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ReSPUBLICA, le journal de la gauche républicaine

n°611 - jeudi 12 mars 2009

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1 - chronique d'Evariste

1 - Contrôler sous couvert de sécurité

Depuis sa mise en place, internet ne cesse de se développer à vitesse grand V. Il était inévitable que son existence intéresse le politique, tôt ou tard. De tout temps, la communication a été importante dans nombre de régimes politiques. Cette préoccupation vient du fait qu’une norme de vie et une vision de la société passent par l’image que l’on en donne, mais également par l’information qui y circule et qui a le droit de produire cette information. Or, Internet est le moyen de circulation de l’information le plus puissant jamais mis en place par l’humanité, ses surnoms de « toile », de « réseau », sont certainement les plus proches de la réalité matérielle.

Internet compte !

La campagne du référendum de 2005 a été le coup de tonnerre qui montra, en France, l’efficacité qu’un tel réseau peut produire en terme de résistance et de combat politique. Que l’on ne s’y trompe pas : les lois de contrôle d’Internet, avec notamment la mise en place d’une autorité administrative pour décider de qui est coupable du mauvais usage d’Internet, montre la volonté du pouvoir en place de s’immiscer dans la circulation et la production de l’information. Comme pour le fichier EDVIGE, sensé nous protéger, le contrôle des flux sur Internet a pour but officiel de protéger les auteurs contre la violation des droits d’auteurs. Mais comment se fait-il que l’autorité qui décidera de la culpabilité d’un internaute ne relève pas des juges, seuls habilités à rendre la justice ? Pourquoi cette autorité est-elle placée sous le contrôle direct du gouvernement ? Pourquoi mettre des logiciels espions pour filtrer, relever et tracer les téléchargements des usagers d’internet ? Sachant qu’absolument tout sur internet n’est qu’envois et téléchargements... Le gouvernement met en place une énorme machine à regarder, scruter, tracer, surveiller... tout cela sans l’intervention de la justice. Encore une fois : la « présomption d’innocence » cède la place à la «  présomption de culpabilité  ». tout un symbole...
Mieux, la vision sécuritaire de ces phobocrates vient jusque dans la législation : tout internaute est dans l’obligation de sécuriser son accès à internet ! Autant dire que tout citoyen est dans l’obligation de mettre une caméra de surveillance à sa porte d’entrée. S’il ne le fait pas, il encourt des sanctions. Bien entendu, contourner ces systèmes se fait sans grands problèmes, mais le citoyen dont la connexion aura servi malgré lui à un usage illicite sera condamné. C’est donc encore sa culture et ses valeurs de vie que le libéralisme anglo-saxon tente de faire passer pour une «  normalité  » : instaurer la méfiance, la crainte, l’angoisse jusque chez soi. Peindre le voisin avec l’a priori d’un « criminel potentiel », utilisant son savoir faire au détriment d’un « honnête citoyen! ». Encore et toujours : l’atomisation sociale, l’autre comme un danger, autrui comme un agresseur. Nous sommes sur des logiques parfaitement orthogonales à celle du Pacte Républicain qui se fonde sur la culture de la confiance, de l’entraide, de la politesse, de la solidarité, de la conscience d’un avenir commun : l’autre est celui avec lequel je garantis ma souveraineté ; l’autre est a priori digne de confiance ; l’autre est différent, mais il est un partenaire pour le cadre de vie qui me garantit, entre autres, ma liberté, mon égalité des droits et une existence personnelle sereine.

Internet a une vocation civilisationnelle

Notre culture nous a habitué à considérer qu’un média coûte cher, et l’exemple de la télévision est de très loin le plus emblématique. La radio a des coûts de production beaucoup moins élevés, mais constatons que le passage obligatoire au numérique va obliger une grande majorité des radios locales à clore l’antenne. Ne resterons alors que les grandes radios bien implantées dans le système. Tout cet héritage nous a transmis l’image qu’un média est hors de portée du citoyen ordinaire, qu’il échappe à son contrôle et qu’il ne pourra jamais que le « recevoir » (le terme est important !). Et c’est précisément cela qu’Internet est venu bouleverser : Pour la première fois, un média, c’est à dire un moyen de communication, offre la possibilité à pratiquement tous les citoyens de ne plus seulement « recevoir », mais aussi de « produire » du message ! De l’envoyer, de l’écrire, de le lire, de choisir de le transmettre, ou non ! L’information, l’analyse, la production, ne sont plus l’apanage des seules grandes institutions hors de portée directe du citoyen. Ce fait est une révolution conceptuelle énorme ! Sans précédents ! Politiquement, la campagne de 2005 a montré la puissance du réseau Internet dans sa capacité à distribuer l’information, à échanger, à mettre à disposition des autres, à permettre les collaborations et les mises en commun. Culturellement, Internet est en passe de révolutionner les maisons de production, les grands réseaux de distribution, les grandes entreprises de la « production culturelle » qui décident si, oui ou non, « une personne est un artiste », donc s’il a droit à une campagne de publicité, des passages sur les ondes et sur les plateaux télé, etc. Bien entendu, sur le plan de la culture, tout est à faire pour doter les artistes de garanties afin de pouvoir vivre de leurs productions, mais force est de constater que la révolution que représente Internet dépasse de très loin le simple problème des droits d’auteur. Derrière la législation de la Ministre de la Culture, il y a une véritable pensée politique qui lutte contre cette démocratisation à la production, contre la liberté de l’échange, contre la possibilité pour tous les citoyens d’avoir accès à quantité de ressources et d’en produire à destination des autres. Il eut été tellement facile et simple de faire payer une redevance au téléchargement pour assurer les droits d’auteurs ! La mise en place de ces lois de contrôle vise la survie de l’ancien monde, celui des médias et de la production dans les mains de quelques personnes qui refusent de perdre leur hégémonie sur les individus.

Au delà du simple média : le changement de société

Plus qu’un simple média, Internet met en évidence comment le monde d’hier, des trente glorieuses, du productivisme, de l’accumulation des biens, menacé de disparition, tente de survivre en imposant son existence par la dérive vers une culture et des valeurs de vie de plus en plus sécuritaires, anxiogènes et liberticides. La crise actuelle – notre crise ! – est une crise systémique. Aucun plan de relance, keynésien ou non, ne pourra combler le gouffre immense et la dette accumulée par la civilisation fondée sur le libéralisme anglo-saxon. Cette crise va mettre un terme à un système que ses tenants veulent maintenir coûte que coûte, quitte à plonger la société dans l’autoritarisme, le liberticide et le capitalisme d’état. Et tel sera notre grand danger ! Le choix que nous avons à travailler et à construire : Ne pas glisser vers ce capitalisme d’état sécuritaire qui tentera de nous séduire, mais proposer une vraie rupture civilisationnelle. Rompre avec la civilisation du productivisme, de la « valeur-travail », de la perte de «  temps de vie  », du gaspillage. Aller vers plus de libertés et de possibilités dans les échanges et la création, vers plus d’égalités, réapprendre à vivre autrement qu’en accumulant, goûter qu’un plaisir durable vient des activités personnelles, des échanges et de la création, et non pas d’une consommation tentant de remédier à un mal être viscéralement constitutif de cette civilisation de l’accumulation. Ce complet changement de paradigme, la tradition de la gauche du XXIème siècle doit le prendre, l’embrasser dans sa globalité, pour porter le projet de la civilisation ce qui sera à construire au delà de cette crise.

Évariste Pour réagir aux articles,
écrire à evariste@gaucherepublicaine.org

2 - politique française

1 - HADOPI : Albanel et l'UMP rament à contre-courant de l'Histoire.

La loi « Création et Internet » instaurant la « riposte graduée » contre les internautes amateurs de culture est vouée à l’échec. Cette loi, au lieu de prévoir une nécessaire adaptation du Droit d’auteur aux nouveaux usages permis par le réseau, révèle la méconnaissance profonde des enjeux du numérique du gouvernement. HADOPI, par sa vision répressive et paternaliste d’Internet, associe la ministre Albanel et les députés qui la voteront aux erreurs stratégiques d’industries vieillissantes, et les emmène droit dans le même mur.

« À l’image de ces industries du divertissement trop attachées à leurs modèles dépassés pour se renouveler, la ministre Albanel s’entête et se livre à un déni de réalité. Mme Albanel veut punir le partage, au profit - hypothétique - d’une culture industrialisée. La HADOPI, sorte de monstrueuse usine à gaz, et les procédures kafkaïennes qu’elle intentera contre les internautes incapables de prouver leur innocence, est vouée à l’échec. » déclare Jérémie Zimmermann, porte-parole de La Quadrature du Net. « Cette loi sera obsolète le jour de son vote. »

Avant même le début des débats, et à l’exception des industries qui en sont à l’origine, ce texte fait l’unanimité contre lui. En plus du Conseil d’État[1], du Parlement européen[2], de la Commission européenne, de la CNIL[3], de l’ARCEP[4], de l’UFC-Que Choisir[5], de l’April[6], de l’ISOC[7], de l’ASIC[8], de l’AFA[9], du Contrôleur européen de la protection des données[10], des « cinq gus dans un garage »[11] de la Quadrature du Net, de la quasi-totalité des commentaires sur le blog officiel de l’UMP[12] [13], c’est un sondage de 01Net[14] qui confirme désormais cette triste réalité.

De nombreuses études démontrent aujourd’hui que les internautes partageurs sont ceux qui achètent le plus[15] et que le partage d’œuvres est bénéfique à l’ensemble de l’économie de la création. Cela semble aujourd’hui confirmé par les records d’entrées en salle de cinéma de l’année 2008[16], et les excellents résultats d’Universal Music[17]. Les pistes de réflexion pour le futur de la création semblent donc claires :

« Chacun doit continuer d’informer ses élus sur ces enjeux structurants pour l’avenir de nos sociétés. Au-delà de cette loi, il s’agit de la perception des technologies numériques et de leur intégration dans une politique tournée vers le futur, et non dictée par quelques industries du passé. À défaut de rejeter cette loi absurde, réaction des nouveaux moines copistes contre l’inévitable révolution numérique, les débats à l’Assemblée permettront de préparer l’après-HADOPI. », conclut Zimmermann.

Notes

[1] [charger le lien]

[2] [charger le lien]

[3] [charger le lien]

[4] [charger le lien]

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[6] [charger le lien]

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[10] [charger le lien]

[11] [charger le lien]

[12] [charger le lien]

[13] Voir aussi, le blog de Christian Vanneste, rapporteur sur la précédente loi réprimant le partage d'œuvres sur Internet (DADVSI), qui confesse au Figaro « J'ai été bon petit soldat la dernière fois. Là, ca va trop loin ! » :[charger le lien].

[14] Voir l'analyse de ce sondage : [charger le lien].

[15] Voir en particulier une étude sur les pratiques de consommation de vidéos sur Internet du M@rsouin : [charger le lien] ou une étude de 2007 commissionnée par le gouvernement canadien, démontre que les utilisateurs de logiciels peer-to-peer achètent plus de musique que ceux qui n’échangent pas :[charger le lien]. [charger le lien] dresse un panorama des multiples études indépendantes confirmant ceci.

[16] Alors qu'il y a quelques mois l'industrie du cinéma pleurait à son déclin imminent contre lequel HADOPI était la seule solution !

