Présentation du scénario 2011 de l’association négaWatt

Le dernier scénario datait de 2006, c’est donc cinq ans après que l’association négaWatt a récidivé, ce jeudi 29 septembre 2011 à l’Espace Reuilly. La salle était pleine (sans doute près d’un millier de personnes).
Que ce soit dans le débat énergétique ou dans celui de la transition énergétique, ou encore pour les partisans de la République sociale du 21e siècle dans le débat sur la rupture écologique, on a l’habitude des numéros de saltimbanques dogmatiques aussi bien chez les pro-nucléaires que chez les anti. D’ailleurs, nous en avons eu un exemple grandeur nature à l’entrée de la salle de présentation du scénario négaWatt. Sans doute, excédé par le fait que l’association négaWatt estime qu’il faut 22 ans pour sortir du nucléaire, les militants du réseau Sortir du Nucléaire ont distribué un tract disant que cela devait se faire en 10 ans maximum. Qui dit mieux ! Ce tract du groupe Sortir du nucléaire se targue d’avoir rassemblé, à la suite de Fukushima, 67 associations et partis politiques dont ATTAC, CAP21, NPA, PG, etc. Ces organisations devraient mieux réfléchir avant de signer avec une association qui ensuite utilise leurs signatures dans un tract titré « 10 ans maximum pour sortir du nucléaire ! ».

Le sérieux était par contre au rendez-vous côté tribune.

Car disons-le ! Dans le débat énergétique et dans le camp qui souhaite sortir des énergies fossiles « faciles » et du nucléaire, négaWatt est l’association la plus sérieuse.

Les responsables actuels de négaWatt 2e génération ont fait présider la séance par Bernard Laponche, ancien directeur de l’ADEME qui fut de la première génération. négaWatt a comme objectif de prendre en compte l’urgence climatique, la fin des énergies fossiles « faciles » pour cause de décarbonation nécessaire et la fin du nucléaire.

D’abord, elle va dans le bon sens en partant des usages et non des ressources. Ce point est capital. Les tendances eschatologiques de « la fin du monde » de ceux qui veulent ne prendre en compte que le niveau des ressources doivent nous entraîner à soutenir ce point de doctrine des négaWatt. Ensuite, ils refusent, à juste titre, à mon sens, de prendre en compte les procédés futurs non encore mis au point.

L’association s’appuie sur trois leviers :

  • la sobriété,
  • l’efficacité énergétique
  • et le développement des renouvelables.


Mais dans leur schéma, un effort principal vient de la biomasse solide. Il est à noter que ce scénario est compatible avec le scénario Afterres 2050 de l’association Solagro qui travaille sur les sols et l’agriculture.

Ce qui est très intéressant est le fait qu’entrent dans leur scénario les enjeux énergétiques essentiels que constituent le bâtiment, l’industrie et les transports notamment en développant des hypothèses de base sur tous ses sujets.

Comme indiqué ci-dessus, la sortie nucléaire ne peut pas se faire sérieusement avant 22 ans si l’on veut travailler sur une sortie raisonnée et progressive en tenant compte de toute la chaîne du nucléaire et surtout d’une montée en charge des énergies de substitution.

Le point-clé du scénario 2011 est en fait la coordination des réseaux et notamment la méthanation (1)réaction simple entre l’hydrogène d’électrolyse et du gaz carbonique de combustion que l’on injecte au même titre que le biogaz dans le réseau où il remplace le gaz naturel fossile qui permet entre autres d’accepter la variabilité des énergies renouvelables. Il prévoit une production de 30 TWh de méthane synthétique.

Ils ont montré, ce qui est intéressant, que le programme du Grenelle de l’environnement aurait eu comme impact de baisser la quantité d’énergie nécessaire pendant quelques courtes années puis que cela aurait recommencé à grimper. Cela montre donc que le Grenelle de l’environnement n’avait comme objectif qu’un effet d’affichage.

Bien évidemment, le débat est ouvert sur les hypothèses de base du modèle négaWatt. Prenons quelques exemples.

Dans leur base de calcul, ils prennent pour l’occupation des logements pour 2050, 2,2 personnes par logement alors que c’est 2,25 personnes par logement en 2010 avec un chiffre tendanciel calculé par l’INSEE de 2,01 pour 2050. Voilà un exemple de débat à avoir sur les hypothèses de base. Ils tablent sur deux mètres carrés par habitant de solaire en 2050. Alors qu’il pensait dans leur scénario 2006 que l’obligation de mise aux normes ne devait être portée que dans les ventes d’appartement, le scénario 2011 appelle donc à rajouter à un programme de réhabilitation et de rénovation urbaine pour mise aux normes. Par ailleurs, ils sous-estiment sans doute la réprobation d’une partie de la population sur la visibilité proche de chez eux de l’éolien terrestre. On pourra aussi discuter de leur propension à diminuer fortement les trajets des avions longs courriers (avec les résistances à cette diminution forte que cela va produire) et le fait qu’ils n’ont pas chiffrés les investissements nécessaires à court terme pour lancer la transition énergétique. Car stipuler la transition énergétique voire la planification énergétique ou écologique sans donner les chiffres des investissements court terme nécessaire est critiquable.

Cela dit, nous avons là une base sérieuse pour engager le débat énergétique avec les travaux de cette association négaWatt. D’autant plus que nous n’avons pas l’équivalent de ce travail chez ceux qui veulent garder un peu de nucléaire (en dehors d’EDF, le CEA et AREVA dont l’opacité et la non-transparence sont légendaires). Pas d’études sérieuses fournies au public sur les conséquences de la tendance à la privatisation et à la marchandisation de l’énergie nucléaire en cours dans le turbocapitalisme. Pas d’études sérieuses sur la quatrième génération des centrales nucléaires. Pas d’études sérieuses sur les internalisations nécessaires des externalisations négatives du nucléaire. Pas d’études sérieuses sur la sûreté des centrales. Sans parler des déchets. Etc.

Et c’est bien dommage, car du débat entre des études sérieuses et en partie contradictoires peut surgir des vérités. Avis aux amateurs !

En tout état de cause, nous avons là un matériau et des conférenciers pour engager un travail d’éducation populaire tournée vers l’action sur la transition énergétique. À bon entendeur.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 réaction simple entre l’hydrogène d’électrolyse et du gaz carbonique de combustion que l’on injecte au même titre que le biogaz dans le réseau où il remplace le gaz naturel fossile