Site icon ReSPUBLICA

Une nouvelle séquence politique s’ouvre

Ombres sur fond de drapeau tricolore

(c) Adobe Stock

« La promptitude à croire le mal, sans l’avoir assez examiné, est un effet de l’orgueil et de la paresse : on veut trouver des coupables, et on ne veut pas se donner la peine d’examiner les crimes. »

La Rochefoucauld, maxime n°267

 

« On ne peut résoudre un problème avec le mode de pensée qui l’a engendré… Il ne faut pas compter sur ceux qui ont créé les problèmes pour les résoudre… La folie, c’est de se comporter de la même manière et de s’attendre à un résultat différent. »

Albert Einstein

Alors ouvrons-la avec tous les lectrices et lecteurs de ReSPUBLICA qui le souhaiteront, avis aux amateurs ! Nous estimons que cette nouvelle séquence possède des caractéristiques qui diffèrent de la précédente. Voilà pourquoi, par cette chronique, nous engageons avec vous un processus de débat démocratique. Processus qui comportera nos échanges par courriels, visioconférences, rencontres en présentiel comme celle du samedi 25 juin à Paris, puis celles que vous initierez aux différents coins de la France.

Ce colloque se tiendra le samedi 25 juin 2022 à Paris de 9 h à 17 h et nous vous convions à vous y inscrire sur l’une des adresses banalisées :
evariste@gaucherepublicaine.org pour ReSPUBLICA,
reseaueducationpopulaire@gmail.com pour le Réseau Éducation Populaire et Éducpod,
combatlaiquecombatsocial@gmail.com pour notre appel « Combat laïque-Combat social, fédérer le peuple ».

Tout d’abord, cette nouvelle séquence voit s’amplifier l’urgence de lutter contre les dérèglements climatiques et écologiques. Mais en plus de cette urgence, trois caractéristiques nouvelles apparaissent. Les deux premières relèvent de changements internationaux qui impacteront tous les pays dont bien sûr la France : la bifurcation géopolitique et la nouvelle donne économique et financière. La troisième relève de nouveaux rapports de force politiques en France suite aux élections de 2022.

La bifurcation géopolitique mondiale

Elle concerne l’ensemble de la planète même si ses prémisses ont commencé en 2014 en Ukraine, ont continué par les accords de Minsk jamais appliqués par l’Ukraine alors que ces accords avaient été patronnés par la France et l’Allemagne, et ont continué à partir du 24 février 2022 par l’envahissement de l’Ukraine par l’armée russe (voir nos précédents articles du 4 avril et du 11 avril).

Depuis, le débat fait rage côté OTAN pour définir la nouvelle ligne stratégique, le « nouveau concept stratégique » dans la novlangue otanienne. S’agit-il d’arrêter la guerre avec de nouvelles frontières ? S’agit-il d’obtenir le retour aux frontières de 2013 ? S’agit-il de vaincre la Russie y compris hors de l’Ukraine ? S’agit-il de transformer l’OTAN en « OTAN mondiale » ? S’agit-il de créer une « OTAN asiatique » ? S’agit-il de soutenir les États-Unis dans leur volonté de contrer les Russes en Afrique ?

Nous n’avons plus longtemps à attendre puisque l’accouchement de ce « nouveau concept » est prévu à Madrid les 29 et 30 juin 2022. ReSPUBLICA reviendra alors sur ce sujet ainsi que sur la nouvelle donne géopolitique, avant notre trêve estivale de la mi-juillet.

Mais sans attendre ce rendez-vous madrilène, nous pouvons déjà remarquer que la ministre britannique des Affaires étrangères Liz Truss prône la création d’une « OTAN mondiale », que le service national de renseignement (Nis) de la Corée du Sud vient d’intégrer le groupe de cyberdéfense de l’OTAN, que le projet de loi présenté par Gregory Meeks, président de la commission des relations étrangères de la chambre des représentants, a été adopté le 27 avril dernier au Congrès américain par 419 voix contre 9 (il vise à développer une stratégie contre l’activité de la Russie sur le continent africain, qui « sape ses objectifs et ses intérêts en Afrique ») et que le Japon, comme l’Allemagne, vient de doubler son budget de défense !

La guerre d’Ukraine ouvre donc la voie à une confrontation inter-impérialiste sur l’ensemble de la planète impliquant bien d’autres acteurs que ceux présentés actuellement par les éditorialistes des médias aux ordres d’un seul impérialisme ! Nous sommes bien là à une bifurcation de la géopolitique mondiale qui aura une influence majeure sur les différentes conjonctures nationales.

