les marchés financiers, ce qui est dans la pure logique des politiques libérales.

Car dans le cas de nos deux groupes, il va s’agir de renflouer les pertes, filiales comprises, comme Natixis spécialisée dans les rendements à haute profitabilité… donc à hauts risques.
Ce qui fait dire au Guide de l’Economie Equitable que « c’est un hold up sur la démocratie participative… la prise en otages par quelques dirigeants économiques et politiques de 7 millions de coopérateurs ou mutualistes en principe propriétaires ou décideurs. »
C’est un coup très rude porté à l’économie sociale qui s’inscrit comme une partie de la réponse à la crise du capitalisme dont la seule finalité est la recherche du profit maximum à court terme : on en mesure les dégâts sociaux et environnementaux.

Le plan Sarkozy, quoi qu’il en dise, est bien davantage un soutien aux profits qu’aux investissements, un encouragement aux banques à choisir des investissements financiers plutôt que des investissements utiles à l’économie. Les TPE et les PME n’y trouvent manifestement leur compte. Les salariés, les retraités, les chômeurs encore moins qui n’en peuvent plus de voir régresser leur pouvoir d’achat.

Cette question de la maîtrise du crédit est une question centrale, comme le démontre Paul Boccara dans son dernier livre « Transformations et crise du capitalisme mondialisé » dont nous avons parlé récemment. Elle commande, avec les questions des moyens et des pouvoirs, celle d’un autre type de production compatible avec les exigences écologiques comme celle d’une autre conception de la productivité, les transformations sociales notamment qui sont au cœur des luttes actuelles.

René Fredon

4 - combat féministe

1 - Le consortium des femmes aux mœurs légères qui fréquentent les bars

Le consortium des femmes aux mœurs légères qui fréquentent les bars - Facebook

Ce groupe Facebook au nom ironique et provocateur est sans doute le plus populaire d'Inde depuis sa création il y a une semaine. Lancé en réaction à l'initiative du Sri Rama Sene (SRS), une organisation extrémiste hindoue du Karnataka qui prévoit de faire la chasse aux couples, le jour de la Saint Valentin, il compte déjà plus de 26 000 membres.

L'objectif principal du groupe : encourager les Indiennes à envoyer une culotte de couleur rose à Pramod Muthalik. Le chef du SRS est à la Une des médias depuis l'agression de jeunes filles par ses hommes le 24 janvier, dans un bar de Mangalore, une ville côtière du Karnataka. Les agresseurs reprochaient notamment aux jeunes filles d'être habillées de manière "indécente", de consommer de l'alcool et d'être accompagnées de non hindous. La violence de l'incident avait choqué l'Inde et a relancé le débat sur la "police morale" rampante dans le pays.

Nisha Susan, une porte-parole du "consortium des femmes aux mœurs légères" affirme que le groupe a déjà reçu 500 culottes roses des quatre coins de l'Inde, selon la BBC. Les sous-vêtements doivent être envoyés au bureau de Pramod Muthalik, à Hubli au Karnataka. Ce dernier a rétorqué qu'il répondrait à ces cadeaux provocateurs par le renvoi de saris roses.

Le chef du Sri Rama Sene, qui se considère comme un "gardien de la culture indienne", a déclaré que son organisation tenterait de s'opposer coûte que coûte à la célébration de la Saint Valentin. Le SRS a notamment annoncé que les couples prix en flagrant délit amoureux seraient mariés de force.

Moruni Turlot

2 - Urgence petite enfance, urgence école publique, les jardins d’éveil arrivent

Les enfants de 2 ans, ne seront plus accueillis en maternelle, on sait que ce n’est pas un problème de «  couches  » pour évoquer le mensonge darcosien, car les petits ne sont admis en maternelle que lorsqu’ils sont «  propres  ». L’objectif réel correspond aux engagements personnels du ministre en matière… religieuse.

A la rentrée, comme par hasard et grâce à une orchestration partisane de cette «  réforme  », s’ouvrent dans les écoles catholiques de France des jardins d’éveil appelés provisoirement classes relais pour les 2 ans. Ils seront financés par les Caisses d’Allocations Familiales, par les familles (on annonce 10 euros par mois), par les Mairies nombreuses qui maintiennent le financement facultatif des Agents spécialisés des écoles maternelles du privé. Les écoles publiques n’ouvriront pas ces classes à la rentrée. Il y a là une discrimination visant à contraindre les parents à inscrite leurs enfants dans les écoles confessionnelles actuellement en perte de vitesse. Une nasse de rabattage.

