Chronique d'Evariste
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Dix enseignements tirés suite au 1er tour des primaires

par Évariste
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Nous vous proposons dix enseignements du premier tour des primaires citoyennes organisé par le Parti Socialiste avec la participation du PRG.

Le résultat du premier tour des primaires citoyennes nous donne les dix enseignements suivants :

1) C’est un succès important quant à la mobilisation des électeurs. Plus de 2,4 millions d’électeurs se sont déplacés.

2) Une fois de plus, les sondages ont favorisé les candidats du système et se sont trompés lourdement sur les votes sur Arnaud Montebourg et Ségolène Royal. Il faudra bien un jour réglementer les travaux de ces instituts de sondage pour éviter ce genre de manipulation. Cela devient grotesque.

3) La bonne surprise de ce premier tour est le bon score d’Arnaud Montebourg, le seul noniste des 6 candidats. Sa troisième place (avec plus de 300.000 voix portées sur son nom) lui permet de s’installer à la gauche du Parti socialiste, alors que le courant Hamon-Emmanuelli (situé anciennement à la gauche du PS) s’est fondu derrière une candidate du système Martine Aubry. Le courant Hamon-Emmanuelli a fait la même erreur stratégique que Chevenement et Motchane quand ceux-ci ont décidé au milieu des années 70 après la Convention sur l’autogestion de ne plus se situer à la gauche du PS mais dans « l’axe du parti » en soutenant François Mitterrand contre Michel Rocard alors que ces deux dirigeants étaient tous les deux des candidats du système. Cette erreur a été payée au prix fort, car le CERES est passé dans le PS de 26,9 % à cette convention à 14 % quelques années plus tard en 1979. C’est encore plus vrai aujourd’hui vu que les crises du capitalisme sont plus fortes qu’hier et supportent encore moins qu’avant les « arrangements » et les « manipulations » d’appareil.

4) Le score dérisoire du candidat patron du PRG Jean-Michel Baylet montre bien que l’ultra-européisme et son attachement à l’ordolibéralisme ne sont qu’une pâle figure des candidats socialistes du système et que l’on préfère toujours l’original à la copie. Ses positions intéressantes sur les problèmes de société n’ont aucune crédibilité, car il faudra bien expliquer un jour à ces responsables dogmatiques que la laïcité ne peut pas être défendue par les ordolibéraux de droite ou de gauche, car cette politique consiste en une alliance des forces néolibérales et des forces communautaristes et intégristes. Vouloir être dans cette alliance et promotionner la laïcité revient à espérer que le fait de « se tirer une balle dans le pied permettra de courir plus vite ».

5) On voit bien la véritable raison de la candidature de Manuel Valls à savoir ratisser dans l’ultra-droite de l’électorat du PS pour le compte du candidat du système le plus droitier François Hollande. Il n’a pas attendu, une fois les résultats connus, quinze secondes pour apporter son soutien à ce dernier.

6) Le mauvais score de Ségolène Royal tient au fait qu’elle voulait rester « assise sur deux chaises qui s’écartent ». D’un côté, elle a joué la candidate du système (la règle d’or par exemple) et par ailleurs, elle a voulu faire dans des propositions plus avancées comme sur les banques. Ce manque de cohérence lui a été fatal.

7) Il reste donc en lice deux candidats du système : François Hollande et Martine Aubry. La différence réside dans leurs soutiens. François Hollande incarne une droite du PS  homogène tandis que Martine Aubry est soutenue aussi bien par cette même aile droite dont le symbole est l’ordolibéral pur et dur Dominique Strauss-Kahn, mais aussi par des militants anciennement situés à la gauche du PS et qui avaient voté non le 29 mai 2005 comme le courant Hamon-Emmanuelli ou encore comme le courant Fabius.

8) Il restera à prouver que le futur désigné candidat du PS à l’élection présidentielle pourra faire mieux que le couple Prodi-Veltroni1 lors des deux dernières élections primaires citoyennes en Italie. Nous rappelons que ce merveilleux couple vainqueur des primaires n’a réussi qu’à tuer la gauche en Italie.

9) Vu qu’Arnaud Montebourg n’est pas sélectionné pour le deuxième tour des primaires citoyennes, les militants de la gauche d’alternative n’ont d’autre choix, pour ceux qui ne l’avaient pas encore fait, que de se reporter sur le Front de Gauche pour défendre la gauche d’alternative.

10) Il reste cependant au Front de Gauche de se mettre à la hauteur des enjeux notamment en développant à plein leur projet de rassemblement au sein des assemblées citoyennes du Front de Gauche qui ne soit pas uniquement un habillage d’un comité de soutien électoral ou une courroie de transmission des partis constitutifs du Front de Gauche. La seule réponse crédible du Front de Gauche aux primaires citoyennes du PS ne peut résider que dans la priorisation de ces assemblées citoyennes du Front de Gauche. Et sur ce point, il faudrait que le Front de Gauche appuie sur l’accélérateur s’il veut être à la hauteur des enjeux.

  1. le premier ayant gagné d’un cheveu face à Berlusconi et ayant fait une politique de droite néolibérale pendant son séjour au pouvoir cela a permis à Veltroni de se faire massacrer électoralement par le même Berlusconi []
Lutter contre le néo-libéralisme
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2008, puis crise de la dette des États et maintenant faillite de DEXIA, et... que faire demain ?

par Bernard Teper

 

Cette triple crise (économique, financière et de la dette publique) alimente les discours des uns et des autres. De nouveau, une banque importante, DEXIA (banque des collectivités locales), est en situation de faillite (voir l’article de Daniel Munevar du CADTM dans ce même numéro).

