Chronique d'Evariste
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Ne pas laisser l’oligarchie imposer l’austérité et la récession aux peuples : comment être à la hauteur ?

par Évariste
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La menace se précise à court terme. Mais avec plus de 60.000 manifestants (comptage effectué par lignes par Respublica avec trois points fixes) à Paris contre le traité, nous avons vu les effets d’une grande détermination. Nous avons également eu des remontées sur de nombreuses réunions en province qui n’ont pu monter à Paris (faute d’une organisation de type de celle utilisée le 16 janvier 1994 - où nous étions environ 1 million contre la volonté de Bayrou et Balladur de renforcer l’inique loi Falloux de 1850 - avec la location de trains entiers organisée par les structures nationales syndicales et une mobilisation sur plusieurs mois !)

Il faut en finir avec l’idée des socialistes grecs, portugais, espagnols, italiens et français selon laquelle on peut lutter contre l’austérité et la récession avec le processus européen actuel. Mais il ne suffit pas de se plaindre sur un mur des Lamentations virtuel pour changer les choses. Nous rappelons l’analyse que vous avez pu lire dans les éditos de Respublica du printemps dernier, à savoir que les élections montraient tout d’abord que la droite et l’extrême droite se sont renforcées et que François Hollande ne devait le succès qu’à la division de la droite qui n’a pu être rassemblée par Nicolas Sarkozy. Telle est la réalité des abstentions au deuxième tour de la présidentielle. Nous avons aussi souligné à propos de ces élections les phénomènes de gentrification (exode des couches populaires vers les zones périurbaines et rurales principalement, venant des villes-centres, mais aussi de la banlieue) et d’homogénéisation des quartiers, qui n’ont été pris en compte ni par la gauche ordolibérale ni par la gauche de gauche.
Ces élections montrent aussi que la gauche de gauche n’a que timidement démarré sa reconquête des couches populaires (53 % de la population active) alors que c’est sa seule possibilité de développement. Mais aussi que la capacité d’influence des responsables et militants de la gauche de gauche auprès de leur environnement de proximité est faible, ce qui explique la faiblesse du ratio législative/présidentielle et la déception au vu des résultats comparés aux rassemblements en meetings. Tout cela, nous l’avons déjà écrit, mais il faut se le rappeler sans cesse !
Les conférenciers du Réseau Education Populaire (REP, 200 conférences par an) sont en mesure de montrer à l’aide de graphiques :

  • que la récession se développe de plus en plus et que si l’Allemagne est la seule à y échapper aujourd’hui, eu égard à l’interdépendance des pays de la zone euro, tout porte à croire qu’elle entrera en récession ;
  • que le recul du PIB se développe très vite dans toute la zone euro,
  • que la production industrielle recule dans toute l’Europe y compris en Allemagne,
  • qu’il y a un effet domino des plans d’austérité en Europe,
  • que les ventes au détail s’effondrent,
  • que le chômage s’envole.

Par ailleurs, tant les spécificités de l’ordolibéralisme européen [variante du néolibéralisme mondial] caractéristique d’un développement capitaliste de plus en plus inégal, que toutes les mesures de type « fédéraliste par le haut » [en tuant la démocratie] se heurtent à une construction européenne d’essence confédérale, sont un carcan pour l’Union européenne.
Si on ajoute la faiblesse de l’Europe en termes de ressources énergétiques et le fait que l’Union européenne tente de nier les identités nationales européennes et le besoin de démocratie, on obtient un cocktail qui nous entraîne à penser que nous allons aller, au bout de la seringue, vers un clash européen d’abord dans la zone euro puis dans l’Union européenne.
On ne peut pas constamment défendre l’idée que tout est possible à tout moment. L’état du rapport des forces ne permet pas comme certains le croient de faire une sortie à froid de la zone euro ou de l’Union européenne, car ceux qui s’engageraient dans cette voie seraient dans les conditions actuelles de la lutte responsables d’un accroissement encore plus rapide de l’implosion. Le plus probable est donc que nous allons vers un état de crise majeure encore plus inégalitaire, avec une intensification des politiques anti-salariales, anti-sociales, anti-démocratiques, anti-laïques et anti-écologiques.
Notre seule arme reste l’armement idéologique et politique du peuple pour que ce dernier puisse prendre les décisions qui s’imposeront à une date que nous ne connaissons pas encore. La période de la démocratie délégataire touche à sa fin. L’idée du dépassement du capitalisme doit être travaillée. Le changement de paradigme culturel est à l’ordre du jour. La difficulté réside aujourd’hui dans la nécessité de rompre avec les prééminences surplombantes [selon lesquelles une seule idée peut tout résoudre] et de penser la globalisation des combats économiques, industriels, démocratiques et institutionnels, laïques, sociaux, féministes et écologiques pour le moins.
Engager le travail culturel vers une transformation sociale et politique, voilà la priorité de l’heure ! N’attendez pas les consignes, prenez les décisions et engagez-vous pour aller au plus près des citoyens et engager un débat démocratique, proposez-leur diverses initiatives : conférences publiques, réunions d’appartements de type tupperware, stages de formation, actions cinématographiques, utilisation des formes théâtrales, conférences gesticulées, ateliers de lecture, débats initiés par des vidéos courtes, etc.
Vous voulez en savoir plus, vous ne connaissez pas toutes ses formes d’éducation populaire, contactez-nous !

Lutter contre le néo-libéralisme
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Compétitivité et austérité : problème du faible ou problème du système ? (2e partie)

par Michel Zerbato
Universitaire.
Auteur de "Néolibéralisme et crise de la dette, aux éditions "Osez la République Sociale"

 

La première partie discutait l’argumentation d’une France trop chère. Est-ce vraiment le problème ?

2. … Non, simplement celui du système capitaliste

Deux types de considérations, d’inspiration néo-keynésienne, permettent de contester l’inéluctabilité d’une austérité salariale généralisée et d’imaginer une gestion alternative des déséquilibres, soit par la coordination des politiques. D’une part, on voit émerger des propositions de coordination des politiques nationales, vues comme un premier pas vers un gouvernement économique de l’euro, voire vers la nécessaire intégration politique ; certains parlent même d’avancée vers le fédéralisme. On considère alors que le problème n’est pas la faiblesse de la France, mais la force de l’Allemagne, qui perturbe les économies de ses partenaires et dont l’intransigeance entraîne toute la zone vers la dépression. C’est par exemple le point de vue de l’OIT ou de l’OCDE, selon lequel une coopération visant le partage du fardeau de l’ajustement, ce qui serait une vraie solidarité, éviterait la chute générale.

