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ReSPUBLICA, le journal de la gauche républicaine

n°565 - vendredi 26 octobre 2007

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1 - chronique d'Evariste

1 - Pour installer son pouvoir : terroriser les vieux, castrer les jeunes.

On connaît les scores du nain politique qui habite désormais l'Elysée. Sa campagne a été fortement axée sur certains groupes sociaux, tous correspondant à une population importante, susceptible de recevoir son message médiatique. A ce titre, le score réalisé chez les plus de 65 ans (75% des votes, un ras de marée ! ) est emblématique de sa stratégie.

Sur le plan de la communication orchestrée d'abord, la cible de Sarkozy est une personne coupée du monde, dépendante d'un média pour son seul contact avec l'extérieur (et de préférence la télévision hertzienne, car dominée par TF1). Or, les plus de 65 ans sont en plein dans cette catégorie de personne.
Sur le plan électoral ensuite,la France est de plus en plus vieille. On dénombre aujourd’hui, selon l’INSEE plus de 16% de Français âgés de plus de 65 ans, contre environ 14% en 1995. Cette tendance devrait s’accentuer dans les prochaines années pour aboutir vers 2050 à une situation où les 65 ans et plus devraient représenter environ 26% de la population. Le poids démographique des personnes âgées et l'implantation durable dans cette tranche d'âge est donc un atout électoral.
Et enfin, sur le plan social et individuel: plus on terrorise, plus on distille la peur, plus on légitime aux yeux des gens la répression, la dureté, l'incarcération, la judiciarisation. Mirage de la sécurité ! Les plus de 65 ans sont là aussi les cibles rêvées : ils ont peu à construire, donc tout à conserver. Le travail culturel de la droite n'a de cesse d'instaurer la méfiance : le vieux contre le jeune, le jeune contre le vieux, et le biais sécuritaire ainsi introduit rompt le lien intergénérationel, un des socles de notre éthique. Pire, en brouillant les cartes républicaines, instaurant l'égoïsme, le travail culturel de la droite amène l'ancienne génération à voter Sarkozy pour le bien de leurs enfants !

Mais la terreur du troisième âge n'est pas, à elle seule, la clé du règne, car l'ennemi réside bel et bien dans la capacité de révolte, dans l'énergie, dans l'impulsion, dans la volonté d'une vitalité débordante. Il y a peu à craindre des plus de 65 ans. Et de fait, Sarkozy craint la jeunesse. Il la craint d'autant plus qu'il s'y est déjà frotté. L'Anglo-saxon de l'Elysée garde en mémoire le souvenir de son impuissance face à Mai 68 et aux grèves étudiantes des années 70. Contre elles, contre cet esprit de révolte, contre ces aspirations libertaires, il ne cessera de protester, lui, l'enfant de Neuilly, l'héritier d'une famille qui a fui la Hongrie pour « d'obscurs motifs » jamais évoqués dans les médias (quand notera t-on que s'il est parfois question de sa mère, un silence coupable règne dans les médias sur le passé du père et du grand père, sur l'histoire de la Hongrie pendant la seconde guerre mondiale). Toute une éducation à détester, à se méfier, à craindre et à haïr l'impulsion et la vitalité. 50 ans plus tard, la ligne n'a pas changé d'un iota.

Ces derniers temps, certains perspicaces auront noté l'image noircie de Che Guevara. Le 40ème anniversaire de la mort du révolutionnaire a été l'occasion d'une campagne médiatique visant la réécriture de l'histoire du Che. Certes, il fût loin d'être un ange, et le révolutionnaire avait du sang sur les mains, mais la campagne actuelle vire au déferlement savamment orchestré : « misérable », « soumis », « violent », « raté », « inconséquent », « loser ». Tout est bon pour retailler le personnage que fût le guerrillero argentin, le ternir et enfoncer avec lui tout ce qu'il représente encore en tant qu'icône d'insoumission, de volonté, de révolte contre les dominations coloniales et capitalistes, ainsi que d’espoir d’un autre monde possible. Rémi Kauffer déclarera même que les jeunes aiment dans Che Guevara l'incarnation de « l'échec éternel ». Et le but de cette campagne est bien là : détruire les aspirations de la jeunesse, ses élans naturels à la contestation, à la vitalité, aux rêves, à la révolte. L'identifier à des icônes de ratés ou de sacrifiés.

La « castration » est un terme psychanalytique d'une telle entreprise intellectuelle. Un seul objectif pour Sarkozy : une société idéale faite de personnes âgées alimentées par TF1, terrorisées par l'extérieur ; et de jeunes dociles, faibles et castrés ; des jeunes auxquels on aura ôté toute libido créatrice, toute force de dépassement, tout désir de mouvement, toute trace d'idéal.
Aujourd'hui, c'est Guy Môquet qui est invoqué. L'adolescent assassiné par les nazis en 1941, communiste de surcroît, est à son tour instrumentalisé pour les desseins du phobocrate de l'Elysée. Guy Môquet aseptisé, décérébré, momifié, pour que n'en reste rien si ce n'est l'image présentée aux collégiens et lycéens : un jeune – comme eux ! – qui, lui, se sacrifie pour son pays.
Dans cette culture sacrificielle qui traverse l’histoire de l’humanité et des religions, le « consentement » de la victime – jeune, femme, enfant, étranger – occulte les violences politiques à l’œuvre et les intérêts du pouvoir qu’elles servent. Dans le tour de passe-passe présidentiel, la victime-otage devient un héros et le meurtre est déguisé en don de soi, laissant dans l’ombre la lutte contre le nazisme et le fascisme, et à l’abri, les véritables coupables.

Que l'on ne s'y troupe pas, il n'est pas anodin de présenter à des adolescents le portrait « chimérique » d'un personnage auquel, du fait de leur âge, ils peuvent s'identifier. Combien de fois l'enfant recevra t-il un tel exemple en terme de valeurs ?! Que l'on réalise l'entreprise de bourrage de crâne culturel et éthique qui est à l'oeuvre ! On impose à nos enfants l'image d'un héros qui s'est sacrifié pour sa nation, pour la France. Hors contexte, hors historicité, cette image est d'une dangerosité absolue pour les enfants, futurs citoyens. Son but est de pouvoir un jour disposer d'adultes prêts à se « sacrifier » pour la nation, pour la Patrie. On imagine déjà les discours : « Il faut se sacrifier et renoncer à la Sécu... pour le bien de la Nation ! », « Il faut se sacrifier et renoncer au SMIC... pour le bien de la Nation ! ». La nouvelle gauche doit comprendre qu'aucune de ces phrases ne recevra l'acceptation passive d'un individu si elle n'a pas été culturellement inculquée au préalable. Réalise t-on vraiment ce que Sarkozy veut imprimer dans la tête de nos adolescents ? Réalise t-on le poison psychologique et éthique qu'il distille dans leurs repères identitaires si importants à cet âge ?
Comprendre que la vision « économico-économique » ne peut pas être l'unique fondement d'une pensée politique est un enjeu majeur pour les militants de la nouvelle gauche. Il conditionne à la fois la rupture avec la monoculture économique de l'actuelle gauche, et la fondation d'un nouveau socle idéologique pour le renouveau de la pensée de gauche.

Sarkozy est intelligent. Il est gouverné par son complexe de peur, mais son intelligence s'en trouve décuplée. S'asseoir sur une population vieille, moins vive, moins forte, moins revendicatrice par usure des ans ; et castrer la vitalité, l'impétuosité et la force sauvage de la jeunesse. Le phobocrate le sait – d'instinct ! – c'est l'impulsion vitaliste de la jeunesse qui mettra fin à son règne. La jeunesse, imprévisible, impulsive, désireuse de vie : Elle est sa plus grande peur. Aujourd'hui, rien que le chômage des moins de 25 ans s'élève à 24.5% pour les filles, 22% pour les garçons, alors que la moyenne nationale est de 9%. Voilà un des éléments propice à attiser la révolte ! Pour la droite libérale anglo-saxonne, castrer la nouvelle génération n'est pas un luxe, c'est une nécessité impérieuse.

Lundi 22 octobre 2007. C'est le matin dans un lycée de France. La lecture de la lettre de Guy Môquet commence. Le silence est dans les rangs.
Et puis un sifflement se fait entendre... Puis un autre... Et d'autres encore, et encore ! Outrage ?! Oui, outrage à l'embrigadement ! Outrage à l'alignement ! Outrage à cette volonté de castrer la jeunesse ! Outrage à l'esclavage du sacrifice sur commande ! Sifflant la lecture de cette lettre, ces adolescents « irrespectueux » ont donné là la plus belle preuve que cet instinct de révolte qui habitait le Che ou Guy Môquet bat toujours dans leurs veines.

Évariste Pour réagir aux articles,
écrire à evariste@gaucherepublicaine.org

2 - le non de gauche

1 - Appel unitaire sur le traité européen dit "simplifié"

En 2005, les citoyennes et les citoyens de notre pays et des Pays-Bas ont refusé la « constitution » européenne que les chefs d'Etat de gouvernement avaient adoptée. Dans plusieurs pays, elle n'a jamais été ratifiée. Fin juin 2007, les chefs d'Etat et de gouvernement ont lancé une procédure éclair pour un nouveau traité européen, sans débat populaire, sans referendum.

Contrairement à ce que dit Nicolas Sarkozy, ce n'est pas un « mini-traité ». Sous un autre nom et une autre forme, il reprend l'essentiel de la « constitution » rejetée.
Contrairement à ce que dit Nicolas Sarkozy, « le respect de l'économie ouverte de marché où la concurrence est libre » restera la pierre angulaire de la construction européenne à laquelle tout est subordonné. Aucune des principales exigences soulevées dans le débat sur le traité constitutionnel n'est prise en compte : services publics, égalité hommes-femmes, laïcité, préservation de l'environnement et des ressources non renouvelables, Europe sociale, refus de la libre circulation des capitaux et du dumping fiscal, surpuissance et missions de la banque centrale européenne (BCE), politique de paix, fonctionnement démocratique de l'Union européenne. Rien.

Les services publics restent soumis aux règles de la concurrence. La référence aux « héritages religieux » est maintenue. Aucun des obstacles à l'amélioration des règles sociales n'est levé. Les politiques environnementales sont stérilisées par les choix économiques ultra-libéraux. Le pouvoir de la BCE est préservé. L'inscription de la défense européenne dans la politique de l'OTAN, c'est à dire sa soumission aux Etats-Unis, et la militarisation de l'Europe sont confortées. La charte des « droits fondamentaux », déjà très insuffisante, reste vidée de toute portée pratique. Et, comme prévu par le traité constitutionnel, le système institutionnel actuel, profondément anti-démocratique, n'est pas vraiment transformé. Bref, on retrouve tout ce qui fait de l'Europe une zone aménagée de libre échange et de promotion des politiques néo-libérales, au lieu qu'elle se construise démocratiquement et propose une autre voie que le règne sans partage des multinationales et des marchés financiers.

Nous sommes des partisans déterminés d'une Europe émancipée de cette tutelle des puissances financières, capable de refuser les politiques de domination agressive et les interventions militaires pour mettre en oeuvre de nouvelles relations internationales, notamment avec les pays du Sud. Nous voulons une Europe fondée sur le refus de toutes les discriminations, le respect effectif de la diversité culturelle et la convergence par le haut des droits sociaux, des normes environnementales et des protections des consommateurs. Nous voulons une Europe bâtie sur la volonté et la souveraineté populaire. Voilà pourquoi nous refusons ce nouveau traité. Et nous proposons une démarche : l'élaboration d'un nouveau texte fondateur à la suite d'un processus démocratique, populaire et transparent ; puis sa ratification par referendum dans tous les Etats.

Nous appelons toutes celles et tous ceux qui veulent cette Europe là à se mobiliser, à faire converger leurs initiatives et à unir les forces pour expliquer le véritable contenu du nouveau traité, dénoncer la tromperie et pour ouvrir une nouvelle perspective d'une Europe démocratique, sociale, écologique et solidaire.

Pour éviter que le peuple tranche, Sarkozy veut faire adopter le nouveau traité par la voie parlementaire. Rien ne dit qu'il pourra le faire. Les citoyens et les élus, quel qu'ait été leur vote le 29 mai 2005, doivent refuser que la démocratie et la volonté populaire soient bafouées et exiger un nouveau referendum.