Pratiquement tous les discours font comme si la situation était grave, mais que l’on va pouvoir colmater la brèche et maintenir le Système.
L’extrême droite développe l’idée d’une sortie nationale dans un seul pays tout en souhaitant maintenir les politiques néolibérales et exhalant leur corpus de haine de l’humanité.
La droite ordolibérale continue à dire que tous ses choix politiques anciens sont bons et que sans ceux-ci, cela serait encore pire alors que ce sont leurs choix anciens (et notamment le oui au traité au Lisbonne) qui sont directement responsables de la catastrophe en dominos qui s’annonce.
La gauche ordolibérale (PRG, majorité du PS,Europe Écologie les Verts inclus) continue elle aussi à défendre, comme la droite, les choix qui sont la cause du désastre qui s’annonce. Ils ont plutôt le vent en poupe surfant sur l’anti-sarkozisme qui se développe, mais ils ne prennent pas les enjeux à leur véritable hauteur qui demanderaient qu’ils reviennent sur leurs dogmes anciens. Ils se distinguent de la droite en souhaitant étendre le jeu de la cavalerie de la « patate chaude ». Explicitons ce nouveau jeu de l’ordolibéralisme:à chaque fois qu’une dette est trop grande et menace le système lui-même, on fait financer cette dette par un autre acteur. En 2008, on sauve de la faillite les banques spéculatrices en y injectant l’argent des États (qui n’est que l’argent qui sort du travail des salariés citoyens). Quand les États ont des dettes trop importantes, on fait financer ces dettes par les banques. Quand ce petit jeu ne marche plus par ce que les États développent de plus en plus des risques d’insolvabilité, les apprentis sorciers de la gauche ordolibérale continuent à croire que la « cavalerie de la patate chaude » va les sauver. Ils proposent de faire racheter les dettes des États par une mutualisation européenne (les fameux eurobonds). Et quand la mutualisation européenne ne pourra plus rembourser ses dettes, est-ce qu’ils proposeront de faire racheter la dette européenne par les étoiles du cosmos ?
Quant aux extrémistes de l’extrême centre, ceux qui ne sont ni de droite ni de gauche (qui sont donc de droite !), mais qui veulent travailler avec l’ensemble des ordolibéraux de droite et de gauche, ils ont pris une position encore plus anti-sociale que les autres en souhaitant la « règle d’or », la poursuite de l’européisme aveugle et le retour à l’équilibre budgétaire plus rapidement que les autres (ce qui veut dire encore plus d’austérité que les autres).
Ils nous restent les amis de Montebourg, du Front de gauche, des petits groupes avec peu d’influence, du mouvement social et politique des indignés et bien sûr de la base des luttes : le mouvement social et syndical. Même si d’aucuns peuvent estimer que, sur certains points, chez nos amis, il y a loin de la coupe aux lèvres.

Que faire alors ?

Travailler à comprendre le monde qui nous entoure, soutenir et développer les résistances au turbocapitalisme, travailler au modèle politique de dépassement du turbocapitalisme, travailler les alternatives, travailler à leur cohérence, ne pas se laisser distraire par la société du spectacle qui nous est offerte par les élites politiques, intellectuelles, médiatiques du moment.
Pour cela, il convient de ne pas rechercher la facilité. Pour cela, plusieurs points sont prioritaires :
1) Continuer à dire que le vote du 29 mai 2005 est structurant pour l’avenir même si les élites politiques, intellectuelles et médiatiques ne le disent pas. La quasi-unanimité des abonnés de ReSPUBLICA sait très bien que la solution aux problèmes économiques et politiques passe par un refus du cadre institutionnel et juridique installé par les soldats du turbocapitalisme. Il n’y a point de salut hors du choix effectué le 29 mai 2005 par 31,3 % des votants : le non de gauche au traité. Ce point doit être bien sûr lié à tous les autres combats nécessaires.
Ce point est incontournable. Les partisans du oui qui souhaitent vraiment le changement doivent admettre qu’ils se sont trompés ou qu’ils ont été trompés.
2) Combattre toute solution qui estime qu’une seule idée surplombante peut résoudre ou entraîner la résolution de l’ensemble des problèmes. Cette stratégie est vaine. La conséquence de cette stratégie et que seule la globalisation des combats permet de nous sortir de cette impasse. Donc ne nous laissons pas subjuguer par le primat de l’égalité hommes-femmes, ou le primat de la sortie de l’euro,ou le primat de la dépendance de la Banque centrale européenne par rapport au politique, ou le primat de la sortie du nucléaire, ou le primat des droits sociaux, ou le primat du montant du SMIC, ou le primat du candidat à la présidence de la République,ou le primat des luttes de base, ou le primat des luttes institutionnelles, ou le primat de la laïcité, ou le primat de la démocratie, ou le primat du pouvoir dans l’entreprise, le primat du respect et de la tolérance,ou le primat de la souveraineté, etc. En fait, la période demande de globaliser et de lier tous ses combats à la fois et surtout de ne pas les isoler. Si nous entrons dans une période de préparation au nouveau pli historique (qui ferait suite au précédent au 16e siècle), c’est bien la globalisation des combats qui est nécessaire aujourd’hui. Là est sans doute une grande part du chemin que doivent entreprendre nos amis. Il faudra arrêter d’être écartelé entre les alliances contradictoires conséquentes à chaque idée surplombante. Chevènement est tombé avec l’idée surplombante de la souveraineté. Beaucoup d’illusions continuent de se déployer aujourd’hui ici et là.
3) Déployer une stratégie, qui fasse le contraire de Terra Nova, le club de réflexion de l’ordo-libéralisme, à savoir, qui inclus la classe populaire (ouvriers, employés, représentant 53 % de la population française) dans l’alliance de classes nécessaire à la transformation sociale et politique. Pour cela, il faut tenir compte de la nouvelle géosociologie des territoires qui voient cette classe prendre toute sa place dans les zones rurales et périurbaines et décroitre fortement dans les villes-centres et faiblement dans les banlieues.
4) Il est nécessaire de soutenir les luttes sociales tant de la classe populaire que celles qui développent la volonté générale des citoyens.
5) Prioriser les initiatives d’éducation populaire tournées vers l’action comme tente de le faire le tout nouveau Réseau Éducation Populaire (REP) dont le site sera public dans quelques semaines.