Les écoles privées font déjà de la publicité pour ces classes pré scolaires mettant en avant des moments d’éducation élargis pour profiter du contact avec les enseignants des classes maternelles, dans le cadre du projet d’établissement. Pas une nouveauté : c’est ce qui existe aujourd’hui dans le public et le privé. L’idée est que les enfants restent ensuite dans l’école confessionnelle, ce qui permettra de supprimer dans la foulée des classes maternelles dans le public.

Nous devons donc nous tourner vers les communes pour riposter à la mise en place des jardins d’éveil dans tout le réseau des écoles catholiques : en en créant dans le public. Il faudra une ATSEM par groupe de 12 enfants de 2ans. Cela coûtera moins à la commune que ce que coûtaient ces enfants lorsqu’ils étaient admis à la maternelle. En effet, actuellement les Caisses d’Allocations familiales participent à 55 % à ce type d’accueil, et les classes que le privé appelle relais avant qu’elles deviennent des jardins d’éveil, devraient entrer dans le subventionnement pour la rentrée : c’est sur les rails. Les CAF subventionneront en principe la part de chauffage, d’eau, d’électricité, le nettoyage, le matériel pédagogique et administratif, les personnels affectés à cet accueil et même la construction de locaux. Il ne serait ainsi pas onéreux du tout pour les Mairies d’assurer gratuitement cet accueil.
Devant leur carence, en attendant, le privé s’installe. Même la loi de séparation de l’église et de l’état qui interdisait les investissements sur fonds publics peut ici être tournée par l’utilisation des fonds publics sociaux des Caisses d’Allocation Familiales de notre Sécurité sociale.
Les propositions Tabarot (disponibles sur Internet), faites sur une commande du président de la République, prévoient un démarrage en septembre 2009. Un droit de garde opposable est en commande pour 2012 pour les 2 ou 3 ans, les familles pourront alors exiger les moyens de garde de leur Maire, qui risque de ne disposer que des réseaux privés pour y rabattre ses administrés. Il est clair qu’à terme, quand les CAF ne pourront plus payer, suite à des suppressions de cotisations sociales sur le travail, - les Mairies devront financer.
Il est prévu après 2012 d’étendre progressivement cet accueil aux plus petits, d’aller vers des solutions « crèche ». Tout cela risque fort d’exister plus dans des structures privées que dans des structures publiques.

Le piège est facile à déjouer : Nous avons tous un Maire, des Conseillers, de proximité. C’est sur ce terrain que nous pouvons provoquer un sursaut. N’oublions pas que le rapport Tabarot prône la mise en place de cet accueil dans les écoles maternelles. Mais il faut faire vite, la concurrence s’est préparée et a démarré.

Claude Barratier

5 - à lire, à voir ou à écouter

1 - La Crise : pourquoi en est-on arrivé là ? Comment en sortir ? de Michel Aglietta

édition Michalon, Paris, 2008

Michel Aglietta expose dans son livre, la Crise : pourquoi en est-on arrivé là ? Comment en sortir ? les causes aussi bien structurelles que conjoncturelles de la crise financière actuelle. Il propose également un certain nombre de mesures correctives, en vue, non pas d’empêcher, comme il précise, de nouvelles crises de l’économie capitaliste, tant elles lui sont consubstantielles, mais d’en atténuer les effets.

Selon l’auteur, les mécanismes des marchés financiers fonctionnent différemment des marchés des biens et des services, où le prix ajuste l’offre et la demande. Dans le premier marché, au contraire, l’offre et la demande se nourrissent mutuellement. Plus la valeur d’un actif financier (action ou obligation) monte, plus la demande d’achat de ce dernier monte également, et inversement.

C’est pourquoi, le rendement particulièrement élevé pendant plusieurs années des actifs financiers, auquel nous avons assisté, a incité les ménages aux Etats-Unis d’Amérique à s’endetter plus que de raison. De même que l’accroissement, plus rapide et sur une longue période du volume du crédit a augmenté considérablement la valeur des actifs financiers.