[17] [charger le lien]

[18] Aux 6.7M€/an budgettés pour la HADOPI, s'ajoutent 70M€ pour les FAI selon Les Echos : [charger le lien]

[19] [charger le lien]

[20] Comme le prouve l'exemple de Nine Inch Nails : [charger le lien].

Voir cet article sur son site d'origine

La Quadrature Du Net www.laquadrature.net

2 - APPEL HADOPI : «black-out» du Net français

Devant le ridicule d'un gouvernement qui s'entête à vouloir déconnecter du Net des familles entières sans preuves valables ni procès, la Quadrature appelle les citoyens épris de liberté à procéder au « black-out » de leurs sites, blogs, profils, avatars, etc.
Comme en Nouvelle-Zélande, seul pays avec la France où la « riposte graduée » devait être imposée par la loi, pour finalement être repoussée : pour protester contre cette loi imbécile et sa « liste blanche » de sites autorisés, le Net français doit agir et se draper de noir.

La Nouvelle-Zélande était à ce jour le seul autre pays à part la France où devait être votée une loi aussi stupide que la « riposte graduée » voulue par N. Sarkozy, défendue par C. Albanel dans la loi HADOPI, et bientôt votée à l’Assemblée nationale. Elle vient d’être repoussée grâce à une mobilisation massive, durant laquelle le web néo-zélandais a procédé à son « black-out » volontaire.

« C’est un signal fort qui illustre la bêtise et la dangerosité de cette loi. La "riposte graduée" fera condamner des innocents, sans preuve valable et sans procès. Elle ne fera pas gagner un centime de plus aux artistes et ne changera rien aux problèmes stratégiques et structurels à l’origine de la crise que traversent les industries qui la demandent. » déclare Jérémie Zimmermann, porte-parole de La Quadrature du Net. « Pour aller au bout de cette logique répressive, le gouvernement a déclaré qu’il imposerait de filtrer tous les accès wi-fi publics à une "liste blanche"[1] de sites autorisés. Cela n’a pas de sens. Il faut réagir en montrant l’immensité de ce web décidé à ne pas devenir définitivement noir. »

La Quadrature invite tous ses soutiens, individus et collectifs, à :

« Cet appel est un hommage rendu aux citoyens néo-zélandais qui ont pu faire entendre la raison à leur gouvernement. Il s’agit d’un remix, d’une réappropriation d’une idée qui, comme la culture, n’existe que pour être partagée. Ce sont ceux qui traitent leurs clients de " pirates " et les députés qui votent leurs lois qu’il faudrait déconnecter ! »[7]

« Le Net s’est fait pour et par ses utilisateurs. Quelques entreprises archaïques et les politiciens qui tentent de le contrôler n’ont toujours pas compris comment fonctionnait le Net. Tous ensemble nous sommes infiniment plus intelligents et puissants qu’eux et devons le leur montrer, agir pour protéger nos libertés et l’architecture ouverte du réseau. » conclut Zimmermann, légèrement courroucé.

Notes

[1] Voir à ce sujet : Riposte graduée: une "liste blanche" annonce les heures sombres d'Internet en France - [charger le lien]

[2] Les images sont disponibles ici: [charger le lien]. Plus d'informations sur la page wiki du « black-out » : [charger le lien]

[3] Chacun est invité à publier ses messages sur une page wiki dédiée : [charger le lien]

[4] [charger le lien]

[5] L'outil Mémoire Poltique est disponible pour trouver les coordonnées de son député ainsi que ses prises de position, notamment sur la loi DADVSI: [charger le lien]. Une page d'aide sur comment contacter son député est également en cours d'amélioration : [charger le lien]

[6] Le dossier est disponible ici : [charger le lien] , ainsi qu'une note de synthèse de deux pages : [charger le lien]

[7] Même les militants de l'UMP rejettent massivement cette loi d'un autre âge : [charger le lien] !

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La Quadrature Du Net www.laquadrature.net

3 - La victoire des Guadeloupéennes et des Guadeloupéens en appelle d'autres: Facez à Sarkozy et au MEDEF, amplifions la mobilisation

90.000 chômeurs de plus le mois dernier, 350.000 supplémentaires déjà pronostiqués par les statistiques officielles, pas une semaine sans l'annonce de nouveaux plans de licenciements...

Chaque jour qui passe confirme l'ampleur et la gravité de la crise qui pèsent sur la population à commencer par les salariés du public et du privé, les chômeurs et les retraités.

Chaque jour qui passe confirme aussi le danger qu'il y aurait à laisser se poursuivre la mise en œuvre des choix du gouvernement actuel qui, loin de combattre les racines de cette crise, continue au contraire de l'alimenter, continue de nous la faire payer et s'enfonce dans une dérive autoritaire pour imposer ses choix !

L'argent, par milliards d'euros, continue de circuler à sens unique: tout pour les financiers et les grands patrons, les miettes pour le monde du travail !

Les robinets sont grands ouverts pour éponger les pertes des Caisses d'Epargne et des Banques populaires sur les marchés financiers spéculatifs et financer leur fusion en nommant un PDG sous contrôle de l'Elysée. Ils le sont encore pour renflouer les groupes automobiles en les laissant continuer à licencier et à développer le chômage partiel (20000 suppressions d'emplois annoncées!). Mais ils sont fermés pour l'université et la recherche, l'hôpital et la santé, le logement social, les salaires et les retraites, l'ensemble des services publics.

Cela suffit! C'est socialement intolérable, économiquement inefficace et politiquement inadmissible.

Ce n'est pas au monde du travail, à la population de payer la crise! La journée du 29 janvier comme le mouvement aux Antilles, en Guyane et à la Réunion portent clairement ce message et l'exigence d'un changement de cap, notamment sur les questions des salaires, de l'emploi et des services publics.

Les mobilisations imposent de premiers reculs au gouvernement.

Nous saluons la victoire des Guadeloupéens notamment sur l'augmentation de 200 euros pour les bas salaires et sur les mesures contre la vie chère. Nous saluons le mouvement à l'université qui a obtenu le gel, pour deux ans, des suppressions de postes d'enseignants-chercheurs.

Plus légitime que jamais, l'exigence de choix politiques, économiques, écologiques et sociaux différents grandit dans le pays, en Europe et dans le monde. Elle conteste et combat les logiques de la mondialisation capitaliste, les appétits de profits et de rendements financiers exorbitants et la mise en concurrence basée sur le dumping social et fiscal.

Des mobilisations importantes continuent de se déployer et de se renforcer. C'est vrai dans l'université, la recherche, la santé, la poste et d'autres secteurs publics. C'est vrai dans de très nombreuses entreprises privées où les plans de licenciement, de chômage partiel et de compression salariale frappent quotidiennement. Tout cela confirme le besoin d'unité pour construire le rapport de force le plus large.

Si la grève en Guadeloupe a fini par être entendue, la surdité du Président de la République, du gouvernement et du Medef à l'égard des revendications que la journée d'action unitaire du 29 janvier et les grèves dans l'ensemble des Antilles et à l'ile de la Réunion ont portées, continue.

Dans ces conditions, les organisations syndicales ont unanimement confirmé la tenue d'une grande journée de grèves et de manifestations le 19 mars prochain.

Conscientes que l'unité est une force essentielle face à l'obstination gouvernementale et patronale, comme le montre le mouvement des Antilles, les organisations de gauche signataires de ce texte appellent à soutenir et à amplifier ces mobilisations, à réussir le 19 mars une très grande journée de protestation et de propositions, plus forte encore que celle du 29 janvier.

Elles souhaitent contribuer, dans la diversité de leurs positions, à amplifier dans ces mouvements, le débat et l'action sur les nouveaux choix politiques alternatifs aux logiques actuelles nécessaires et utiles pour répondre aux mobilisations sociales.

Cela concerne notamment l'opposition aux suppressions d'emplois et à la précarisation, dans le privé comme dans le secteur public, l'augmentation des salaires, du SMIC, des minimas sociaux et des retraites; la défense et le développement des services et de l'emploi publics; la réorientation des richesses du pays vers le développement de productions et de services susceptibles d'engager notre pays dans un tout autre mode de développement fondé sur la satisfaction des besoins sociaux dans le respect des équilibres écologiques.

Signataires:
Les Alternatifs, le NPA, le PCF, le PCOF, Gauche Unitaire, le Parti de gauche, le PS, le MRC , La Fédération, la Coordination nationale des collectifs unitaires (CNCU), Alternative Démocratie Socialisme (ADS), Alter-Ekolos-Ecologie Solidaire

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Le Parti De Gauche www.LePartideGauche.fr

4 - Le Front de gauche au Zénith: passage réussi !

Près de 6.000 personnes se sont réunies au Zénith à Paris. Disons-le tout de suite, ce fut un lancement réussi.
D'autant plus que Christian Piquet, ancien dirigeant minoritaire de la LCR et du NPA, a annoncé en fin de meeting que la Gauche unitaire (GU) rejoignait le Front de gauche.

Gisèle Halimi a démarré avec sa proposition de clause de la législation la plus avancée sur chaque domaine touchent les femmes (congé parental suédois, législation contre les violences faites aux femmes en Espagne, etc.) Safia Lebdi, ex-fondatrice de Ni Putes, Ni Soumises, et actuellement responsable des Insoumises a fait un discours très apprécié sur la nécessité de lier le bouclier social, le bouclier laïque et le bouclier féministe pour toute avancée émancipatrice.

Puis vinrent les prises de parole des mouvements sociaux où les communistes ont montré qu'ils étaient encore bien implantés dans le syndicalisme notamment CGT.
Le représentant du LKP guadeloupéen a eu droit à une ovation grandiose. La parole fut donnée à Nina Sankari, une laïque polonaise qui fit une prestation remarquée. Puis vinrent les deux têtes de listes pour la région parisienne Patrick le Hyaric, directeur de l' Humanité et Raquel Garrido du Parti de Gauche. Puis Francis Wurtz, actuel président de la Gauche unie européenne, qui a décidé de ne pas se représenter.
Jean-Luc Mélenchon et Marie-Georges Buffet finissant ce meeting en fanfare avant la Marseillaise suivie de l' Internationale.

Maintenant, la question est de savoir si le nouveau Front de gauche va réussir de la même façon dans toutes les communes et tous les cantons. Pas si simple pour des formations politiques qui ne se connaissaient pas hier. Mais l'enthousiasme y était.

Jérôme Manouchian

5 - Être à la hauteur de l'enjeu du PG impose le franc parler, imposer de lever les tabous !

La création du Parti de Gauche et la dynamique du Front de Gauche pour les élections européennes sont des bonnes nouvelles et je suis heureux que Respublica les ait saluées comme telles. Les adhésions nombreuses, notamment de personnes qui n'étaient pas encartés auparavant, en sont une autre qui démontre qu'il y avait bien un vide dans le paysage politique français, ce que nous ne cessons d'affirmer depuis plusieurs années. L'enthousiasme qui règne dans les comités est de bon augure, de même que la réussite des premiers meetings à Frontignan, Marseille et au Zénith.
Mais parce qu'un échec serait un coup très dur porté à l'espoir qu'une autre politique est possible, parce que la situation sociale dramatique dans laquelle s'enfonce notre pays impose d'être à la hauteur, le franc-parler est de rigueur et les tabous doivent être bannis.

