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19 janvier : Pour le retrait du projet Macron-Borne sur les retraites

Le projet de réforme/régression de notre système de retraite par répartition est présenté fallacieusement comme un moyen de le « sauver ». L’une des principales exigences gouvernementales concerne le recul de l’âge de départ à 64 ans — avant d’aller plus loin ?  – avec pour argument majeur de s’aligner sur d’autres pays de l’Union européenne. L’autre exigence concerne l’accélération du passage à 43 annuités (pour le nombre de trimestres cotisés à valider) déjà décidé lors de la contre-réforme Hollande-Ayrault-Touraine.

ReSPUBLICA soutient le mouvement d’opposition à de telles orientations régressives

Nous saluons l’unanimité du front syndical qui faisait défaut depuis longtemps, même si nous ne nous illusionnons pas sur la durée de cette unité. Certains syndicats seront sans doute prompts à quitter le navire et à accepter non les compromis, mais les compromissions. Dans un rapport de force, il est légitime de chercher des compromis avantageux pour toutes les parties, mais pas les compromissions qui reviennent à céder sur l’essentiel et notamment sur les intérêts des salariés et des travailleurs.

Car la question des retraites concerne la société dans son ensemble. Il est ainsi nécessaire de ne pas la déconnecter des autres sujets tels que la question des salaires dont les augmentations permettraient de pérenniser l’équilibre de toutes les branches de la Sécurité sociale. L’égalité des salaires entre hommes et femmes serait également positive, ainsi que la lutte pour l’emploi — la liste est loin d’être exhaustive. Le fond de notre pensée est qu’il ne faut pas oublier voire opposer tous ces sujets.

La remise en cause de la situation actuelle avec le recul de 62 ans à 64 ans compromet également l’apport bénévole et décisif des retraités dans de nombreuses fonctions dont l’implication dans le fonctionnement du monde associatif sportif, culturel et de solidarité. La disparition de cet apport bénévole et son transfert vers un financement public ou autre coûteraient à la société l’équivalent de 10 à 11 milliards d’euros. L’économie réelle ne serait donc pas au rendez-vous avec, en plus, à la clé une désorganisation de la société et un délitement mortifère des liens, amplifiant l’atomisation. On ne sait que trop que cette atomisation est du pain bénit pour le système économique ultralibéral qui, pour durer, doit éviter les convergences et le sentiment d’appartenance à un même peuple uni dans la conscience de l’intérêt général.

Par ailleurs, les difficultés à recruter dans certains secteurs ne se trouveront pas résolues, car un retraité ne pourra occuper un poste de boulanger, de couvreur, de travailleur dans les champs ou vergers, de plombier, de carreleur, de carrossier…

L’argument de l’allongement de l’espérance de vie est également fallacieux pour justifier le recul de l’âge de départ, pour deux raisons :

De plus, la retraite n’est pas qu’un problème comptable, c’est aussi une question de dignité : il faut que chacun et chacune puisse bénéficier d’un certain nombre d’années en bon état de santé pour réaliser les projets personnels qui ont été repoussés en raison de manque de temps tant qu’on était en activité. La question de la qualité de vie au travail se pose également.

Quant à l’aspect comptable, il est souvent omis de préciser qu’un actif aujourd’hui produit beaucoup plus qu’un actif d’il y a quelques décennies. Cette productivité supplémentaire n’a ni servi à investir dans l’industrie, ni à augmenter les salaires, ni à améliorer les services publics, ni à assurer dans de bonnes conditions les départs en retraite, ni à diminuer les inégalités sociales. Elle a servi d’une part à abonder, en grande partie, les dividendes des grands actionnaires(1)Depuis 40 ans, toutes les contre-réformes ont modifié la répartition de la valeur ajoutée au profit du capital — qui a gagné environ 9 points de PIB ! et corrélativement a fait chuter le taux de remplacement (ratio du montant de la pension sur le dernier salaire en activité) moyen des retraites. On est passé d’un taux de remplacement de 71 % à 50,3 % et le Conseil d’orientation des retraites (COR) prévoit pour 2070 un taux de remplacement nettement inférieur à 40 %.

