Engager des débats à la base
Baisse d’actualité sur le spectacle des débats budgétaires, car il n’y aura rien de nouveau avant mardi 9 décembre, jour d’un probable résultat du vote de l’Assemblée nationale sur le budget 2026 de la Sécurité sociale en deuxième lecture. Pour l’instant, tout se passe comme prévu dans les éditos de ReSPUBLICA du mois de novembre(1)novembre 2025 – ReSPUBLICA.. Quant à la journée de grève interprofessionnelle du 2 décembre dernier, la faiblesse des grèves, y compris dans les secteurs les plus dynamiques ces dernières années, corrobore l’analyse que nous avons développée dans ReSPUBLICA sur la journée du 2 octobre dernier. Après un bon début les 10 et 18 septembre, le manque de préparation syndicale et le retour inopérant des manifestations saute-mouton donnent raison à notre analyse critique.
Mais les appels guerriers dans le champ européen pullulent. La préparation des élections municipales augure la forte probabilité d’une grande évolution politique. Il est donc temps d’engager un débat sur le réel que nous proposent les oligarchies capitalistes européennes et d’utiliser les armes de la critique sur l’extraordinaire mutation de la vie politique française.
L’Union européenne, l’Otan et la Russie appellent au développement de la guerre
Les oligarques européens exultent. Pas de débat au parlement de l’UE sur la guerre qui se développe. Mais tous les pays doivent augmenter leur budget militaire jusqu’à 5 % de PIB (soit, pour la France, le passage d’environ 60 milliards à 150 milliards d’euros dans les années qui viennent). La perspective d’un accroissement encore plus fort de l’austérité sur les budgets sociaux pour financer un développement en forte croissance de l’économie des complexes militaro-industriels européens, voilà qui remplit d’aise les grands patrons. Rappelons-nous la lettre du 18 juillet 1922 du grand Anatole France : « On croit mourir pour la patrie, on meurt pour les industriels ».
L’Allemagne, devenue la plus forte économie européenne, et de loin, a engagé un développement incroyable de son armée et de son appareil militaro-industriel, soutenu par son « hinterland » majoritaire dans l’Union européenne. La France, quant à elle, fait vivre son appareil militaro-industriel uniquement par ses ventes extraeuropéennes, vu que l’UE préfère acheter les matériels militaires qui lui manquent aux États-Unis. L’extrême centre français essaye de lutter contre son rabougrissement dans le concert européen par de la communication et par l’idée d’un service national volontaire, pour l’instant non financé.
La France n’a plus d’armée à la hauteur des enjeux face à la nouvelle géopolitique mondiale.
En fait, la France, après son succès dans l’opération Serval(2)Réponse aux dirigeants du Mali pour les aider à s’opposer à la prise de contrôle du pays par les djihadistes., puis son fiasco dans l’opération Barkane, qui a entraîné l’exclusion de son influence en Afrique francophone, n’a plus d’armée à la hauteur des enjeux face à la nouvelle géopolitique mondiale. Il lui reste sa dissuasion nucléaire, ce qui est insuffisant dans la période. Elle rencontre des difficultés, notamment dans le renseignement et les gros porteurs, où elle ne peut agir que grâce aux États-Unis.
Plus fort que le général d’extrême centre Mandon, Boris Pistorius, ministre de la Défense social-démocrate allemand, n’a-t-il pas déclaré, dans une interview à la « Frankfurter Allgemeine Zeitung » : « Les experts militaires et les services de renseignements peuvent évaluer quand la Russie aura régénéré ses forces et pourra être en mesure de mener une attaque contre un membre de l’OTAN. Nous avons toujours dit que cela pouvait être le cas à partir de 2029. Mais certains disent que ce serait envisageable dès 2028 et certains historiens militaires pensent même que nous pourrions avoir vécu notre dernier été en paix ». Bien évidemment, tout cela sans débat citoyen sérieux autre que les propagandes des chaînes d’information du type de Bouygues LCI.
Relire Jaurès sur la nation, le patriotisme et l’internationalisme
D’abord, nous devons combattre tout communautarisme ethnico-religieux et conserver la nation française comme une communauté éthico-juridique basée sur les droits de l’homme et du citoyen. La Révolution française est passée par là. Encore faut-il constamment vérifier cet accord éthico-juridique par un débat démocratique. Selon la dialectique de Jean Jaurès : « C’est dans l’internationale que l’indépendance des nations a sa plus haute garantie ; c’est dans les nations indépendantes que l’internationale a ses organes les plus puissants et les plus nobles. On pourrait presque dire : un peu d’internationalisme éloigne de la patrie ; beaucoup d’internationalisme y ramène. Un peu de patriotisme éloigne de l’Internationale ; beaucoup de patriotisme y ramène ».
Conformément à cette pensée, la nation est légitimée par son indépendance, sa souveraineté, mais il faut une organisation internationale pour garantir cette indépendance et cette souveraineté. Cela n’existe plus ! Avec cette orientation jauressienne, le colonialisme, le néo-colonialisme, l’impérialisme sont combattus. Après l’assassinat de Jean Jaurès, puis l’acquittement scandaleux de son assassin, le grand Anatole France écrivit dans L’Humanité du 6 avril 1919 : « Travailleurs, Jaurès a vécu pour vous ; il est mort pour vous ! Un verdict monstrueux proclame que son assassinat n’est pas un crime. Ce verdict vous met hors la loi, vous et tous ceux qui défendent votre cause. Travailleurs, veillez ».