D’un autre côté, on admet l’impératif de rééquilibrage immédiat, mais étant conscient des dangers déflationnistes, on veut l’accompagner d’un soutien de l’emploi. Cela doit certes passer par une classique relance de la demande, au niveau de la zone (ainsi le volet croissance du TSCG, simple « pistolet à eau » selon P. Krugman), mais aussi par une politique structurelle. Cette dernière a sa place si les coûts ne sont pas seuls en cause et que la compétitivité-prix n’est pas l’alpha et l’omega de la situation. C’est pourquoi on entend de nouveau les « industrialistes », qui mettent en avant la compétitivité hors-prix et la nécessité de conduire des politiques d’innovation, de qualité, etc.

L’impossible coordination des politiques conjoncturelles

Des économistes et commentateurs de plus en plus nombreux, y compris parmi ceux qui tenaient il y a peu les discours libéraux les plus enflammés, commencent à changer de ton, criant à la folie de ceux qui s’entêtent dans la voie sans issue de la spirale austérité-récession. Ils ont bien compris, en effet, que c’était enclencher un mouvement qui risque de tout emporter, comme peut le faire craindre ce qu’il se passe au sud de l’UE et qui rappelle les années 30 : montée du chômage et de la misère, mais aussi de l’extrême droite. Le « keynésianisme standard », qui tint le haut du pavé pendant les 30 glorieuses puis fut tant décrié, retrouve du lustre parce que ses mécanismes globaux de base, bien que schématiques, restent fonctionnels : l’austérité pèse sur une demande déjà atone et conduit inéluctablement à la récession puis à la déflation, au chômage et à la misère ; sa généralisation enclenche alors une spirale déflationniste (baisse des prix et hausse du chômage) car l’austérité des uns ferme les débouchés des autres.

Ce même fond de keynésianisme est toujours resté présent dans des institutions internationales plus enclines à raisonner en termes d’intérêt de l’économie mondiale, et non plus nationale. Car, si la théorie néo-classique légitime les politiques néo-libérales (privatisation-financiarisation), elle n’a aucune efficacité explicative globale. Les crises alors font revenir à Keynes, voire à Marx quand c’est grave ! Ainsi l’OIT reproche à la politique allemande de rigueur salariale engagée au début des années 2000 d’avoir fermé les débouchés allemands à ses partenaires de la zoneuro et avoir ainsi provoqué les déséquilibres de leurs finances publiques1.

Suivant la même analyse, l’OCDE s’appuie sur le graphique précédent de ses Perspectives pour fonder sa proposition de stratégie alternative à l’austérité généralisée : les pays qui vont « bien », en excédant extérieur et équilibre interne, augmentent leurs salaires, créant ainsi une demande permettant à ceux qui vont « mal » d’adoucir la rigueur nécessaire chez eux. Constatant que les pays qui vont mal sont ceux dont les coûts unitaires ont le plus progressé, l’OCDE propose donc l’austérité dans ces pays et le relâchement dans les autres. Ainsi, l’Allemagne, comme les autres « pays du nord », devrait laisser filer les salaires, sachant que le mouvement à la baisse dans les pays fragiles, ceux du sud (les GIIPS), est déjà bien engagé depuis 2009, même si Italie et Portugal ont seulement stabilisé, cependant que la France, encore solide, continue sur sa funeste lancée.

Non plus austérité généralisée, donc, mais partage du poids de l’ajustement entre les fragiles et les solides, pour éviter la récession généralisée. C’était bien le point de vue de Keynes quand, dans les années 20 déjà, il tentait d’expliquer aux autorités britanniques qu’« un pays en difficulté peut toujours s’en sortir en baissant ses salaires », mais que cela inciterait les autres à faire de même et qu’en conséquence, le chômage et la misère se généraliseraient, précipitant les ouvriers dans les bras des bolcheviks. Ceux qui en appellent aujourd’hui à Keynes devraient logiquement proposer la sortie des plus faibles du système de l’euro.

En effet, pour Keynes, le partage du fardeau passait par l’abandon de la référence à l’or, « cette relique barbare », qui imposait une politique monétaire austéritaire, la banque centrale devant utiliser la planche à billets si nécessaire. Dans le même esprit, il proposa, à Bretton Woods, d’adopter pour les règlements internationaux, une monnaie purement véhiculaire, le Bancor, une monnaie que l’on ne puisse pas mettre en réserve pour constituer une épargne, qui ne se négocierait pas sur les marchés financiers et sur laquelle on ne pourrait pas spéculer. Étrangère à la sphère financière, cette monnaie permettrait aux pays en déséquilibre des paiements de prendre le temps de l’ajustement nécessaire sans prélever sur le pouvoir d’achat interne (et accroître le chômage).

Las, cette stratégie de coopération est illusoire, l’histoire l’a montré à maintes reprises. À la fin des années 70, notamment, avec l’échec de la stratégie dite « des locomotives », qui eut pour résultat inflation, chômage, chute du dollar, re-inflation et deuxième choc pétrolier. À la fin des années 80, également, avec l’échec de la coopération prévue par les Accords du Plaza (1985), quand la RFA refusa de baisser ses taux d’intérêt pour soutenir le dollar dans sa trop rapide dépréciation, le tout aboutissant au krach d’octobre 1987 et à ce qui s’en suivit.

Ces échecs résultent du fait que le capitalisme fonctionne au niveau national, seul niveau où peuvent être gérés le coût du travail et celui de l’argent, coûts éminemment politiques et qui ne peuvent être validés que par une instance politique. De plus, sauf à s’endetter pour distribuer du pouvoir d’achat, un pays ne peut vendre sa production et sauver ses emplois qu’en exportant. Dès lors, la coopération se heurte inéluctablement à la confrontation des intérêts nationaux et à l’absence, par définition, d’un pouvoir supra-national. On peut alors avoir une situation du type « dilemme du prisonnier », que les économistes caractérisent comme « équilibre de Nash non coopératif », équilibre tous perdants.