Premiers signataires :
AC! – AlterEkolo - Alternatifs - ATTAC - Cactus La Gauche – Confédération Paysanne - Coordination des Groupes de Femmes Egalité - Coordination nationale des collectifs antilibéraux - Démocratie & Socialisme - Fondation Copernic - Forces Militantes - LCR - Marches européennes - MARS Gauche Républicaine - PCF - PCOF - Pour la République Sociale - Réseau Féministe Ruptures – Union des Familles Laïques - Union syndicale Solidaires ...

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Respectez Notre Non

2 - Haute trahison

Le projet de « traité modificatif » (reform treaty) européen a été rendu public le vendredi 5 octobre. On comprend à sa lecture pourquoi ses rédacteurs ont renoncé aux expressions de « mini-traité » ou de « traité simplifié » puisqu'il ne comporte, avec ses douze protocoles et ses 25 déclarations diverses, pas moins de 256 pages et qu'en matière de complexité rédactionnelle on peut difficilement faire pire.

Dans la mesure où ce texte se borne en réalité à recopier sous une autre forme les trois quarts des dispositions du traité établissant une constitution pour l'Europe, il eût certainement été plus simple de reprendre le texte initial en en rayant seulement les dispositions symboliques abandonnées. On comprend cependant que cette formule ait été écartée car elle aurait manifesté de façon trop criante que l'on se moquait ouvertement de la volonté des peuples français et néerlandais.

Les rédacteurs ont donc préféré concocter une formule compliquée qui modifie d'une part le traité sur l'Union européenne (traité UE) et d'autre part le traité instituant la communauté européenne (traité CE), lequel s'intitulera désormais « traité sur le fonctionnement de l'Union ». La supercherie apparaît clairement avec la Charte des droits fondamentaux qui n'est plus incluse dans les traités mais apparaît dans l'article 6 du texte de la façon suivante : « L'Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux du 7 décembre 2000, laquelle a la même valeur juridique que les traités » … Un traité affirme donc qu'une charte qui lui reste extérieure a cependant la même valeur juridique que les traités qu'il modifie ! On n'a jamais vu de procédé juridique plus tordu, même dans les récentes révisions de la Constitution française qui ont pourtant révélé au plus haut niveau normatif l'invasion de notre pays par le « maldroit ». Le protocole n°7 prévoyant cependant que la Charte ne permet ni à la Cour de justice européenne ni aux juridictions britanniques et polonaises d'écarter l'application d'actes nationaux de ces deux pays jugés incompatibles avec ladite charte, provoque un pincement de cœur. Tout se passe comme si le « non » des Français avait servi à d'autres mais pas à eux, quelle humiliation !

Le « traité modificatif » modifie bien le traité constitutionnel rejeté en 2005 puisqu'il en enlève un certain nombre de dispositions explicites et dispense la Pologne et le Royaume-Uni du respect de certains engagements. C'est donc une modification par simple soustraction en ce sens que l'on s'apprête à faire ratifier par le parlement français un traité partiel aux lieu et place du traité complet initial.

Une question fondamentale se pose dès lors : comment le président de la République peut-il décider seul, alors que le peuple français a juridiquement rejeté l'intégralité du traité, de faire cependant ratifier par voie parlementaire la majeure partie des dispositions qu'il contenait au motif que celles-ci « n'auraient pas fait l'objet de contestations » ? Chacun a pu constater, durant la campagne référendaire, que toutes les dispositions étaient critiquées : les uns se focalisaient davantage sur la charte des droits fondamentaux et les politiques communautaires, les autres sur les transferts de compétence, le passage de l'unanimité à la majorité et le déficit démocratique, d'autres encore s'offusquaient des principes et symboles fédéraux. On pouvait peut-être apercevoir que le « non » de gauche déplorait davantage la menace sur l'Etat-providence et le « non » de droite la perte de l'Etat régalien, mais il est certainement impossible et inconcevable de sonder le cerveau de chaque Français en prétendant y déceler des dispositions qu'il aurait rejetées et d'autres qu'il aurait approuvées. La démarche du président de la République prétendant interpréter seul la volonté du peuple français est totalement arbitraire et confine à la dictature. Lorsque l'on sait que la Constitution californienne prévoit qu'une norme adoptée par référendum ne peut être par la suite abrogée ou modifiée que par une autre décision populaire et que la Cour constitutionnelle italienne adopte le même principe, on ne peut qu'être bouleversé par le coup d'Etat ainsi perpétré en France. Si le président a la conviction que les dispositions restant dans le traité modificatif ont fait l'objet d'une approbation implicite des Français, encore faut-il qu'il s'en assure en organisant un nouveau référendum tendant à obtenir leur accord explicite.

Comment qualifier et sanctionner, dès lors, un tel coup d'Etat ? Le texte de la très populaire Constitution de 1793 n'y allait pas de main morte en disposant, dans son article 27 : « Que tout individu qui usurperait la souveraineté soit à l'instant mis à mort par les hommes libres ». La peine de mort étant désormais prohibée par la Constitution française il convient de s'y conformer et de se tourner plutôt vers l'article 35 du texte de 1793 qui affirmait solennellement : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ». La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, intégrée au préambule de l'actuelle Constitution, range aussi la résistance à l'oppression parmi les droits naturels et imprescriptibles de l'homme.

Notre texte constitutionnel affirme encore que le principe de la République est « gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple » et que son président est élu au suffrage universel direct pour veiller au respect de la Constitution, assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et la continuité de l'Etat et garantir l'indépendance nationale. Le terme qui vient à l'esprit pour désigner le mépris présidentiel de la volonté populaire est évidemment celui de haute trahison. Malheureusement, une révision des dispositions sur la responsabilité pénale du chef de l'Etat, intervenue en février 2007, a substitué à l'antique et belle formule de haute trahison, l'expression affadie et banale de « manquement à ses devoirs manifestement incompatibles avec l'exercice de son mandat ». Cela manque singulièrement d'allure et de force mais l'on s'en contentera cependant en proposant aux parlementaires, au lieu de commettre eux-mêmes une forfaiture en autorisant la ratification d'un traité rejeté par leurs mandants, de se constituer en Haute Cour pour sanctionner le coupable.

Sans insurrection ni destitution, nous n'aurons alors plus qu'à pleurer sur notre servitude volontaire en réalisant que nos élus représentent bien ce que nous sommes nous-mêmes devenus : des godillots.

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Anne-Marie Le Pourhiet Professeur de droit public

3 - combat laïque

1 - Qu'est-ce que la laïcité ?

L'affaire du gîte des Vosges est l'occasion, pour certains, de réclamer "l'extension de la loi du 15 mars 2004" à la sphère privée. Des voix s'élèvent aujourd'hui au sein de l'UFAL, qui réclament l'interdiction du voile dans l'espace de la société civile. De bonne foi, elles croient renforcer le principe de laïcité et promouvoir le féminisme. C'est une erreur théorique et stratégique : explications.

La laïcité est un principe qui permet une organisation de la société et de l’Etat respectueuse des principes républicains. Elle n’est pas une doctrine en -isme comme peuvent l’être le communautarisme, l’intégrisme ou le laïcisme. La laïcité n'est pas une doctrine : elle ne professe rien. La laïcité est un principe : ce principe inscrit dans l'organisation sociale une ligne de séparation. Il sépare le champ de la société civile (ou de la sphère privée) et le champ de la sphère publique. La société civile est régie par le principe de tolérance : elle correspond à l'espace dans lequel les libertés particulières peuvent s'exercer et les particularismes individuels s'exprimer, dans les limites du droit commun. La sphère publique est soumis à l'obligation de neutralité : dans la sphère publique, des sujets politiques sont convoqués à exercer leur citoyenneté, en faisant abstraction de ce qui les particularise en tant qu'individus. Défendre le principe de laïcité, c'est défendre cette séparation.

Défendre cette séparation, c'est refuser deux dérives : c'est combattre, d'une part, toutes les forces qui oeuvrent pour que les intérêts privés envahissent la sphère publique. C'est combattre l'hégémonie des forces capitalistes avec la même la même fermeté que l'hégémonie des intégrismes religieux. Je le dis souvent dans mes conférences : c'est parce que je défends la laïcité que je suis hostile au port des signes religieux à l’école comme je suis hostile aux lits et aux consultations privés dans les hôpitaux publics. Dans les deux cas, c'est la même dérive : des volontés particulières cherchent à imposer des intérêts strictement privés à un espace qui doit relever de la seule puissance publique et du seul intérêt général. C'est parce que l'UFAL refuse qu'on étende à la sphère publique des règles qui doivent rester cantonnées à la sphère privée qu'elle s'oppose à la marchandisation de tous les secteurs d'activité. Qu'elle a été hier le fer de lance du combat en faveur de la loi du 15 mars 2004. Qu'elle est aujourd'hui le fer de lance du combat contre les franchises médicales. Qu'elle milite actuellement pour que les parents qui accompagnent des élèves lors des sorties scolaires soient soumis à l'obligation de neutralité, au même titre que les fonctionnaires qu'ils remplacent.

Mais être laïque, c'est combattre, d'autre part, toute intrusion de la puissance publique dans la sphère privée : un Etat laïque et républicain se doit de garantir les libertés individuelles, et plus particulièrement la liberté d'expression. Du communisme soviétique à la prohibition, l'histoire montre assez à quelles dérives s'expose l'Etat quand il prétend interdire l'expression des croyances religieuses ou lorsqu'il décrète quel est "le Bien" des individus malgré eux.

L'affaire du gîte des Vosges est l'occasion, pour certains, de réclamer "l'extension de la loi du 15 mars 2004" à la sphère privée. Des voix s'élèvent aujourd'hui au sein de l'UFAL, qui réclament l'interdiction du voile dans l'espace de la société civile (dans les commerces - gîtes, hôtels, supermarchés - et même dans la rue). Ces personnes sont de bonne foi : elles croient renforcer le principe de laïcité et promouvoir le féminisme en exigeant que les femmes voilées retirent ce qui constitue un symbole d'oppression patriarcale. Elles se trompent. Elles commettent, d'abord, une erreur théorique. Nier la séparation entre sphère publique et sphère privée, vouloir que l'obligation de neutralité régisse désormais la sphère privée, c'est remettre en question le principe même de laïcité. C'est nier le principe de séparation entre sphère privée et sphère publique. Elles commettent, de plus, une erreur stratégique. Loin de renforcer le principe de laïcité, les personnes qui veulent l'imposer à la société civile l'affaiblissent. Elles réduisent le principe de laïcité à une doctrine parmi d'autres. Ce faisant, elles offrent la laïcité en pâture aux communautaristes de tous poils, qui ne désirent qu'une seule chose : que la laïcité soit réductible à une doctrine, bref, qu'elle soit assimilable au laïcisme.

L'UFAL a combattu la "laïcité ouverte" : "ouvrir" la laïcité, c'était confondre laïcité et tolérance. Les zélateurs de la laïcité ouverte étaient à l'époque les idiots utiles des intégristes islamiques qui ne désiraient qu'une seule chose : que l'école républicaine cède devant l'offensive du voile. Face à cette offensive intégriste, l'UFAL a rappelé que le principe de laïcité exige que les élèves, parce qu'ils sont des libertés en voie de constitution, et non pas des libertés constituées, soient soumis à l'obligation de neutralité. L'UFAL doit combattre aujourd'hui les partisans d'un intégrisme laïciste : promouvoir un laïcisme intégriste, c'est confondre laïcité et intolérance. C'est vouloir que l'expression des croyances religieuses ne puissent plus s'afficher dans la rue, c'est-à-dire dans la société civile, c'est-à-dire encore dans la sphère privée. Qu'il s'agisse de refuser la laïcité ouverte ou bien une conception intégriste de la laïcité, dans les deux cas, c'est une façon, pour l'UFAL, de ne pas céder sur le principe de laïcité : d'être laïque "tout court", d'être un laïque conséquent, bref, de maintenir la stricte séparation de la sphère publique et de la sphère privée.

Suis-je en train d'abandonner le terrain aux islamistes ? Suis-je un "munichois" ? Non. Le voile me fait horreur, tout autant qu'à Mme Truchelut. Je considère moi aussi aussi qu'il stigmatise l'oppression des femmes. Mais je n'exige pas pour autant qu'il soit interdit dans la sphère privée. Je pense en effet que la liberté ne se divise pas. Dans la sphère privée - c'est-à-dire chez elles, mais aussi dans les commerces ou dans la rue - les femmes ont le droit d'afficher leur servitude volontaire en se voilant. C'est leur liberté individuelle. Tout comme c'est ma liberté individuelle de dénoncer ce symbole d'oppression. En demander l'interdiction, c'est porter atteinte à la liberté individuelle et au principe de tolérance qui doit prévaloir dans la sphère privée. Quant il s'agit de la sphère privée, le combat contre le voile ne peut être un combat législatif : la loi ne doit pas interdire le port du voile dans la rue.