Alors, parlons franc !
La multiplicité des candidatures pour figurer sur les listes aux européennes a de quoi surprendre. Comment se fait-il en effet que tant de militants se pressent pour avoir leur photo sur une affiche et leur nom sur un bulletin de vote alors même que nous débutons tout juste la construction d’un parti politique dont seul le projet politique compte ? Quand l’heure des arbitrages arrivera, quel sera le niveau de rancœur pour les uns, de dégoût des pratiques qu’ils ont refusé ou fui pour les autres ?
Distribuer des tracts lors des manifestations et publier des communiqués de presse sont des pratiques incontournables, mais se limiter à ces pratiques ne permettra jamais d’être dans le mouvement social comme un poisson dans l’eau. Or, c’est à l’heure actuelle une nécessité aussi bien principielle que stratégique.
Par ailleurs, quand la discrimination – fût-elle positive ! – est imposée avec une telle rigueur, écartée de tout débat, on ne peut se sentir que mal à l’aise... et c’est peu dire. Je veux parler de la parité, imposée tel un dogme qui ne saurait être remis en question. La sous représentation de certains comités, la promotion de certaines partisanes « à l’insu de leur plein gré », voilà une bien curieuse conception des pratiques démocratiques.
Enfin, permettre d’emblée les tendances dans les statuts est en totale contradiction avec la démarche de rassembler le peuple de la gauche républicaine et sociale pour construire un projet à vocation majoritaire, ou alors je n’ai rien compris !

Alors, levons les tabous !
Tout observateur extérieur, quel qu’il soit, aura remarqué que la protection sociale est LA grande absente des thèmes et propositions du PG alors qu’elle est la préoccupation première des français. Pas d’analyse, pas de propositions, pas de réaction alors qu’une contre-réforme majeure de notre système de santé solidaire est en discussion en ce moment même au parlement.
Pour les européennes, proposer « une autre Europe » correspond-il vraiment aux attentes des sympathisants de la gauche républicaine, sociale et laïque ? Pourquoi ne serait-il pas permis de mettre en débat l’idée même d’Union Européenne, construction anti-nationiste aussi bien qu’anti-internationaliste ?
Dire que la crise impose de changer de modèle économique n’apporte rien si on ne fait pas des propositions concrètes. Et ces propositions doivent tenir compte de l’environnement mondial, des résistances de ceux qui protègent les intérêts des puissants, de l’énergie cinétique résiduelle de la grosse TINA. Certes, il est difficile pour une génération formée pendant les trente glorieuses de changer de paradigme pour construire un projet qui intègre l’écologie politique et qui offre une alternative au capitalisme financiarisé, mais cette tradition doit-elle l’emporter face aux impératifs ? Les générations futures doivent-elles payer le prix écologique au nom d’une tradition politique aujourd’hui dépassée ?
Toutes ces questions doivent être posées ouvertement, car elles sont autant de fondations pour tous ceux qui veulent croire dans le renouveau de la République sociale et laïque, et non pas en une énième aventure de militants post-trotskistes en rupture de ban. Osons le franc-parler, sans tabou : Le PG est l’opportunité de construire une nouvelle tradition de gauche, c’est à dire de porter de nouveaux espoirs, de nouveaux horizons.

Christian Gaudray

3 - santé

1 - Du bonapartisme social

Il y a plusieurs projets de société possibles. Nous avons connu le capitalisme concurrentiel pur et dur. Nous avons connu le modèle mixte, qui met en concurrence services publics étatisés et secteur privé. Nous avons connu le communisme soviétique. Nous connaissons maintenant la globalisation financière qui soumet toutes les activités humaines à la privatisation et à la marchandisation.
L’UFAL ne cesse de défendre la logique des services publics qui peuvent encore échapper à cette logique ultralibérale (l’enseignement, le service postal, l’eau…) en particulier à l’égard des prétendues obligations dictées par la Commission européenne et de dénoncer les reculs de la démocratie sociale. Or, avant même de se défier des règles communautaires, ne faut-il pas se défier d’anticipations nationales participant de cette même logique (de même que sous l’Occupation un régime de collaboration allait au-delà de ce qui lui était strictement demandé…) ? C’est pourquoi il et nécessaire de rentrer dans une analyse hic et nunc des politiques du moment.

Prenons aujourd’hui la création des Agences régionales de santé (ARS) dans le cadre de la loi « Hôpital, Patient, Santé, Territoires » (HPST, dite loi Bachelot), pour montrer comment le néolibéralisme est en passe de se doubler de ce qu'il faut bien appeler un « bonapartisme social », qui va développer sa propre bureaucratie. On lira par ailleurs le texte de Bernard Teper (A propos de la loi Bachelot : La droite opte pour le passage à un régime autoritaire) qui détaille l’analyse du secteur Santé-Protection sociale de l’UFAL sur le projet de loi en question.

La mise en place des ARS parachève la destruction de la démocratie sanitaire et sociale
Force est de constater que le débat sur l'opportunité des ARS est tabou dans de nombreux partis de gauche. L'atteste le silence de certaines organisations politiques de gauche qui n'ont pas pris un parti clair contre cette proposition figurant dans la loi Bachelot. Ce silence gêné s'explique sans doute par le fait que le projet des ARS a aussi des adeptes à gauche.
Certains pensent en toute bonne foi que la régionalisation de la politique de santé est une bonne chose : les ARS, entend-on murmurer dans les rangs de la gauche, vont dans le sens d'une déconcentration opportune : elles permettront de mieux répondre aux besoins des citoyens, de mieux prendre en compte les spécificités locales. Or, c'est précisément l'effet inverse que la mise en place des ARS va produire : tout procédera d'en haut.
Chaque directeur d'Agence sera directement nommé par le Président de la République en conseil des ministres. Institué en véritable Préfet sanitaire, le directeur d'Agence aura en fait tous les pouvoirs de décision : il fera de la concertation quand bon lui semblera ou quand bon semblera au prince du moment. Il fait être clair : loin de rapprocher les politiques de santé des citoyens, la mise en place des ARS parachève la destruction de la démocratie sanitaire et sociale.
De fait, un long processus a permis d'en arriver là : depuis les ordonnances de 1967 de De Gaulle qui introduisaient le paritarisme dans le système d'assurance-maladie, les gouvernements qui se sont succédé n'ont eu de cesse de réduire les prérogatives des représentants des assurés sociaux. Nous assistons aujourd'hui au dernier acte : sur les ruines de la démocratie sanitaire et sociale, c'est un véritable bonapartisme social que le gouvernement entend installer pour imposer par le haut la marchandisation et la privatisation de la santé et de la protection sociale. Au nom de quoi ? De la "rationalisation", mot chéri des néolibéraux pour dire : destruction du principe de solidarité…
Il ne faudrait pas croire que les ARS pilotées par la gauche permettraient enfin du socialisme réel ! La gauche n'a pas pour vocation de chausser les charentaises de ses adversaires : elle doit au contraire rompre avec les paradigmes de la droite et du social-libéralisme qui n'ont que trop montré leur inanité. Les malheureuses expériences de la gauche entre1983 à 2002 suffisent à montrer à quels désastres s'expose cette dernière quand, au nom de la "nécessaire modernisation", elle entonne le couplet néolibéral. Qui peut être dupe aujourd'hui ? Qui peut encore croire que les anciennes recettes de Rocard, de Berégovoy et de Jospin sont des recettes d'avenir?

République sociale et bonapartisme social
Certains républicains critiquent la démocratie sociale au motif que rien ne doit s'interposer entre l'Etat et le citoyen. Toute association, tout syndicat est ainsi considéré comme un corps intermédiaire qui ne peut que servir l'intérêt particulier. Ils oublient de tirer les leçons de l'histoire : les organisations politiques de gauche ont remporté leurs principaux succès avec le concours et le soutien actif du mouvement social (il faut se souvenir du rôle que la CGTU a pu jouer dans le congrès de Tours et CGTU, de l'appui que le PSU, le CERES et le PS au moment d'Epinay ont pu trouver dans le mouvement social). Ce n'est pas un hasard si Chevènement est entré dans une spirale d'échec après s'être coupé du mouvement social et après avoir éliminé l'un après l'autre tous les anciens dirigeants syndicaux de son entourage.
Et que reste-t-il quand une organisation politique de gauche se coupe du mouvement social ? La désastreuse alliance des républicains des deux rives, dernière étape avant l'écroulement définitif. Lorsqu'une intersyndicale mobilise près de 2,5 millions de personnes, comme ce fut le cas le 29 janvier dernier, peut-on encore raisonnablement soutenir qu'elle n'exprime que l'intérêt particulier et que seuls les partis politiques expriment l'intérêt général ? En Guadeloupe, qui mène en ce moment la lutte pour les droits ? Certainement pas les partis politiques. Les républicains tentés par le bonapartisme social seraient bien inspirés de voir ce qui se passe en Amérique du Sud, où les partis politiques de gauche sont massivement soutenus par le mouvement social.
Posons la question ex abrupto : l'intérêt général doit-il être le but recherché par la gauche? Si oui, qui définit l'intérêt général ? Le chef, la bureaucratie d'Etat, le parti-classe? (Trotsky répondait à cela que la lutte des classes était nécessaire avant la prise du pouvoir d'Etat. Mais ce qui attendait ensuite les syndicats, c'était la militarisation pure et simple.)

Intérêt général ou volonté générale, il va falloir choisir !
La notion d'intérêt, si souvent déclamée, n'a jamais été sérieusement définie. Cherchons plutôt comment constituer la volonté générale. Cette dernière suppose la mise en place d'un processus de délibération des citoyens. Pour qu'un tel processus existe, il convient de mettre en place le triptyque cher à Condorcet : information complète de chaque citoyen, débat raisonné et application du suffrage universel pour chaque problème d'une certaine importance. C'est là la seule façon d'éviter qu'une caste de bureaucrates ne capte la souveraineté.
Nous avons un exemple qui atteste que la République sociale est compatible avec la démocratie sociale : la Sécu de 1945 à 1967, période durant laquelle elle a été dirigée par les représentants élus des assurés sociaux. Force est de constater nous avons connu pendant cette période une diminution des inégalités sociales de santé, que nous avons vaincu des maladies infectieuses, etc.
En fait, la Sécu fut une préfiguration d'un système de laïcité économique nécessaire à la République sociale. Dans un tel système, la sphère économique publique (la Sécu en l'espèce) doit être dégagée du dogme financier et de la logique du marché. Elle doit être bâtie sur une logique citoyenne, c'est-à-dire sur le principe de délibération des citoyens et non pas sur une logique technocratique où des bureaucrates armés d'expertises décident des politiques de santé. La bureaucratie sociale n'est qu'un avatar du despotisme éclairé. La République sociale, c'est le refus du despotisme éclairé. Un républicain ne peut qu'opter pour Rousseau contre Kant.
Kant était partisan de la Monarchie éclairée parce qu'il pensait qu'un monarque éclairé, dans le style de Frédéric II, pouvait fort bien gouverner en fonction de l'intérêt général (de l'intérêt du peuple). Rousseau a rompu avec cette thèse : un souverain reste une volonté particulière et ce même s'il gouverne au nom de l'intérêt général. Pour que le peuple soit libre, il ne suffit pas de faire son bien. Il ne suffit pas d'agir dans son intérêt. Un tel peuple resterait dans un état d'éternelle minorité. Il faut donc que le peuple soit souverain. Autrement dit : le peuple doit n'obéir qu'à la loi qu'il s'est prescrite. La République sociale, c'est donc la délibération consciente des citoyens mobilisés sur les problèmes importants de l'heure. C’est l'application des principes républicains (liberté, égalité, fraternité, laïcité, solidarité, démocratie, souveraineté populaire, sûreté et développement durable) poussés jusqu'au bout.
Alors que des hommes politiques et hauts fonctionnaires nostalgiques de leurs pouvoirs d'antan, ces partisans de l'étatisation bonapartiste, sont prêts à usurper la volonté du peuple afin de marchandiser et de privatiser ce qui avait été étatisé… la République sociale se construit sur la délibération citoyenne : elle ne peut être noyée dans un centralisme bureaucratique.