Supposons un accord de coopération tel que rêvé par des keynésiens : l’Allemagne s’engage à relâcher sa pression sur les salaires ; ses partenaires, qui respirent mieux, s’engagent à faire les efforts de rigueur nécessaires et désormais plus faciles. Supposons maintenant que les partenaires ne tiennent pas leur engagement et ne fassent pas lesdits efforts, alors l’Allemagne est le dindon de la farce. De même, si les partenaires font les efforts, mais que l’Allemagne en profite pour accroître son avantage, ils auront été inutiles. Ainsi, sans garantie que chacun tienne l’accord, personne n’a intérêt à le tenir si chacun évalue les dégâts possibles supérieurs aux avantages qu’il peut espérer. Résultat, l’Allemagne n’a plus de débouchés puisque ses partenaires sont obligés de faire de l’austérité, et c’est la plongée de tous vers la déflation.

Hors système de parités de fixes, un pays peut dévaluer pour retrouver des débouchés, dans la mesure où ils tiennent à la compétitivité-prix, à condition qu’il supporte la pression inflationniste qui en résulte. Cette porte est fermée dans le système de l’euro, système de monnaie unique, qui fonctionne comme un système d’étalon or durci par des parités « irrévocablement fixes ». Cependant, un pays peut toujours outrepasser les limites fixées par les critères de Maastricht, même s’ils ont en principe force de loi, ce qui lui permet de rester dans le système de parités fixes. France et Allemagne l’ont fait en 2003, comment ensuite l’interdire aux autres ? Alors que dans les années 30, devant la contrainte extérieure, les pays du bloc or, réunis autour de la France, ont dû dévaluer et abandonner la référence à l’or. Mais rester dans l’euro sans les critères, c’est s’endetter, cumulativement quand la croissance est faible et les taux élevés. Cela peut certes durer, tant que la finance l’accepte, mais il faut que le pays - le peuple - en accepte le prix, l’austérité ou des taux d’intérêt élevés, quand ce n’est pas les deux simultanément. L’euro a remplacé l’or, il est, non point encore relique, mais tout aussi barbare.

La stratégie de coordination de l’OCDE repose sur la vision keynésienne selon laquelle les problèmes économiques résultent de déséquilibres de la demande qui empêchent l’harmonie globale des marchés. Cependant, si la crise est une crise de l’offre, de la capacité à créer des richesses réelles, et Marx nous permet de dire que c’est le cas, alors l’action sur la demande ne peut rien résoudre.

Crise de l’offre, corset monétaire, le keynésianisme, fut-il coopératif, est inopérant. On peut cependant ne pas encore renoncer à toute idée d’une alternative possible en posant la question d’une politique industrielle.

L’illusoire sortie de crise par une politique industrielle dans le cadre de l’euro

Contre les politiques structurelles austéritaires, des libéraux - parfois les mêmes - appellent l’État à sortir des oubliettes la politique industrielle, pour miser sur l’autre composante de la compétitivité, la compétitivité hors-prix, qui désigne les facteurs de compétitivité autres que le prix à l’exportation : la qualité, l’innovation, la fiabilité, les services, les réseaux commerciaux, la « gouvernance », etc… Cela rappelle la « stratégie de Lisbonne », fondée sur la théorie de la croissance endogène, selon laquelle l’investissement public multiplie l’efficacité de l’investissement privé, idée qui faisait florès du temps de Clinton.

Cette stratégie communautaire, définie en mars 2000 dans un climat encore euphorique, entretenu par les promesses des NTIC, prévoyait d’aller « vers une Europe de l’innovation et de la croissance », de faire de l’UE une zone dynamique, « la plus compétitive au monde ». À cette fin, elle visait à développer la R&D, pour relever le défi technologique de l’économie numérique, et à libérer les forces entrepreneuriales du poids de la bureaucratie administrative.

Cette stratégie fit long feu, car mort-née : de l’éclatement de la bulle NTIC dès ce même mois de mars 2000, au sauvetage en 2007 du système bancaire, qui a généré la crise de la dette, la conjoncture a changé et les pays de la zoneuro se sont repliés sur eux-mêmes, d’où les difficultés de la coopération. De communautaires, les politiques européennes sont devenues principalement inter-gouvernementales et axées sur la compétitivité-prix et donc l’austérité.

Cependant, l’impasse de plus en plus évidente dans laquelle s’est engagée la zoneuro fait resurgir la problématique de la politique industrielle, renvoyant la compétitivité à des réformes structurelles autres que la simple recherche de moindres coûts. En effet, si la compétitivité du secteur automobile allemand ne fait pas de doute, la main-d’œuvre y est pourtant bien plus chère : 43,14 € contre 33,38 en France, selon Eurostat ! Tandis que, à l’opposé, les exportations de services françaises restent stables alors que le coût de la main d’œuvre y est plus élevé. C’est un cliché que de dire, comme la pub, que l’industrie automobile française pâtit de la fiabilité de ses produits – « Deutsch Qualität ! », dit-elle – ou de leur mauvais positionnement.

Outre la qualité et autres facteurs de compétitivité hors-prix déjà invoqués, un élément important est la complétude de l’offre : trop souvent un producteur perd des marchés car il ne propose pas les produits ou services d’accompagnement qui font la différence. Un autre facteur, encore, apparaît de plus en plus souvent, désigné par le terme à la mode de « gouvernance », qui peut renvoyer à l’organisation de l’entreprise, à son insertion dans des réseaux, mais aussi au cadre administratif ou réglementaire posé par l’État ou autres administrations publiques.

Gérer tous ces facteurs, si on le souhaite, est l’affaire d’une politique industrielle, mais cela n’est pas évident. Suivre dans les faits le modèle allemand, ou autrichien (avant ce fut le modèle suédois, puis le danois), ne se décrète pas, qu’il s’agisse des relations sociales dans l’entreprise, de la formation (apprentissage), etc. Ces modèles sont le produit de toute une histoire de luttes politiques, de conflits sociaux, de compromis plus ou moins historiques… Et qui peut anticiper quelle activité, quel métier, quel produit sont porteurs d’avenir ? L’histoire industrielle est peuplée de capitaines qui, tel Colomb, ont trouvé l’Amérique en cherchant les Indes.

De plus, à supposer que l’on puisse définir des objectifs pertinents, ce ne peut être qu’une politique nationale, étant donné les enjeux. Mais il en faut le pouvoir politique et les moyens. Logiquement, la manière la plus efficace d’agir est la nationalisation des entreprises que l’ont veut diriger dans la bonne voie ; les nationalisations de 81 ont effectivement sauvé les entreprises concernées, même si la suite a dégénéré, la gauche de gouvernement s’étant elle-même laissé gagner par le dogmatisme néo-libéral. De plus, l’endettement des pays déficitaires leur ôte tout réel moyen d’action, tandis que les pays excédentaires n’ont pas besoin d’agir !