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Les dominos commencent à tomber en Europe

par Le CADTM
Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers Monde
http://www.cadtm.org/Francais

Source de l'article

 

Le 4 octobre, les Ministres des Finances français et belge ont annoncé conjointement leur décision d’intervenir pour sauver la banque Dexia, la plus grande entité financière en termes d’actifs en Belgique. Cette annonce a fait suite à des mois de rumeurs après les plus importantes pertes de l’histoire de la banque, plus de 4 milliards d’euros, entre les mois de mai et d’août 2011. C’est le deuxième sauvetage de Dexia après le sauvetage de 2008 au cours duquel la France et la Belgique avaient injecté chacun plus de 3 milliards d’euros pour racheter ses actions, ce à quoi il faut ajouter des garanties étatiques des crédits pour une valeur de 150 milliards d’euros1.

L’aspect le plus important de cette histoire concerne la dépendance de Dexia vis-à-vis du financement à court terme libellé en dollars. Au cours de la dernière décennie, Dexia a consolidé un modèle basé sur l’utilisation du financement à court terme et à bas coût pour l’achat d’actifs de long terme offrant de meilleurs rendements. Ces actifs libellés en dollars obligeaient Dexia à avoir toujours plus recours aux swaps2 et autres dérivés financiers pour soutenir sa position dans ses comptes de bilan. Cependant comme expliqué dans un précédent article3, ce modèle s’est effondré suite au blocage des marchés de financement à court terme après la disparition de Lehman Brothers.

Vu ce qui précède il n’est nullement surprenant d’apprendre qu’entre septembre et décembre 2008, Dexia a été le principal bénéficiaire au sein de la zone Euro des crédits d’urgence en dollars octroyés par la Réserve fédérale4 américaine pour une valeur de 58,8 milliards de dollars. Les crédits de la FED à Dexia ont continué jusqu’en 2010 pour se monter à 159 milliards de dollars en juillet 2010. Sans ces ressources Dexia se serait vue dans l’obligation de renoncer à ses positions à long terme à des prix bradés, ce qui non seulement aurait précipité son besoin de restructurer ses comptes de bilan mais aurait également entraîné l’augmentation de la volatilité sur les marchés financiers internationaux. C’est précisément pour éviter cela que la FED a augmenté progressivement ses crédits à la banque européenne.

Malgré les efforts des principales banques centrales pour cacher les problèmes de solvabilité d’institutions comme Dexia via l’injection massive de liquidités, la gravité de la situation liée aux pertes tant concernant les portefeuilles d’actifs libellés en dollars que les crédits aux pays de la périphérie européenne a rendu la situation intenable. Il en découle qu’il faut porter son attention sur les prochaines banques qui risquent de tomber comme conséquence de l’effet domino financier. On peut s’en faire une idée en analysant la dépendance des banques de la zone Euro vis-à-vis du financement à court terme, dépendance mesurée par leur utilisation du wholesale funding5 et des crédits reçus de la FED depuis la crise de 2008.

Semblable analyse révèle que ce sont les banques françaises BNP Parisbas et Société Générale qui sont les plus exposées. Depuis mai dernier dans les deux cas leur financement à moins d’un an représente un peu plus de 70% du total6. En comparaison, pour Dexia ce financement à moins d’un an représentait environ 50% du total. Cet indicateur témoigne du besoin d’avoir régulièrement recours aux marchés financiers pour obtenir des financements. Un pourcentage élevé comme dans le cas de ces banques est la marque d’une vulnérabilité élevée dans le cas où la volatilité augmente et finalement d’une hausse du coût de financement.

D’autre part si on compare la liquidité des actifs obtenus avec ce financement, moins de 40% de ceux-ci ont une échéance inférieure à une année pour BNP et SG alors qu’il s’agissait d’environ 10% dans le cas de Dexia. Cet indicateur témoigne de la capacité des banques à liquider leurs actifs pour faire face à leurs obligations dans le cas où leur accès au financement se trouve compromis. Un chiffre bas indique que les banques ont une faible capacité d’accès à des nouvelles ressources avec la vente de leurs actifs, ce qui augmente la fragilité financière de l’institution.

Les parallèles préoccupants ne finissent cependant pas là ! Conformément aux données du récent audit de la FED relatif aux destinations des crédits qu’elle a octroyés dans le cadre de la crise financière tant BNP que Société Générale se trouvent en tête des institutions financières bénéficiaires de ces programmes. Entre 2007 et 2010, BNP a reçu des crédits de la part de la FED pour une valeur de 175 milliards de dollars et Société Générale pour 125 milliards de dollars7.