Mais le combat contre le voile reste un combat idéologique : l'UFAL doit continuer à promouvoir l'émancipation des femmes. L'UFAL doit continuer à promouvoir le combat féministe. Non en revendiquant l'interdiction d'un symbole de la servitude volontaire : une telle revendication est non seulement illégitime mais qui plus est contre-productive. Si le voile, comme tout signe religieux ostensible, doit être interdit dans la sphère publique, s'il est légitime d'interdire aux fonctionnaires d'afficher leur appartenance religieuse, s'il est légitime d'obliger les élèves, dans l'enceinte de l'école, à retirer tout signe religieux visible, on ne peut l'interdire dans la société civile. S'il est illégitime de se tourner vers le législateur pour qu'il interdise le port du voile dans la rue, une organisation comme l'UFAL doit continuer à oeuvrer pour que les femmes prennent conscience du caractère aliénant du voile islamique. Les deux vecteurs du combat féministe ont toujours été le droit et l'émancipation. Leur substituer l'interdiction et la stigmatisation reviendrait à trahir, et le principe de laïcité, et le combat féministe.

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Bernard Teper

2 - L'Association Polonaise des Rationalistes présente la Liste Internet d'Athées et d'Agnostiques

Le motto:

"Être un athée n'est pas une honte. Bien au contraire: une allure droite qui permet de voir plus loin doit être une raison de fierté - parce que l'athéisme témoigne toujours d'une saine indépendance d'esprit... Il y a beaucoup de gens qui, au fond de soi, savent qu'ils sont athées mais ont peur de l'avouer à leur propre famille ou parfois à soi-même. Ils ont peur, en partie, parce que déjà le mot "athée" a été soigneusement encadré par de pires, de plus effrayantes associations d'idées... Si les gens si souvent ne remarquent pas les athées, c'est que beaucoup d'entre nous n'ont pas le courage de "se dévoiler"... Peut-être a-t-on besoin d'une certaine masse critique pour déclencher la réaction en chaîne." Richard Dawkins, God Delusion (traduction du polonais)

En créant cette liste d'athées et d'agnostiques, à laquelle peut s'inscrire toute personne désirant manifester ouvertement sa non-croyance religieuse, nous voudrions montrer que cette "non-croyance" est tout à fait différente de ce que nous apprennent les média ou les prêches.

Ce genre de coming out des irréligieux est un achèvement naturel de l'acte d'apostasie qu'un si grand nombre de Polonais ont fait de façon formelle ou non. Nous considérons qu'il ne suffit pas de s'en aller en silence. Nous estimons qu'il faut parler et agir pour que la voix de ceux qui ne veulent pas de tutelle de l'Eglise sur l'Etat soit entendue. Nous voudrions donner la possibilité de se prononcer aux militaires, fonctionnaires, agents de police, pompiers et autres qui étant sous pression de leurs supérieurs à cause de leur emploi sont obligés de participer aux messes et autres cérémonies religieuses.

La liste Internet d'Athées et d'Agnostiques a pour but de devenir un projet qui rassemblera les gens de milieux différents, unis par l'idée commune. Nous aimerions nous décompter pour savoir quelle est la force dont nous disposons. Nous espérons que ILAiA (la Liste Internet d'Athées et d'Agnostiques) contribuera à cette tâche en donnant la possibilité aux irréligieux dispersés dans tout le pays d'apporter chacun et chacune sa propre pierre à cet édifice. Et nous vous encourageons à le faire.

Transmis par Monika Karbowska

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L'Association Polonaise Des Rationalistes

4 - politique française

1 - Retraite : La droite mène une campagne idéologique

Pointés du doigt comme des «nantis», les salariés qui bénéficient des «régimes spéciaux» sont pourtant loin de bénéficier de droits exorbitants. Mais pour la droite, peu importe. Ce qui compte c’est de parvenir à détourner l’attention du plus grand nombre sur les privilèges qu’elle accorde aux plus riches. Et pour cela il lui faut des boucs émissaires.

Ne nous y trompons pas, la droite ne veut pas régler le problème de l’équilibre financier des régimes de retraite par répartition. Au contraire elle cherche à remettre en cause notre système de solidarité nationale pour renvoyer chacun à l’assurance individuelle privée. Déjà durant la campagne présidentielle la droite avait ciblé les plus fragiles pour les stigmatiser opposant les salariés entre les prétendus assistés et «ceux qui se lèvent tôt».

Supprimer les régimes spéciaux ne veut pas dire pour la droite un seul régime de retraite, bien au contraire. Cette solution est totalement écartée par la droite. Non seulement parce que les non salariés qui ont toujours refusé l’intégration au régime général (qui les obligerait à aligner leurs cotisations sur celles des salariés) sont souvent des clientèles électorales de la droite. Mais aussi parce que l’unique objectif du gouvernement – et du MEDEF- est d’aligner le plus vite possible vers le moins-disant le régime de retraite des salariés et de laisser libre cours ensuite à la capitalisation… Le chacun pour soi remplace progressivement le chacun selon ses moyens pour les cotisations et le chacun selon ses besoins pour les pensions. Or passer d’un système à l’autre n’est pas anodin. En effet les retraites par capitalisation, et plus généralement toutes les formes de revenus d’épargne accentuent les inégalités. Sans compter qu’elles sont sensibles à l’instabilité chronique des marchés financiers.

Supprimer les régimes spéciaux au nom de l’ « équité »

Les agents de la SNCF (160.000 environ) peuvent partir à 55 ans mais ils cotisent plus. Lorsque qu’un salarié du privé cotise environ 26% de son salaire (régime général et ARCCO) l’agent de la SNCF cotise près de 36 % de son salaire. Une partie de ces 36 % est certes payée par l’Etat mais c’est aux dépens d’un salaire direct plus élevé.
Le montant de retraite des cheminots est inférieur au montant moyen des pensions. Pour partir plus tôt à la retraite, les agents de la SNCF non seulement cotisent plus mais acceptent d’avoir un taux de remplacement (niveau de la retraite par rapport au dernier salaire) inférieur de 10 point au taux de remplacement des autres salariés. La retraite d’un agent de la SNCF est calculée sur son dernier salaire. C’est un acquis qui n’est pas transposable pour un salarié du privé qui peut voir son revenu considérablement régresser au cours de cette dernière année. La vraie égalité avec les salariés du public serait de revenir au calcul de la retraite sur la base des 10 meilleures années.
La pénibilité ne serait plus la même aux dires du gouvernement. Pourtant une note de l’INSEE publiée en juin 2005 montre que les écarts d’espérance de vie entre catégories socio-professionnelles se sont accrus chez les hommes (les hommes cadres vivraient 7 ans de plus que les ouvriers) alors qu’ils restaient stable chez les femmes. Parmi les facteurs identifiés pour expliquer les différences de mortalité, certaines professions sont plus sujettes à des horaires de travail décalés qui affectent l’état de santé et donc la mortalité.
Et si nous introduisions le débat sur la pénibilité du travail, il ne serait pas évident que les dépenses seraient diminuées. Prenons l’exemple des caissières et caissiers de supermarché. Devons-nous conclure que ce n’est pas un travail pénible puisqu’ils sont assis ?

Réformer les régimes spéciaux ne réglera nullement la question de l’équilibre des régimes de retraites

L’idée reçue : en supprimant les régimes spéciaux, on sauvegarderait la retraite par répartition. Or, les salariés des régimes spéciaux de retraites représentent peu de personnes. Prétendre dès lors qu’il faut s’attaquer aux régimes spéciaux pour retrouver l’équilibre des régimes de retraite est un argument fallacieux ! Actuellement, il y a environ 500 000 retraités relevant des régimes spéciaux pour un total de 12 millions de retraités, soit 4,2 %. En 2025 ils seront environ 300 000 à relever des régimes spéciaux sur 18 millions de retraités, soit 1,6 % du total…

Le partage des richesses : la solution

Quand la droite parle «d’égalité» entre les salariés, il faut s’attendre à encore plus d’inégalité entre les riches et les pauvres… Alors à nous de proposer notre vision de l’égalité. Et pour cela il est nécessaire de revenir sur la question du financement des retraites. Pour parvenir à ses fins, la droite a préparé les esprits à la nécessité d’une «réforme des retraites» qui abaisserait leur niveau. La thèse de l’impossible financement, comme celle de l’augmentation de l’espérance de vie, ont été patiemment introduit dans les têtes. Il ne serait plus possible de partir à la retraite aussi tôt du fait des courbes démographiques et du coût exorbitant des retraites pour les actifs. Pourtant, aujourd’hui la richesse produite ne cesse d’augmenter. Il faut sans cesse moins de salariés pour produire davantage. Pourquoi cela ne bénéficie pas au système de retraite ? Cela renvoie à l’enjeu de la répartition des richesses ainsi créées. Pour le Conseil d’Orientation des Retraites «il était possible de maintenir le niveau des retraites à condition d’augmenter les cotisations retraites de 15 points en 40 ans». Cela représente une augmentation de 0,38 point par an. Bien sûr, le principal opposant à cette proposition est le Medef, qui prétend qu’une augmentation de 0,25 point pour les cotisations patronales et de 0,13 point pour les cotisations salariales est impensable. Or ceci est au contraire non seulement possible, mais largement souhaitable.

Vigilance et solidarité

Je pourrais écrire des pages et pages pour produire autant d’arguments que nécessaire. Les arguments, voilà une belle arme contre la droite qui n’en produit pas, mais attise uniquement le ressentiment d’un peuple bien souvent désorienté et à la recherche de solutions à ses problèmes quotidiens. Tout devient difficile et notamment pour les retraités dont les revenus sont parfois très faibles, trop faibles. Ce sont bien souvent les premiers à défendre la retraite par répartition, le meilleur instrument de la République pour garantir à chacun un niveau de vie décent. La droite tente une démolition de ce formidable système de solidarité entre tous poursuivant ainsi le profond travail de sape commencé dès 1993 avec Balladur (attaque du privé), puis Juppé en 1995 (au nom de l’équité) et dernièrement par Fillon, déjà lui, en 2003 (toujours l’équité).
Après les régimes spéciaux la droite va s’attaquer au régime général, en agitant toujours l’impossible alternative et surtout en protégeant les nantis de toute réforme. Nous devons être vigilants : la remise en cause des régimes spéciaux n’est que le signe annonciateur de remise en cause du régime général, celui de tous les citoyens.

Soyons solidaire !

Thierry Duval

2 - Education : le gouvernement Sarkozy instrumentalise les évènements historiques

Dans une circulaire publiée le 30 août 2007 au Bulletin Officiel du ministère de l’Education nationale, Xavier Darcos s’adresse aux recteurs, aux inspecteurs d’académie et inspecteurs régionaux d’histoire-géographie et de lettres-histoires, ainsi qu’aux “proviseures et proviseurs” pour exposer les modalités d’aménagement concernant la lecture de la “lettre de Guy Môquet”. Les chefs d’établissement doivent en effet répondre à l’injonction présidentielle leur demandant d’organiser l’évènement le lundi 22 octobre, date d’anniversaire de la mort du jeune partisan. “ Ce sont ces valeurs que le Chef de l’Etat a souhaité honorer le jour de son investiture, lors d’une cérémonie au Monument de la Cascade du Bois de Boulogne en évoquant le souvenir de Guy Môquet : “Soyez fiers de vos aînés qui vous ont tant donné ; aimez la France car c’est votre pays et que vous n’en avez pas d’autre” précise la consigne ministérielle. Les investitures à la présidence de la république ont leurs incontournables : le soldat inconnu, Georges Clemenceau, De Gaulle... Sarkozy, lui, y a ajouté une touche personnelle en faisant lire le dernier courrier du jeune garçon à sa famille, essuyant une larme à la seconde lecture et décidant qu'elle serait répétée dans chaque établissement scolaire de France, dans chaque classe, et chaque année.