Crédits et actifs financiers ont été communément encouragés par un taux d’intérêt particulièrement bas (1 %), pratiqués par la Réserve fédérale états-unienne.

Cependant, expliquer ce phénomène inédit par le seul taux d’intérêt des crédits est selon notre économiste insuffisant, si l’on ne met pas au jour les dispositions appliqués à cet effet, depuis plusieurs années.

C’est ainsi qu’on a introduit dans les règles comptables des entreprises cotées en bourse, le principe mark to market. Désormais, la valeur d’un actif est estimée au jour le jour sur les marchés financiers. Le risque ne se voit alors pas, car le prix d’un actif apparaît toujours supérieur au montant de la dette contractée par l’emprunteur.

La seconde modification a trait au haut niveau de sophistication atteint par l’ingénierie financière, et à son mauvais usage.

C’est ainsi que les banques ont étendu les produits dérivés au crédit, selon le principe originate and distribute. Cela consiste à diluer les risques inhérents à toute créance, puis de les transférer à d’autres. Dans cette situation, un établissement financier rachète ses créances à la banque émettrice et les répartit en lots de 1 000 ou 2 000 créances. Chaque lot comprend, des créances classées selon le principe de subordination en trois catégories, conformément aux notes que des agences de notation leurs ont attribuées : les plus risqués, les moins risqués et les créances sûres. Elles sont ensuite transformées en titres financiers et revendues aux investisseurs institutionnels.

La banque en question, si elle gagne beaucoup d’argent, sans rien débourser, ne court pas moins de gros risques, dans le cas où l’emprunteur se trouve dans l’incapacité de rembourser son crédit. C’est ce qui est passé avec les subprimes. De son côté, la banque émettrice de ces créances, en vendant ces dernières, se déleste en même temps du risque que celles-ci comportent. Elle pense aussi qu’elle n’a plus rien à craindre, et donc plus besoin de capitaux de réserves, ni même un quelconque intérêt à bien évaluer le risque pour octroyer un crédit.

Autre modification : les banques n’étudient plus les risques d’une demande de crédit sur la base du dossier du demandeur, mais selon le principe « value-at-risk » (valeur en risque). Il s’agit d’évaluer statistiquement les probabilités de non-remboursement du crédit et le pourcentage de récupération du montant du crédit qui sera éventuellement octroyé.

Michel Aglietta avance ensuite un certain nombre de solutions à mettre impérativement en place.

Les établissements financiers de tous les pays devraient disposer, pour toutes les formes de crédits, de capitaux couvrant suffisamment les risques. Ils devraient également se doter d’un stock supplémentaire de capitaux, pendant les périodes d’essor économique (pro-cyclique) en vue d’y recourir durant les périodes de récession ou de dépression économique (contra-cyclique).

Il est selon lui de la plus haute importance que les paradis fiscaux se soumettent eux aussi à ces nouvelles règles. Dans le cas contraire, les Etats doivent interdire tout transfert de fonds vers ces lieux, afin de les « assécher ».

Il propose également de réglementer les produits dérivés de crédit, en les centralisant dans un marché secondaire, à l’instar de la bourse. Il sera ainsi possible de contrôler au jour le jour les prises de risques des divers opérateurs et de s’assurer que chaque position est bien couverte par des capitaux.

Quant aux agences de notation, qui se sont montrées plus que complaisantes avec les produits dérivés, l’unique alternative est de les transformer en organisme public. Elles sont en effet juges et parties dans la fabrication de ce genre de produits, étant donné que leur notation est constitutive de ces produis, et sans laquelle ce dernier ne pourrait exister. Ces notations sont d’autant plus biaisées, que ces agences sont rétribuées par les établissement financiers détenteurs de ce type de crédits.

Aglietta préconise aussi de réviser les modes d’attribution des bonus et des stocks-options. Le caractère asymétrique voulu de ces primes (privatisation des gains et mutualisation des pertes) incitent selon lui très souvent à la prise de risques inconsidérées.

C’est pourquoi, cette incitation doit être pondérée, en imposant aux intéressés une sorte de malus (remboursement du bonus), en cas de perte ultérieure à cause de l’opération précédemment récompensée. Il faudrait aussi élargir les délais avant d’attribuer d’un bonus, afin de pouvoir estimer convenablement les risques encourus par cette opération.