La vulnérabilité évidente de ces institutions face aux attaques spéculatives qui entraînent le retrait du financement en dollars dont ces institutions dépendent permet de comprendre la chute rapide de leurs actions au cours de 2011, chute dans les deux cas supérieure à 50%. Vu ce contexte, il est clair que la procédure de nationalisation de Dexia est seulement la première étape d’une nouvelle phase virulente d’effondrement d’institutions financières qui, à la différence de ce qui s’était produit en 2008 semble plutôt localisée en Europe. Il semble cependant que la possibilité et la disponibilité de socialiser les pertes des banques ne soit plus la même qu’il y a quelques années. Lorsqu’on ajoute les difficultés que traverse la zone Euro, cela augure d’une période de volatilé très élevée et marquée par la nervosité voire la panique des marchés financiers.

par Daniel Munevar
Traduit de l’espagnol par Virginie de Romanet

  1. Voir, “]
  2. Le swap de devises (ou swap de taux d’intérêt et de devises) est un accord conclu entre deux parties qui s’échangent un montant déterminé de devises étrangères et s’engagent mutuellement à effectuer régulièrement des paiements correspondant aux intérêts ainsi qu’à se rendre le montant échangé à une échéance déterminée. Voir]
  3. Voir Daniel Munevar “]
  4. La Réserve fédérale aussi appelée FED est la Banque centrale des Etats-Unis (NdT) []
  5. La pratique de Wholesale funding (financement en gros) consiste à utiliser l’épargne des citoyens en contrepartie de financements diversifiés comme les Money Market Funds (des fonds mutuels qui investissent dans des titres de dette à court terme jugés comme sûrs. Ces fonds jouent un rôle central dans l’approvisionnement en liquidités pour les marchés de bons à court terme), les fonds d’investissement des Etats et des municipalités et d’autres investisseurs institutionnels. Théoriquement, la capacité supérieure de ce type d’investisseurs institutionnels est supposée résulter de leur possibilité de surveiller plus efficacement le profil risque des banques, ce qui devrait entraîner moins de risques pour les investisseurs. Cependant dans la pratique, ce type d’investisseur institutionnel augmente le risque d’hémorragie de capitaux à l’égard des banques qui dépendent de ce type d’investissement chaque fois que les investisseurs institutionnels agissent tous en même temps sur base des rumeurs du marché. Voir, “The Dark Side of Bank Wholesale Funding”, disponible sur le lien : ]
  6. Voir “With Dexia Done, Here Is Who Is Next : A Visual Euro Bank Liquidity Vs Funding Exposure Matrix”, disponible en : ]
  7. Voir, GAO (2011), ¨FEDERAL RESERVE SYSTEM Opportunities Exist to Strengthen Policies and Processes for Managing Emergency Assistance¨, Pg. 131, disponible en : ]
Politique française
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Lettre de Montebourg à Hollande et Aubry : Mélenchon y répond !

par Jean-Luc Mélenchon
Candidat du Front de Gauche à l'élection présidentielle
http://www.jean-luc-melenchon.fr

Source de l'article

 

Cher Arnaud Montebourg,

J’ai lu 1 de la primaire socialiste. Tu as voulu qu’elle soit « ouverte ». Je me sens concerné. En effet, tu t’adresses aux deux socialistes qui pourraient être candidats à l’élection présidentielle. Je le serai pour ma part en toute certitude, au nom du Front de Gauche. Les questions que tu poses concernent toute la gauche et tous nos concitoyens.

J’ai donc souhaité y répondre.

Le nombre de votants aux primaires organisées par le Parti socialiste pour désigner son candidat à l’élection présidentielle montre une volonté d’intervention populaire. Celle-ci marque je crois les temps politiques nouveaux dans lesquels nous sommes entrés. Car désormais le grand nombre sent bien que les dogmes suivis jusqu’à présent par les pouvoirs en place mènent le monde à une impasse. Chacun se sent dès lors invité à se mêler des affaires publiques. Bonne nouvelle !

En t’écrivant, je veux donc contribuer à ce débat démocratique indispensable pour que l’élection présidentielle ne se réduise pas à une compétition de personnes mais permette aux citoyens d’exercer en toute lumière une souveraineté éclairée par le débat argumenté.

Je veux aussi entamer à cette occasion une discussion ouverte à gauche sur les conditions concrètes et précises qui permettront à un gouvernement de mener une politique alternative à celle de la droite, à l’heure où pourtant les gouvernements sociaux-démocrates dans toute l’Europe adoptent des plans d’austérité en tout point contraires à leurs engagements de campagne.

Les trois questions que tu poses me paraissent essentielles. J’y réponds précisément et y ajoute une quatrième qui à mes yeux les conditionne toutes.

1°) Le contrôle politique du système financier

Je défends la mise sous contrôle social des banques afin de soumettre la finance à la loi de l’intérêt général. Le programme du Front de Gauche propose de combattre la spéculation et la financiarisation de notre économie en interdisant les ventes de gré à gré, les ventes à découvert et les produits spéculatifs et en bloquant les échanges de capitaux avec les paradis fiscaux. Nous imposerons également la séparation des banques de dépôt et des banques d’investissement. Nous interdirons les stock-options, les LBO et les engagements hors bilan et obligerons les entreprises à la transparence financière. Les mouvements internationaux de capitaux à des fins de spéculation et de placement financier seront contrôlés et taxés à nos frontières. Nous interdirons la libre action des agences de notation et des hedge funds en Europe. Un pôle public financier sera créé pour contribuer à produire et partager autrement les richesses. Enfin, la Banque Centrale Européenne doit prêter aux Etats pour casser la spéculation et mettre le financement des biens publics à l’abri des appétits des investisseurs privés.

