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Programme de stabilité du gouvernement

Le gouvernement a présenté le 20 avril son « Programme de stabilité »(1)https://www.budget.gouv.fr/files/uploads/extract/2023/PSTAB%202023%20-%20web.pdf pour la période 2023-2027, remis à la Commission européenne. Il s’agit de la trajectoire macro-économique que le gouvernement s’engage à tenir vis-à-vis des institutions européennes et de ses partenaires européens. Notons que la période coïncide avec la durée du quinquennat d’Emmanuel Macron.

Comment est établi un programme de stabilité ?

Chaque État membre établit un tel programme tous les cinq ans ; il est ensuite décliné chaque année dans un Programme national de réformes (PNR) dans lequel l’État détaille les « réformes » qu’il s’engage à initier en préparation de son budget annuel. Le projet de budget est soumis à la Commission européenne qui vérifie sa conformité avec les engagements souscrits par l’État, le valide ou demande des ajustements, et ce n’est qu’après cette phase que le projet de budget est soumis au parlement national.

Ces programmes doivent être conformes à des décisions prises en commun au sein du Conseil des ministres de l’Économie sur proposition de la Commission, et validés par la suite par la Commission. Ils doivent donc entrer dans les critères dits de Maastricht, à savoir 3 % de déficit budgétaire annuel maximum, 60 % du produit intérieur brut (PIB) maximum et 2 % d’inflation. Il comprend les grandes lignes des engagements budgétaires de l’État pour atteindre ces objectifs. Les critères de Maastricht avaient été mis entre parenthèses pendant la crise du Covid, ils viennent d’être réactivés. Cependant la Commission estimant après cette crise que leur mise en œuvre était trop stricte et les sanctions prévues impossibles à appliquer, propose d’en assouplir la mise en œuvre.

Le 9 novembre 2022, la Commission a présenté ses orientations pour la réforme du cadre de la gouvernance économique européenne. Sa proposition, dit-elle, répond à plusieurs objectifs : faire en sorte que le cadre soit plus simple, plus transparent et plus efficace, en s’appuyant pour cela sur une plus grande différenciation des trajectoires d’ajustement budgétaire nationales et une meilleure appropriation nationale des règles. Elle vise en particulier à concilier le double objectif d’assurer la soutenabilité des finances publiques, en réduisant les ratios de dette publique de manière réaliste et graduelle, tout en préservant des marges de manœuvre nécessaires à la mise en œuvre d’investissements et de réformes conformes aux grands objectifs de l’Union, notamment dans le domaine de la transition écologique.

Dans la proposition de la Commission, les cibles de 3 % du PIB pour le déficit et de 60 % de PIB pour la dette seraient maintenues, mais la règle d’ajustement de la dette, dite du « 1/20ème » serait supprimée. Mais les objectifs restent les mêmes, elle propose en fait d’étaler un peu plus les délais pour les atteindre selon les pays. Les nouvelles règles proposées par la Commission reposent sur un principe de différenciation des trajectoires budgétaires selon les pays. Mais l’Allemagne, qui est contre ces ajustements, a fait pression pour instaurer une obligation aux États qui dépasseraient 3 % de déficit de le corriger à hauteur de 0,5 % par an, y compris ceux qui ne sont pas sous le coup d’une procédure pour déficit excessif, affirmant ainsi son hégémonie dans l’UE, véritable zone mark/euro, et signifiant qu’on ne plaisantait pas avec l’ordo-libéralisme.

Le programme de stabilité de la France

Pour l’essentiel, dans ce document de quatre-vingt-dix pages, répétitif, il s’agit pour la France entre 2023 et 2027 de réduire les dépenses publiques selon la trajectoire suivante : le déficit des finances publiques (comprendre le budget) était de 9 % en 2020 en raison du « quoi qu’il en coûte » pendant la crise du Covid, il était de 6,5 % en 2021, il s’établirait à 4,7 % en 2022, mais remonterait à 4,9 % en 2024 pour atterrir à 2,7 en 2027. Comment ? Mystère ! Si, la réforme des retraites et de l’assurance chômage qui reviennent constamment comme recettes miracles (des réformes structurelles) et « la maîtrise de l’augmentation de la dépense publique dans toutes ses sphères » – comprenez la diminution des dépenses d’investissement y compris pour la transition énergétique et écologique et dans tous les services publics sans exception, santé, éducation, écologie comprises. La Première ministre vient de demander, le 19 avril, à chaque ministère de faire 5 % d’économie sur leurs budgets respectifs en 2024. La « croissance de la dépense publique en volume, hors crédits d’impôt en 2023 s’établirait à – 1,1 % » (moins 1,1 %), c’est-à-dire une réduction de 1,1 % ; notons ici le vocabulaire, il s’agit d’une progression négative, pas d’une régression ! Et c’est « hors crédits d’impôt » qui eux intéressent essentiellement les grandes entreprises et auront sans doute une progression positive.

Selon le Programme de stabilité, les dépenses publiques de la France devraient baisser de 4 % du PIB, passant de 57,5 % en 2022 à 53,5 % en 2027. La dette passerait ainsi du point haut atteint en 2020 à 114,6 % du PIB, à 109,6 % en 2023 puis à 108,3 % en 2027. Comment ? Grâce à la réforme des retraites et de l’assurance chômage ! Mais rassurons-nous : « Ce redressement progressif des finances publiques doit s’accompagner d’un renforcement de la qualité des dépenses, notamment des investissements indispensables pour assurer les transitions écologique et numérique, atteindre le plein emploi, réarmer le régalien et s’assurer de la compétitivité de nos entreprises », nous dit le texte.

