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ReSPUBLICA, le journal de la gauche républicaine

n°605 - mercredi 3 décembre 2008

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1 - chronique d'Evariste

1 - Lancement du Parti de gauche (PG) : super punchy !

Pari réussi : 3000 personnes à l’Ile-de-Vannes à Saint-Ouen. Les « déclencheurs » Marc Dolez et Jean-Luc Melenchon ont rencontré l’attente des militants et des citoyens. Les laïques et les républicains de gauche ont enfin leur parti. Ils ont aussi une stratégie, un front de gauche aux élections européennes de juin 2009 pour faire respecter le non au Traité de Lisbonne ouvert à tous ceux qui ont participé à la victoire du 29 mai 2005. Le PCF a dit oui, on attend les autres partenaires (écologistes de gauche, NPA, etc.). Tout cela dans une stratégie à front large, l’union des gauches pour gouverner la France. Plusieurs dizaines de responsables de la gauche et de l’extrême gauche étaient venus en observateur. Oskar Lafontaine, président de Die Linke en Allemagne a fait une intervention très remarquée. Différents pays d’Amérique du Sud (Cuba, Venezuela, Bolivie, etc.) étaient représentés soit par leur ambassadeur soit par un conseiller spécial de leur président.

Le « capitalisme est toxique pour l’humanité »

Ce nouveau parti se déclare anticapitaliste. Cela tranche avec les partis socialistes et sociaux-démocrates européens qui situent leur action uniquement dans le cadre de la gestion du capitalisme. Le caractère internationaliste de ce premier rassemblement était perceptible pour tous les participants. L’internationale chanté à la fin du meeting a symbolisé la volonté des participants.
A plusieurs reprises, les différents orateurs ont parlé de la nécessaire globalisation des combats : combat social, combat démocratique, combat laïque, combat pour l’émancipation, combat écologique (il a même été dit que le Parti de gauche était d’accord avec l’idée d’une planification écologique !).

Un front du non de gauche proposé pour les élections européennes de juin 2009

Alors que le parti socialiste veut « dépasser la querelle » du non et du oui au Traité de Lisbonne et a « aidé » Nicolas Sarkozy à ne pas faire de référendum à son sujet, le Parti de gauche (PG) dit clairement que la solution à l’actuelle crise du capitalisme ne peut pas passer par l’acceptation des traités européens. Le PCF ayant dit oui, Jean-Luc Melenchon a lancé un appel à tous les responsables des partis du non de gauche et d’extrême gauche.
L’objectif de passer devant le parti socialiste aux élections européennes de juin 2009 étant fixé, aux responsables des partis du non de gauche ou d’extrême gauche de prendre leurs responsabilités pour y parvenir. Rappelons que sur les 55 % du non le 29 mai 2005, 31, 3 % provenaient de la gauche et de l’extrême gauche.

Un parti s’appuyant sur le peuple, ses luttes et ses revendications

Marc Dolez a présenté les revendications populaires sur le pouvoir d’achat, sur les services publics et la protection sociale qui seront repris par le Parti de gauche. L’appel à voter pour les syndicats les plus combatifs lors des élections prud’homales a été remarqué, car ils sont ceux qui sont en première ligne dans la bataille sociale. Les luttes populaires et les luttes électorales ont été déclarées comme les deux faces d’une même pièce de monnaie.

Un parti accueillant la diversité des parcours militants qui acceptent les textes fondateurs des deux « déclencheurs »

La diversité des parcours militants de ceux qui ont été présenté comme les premiers responsables du Parti de gauche a été d’une grande visibilité. Deux nouveaux parlementaires ont rejoint le Parti de gauche. Plus de 5000 personnes ont déjà fait savoir par internet qu’ils sont intéressés par le Parti de gauche. Le plaisir de nombreux militants se retrouvant dans ce meeting était largement perceptible.

Évariste Pour réagir aux articles,
écrire à evariste@gaucherepublicaine.org

2 - Avec la crise du capitalisme, quelle stratégie politique ?