La nouvelle donne économique et financière mondiale

Elle avancera au même rythme que la précédente. Vous avez cru à l’argent gratuit du « quoi qu’il en coûte », à la monnaie hélicoptère du « pape » du monétarisme, Milton Friedman, au nouveau dieu (« la planche à billets ») ? Vous adhérez à de pseudo-alternatives de gauche qui ne changent pas les rapports de production capitalistes (du type revenu inconditionnel de base ou similaire) ? Vous croyez à la stabilité des prix ad vitam, au chômage qui baisse, au retour des dynamiques keynésiennes en substituant à la politique de l’offre une politique de la demande ? À la capacité de la croissance d’assurer la plénitude des besoins ? À la possibilité de « gauchir » la dynamique capitaliste en remplaçant la lutte des classes soit par une stratégie « populiste de gauche », soit par le primat des identités de « race » et de genre ? Et vous accompagnez gentiment l’oncle Sam et les hauts dignitaires de l’Union européenne ?
Eh bien, préparez-vous à de futures désillusions !

Macron a transmis la dette sociale de 136 milliards d’euros du « quoi qu’il en coûte » de la Sécurité sociale à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) de façon à ce que celle-ci, mise en place par le gouvernement Jospin de triste mémoire et qui est financée par les travailleurs tous les mois, ne soit pas amortie en 2024, mais en 2033 ! Si on regarde le document que la France a adressé à Bruxelles pour la période 2021-2027, il ne fait aucun doute que les politiques austéritaires vont se durcir.
Le départ en fanfare de l’inflation – en partie seulement due à la guerre d’Ukraine – permet aux dirigeants du capitalisme mondial d’employer la stratégie du stop and go pour accélérer le processus inflationniste sur des marchandises non impactées par la guerre d’Ukraine, car l’inflation est essentiellement la conséquence des injections de liquidités monstrueuses  et des rachats de dettes des multinationales pour des centaines de milliers de milliards de dollars depuis la crise de 2008. Mais aussi pour augmenter les taux de profit qui ont été comprimés pour certains produits.
Les taux d’intérêt des banques centrales ont repris le chemin prévisible de la hausse pour éviter l’hyperinflation mais cela aura pour conséquence d’avancer petit à petit vers la récession et la stagflation. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, l’écart des taux d’emprunt des pays de la zone euro s’est reconstitué de plus belle, entraînant une réunion d’urgence de la BCE pour monter un dispositif anti-fragmentation de la zone euro !
Et ce n’est qu’un début ! En fait, comme nous le montrons par nos schémas lors des formations du Réseau Education Populaire, la seule alternative gauche de gauche crédible est la reformation du partage de la valeur ajoutée en faveur des salaires directs et socialisés et donc d’un processus de lutte des classes favorable au salariat. Tout le reste n’est objectivement que poudre aux yeux à destination de la classe populaire ouvrière et employée, et même des classes moyennes intermédiaires.

C’est bien la fin du libre-échange planétaire de la « mondialisation dite heureuse » mais dans les faits « malheureuse » pour tous les peuples. Elle permettait une surexploitation de la classe populaire ouvrière et employée des pays de sous-traitance pour inonder de marchandises à bon marché les pays les mieux nantis qui pouvaient contrebalancer une partie des politiques austéritaires ! La crise du coronavirus et la bifurcation géopolitique actuelle obligent à remettre en question des « chaînes de valeur » planétaires et à tenter la réindustrialisation et la relocalisation là où le capitalisme avait désindustrialisé.
Mais les conséquences du conflit ukrainien sur le blé et l’énergie montrent bien ce qui pourrait advenir lorsque l’affrontement avec le camp chinois aura lieu, puisque la Chine est toujours « l’usine du monde occidental » !

Sans compter que la crise énergétique mondiale aura comme conséquence d’accroitre la tendance à la procrastination dans le combat contre le réchauffement climatique, combat pourtant essentiel ! Et sans doute de relancer à gauche le débat sur la question centrale de l’écologie, car toute alternative concrète contre le réchauffement climatique devra prioriser la tendance à la sobriété, la lutte contre les énergies fossiles (contrairement à ce que feront les tenants actuels du capitalisme) et reporter les échéances de la fin du nucléaire 2e et 3e générations (Négawatt, outre la proposition d’augmenter le nombre de personnes par logement clairement défavorable aux femmes, devra refaire sa copie pour aller à la fin du fossile plus vite qu’à celle du nucléaire.)