Les stock-options, que notre économiste considère comme « parfaitement anti-économiques », ne devront pas être cédés aux gestionnaires à un « prix d’exercice », c’est-à-dire à un prix bas fixé à l’avance, mais indexé à l’indice boursier. Ceux-ci ne devraient pas non plus en bénéficier avant 4 ou 5 ans, soit le temps nécessaire pour connaître les résultats de l’entreprise.

L’auteur propose enfin de modifier substantiellement, le rapport des forces à l’intérieur des banques entre le Conseil d’administration et le Conseil de direction. Ce changement doit rétablir le premier dans son rôle de contre-pouvoir.

Hakim Arabdiou

2 - Exposition d’aquarelles de Linda Bougherara : une débauche de couleurs

C’est à une débauche de couleurs, mariés avec un indéniable talent, que nous invite Linda Bougherara à la galerie parisienne Michèle Broutta[1]. Elle y expose, du 5 février au 14 mars prochain, sa cuvée 2008 : 41 toiles et 26 livres peints. Y figurent aussi le fruit d’un défi qu’elle s’était lancée : la peinture de plusieurs aquarelles géantes, à l’instar de Brume du désert, Songe subaquatique, Naissance d’un Iris, Hyppocampte, Arbre de vie, etc.

C’est, en revanche, la première fois que notre artiste peint des livres. Elle a usé de la même technique que ses tantes des Aurès, qui faisaient tremper des tapis dans des bacs de teintures, bien qu’il ne s’agissait pas de la même matière. C’est pour elle une façon aussi de rendre hommage à leur labeur et à leur art, car ce savoir-faire renvoie à leur sensibilité, et à leur mélange de couleurs.

Quant aux textes – Liberté de Z’hor Zerari, Jean-Christophe de Romain Rolland, A ceux qui veulent savoir de Malika Bougherara (consœur et sœur de l’artiste), A l’ombre de l’Islam d’Isabelle Eberhardt, De la colombe d’Ibn Khafâdja l’Andalou, des Maximes et des pensées de Gœth, Nuit de Tahar Bekri, et de bien d’autres – elle les avait conservés pendant vingt ans sans savoir réellement pourquoi. Peut-être les marirait-elle à ses peintures ? Le déclic fut provoqué par Michèle Broutta qui lui proposa d’exposer dans sa galerie, tout en lui précisant que sa spécialité était le livre.

L’envie lui est alors venue de fusionner les mots et la peinture, jusque-là dissociés. Ce n’est toutefois pas une reproduction de ces œuvres par la peinture, mais plutôt leur réinterprétation, au gré des émotions et des associations d’idées que leurs lectures avaient suscitées en elle. D’ailleurs, les modèles qu’elle peint proviennent de sont ressenti : ce sont ses impressions, ses souvenirs, ses coups de cœur qui la guident à la manière des surréalistes. C’est aussi une liberté accordée au visiteur de ressentir ou d’interpréter à sa guise chacune de ses aquarelles.

En effet, en arrière-plan de cette synergie de couleurs qui domine ses œuvres, des formes, des silhouettes se laissent deviner par le regard vagabond du visiteur : un corps de femme, un visage, une colline, une falaise, des nuages, la mer… Elle attache également une grande importance aux titres de ses toiles, tant ils sont une partie constitutive de l’œuvre qu’elle crée.

Fut un temps où l’intéressée a beaucoup travaillée sur la symbolique berbère : elle ne pouvait demeurer insensible aux atrocités que les terroristes islamistes commettaient en Algérie.

Mais l’aquarelliste s’en était peu à peu détachée, en faveur d’une expression plus personnelle. Peut-être était-ce pour mieux revenir, armée par l’expérience, et surtout avec un autre regard : celui de la maturité.

Cependant, elle ne souhaite pas être cataloguée artiste algérienne ou artiste femme. Son aspiration, on ne peut plus légitime, est d’être reconnue pour son travail. Bien sûr, elle est algérienne ; bien sûr, elle est femme. Mais cette étiquette est secondaire par rapport à l’objet d’art quel qu’il soit, puisque la beauté d’une œuvre est intrinsèque à l’œuvre elle-même. Ce n’est ni son sexe, ni sa nationalité qui ont fait de Van Gogh l’artiste qu’il a été, mais son génie. Ce qui compte pour elle, ce sont les moments de bonheur que ses toiles peuvent procurer à celles et à ceux qui les regardent.