La crise bancaire et financière a enclenché des discours nouveaux ou plutôt des discours que nous n’avions plus l’habitude d’entendre depuis longtemps. John Meynard Keynes est revenu à la mode. Lui qui avait été vilipendé par les néolibéraux!
Alors nous avons la droite néolibérale et les sociaux-libéraux qui font du keynésianisme de droite, la gauche de la gauche développe des thèses du keynésianisme de gauche et le NPA fait du keynésianisme d’extrême gauche.
Et si le keynésianisme n’était plus de saison? Et si le keynésianisme ne permettait pas la relance du système capitaliste?

Tout d’abord parce que la relance qui était possible dans chaque Etat-nation dans les années 1930 et dans la période des 30 glorieuses n’est possible aujourd’hui que si la relance est planétaire, ce que les institutions européennes et mondiales ne permettent pas. Puis, parce que la montée en puissance des garanties étatiques est telle qu’elle va atteindre une limite lorsqu’elles ne pourront plus tenir à leur tour devant la masse énorme des "crédits pourris".
Car la crise ne fait que commencer. La crise économique pointe son nez et entraînera une crise sociale. Comment la crise politique pourra être évitée?
Nous risquons de tomber de Charybde en Scylla de ce point de vue!
Nos édiles politiques disent avoir la situation en main. La grande date sera l’arrivée au pouvoir de Barack Obama le 20 janvier prochain où il va lancer son projet dit "de sortie de crise". Après les deux plans Paulson, que sera son troisième plan? Pour l’instant, rien n’indique qu’il soit capable d’éviter l’effondrement d’une partie des couches sociales états-uniennes tout en effectuant la relance nécessaire.
En France, la situation se tend. Au congrès des maires de France, le gouvernement à été largement chahuté – y compris par la droite présente – à commencer par le président UMP de l’Association des maires de France lui-même. La bataille pour le poste de premier secrétaire du PS a semblé annuler tout ce qui n’était pas fondamentalement lié aux stratégies d’alliance. Et puis, nous ne voyons pas les 20 régions sur 22 de gauche dans les régions françaises prendre la mesure de la situation.  Pour la gauche de la gauche et l’extrême gauche, nous sommes aujourd’hui dans une période d’enthousiasme par rapport aux initiatives prises ici et là. Mais l’enthousiasme du 29 mai 2005 n’a pas empêché la défaite de la présidentielle de 2007. Rien n’est proposé pour développer de nouveaux rapports de production pouvant libérer de nouvelles forces productives ! Notamment en prenant en compte l’énorme gisement rendu possible par l’extension de la mise en réseau planétaire. Nous avons déjà écrit dessus dans Respublica. Nous y reviendrons.
Et toujours rien sur la laïcité économique qui séparerait la sphère publique économique et la sphère privée économique. La sphère publique étant sanctuarisée par rapport aux lois du marché et de la rentabilité en  étant soumis entièrement à la délibération citoyenne sur les politiques à suivre. La démocratie de Condorcet élaborée pour le champ politique appliquée dans la sphère publique du champ économique.
Car pour tous ceux qui rencontrent les couches populaires dans des réunions, les deux questions lancinantes : "Pourquoi cela a-t-il été possible? " et " Mais par quoi voulez-vous remplacer ce que vous critiquez?" reviennent avec la force du boomerang bien lancé! Il convient donc de répondre à ces questions ce que ne font pas les grandes organisations politiques, syndicales, mutualistes et associatives engluées dans leurs seules références keynésiennes.
Avec la difficulté que prolifèrent ici et là des remèdes simplistes et non crédibles du style retour au passé ou décroissance des pays du Nord sans distinguer les couches sociales, alors que les couches populaires des pays développés ont besoin légitimement de croissance pour elles, c’est bien la lutte des classes qui repart de plus belle dans chaque pays et à l’échelle mondiale.
En fait, nous avons besoin de développer le travail déjà entrepris d’éducation populaire laïque tourné vers l’action. Pour expliquer la crise et toutes ses causes et complicités,  pour expliquer les stratégies de marchandisation et de privatisation de la santé et de la protection sociale, des services publics en général, l’impasse dans lequel est tombé le logement social, le piège mortel du communautarisme et de l’intégrisme, etc. Mais aussi pour présenter les pistes alternatives (y compris concrètes et précises!) et les moyens de mobilisation.
Encore faut-il avoir des propositions à faire, ce qui n’est déjà plus le cas pour nombre d’associations, de syndicats, de mutuelles, de partis politiques! Nous ne parlerons plus de ceux qui, face à la crise, se bornent à demander un pôle financier public, un revenu maximum et de mettre les institutions internationales sous la coupe de l’ONU qui a largement fait la preuve de son incapacité. Il y a loin de la coupe aux lèvres!
Pour cela, il convient d’ouvrir le débat et non de le fermer en voulant uniquement sous-traiter la réflexion aux "élites" qui, au mieux,  ne font que commenter les faits une fois ceux-ci arrivés et qui ont montré leur incapacité de les prévoir.
Encore faut-il aussi analyser la stratégie de nos adversaires qui provoquent de nombreux fronts de lutte pour nous éparpiller, alors qu’eux se concentrent sur les dossiers (aujourd’hui principalement le droit du travail, l’école, la santé et la protection sociale) qui leur assureront, pensent-ils plus de stabilité (on ne peut pas trop retarder certains soins comme on peut retarder l’achat d’un véhicule).
D’autant plus que monsieur Denis Kessler, ex-numéro 2 du MEDEF, ex-président de la FFSA (structure patronale regroupant les multinationales de l’assurance) et actuel président de la SCOR (premier réassureur européen) a défini dans la revue Challenges le 4 octobre 2007 la principale caractéristique de la politique sarkoziste. Il a déclaré : « Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer, et le gouvernement s’y emploie. Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork, tant elles paraissent variées, d’importance inégale, et de portées diverses : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la Sécurité sociale, paritarisme... A y regarder de plus près, on constate qu’il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! »
Si nous devons théoriser tous les combats, si nous devons globaliser tous les combats, il est néanmoins nécessaire dans le temps actuel (cela pourrait changer ultérieurement) de prioriser, nous aussi telle ou telle lutte et de ne pas trop se disperser devant la stratégie sarkoziste visant justement à disperser les forces antilibérales alors qu’eux ont bien défini leurs priorités. On le voit avec la crise, alors que les néolibéraux re-nationalisent certaines banques de par le monde, que probablement, ils vont retarder l’ouverture du capital de La Poste, mais  ils continuent de vouloir passer en force pour la santé et la protection sociale après avoir détruit une bonne partie du droit du travail. C’est bien la preuve d’une priorité dans leurs attaques.