Un cérémonial au sein des établissements scolaires

Quels que soient leurs niveaux de classes, la lettre sera lue à tous les élèves de lycée et aux collégiens de 3èmes en dehors des programmes d’histoire, sans tenir compte du travail et de la logique pédagogiques que ceux-ci incombent. Au moment-même où le Président Sarkozy célèbrera lui-même la mort de ce garçon. Le texte, celui d’un jeune de 17 ans qui s'adresse à ses parents avant d’être fusillé par la Gestapo en 1941, devra être le support d’une sorte de journée du souvenir sous forme d’actions laissées aux établissements "à leur convenance". "Cette lecture pourra être suivie d’autres, laissées à l’initiative de chacun et choisies par exemple parmi les textes ci-joints." indique Xavier Darcos dans la circulaire. Publiée trois mois et demi après le discours d’investiture, cinq jours avant la rentrée des élèves, et neuf semaines avant le Jour-J, cette production profite de la baisse de vigilance des personnels et précipite ainsi sa mise en œuvre placée quasiment dans l’urgence !

Tir groupé pour Sarkozy, et pas des moindres: faire coïncider le Concours national de la Résistance et de la déportation 2008 (B.O N°17 du 26 avril 2007) dont le thème est "l'aide aux personnes persécutées et pourchassées en France pendant la seconde guerre mondiale: une forme de résistance", avec cette célébration qui est susceptible de dynamiser les équipes pédagogiques et de susciter de futures candidatures élèves... Or l'objectif du concours en question est de "perpétuer chez les jeunes français le souvenir des crimes de guerre, des sacrifices consentis pour la libération de la France", et de permettre aux élèves de rencontrer des acteurs de la période concernée, résistants et déportés. On rappellera qu'il a été crée en 1961 par le ministère chargé de l'Education nationale, suite aux actions d'associations et en particulier de la Confédération nationale des combattants volontaires de la Résistance. Le lien "tangible" entre les générations était décidemment tissé, à l'instar des mises en scènes plutôt médiatiques dont l'Education Nationale reçoit le décor.

Véhiculer les valeurs traditionnelles

Le texte pourra être lu par un adulte ou un élève à une classe, mais aussi par un salarié de l’Education à ses collègues… Un intendant aux personnels ATOS par exemple, un CPE aux aides-éducateurs qui fonctionnent dans le service “vie scolaire”, un documentaliste aux enseignants qui préparent leurs cours dans l’établissement, un chef d’établissement aux secrétaires... Comme le coatch Laporte souhaitant motiver les sportifs, ou le malheureux rugbyman ânonnant le triste courrier à ses co-équipiers, héros de la résistance française face à la pression argentine !! Et on s’étonnera de la défaite des Bleus au cœur en écharpe et au moral dans les crampons ! L’entraîneur des XV se serait-il pris au jeu de la présidence en transformant l’équipe de France en classe "verte" ?

Les équipes éducatives et pédagogiques sont ainsi réduites à un vecteur de pensée unique qui met en exergue les “grands hommes” du panthéon présidentiel, privés de leurs attributs politiques et devenus des faire-valoir d’un nationalisme dépassant le clivage gauche-droite. Lorsque le gouvernement Sarkozy s’improvise instructeur de la nation, ce n’est pas les notions de liberté-égalité-fraternité ou de citoyenneté qu’il veut réactiver, mais des valeurs que ne renierait pas la trilogie nauséabonde “travail-famille-patrie”. Le viril "sens du devoir, le dévouement, le don de soi" : voilà ce dont on doit se souvenir ! La figure emblématique du jeune résistant à l’occupant nazi à laquelle tout français doit s’identifier ne sert qu’à faire réagir l’affectif de chacun, parce que l’Etat Sarkozy la prive de toute fonction d’information quant à la deuxième guerre mondiale et la résistance. Il s’agit moins de former des citoyens français que d'écorcher leur sens critique.

Un acteur de l’histoire décontextualisé

Le contexte historique, social et familial, l’engagement politique des acteurs durant cet évènement tragique sont totalement gommés aux dépens de la compréhension historique, tandis que l’image de la patrie reste omniprésente. Ce qui émeut Sarkozy, c’est l’adolescent de 17 ans qui écrit à sa mère avec des mots d’enfant. Le fait qu'ils aient été fusillés, lui et ses 26 camarades, parce que la police française les avaient arrêté en tant que syndicalistes et militants politiques n’apparaît nullement dans toutes ces instructions et solennités ministérielles. Le père de Guy Môquet avait été un cheminot syndicaliste et député communiste, déporté en 1939 dans un bagne algérien par Daladier. L’impasse sur toutes ces données qui pourrait amener les élèves à un nombre certain de contresens, est lourde de significations d'autant plus que l’exemplarité est donnée à travers le sacrifice d’un jeune qui ne s’appelle ni Franck, ni Manouchian. Dans le système "sarkozien", il s’agit décidément d’être cohérent entre les leçons de civisme que Sarkozy prétend lui-même donner aux français et la chasse aux "étrangers" sans-papiers que son gouvernement intensifie plus que jamais...

Nathalie Szuchendler egalibre.canalblog.com/

3 - Pourquoi Guy Môquet ? Pourquoi pas Berty Albrecht ?

Elle avait seize ans. Elle était jeune. Sa mère était dans la Résistance. Elle s’est éteinte le 25 septembre dernier, à l’âge de 83 ans. Mireille Albrecht expliquait dans son livre “Vivre au lieu d’exister”, que sa résistance avait consisté à partager la Résistance de sa mère, Berty Albrecht. Une femme exceptionnelle, qui ne donne son nom à aucune station de métro, et dont notre président n’exigea point que l’on fît l’hommage.

Elle avait écrit, pourtant, plus d’une lettre, comme le rappelle Mireille, qui la revoit écrivant “avec la foi du charbonnier” les tracts de la Résistance sur son Hermès Baby. A la tête du mouvement Combat avec Henri Frenay, Berty Albrecht a un parcours exceptionnel. D’abord engagée pour les droits des femmes, elle fonde dans les années 1930 une lettre “La question sexuelle”, pour défendre la contraception – à une époque où la promotion de cette activité est passible de prison. Compagne de route du Parti communiste, elle est une militante antifasciste convaincue et anime un réseau d’accueil des réfugiés. Arrêtée une première fois, elle parvient à échapper à la Gestapo en se faisant passer pour folle. Arrêtée une seconde fois, elle n’en réchappera pas : elle meurt à la prison de Fresnes, le 31 mai 1943, dans des circonstances jamais élucidées. Dans une lettre envoyée à son mari, dont elle est pourtant séparée depuis des années, elle écrit : “La vie ne vaut pas cher, mourir n’est pas grave. Le tout, c’est de vivre conformément à l’honneur et à l’idéal qu’on s’en fait.”

Cet honneur, qui ne saurait être sali, la condamne à la clandestinité éternelle, et c’est d’une certaine façon tant mieux. Ce n’est pas sa lettre qu’on aurait pu faire lire pour manipuler la jeunesse et l’inviter à se sacrifier pour la patrie, en volant au passage l’icône d’un parti adverse. Ce n’est pas sa lettre qu’on aurait pu susurrer à des joueurs de rugby avant de les envoyer perdre contre l’équipe d’Angeleterre. C’est pourtant le livre de Mireille, magnifique récit de Résistance que chaque collégien, chaque collégienne gagnerait aujourd’hui à lire : a contrario des hommages larmoyants que le gouvernement nous impose à propos d’un jeune homme pris en otage dans l’histoire, on y trouve une leçon de vie et d’engagement politique, qui est tout sauf une invitation à se sacrifier, mais au contraire un exemple d’intelligence, de lucidité et de courage politique au féminin.

A lire : Vivre au lieu d’exister / Mireille Albrecht, Editions du Rocher.

Betty Mars

4 - Salaires, pouvoir d'achat : l'explosion des inégalités

in LE MONDE du 22.10.07

Le pouvoir d'achat est un sujet de controverse récurrent en France depuis que le passage à l'euro, en 2002, a amplifié l'écart entre ce que disent les chiffres et ce que ressent l'opinion. Le chef de l'Etat en fait une "priorité nationale" et le gouvernement lui consacre, mardi 23 octobre, une conférence sociale.

Les statisticiens de l'Insee sont formels, le pouvoir d'achat devrait, selon eux, progresser pour la troisième année consécutive : + 1,7 % en 2005, + 2,3 % en 2006, + 2,8 % en 2007. Quant à l'inflation, elle reste historiquement basse malgré une légère remontée en septembre (+ 1,5 %). Les ménages ont néanmoins du mal à se convaincre de la sagesse des prix quand ils voient valser les étiquettes de la baguette ou des yaourts. Et ils sont nombreux à penser qu'avec l'euro leur pouvoir d'achat s'est réduit comme une peau de chagrin.

Un net ralentissement depuis 2003. Qu'en est-il vraiment ? Sur une longue période, le pouvoir d'achat des ménages - c'est-à-dire l'ensemble de leurs revenus, net d'impôts et corrigé de la hausse des prix des produits consommés - a eu tendance à augmenter de moins en moins vite. Il a évolué grosso modo au même rythme que la croissance du produit intérieur brut (PIB) : à vive allure entre 1959 et le premier choc pétrolier (+ 5,7 % par an), beaucoup plus modérément depuis 1975 (+ 2,1 % par an).

Si l'on s'en tient aux dix dernières années, le constat est plus net encore. De 1998 à 2002, relève l'Insee dans l'édition 2007 de L'Economie française, le pouvoir d'achat a augmenté d'environ 3,4 % en moyenne par an, avant de retomber à 1,9 % par an entre 2003 et 2006. Autrement dit, les années Jospin ont été plutôt fastes et le quinquennat chiraquien a constitué une période de vaches maigres.

15,1 % de smicards. Ce ralentissement s'explique par la modération salariale mise en place dans les entreprises à la suite des deux chocs pétroliers et du tournant de la rigueur de 1983, puis des 35 heures, mais aussi par la persistance d'un chômage massif. Conséquence : dans le revenu disponible brut des ménages, le poids des revenus d'activité, salaires en tête, a baissé, passant de 77 % à la fin des années 1970 à 70 % depuis le début des années 1990.

Au fil du temps, la société s'est "smicardisée". La proportion de salariés rémunérés au niveau du salaire minimum est passée de 8,6 %, en 1991, à 15,1 % en 2006, ce qui constitue un record. A cette date, 27 % des travailleurs à temps complet des secteurs privé et semi-public, cantonnés aux emplois bénéficiant à plein des allégements de charges, touchaient moins de 1,3 smic. En ajoutant à ce stock celui des précaires (intérimaires, CDD, temps partiels), on n'est probablement pas loin du chiffre de 37,8 % de salariés percevant moins de 1,3 smic retenu par l'Insee en 2002.

42,6 % d'augmentation des plus hauts revenus. Cette "smicardisation" du salariat, d'une ampleur inédite en Europe, ne suffit pas, toutefois, à rendre compte de la réalité de l'évolution des revenus. Un chercheur de l'Ecole d'économie de Paris, Camille Landais, a montré que les hauts revenus avaient très fortement augmenté entre 1998 et 2005, à la différence des revenus moyens et médians. Ainsi, les 3 500 foyers les plus riches de France - sur un total de 35 millions de foyers fiscaux -, qui ont déclaré, en 2005, un revenu moyen de 1,88 million d'euros, ont vu leur revenu réel progresser de 42,6 % au cours de ces huit années.

Pendant la même période, a établi M. Landais, 90 % des foyers fiscaux ont dû se contenter d'une hausse de leur revenu réel de 4,6 %. Cette "explosion des inégalités", liée à l'envolée des revenus des capitaux mobiliers et des plus-values boursières, mais aussi à celle des très hauts salaires, a nourri dans une partie de la population, à commencer par les classes moyennes, le sentiment d'un déclassement.

75 % de dépenses contraintes pour les ménages modestes. Dans le même temps, la part des dépenses contraintes - logement, primes d'assurances, impôts, remboursements de crédit, etc. - est passée de 22 % à 45 % du budget des ménages entre 1960 et 2006. Et il ne s'agit que d'une moyenne, car ces dépenses absorbent 75 % du revenu courant des ménages modestes, ceux-là mêmes qui sont les plus exposés, du fait de leur structure de consommation, aux hausses des prix du tabac, des loyers, du fioul ou des produits de première nécessité.

Conscient de ces difficultés, le gouvernement veut mener à terme la réforme de la loi Galland, qui régit les relations entre la grande distribution et les producteurs, pour obtenir une baisse des prix. Côté salaires, il ne mentionne plus l'idée de conditionner les allégements de charges patronales à une politique salariale dynamique, évoquée par le candidat Sarkozy et réclamée par les syndicats. L'exécutif, qui a fait voter en juillet une baisse historique de la fiscalité au bénéfice des plus riches, s'en tient pour le moment à la détaxation des heures supplémentaires. La CGT lui prête aussi l'intention de vouloir supprimer l'indexation du smic sur les prix et le pouvoir d'achat du salaire horaire ouvrier.