L’Ukraine défend-elle l’Europe ?
En réalité, ce sous-titre masque le vide de la pensée française aujourd’hui. Car, bien sûr, si nous devons défendre le sol et les habitants qui y vivent, il convient aussi de savoir quels sont les intérêts que nous défendons et, comme le disait Anatole France dans une de ses phrases ci-dessus, si nous le faisons pour défendre « les industriels de l’armement », les oligarques et leurs profits, ou si nous défendons les intérêts du peuple, à commencer par la classe populaire ouvrière et employée. Aujourd’hui, les oligarchies européennes et leurs médias dominants veulent la guerre. Et le peuple français, la veut-elle ? Même les partis et les syndicats de gauche sont relativement muets sur ce point.
Souveraineté du peuple, de la nation et défense nationale
Oui nous devons en partie réarmer, mais réarmer vers l’indépendance, la souveraineté numérique et la planification énergétique et écologique, donc œuvrer à ce que les pays européens n’achètent pas leurs armes en dehors de l’UE. Il s’agit également de veiller à ce que le réarmement ne soit pas seulement allemand !
Nous devrons réarmer pour nous défendre et non pas pour attaquer, comme le souhaitent certains chefs militaires. Et réarmer en commençant par le renseignement et les gros porteurs qui manquent à l’armée française. Mais nous ne pouvons pas accepter que ce réarmement se fasse dans le dos des Français et du bloc populaire, qui comprend la classe populaire ouvrière et employée. Et nous ne pouvons pas accepter que la dizaine de principes républicains(3)Liberté, Égalité, Fraternité, Démocratie, Solidarité, Laïcité, Sûreté et Sécurité, Universalisme concret, Souveraineté populaire, Développement écologique et social. ne soit pas considérée comme centrale dans la politique suivie. Et nous ne pouvons pas accepter d’être tributaires des politiques de l’Otan et de la Russie, qui ne sont pas pour rien dans le conflit entre la Russie et l’Ukraine.
Du service militaire volontaire
Nous payons le prix de la suppression du service national, qui devrait constituer un outil d’intégration mixte et partiellement militaire.
Nous payons le prix de la suppression du service national, qui devrait constituer un outil d’intégration mixte et partiellement militaire. Deux ou trois mois seraient amplement suffisants pour former des soldats, assortis de quelques courtes périodes de rappel pour une formation permanente. La décision de le supprimer provient de l’état-major militaire, qui préférait une armée totalement professionnelle pour pouvoir agir dans ce qu’il appelle des opex (opérations extérieures) au détriment de la défense du territoire et de ses habitants. Jean Jaurès s’opposait à l’armée de caserne et préférait une armée au milieu du peuple avec des soldats non encasernés. Mais, bien sûr, tout cela doit être d’abord débattu au sein de la nation pour éviter le nationalisme et la promotion des intérêts particuliers au détriment des intérêts populaires, de façon à combattre ce climat anxiogène et à préciser ce que nous avons à défendre.
Parlons un peu de la préparation des élections municipales et sénatoriales
D’abord, la poussée concomitante du RN d’une part et de la marche vers l’union de toutes les droites (donc RN compris) d’autre part est flagrante. La préparation des sénatoriales par le RN, qui souhaite que les élections municipales lui offrent un groupe au Sénat (objectif également de LFI), est également patente. Après le soutien du président du Medef à l’Union de toutes les droites (Union TLD), les élections municipales montreront au deuxième tour si cette union progresse ou pas.
Face à cela, les gauches sont en train d’acter l’éclatement du Nouveau Front Populaire (NFP) autour de deux pôles, celui du PS et celui de LFI. Ces deux pôles seront présents dans la plupart des villes grandes et moyennes au premier tour et le résultat de ce duel sera important pour la suite, car n’oublions jamais que rien n’est possible comme objectif politique populaire sans une gauche unie. On verra alors comment cette union se fera durant le second tour. Déjà, on remarque les tensions produites par cet éclatement au sein des Ecologistes, les uns lorgnant vers LFI, les autres vers le PS. Pour le PC, ce sera majoritairement l’alliance avec le PS, comme précédemment.
Quant aux autres petits partis (l’Après, Debout ! et Génération’s), leur embarras, eux qui se sont construits comme garant de l’unité du NFP, est patent : les premiers se rapprochent de LFI, les seconds se tournent vers le PS et les derniers se constituent en liste autonome citoyenne, malgré la difficulté à constituer une liste dans les grandes villes, en raison du nombre nécessaire.
Cet état de fait est largement dû au recul de la démocratie(4)Pourquoi la démocratie recule-t-elle partout dans la séquence actuelle ? – ReSPUBLICA. dans toutes les formations politiques de gauche sans exception. Rien que cet article devrait vous pousser à organiser des réunions locales de débats politiques, car la gauche ne peut survivre sans ces débats indispensables. La consommation de punchlines et la multiplicité des commentaires des gourous favoris ne seront en aucune façon la solution.
Notes de bas de page
| ↑1 | novembre 2025 – ReSPUBLICA. |
|---|---|
| ↑2 | Réponse aux dirigeants du Mali pour les aider à s’opposer à la prise de contrôle du pays par les djihadistes. |
| ↑3 | Liberté, Égalité, Fraternité, Démocratie, Solidarité, Laïcité, Sûreté et Sécurité, Universalisme concret, Souveraineté populaire, Développement écologique et social. |
| ↑4 | Pourquoi la démocratie recule-t-elle partout dans la séquence actuelle ? – ReSPUBLICA. |