C’est en janvier 2008 qu’elle a réalisé sa première grande exposition, à Fribourg-en-Brisgau (All.), sur invitation de l’Institut Morat : avec 96 tableaux ! Elle a tenu auparavant plusieurs expositions dans des galeries à Paris, à Thionville, à Angoulême, à Bruxelles... Son exposition actuelle à Paris est la deuxième de cette envergure. Notre artiste s’apprête aussi à réaliser une autre importante exposition, intitulée One+One, du 25 avril au 4 juin 2009, en compagnie de l’un de ses amis et confrère, Lionel Guibout, à Grande Finale, près de Colmar, en Alsace.
Elle a aussi exposé quelques-unes de ses toiles en décembre dernier dans l’espace Noûn, au centre d’Alger : une exposition quasi-improvisée, mais qui n’en fut pas moins un succès. A ce propos, elle aimerait bien retourner pour quelques mois en Algérie pour une retraite d’artiste. Elle a, à cet effet, frappé à quelques portes : notamment à celle de la Villa Abdelatif, mais n’a pas encore obtenu de réponse.

Linda Bougherara est née en 1966, à Alger. Enfant, elle était déjà fascinée par la préparation des teintures de la laine pour la confection de tapis et la décoration des porteries par ses tantes. C’était au cours des grandes vacances, qu’elle passait avec sa famille dans le village natal de ses parents, dans les Aurès, au cœur du pays du pays chaouï, dans l’est algérien.

Elle a commencé à peindre, tout naturellement, dès 14 ans. En dépit de l’avis contraire de sa famille (où tous ses frères et sœurs suivaient des études scientifiques) elle avait décidé puis réussi, en 1984, à l’âge 17 ans, à entrer sur concours à l’École nationale des Beaux-Arts. Elle en fut exclue deux ans plus tard, mais estime cependant n’avoir rien perdu : ses œuvres en témoignent.

C’est donc en autodidacte, avec force labeur et tenacité, qu’elle a parcouru ce si long chemin et produit un aussi beau résultat. Elle a atteint ce niveau en s’inspirant également de grands peintres en France, où elle vit depuis décembre 1990 avec son fils, Améies.

Notes

[1] Galerie Michèle Broutta, 31, rue des Bergers, Paris XVe.

Hakim Arabdiou

6 - Proche-Orient

1 - Shalom Arshav : Israel prevoit de doubler le nombre de colons en Cisjordanie

Selon un rapport de l’Observatoire de la colonisation de Shalom Arshav, Israël prévoirait le doublement du nombre de colons en Cisjordanie Ha’aretz, 2 mars 2009
Traduction : Gérard pour La Paix Maintenant

D’après un rapport publié aujourd’hui (lundi)[1] par le mouvement de gauche Shalom Arshav, le gouvernement projette de construire plus de 73 000 logements en Cisjordanie. Shalom Arshav estime que si tous ces logements sont construits, cela signifierait que le nombre total de colons ferait plus que doubler et que certaines colonies, dont les deux plus grandes, Ariel et Ma’aleh Adoumim, verraient leur taille doubler.

D’après ce rapport, la construction de 15 000 logements est déjà autorisée. 58 000 autres sont en attente. 5 722 logements planifiés concernent Jérusalem Est, environ 9 000 sont déjà construits Shalom Arshav affirme qu’avec le nouveau gouvernement de droite, il existe un réel danger que « l’expansion des colonies croisse rapidement, avec l’intention clairement affirmée de rendre impossible toute possibilité d’une solution à deux Etats. »

Le futur premier ministre Benjamin Netanyahou, du parti de droite Likoud, a exprimé son opposition à cette solution. Il a aussi déclaré que, si un gouvernement Likoud ne construirait pas de colonies, il laisserait enrevanche les colonies existantes croître de façon naturelle. Or, le rapport de Shalom Arshav affirme que 17 000 logements sont planifiés dans le Goush Etzion, près de Bethléem, à construire en dehors de colonies existantes.