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Claire Guélaud Le Monde

5 - BHL est toujours fécond

Dans un livre grotesque qui suscite autant le rire que l'effroi, le «milliardaire déguisé en philosophe» ressasse ses obsessions.

Bernard-Henri Lévy veut sauver la gauche[1]. C'est le dernier combat que le médiatique intellectuel met en scène dans son dernier livre dont le titre pompeux, Ce grand cadavre à la renverse, est emprunté à son cher Sartre. Cela commence par une conversation téléphonique avec Nicolas Sarkozy durant la campagne présidentielle au cours de laquelle le candidat de l'UMP l'implore de le soutenir. Ils se connaissent depuis longtemps car BHL vota longtemps à Neuilly, «hasard familial» (sic), et que les deux hommes partagèrent dîners avec épouses, séjours au ski ou à Marrakech. De Courchevel à la Mamounia en passant par Neuilly, le grand monde est petit.

Mais BHL a résisté à l'appel de Sarko. Pourquoi ? À cause de ses valeurs de gauche ancrées dans quatre moments historiques : Vichy, la guerre d'Algérie, mai 68, l'affaire Dreyfus. Etre de gauche selon BHL, cela réside notamment dans des réflexes contre l'antisémitisme et le racisme, la lapidation, «l'excision des petites filles», les génocides et les massacres d'innocents. À ce titre, on est tous de gauche. Il y a aussi dans son Panthéon personnel des grandes figures - Léon Blum, Malraux, le propre père de BHL - et surtout la plus importante : «Moi-même». «Je parle de moi naturellement. Mais ce que je dis vaut, j'en suis convaincu, pour tous», précise l'auteur avec son narcissisme désarmant.

Notre lascar égrène ses justes causes internationalistes, dont le Darfour et la Bosnie, mais revient aux fondamentaux : Vichy et «la hantise de son retour», le bon vieux fascisme, le «fâchisme» qui ne passera pas, la Bête immonde dont le ventre est toujours fécond, bref ce lexique usé jusqu'à la corde qui désigne des tyrannies abattues voici soixante ans. La vision de l'humanité selon BHL est simple. Il y a d'un côté le «salaud» et de l'autre «le non-salaud», fine distinction prise encore chez Sartre. D'autres raccourcis valent le détour, comme «l'anti-américanisme est une métaphore de l'antisémitisme». Donc tout anti-américain (concept qui mériterait une définition précise) est un antisémite. On rejoint là le fameux précepte de Sartre - «tout anticommuniste est un chien» - qui est avec le stalinien Aragon l'une des références brandies ici, ce qui peut surprendre de la part d'un représentant autoproclamé de la «gauche anti-totalitaire».

Dans ce galimatias qui semble avoir été dicté au magnétophone («Son métier c'était psy. Mais c'était, aussi, entrepreneur culturel européen», peut-on lire par exemple), on trouve le lot classique de malhonnêtetés ou d'ignorances (Bernanos cité dans une énumération aux côtés de Maurras, Drieu et Valois comme si le pourfendeur de Franco et de Vichy - non pas cinquante ans après leur disparition mais pendant que l'un de ses fils se battait dans les rangs de la France Libre - était un homme d'extrême droite ou un fasciste) qui mériterait une fessée publique. Quant à «l'oubli», dans un chapitre sur les liens entre le nazisme et l'islam fondamentaliste, de l'existence de trois divisions SS musulmanes durant la deuxième guerre (deux bosniaques, une albanaise) ou du rôle du futur Président de la Bosnie, Izetbegovic, grand ami de BHL (chargé à l'époque au sein des Jeunes musulmans du recrutement des volontaires chez les SS), il doit s'expliquer par le souhait de ne pas ternir l'engagement fanatique du philosophe français en faveur d'Izetbegovic puis des Albanais du Kosovo ces dernières années. Amalgame, mensonge par omission, manipulation des faits : c'est le style BHL.

«Milliardaire déguisé en philosophe»

Pourtant, le cuistre plastronne, s'étale, fanfaronne. La presse le sert et déroule le tapis rouge à ses fadaises. Rien de nouveau. On connaît le côté pitre et grotesque du personnage avec son cortège de sottises dites, écrites, voire filmées. L'éclat de rire serait la meilleure réponse. Seulement voilà, certaines pages suintent la haine et le «petit con prétentieux» asséné au zigomar par Henri Guaino, s'il a le mérite de l'esprit de synthèse, fait l'impasse sur ce qu'il y a de vraiment gênant chez BHL.

Parmi les cibles de l'ouvrage, Jean-Pierre Chevènement a droit à un traitement particulier. Cet homme, que BHL appelait voici quelques années à «chasser de nos têtes» comme s'il s'agissait d'une tumeur, est «peut-être né vieux», écrit-il, et ressemble à «un croupier de casino» tandis que sa voix est «une forme dégénérée de la voix de Mitterrand». Pour BHL, proche de Ségolène Royal durant la campagne présidentielle, il s'agit de «décontaminer la candidate» de Chevènement désigné aussi comme «un symptôme». Et là, on ne rit plus. Car cette volonté de stigmatiser l'apparence physique de l'adversaire, de le réduire à une maladie, un virus qu'il convient d'extirper d'un organisme rappelle de façon nauséabonde une certaine tradition d'extrême droite. De son côté, Chevènement n'a pas voulu répliquer à celui qu'il nomme le «milliardaire déguisé en philosophe» et dans lequel il voit l'incarnation de «l'idéologie dominante du capitalisme financier globalisé»

En effet, le mieux est de laisser la parole à BHL qui lance dans son livre une ode à l'argent, «la vertu qu'il a de substituer le commerce à la guerre» et «son œuvre de "civilisation"» quand le mépris de la logique marchande peut être selon lui de connivence avec la destruction de la morale et du droit. Tout est dit. Récemment, il confiait à Libération : «Oui, c'est vrai, je me suis plus intéressé à la misère bosniaque qu'à la misère au coin de la rue. Je suis un peu sourd à la question sociale. Que voulez-vous, on écrit avec son intelligence et son inconscient.» La misère des gens dans son propre pays n'entre pas dans l'inconscient ni dans le conscient de BHL. Elle n'est pas «intelligible». Rousseau dans Émile avait déjà décrit ces étranges humanistes : «Défiez-vous de ces cosmopolites qui vont chercher au loin dans leurs livres des devoirs qu'ils dédaignent de remplir autour d'eux. Tel philosophe aime les Tartares pour être dispensé d'aimer ses voisins.»

Article paru dans l'édition du Vendredi 19 Octobre 2007 de l'Opinion

Notes

[1] Ce grand cadavre à la renverse, Grasset, 422 p, 19,90 €.

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Christian Authier

5 - Média

1 - La journée "Debout pour le journalisme" du 5 novembre

Après avoir présenté, le 4 octobre dernier, ses propositions pour renforcer l’indépendance de la presse française, l’intersyndicale des journalistes appelle la profession et les citoyens à se mobiliser pour la journée européenne de la liberté de la presse « Debout pour le journalisme » , le 5 novembre.

Organisée par la Fédération européenne des journalistes (FEJ), cette journée, dans la droite ligne de laquelle s’inscrit le mouvement des syndicats de journalistes français, a pour objectif de faire prendre conscience aux citoyens européens que le journalisme est actuellement en danger.

De fait, partout sur le vieux continent, les atteintes à la liberté de la presse, et donc au droit qu’ont les citoyens de bénéficier d’une information indépendant et plurielle, se multiplient : pressions économiques et politiques, marchandisation de l’information, autocensure, précarité, non respect du principe de protection des sources, etc. Et la qualité du journalisme en pâtit.

On peut à cet égard citer de nombreux exemples : en Slovénie, plus de 400 journalistes ont signé une pétition et protestent contre un gouvernement qui porte atteinte à la liberté de la presse et pratique la censure politique. Au Portugal, le gouvernement vient d’adopter une loi qui limite la protection des sources et les droits d’auteur des journalistes.

En Allemagne, aux Pays-Bas et au Danemark, des journalistes ont été traduits en justice et même parfois emprisonnés pour avoir refusé de révéler leurs sources. En Italie, les journalistes de la presse écrite sont dans l’impasse pour le renouvellement de la négociation collective depuis deux ans ; en Suisse alémanique les journalistes travaillent depuis bientôt trois ans sans convention collective. Dans la plupart des nouveaux pays membres de l’Union européenne une majorité de journalistes sont contraints d’accepter des contrats de travail précaires ou faussement « indépendants » dans un marché des médias dominé par une poignée de sociétés d’Europe de l’Ouest.

En France comme ailleurs la situation est grave comme le souligne Aidan White, le Secrétaire général de la FEJ. « Nous voyons se rejoindre les démons de l’ingérence politique, de l’autocensure, de la concentration des médias et de la précarité dans la profession pour aboutir à un journalisme véritablement malade ».

Le 5 novembre prochain, pour tirer une sonnette d’alarme et marquer l’attachement de nombreux journalistes français à leur métier, plusieurs initiatives sont d’ores et déjà organisées sur tout le territoire.

Rendez vous le 5 novembre 2007, Journée européenne de la liberté de la presse « Debout pour le journalisme ».

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L'Intersyndicale Des Journalistes

6 - société

1 - Violences conjugales: la réponse du CNDF au rassemblement du 28 octobre

Pour faire suite à notre article sur la libération de Bertrand Cantat dans le n°564 de Respublica, nous vous proposons un article du collectif national des droits des femmes qui explique ses raisons de ne pas participer au rassemblement convoqué par Nadine Trintignant le 28 octobre, et qui aura sans doute un assez grand retentissement médiatique. Nous pensons que ce communiqué peut éclairer utilement les lecteurs et lectrices.
La Rédaction

Le sens d’une absence

Le 28 octobre prochain est convoqué un « grand rassemblement pour attirer l’attention sur les femmes violentées victimes de l’indifférence (…) ». Nous nous félicitons de ce type d’initiative qui va sans doute avoir un certain retentissement médiatique puisque mêlant des personnalités du spectacle et des personnalités politiques. Et pourtant le Collectif national pour les Droits des Femmes ne sera pas présent.

Ne nous y trompons pas : ce combat contre les violences faites aux femmes, toutes les violences et pas uniquement au sein du couple, est le nôtre comme il est celui des associations de terrain, partie prenante du mouvement féministe, qui se battent pied à pied depuis trois décennies maintenant pour écouter, accueillir, héberger, soutenir les femmes victimes.
Mais l’appel au rassemblement du 28 octobre pose quelques questions : il met en avant l’exemplarité de la peine pour retenir le bras des agresseurs. Comme beaucoup de recherches le prouvent, cette théorie a fait long feu. Nous souhaitons, pour notre part, que soit enfin revu le quantum des peines en France qui prévoit des peines plus lourdes pour les atteintes à la propriété que pour les atteintes à la personne.
Tout en déplorant « l’écart lors des débats parlementaires » de la prévention et de la formation des personnels, l’appel demande de « renforcer l’efficacité de la législation et des dispositions judiciaires ». Il est évident que les lois existantes doivent être appliquées : une petite minorité de femmes portent plainte et leurs plaintes entraînent de nombreux non-lieux et classements sans suite, ce qui signifie que de nombreuses violences perpétrées contre les femmes restent impunies. Il est essentiel de marquer l’interdit et de reconnaître ce que les femmes ont subi. Mais la « législation et les dispositions judiciaires » existantes ne concernent que la répression. Cette politique uniquement répressive, depuis plus de trente ans qu’elle est menée, a fait preuve de ses insuffisances. L’Etat, puisque c’est de lui que doit venir la volonté politique, et non uniquement des acteurs locaux qui se démènent et sont censés se plonger dans des « Guides de bonnes pratiques » très à la mode actuellement, doit mettre en œuvre des politiques systématiques de prévention, sensibilisation, information du public. Il doit impulser le développement, en donnant de véritables moyens qui pour l’instant sont sans cesse à la baisse, des structures d’accueil, d’accompagnement, d’hébergement, de soutien des femmes. Il doit modifier en profondeur l’institution judiciaire pour que les femmes osent porter plainte et que les décisions civiles ne contredisent pas les décisions pénales. Bref, il doit mettre en œuvre, enfin, une politique globale de lutte contre les violences. C’est le sens de la proposition de loi cadre du Collectif national pour les Droits des Femmes dont l’appel au 28 octobre ne dit mot.
Enfin, le combat contre les violences s’intègre dans le combat féministe plus général qui lutte contre l’oppression et l’exploitation des femmes dans tous les domaines. Les violences en sont « l’expression extrême ».
Avec d’autres forces féministes, le CNDF sera dans la rue à l’occasion du 25 novembre, journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes.