Et à supposer quelques velléités d’intervention, l’UE est par principe là pour en ôter le pouvoir : son inspiration ordo-libérale interdit toute intervention qui dégraderait une concurrence voulue « libre et non faussée », au motif que dès l’instant que le monopole est contenu, la libre entreprise garantit au travailleur et au consommateur le juste prix et donc le pouvoir d’achat optimal. Elle accepte certes l’idée d’un financement public de la recherche ou d’ententes pour la R&D, cf. « Lisbonne 2000 », mais comment mener une vraie politique industrielle sans aides sectorielles, qui « fausseraient » inévitablement la concurrence ? L’UE condamne régulièrement de telles interventions, même au niveau de la PAC, pourtant politique communautaire. Cependant, dans la réalité, les nombreux lobbies qui opèrent autour de la Commission obtiennent d’importants financements sectoriels en faveur de projets jugés porteurs de croissance et d’un avenir durable.

Une politique industrielle communautaire autre qu’une simple politique de la concurrence supposerait un gouvernement européen, ce qui renvoie à la problématique de la coopération. Seule une UE État-nation fédéral pourrait passer l’obstacle, mais elle ne peut naître que d’une crise très profonde qui balaye le système capitaliste actuel, celui de l’UE néo-libérale et de l’euro, et ses élites.

Au total, l’orientation néo-libérale d’une UE capitaliste empêche toute alternative et condamne les peuples à une austérité qu’une simple réorientation ne pourra cependant pas leur éviter.

Contre l’austérité, une UE républicaine et sociale

Dans les années 20, Keynes protesta contre la volonté des autorités britanniques de rétablir la parité or de la livre, parce qu’il savait que pour s’adapter au fait que les prix en Angleterre seraient dictés par « le prix du maïs et du jus de raisin américain », les Etats-Unis étant plus compétitifs, n’imagineraient qu’une une baisse des salaires, le réflexe conservateur traditionnel dans ce cas de figure.

Ce réflexe vient de l’histoire des économies capitalistes : la reproduction des élites passe par celle du système, et celle du système par celle des capitalistes, donc par leur capacité individuelle à produire ou capter de la plus-value. In fine, quand tout a échoué, que les contre-tendances à la baisse du taux de profit ne peuvent plus éluder la crise, il ne reste plus que la baisse du coût du travail. C’est ce que l’expérience a appris aux managers, privés ou publics.

Les choses sont plus figées encore aujourd’hui, avec la place qu’a prise la bureaucratie, publique ou privée. Marx l’avait finement analysé : le développement du crédit et des sociétés par actions, qui appelle concentration des capitaux et centralisation des décisions, fait émerger une classe de managers qui vont se charger, contre grasse rémunération, de gérer les affaires d’argent pour le compte des « hommes aux écus », les capitalistes.

Mais quand l’industrie ne crée plus de richesse, que le profit baisse, la finance devient prééminente et les managers ne sont plus des entrepreneurs, ils deviennent des gérants : leur survie dépend de celle du système, donc pas de risques, pas de changement, le seul objectif est de maintenir les choses en l’état. Les managers privés, qui n’ont de prise que sur leur concret, leur société, lient nécessairement leur sort à celui des élites politiques, qu’ils stipendient (du point de vue du salarié), pour qu’elles gèrent le système en ce sens. Avec l’aide de la bureaucratie étatique, dont le sort leur est lié et bien obligée de suivre.

C’est ainsi que les élites considèrent généralement que le TSCG est « stupide », mais qu’il est la seule voie possible. « Nous, nous allons jusqu’au bout de la défense de l’euro. Non par dogmatisme, mais par sens des réalités » (J. M. Ayrault, 23 sept. 21012). De plus, argument supplémentaire, il ouvre la voie à une réorientation de l’UE : « ce n’est pas ce traité seul qu’on vote, c’est un ensemble » avec « le paquet de croissance» et le « principe d’une taxe sur les transactions financières » qui peut voir le jour «d’ici la fin de l’année». (P. Moscovici, même jour, ajoutant que cela n’était «pas rien »). Notons bien : le principe qui peut voir le jour !

Cependant, l’importance de la ratification du TSCG est plus dans le symbolique que réelle, dans la mesure où il s’agit principalement de rassurer les marchés sur l’acceptation politique par les peuples d’une thérapie de choc déjà mise en route par les élites. En effet, le vote de la loi organique, qui fixe les règles budgétaires, actera un abandon de souveraineté déjà engagé avec la réforme du PSC contenue d’abord dans le « six pack » voté en septembre 2011 par le parlement européen et qui octroie à la Commission européenne de larges pouvoirs de définition et de contrôle des politiques économiques et sociales nationales, via notamment les budgets. Le corset a été resserré par l’adoption, en juin 2012, du « two pack », qui prévoit la constitutionnalisation de la « règle d’or ». Les modalités de fonctionnement de l’ensemble, notamment les règles de majorité, donnent en fait quasiment tout pouvoir de décision à la technocratie européenne. On peut bien être contre le TSCG, l’important est de voter le budget (et la loi organique).

Quoiqu’il en soit, ce Pacte budgétaire n’a guère plus de chances d’être respecté que les critères de Maastricht, ce qu’il admet d’ailleurs, implicitement, en prenant pour objectif le déficit structurel, ce que personne ne sait vraiment définir concrètement et qui sera donc laissé à l’arbitraire de la Commission, chargée de l’évaluer. Certes, le TSCG prévoit des sanctions automatiques, mais quel est le pouvoir de coercition sur un État-nation indépendant, hormis l’Anschluss ou la guerre2 ?

Dans un système de classe, le pouvoir politique appartient à la classe dominante. Dans le système capitaliste avancé, la bourgeoisie l’a délégué aux techno-bureaucrates qui l’ont en apparence abandonné aux marchés, afin de faire passer leurs intérêts, et ceux de la classe dominante, pour des effets de l’économie, et de faire croire que les outrepasser est source de malheurs sociaux. Ils doivent, via la démocratie et l’idée de souveraineté nationale, faire adhérer le peuple à leur projet. L’idéologie néo-libérale masque sa nature politique derrière de prétendues lois naturelles de l’échange, alors qu’il ne s’agit que de se « dépatouiller » des conséquences économiques, sociales et politiques des lois du mode de production capitaliste.