Mouvement social et construction de la République sociale
Pour ce qui est du mouvement social, pour le coup, nous sommes en désaccord avec Rousseau... et Chevènement ! Nous n'assimilons pas le mouvement social à un corps intermédiaire qui n'exprimerait qu'une volonté particulière.
Dans la République idéale, nous serions sans doute rousseauistes. Mais nous ne sommes pas dans la République idéale. L'Etat est plus que jamais la superstructure de la bourgeoisie capitaliste (internationalisée). Nous devons par conséquent opter pour le pragmatisme et nous emparer de la question que pose Jean-Claude Milner à la fin de son dernier ouvrage, L'arrogance du présent : "Face à la réconciliation des notables et à la solidarité des plus forts, comment obtenir que le faible ait des pouvoirs ?". Le capital n'a jamais été aussi fort : non seulement il détient les moyens de production, mais il a généré une idéologie qui s'est emparée de la plupart des grandes institutions politiques, économiques et médiatiques. Il faut par conséquent créer des rapports de force chaque fois que c'est possible. Et cela ne peut se faire qu'avec le mouvement social que l'on ne doit pas « démonétiser » au nom d'un intérêt général mal défini qui lui serait supérieur.

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L'Union Des FAmilles Laïques www.ufal.org

2 - A propos de la loi Bachelot : La droite opte pour le passage à un régime autoritaire

Contrairement à ce que croient certains esprits simplistes, un régime autoritaire ne se caractérise pas seulement par des options sécuritaires.
Si cela en est une condition nécessaire, nous constatons aujourd’hui que des décisions sont prises contre l'avis du peuple, mais aussi contre des professions majoritairement attachées à la droite, y compris de certains intellectuels de droite très compétents. C’est ce qu’on appelle ne pas tenir compte de ses « alliés naturels ». C’est pourquoi, il est toujours nécessaire d'analyser le camp adverse, ce que ne font que rarement les militants de gauche et d'extrême gauche.

L'exemple du secteur de la santé et de l'assurance-maladie est éclairant de ce point de vue.

Est-il crédible de gérer la santé et l'assurance-maladie contre le peuple et contre les médecins ?
La droite a décidé de passer en force contre l'avis de ses intellectuels les plus brillants (de Kervasdoué par exemple) et contre la profession médicale, ce qui est une première.
Pour voir le mécontentement populaire, il suffit de voir les mobilisations locales et les études d'opinion pour s'en convaincre. Pour les médecins, le sondage récent IFOP-Le quotidien du médecin (daté du 6 mars 2009) éclaire cela de façon magistrale:


Regarder qui fait quoi et pourquoi
Pour comprendre cela, il faut éviter une analyse simpliste de cette loi en ne voyant que le conflit gauche-droite (bien réel néanmoins) comme moteur de celle-ci. Il faut comprendre que la séquence de 42 ans (des ordonnances de 1967 de De Gaulle jusqu'à cette loi de mars 2009) est une séquence qui a fonctionné par un double mouvement, celui de l'étatisation ("bonapartisme social") contre la République sociale (gestion de la Sécu par les élus des assurés sociaux) et celui de la privatisation et de la marchandisation de la santé. C'est là que la gauche social-libérale et la grande majorité des hauts fonctionnaires se trompe. C'est que ces deux mouvements ne sont pas contradictoires mais complémentaires. Le premier est en fait nécessaire au second. Ces "idiots utiles", j'ai nommé les hauts fonctionnaires sociaux -libéraux, ont pendant le passage de la gauche au gouvernement, appuyés ce double mouvement. Alors que la gauche social-libérale et la quasi-totalité des hauts fonctionnaires de quelques bords qu'ils soient confondent étatisation, nationalisation, socialisation et confondent services publics avec étatisation.
Ce qui se passe en ce moment est que l'étatisation bonapartiste de la santé et de la protection sociale est une nécessité pour pouvoir la marchandiser et la privatiser.
Et tant pis pour les médecins de droite s'ils ne sont pas contents. Le budget de la Sécu est plus important que le budget de l'Etat tous ministères confondus, la protection sociale, c'est plus de 30 % du PIB!
En période de crise massive du capitalisme (voir la vidéo sur le site www.ufal.org), les capitalistes considèrent que les secteurs les moins instables sont l'éducation, la santé et la protection sociale ! Il faut donc passer en force, même comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. C'est le rôle de Darcos et de Bachelot. Tout doit être marchandisé et privatisé dans ces secteurs. C'est bien sous l’effet du capitalisme qui produit cette politique que la droite est aujourd'hui obligée de passer à un régime autoritaire, car sinon la loi de baisse tendancielle du taux de profit va faire son œuvre !
La gauche et une partie de la droite sont contre la loi Bachelot. La majorité des partis de gauche ne critique pas le dispositif des Agences régionales de santé (ARS) parce qu'elle reste sur l'idée que l'étatisation bonapartiste sert le projet futur de la République sociale (voir le texte précédent). C'est tout le contraire ! Ces apprentis sorciers pensent que seul le mouvement d'en haut peut venir à bout des injustices sociales. Mais veulent-ils combattre les inégalités sociales ? Et une partie de l'extrême gauche se complait dans des actions marginales et minoritaires!
Tout est à reconstruire. Y compris la dialectique du mouvement d'en haut et du mouvement d'en bas. C'est cela notre objet. Que ceux qui sont d'accord nous rejoignent, que les autres passent leur chemin.

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Bernard Teper

3 - SOS Sécurité Sociale en danger : Réunion publique

La Santé, c’est (aussi) votre affaire !
C’est l’affaire de tous !

La santé a un coût mais elle n’a pas de prix !

Le projet de Loi HPST (Hôpital, Patient, Santé, Territoire) dite Loi Bachelot débattu à l’Assemblée Nationale le 10 février est présenté comme le seul moyen pour garantir l’accès aux soins de qualité pour tous.

Pourtant s’il est adopté en l’état, ce projet de Loi ne peut que dégrader et accélérer les inégalités face à l’accès aux soins. Il contient des dispositions pour détruire notre système de santé, transformer l’hôpital en entreprise commerciale.
Il annonce la mort programmée de notre système de santé. Alors que l’actualité révèle régulièrement de tristes événements (décès de patients, d’enfants…) conséquence de la dégradation des conditions de travail des personnels et de la qualité des soins.
Le gouvernement utilise ces faits pour vanter une nouvelle réforme hospitalière catastrophique pour l’hôpital public :

LA LOI HPST

Les hôpitaux malades tout comme les établissements privés associatifs participant au service public hospitalier et le secteur médico-social.
Ils subissent ces dernières années des réorganisations incohérentes, dues notamment aux réformes des modes de financement…

Ces réformes entraînent des insuffisances dans tous les domaines du soin et des dysfonctionnements extrêmement importants.

Les multiples réformes imposées à l’hôpital public n’ont qu’un objectif : son affaiblissement au profit des structures privées et commerciales.

Toutes les restrictions budgétaires conduisent chaque citoyen, à devoir assumer individuellement, sa santé, en fonction de ses moyens et non plus selon ses besoins.

L’EGALITE A L’ACCES AUX SOINS DIMINUE

De plus en plus de citoyens reportent ou renoncent aux soins dont ils ont besoin.
Le transfert de la prise en charge collective par un système solidaire comme c’est le cas encore avec la sécurité sociale vers l’assurance privée (assurances, banques, institutions de prévoyance…) traduit la volonté de marchandisation de la santé.
Les contrats de complémentaire santé obligatoires, signés avec ces organismes, qui s’ont introduits dans les entreprises, accélèrent ce mouvement de privatisation.

Il est évident qu’entre la santé des banques, des financiers et la santé de la population, Sarkosy et Bachelot ont fait leur choix !

Des moyens pour la finance et des restrictions pour la santé.

La notion de politique de santé ne peut se limiter aux modes de financement et d’organisation.
Les réformes politiques menées ces dernières années ont déjà créé des inégalités face à la qualité des soins et démontré que la gestion de l’hôpital comme une entreprise a atteint ses limites.

Parce que les besoins en soins augmentent il convient de regarder la réalité de notre système de santé d’hier et celui d’aujourd’hui. Une véritable politique de soins doit se préoccuper aussi des conditions de vie et de travail de la population.

IL EST URGENT QUE LA POPULATION REPRENNE SA SANTE EN MAIN.

C’EST POURQUOI L’AVENIR MUTUALISTE CONVIE CITOYENS, ELUS, SYNDICALISTES, MILITANTS ASSOCIATIFS, A LA REUNION PUBLIQUE QUI SE TIENDRA LE :

12 MARS 2009 A 15H00 À LA SALLE DES FETES DE ROUSIES

L'Avenir Mutualiste

4 - Loi Bachelot : Deux étapes décisives de la marchandisation de la santé

Dans un article publié dans le bulletin de la fédération du Puy-de-Dôme du PCF, Eric DUBOURGNOUX, conseiller régional, Président du groupe et représentant le Conseil régional au sein de l’Agence régionale d’hospitalisation fait le point sur les dérives de notre système de santé, avec la loi Bachelot actuellement en débat à l’Assemblée nationale.

Un système de soins et de protection sociale au service de tous !

Le service public, c’est avant tout la solidarité au cœur de la société. Il permet à chacun de nous, quelle que soit sa situation sociale, d’accéder à des besoins fondamentaux tels que l’éducation, les transports, l’énergie ou la santé. Il est aussi un élément important pour un aménagement attractif et équilibré de tous les territoires. Son financement est assuré par le principe de péréquation. Ainsi, au sein d’une entreprise publique, les bénéfices dégagés par certains services, ne sont pas redistribués aux actionnaires, comme c’est le cas dans les grands groupes privés. Au contraire, ils sont utilisés pour maintenir en activité des services qui, bien que déficitaires, sont indispensables pour la population.
Notre système de soins et de protection sociale s’inscrit totalement dans ces objectifs. Il s’est construit sur la solidarité intergénérationnelle et nous a épargné les dérives financières et les inégalités sociales qu’ont connues certains pays développés comme la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis. C’est bien parce que la satisfaction des besoins humains était au cœur des ambitions nationales à la Libération, que la santé et la protection sociale furent l’élément fondateur du Conseil National de la Résistance. La bourgeoisie, trop souvent appuyée par des gouvernements à sa solde, n’a jamais accepté cette avancée sociale. Méthodiquement et sans relâche, elle s’est attachée à démanteler la Sécurité sociale et l’hôpital public.