Le CNDF

7 - La vie du journal et de l'association "Respublica"

1 - Historique de Respublica

Suite à l'article de la nouvelle ligne de ReSPUBLICa publié dans note numéro 561, nous vous proposons un historique sur votre journal préféré.
La Rédaction

Historique :

Dès sa création en 1999, Respublica est un journal engagé sur le terrain de la défense des valeurs républicaines et de la laïcité. Très tôt, la ligne du journal s'est attachée à lier le combat pour ces valeurs avec le combat politique et social. Certains pourront y voir la possibilité d'une action plus large, mais le fond réel est que la République n'est pas qu'un système législatif dépourvu d'identité sur le terrain social et individuel. Beaucoup tentent à l'heure actuelle le tour de force qui consiste à séparer l'idée de République des valeurs de ces valeurs constitutives afin d'asseoir une nouvelle orientation culturelle et éthique pour la population de notre pays. Mais la réalité est que la République est fondée sur un corpus de valeurs défendant les individus dans des droits tels que l'égalité, la liberté d'expression, la liberté de conscience et le respect de la vie privée,la résistance à l'oppression, autant d'éléments indiscutablement liés au développement d'une société et à la possibilité de l'épanouissement individuel en son sein. Depuis 8 ans, Respublica a été engagée dans cette orientation rassemblant les idéaux de gauche et de la République.
Ces dernières années, face à un regain d'énergie des religieux de tous ordres, le combat laïque est devenu prépondérant. La loi contre le port des signes religieux à l'école est l'un des éléments parmi tous ceux pour lesquels Respublica a activement milité, et ce fût une réussite. Toutefois, sur le terrain politique, l'implication de Respublica a subi deux tendances, somme toute normales. D'abord, l'activisme des religieux a accaparé le devant de la scène, et de fait, pour les républicains laïques il n'est pas possible d'être de tous les fronts et de porter à chaque sujet la même acuité et la même énergie. L'autre point est la dérive de la gauche amorcée depuis nombres d'années, on pourrait même dire depuis le milieu des années 80. A l'instar de l'économie et de la situation sociale, une lente dégradation de la pensée de gauche s'est produite, fortement aidée par nombre de courants et de personnes. Revenir sur les causes serait rentrer dans une analyse qui pas n'est pas ici le point essentiel. Le constat est le suivant : la gauche est en perte d'identité, une perte qui ressemble de plus en plus à une véritable chute libre.
L'idéologie de gauche a été culturellement ancrée vers les pays du bloc de l'Est, du communisme d'Etat. Que l'on soit pour ou contre ce système, il n'en est pas moins que l'effondrement du mur de Berlin a laissé un traumatisme, a fait des orphelins, car cette force active au sein de la pensée de gauche était une réalité palpable ; sans parler de ce repère que représentait le partage du monde en 2 camps, symbolique dont notre psychologique occidentale est friande.
D'un autre coté, l'échec patent de la social-démocratie mise en place dans les pays d'Europe occidentale montre très clairement les limites d'une orientation politique drainant à elle les accommodations faite envers un système capitaliste de plus en plus dévoreur de vies. La dérive de plus en plus grande des sociaux-démocrates stigmatise l'absence chez eux de considérations pour ce qu'est la vie individuelle et met en évidence le fait que la finalité d'une politique n'a de sens, à gauche, qu'en regard de ce qu'elle apporte dans le bien être, l'émancipation et l'épanouissement individuel de chaque personne. Hors cette éthique, toute politique de gauche est une boussole sans Nord.

Aujourd'hui, en 2007, la pensée de gauche a perdu ses deux piliers séculaires et le résultat est la situation actuelle de l'identité de la gauche : la panne idéologique. L'activité militante s'est recentrée sur l'activité sociale, plus concrète, moins proche des enjeux de pouvoirs et du champ politique bien que le côtoyant de près. Cela n'est qu'un stigmate d'une perte évidente de valeurs et d'identité. Bien entendu, le vide idéologique s'est accompagné de son inévitable cortège de corollaires : doutes, tensions, alliances d'un jour, libre champ aux tactiques d'arrivistes, jeux des partis et de leurs dirigeants, scepticisme, ancrage de la « lutte pour la lutte », résurgence des « gauloiseries théologiques » de la gauche du XIXième et du début du XXième siècle... tout conduit à une déstructuration du tissu politique de la gauche, tant dans la pensée que dans les mouvements.

Dans toute cette houle, il eut été illusoire d'imaginer que Respublica serait le phare des lumières au milieu des brumes envahissantes. De fait, la ligne éditoriale a été prise dans cette évolution des mentalités, des contextes, des doutes et des attentes ; et un recentrage s'est donc là aussi doucement opéré vers l'activité sociale et laïque avec la minoration de la politique de gauche. L'évolution tout à fait naturelle de la ligne éditoriale a même conduit une partie des membres de la rédaction de Respublica à créer leur propre journal, « Riposte Laïque ». Mais l'actualité politique de ces derniers mois a fait que le débat sur l'orientation de la politique de gauche n'a pu être oubliée davantage car il doit demeurer un élément cardinal de l'orientation de Respublica.

Évariste Pour réagir aux articles,
écrire à evariste@gaucherepublicaine.org

2 - Débat sur la ligne de Respublica

Nous reproduisons et répondons au courrier de Corinne sur la nouvelle ligne de ReSPUBLICA.
La Rédaction

Merci Evariste.

Ce texte (déclaration de ligne éditoriale, Respublica n°561) est très clair en ce qui concerne les valeurs qui nous rassemblent autour de notre République. Toutefois, quelque chose me gêne dans la démonstration. Il est très important de ne pas opposer l'Orient et l'Occident dans un « choc des civilisations » qui ne sert que les marchands d'armes et de peurs. De la même manière, il est inadmissible d'opposer de façon catégorique les prétendues valeurs anglo-saxonnes (toutes mauvaises ? ) avec nos prétendues valeurs de la République Française (toutes bonnes ? ).

Nous avons à apprendre des autres et ce n'est pas en nous opposant que nous y arriverons. De plus, il n'y a pas un seul modèle anglo-saxon mais plusieurs, avec pour chacun d'entre eux des penseurs brillants épris de valeurs que nous reconnaissons comme positives. Ces penseurs ont cherché à mettre en place au mieux ces valeurs dans leurs pays. Ils n'y ont pas réussi complètement. Nous non plus, car la nature humaine et complexe et aucun système n'est parfait. Notre travail de républicain est donc de construire la République de demain dans le but d'une amélioration constante de celle-ci. Pour cela, il faut traquer sans relâche et de façon bienveillante les travers du système (fusse-t-il le meilleur) et garder une attitude ouverte et imaginative. Sans cela notre système mourra de lui-même et nous en serons responsables. Corinne D.

Chère Corinne,

Merci à vous pour votre courrier car il donne l'occasion d'apporter davantage de précision à la ligne éditoriale de Respublica. Pourquoi allait-il y avoir ces questionnements ? D'abord parce que la nouvelle ligne n'est pas une simple clarification entre « républicains des deux rives » (gauche et droite) et « républicains de gauche ». Cette nouvelle ligne s'insère dans un projet de reconstruction de la gauche, pour une « nouvelle gauche », et, en tant que telle, cette ligne éditoriale propose une nouvelle approche, de nouveaux concepts, de nouvelles bases pour comprendre pleinement les enjeux qui sont ceux de notre époque (et qui sont, qu'on le veuille ou non, très différents de ceux du XIXe siècle par exemple).
L'autre raison de ces questionnements était que l'on ne peut pas tout mettre dans un éditorial... Nécessairement, la rédaction en est schématique, et axée de manière à donner les grands principes directeurs.

D'abord, il y a ce prétendu « choc des civilisations » opposant un « Orient musulman » à un « Occident chrétien ». On assiste là à une pure construction idéologique dont le but est non seulement de désigner un « ennemi totalisant » mais aussi, par la même occasion, de nous faire, nous, adhérer à une « Europe chrétienne » ! Ce second aspect est souvent négligé, mais il est pourtant réel et fortement actif au niveau des inconscients identitaires (il n'y a qu'à voir les discussions concernant la Turquie) et il a pour première conséquence d'offrir aux intégrismes religieux chrétiens une forme de « justification » à leur influence grandissante en Europe. Soyons clair : tous les intégrismes sont à combattre, sur un même plan et sans exception.
Par ailleurs, cette histoire d'un « choc des civilisations » est une stratégie de détournement de nos réels problèmes. Les organisateurs de cette mise en scène sont des puissants qui veulent conserver le pouvoir. Or, les recettes sont toujours les mêmes : occuper les esprits des citoyens sur des sujets qui ne font en rien avancer leurs vies quotidiennes, et qui même les poussent dans les bras de leurs plus terribles despotes. On le constate la logique est identique à celles des discours du clergé au Moyen Âge appelant les fidèles à la soumission pour assurer la tranquillité et la bonne marche du monde.

Autre point apparaissant dans cette histoire : la résurgence de la mentalité américaine forgée par la guerre froide. Depuis la chute du mur de Berlin, l'inconscient américain se cherche un nouvel ennemi face auquel il puisse se poser à nouveau en rempart du monde dit « libre ». Que l'on réécoute les discours de Georges W. Bush sur le terrorisme, sur la guerre en Irak, tout y est. Cette logique des blocs, nous, occidentaux, devons y faire très attention : nous en avons subi les conséquences, nous l'avons vécu, et elle est, de fait, une manière très tentante de nous représenter la logique du monde.
Enfin, et c'est un point capital, ce « choc des civilisations » est une fiction idéaliste parce qu'il ne tient absolument pas compte de la réalité des gens, de leurs mentalités et de leurs conditions matérielles. On ne peut pas comparer le niveau de vie en France, ou aux Etats Unis d'Amérique, avec celui de pays comme l'Irak, l'Égypte, l'Iran. Et l'extrémisme qui peut régner chez certains individus, se nourrit des conditions de vie dans lesquelles ces populations vivent ; conditions dont sont directement responsables ceux qui nous fagotent le schéma d'un prétendu « choc des civilisations ».
Entendons nous bien : il n'y a aucune légitimité à donner à l'extrémisme. Le seul point à relever est que l'impérialisme économique libéral est un facteur déterminant dans la montée des extrémismes religieux. Ce point est capital, et la vision d'un choc des civilisations fait fi de toutes les disparités entre les individus et amalgame « Islam » et « intégrisme » sans plus de contextualisation. Un corollaire de cet état des choses est qu'il serait désormais incongru d'amalgamer « protestantisme » ou « catholicisme » avec « intégrisme » (puisque « intégrisme » rimerait nécessairement « musulman »), d'où une moindre résistance face à la montée des intégrismes chrétiens.

Au regard de tous ces points, de manière claire, il n'y a pas choc des civilisations puisqu'il n'y a en réalité qu'une seule civilisation qui, réellement (en poussant des gens dans la misère) et imaginairement (en prophétisant un ordre du monde simpliste et justificateur), se fabrique un soi-disant « ennemi global », pour pouvoir apparaître en « chevalier blanc ».

En ce qui concerne la réorientation de la ligne de Respublica d'un plan politique à un plan plus profond (culturel et éthique), le choix stratégique n'est pas anodin. Il s'insère dans une optique d'analyse et de construction d'une nouvelle gauche. Par sa tradition, la gauche a toujours placé son analyse principalement sur des questions économiques et sociales, lignage de pensée oblige. Le terrain des valeurs est donc nouveau dans la pensée politique de gauche, même si nombre de penseurs (y compris des français) ont travaillé longuement à la question (entre autres Deleuze et Foucault).