Le rapport établit également que, parmi les logements prévus, 19 000 seraient construits au-delà du tracé de la clôture de séparation de Cisjordanie, y compris à Kiryat Arba et à Ariel. Le ministère de la construction et du logement a réagi au rapport en disant que « Shalom Arshav faisait beaucoup de bruit pour pas grand-chose. » Selon le ministère, les plans ne donnent qu’une idée générale de la construction dans les colonies et que les projets réels dépendraient des politiques de logement et de défense. Le député Yaakov Katz (Union nationale, extrême droite) a accueilli avec satisfaction la nouvelle selon laquelle Israël allait intensifier la construction dans les colonies de Cisjordanie : «  Nous allons faire tout ce qui est possible pour que les plans de Yariv (Oppenheimer, secrétaire général de Shalom Arshav) se réalisent. J’espère qu’avec l’aide de Dieu, cela se produira dans les prochaines années et qu’il n’y aura plus ici qu’un seul Etat. » Le parti Union nationale défend le programme d’une accélération de la construction dans les colonies dans le cadre d’un accord de coalition avec Netanyahou, et Katz fait partie des candidats au poste de ministre de la construction et du logement.

Depuis longtemps, l’expansion des colonies est une source de contentieux entre Israël et la communauté internationale, en particulier avec les Etats-Unis. L’administration Obama compte faire lourdement pression sur Israël pour qu’il gèle toute construction dans les colonies.

Notes

[1] Rapport complet sur le site de Shalom Arshav (en anglais): [charger le lien]

La Paix Maintenant www.lapaixmaintenant.org

7 - histoire

1 - Guerre d’Espagne : la nouvelle bataille de la mémoire

Il y a soixante-dix ans, avec le début de la Retirada, prenait fin la guerre civile. L’Axe fasciste et les politiques de non-intervention des démocraties occidentales assurèrent la victoire de Franco sur la république et l’installation d’un régime dictatorial durable et sans pitié.

Dans les premiers jours de février 1939 se déroula l’un des épisodes les plus noirs du XXe siècle : la fin chaotique de la guerre d’Espagne et la Retirada. Franco avait lancé l’attaque finale contre la Catalogne le 23 décembre 1938. L’étau n’avait cessé de se resserrer. La zone centre-sud (Madrid, Valence, Alicante) restait sous contrôle républicain. Épuisée, Barcelone tombe le 26 janvier 1939. Alors commence la Retirada, l’exode massif, et une répression impitoyable (10 000 assassinats) s’abat sur la capitale catalane. Le 5 février 1939, démissionnaire et démoralisé, le président Manuel Azaña s’exile en France. Comme le montre sa biographie[1], il ne croyait plus depuis longtemps à l’utilité de la résistance et s’opposa à la stratégie de non-renoncement de Juan Negrin et des communistes. Il meurt en exil à Montauban le 3 novembre 1940. Le gouvernement français avait depuis des mois lâché « les rouges », livrant la République aux forces ennemies.

La Retirada

Le 3 février 1939, le sénateur Léon Bérard (proche de Laval et de Pétain) se rendit à Burgos pour pactiser avec les factieux et préparer les accords Jordana-Bérard (25 février 1939) : remise aux franquistes de la partie de l’or de la République déposé à Mont-de-Marsan (or qui fut refusé en 1938 au gouvernement républicain) et du matériel militaire soviétique bloqué à la frontière. La pusillanimité des autorités françaises sur la question espagnole explique leurs tergiversations face au flot d’exilés, près de 500 000 en quelques jours, l’un des exils politiques et militaires les plus massifs et brefs du XXe siècle. Le ministre de l’Intérieur, Albert Sarraut, menaça même au Perthus de « renvoyer en Espagne les valides » ; un dispositif musclé et méprisant de filtrage frontalier accueille civils, blessés, combattants… Le gouvernement radical du président Daladier ouvre des camps appelés « de concentration » à même les plages de la Catalogne et du Roussillon. Maltraités, humiliés, les « rouges » sont parqués dans l’insalubrité et la précarité le plus total, entourés de barbelés et surveillés avec brutalité par des spahis et des tirailleurs sénégalais, qui rappellent aux Espagnols les « Maures » de Franco, des gardes mobiles, des gendarmes… Selon la charte de Nuremberg de 1945 (art. 6C), « le déplacement contraint de populations civiles » peut être assimilé à un crime contre l’humanité.