Une réforme injuste, déséquilibrée et récessive

Ce report du départ de l’âge de départ à la retraite et l’accélération du rythme pour arriver à 43 trimestres en 2027 concernant les trimestres exigés pour une pension à taux plein signifient de fait une diminution du montant de la pension pour nombre de personnes et notamment dans les couches populaires et pour les femmes(2)Lire l’article de Christiane Marty Retraites : une réforme plus juste pour les femmes, vraiment ? — Attac France, car celles-ci ont souvent des carrières en pointillé et déjà, en moyenne, partent plus tard à la retraite que les hommes. A cela il faut ajouter la situation des travailleurs et travailleuses dont la pénibilité n’est pas reconnue, de celles et ceux qui ont commencé tôt, de celles et ceux qui abordent la retraite sans emploi…

Contrairement aux affirmations de la Première ministre, les propositions du gouvernement sont dans la droite ligne de toutes les réformes/régressions de ces dernières décennies(3)
1987 : loi Seguin qui impose que les pensions de retraite soient revalorisées en fonction des prix et non  plus    du salaire moyen,
1993 : réforme    Balladur, passage  de 37,5  ans à  40 ans de durée d’assurance  pour   les salariés   du privé,  passage des 10 aux 25 meilleures années pour  le calcul de la pension,
1995 :  réforme Juppé contre le statut des fonctionnaires et des régimes spéciaux,
 2003 : réforme Fillon : allongement progressif de la durée de  cotisation jusqu’à 41,5  ans.    Application de la décote et des règles du  régime général au régime de la fonction publique,
2010 : réforme Woerth : repousse l’âge légal de départ à la retraite de 60 ans à 62 ans, voire 67 ans pour ceux n’ayant pas atteint les 41,5 annuités,
2013 : réforme Hollande : augmentation de la durée d’assurance jusqu’à 43 ans pour  la génération de 1973
, qui ont eu pour seul but, tout en baissant le montant des prestations issues de la répartition, d’ouvrir le financement le financement des retraites — comme de la santé, comme de l’éducation… — au marché des financements privés pour satisfaire l’appétit jamais rassasié des actionnaires et spéculateurs en tout genre.

Redisons que le projet actuel ne répond à aucune urgence comptable et que la volonté gouvernementale relève simplement de son acharnement à pratiquer la lutte des classes au détriment des CSP – .

Lire aussi l’article de Bernard Teper et les témoignages de dirigeants syndicaux publiés dans notre dernier numéro de décembre 2022.

Notes de bas de page[+]

Notes de bas de page
1 Depuis 40 ans, toutes les contre-réformes ont modifié la répartition de la valeur ajoutée au profit du capital — qui a gagné environ 9 points de PIB !
2 Lire l’article de Christiane Marty Retraites : une réforme plus juste pour les femmes, vraiment ? — Attac France
3
1987 : loi Seguin qui impose que les pensions de retraite soient revalorisées en fonction des prix et non  plus    du salaire moyen,
1993 : réforme    Balladur, passage  de 37,5  ans à  40 ans de durée d’assurance  pour   les salariés   du privé,  passage des 10 aux 25 meilleures années pour  le calcul de la pension,
1995 :  réforme Juppé contre le statut des fonctionnaires et des régimes spéciaux,
 2003 : réforme Fillon : allongement progressif de la durée de  cotisation jusqu’à 41,5  ans.    Application de la décote et des règles du  régime général au régime de la fonction publique,
2010 : réforme Woerth : repousse l’âge légal de départ à la retraite de 60 ans à 62 ans, voire 67 ans pour ceux n’ayant pas atteint les 41,5 annuités,
2013 : réforme Hollande : augmentation de la durée d’assurance jusqu’à 43 ans pour  la génération de 1973
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