Les peuples d’Europe ne récupéreront la souveraineté dont les ont privés les élites européistes qu’en reprenant la main politique sur la marche de leurs économies, en reconstruisant l’UE en République sociale.

  1. ]
  2. Quand après l’élargissement de l’UE aux « pays Club med », on demanda à C. Pasqua ce qu’il se passerait au cas où l’Italie ne respecterait pas les critères d’admission, il répondit : « On lui fera la guerre ». Tout était dit. []
Laïcité
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Non Monsieur Valls, le régime dérogatoire des cultes en Alsace et en Moselle n'est pas compatible avec la République laïque !

par Martine Cerf
Secrétaire Générale d'EGALE - Egalité Laïcité Europe
Co-directrice du dictionnaire de la laïcité

http://www.egale.eu

 

Monsieur le ministre de l’intérieur, vous avez au cours de l’inauguration de la grande mosquée de Strasbourg su reconnaître la place de nos concitoyens musulmans dans notre société ainsi que leurs droits. Vous avez affirmé que l’extrémisme, le racisme et le rejet des lois de la République seraient sévèrement punis et il faut applaudir à ce discours de raison et de fermeté.

Mais il y a tout lieu d’être consterné lorsque vous déclarez : « en Alsace vous êtes l’exemple même. Et lorsqu’un système fonctionne, qui est compatible avec notre république et notre démocratie il n’y a pas de raison de le supprimer en prétextant l’exception qu’il représente ». Car il ne s’agit pas d’une simple exception mais de l’exact contraire de la république laïque. Celle-ci je vous le rappelle Monsieur le ministre, ne «ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte» (art 2, loi du 9 décembre 1905). En Alsace et en Moselle, seuls quatre cultes (catholique, luthérien, réformé, israélite) sont reconnus et officiellement subventionnés. La Cour européenne des droits de l’homme ne cesse de recommander à tous les pays membres du Conseil de l’Europe de traiter également tous les cultes, que les règles soient claires et sans exception, c’est-à-dire : n’en financer aucun ou les financer tous. Je crains que cette assemblée de juristes éminents goûte assez peu votre acrobatie sémantique qui affirme la compatibilité d’un principe et de son contraire.

Le régime dérogatoire d’Alsace et de Moselle introduit donc dans sa forme même une inégalité de traitement des cultes puisque certains sont reconnus et financés, d’autres pas. Il y a plus, il ne laisse aucune place aux athées et agnostiques qui subissent à l’école publique, la pression des églises et qui sont contraints, par la voie des impôts locaux à financer des cultes qui ne les concernent pas, au mépris de leur liberté de conscience…

Et au-delà, que dire de l’atteinte à la liberté de conscience de tous les contribuables français qui versent, à leur insu, par l’intermédiaire du budget national, les salaires et les pensions des ministres des cultes reconnus d’Alsace et de Moselle alors qu’ils pensent vivre dans un État laïque ?

Pas une fois vous n’avez mentionné les droits de ceux d’entre nous qui ne se reconnaissent dans aucune religion. Ils sont majoritaires en France aujourd’hui, et ce sont encore une fois les grands absents de votre discours, comme s’ils n’existaient pas, comme s’ils devaient toujours et encore s’accommoder de tous les avantages financiers octroyés aux cultes sur le montant de leurs impôts. Pourtant ce qu’ils ne cessent de réclamer, avec tous les croyants laïques, c’est simplement l’application de la laïcité, c’est-à-dire de la loi de séparation des Églises et de l’État.

Voilà pourquoi Monsieur le ministre, votre discours nous a consternés, nous, citoyens laïques, athées, agnostiques ou croyants, de la République française.

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Parti Radical de Gauche : Redresser la République laïque

par Pascal-Eric Lalmy
Parti Radical de Gauche
Secrétaire national en charge de la laïcité

 

Le congrès du PRG a adopté à une écrasante majorité la résolution que j’avais proposé sur la laïcité. Les Radicaux de gauche ont désormais une feuille de route claire pour les 3 années qui viennent sur laquelle nous espérons bien obtenir des résultats concrets avec l’aide de nos parlementaires. [NdA]

40 ans après la fondation du Mouvement de la gauche radicale-socialiste par Robert Fabre, la victoire de François Hollande en 2012 est aussi celle du Parti Radical de Gauche. Les radicaux de gauche occupent désormais toute leur place dans la majorité avec un groupe à l’Assemblée nationale, un groupe au Sénat et avec deux ministres dans le gouvernement. Le PRG est ainsi devenu une force politique de gauche indépendante et porteuse d’une grande tradition politique qui puise ses racines dans les origines mêmes de la République, puisque sans eux la loi de séparation des Eglises et de l’Etat n’aurait pu être ni élaborée, ni votée. 

Si les radicaux revendiquent leur héritage particulier et les combats de la gauche en faveur de la laïcité, ils n’oublient pas pour autant qu’elle n’est pas la propriété d’une famille politique. Ils notent avec satisfaction que la grande majorité des démocrates français ont admis et défendent la consubstantialité de la République et de la laïcité. Pour autant, rien n’est acquis. Ils sont obligés de constater que d’une part les cinq années de la présidence Sarkozy ont conduit à une véritable offensive contre le principe de laïcité et d’autre part que l’extrême-droite, emmenée par une Marine Le Pen se drapant dans les habits républicains, est déterminée à mener une OPA hostile sur la laïcité. Les radicaux de gauche ont désormais la responsabilité de contribuer à rebâtir cette République laïque pour laquelle nos prédécesseurs se sont tant battus depuis le début du XXe siècle.

François Hollande a annoncé à l’occasion de son meeting du Bourget sa volonté d’inscrire la loi de 1905 dans la Constitution ce qui a constitué une victoire politique remarquée pour le PRG. Malheureusement, lors de la publication de sa « 46e proposition » il a précisé sa volonté d’insérer à l’article 1er, un deuxième alinéa ainsi rédigé : « La République assure la liberté de conscience, garantit le libre exercice des cultes et respecte la séparation des Églises et de l’État, conformément au titre premier de la loi de 1905, sous réserve des règles particulières applicables en Alsace et Moselle. » La référence au Concordat est une déception pour tous les partisans de la laïcité et en premier lieu pour les radicaux de gauche. Nous avons d’ailleurs publiquement manifesté notre désaccord et notre volonté de peser dans le débat parlementaire pour que le statut dérogatoire des  cultes en Alsace-Moselle ne soit pas constitutionnalisé.