Dans la lutte entre nos valeurs soutenant la République et l'ensemble de valeurs anglo-saxonnes soutenant le libéralisme, deux points sont importants. Le premier est de refuser ce que nombre de politiques nous vantent depuis 30 ans : « copier ailleurs ! » D'abord le Japon dans les années 80, puis l'Allemagne dans les années 90, pour le tournant du siècle c'est l'Angleterre qui fut à la mode, et dernièrement on nous sert les pays scandinaves comme modèle « nec plus ultra » ! Stop. A toujours projeter de manière si obstinée leurs regards vers l'extérieur, les politiques français ne prouvent qu'une chose : ils ont besoin d'une sérieuse psychanalyse ! Contrairement à ce qu'ils veulent faire croire, la France dispose d'un héritage historique, intellectuel et culturel colossal ; un trésor à partir duquel bâtir et progresser. Et aujourd'hui encore, la politique du gouvernement n'a de cesse de vouloir nous calquer sur un modèle de valeurs autre que le notre. Or, construire à partir de ses propres valeurs ne signifie en rien « immobilisme » ou « fermeture », mais juste que l'on construit et progresse à partir de ce que l'on est, en fonction de ce que l'on est, et en respectant ce que l'on est. Nous avons besoin de nous construire, non de copier. Car chaque peuple possède une identité et il doit la respecter et travailler à partir d'elle. C'est exactement ce que firent le CNR et De Gaulle. Les valeurs ne sont universelles et absolues, exportables partout au mépris des spécificités. Nous, français, serions très surpris de constater à quel point nos voisins russes ou turcs, ont une vision de la chose publique radicalement différente ; de constater que les problèmes qui nous préoccupent ne sont pas à leur yeux autant essentiels. Concevrait-on, en France, une armée capable de faire des coups d'Etat même si c'est pour réorganiser des élections ? Quant aux russes, s'ils choisissent de voter pour Poutine, ce n'est pas par désir de despotisme, mais bien parce que leur préoccupation politique va davantage dans la reconstruction sur le plan intérieur et sur le plan international de la Russie, et que pour les russes Poutine répond à cette attente. La situation actuelle est que nous assistons en France à la dévastation de nos valeurs par le modèle anglo-saxon. Nous ne sommes pas anglo-saxons, mais on nous impose un système de valeurs qui n'est pas le notre, non seulement sur le plan sociétal, mais aussi sur le plan individuel. C'est donc une colonisation globale qui est en marche. Bien sur, nous pouvons nous nourrir de la philosophie anglo-saxonne. Nous pourrions utiliser ses traditions utilitariste et conséquentialiste, et à coup sur elles permettraient à la gauche de sortir d'un conservatisme castrateur et ouvriraient des voies pour l'élaboration d'un projet politique de société nouvelle. Mais échanger, apprendre, s'instruire, tout cela n'a rien à voir avec une colonisation. Or, aujourd'hui, nous sommes dans une situation de destruction systématique de nos valeurs et de leur remplacement par des valeurs anglo-saxonnes porteuses du libéralisme.

Le second point est une analyse des valeurs, parce que tous les systèmes de valeurs ne sont pas équivalents. Il faut rejeter le relativisme en tant qu'immaturité intellectuelle. La République est à ce titre un exemple clair de choix et de rejet en terme de valeurs. Choix du savoir pour les affaires publiques et scientifiques, et refus d'assimiler une croyance à une forme de savoir (c'est par exemple l'éducation nationale, la laïcité). Choix de la solidarité et de l'entraide, et rejet de la loi du plus fort et de l'isolement sociétal (incarné dans la logique de nos systèmes de retraite et de santé). Mais il n'y a pas que des valeurs sociétales, il y a dans la République des valeurs pour les individus puisque que son système prône ouvertement le courage comme une marque constitutive du citoyen. En regard de cela, on constatera qu'aujourd'hui TF1 met très clairement en avant « la peur » comme un signe de maturité intellectuelle et de respectabilité chez un adulte. Renversement des valeurs donc...

Sur un plan plus général, il serait ici très long de refaire une étude des valeurs anglo-saxonnes supportant le libéralisme économique tel qu'a pu la faire un Max Weber. Mais force est de constater qu'un système économique agressif ne naît pas de rien sur le plan sociétal et individuel. L'analyse marxiste, traditionnelle à gauche, se focalise sur une seule forme de capital : l'argent (Bourdieu montrera ses limites et introduira un capital culturel, relationnel et symbolique). Cette tradition de pensée mène à une vision économico-économique qui occulte certains aspects humains qu'une analyse comme celle de Weber a, elle, mis en lumière. Max Weber montre qu'un système économique repose aussi sur un certain rapport que les individus entretiennent avec leur existence, avec la société et avec le monde qui l'entoure ; et que, de fait, une société « agressive » éduque des individus « agressifs » sur l'ensemble des domaines, et notamment sur le plan économique. Le film de Mickael Moore, « Bowling for Colombine », est une illustration directe de cette éducation et de ses conséquences dans les rapports qu'entretient un individu avec les autres. Pour sa part, Max Weber s'intéresse aux conséquences sur la gestion économique. Il montrera dès 1910 (donc bien avant l'avènement des Etat-Unis d'Amérique au stade de super puissance mondiale) comment un pays « très protestant » est un pays plus agressif sur le plan économique et sociétal. C'est ce que nous vivons pleinement aujourd'hui. Nous avons une arrivée massive de valeurs qui fondent le libéralisme parce qu'elles éduquent les individus à entretenir et perpétuer un tel système économique, une telle vision de la société, une telle conception de l'individu.

La situation est que nous avons très clairement à faire face à un conflit fondamental sur le plan culturel et éthique, et seulement après sur le plan économique et social. Nos valeurs ne sont pas parfaites, mais nous avons en face de nous un autre ensemble de valeurs (bien choisies) qui nous proposent un individu plus dur, plus refermé sur lui, plus agressif, avec le système économique et social qui lui sert de cadre logique. Face à cela, on le constate, les positions analytiques traditionnelles de la gauche sont dépassées, le tout « économique et social » bloque la perception plus profonde de ce qui se joue. La prise de conscience du niveau culturel et éthique de ce conflit est fondamental pour la nouvelle gauche, car ce n'est pas tant un système économique qui est en jeu, que le projet pour un nouvel individu avec le système économique et social adéquate. C'est à partir de ce constat que l'orientation de la ligne de Respublica a été décidée puisque l'un des buts actuels de ce journal est d'oeuvrer à l'édification d'une nouvelle gauche.

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8 - International

1 - Message des sociétés civiles israélienne et palestinienne à la conférence internationale d'Annapolis sur le Proche-Orient

Traduit et transmis par La Paix Maintenant

Une initiative citoyenne israélo-palestinienne, malheureusement peu couverte par les médias, réussit l¹exploit de réunir près de 600.000 signatures israéliennes et palestiniennes (partagées à peu près à égalité) sur un appel et des principes que nous ne pouvons que soutenir. L¹objectif de OneVoice : un million de signatures. Cette ONG avait déjà interpellé les dirigeants à Davos en janvier dernier.

La Paix Maintenant
Traduction: Gérard pour la Paix Maintenant

Les peuples d'Israël et de Palestine appellent le président Mahmoud Abbas et le premier ministre Ehoud Olmert à entamer immédiatement des négociations en vue de conclure, fin 2008, un accord de paix sincère fondé sur :
l'initiative de paix arabe et sur les accords précédents signés entre les deux parties ; l'application des résolutions 242, 338 et 1397 du Conseil de sécurité des Nations unies ; une solution équitable et mutuellement acceptée au problème des réfugiés en prenant en considération la résolution 194 de l'Assemblée générale des Nations unies ; la fin de l'occupation israélienne ; l'évacuation de toutes les colonies situées à l'intérieur des frontières définitives du futur Etat palestinien ; et une solution pour Jérusalem qui restera unie mais qui constituera la capitale des deux Etats : Israël et la Palestine.

Cet accord devra être pourvu d'un calendrier et d'un mécanisme de mise en oeuvre. Il devra conduire à la création d'un Etat palestinien souverain et indépendant dans les frontières du 4 juin 1967, avec des échanges de territoires mineurs et mutuellement acceptés sur la base d'un km2 pour un km2, pour répondre aux besoins vitaux des deux peuples.

Cet accord devra être appliqué immédiatement et complété par la création de l'Etat de Palestine, fin 2009 au plus tard.

Cela réalisé, les deux côtés déclareront la fin du conflit, ce qui ouvrira la porte à un accord de paix général entre Israël et les pays arabes. En nous attelant à atteindre cet objectif, nous appelons les deux dirigeants à mettre sur pied un plan d'application aux principes clairs et vérifiables qui produira des changements concrets dans la vie des peuples israélien et palestinien, la paix, le respect des droits de l'homme et la sécurité pour les deux peuples.

Cet appel a reçu, à l'heure où nous le publions, 598.782 signatures, qui se décomposent de la manière suivante :

Pour signer: OneVoice

Principales signatures, par ordre alphabétique (où nous reconnaissons beaucoup d'amis des deux côtés) :

1/ Israéliens
Alon Liel, Amit Leshem, Amitai Menuchin, Anat Kurtz, Ari Rath, Ariel Dolev, Ayelet Spector, Dan Jacobson, Dan Leon, Daniel Bar-Tal, Daniel Lubetzky, David Kellen, David Shulman, Dina Menuchin, Diana Dolov, Dominic Moran, Edy Kaufman, Elad Danogevsky, Eli Kalir, Elie Podeh, Ellen Hyman Kuchi, Eyal Ben Ari, Eyal Oron, Galia Golan, Galit Hassan Rokem, Galit Oren, Gershon Baskin, Gila Svirsky, Hagai- Agmon Snir, Hagit Ofran, Hillel Shinker, Ilai Alon, Imiri Cohen, Ishai Menuchin, Izhak Schnell, Jakob Katriel, Jona Bargur, Kalela Lancester, Larisa Gitelman, Mario Sznajder, Mary Schweitzer, Micol Nizza, Molly Malekar, Micha Hopp, Michelle Shachar, Melisse Boskovich, Maya Crabtree, Muli Peleg, Mossi Raz, Naomi Hazan, Noam Hoffstater, Naftali Raz, Osnat Bar-Or, Paul Scham, Rachel Amram, Ron Makleff, Ron Shatzberg, Shadi Habaib, Sharon Dolev, Shmuel Bartenstin, Tamara Rabinowitz, Tamar Katiel, Vivian Silver, Yacov Manor, Yair Inov, Yair Patir, Yehudah Paz, Yitzhak Frienkenthal, Zvi Bekerman, Zvia Walden

2/ Palestiniens
Abdullah Kiswani, Abed Al-Majed Eriqat, Abu Awaqqas Dahdoul, Adel Ruished, Ahmad Majdalani, Ali Abu Shahla, Ali Hassouneh, Ata Qaymari, Azzam Ashawwa, Ali Kumail, Ayman Ashour, Bassem Eid, Dimitri Diliani, Emad Salem, Fadel Tahboub, Faisal Awartani, Fathi Darwish, Fouad El-Harzin, Fouad Jabr, Ghassan Abdullah, Halim Daree, Hanna Siniora, Ibrahim Bisharat, Ibrahim Matar, Iman Ratrout, Iskandar Najjar, Ismail Daiq, Jamal Adileh, Jamal Hashlamoun, Jihad Abu Zneid, Joline Makhoulf, Khalil Shikaki, Khuloud Dajani, Lucy Nusseibeh, Maha Abu Dayyeh, Mamoun Abu Shahla, Maysa Baransi Siniora, Michael Younan, Mohammed Judeh, Mohammed Abu Ramadan, Mohammed Suleiman Dajani, Mustafa Masoud, Mubarak Awad, Najat Hirbawi, Nidal Jayousi, Nafez Aselah, Nasser Ali, Noah Salameh, Nimala Kharoufeh, Nidal Foqaha, Nisreen Shahin, Nazmi Al-Jubeh, Olfat Hammad, Osama Abu Kursh, Qaddoura Fares, Rami Nassrallah, Rami Tahboub, Riad Shehab, Ribhi Abu Rmeileh, Rula Salameh, Sahar Menayer, Salwa Hdaib Qannam, Saman Khoury, Sami Al-Kilani, Sulieman Abu Dayyeh, Sari Nussiebeh, Sulieman Al-Khatib, Samieh Abu Zakieh, Sufian Abu Zaida, Suhier Hashimeh, Sami Abu Dayyeh, Sami Adwan, Samir Al-Jundi, Taleb Awad, Walid Salem, Walid Shomaly, Yaser Abu Khater, Yousef Natsheh, Zahira Kamal, Zahra Khalidi, Ziad Abu Zayyad

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9 - Extrême-droite religieuse

1 - Les fantômes de Franco : le Pape contre Zapatero

A l’heure où l’Espagne ouvre les charniers de la guerre civile, l’Eglise bénit l’édification d’un monument à la gloire du national-catholicisme cher au Caudillo.

Par sa portée symbolique, le “sanctuaire des martyrs valenciens” déclenche un motif de division et se présente comme une provocation, au moment où entend s’affirmer une mémoire historique escamotée durant la période de transition démocratique.