2°) Le protectionnisme européen, social et écologique

Je combats le dogme du libre-échange pour des raisons à la fois écologiques et sociales. Je veux réduire les transports de marchandises inutiles pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Et je récuse la réduction des normes sociales et environnementales par la mise en concurrence des systèmes sociaux et fiscaux nationaux. Je prône une relocalisation écologique maximale de notre production agricole et industrielle. Pour cela, le Front de Gauche défend l’instauration d’un visa social et écologique qui permettra de bloquer les productions délocalisées pour des raisons de dumping social et fiscal. Il propose l’institution de protections et de normes sociales et environnementales communes aux Européens, avec, par exemple des prélèvements nationaux concertés sur les réimportations en Europe de productions délocalisées et une taxe « kilométrique » de manière à réduire les transports de marchandises évitables. Nous instaurerons un droit de reprise des entreprises par leurs salariés en cas de délocalisation ou de fermeture. J’ajoute que le contrôle des mouvements de capitaux que nous instaurerons permettra aussi de taxer lourdement les investissements supports des délocalisations.

3°) la VIe République et la lutte contre la corruption

Le Front de Gauche se prononce sans ambiguïté pour une Sixième République parlementaire. Nous voulons en finir avec ce régime qui dépolitise le débat public et organise le dessaisissement des citoyens. La méthode que le Front de Gauche avance pour rédiger cette nouvelle Constitution est celle qu’ont suivie avec succès les peuples qui ont fait avant nous le choix de la révolution citoyenne, la convocation d’une Assemblée Constituante dès le début du mandat. Mon ambition est donc d’être le dernier président de la Cinquième République.

Quant à la corruption, je la tiens pour un symptôme de la décomposition de notre République. Elle prospère en raison du fonctionnement oligarchique des institutions, qui mêlent étroitement possédants et cercles dirigeants de l’Etat. Elle est la conséquence de l’accumulation de richesse par quelques-uns. Ceux-là jouissent de ce fait d’un pouvoir d’influence indécent contraire à l’égalité des citoyens. Elle se nourrit de la colonisation de l’Etat par les intérêts particuliers, permise par la libéralisation des services publics et la confusion qu’elle entraîne entre public et privé. Elle est encouragée par le fonctionnement des institutions européennes, où les lobbies font la loi. Nous combattrons la corruption sur tous ces fronts : mise au pas de l’oligarchie par la création d’un revenu maximum, instauration d’un régime parlementaire permettant le contrôle effectif de l’exécutif, abrogation des libéralisations de services publics, pôle public du médicament, nouveau traité européen conditionnant tout transfert de souveraineté à un contrôle démocratique de son usage.

Voici donc mes réponses aux trois points que tu évoques. Je serais incomplet si je n’en ajoutais un quatrième. Je crois que tu en seras d’accord puisque, comme nous, tu as voté non au Traité constitutionnel européen et à sa copie conforme le Traité de Lisbonne. Rien ne pourra être fait de ce que j’ai dit précédemment sans remise en cause du Traité européen de Lisbonne. Celui-ci interdit en effet toute entrave à la libre circulation des capitaux, promeut le libre-échange généralisé, fait échapper une part croissante de notre législation à la souveraineté populaire et officialise le pouvoir corrupteur des lobbies. C’est pourquoi nous organiserons un référendum pour proposer au peuple français une liste de dispositions sur lesquels la France désobéira sans attendre aux traités européens, prélude à une refondation de l’Union toute entière.

Reçois, cher Arnaud, mes félicitations pour le combat que tu as mené au sein de ces primaires et qui a permis de faire progresser tant d’idées que nous avons en commun.

  1. la lettre que tu as envoyée à tes compétiteurs: http://www.liberation.fr/politiques/01012365057-la-lettre-de-montebourg-a-hollande-et-aubry []
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Comment la laïcité a été offerte en cadeau au Front national

par Catherine Kintzler
Auteur de "Qu'est-ce que la laïcité", publié chez Vrin, 2007.
http://www.mezetulle.net

Source de l'article

 

Réputée ringarde il n’y a pas si longtemps, la laïcité devient un objet « fashion » convoité par les politiques et on peut s’interroger sur une récupération qui a fait grand bruit ces derniers temps : par quel processus la laïcité est-elle tombée dans l’escarcelle du Front national ?

Le président de la République et son gouvernement ont certes bien travaillé à ce transfert en faisant un grand écart, du discours de Latran aux déclarations de Claude Guéant. Mais la voie a été ouverte de longue date par bien des « forces de gauche » traditionnelles principalement durant les années 80-90.

Deux dérives symétriques et complices, auxquelles maintes « forces laïques » se sont livrées, ont en effet préparé depuis une trentaine d’années l’essentiel de ce transfert politique.

Laïcité adjectivée et extrémisme laïque

La première dérive : je l’appellerai la laïcité adjectivée (plurielle, ouverte, positive, raisonnable, raisonnée, etc.). Elle consiste à vouloir étendre au domaine de l’autorité publique – où s’applique rigoureusement le principe de neutralité – le régime de la société civile où doit régner le libre affichage des opinions dans le respect du droit commun. Autrement dit, cette dérive récuse le caractère neutre et minimaliste de la puissance publique républicaine. Elle fait de l’opinion religieuse une norme sans bornes, autorisant les propos religieux au sein de l’Etat lui-même et aboutissant à légitimer la communautarisation du corps politique.

La seconde dérive, une forme d’extrémisme laïque, consiste symétriquement et inversement à vouloir durcir l’espace civil en exigeant qu’il se soumette à l’abstention qui devrait régner dans le seul domaine de l’autorité publique. On voit se former des groupes favorables à l’effacement dans l’espace civil de tout signe religieux, et qui ont diffusé récemment des thèmes non pas antireligieux généralement (comme cela serait cohérent avec leur principe) mais plus particulièrement antimusulmans.

Le pouvoir de nuisance de cette seconde dérive n’est pas négligeable. Après avoir réalisé sa jonction avec l’extrême droite à la faveur de l’opération « saucisson-pinard », elle a fait un groupie de plus en la personne du ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, qui a déclaré récemment vouloir astreindre les usagers des services publics à l’abstention de tout affichage religieux. Pourquoi ne pas réclamer à ce compte qu’on fasse taire les cloches, qu’on rase les calvaires et qu’on débaptise les communes portant le nom d’un saint ?