Hôpital 2007 : une étape décisive de la marchandisation

Mais, c’est surtout durant les vingt dernières années que les restrictions budgétaires, engagées conformément au traité européen de Maastricht, ont mis à mal les solidarités nées du programme du CNR. Plus particulièrement depuis 2002, la droite a enchaîné les attaques contre la Sécu et contre l’hôpital public. En fait, les réformes des gouvernements Raffarin, Villepin et Fillon se sont succédées avec cohérence dans l’objectif de marchandiser la santé. La première étape de cette casse programmée a été la loi Hôpital 2007. Votée en 2003, sa particularité repose sur l’instauration du financement de l’activité hospitalière par une tarification à l’activité, la fameuse T2A.
En réalité, la T2A rompt avec la péréquation. En effet, les hôpitaux qui recevaient une dotation en fonction de leur capacité d’accueil, sont maintenant dotés en fonction de leur activité. C’est une aubaine pour les cliniques privées qui privilégient les actes les plus rémunérateurs, laissant aux hôpitaux le soin d’assurer les missions de service public qui sont évidemment les moins rémunérées (interventions non programmées, continuité des soins, accueil des personnes les plus vulnérables…). La T2A est donc l’élément clé de la privatisation des soins. Dans ces conditions, ce n’est donc pas un hasard si le déficit des hôpitaux explose depuis 4 ans pour atteindre 600 millions d’euros aujourd’hui. Cette évolution favorise la prise en charge des soins à faible coût, au détriment des patients souffrant d’une pathologie lourde donc coûteuse. De plus, elle encourage les pratiques managériales qui pèsent sur les personnels, lesquels subissent une pression croissante afin de répondre aux objectifs de rentabilité.
Nous en sommes là, parce que la droite a fait un double choix de classe, contre les assurés et au service des financiers. D’abord, elle a inscrit la politique de santé dans le respect des critères ultra libéraux de Maastricht, lesquels visent, coûte que coûte, à limiter les dépenses publiques. Ensuite, elle veut offrir au privé l’énorme manne financière que constitue le système de soins et de protection sociale. La conséquence de ces choix se traduit, chaque année au Parlement, par le vote du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS). Ainsi, sur proposition du gouvernement, les députés et sénateurs votent une enveloppe budgétaire consacrée à la Sécurité sociale et aux hôpitaux. Encadrée par les critères très restrictifs de Maastricht, le montant de cette enveloppe ne permet plus de répondre aux besoins de santé.
C’est bien pourquoi, le slogan qui consiste à sous-entendre que le déficit de la Sécu et celui des hôpitaux serait du au gaspillage est une malhonnêteté intellectuelle. Sachant que la durée de vie augmente et que les moyens modernes pour se soigner sont en constant perfectionnement, comment peut-on se parer de la panoplie du progrès social, comme le fait Sarkozy, et dans le même temps, s’offusquer de voir les dépenses de santé augmenter ? Il faut courageusement prendre le contre-pied de ces mensonges en affirmant, haut et fort, que dépenser plus pour se soigner est un signe de progrès social qui n’a rien à voir avec un quelconque gaspillage. Dépenser moins pour se soigner serait, au contraire, le signe d’un grave recul de civilisation.
Il faut arrêter de courber l’échine face aux mensonges des libéraux. Il faut, au contraire, les démasquer. En effet, il n’est pas besoin d’être grand clerc pour savoir si leurs préoccupations sont sociales ou financières. Il suffit de les entendre dénoncer l’augmentation des dépenses pour se soigner et simultanément se réjouir de l’augmentation annuelle de 30 % des dividendes versés aux actionnaires.
Face à cette propagande gouvernementale, il faut publiquement revendiquer, davantage de moyens pour satisfaire les besoins de santé. En réalité, l’hôpital souffre d’un sous financement chronique qui n’est pas le fait du gaspillage mais d’un manque de recettes. C’est pourquoi, les déremboursements, les franchises médicales et autres remises en cause des droits acquis ne sont pas la solution. Ces mesures ne visent qu’à culpabiliser les assurés pour mieux dédouaner la responsabilité du gouvernement qui, en exonérant les entreprises des cotisations sociales, prive la Sécu de 42 milliards d’euros de recettes… soit plus de 4 fois le déficit de l’assurance maladie avec lequel on nous rebat les oreilles quotidiennement. Cette politique est d’autant plus scandaleuse qu’elle est appliquée depuis plus de 20 ans au nom de l’emploi et que, durant la même période, le chômage et la précarité n’ont cessé de s’amplifier. En fait, là encore, ces exonérations patronales sont allées alimenter la spéculation à la Bourse.

La loi « Hôpital, patients, santé et territoire » : Un pouvoir centralisé et un recul de la démocratie

Après avoir profondément bouleversé les mécanismes du financement, la droite s’attaque désormais à la gouvernance des hôpitaux. C’est l’objectif majeur du projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires » actuellement en débat au Parlement. Les deux faits marquants de ce projet de loi sont le pouvoir important dévolu aux directeurs d’hôpitaux et la mainmise de l’Etat avec la création des Agences régionales de santé (ARS) qui se substitueront aux actuelles ARH (Agence régionale de l’hospitalisation).
Ainsi, le conseil d’administration (CA) des centres hospitaliers devient un simple conseil de surveillance. Or, ce n’est pas anodin de voir le CA évoluer d’une fonction qui consiste à administrer à une simple fonction de surveiller quand on sait qu’une de ses missions essentielles était le vote du budget. Désormais, c’est le directeur qui établira ce budget et le soumettra au CA… mais simplement pour information. De plus, le directeur devient président d’un directoire, véritable instance de décisions, de laquelle sont exclus les élus, tandis que les représentants du personnel y sont réduits à la portion congrue. Cette évolution en fera un véritable PDG. Il aura même le pouvoir de recruter directement des professionnels médicaux exerçant à titre libéral et auxquels l’hôpital versera des honoraires… C’est le loup dans la bergerie ! En fait, nous assistons à un terrible recul de la démocratie. D’ailleurs, pour mieux sceller ce pouvoir territorial, le projet inclut la création de Communautés Hospitalières de Territoires (CHT), lesquelles sont présentées comme un outil de coopération entre structures publiques à l’échelle d’un territoire de santé. Il y a tout lieu de craindre que cette structuration vise à concentrer le pouvoir, puisque le directeur du principal hôpital de chaque territoire serait aussi directeur de CHT. Sachant que le nombre d’établissements publics de santé est de 2500 contre 250 territoires de santé seulement, n’est-ce pas, là aussi, un bon moyen de maîtriser l’action des directeurs, au vu de leur nombre restreint pour mieux assurer la concentration du pouvoir central.
Dans le registre de la recentralisation du pouvoir, la création des ARS est tout à fait révélatrice de la politique autoritaire qu’entend appliquer Sarkozy dans la santé. Leur mise en place est programmée pour 2010 et elles engloutiront les DDASS et les DRASS qui seront supprimées. La présidence par le préfet du conseil de surveillance de ces agences confirme que nous nous apprêtons à vivre une concentration impressionnante du pouvoir de l’Etat, sans doute pour mieux servir le secteur privé. En effet, il est prévu la création de Groupements de Coopération de Santé (GCS) dont le but sera de favoriser la coopération entre les secteurs public et privé. Ces GCS pourraient même avoir le statut d’établissement de santé. Dans ce cadre, une autorisation relevant de la santé publique pourra être accordée aux cliniques… Là encore, c’est le loup qui est introduit dans la bergerie.
Avec ce projet de loi, nous sommes loin de la préoccupation qui consiste à répondre aux besoins de santé, à développer la prévention et à assurer une véritable transparence. Il s’agit, au contraire, d’une prise en main hyper concentrée sur deux échelles de décisions : les directeurs d’hôpitaux et les ARS. Ces deux instances, au pouvoir exorbitant, fonctionneront comme un entonnoir jusqu’au ministère de la santé, en ayant pris soin d’anéantir le rôle des élus et des personnels, comme si le pouvoir voulait se prémunir du lien qu’ils assuraient entre l’hôpital et les usagers.

Eric Dubourgnoux

4 - combat féministe

1 - "Mère Terersa ou le charme de la pauvreté"

Mère Teresa a fait une mauvaise réputation à Calcutta, donnant de la métropole indienne, belle, attachante, vivante, et culturellement riche, l’image même de la saleté, de la misère, du désespoir et de la mort. Présentée comme un immense cloaque, elle est devenue la toile de fond de son œuvre de charité très spéciale. Son ordre n’est que l’une parmi quelque 200 organisations caritatives qui s’efforcent d’aider les habitants des bas-fonds de Calcutta à construire un avenir meilleur. Sur le terrain, il n’est ni très visible, ni très actif. Mais d’énormes campagnes, comme celle qui fut faite autour de cette histoire sans aucun fondement de son école pour 5000 enfants des bas-quartiers, ont donné à ses institutions une énorme publicité internationale. Et suscité des dons énormes !

Mère Teresa a récolté des millions et des millions de dollars (certains disent des milliards) au nom des indiens pauvres - et bien plus encore au nom des pauvres des autres "égouts" partout dans le monde. Où est allé tout cet argent ? Il n’est certainement pas utilisé pour améliorer le sort de ceux à qui il était destiné. Les religieuses vont leur distribuer quelques bols de soupe, et donner un refuge et des soins à quelques malades et souffrants. Et pourtant l’ordre le plus riche au monde n’est pas vraiment généreux, car il vise à leur apprendre le charme de la pauvreté : “La souffrance des pauvres est quelque chose de très beau, et la noblesse de cet exemple de misère et de souffrance est une grande leçon pour le monde” a dit Mère Teresa. Devons-nous être reconnaissants pour un tel sermon, venant d’une milliardaire excentrique ?

La belle histoire de ses Maisons pour les mourants a tiré des larmes au monde entier. La réalité, pourtant, est scandaleuse : dans ces petites maisons primitives et surpeuplées, de nombreux malades doivent partager leur lit avec d’autres. Sans souci de l’hygiène, alors que nombreux sont ceux qui sont atteints de tuberculose, du SIDA ou autre maladie hautement infectieuse. Les patients sont soignés avec de belles paroles et des médicaments insuffisants - voire périmés, administrés avec de vieilles aiguilles, lavées à l’eau tiède.

On peut y entendre les cris de ceux à qui l’on extirpe des vers de leurs plaies ouvertes sans anesthésie. Par principe, on n’administre pas de calmants puissants, même dans les cas graves, car selon la curieuse philosophie de Mère Teresa, “C’est le plus beau cadeau pour un être que de pouvoir participer à la souffrance du Christ”.

Un jour elle a tenté de réconforter un malade qui hurlait de douleur en lui disant : “Vous souffrez, cela veut dire que Jésus vous embrasse! ” L’homme devint furieux et répondit en hurlant : "Alors dites à votre Jésus qu’il arrête de m’embrasser! ” Devons-nous éprouver de la reconnaissance parce que nous sommes les victimes de cette charité d’un genre très spécial? Pouvons-nous tolérer que des gens ignorants et sans défense soient utilisés comme figurants dans le drame religieux, inhumain et cruel, de la souffrance du Christ?