Au plan international, alors que l’axe fasciste contribua décisivement à la victoire de Franco, la « non-intervention » des puissances démocratiques fut en réalité très interventionniste : un « crime », dira le président Azaña ; il confiera à Jean Cassou : « Ce qui est en jeu ici, c’est aussi votre destin »[2]. L’historienne Annie Lacroix-Riz[3] montre combien et comment la France, ses élites économiques et politiques, ses militaires, sa cagoule, sa banque sacrifièrent la République espagnole. La plupart des travaux historiques récents prouvent l’hostilité occidentale, et surtout britannique, pour des raisons de classe, à la République espagnole. Le gouvernement Chamberlain et sa City jouèrent la carte Franco par intérêt géo-économique et anticommunisme. Derrière la politique « d’apaisement » se cache la peur du communisme (un danger inexistant en Espagne et auquel personne ne croyait), instrumentalisé pour isoler Madrid et consolider Franco.

De retour à la présidence du Conseil en avril 1938, Daladier met en place des dispositifs d’exclusion par rapport aux étrangers et aux « indésirables ». Bonnet, patron du Quai d’Orsay, écrit dans une dépêche que la France « accueillerait avec plaisir tout régime d’ordre[4] en Espagne », et ce malgré les appels permanents à l’aide du chef du gouvernement républicain Juan Negrin[5]. Une biographie récente[6] démonte la légende noire d’un Negrin inféodé à Staline et explicite le rôle éminent de ce social-démocrate dans la lutte contre les fascistes. Il était convaincu que le conflit mondial allait éclater à l’été 1939. En novembre 1938, il demanda une aide plus massive à l’URSS et l’obtint très rapidement[7]. Angel Viñas, par un remarquable travail d’archives, établit que l’URSS fut bien « le pilier extérieur fondamental de la résistance espagnole »[8]. Cette aide fut cependant assombrie par les exactions des agents du NKVD

La Junte de Casado

La guerre se termina par un coup d’État (le 5 mars 1939) de responsables politiques et militaires socialistes et anarchistes (Casado, Besteiro, Cipriano Mera…) et la mise en place d’une Junte nationale de défense, contre le gouvernement Negrin. Le 6 mars commencent les arrestations de communistes ; beaucoup, emprisonnés, seront fusillés par Franco lorsqu’il entrera dans la capitale (27 mars 1939). Les putschistes pensaient que « s’ils sauvaient l’Espagne du communisme, Franco accepterait une "paix négociée" et qu’il les traiterait avec une plus grande bienveillance »[9], mais ce dernier exigea la « reddition immédiate, totale et inconditionnelle »[10]. La trahison précipita l’effondrement républicain et rendit quasi impossible l’évacuation des militaires et des civils pris au piège dans la zone centre-sud. Contrairement au mythe de la propagande franquiste quant à « la neutralité » de l’Espagne, le dictateur s’aligna aux côtés de l’axe et crut jusqu’au dernier moment à la victoire d’Hitler. Franco savait que le futur de son régime dépendait des Alliés… qui s’arrêtèrent aux Pyrénées.

Le 1er avril 1939, le général Franco avait proclamé : « La guerre a pris fin », « l’Armée rouge est prisonnière et désarmée ». Le pape salua la « victoire catholique » des franquistes. Elle fit basculer le rapport des forces international en faveur de l’axe. Hitler poursuivait en Espagne une stratégie militaro-politique d’expansionnisme, d’affaiblissement des démocraties, d’isolement de l’URSS et de domination du monde. En s’opposant à Hitler, Franco et Mussolini, les républicains espagnols et les brigadistes avaient conscience de la nature de l’enjeu principal : démocratie, fascisme ; asservissement, émancipation. Ils mettaient en œuvre des valeurs de république universelle et sociale, de solidarité internationale des exploités.

Franco, quant à lui, poursuivait des objectifs politiques à long terme d’anéantissement des républicains. Après le soulèvement militaire, prit le relais une entreprise d’extermination. Jusqu’à sa mort, le 20 novembre 1975, Franco gouverna d’une main de fer, au nom des vainqueurs, contre les vaincus, comme le chef d’une armée d’occupation ; il appliqua les schémas du soulèvement militaire : la « croisade » contre le marxisme, les infidèles, « l’anti-Espagne ». L’oligarchie financière et économique, la banque, l’Église, l’armée portèrent le régime dictatorial jusqu’au bout.