Les Radicaux n’ont, bien entendu, pas attendu leur congrès pour parler de laïcité, mais celui-ci doit être l’occasion pour nous de rappeler l’importance pour la gauche de défendre une laïcité exigeante et exemplaire pour le pays. Elle permet à des individus d’origines et de cultures différentes de vivre ensemble dans notre société, d’exprimer librement leur religion dans les limites justes et légitimes que la loi fixe, comme le dispose d’ailleurs l’article X de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Nous devons profiter de ce congrès pour rappeler que la laïcité ne consiste pas à opposer les uns aux autres, encore moins à attiser les haines et alimenter les peurs. Au contraire, dans la mesure où elle place la pratique religieuse au sein de la sphère privée, elle facilite le vivre ensemble entre croyants et non croyants. En interdisant les manifestations religieuses dans la sphère publique, sauf exception, elle est un puissant facteur de paix civile. Elle n’est donc ni une pensée de combat antireligieux ni un renoncement ; elle prévoit simplement que « la loi respecte la foi aussi longtemps que la foi ne prétend pas dicter la loi ». La loi de 1905 apporte plus encore. Elle institue la liberté de conscience qui accorde une égale dignité aux croyants de toutes confessions, mais aussi aux athées, aux agnostiques et aux libres penseurs pour la première fois dans l’histoire.

La laïcité n’est évidemment ni positive, ni négative, elle n’a besoin d’aucun adjectif pour en préciser le sens ou l’intention. Elle est simplement un rempart. Ce rempart protège l’espace public. Elle est donc incompatible avec l’idée d’ouverture ou d’abaissement qui suppose un affaiblissement de la garantie de neutralité. Fondée sur les principes de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen, spécialement sur les règles d’autonomie du sujet et d’égalité en droit, la laïcité permet l’éveil de consciences libres. La loi de la République laïque ne connaît donc que des individus, citoyens autonomes et maîtres de leur destin. C’est pourquoi elle ne reconnaît aucune communauté garantissant, ainsi, les principes d’égalité et de liberté des individus. Ce faisant, elle protège les femmes de toute discrimination ou sujétion inspirées par une version radicale ou intégriste des trois monothéismes. Elle assure l’égalité aux minorités sexuelles, ce que leur contestent trop souvent les religions du Livre.

La laïcité d’aujourd’hui n’est plus la laïcité de combat des origines. Mais le combat pour la laïcité reste d’actualité dans la bataille des idées, comme l’a montré la récente offensive de l’Eglise catholique contre le projet de loi sur le mariage homosexuel. Des hauts dignitaires ecclésiastiques ont même à cette occasion mis en doute la légitimité du Parlement à légiférer sur les questions de la famille… Ce combat pour l’élargissement des libertés individuelles, c’est à nous de le mener. Notre congrès est l’occasion de réaffirmer notre engagement pour la laïcité et d’adopter une feuille de route pour donner à nos fédérations, à nos élus et en particulier à nos parlementaires les moyens d’agir chacun à leur niveau pour contribuer au redressement de la République.

La loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat est la « masse de granit » républicaine sur laquelle repose le principe de laïcité. Les débats qui ont agité notre pays depuis le début des années 2000 ont montré que le consensus républicain s’est progressivement délité. Il est nécessaire de réaffirmer avec force l’attachement de la France à cette loi et aux principes dont elle est porteuse.

  • Le statu quo est désormais impossible, le Parti Radical de Gauche réclame d’urgence l’inscription du Titre Ier de la loi de 1905 dans la Constitution et une sortie graduelle et négociée du régime dérogatoire des Cultes en Alsace et en Moselle avant la fin du quinquennat. Il demande à ses parlementaires de proposer dès la prochaine session la création d’une commission chargée d’évaluer le coût financier de tous les régimes dérogatoires des cultes en Alsace-Moselle et dans les territoires d’Outre-Mer.

La laïcité s’applique de façon privilégiée à l’Ecole. Or, depuis 2007, nous avons assisté à un affaiblissement sans précédent de l’Ecole de la République. Saccage de la formation des maîtres, suppression massive de postes, réduction des moyens, polémiques politiciennes sur les programmes scolaires : l’école publique aura beaucoup souffert en cinq ans. Et les enseignants n’ont pas reçu la reconnaissance qu’ils méritent. Il faut changer de cap. Les Radicaux soutiennent évidemment l’engagement de François Hollande de créer 60000 postes supplémentaires en 5 ans dans l’Education nationale, et ils veilleront au respect de cet engagement, mais au-delà ils veulent l’abrogation des lois qui favorisent le développement de l’enseignement privé confessionnel au détriment de l’enseignement public en imposant en outre des charges indues aux collectivités locales.

  • Le Parti Radical de Gauche réclame l’abrogation de la loi Carle et la révision loi Guermeur qui devra s’accompagner de la suppression de l’article 89 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

Le monopole de délivrance des diplômes par l’Etat constitue une garantie concrète de la qualité de l’enseignement supérieur en France et de son indépendance à l’égard de tout dogme… C’est sur la base des mêmes critères, et selon les principes d’égalité et de laïcité, que l’autorité publique évalue la qualité des formations universitaires. Ces règles sont rompues depuis 2009 puisqu’une simple habilitation par l’Eglise catholique, dont on comprend bien qu’elle peut être accordée sur des critères non scientifiques, vaut reconnaissance par l’Etat de certains diplômes suite aux accords Kouchner-Vatican. Un abandon intolérable de souveraineté nationale et un pas significatif vers le projet concordataire, dont était porteur Nicolas Sarkozy.

  • Le Parti Radical de Gauche réclame l’annulation de l’accord passé entre la France et le Vatican sur la reconnaissance mutuelle des diplômes et rappelle le principe du monopole de la délivrance des diplômes par l’Etat.

Il existe de nombreuses et généreuses dispositions fiscales qui contribuent indirectement à financer les cultes. Ainsi les versements au denier du culte sont déductibles des impôts (66% dans la limite de 20% du revenu), les dons aux fondations qui financent les cultes sont déductibles de l’ISF à hauteur de 75%, les legs à l’Eglise catholique sont totalement exonérés de droits de succession et une entreprise peut également faire un don à une congrégation religieuse qui donne droit à une réduction d’impôt dans la limite de 0,5% de son chiffre d’affaires.