Quand Mère Teresa a reçu le Prix Nobel de la Paix, elle a profité de l’occasion que lui offrait son discours prononcé à Oslo et diffusé par les télévisions du monde entier pour déclarer que l’avortement était le mal le plus grand au monde, et elle a lancé un appel enflammé contre la régulation des naissances. Elle a reconnu que son œuvre de charité n’était qu’une partie du grand combat contre l’avortement et le contrôle des naissances. Cette position fondamentaliste est une gifle envers l’Inde et les autres pays du Tiers Monde, pour lesquels le contrôle des naissances est l’un des leviers les plus importants du développement et des transformations sociales. Devons-nous être reconnaissants à Mère Teresa de mener son offensive de propagande contre nous avec l’argent qu’elle a collecté en notre nom?

Mère Teresa n’a pas servi les pauvres de Calcutta, elle a servi les riches d’Occident. Elle les a aidés à surmonter leur mauvaise conscience en obtenant d’eux des milliards de dollars. Certains de ses donateurs ont été des dictateurs et des criminels, qui ont ainsi tenté de se blanchir. Ce n’est pas pour rien que Mère Teresa les a encensés. Mais la plupart de ceux qui l’ont soutenue, pourtant, étaient des gens honnêtes; ils l’ont fait de bon cœur et avec de bonnes intentions, mais ils ont succombé à l’illusion que la "madone des bas-fonds" allait sécher toutes les larmes, mettre fin à la misère, et faire cesser toutes les injustices dans le monde. Ceux qui tombent amoureux d’une illusion refusent le plus souvent de voir la réalité en face...

Manju Das

2 - Interview de Antoaneta Stantcheva (association IKAR)

IKAR est une association bulgare qui sensibilise sur la question des femmes à travers le théâtre. IKAR est connu sur le plan international sous le nom de « theater of oppressed »
Antoaneta Stantcheva a 44 ans et est comédienne. Depuis 10 ans, elle travaille dans le secteur privé comme créatrice et Directeur Exécutif de l’Association IKAR à la ville de Haskovo (Bulgarie)

Svetlana : D’où viens tu ?
Antoaneta Stantcheva :
Après les grands changements de notre société dans les secteurs publiques et économiques, la culture est devenue «  persona non gratta  ». Des théâtres, des orchestres, des salles d’expositions ont étaient liquidés. C’est cela qui a poussé tout une génération de professionnels à chercher d’autres terrains d’expression pour pouvoir survivre. A cette époque, j’avais 25 ans et après la première «  euphorie démocratique  » il était devenu évident que beaucoup d’entre nous devraient construire notre propre chemin.
Pendant 7 ans, j’ai donc été Directrice du Centre de la jeunesse à Haskovo (env. 100 000 habitants). Durant cette période, j’ai été à l’origine d’un grand nombre de projets et d’initiatives pour les jeunes de la ville. L’une de ces initiatives était l’association IKAR dont le but, à l’origine, était d’aider les jeunes.

S : Comment est née l’association IKAR ?
AS :
L’association IKAR a été créée par un groupe d’amis très enthousiastes chacun reconnu dans son domaine (acteurs, psychologues, pédagogues, juristes, économistes, assistantes sociales…) et qui cherchaient à se rassembler dans une activité qui pourrait apporter un petit plus dans leur vie.
Les premiers projets concernaient les «  groupes à risque  » (comme on les appelle)  : à savoir les enfants et les jeunes. Avec le temps et après réflexion sur la position et le rôle social des femmes dans notre société (la majorité des personnes qui travaillent avec nous sont des femmes), nous nous sommes orientés vers les problèmes que rencontrent les femmes au quotidien.
Aujourd’hui, l’association IKAR est une petite organisation, assez populaire en Bulgarie, qui s’attaque aux problèmes de la vie des femmes tels que : l’inégalité des sexes, la violence au sein de la famille, et les conséquences dans la société, le trafic d’êtres humains, la discrimination au travail, etc.
Notre particularité en tant qu’association est d’utiliser des méthodes interactives. Ces méthodes consistent, sous forme de spectacles, à présenter un problème de société. S’ensuit un débat avec le public ayant pour but de le sensibiliser et d’élaborer avec lui des solutions.

S : Comment est-on arrivé au projet « La loi ne suffit pas » et le spectacle « Sexe pour salaire », mis en scène selon les principes du «  forum théâtre  » ?
AS :
Il y a 3 ans, notre équipe a réalisé un projet intitulé «  Ceux qu’on rejette  », réalisé dans le studio d’une station radio. Une quarantaine de femmes appartenant à différents groupes de la société, (des femmes aux besoins spécifiques, des femmes adoptées ou ayant adopté un enfant, des prostituées, des homosexuelles…) s’y étaient exprimées. Mais ce qui a le plus frappé le public était la violence domestique. Les victimes n’acceptaient de s’exprimer qu’à condition de rester anonymes. Les techniciens ont donc déformé leurs voix. La journaliste les appelait toutes «  Maria  », car chaque deuxième femme dans le monde s’appelle Maria. Subitement avec trois de nos «  Maria  » nous avons provoqué une telle effervescence de réactions, de questions et de réponses de la part du public que je n’arrivais pas à réaliser ce qui arrivait.
Cette émission a changé mon regard sur la violence domestique et l’urgence de réagir. Jusqu’alors, je considérais ce problème juste comme un tremplin, un cliché, pour faire passer un projet et obtenir des subventions. Les victimes ont besoin de s’exprimer et d’être entendues par quelqu’un. Etant comédienne, mon moyen d’expression est le spectacle. Et nous nous sommes lancés dans la recherche d’un spectacle, qui non seulement allait exposer ce problème mais aussi chercher le moyen de le résoudre.
Les deux années qui ont suivi, nous avons créé, réalisé et présenté dans tout le pays des spectacles régis par les règles du «  Théâtre social  », tels que : «  Maria dans une boite  » (traitant de la violence au sein de la famille), et «  Sexe pour salaire  » (traitant du harcèlement sexuel des femmes sur le lieu de travail).
Nous avons reçu le soutien du Central East European Trust of Civil Society in USA. Le principe de notre méthode est de présenter une courte histoire de la vie réelle, dans sa forme la plus brute. Dans le Théâtre social (comme le jeu d’échec) il y a des figures obligatoires : «  Le Protagoniste  », qui énonce le problème, «  Le Dictateur  » qui crée le problème, «  Le Joker  » qui fait la conversation avec le public, dont le but final est de pousser le public à prendre des décisions positives par rapport à l’histoire qui vient de se dérouler sur scène en l’invitant à se mettre à la place des comédiens. Le théâtre social n’est pas une thérapie mais est thérapeutique. Nous connaissons le théâtre comme forme d’école, d’esthétisme, de spectacle, mais, au 21ème siècle nous découvrons à peine son rôle thérapeutique pour les problèmes profonds qui nous rongent.
L’auteur de ce type de théâtre est le brésilien Augusto Boal. Depuis 1971, Augusto Boal expérimente avec sa troupe la méthode du «  Theatre of Oppresed  » (Théâtre des opprimés) dans le milieu pauvre et dépravé de la population brésilienne. Plus tard, son idée sera reprise dans le monde entier.

S : Quelle est la notoriété d’IKAR en Bulgarie ?
AS :
L’Association IKAR est une innovation pour la Bulgarie dans sa volonté d’introduire et de faire connaître le «  Théâtre forum  ». Dans les villes où nous nous produisons, nous accueillons une bonne réaction de la part du public. Cette forme de théâtre est un bon moyen de sortir la population de sa léthargie et de lui offrir la possibilité d’exprimer librement ce qu’elle a à dire.
En Bulgarie, on entend parler les politiques, les institutions, les médias… Pas le peuple !
Lors de notre spectacle, dont le but est d’encourager des femmes victimes de discrimination ou de harcèlements sur le lieu de travail à revendiquer leurs droits, nous avons introduit une nouveauté. Sur la scène, en plus des comédiens professionnels, il y a de vrais avocats. Cela facilite la discussion avec le public et a le mérite de présenter de vraies solutions juridiques basées sur la «  Lois contre la discrimination  » en Bulgarie.
La formule du théâtre sociale est très démocratique. Actuellement, nous essayons de l’enrichir et de l’adapter à tout type d’auditoire.
L’été dernier, j’ai enseigné le «  Théâtre forum  » à l’Académie d’Art de l’Eté pour les jeunes. Quel plaisir de voir comment ces ados ont rapidement évoqué les problèmes sociaux qui les touchent mais aussi avec quel enthousiasme ils proposent plein de solutions positives.
La conclusion est que le «  théâtre forum  » peut dépasser les limites d’une simple distraction et se transformer en valeur de la vie, et pourquoi pas en mission ?

Svetlana NICOLOVA

5 - débats

1 - La démocratie est-elle une superstructure du capitalisme ?

Introduction - un regard de Karl Polanyi sur le marxisme -

La fonction de cet article est de montrer comment Polanyi peut s’inspirer de Marx tout en se démarquant du marxisme de la vulgate. Comme Alain Caillé (2007, p. 9) l’a récemment écrit : « Elle (L’œuvre de Polanyi) permet d’assurer une bonne part de l’héritage critique du marxisme tout en se débarrassant de sa faille principale  », c’est-à-dire de cette aporie articulant un déterminisme économique sans faille avec ce fantasme de l’abolition du marché. Or, le « marxisme à visage humaniste » de Polanyi s’exprime clairement dans l’exigence du maintien des formes dites « bourgeoises » de la démocratie, à l’encontre de ceux des marxistes qui estiment que la construction du socialisme implique la liquidation de ces institutions. Au moment où la crise du capitalisme mondial renforce les convictions révolutionnaires des anticapitalismes, ce retour vers l’histoire des idées a quelque fondement de légitimité.

L’illusion d’une démocratie capitaliste dans les années 1930[1]

Pour Polanyi, le socialisme a pour tâche d’étendre les libertés individuelle et collective. En ce sens, la démocratie n’est pas une superstructure du capitalisme. Mais, il précise que la démocratie se développe dans le cadre même du régime capitaliste et contradictoirement avec celui-ci (Polanyi, 1934b, p. 431). Lorsque la classe ouvrière investit le politique, son action contrecarre frontalement l’autorégulation économique de la société : « les parlements (… ) affaiblissent, discréditent et désorganisent la machine économique du capitalisme, en essayant d’empêcher son mécanisme autorégulateur de relancer le cycle de production au prix d’une hécatombe de vies humaines  » (Polanyi, 1934a, p. 427). Polanyi s’inscrit donc explicitement en faux contre la « sociologie pseudo-marxiste », qui dénie à la démocratie tout rôle essentiel. Pour penser les années 1930, il n’hésite pas, pour autant, à reprendre la problématisation marxiste pour affirmer que la contradiction nouvelle issue de l’écart entre l’avancée des forces productives et l’état des rapports sociaux débouche sur l’alternative : socialisme ou fascisme.
Polanyi définit le fascisme comme une révolution politique abolissant la révolution authentique et impliquant un contrôle de l’économie en faveur des propriétaires[2]. Le fascisme est donc un hypercapitalisme instituant la condition même de l’homme aliéné comme un but essentiel. À l’inverse, il est possible d’interpréter la pensée de Marx comme une démarche consistant à produire une société fondée sur les relations entre personnes.