Il est assez difficile d’entrevoir comment les « investissements indispensables » pourront être financés avec une telle politique d’autant que la politique fiscale de baisses des recettes par réduction d’impôts pour les « entreprises » (diminution du taux d’imposition, suppression des impôts dits de production) pratiquée depuis longtemps et exonération de cotisations sociales qui coûtent autour de 6 % du PIB, soit 158 milliards d’euros de cadeaux et subventions aux grandes entreprises et ménages les plus aisés.

Nous sommes au sommet de l’absurde, alors qu’il faudrait invertir massivement dans la transition écologique et la reconstruction de tous les services publics, voire en créer de nouveaux dans les domaines de l’environnement, de l’eau, de la biodiversité, de la planification, etc., la seule préoccupation du gouvernement est la maîtrise des dépenses publiques alors que les marchés eux-mêmes n’en demandent pas tant. D’après l’Agence France Trésor (ramassis bien connu d’affreux gauchistes), en avril, la demande des investisseurs a été deux fois plus importante que le volume de titres émis par la France dont les intérêts représentent 1,8 % du PIB en 2022 et selon les prévisions du gouvernement 2 % en 2027, augmentation due en partie à l’émission de titres indexés sur l’inflation. Les « marchés » ne semblent pas particulièrement inquiets par la dette de la France.

Nous sommes au sommet de l’absurde, alors qu’il faudrait invertir massivement dans la transition écologique et la reconstruction de tous les services publics, voire en créer de nouveaux dans les domaines de l’environnement, de l’eau, de la biodiversité, de la planification, etc.

Si les agences de notation ont dégradé la note de la France, ce n’est pas à cause de la dette, mais de la façon de gouverner d’Emmanuel Macron et du gouvernement. L’agence de notation Ficht qui a dégradé la note de l’État français à AA-, est très claire à ce sujet : « L‘impasse politique et les mouvements sociaux que connaît le pays constituent un risque pour le programme de réformes de Macron et pourraient créer des pressions en faveur d’une politique budgétaire plus expansionniste ou d’un renversement des réformes précédentes » dit-elle, dans sa note. Macron devient ainsi paradoxalement le mauvais élève du néolibéralisme. Car ce qui inquiète les financiers, c’est l’acceptabilité des réformes néolibérales par les populations afin que les créanciers recouvrent leurs « investissements ». Si la méthode de gouvernement alimente la contestation de ces politiques, c’est forcément une faute politique qu’est en train de faire Emmanuel Macron et que ne lui pardonneront pas les oligarchies financières dont il est simplement le mandataire.

Mais il n’est pas le seul au fond de la classe, il se retrouve avec Madame von der Leyen et sa Commission européenne ainsi que Madame Christine Lagarde, qui par dogmatisme et pour satisfaire les banques commerciales, ont remis au goût du jour les « critères de Maastricht » comme fondement de la politique budgétaire dans l’UE. Alors que la transition écologique et la reconstruction sociale devraient servir la réforme des règles budgétaires et monétaires de l’UE, ses institutions s’enferment dans les dogmes ordo-libéraux au détriment de l’avenir des populations.  

Alors que la transition écologique et la reconstruction sociale devraient servir la réforme des règles budgétaires et monétaires de l’UE, ses institutions s’enferment dans les dogmes ordo-libéraux au détriment de l’avenir des populations.  

Entre 2009 et 2023, la banque centrale européenne a créé, ex nihilo (c’est-à-dire par simple décision en appuyant sur une touche d’ordinateur, sans contreparties de création de richesses) plus de 6000 milliards d’euros, elle a racheté sur le marché (aux banques commerciales) plusieurs milliards d’obligations émises par les États membres pendant cette période, rien qu’en frais commerciaux et intérêts, ce processus coûte très cher aux États et à L’UE. Selon les estimations, au moins 100 milliards d’euros pour la seule année 2023, bien qu’il soit difficile de connaître les sommes réelles. Autant de profits sans rien faire pour les banques. Les banques centrales se sont servies du risque de pertes financières, qui comme nous venons de voir n’existe pas, pour rejeter toutes propositions des dettes publiques qu’elles détiennent. Pourtant cette annulation n’handicaperait en rien les économies réelles des États et de l’UE puisque cet argent est de la « monnaie de singe » créé de toute pièce, sans création de richesse. Mais de cela, le Programme de stabilité du gouvernement ne parle pas, il traite simplement des remboursements que le peuple devra effectuer à ces mêmes banques, par une politique d’austérité renforcée.

Enfin, pour finir sur ce sujet de mélange de cynisme, d’incompétence, de mépris des peuples, de démagogie perpétuelle accompagnée de mensonges permanents, de bureaucratie hors de la réalité afin de satisfaire la voracité d’une petite minorité aux commandes, même les décisions prises en 2020 pour relancer l’économie européenne patinent dans leur exécution. Sur les 750 milliards (338 milliards de prêts et 386 milliards de subventions) censés doter le plan de relance européen, seuls 94 milliards de subventions et 45 milliards de prêts ont été versés en janvier 2023. À ce rythme, El Niño sera revenu plusieurs fois avant que les investissements pour lutter contre le réchauffement climatique aient le moindre effet.

Mais tout ceci est bien ennuyeux, mieux vaut pour la presse s’appesantir sur la cérémonie absurde et anachronique du couronnement du roi Charles III d’Angleterre, qu’ont regardée à la télévision neuf millions de Français et Françaises. Vive la République sociale et laïque.

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