Les nouveaux rapports de force politiques en France

Quant à la troisième caractéristique de la période, cette fois-ci nationale, elle est flagrante quand on regarde le résultat des élections présidentielle et législative françaises. Le président de la République n’a ni la majorité absolue ni une majorité stable pour gouverner. Tout au plus, le fera-t-il avec un gouvernement minoritaire et des alliances à la carte, principalement avec le groupe Les Républicains, en attendant peut-être de dissoudre lorsque cela sera politiquement possible pour le Président de la République. C’est un échec en forme de désaveu électoral net sans précédent depuis l’inversion du calendrier électoral de 2002. Jamais le pouvoir exécutif aura été aussi faible dans la Ve République !

Premièrement, la nouvelle configuration de l’Assemblée nationale avec un renforcement important du nombre des députés de gauche a plusieurs conséquences : d’abord tourner la page du désastre des législatives de 2017 provoqué par l’archipélisation de la dite gauche, validant par-là même la stratégie Nupes. De plus, son poids accru dans l’opposition parlementaire sera important dans le soutien aux mouvements sociaux qui vont naître. C’est un succès électoral par rapport à la situation antérieure et un échec par rapport à l’objectif d’obtenir ma majorité parlementaire Cela en fait la deuxième alliance politique mais pas le deuxième groupe politique car cette alliance se matérialisera par 4 groupes politiques distincts. Cela dit, pour prendre le pouvoir, il faudra combler plusieurs lacunes ou manques supplémentaires et engager le processus de la République via un bloc historique populaire (voir ci-dessous).
Ensuite LR a décidé d’être dans l’opposition tout en étant prêt à devenir un allié de l’extrême centre, texte par texte.

Deuxièmement, la seule force politique qui progresse en nombre de voix et en pourcentage, c’est l’extrême droite. Et elle aura un groupe parlementaire important en conséquence, plus important que la France insoumise si on ne compte pas les élus ultra-marins. Et tendanciellement, cela devient très dangereux. Le prolongement des courbes pour les années qui viennent exige de prendre ce point en compte de façon enfin sérieuse. En effet, si la Nupes a réalisé une énorme poussée en nombre de députés, c’est uniquement par la stratégie d’union. Si on regarde le poids de la gauche en 2017 et en 2022, on s’aperçoit que la gauche n’a pas progressé globalement et a seulement bénéficié de sa stratégie de rassemblement indispensable. C’est inévitable, dans le cadre de la Ve République, avec un scrutin uninominal à deux tours !
Alors, pour contrer le RN et sa progression dans les mois et les années qui viennent, il convient de gagner la bataille pour une nouvelle hégémonie politico-culturelle notamment dans la classe populaire ouvrière et employée, comme nous l’avons décrit dans les trois analyses sociologiques du vote sur les élections présidentielle et législatives pour le premier tour. Ne pas comprendre que le RN a privilégié une « Nuit des longs couteaux », en éliminant le parti Reconquête, en jouant sur le long terme, serait prolonger une ânerie que la gauche fait depuis des décennies dans l’analyse du danger de l’extrême droite.

Il n’y a que la bourgeoisie intellectuelle de gauche pour s’imaginer que l’enthousiasme des équipes militantes d’aujourd’hui peut suffire pour la suite de l’histoire. Après la clarification apportée par l’élimination de la gauche hollandaise de l’ex-PS, n’oublions jamais que la gauche n’a fait au premier tour des législatives de 2022 qu’un peu plus que du quart des votants et qu’elle ne représente donc qu’un peu plus de 10 % des inscrits potentiels (compte tenu de l’abstention, des votes blancs et nuls et des non-inscrits) !

Nos tâches politiques

Notre horizon est toujours le processus laïque de la République sociale et donc de ses conditions politiques(1)Voir le livre en deux tomes Penser la République sociale pour le 21ème siècle dans la librairie militante de ReSPUBLICA..
Cela passe par une campagne pour une nouvelle hégémonie politico-culturelle avec un discours contre-hégémonique conséquent pour travailler à la constitution d’un bloc historique populaire qui devra contenir en son sein une large majorité de la classe populaire ouvrière et employée (45 % de la population active) et des couches moyennes intermédiaires.
C’est l’objet de notre rencontre-colloque du 25 juin 2022 à Paris, tant sur la ligne stratégique que sur les outils qui nous créerons ce jour-là pour mener une campagne d’éducation populaire refondée.
Et ce sera avec vous, ce jour-là et par la suite comme indiqué en début de ce texte, alors à bientôt !

Notes de bas de page[+]

Notes de bas de page
1 Voir le livre en deux tomes Penser la République sociale pour le 21ème siècle dans la librairie militante de ReSPUBLICA.
Quitter la version mobile