De nouveaux combats aujourd’hui

Cette nature terroriste du franquisme, le juge Garzon vient de l’entériner dans son ordonnance du 16 octobre 2008 ; il se déclare « compétent » pour instruire les crimes de masse du fascisme espagnol. Pour ce juge emblématique, la responsabilité des uns dans la tragédie est sans commune mesure avec celle des autres, contrairement au révisionniste « renvoi dos à dos ». Garzon évoque « un plan préconçu de terreur », un « programme systématique d’extermination »[11]. Son ordonnance stipule que « l’insurrection armée fut une décision parfaitement planifiée, destinée à anéantir la forme de gouvernement de l’Espagne »[12]. Les plus de 130 000 disparus républicains relèvent de « crimes contre l’humanité » ; de même que les quelque 30 000 enfants (orphelins ou pas) volés par le franquisme à leurs familles républicaines et donnés en adoption à des proches du régime, ou enfermés et « rééduqués » dans les « centres sociaux » de l’Église et de la Phalange[13]. Le positionnement courageux du juge lui attira les foudres de l’appareil judiciaire, instrumentalisé par les forces politiques du « consensus » (Parti populaire, Parti socialiste ouvrier espagnol). Le juge dut s’auto-dessaisir le 18 novembre, avant que de l’être par ses pairs. Les héritiers du franquisme : l’Église, le Parti populaire… transformèrent leurs attaques en lynchage médiatique. Le très réactionnaire président de la Conférence épiscopale, Mgr Rouco, accusa Garzon de « rouvrir de vieilles blessures ». Sempiternelle antienne. Les néofranquistes s’accommodent mal de la vérité historique et d’un mouvement de « récupération de la mémoire républicaine espagnole », qui ne cesse de s’amplifier depuis dix ans. Soixante-dix ans après, la guerre d’Espagne exerce une fascination toujours renouvelée et structure la vie politique dans ses affrontements. Le matraquage idéologique des quarante ans de dictature pèse encore beaucoup, bien au-delà du poids politique de la droite. Ses cendres sont avivées en permanence par les dirigeants de la droite et la hiérarchie de l’Église.

L’histoire de la guerre civile est l’objet depuis vingt ans d’un fort courant révisionniste face au renouvellement des approches suscité par la pertinence des recherches historiques et le travail mémoriel, mais il sera difficile d’arrêter l’exigence de justice et de vérité. Les républicains ont perdu la guerre : ils sont en train de gagner la bataille de la mémoire et de l’histoire.

Notes

[1] Vida y tiempo de Manuel Azaña, 1880-1940, de Santos Julia. Madrid. Éditions Taurus, 2008.

[2] Vida y tiempo de Manuel Azaña, 1880-1940, de Santos Julia. Madrid. Éditions Taurus, 2008.

[3] De Munich à Vichy, d’Annie Lacroix-Riz. Paris. Éditions Armand Colin, 2008.

[4] Dépêche A 32 36 Welczeck, Paris, 10 avril 1938 DGFD, D, II, p. 548.

[5] El honor de la Republica, Angel Viña. Barcelone. Éditions Critica, 2009, p. 449.

[6] Juan Negrin, medico, socialista y jefe del gobierno de la IIa Republica espanola, de Gabriel Jackson. Barcelone. Éditions Critica, 2008.

[7] El honor de la Republica, Angel Viña. Barcelone. Éditions Critica, 2009, p. 449.

[8] El honor de la Republica, Angel Viña. Barcelone. Éditions Critica, 2009, p. 449.

[9] La Guerre civile espagnole, de Paul Preston. Madrid. Éditions Debate, 2006, p. 303.

[10] Por que perdimos la guerra, de Carlos Rojas. Barcelone. Éditions Planeta, 2006, p. 22.

[11] El Pais, Madrid, 17 octobre 2008.

[12] El Pais, Madrid, 17 octobre 2008.

[13] Benjamin Prado dans El Pais, Madrid, 16 janvier 2009.

Jean Ortiz maître de conférences, université de Pau

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