  • Le Parti Radical de Gauche réclame une évaluation précise du coût pour l’Etat de ces niches fiscales par la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire.
  •  Le Parti Radical de Gauche réclame le plafonnement à 5000 euros des réductions d’impôt sur le revenu auxquels donnent droit les dons aux religions.

Le respect de la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat et l’application du principe de laïcité soulèvent des questions concrètes que beaucoup de collectivités locales et d’administrations publiques règlent différemment dans le silence des textes. L’installation de l’Observatoire de la laïcité permettrait de faire un état des lieux des pratiques et de fonder une véritable pédagogie de la laïcité dans l’espace public.

  • Le Parti Radical de Gauche réclame l’installation rapide de l’Observatoire de la laïcité créé par le décret n° 2007-425 du 25 mars 2007 qui s’intéressera aux pratiques de l’ensemble des religions.

Le principe de laïcité fonde depuis plus d’un siècle notre pacte républicain ; aussi sa défense et sa promotion doivent constituer une priorité essentielle de l’action du Gouvernement. Cela passe, en amont, par une politique éducative, civique et culturelle qui aborde tous les aspects de la laïcité, de la liberté de conscience et de religion et promeuve concrètement les principes républicains. La France doit aussi veiller à la promotion du principe républicain au sein des institutions européennes. Faute d’une telle vigilance, celui-ci a tout à craindre des lobbies religieux très actifs à Bruxelles, tandis que progresse pourtant la sécularisation de nos sociétés.
Cette politique doit être animée et développée au niveau interministériel sous l’autorité du Ministre de l’intérieur pour assurer la cohérence de l’action de l’Etat sur le terrain et jouer un rôle d’impulsion, de proposition et d’évaluation.

  • Le Parti Radical de Gauche réclame la création d’une délégation interministérielle chargée de la laïcité.
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Djemila Benhabib reçoit le prix international de la laïcité

par Jocelyne Clarke, Florian

 

La cérémonie de remise des Prix de la Laïcité 2012 s’est tenue devant un parterre fourni de 400 personnes à  l’Hôtel de ville de Paris, lundi 8 octobre, en présence de Anne Hidalgo, première maire adjointe de la capitale. 

Le Prix international de la Laïcité, décernés par le Comité Laïcité République, a été remis à la québécoise Djemila Benhahib, par un jury indépendant présidé, cette année, par « Charb » directeur de « Charlie Hebdo ». Ce dernier a rendu hommage au travail réalisé par Djemila Benhabib, jeune Québécoise d’origine algérienne, en faveur de la laïcité et des droits des femmes.
Par la qualité des interventions et la présence massive de nombreux élus et des représentants des principales associations laïques cette manifestation a été un succès.
Le président  du Comité Laïcité République, Patrick Kessel a déclaré que les associations laïques, après des années de dérives, de contournement en ce qui concerne la loi de Séparation avaient bien reçu les promesses du candidat : François Hollande et que « le moment était venu de passer des engagements aux actes ». Il a par ailleurs souligné l’inquiétude des laïques face aux dérives du « printemps arabe », citant notamment le cas de la Tunisie où le projet de nouvelle Constitution pourrait entériner la différence des droits entre hommes et femmes.

Djemila Benhahib, auteure notamment de Ma vie à contre-Coran, recevait son trophée et prononçait un discours en faveur d’un monde laïque et féministe.

En voici quelques extraits :

C’est à travers un regard de femme, celui d’une féministe laïque vivant en Amérique du Nord, fortement imprégnée des valeurs républicaines, ayant grandi en Algérie que je me propose d’aborder cette réflexion sur la laïcité qui est d’emblée, je le dis et je l’assume le fruit aussi bien d’un cheminement subjectif que d’une véritable analyse proprement factuelle marquée par mon
vécu dans trois types de sociétés distinctes :

  • nord-africaine, en Algérie ;
  • européenne en France et
  • nord-américaine au Québec

(…) Ces trois expériences nous démontrent clairement, à des degrés variés, bien évidemment, et sous des formes différentes, à quel point les velléités politiques sous couvert du religieux peuvent se mettre en marche à un moment ou un autre de l’histoire dans un pays quelconque pour entrer en concurrence avec l’ordre politique établi soit pour le fragiliser, l’ébranler voire carrément le remplacer pour changer le destin d’un pays, la nature même de son Etat et le devenir de son peuple.
(…) Les intégrismes religieux ont trouvé là [avec le multiculturallisme] une niche confortable qui leur a permis d’étendre leurs tentacules à travers une configuration sociale qui consiste à segmenter et fragmenter les sociétés en fonction d’appartenances ethniques et religieuses pour aboutir fatalement à l’effritement du lien social. J’entends et vous l’aurez deviné : cette aberration monumentale qu’est le multiculturalisme dont l’équivalent n’est autre que le « multicommunautarisme » c’est-à-dire un « multiracisme » institutionnalisé.
(…) Au printemps de l’année 2012, j’ai vécu au rythme de l’Égypte et de la Tunisie. Je voulais aller à la rencontre de leurs peuples, sentir leurs fluctuations intérieures et capter leurs émotions ; sortir des dépêches de journaux ; saisir à chaud des réalités complexes et contradictoires ; humer l’air ambiant ; arrêter de vivre à distance les bouleversements historiques qu’a connus la région et surtout, être portée par ce souffle de liberté. J’ai eu l’impression que tout a changé sans toutefois avoir changé. Une chose est sûre : la laïcité et la place des femmes sont au cœur des débats.

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Exposition débat « 24 malheurs de la vie d’une femme »

 

Dix ans. Dix ans  déjà que Sohane Benziane a été brûlée vive, dans un local à poubelle à Vitry, par des garçons qu’elle connaissait. Cet acte d’une cruauté et d’un sexisme sans nom a provoqué une onde  de choc et  rappelé l’urgence du combat à mener contre les violences faites aux femmes. Même si ses assassins ont été condamnés, des violences et des meurtres similaires ont lieu tous les jours, dans tous les pays du monde. Pour lui rendre hommage, plusieurs manifestations ont été organisées en France. Le centre d’animation Sohane Benziane, créé il y a 7 ans,  baptisé en hommage à cette jeune fille  « pour que personne n’oublie jamais », organise une exposition  de photos/textes d’Emmanuelle Barbaras et Pierre Moyon : «  24 malheurs de la vie d’une femme  », suivi d’un débat  sur les combats menés depuis dix ans contre les violences faites aux femmes, avec de nombreux intervenant(e)s. Que faire, ou trouver de l’aide… ?
Tous les publics sont bienvenus !