La lutte des classes n’est pas la réalité ultime

Toutefois, pour Polanyi, le caractère de classe du fascisme n’implique pas que la lutte des classes soit le moteur décisif de l’histoire.  La capacité d’une classe sociale aspirant à l’hégémonie est son aptitude à assimiler l’intérêt de la société tout entière à son intérêt propre. Autrement dit, pour faire en sorte que la contradiction insoluble entre capitalisme et démocratie ne débouche pas sur l’issue fasciste, la classe ouvrière doit faire sien l’intérêt de la société dans son ensemble, et ne pas identifier son intérêt propre à celui de l’ensemble de la société.
C’est par un processus semblable que la bourgeoisie a pu avoir le rôle dirigeant qu’elle a conquis au cours du XVIIIe siècle. Dans la Grande Transformation, Polanyi (1944, pp. 204-205) critique l’illusion commune au « marxisme populaire » et aux libéraux, selon laquelle un certain nombre de transformations sociales sont effectivement dues à la lutte des classes. Il soutient pareillement que le défi décisif est un défi adressé « à la société dans son entier »[3] (Polanyi, 1944, p. 206) et que, de surcroît : « les mobiles des individus ne sont qu’exceptionnellement déterminés par la nécessité de satisfaire des besoins matériels ».
Une autre raison incite Polanyi à soutenir que « la lutte de classe, ou les intérêts de classe » ne sont pas des « réalités ultimes », idée qu’il attribue d’ailleurs à Marx lui-même (Polanyi, 1934b, p. 434-435). Dans la ligne d’un « socialisme éthique »[4], lequel insiste sur l’universalité des normes au-delà des pratiques de classe, Polanyi tente une lecture de Marx visant à concilier la tension problématique entre nécessité éthique et capacité politique. Il retient, à cet égard, que la philosophie de Marx est fondée sur la nature non-économique de l’homme (Polanyi, 1944, p. 204), comme en témoignent les Manuscrits de 1844. L’idée centrale de Polanyi est que les contre-mouvements consécutifs à l’extension des marchés autorégulateurs ont comme raison d’être la préservation de la société dans son ensemble[5]. Il rappelle que la loi des dix heures, saluée par Marx (p. 224), est l’œuvre de « réactionnaires éclairés », que les protectionnismes ne doivent pas nécessairement leur pérennité à des intérêts économiques établis (p. 205) et que l’abandon de l’étalon-or relève d’une simple volonté socialement validée de survie.

Conclusion

Polanyi est, par conséquent, hostile à la doctrine selon laquelle la stricte préservation de l’intérêt économique d’une classe sociale est à même d’assurer sa sauvegarde à long terme, car la lutte des classes doit tenir compte d’enjeux sociaux globaux, qu’ils soient culturels ou économiques. Sa conviction est que la crise du capitalisme libéral est le résultat, à la fin des années 1920, d’une contradiction entre les fonctions économique et politique de la société de marché, contradiction inscrite dans un système fondé sur l’indépendance institutionnelle de l’économie par rapport au politique. Toutefois, son époque est celle d’une conscience propre aux classes dominées, comme l’atteste l’existence de partis ouvriers. Ceux-ci permettent d’envisager la levée de cette contradiction entre économie et politique grâce une politique de contrôle de l’économie par la démocratie politique.
Or, aujourd’hui, le supercapitalisme[6] se traduit par une détermination des règles politiques sous l’empire des firmes. Le lobbying, la concurrence fiscale, les exigences des marchés financiers, l’eurolibéralisme, bref, tout ce qui caractérise l’actuel Capital mondialisé entrave l’autonomie du politique. La crise, parce qu’elle balaie le mythe de l’autorégulation marchande et celui de la bienveillance des classes dominantes, constitue peut-être une possibilité d’un retour à une authentique autonomie du politique. Mais, dans la béance qu’ouvre la crise, sans organisation politique cohérente contre l’empire du Capital, un tel scénario n’est pas le plus probable.
La démocratie politique peut en effet mériter que «  les réalités ne la prennent pas en compte  », si elle ne demeure qu’une «  idée abstraite  », ignorant avec hauteur «  la réalité de la structure de classe  » (Polanyi, 1927, cité par Maucourant, 2005, p. 19). L’entre-deux guerre montre, à cet égard, que les peuples peuvent préfèrent les fascismes de toutes sortes à une démocratie impuissante à promouvoir l’égale liberté de ses membres, voire parfois, incapable d’assurer la dignité de nombre de ses citoyens. Qui ne voit, aujourd’hui, que la crise socio-économique, conjuguée à la crise écologique, peut produire une demande d’autoritarisme émanant du cœur même des populations que des pouvoirs s’empresseront de satisfaire. Ce processus est déjà en marche. Le New Deal a néanmoins prouvé que les moments critiques des sociétés démocratiques n’engendrent pas nécessairement le pire. Rien n’est écrit…

 

Références
Caillé A., (2007) «  Présentation  », p. 7-31, Revue du MAUSS, 29, «  Avec Karl Polanyi, contre toute la société du tout marchand  ».
Kolakowski L., (1967) Histoire du marxisme, T2 - L’âge d’or - de Kautsky à Lénine, Fayard, 1987.
Maucourant J., Taquin V., «  Lecture : sur R. Reich, Supercapitalisme. Le choc entre le système économique émergent et la démocratie », La Revue du M. A. U. S. S, n° 31, 1er sem. 2008, pp. 563-575.
Maucourant J ., (2005) Avez-vous lu Polanyi ?, La dispute.
Polanyi K., (1934a) «  Le fascisme et la terminologie marxiste  », pp. 425-429, dans M. Cangiani & J. Maucourant eds., Essais de Karl Polanyi, 2008.
Polanyi (1934b) «  Le marxisme redéfini  », pp. 431-436, M. Cangiani & J. Maucourant eds., Essais de Karl Polanyi, 2008.
Polanyi K., (1944) La Grande Transformation, Gallimard.

Notes

[1] La présente contribution est issue d’un texte écrit en 1999 téléchargeable sur le site de « MARX AU XXIe SIECLE : L’ESPRIT & LA LETTRE » : [charger le lien]. Sa réécriture doit beaucoup à la vigilance de Ouardia Derriche (Bruxelles) que je remercie vivement.

[2] Au sujet des membres de l’ « école de Mises » (qui va devenir plus tard le creuset de la pensée « néolibérale »), Polanyi précise : « (Ils) insistent vivement sur le fait que l'interférence de la démocratie représentative avec le système des prix fait irrémédiablement baisser le volume total des biens produits. On ferme les yeux sur le fascisme au nom de la sauvegarde de l'économie libérale » (Polanyi, 1935, p. 393).

[3] Polanyi (1944, p. 209-210) précise même, normalement, qu’ « une classe grossièrement égoïste ne peut se maintenir au pouvoir ».

[4] Typique de l'austromarxisme selon Kolakowski (1967, p. 290), qui note aussi (p. 283), à propos des membres de ce courant : « Leur défense du marxisme s'adressait à tous ceux qui se réclamaient d'une pensée rationnelle, et non pas seulement à ceux qui considéraient que sa justesse provenait de son point de vue de classe ». Un texte de Polanyi est même paru dans la revue mensuelle des austro-marxistes der Kampf, fondée en 1907.

[5] On peut en dire autant aujourd’hui des mouvements altermondialistes.

[6] Voir Maucourant & Taquin (2008).

Jérôme Maucourant Economiste.
A participé récemment à un livre issu d’une censure exercée par le Nouvel Observateur, "Peut-on critiquer le capitalisme ?", La dispute, 2008.

2 - L’universalisme est-il occidental ?

Beaucoup pense qu’il faut éplucher le coran pour ergoter de concert avec les islamistes. En tant que laïques et universalistes, nous devons nous mobiliser pour faire respecter les valeurs démocratiques et celles issues du siècle des Lumières, sans se soucier des appels à la terreur des islamistes. Les valeurs universalistes seraient-elles occidentales comme le suggèrent certains ? Parce qu’un être humain est né au Maroc ou en Somali, il ne pourrait pas être progressiste, féministe, humaniste c’est à dire universaliste ?

La liberté, l’égalité et la fraternité ont leurs équivalences en arabe, en hindou, en tutsi, en inuit. Nous, occidentaux, ne faisons pas l’erreur d’enfermer l’universalisme dans le fait occidental. L’universalisme appartient à l’humanité toute entière.
Les droits humains universels n’ont pas été érigés pour une « élite d’hommes occidentaux de souche » aussi sûrement que nul endroit de part le vaste monde n’est à l’abri de la libre pensée. Il y a encore tant à faire ici pour vivre ensemble mais il nous faut faire un ultime effort et libérer nos valeurs pour les semer aux quatre vents.
Les Lumières flétrissent au grenier alors qu’il leur faudrait éclairer les points cardinaux pour en chasser l’obscurantisme. Les démocrates de tout pays doivent s’unir contre la bêtise.

Encore aujourd’hui, beaucoup partage en France la même vision de l’humanité que les islamistes eux-mêmes à propos de la femme, de l’homosexuel, du juif, du noir. L’autre d’un autre est souvent le même. N’écoutons pas nos sirènes intégristes comme le font actuellement certains « laïques » qui ont petit à petit dérivé vers le racisme, elles mènent elles aussi au sang et aux exactions. Libérons la France pour qu’elle soit ce modèle de référence pour tous ceux qui recherchent la liberté. Appelons à la liberté, à l’égalité et à la fraternité aussi fort que le permet notre voix. Traçons ce cercle de fraternité d’où seuls les barbarismes seront exclus.

Karim BEY SMAIL

6 - à lire, à voir ou à écouter

1 - Kamilya Jubran : Une voix de Palestine

Chanteuse et compositrice palestinienne, Kamilya Jubran, vient d’éditer un nouvel album intitulé Makan (lieu) ; un titre qui fait écho à l’exil, cet ennemi intime qui habite son peuple depuis la Nakba (la Catastrophe) de 1948. Elle y chante neuf poèmes.

Ce n’est pas sans émotion, ni sans plaisir que l’on écoute une voix tantôt chaude, tantôt douce, tantôt vibrante, accompagnée de luth, déclamer : « J’ai une route qui ne mène nulle part / J’ai un lieu qui est ma mélodie / C’est pourquoi je parcours le monde et je chante », dans un extrait de Makan, un poème du Palestinien Salman Massalha ; ou bien : « Tu est venue à moi en portant le monde dans tes yeux / Et quand la chambre s’est refroidie, je me suis glissé avec toi dans la chaleur de la balançoire », extrait du poème “Orjouha” (Balançoire), du Marocain Hassan Najmi. L’auditeur écoutera avec une émotion et un plaisir intactes d’autres paroles que Jubran a mis en musique tels que Suwar (photographies), Lafz (mot) et Samt (Silence) de Massalha ; Yaday (Mes Mains) et Rafif (Bruissement) de Najmi ; Quawafel (Caravanes) de l’Irakien, Fadhil Al-Azzawi ; et Nabd (Souffle), du Sénégalais Birago Diop.