Un mécanisme de balancier

Ces deux courants se sont relayés et ont offert la laïcité à Mme Le Pen :

  • l’un en désertant totalement le terrain du combat laïque pendant de longues décennies,
  • l’autre en l’investissant avec des propositions durcies et réactives,
  • les deux en épousant le fonds de commerce des politiques d’extrême droite, à savoir la constitution fantasmatique de « communautés » (en l’occurrence « les musulmans ») que les premiers révèrent en criant à la « stigmatisation » et que les seconds détestent.

Le mécanisme de balancier est facile à comprendre et à décrire. A force d’amollir la laïcité, d’en nier l’essence au point d’introduire le discours religieux comme légitime dans le domaine de l’autorité publique, à force de consacrer le fractionnement du corps social en reconnaissance politique d’appartenances particulières, à force de dissoudre l’idée républicaine, on finit par réveiller ou par produire un mouvement réactif et rigide.

Ce mouvement réclame le « nettoyage » de toute présence du religieux dans l’ensemble de la vie civile et sa restriction à la stricte intimité – autant dire qu’il réclame l’abolition de la liberté d’expression. Comment s’étonner que l’extrême droite, criant à l’abandon de la laïcité, n’ait plus qu’à s’emparer d’un extrémisme laïque aux ordres du nettoyage antireligieux (que l’on réduit au nettoyage antimusulman) ?

Un jeu de l’oie où il faut éviter la case laïcité

Ainsi, en peu de temps, on a vu les mêmes plaider pour une « laïcité positive » qui mettrait la puissance publique à l’ordre des religions, puis suggérer de soumettre « les usagers » des services publics à l’abstention de tout affichage d’opinion religieuse, en passant par le projet de financement public des lieux de culte.

Tout et n’importe quoi a été entendu et on peut s’attendre à de brillantes variations de toutes parts dans ce jeu de l’oie où le but est d’éviter systématiquement la case laïcité. Le Front national serait bien bête de ne pas ramasser la mise de ce gaspillage politique.

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Le socialisme républicain de Pierre Leroux : la réconciliation de la liberté avec l'égalité

 

Il n’est pas rare d’avoir de houleux débats avec des partisans du libéralisme sur la notion de liberté et la façon de l’articuler avec l’égalité. Généralement, un libéral type vous affirmera la primauté de l’individu et sa liberté. De l’autre côté de la rive, vous trouverez leurs ennemis de toujours: les partisans de l’égalité absolue, que l’on classe généralement du côté du communisme ou de ses variantes. Tandis que l’un affirme que l’égalité est une chimère, l’autre ne croit pas en la liberté (“la liberté? pour quoi faire?” disait Lénine). L’un se pare des vertus de la liberté individuelle, l’autre de la science dont découlerait un déterminisme liberticide. La bataille de ces deux titans résume l’histoire du monde dit “moderne” depuis de nombreux siècles, et si la liberté individuelle poussée à son paroxysme fit les dégâts que l’on connaît lors de l’industrialisation de l’Europe au XIXe siècle, la société transformée en hydre tyrannique a commis un nombre considérable de désastres depuis les théocraties jusqu’au stalinisme.

C’est dans ce duel permanent que se situait l’homme dont je fais le sujet de cette note : Pierre Leroux. Socialiste méconnu du XIXe siècle, Pierre Leroux est un philosophe que j’ai récemment découvert lors d’une lecture d’un livre, “la dissociété”, de l’économiste Jacques Généreux. Héritier de la pensée de Leroux, Généreux conceptualisa l’idée d’une société idéale qui se situerait entre les deux extrêmes que sont celui de la dissociété, constituée d’une somme d’individualités atomisées et vide de lien social, et l’hypersociété, engloutissant avec voracité l’individu même dans une société oppressante et totalitaire. Et c’est en parcourant son livre que je découvris les individus qui lui servaient de référence philosophico-politique: les socialistes républicains, à la tête desquels se trouve un certain Pierre Leroux.

Pierre Leroux eut un passé philosophico-politique qui explique peut-être en partie sa pensée. Passé du libéralisme carbonariste partisan d’une monarchie constitutionnelle, il fut ensuite saint-simonien (du socialiste Saint-Simon) pour enfin commencer à élaborer sa propre doctrine. Ce bref résumé n’est pas inutile à rappeler quand on sait ce que fut l’objectif principal de toute son oeuvre : la conciliation des idéaux de liberté et d’égalité, dont la conception absolutiste porté d’un côté par les libéraux de son époque et de l’autre par les saint-simoniens (partisans d’une sorte de théocratie communiste) l’amena à penser un moyen de réconcilier ces frères ennemis.

Comment le fit-il ? Par l’application simplissime du célèbre triptyque républicain : liberté, égalité et fraternité. En effet, le pensée de Leroux est jalonnée de formulations triangulaires, le triangle servant généralement de forme géométrique dont les sommets devaient être au bout de côtés égaux, afin qu’advienne l’équilibre des 3 principes mis à chaque sommet. En 1845 il disait déjà “Nous sommes socialiste si l’on veut entendre par socialisme la doctrine qui ne sacrifiera aucun des termes de la formule liberté, fraternité, égalité, unité, mais qui les conciliera tous”. Socialisme et république sont donc “deux idées adéquates”, et pour lui la fraternité doit servir de ciment à la construction de la liberté et de l’égalité, d’où sa volonté de la mettre au centre du triptyque: “Je mets la fraternité au centre de la formule parce qu’elle est le lien entre la liberté de chacun et la liberté de tous ou égalité” disait-il. Son texte majeur sur ce sujet-là se nommera par ailleurs adéquatement “du socialisme et de l’individualisme”. Texte fort bien construit, Leroux y plaide contre l’individualisme absolu qui provoque paupérisme, misère, solitude et pauvreté, mais AUSSI le socialisme absolu, dont la société écraserait toute liberté et toute individualité.