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Du corps sonore au signe passionné, dialogue entre Jean-Jacques Rousseau et d'Alembert.

 

Nous vous signalons la prochaine représentation de la dramatique musicale de Catherine Kintzler, intitulée Du corps sonore au signe passionné, dialogue entre Jean-Jacques Rousseau et d’Alembert.

Elle aura lieu le samedi 13 octobre à 20h30 à Montmorency, salle Lucie Aubrac (place Château-Gaillard).

Vous trouverez ci-joint 2 pages A5 avec l’argument, la distribution et les renseignements pratiques (document établi par le service culturel de la Ville de Montmorency).
Les renseignements se trouvent aussi sur la page d’accueil du blog-revue de Catherine Kintzler.

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Tunisie. Affaire du niqab, procès de H.Kazdaghli

par Rabâa Ben Achour-Abdelkéfi
Rabâa Abdelkéfi est née en 1948 à La Marsa (Tunisie). Agrégée et docteur en Lettres et Civilisation françaises, elle a enseigné à l'université de Tunis. Auteur de nombreux articles sur les littératures maghrébines à l'époque coloniale, elle a publié par ailleurs un essai, Appropriation culturelle et création littéraire (Sud Éditions - Maisonneuve et Larose, 2005) et un roman, Bordj Louzir, un temps à deux voix (Sud Éditions, 2010), Prix Comar spécial du jury. Aux éditions elyzad, est parue sa nouvelle "La fille du Cadi", in Enfances tunisiennes (2010).

 

Au lendemain de la révolution, l’université se débarrasse de la présence de la police. Comme les doyens, les directeurs des établissements universitaires sont désormais élus. Cette avancée vers l’autonomie institutionnelle est cependant subvertit : alléguant l’indépendance de l’université, le Ministère de l’enseignement supérieur se soustrait à toute responsabilité et abandonne l’administration de l’affaire du niqab qui sévit dans les établissements universitaires, tout au long de l’année universitaire 2011-2012, aux doyens et aux directeurs des instituts d’enseignement supérieur.

En effet, dans les institutions tunisiennes d’enseignement supérieur, des groupes intégristes, parfois totalement étrangers au milieu universitaire, tentent d’imposer, par la force, et dans le déni de toutes les règlementations académiques, leur présence tapageuse. Rassemblement, exhibition du drapeau noir, sermons et prières collectives amplifiés par des hauts parleurs visent à perturber les cours et à signifier la conquête de l’université par les groupes dits salafistes.

Plusieurs universités tunisiennes souffrent de l’incivilité et de la violence de ces groupes intégristes. Mais, c’est la Faculté des lettres et des sciences humaines de la Manouba (FLASHM), dont le doyen et le conseil scientifique ont adopté une position sans équivoque en interdisant l’accès des salles de cours et d’examen aux étudiantes portant le voile intégral, qui fait l’objet d’exactions continues et sans précédent dans l’histoire de l’université tunisienne. Malgré les actes de violence répétés, la police n’intervient pas ; le Ministère de l’enseignement supérieur saisit le Tribunal administratif.

Devant le refus du doyen Habib Kazdaghli et du conseil scientifique de céder à leurs diktats et face à leur volonté d’appliquer la loi, en traduisant les fauteurs de trouble devant le conseil de discipline, un groupe d’intégristes s’arroge le droit d’interrompre le bon déroulement des cours. Le 6 mars 2012, le doyen est agressé dans son propre bureau dont une vitre de son bureau est brisée au moyen d’une grosse pierre. ; deux étudiantes en niqab forcent sa porte, dérangent ses papiers, en déchirent quelques uns, et l’accablent d’injures

Bien que l’interdiction d’accès des étudiantes en niqab aux salles de cours et examen soit entérinée par le Tribunal administratif, le Ministère de l’enseignement supérieur n’apporte pas son soutien au doyen Kazdaghli et va jusqu’à lui imputer l’entière responsabilité des nombreux incidents de la FLASHM.

Habib Kazdaghli porte plainte contre les deux jeunes filles qui ont assailli son bureau et c’est pourtant lui qui comparait le 5 juillet 2012 devant le tribunal de première instance de la Mannouba sous le prétexte qu’il aurait giflé l’une d’entre elles. La traduction du doyen devant les tribunaux est perçue comme une offense à l’ensemble du corps enseignant. L’émotion est grande dans les milieux universitaires. Personnalités nationales et société civile se mobilisent. Devant le Tribunal, plusieurs centaines de personnes attendent le verdict. Un non-lieu, de toute évidence. Mais, fait imprévisible et scandaleux, le procès est reporté au 25 octobre et, pire encore, le délit est requalifié. Habib Kazdaghli doit désormais répondre d’un « acte de violence commis par un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions ». Il risque, pour avoir voulu appliquer lois et règlements, d’être condamné à 5 ans de prison.

L’affaire du niqab est de toute évidence une affaire politique, un moyen d’attenter aux libertés académiques et d’écarter un doyen dont les choix politiques et la formation intellectuelle ne pas sont faits pour plaire aux islamistes. L’objectif de cette machination est de parvenir à l’accuser d’une faute professionnelle assez grave pour justifier l’interruption de son mandat de doyen élu.

Le caractère inédit de ce procès révèle que le texte juridique ne suffit pas à lui seul à protéger les libertés : l’interprétation des lois peut leur donner en effet une souplesse qui autorise toutes les dérives, comme le prouve la requalification des faits qui sont reprochés à Habib Kazdaghli.

Le procès du 25 octobre 2012 est le procès des libertés, il annonce la mise à mort de l’université et une année universitaire tendue. Aussi la défense du doyen de la FLASHM s’impose-t-elle aujourd’hui à l’ensemble de la société civile. Un terme doit être mis aux poursuites injustes et diffamatoires exercées contre Habib Kazdaghli.

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J’ai joint à ce texte une pétition de soutien au doyen Kazdaghli, rédigée en plusieurs langues. Cette pétition ne doit pas être signée par des Tunisiens. Faites-la circuler, stp. Plus le soutien international est grand et moins le doyen Kazdaghli risquera d’être injustement condamné.