Mieux encore, le 28 octobre sera célébrée à Rome la béatification de quelque cinq cents prêtres et religieux disparus en 1936 et 1937. Avec l’absence remarquée d’une délégation du gouvernement Zapatero, fermement opposé à un cérémonial politiquement très orienté.

Valence la Méditerranéenne, campée à l’embouchure du Guadalaviar (ou Turia), au cœur de sa merveilleuse huerta... Outre la spectaculaire Cité des arts et des sciences, les touristes pourront prochainement découvrir un nouveau monument dédié aux religieux valenciens assassinés au début de la guerre civile (1936-1939).

C’est au nom de ces martyrs que s’érige un très polémique sanctuaire, dans la ville qui fut le siège du gouvernement républicain, entre novembre 1936 et octobre 1937. Temple ’design’ de 3000 m2, confié à deux prestigieux architectes, Ordura et Aloy, l’édifice sera recouvert de carreaux de faïence multicolores et pourra accueillir près de neuf cents fidèles. Il sera visible depuis le fleuve, le front de mer et le futur circuit de Formule 1.

Pour ce qui est du financement et de ses ramifications, on ne peut qu’annoncer pour l’instant une note corsée. Les nombreux opposants à ce projet dénoncent une collusion entre l’ultra-conservateur archevêque de Valence, Agustin Garcia-Gasco, qui semble avoir voulu réaliser un coup d’éclat avant son départ à la retraite, et la mairie - aux mains des conservateurs du Parti populaire - qui a cédé des terrains pourtant hautement convoités par les promoteurs immobiliers.

LES BEATIFICATIONS ONT-ELLES ENCORE UN SENS ?

LES PRÊTRES BASQUES FUSILLES PAR LES FRANQUISTES INTERDITS DE MEMOIRE...

Avec la bénédiction des autorités ecclésiastiques de Madrid, le mémorial en cours de construction à Valence se veut le symbole des “persécutions religieuses des années 30” et des quelque 6800 prêtres et religieux tués durant la guerre civile par certains groupes républicains. S’ils ne comptent pas pour rien, ne sont-ils pas d’abord les victimes expiatoires d’un impitoyable mouvement fomenté par un groupe de généraux contre la République espagnole légitimement élue et d’une Haute Eglise historiquement liée aux princes et aux riches ?

Jusqu’à ce jour, aucun mea culpa se s’est fait entendre de sa part.

Mieux encore, ce qui n’avait pas été possible dans la foulée de Vatican II - les papes Jean XXIII et Paul VI exécraient Franco - était à l’ordre du jour avec l’arrivée de Jean-Paul II.

En 1992, le fondateur de l’Opus Dei était béatifié, suivi par 476 religieux et prêtres en 2001 et 2003.

La tendance s’affirme, puisque le Vatican célébrait le 28 octobre la béatification de 498 nouveaux “martyrs” de la guerre civile (et autant de miracles ?). Parmi les bienheureux : 2 évêques, 24 prêtres, 462 religieux, deux diacres, un séminariste et 7 laïcs décédés en 1936 et 1937. La plus importante béatification de l’histoire, en une seule cérémonie, tarif de groupe qui ne donne pas dans le détail et pose la question du sérieux de la démarche. Le miracle serait que l’Eglise en sorte indemne. S’il suffit de mourir de mort violente pour accéder à ce mérite suprême, il y a encore beaucoup de candidats de par le monde. En Espagne notamment, où l’Eglise n’a pas fait grand cas des prêtres basques fusillés par les franquistes pour leurs sympathies républicaines et leur attachement à la démocratie.

La plupart des soixante-douze évêques espagnols se rendront à Rome le 28 octobre, pour la grand messe des nostalgiques du franquisme. Cette fois c’en est trop pour le Premier ministre José Luis Zapatero, qui avait marqué son opposition à une béatification politiquement très orientée et fait savoir qu’il n’enverrait pas de délégation.

Blessé certainement au plus profond de lui-même, comme beaucoup d’Espagnols, ce petit-fils de combattant républicain entend actuellement réparer l’injustice qui frappe les vaincus de la guerre civile, “tombés dans un trou noir de l’histoire”. Mais son projet de loi sur la “réhabilitation des victimes des deux camps” suscite des oppositions et révèle les pressions exercées par le Parti populaire ultra-conservateur et une hiérarchie catholique dont certains membres demandaient il y a peu la béatification d’Isabelle “la Catholique”.

L’opposition de l’épiscopat au gouvernement Zapatero est d’autant plus virulente, que celui-ci est accusé de “travailler en faveur du mal “ et de promouvoir des réformes “dégradantes” : droits des homosexuels (ce qui peut surprendre à certains égards), facilitation du divorce, recherche sur les cellules souches, fin du catéchisme obligatoire à l’école...

LE SABRE ET LE GOUPILLON...

S’étonner d’un tel rapprochement, entre droite traditionnelle et haut clergé, serait faire preuve pour le moins de simplicité. Pour rappel, la monarchie tombait le 14 avril 1931 et la République était proclamée en Espagne, entraînant une série de réformes : laïcisation de la société, démantèlement des grandes propriétés agricoles, autonomie de la Catalogne... Le 16 février 1936, le Frente Popular, coalition des partis de gauche, remportait les élections législatives, mais en juillet de la même année un groupe de généraux se soulevait contre le gouvernement de la République, dont un certain Francisco Franco. Rébellion qui marque le début d’une longue guerre civile, soutenue par les grands propriétaires terriens, la bourgeoisie industrielle et financière, une fraction majoritaire de l’armée et de la hiérarchie de l’Eglise catholique.

Face à l’armée républicaine et aux Brigades internationales, les généraux factieux bénéficient du soutien de l’Allemagne de Hitler, de l’Italie de Mussolini et du Portugal de Salazar. En mars 1938, les armées franquistes enfoncent le front d’Aragon, isolant la Catalogne. L’année suivante, Barcelone tombe, suivie par Madrid et Valence, tandis que s’engage une dictature de près de quarante ans.

Dès son arrivée au pouvoir, le régime franquiste bénéficie du silence des démocraties européennes pour terminer sa besogne, et orchestrer des milliers d’exécutions de militants de groupes de résistance - en 1940 on compte 500 000 détenus - pour la plupart sans procès. Période terrible qui verra des milliers d’Espagnols prendre le chemin de l’exil. En 1950, le régime reçoit l’attribution de 62 millions de dollars de crédits votés par le congrès américain et l’annulation, par l’Assemblée générale de l’ONU, de l’interdiction de l’adhésion de l’Espagne fasciste aux institutions internationales des Nations-Unies. Education nationale, médias, vie économique et syndicale sont sous le contrôle de la police politique et de Franco.

L’Eglise catholique devient étroitement liée au pouvoir et participe activement à la persécution des opposants politiques . Mieux encore, le clergé mène régulièrement des actions de délation auprès des tribunaux franquistes à l’encontre des paroissiens restés fidèles aux idées républicaines, et des communistes, excommuniés par définition. L’Eglise catholique a aussi étroitement collaboré en fournissant le personnel des établissements pénitentiaires, notamment dans les prisons de femmes et les maisons de correction pour jeunes. Par la suite, les ex-détenus devaient publiquement accuser le personnel clérical de mauvais traitements sur le plan physique et psychique.

Jusqu’à la fin, “Franco la muerte” poursuit son œuvre et signe ses dernières sentences. En 1974, Salvador Puig Antich sera le dernier prisonnier politique exécuté par garrottage, malgré de nombreuses interventions et manifestations. Le “Caudillo d’Espagne par la grâce de Dieu”, comme l’affirment les monnaies frappées sous le régime, avait été à bonne école si l’on se réfère au film de Milos Forman, les Fantômes de Goya, récemment sorti sur les écrans, où on assiste à une mise à mort par garrottage ordonnée par l’Inquisition. Le dictateur décède en 1975, la même année que son ami José Maria Escriva de Balaguer (à Rome), fondateur de l’Opus Dei, mouvement auquel il avait ouvert les portes dans les années 60.

LES ESPAGNOLS DEMANDENT DES COMPTES ET ENTENDENT BRISER LE PACTE DU SILENCE.

Pour le Forum de la mémoire historique, qui défend la mémoire des centaines de milliers d’Espagnols victimes du franquisme et demande des réparations morales, le sanctuaire valencien relève de la provocation, en particulier au moment où l’Espagne exhume les charniers de la guerre civile. En août 2002, une requête était déposée devant le groupe de travail des Nations-Unies sur les “disparitions forcées” et demandait que l’Etat espagnol offre une sépulture décente aux victimes de la guerre civile. “Au-delà d’un devoir de justice, nous pensons qu’on ne peut construire une démocratie sur les fantômes du passé”, déclarait l’avocate Monserrat Sans.

Aujourd’hui, des Espagnols demandent des comptes, d’autant qu’au moment de la transition démocratique, sous le gouvernement socialiste de Felipe Gonzales, il y a eu un véritable pacte du silence.

De nombreux Espagnols voudraient que soit transformé en musée le gigantesque monument de la Valle de los caidos (“vallée des tombés”), situé en banlieue madrilène et lieu de pélerinage des nostalgiques du franquisme. Commandé par le Caudillo pour rendre hommage aux “héros et martyrs de la croisade”, entendez par là les combattants franquistes, il a été construit par des milliers de prisonniers politiques. Creusée sous la colline, la basilique Sainte-Croix renferme les sépultures de Franco et de José Primo de Rivera, fondateur de la Phalange espagnole de sinistre mémoire. Tous les 20 novembre y est célébrée une “sainte messe du Caudillo”, où sont exaltées son œuvre et les “valeurs du franquisme”. “

L’Eglise espagnole n’a jamais clairement rompu avec la dictature, commentait récemment l’historien Julian Casanova.

Le problème n’est pas qu’elle honore ses martyrs, c’est son droit le plus légitime.

Ce qui n’est pas acceptable, c’est qu’elle demeure l’unique institution qui, en plein XXIe siècle, défend la mémoire des vainqueurs de la guerre civile et continue d’humilier les familles des vaincus.”

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Eva Lacoste www.golias.fr

Agenda

lundi 29 octobre 2007, 18:30

"Qu'est-ce que la laïcité"

à l'IEP 104 Bd Duchesse Anne
à Rennes

Dans le cadre du Kiosque du citoyen:

Conférence débat sur le thème: "Qu'est-ce que la laïcité"

Avec Catherine KINTZLER, philosophe
Auteur d'un trés remarqué Qu’est-ce que la laïcité?, chez Vrin, « Chemins Philosophiques ». 128 p

samedi 10 novembre 2007, 13:30

Journée pour le République

Belgique
Salle des Miroirs du centre culturel De Markten
rue du Vieux Marché aux Grains 5 à 1000
Bruxelles

Le Cercle républicain et le Masereelfonds organisent pour la troisième fois une "Journée pour le République". Comme de coutume, le programme est très varié.

Nous commencerons par trois conférences:

Après un interlude musical présenté par Lady Day, vous assisterez à un débat (bilingue)

Gerlinda Swillen (Masereelfonds) dirigera un entretien entre Rik Van Cauwelaert (Knack), Dorothée Klein (Le Vif) et Vincent Pfeiffer (Télémoustique) sur la relation entre les médias et la monarchie.

Après une deuxième pause musicale assurée par Lady Day, la journée se clôturera par une remise de prix

Le Masereelfonds décernera le prix "De Potter-Gryp", prix du mérite républicain

Le Cercle républicain (CRK asbl) décernera le "Prix du Citoyen de la République" ainsi que le "Prix du Sujet de Sa Majesté".

La participation aux frais est de 4 EUR pour les membres du Cercle républicain et du Masereelfonds, 5 EUR pour les autres.

Annonce

samedi 19 janvier 2008, 08:00

1ère CONFERENCE DU SUD DE LA FRANCE SUR L'HOMOPARENTALITE

CENTRE RABELAIS
Boulevard Sarrail (Esplanade)
MONTPELLIER

APGL organisée par l'Antenne Languedoc-Roussillon de l'Association des Parents Gays et Lesbiens (APGL)

Le programme de cette conférence se veut d'aborder toutes les situations rencontrées par les homosexuels pour fonder une famille et vivre leur parentalité. Des thèmes encore peu accessibles comme le désir d'enfant chez les transexuels et la gestion pour autrui (GPA, mères porteuses) seront aussi abordés.

Toutes les infos (inscriptions, programmes, etc) à cette adresse: http://conf.homoparentalite.free.fr/

Voir l'agenda complet en ligne

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27 rue de la Réunion
75020 PARIS

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