D’autres poèmes chantés figurent dans ce répertoire, tels ceux de son compatriote, Hussein Barghouti (décédé en 2003), du Libanais Paul Shaoul, de la Syrienne Aïcha Arnaout, de la Jordanienne Sausan Darwasa, cinéaste et écrivaine…

Notre chanteuse est née en 1963, à Akka, ex-Saint-Jean d’Acre, et a grandi à Rame, près de Haïfa. Son père était ouvrier et mélomane. Un jour, il se fabriqua son propre oud (luth), et devint luthier. Il donnait également chez lui des cours de musique et de chant arabes aux enfants du village, avec lesquels il se produisait dans les mariages et les autres fêtes familiales de la région.

C’est avec eux que notre artiste apprit les bases de son futur métier. Elle s’était mise ensuite d’elle-même à jouer du oud et du qanoun (cithare).

Elle a été aussi fortement imprégnée par les chansons de Mohamed Abdel Wahab, Zakarya Ahmed, Riadh Sombati, Oum Kaltoum, ainsi que des chanteurs des pays voisins : la Syrie, le Liban, la Jordanie, l’Iran et la Turquie, qu’elle écoutait à la radio égyptienne Sawt El-Arabe (la Voix des Arabes). Issue d’une famille orthodoxe grecque, elle a été également bercée par les cantiques à l’église du village, ainsi que par les récitations du Coran de son environnement culturel islamique. Dans les années 1970, elle découvre la chanson arabe engagée à travers le Libanais Marcel Khelifa, l’Egyptien Cheikh Imam, l’Irakien Khaked Al-Haber, ou encore Ahmed Kaabour…

A 15 ans, elle s’éveille à la politique et découvre sa vocation : devenir chanteuse des causes nobles. Elle voulait pour cette raison parfaire d’abord sa formation musicale. Mais à l’époque, il n’existait pas de conservatoire de musique arabe en Israël. Elle ne pouvait pas, non plus, étant donné sa nationalité israélienne, l’étudier dans un pays arabe, sauf en Egypte et en Jordanie. Pourtant, Kamilya Jubran déclare volontiers : « J’ai le cœur palestinien, mais je suis israélienne de naissance. »

En 1982, alors âgée de 19 ans, elle fit une rencontre capitale pendant ses études d’assistante sociale à Jérusalem : celle de Sabreen (les Patients), un groupe de rock arabe. Cette alliance dura près d’une vingtaine d’années. Elle quittera le groupe en 2002, pour d’autres expériences. En tant que chanteuse, elle y avait introduit des poèmes de Mahmoud Darwich, de Fadwa Touqan... Pour contourner les tracasseries de la censure, et même la répression, qui peuvent entraîner l’interdiction pure et simple d’exercer, voire l’emprisonnement, elle et ses camarades expurgeaient leurs textes de mots tels que « pierres », « soldats », « guerre », etc. Cela ne les empêche nullement d’aborder les thèmes relatifs aux droits de l’homme, à la justice sociale, à la liberté d’expression, à la dépossession de leur patrie et à la paix. C’est ainsi que les accords d’Oslo de 1993, et le grand espoir qu’ils avaient soulevé, leur inspirèrent, l’année suivante, l’édition d’un album intitulé : Voici le temps des colombes.

Athée, elle n’aime ni les intégristes, ni les extrémistes. C’est pourquoi elle a le cœur gros, après l’élection de l’extrême droite en Israël, comme elle l’a eu lors de la victoire des islamistes du Hamas, en 2006, dans les Territoires de l’Autorité palestinienne.

Elle s’installe en 2002 à Berne (Suisse), initialement pour une résidence artistique de deux mois. Elle a collaboré à deux projets, mariant musique orientale et sons électroacoustiques. Il s’agit de Mahattat (Stations), un spectacle visuel et sonore, en collaboration avec Werner Hasler et le vidéaste Michael Spahr ; et d’un CD de musique intitulé Wamid (Lueur) avec Hasler.

Désormais à Paris, ne se sent-elle pas dépaysée en Europe ? « Mais j’étais aussi étrangère à Jérusalem ! » En Europe, elle se sent comme « sortie de la cage ». « Ici, je suis libre de penser, de circuler, de partager tout ce qui fait défaut dans un pays comme le mien. Je me sens comme quelqu’un qui sortirait de prison et découvrirait ce qui lui a manqué, sans même qu’il s’en rende compte, tellement il était enfermé : le manque de rencontres culturelles, de croisements artistiques, de métissage. » De plus, elle peut rencontrer de nombreux artistes et intellectuels arabes dans la capitale parisienne ; mais n’oublie pas pour autant ses coéquipiers suisses, car elle se rend régulièrement à Berne.

 

Hakim Arabdiou

2 - Paul Boccara : pour une alternative radicale à la crise

« Transformations et crise du capitalisme mondialisé : quelle alternative » de Paul Boccara (éditions Le Temps des Cerises) 20 euros.

Face à la radicalité de la crise systémique du capitalisme financiarisé et mondialisé, Paul Boccara, économiste marxiste, longtemps membre de la direction nationale du PCF, Maître de conférences honoraire, a produit, dans son récent ouvrage «  transformations et crise du capitalisme mondialisé… quelle alternative ? » une somme de réflexions, d’analyse théorique et idéologique, de propositions du plus grand intérêt politique pour toutes celles et ceux qui s’interrogent sur la nature, l’ampleur et l’issue possible de la crise actuelle.

Analyse et propositions qui s’inscrivent dans l’évolution du capitalisme depuis l’entre-deux guerres jusqu’à la crise en cours (le livre est sorti en septembre 2008) alors que le néo-libéralisme étend son hégémonie sur la planète entière au point de se présenter comme LE système indépassable !
Il suffirait juste de le moraliser, de revoir quelques règles de régulation par ci par là et tout rentrerait bientôt dans l’ordre. Tel est le discours dominant à droite comme chez les sociaux libéraux acquis à «  l’efficacité  » du marché, du système capitaliste, synonyme de performance et d’innovation…
Nous nous limiterons à évoquer le 3è chapitre consacré aux propositions de construction alternative pour maîtriser et commencer à dépasser les marchés, par une mixité évolutive possible entre institutions marchandes et institutions de partage.
D’abord le marché du travail, avec la proposition d’une sécurité d’emploi et de formation. Concept qui fait son chemin, (on entend de plus en plus parler de sécurité professionnelle) mais pour P. Boccara il ne s’agit pas de normaliser la précarité, la flexibilité mais de modifier en profondeur les droits, codes et institutions pour déboucher sur une sécurité d’activité et de revenu, en prenant en compte les tendances lourdes et durables des mutations technologiques, mais pour répondre aux besoins de formation et d’implication dans le travail, aux aspirations de contrôle de sa vie professionnelle.
«  Il s’agit d’assurer à chacun (e) un bon emploi ou une bonne formation, pour revenir à un meilleur emploi, avec une continuité de revenus et de droits… On pourrait construire de la sorte un véritable dépassement du chômage et de la régulation par le chômage…   »
Bien entendu, cela ne veut pas dire qu’il faut accepter les suppressions d’emplois. Bien au contraire les besoins sociaux exigent beaucoup plus d’emplois dans de très nombreux secteurs.
Un tel objectif -qui va de pair avec la réduction du temps de travail, retour aux 35 heures, vers les 32 heures, le relèvement des salaires et des minima sociaux- ne peut être mis en place d’un coup.
Quel financement ? Outre l’économie des indemnisations actuelles, il nécessite de transformer l’assiette des cotisations sociales à relever, non plus sur la seule base des salaires mais selon un ratio «  salaire/valeur ajoutée  », modulable selon les grandes branches d’activités proportionnellement au poids des salaires : moins il y a de salaire à valeur ajoutée égale, plus il y a de cotisations sociales.
Moyens financiers et critères d’utilisation de ces moyens, pouvoirs des salariés et droits nouveaux renvoient aux deux autres marchés de la monnaie et de la finance.
Marchés monétaire et financier
Car «  pour une autre régulation du système économique, pour d’autres types de gestion des entreprises comme pour construire un système d’emploi ou de formation, pour sécuriser tous les moments de la vie, des avancées de financement émancipés des marchés financiers sont nécessaires.   »
Le crédit bancaire n’est pas à réformer à la marge mais à transformer en profondeur, avec de nouveaux critères d’attribution favorables à l’efficacité sociale, aux coopérations. Crédits de moyen et long terme, du local au mondial, avec des taux très bas pour les investissements matériels et de recherche débouchant sur de l’emploi et de la formation.
Proposition qui pourrait immédiatement se concrétiser par la création de fonds publics régionaux, gérant notamment les attributions de crédit, les bonifications, les garanties de crédit, auxquels participeraient les représentants des banques, des entreprises, des syndicats, des élus, des usagers… Même principe pour un pôle financier public au plan national et, concernant l’Europe, un rôle nouveau pour la BCE qui ne serait plus indépendante du pouvoir politique mais sous le contrôle des parlements et qui adopterait les mêmes critères de soutien par le crédit. Et qui relèverait ses taux pour la spéculation.
Concernant la monnaie, P. Boccara préconise «  un partage international de la création monétaire et de son utilisation, avec des monnaies communes pour de vastes zones monétaires ainsi qu’au plan interzonal et jusqu’au niveau mondial.   » 
De même l’usage des fonds publics provenant des impôts et de l’emprunt doit être reconsidéré et maîtrisé. Avec une fiscalité qui soit, vis-à-vis des entreprises, incitative à la croissance réelle et à l’emploi et dissuasive à la croissance des placements financiers. L’impôt sur les sociétés pourrait être relevé à 50 % des profits déclarés et modulé selon qu’ils sont réinvestis dans des investissements réels, matériels et de recherche, plus élevé si les profits vont aux placements de capitaux.
«  L’utilisation des fonds publics devrait permettre avant tout le développement des services publics ainsi que le soutien à l’emploi et à la formation, avec le contrôle démocratique effectif de l’utilisation des fonds.   »
A titre d’exemple concret : 27 milliards de fonds publics, c’est le montant des exonérations de cotisations patronales. 20 milliards de fonds publics permettent de mobiliser 500 milliards de crédits à taux zéro, bien plus que tous les investissements productifs en France. Un peu plus que les investissements productifs et financiers des entreprises !
Sur la question du marché des produits et des services, P. Boccara développe l’idée d’une «  socialisation révolutionnaire des services publics  » et celle de «  l’appropriation publique et sociale  » à tous les niveaux, du local au mondial, mettant l’accent sur les implications écologiques des productions, notamment du point de vue des gaz à effet de serre et des changements climatiques. «  Il ne s’agit pas de passer à une «  décroissance  » d’ensemble de la production mais de «  certaines décroissances relatives » par des économies fondamentales et des modifications du type de croissance, du type de procédés de production.   »
Bien d’autres idées nourrissent la matière de ce livre, riche et d’actualité. Nous vous les laissons découvrir. P. Boccara a le mérite de partir du réel pour nous faire partager sa conviction qu’il est aujourd’hui possible de commencer à construire un autre système économique avec en perspective une autre civilisation.
Des propositions qui ne demandent qu’à être enrichies et qu’à nourrir les luttes, décisives en dernier ressort.

« Transformations et crise du capitalisme mondialisé : quelle alternative » de Paul Boccara (éditions Le Temps des Cerises) 20 euros.

René Fredon

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