Si de nos jours le danger totalitaire ne menace plus vraiment nos contrées occidentales, celui de l’hyperindividualisme semble être le fléau dont le XXIe siècle aura à se défaire afin que puisse un jour se fonder une société “décente” telle que la voulait George Orwell. Dépressions, cynisme vulgaire, apolitisme, inégalités croissantes, explosion de la pauvreté, misère, suicides, solitude et autres maladies dont les victimes ne sont jamais comptées comme le dit très bien Michel Onfray, sont le lot de déchets rejetés par l’utopie libérale, pensée unique de la société de consommation moderne. C’est pour cette raison-là qu’il est nécessaire de revisiter la pensée d’un tel homme, qui utilisait une très belle métaphore pour justifier le socialisme par l’individualisme : si regarder son nombril doit être un droit, il doit aussi permettre à l’individu le faisant de se rappeler du lien ombilical qui le reliait à sa mère, et qui n’existant plus, dut être remplacé par le lien invisible de l’affection. La métaphore s’appliquant merveilleusement bien à l’humanité, mère de l’homme, le lien qui devait être l’équivalent de ce lien d’affection serait, selon Leroux, celui de l’amitié, la solidarité ou la fraternité.

Nul besoin de rappeler que l’un des défauts majeurs des libéraux depuis toujours a été de croire que l’homme était par nature mauvais, égoïste et intéressé. “Homo homini lupus est” disait Hobbes afin de justifier l’existence d’un état régulateur des conflits sociaux. De ce postulat anthropologique découle toute une vision de la société, dont la métaphysique sert actuellement de prétexte pour justifier le triomphe de l’argent roi, des marchés et de leur main invisible, somme des intérêts particuliers, qui devrait permettre la création de l’intérêt général selon eux. Une récente conversation avec une personne adhérant à ces thèses fut révélatrice de cette vision de l’homme et de la société pour moi: voici ce qu’il me rétorqua lorsque je lui parlai de peuple, société et solidarité: “l’être humain [est] naturellement égoïste.”.

En retour, je ne pus que lui répondre ceci:

“Vous prenez votre idéologie, c’est-à-dire l’individualisme libéral, pour une généralité, mais vous faites une grosse erreur. De la même manière que l’être humain n’est pas “bon par nature” (Rousseau), il n’est pas non plus “égoïste par nature” (les libéraux) et n’agit pas uniquement par intérêt. Il suffit de faire un peu d’anthropologie et d’histoire pour voir que l’être humain est beaucoup plus complexe, et en lui se trouvent des passions de charité ou d’égoïsme, qu’il faut concilier. Certaines sociétés par exemple, notamment amérindiennes, ont pour principe de créer de la richesse pour la détruire ensuite (contrairement à l’accumulation capitaliste), c’est vous dire si vous devriez relativiser votre jugement.”

Car en effet, comme l’ont très bien expliqué d’autres intellectuels héritiers de Leroux, Mauss et Castoriadis, si l’égoïsme est naturel à l’homme, le don l’est tout autant, et serait même une nécessité anthropologique selon Mauss (voir son “Essai sur le don”). Le socialisme tel qu’ils le conçoivent, ce n’est ni l’individualisme absolu qui consiste à simplement recevoir sans donner, ni le socialisme absolu qui consiste à donner sans recevoir. C’est la conjonction de ces valeurs traditionnelles au sens noble du terme qui doit servir de fondement de la morale publique, car contrairement aux libéraux, les républicains pensent la morale commune, les valeurs qui unissent et le patriotisme qui rassemble (ce fut l’objet de nombreux débats depuis le XVIIe siècle, et la raison de la méfiance des libéraux envers les jacobins de la révolution française).

Tout ceci amène d’ailleurs au célèbre débat sur l’école et la primauté de l’instruction publique ou de l’éducation nationale1. Si l’instruction publique a pour objectif de développer la raison dans l’enfant, l’individu, son esprit critique et sa liberté de pensée au prix d’un dur effort et d’une discipline de fer (doctrine théorisée de façon grandiose par Condorcet dans ses mémoires sur l’instruction publique), l’autre a pour objet de développer le patriotisme, la morale commune, la ferveur et le sentiment d’appartenance à la nation, le tout avec des méthodes plus basées sur la spontanéité de l’enfant et le ludique. Aujourd’hui, depuis la victoire d’une certaine pédagogie portée par certains 68ards, grotesque caricature de l’éducation nationale, ce sont les excès de cette dernière qu’il s’agit de réguler par la première, et ceci fut le but des théoriciens de l’école de la IIIe République (française), celle de Ferry et Buisson, qui voulaient effectuer un syncrétisme de ces deux notions en développant l’individu physiquement, intellectuellement et moralement.

Autre cas intéressant : celui des libertés individuelles. Là aussi la pensée lumineuse de Pierre Leroux peut servir de guide afin de traverser l’eau glacée des libertés abstraites et le feu des critiques matérialistes (et généralement marxistes) de celles-ci en sécurité. Si pour les libéraux, et en particulier les ultras, la liberté individuelle prime, pour ces derniers la simple déclaration en droit de ceux-ci, telle que la célèbre déclaration des droits de l’homme, doit suffire. Marx et à sa suite de nombreux marxistes et gauchistes feront une critique acerbe de ces libertés abstraites dont ne jouissent évidemment pas les plus pauvres et les victimes de l’infortune (Marx parlait de “l’Eden des droits de l’homme”). Le problème de cette critique, c’est que mal comprise voire dévoyée, elle servit de prétexte pour la remise en cause de ces libertés dites “bourgeoises”, notamment par le marxisme-léninisme, mais aussi pour l’attaque des droits de l’homme, portée aujourd’hui par de nombreux gauchistes, souvent en outre en brandissant le motif qu’ils serviraient tout simplement d’excuse pour l’impérialisme (ce qui est aussi le cas dans les faits). Ici, Leroux tentait encore une fois de trouver le juste milieu, en affirmant que les libertés individuelles sont primordiales, et par conséquence il faut que celles-ci bénéficient non pas à certains mais à tous (Eugène Fournière dira à sa suite que “le socialisme est un individualisme intégral”). La loi ne doit donc jamais être séparée du “but social”, car s’il reconnaissait “la grande ironie” de la société qui entretient “la plus infâme inégalité” tout en proclamant que les hommes sont égaux, il ne considérait pas que ces mêmes droits n’étaient que papier: “Ce n’est pas le présent en lui-même qu’il faut voir; c’est le présent par rapport au passé et par rapport à l’avenir. Car le droit proclamé et non réalisé est supérieur à l’usage qui n’était pas revêtu du droit”.

En conclusion, avec mes modestes connaissances il me semble hautement nécessaire de faire revivre une telle pensée, dont les idées pourraient servir de remèdes face à de nombreux fléaux actuels tels que la crise du multiculturalisme, le communautarisme, le repli identitaire, la destruction de l’Etat social, la montée des incivilités et j’en passe. Pierre Leroux voulait absolument réconcilier les deux piliers de la société moderne qui semblent antinomiques aujourd’hui: le marché, symbole de liberté et de l’individu, et l’Etat, représentation de la société et producteur d’égalité. Pour ce faire, il mit au centre la notion de fraternité, dont le concrétisation devait se faire, selon lui, par l’association, haut lieu de sociabilité, d’amitié et de fraternité. De ce fait, si l’Etat, et donc la politique, doit avoir pour but de changer les choses, cela ne doit pas être en intervenant directement sur les individus en imposant une obligation de socialisation “par le haut”. Non, l’Etat ne pourrait servir de nouvelle église pourvoyeuse d’inquisition. Mais il ne pourrait être non plus inefficace en laissant les mains libres aux marchés, car “l’état nain” ne vaut pas mieux que “l’état hydre”. Il doit donc servir de facteur d’émancipation et surtout de moyen d’incitation à la sociabilité: il doit non pas imposer la civilité, mais permettre la réunion des facteurs incitant à celle-ci, d’où la nécessité que celui-ci soit social. Jaurès reprendra cela en affirmant la nécessité d’une République, non seulement laïque, mais aussi sociale, “l’une parce que l’autre”.

Pierre Leroux est un illustre penseur aux idées toujours aussi modernes et révolutionnaires aujourd’hui, espérons qu’elles se popularisent un jour, car si le social-libéralisme dominant à gauche actuellement n’est que le néolibéralisme vêtu de vêtements de luxe, une certaine pensée d’extrême-gauche totalitaire ne peut en aucun cas lui servir d’alternative2.

  1. Voir le ]
  2. Pour en savoir plus, lire le livre d’une trentaine de pages de Bruno Viard et Yves Vaillancourt sur Pierre Leroux et le socialisme associatif, ]
Nucléaire
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Rectificatif à l'article sur la présentation du scénario négaWatt

 

Philippe Brousse, coordinateur général du réseau Sortir du nucléaire, nous a adressé une lettre concernant notre article sur la présentation du scénario 2011 de l’association négaWatt, dans laquelle il écrivait:

A l’occasion de la présentation du scénario Négawatt 2011, un tract intitulé “10 ans maximum pour sortir du nucléaire” a été distribué à l’entrée de la salle à la seule initiative d’un militant antinucléaire.

Il ne s’agit pas d’un tract du Réseau “Sortir du nucléaire”.

Ce tract ne peut donc en aucun cas être assimilé à une position officielle de notre fédération de 904 associations, signataires d’une charte commune pour sortir du nucléaire.

Je vous remercie d’apporter le correctif nécessaire dans votre article publié sur internet.

Si nécessaire, je suis à votre disposition…”

Nous prenons acte du fait que que ce tract n’est pas une position officielle du Réseau “Sortir du nucléaire” en le faisant savoir à nos lecteurs. Nous apportons donc “le correctif nécessaire” à notre article publié dans notre dernier numéro comme demandé par Philippe Brousse. Dans la conversation téléphonique que nous avons eu avec lui, il a cependant convenu que pouvait adhérer à ce réseau ceux qui sont pour le plan négaWatt de sortie du nucléaire en 22 ans, mais aussi ceux qui estiment qu’il faudra plus de temps ainsi que d’autres qui pensent pouvoir sortir du nucléaire en 10 ans ou même du jour au lendemain. Nous estimons comme suggéré dans notre article que le sérieux du projet négaWatt disqualifie tous les projets de sortie du nucléaire en moins de 22 ans. Il est une base de discussion incontournable. Restes des interrogations sur certaines hypothèses de ce projet actuellement à l’étude. Nous regrettons que les partisans d’une baisse d’un nucléaire français mieux contrôlé n’aient pas fait le même travail sérieux que l’association négaWatt pour fournir aux citoyens éclairés une autre base de discussion. Donc aujourd’hui, nous n’avons que l’étude négaWatt pour nous éclairer.