Et, nous, où en sommes-nous ?

Et bien la stratégie à front large marque le pas.  Malgré  l’extension des actions locales de mobilisation, notamment sur La Poste et l’école, la convergence nationale des luttes n’a toujours pas été possible. Nous sommes donc à un tournant. Soit nous cédons sur la nécessité d’une stratégie convergente à front large et nous décidons d’engager des actions nationales avec un front étroit et limité et nous faisons du témoignage sans créer le rapport de force nécessaire, soit nous engageons de vigoureuses campagnes d’éducation populaire tournées vers l’action, pour informer les citoyens pour qu’ils prennent leurs responsabilités, pour former les militants de tous types d’organisations dans cette nouvelle forme de lutte afin que ceux-ci puissent agir dans leurs organisations respectives pour réussir dans un deuxième temps la stratégie convergente à front large qui est nécessaire pour gagner. Cette deuxième stratégie, que nous préconisons, est largement démarrée. Bien que chaque structure locale mène sa lutte comme il l’entend, on peut aujourd’hui donner une indication sur un schéma théorique de campagne d’éducation populaire locale tourné vers l’action que chaque comité local peut adapter comme il l’entend. Le processus démarre par une réunion publique (initiée par un collectif le plus large possible) dans une grande agglomération sur une présentation d’éducation populaire d’une heure, une heure et quart de la situation actuelle, du processus engagé par les néolibéraux sur le thème considéré, de l’analyse que nous pouvons en faire dans le cadre de la globalisation financière et de la crise, des solutions alternatives que nous pouvons présenter et des nécessités d’une mobilisation convergente. Ce type de réunion publique a jusqu’ici regroupé, par exemple dans le secteur de la santé et de la protection sociale,  de 50 à 400 personnes dans la centaine de villes où il a eu lieu.   Puis, nous passons à un stage de formation de militants locaux (sur trois demi-journées d’un week-end) pour que ceux-ci puissent refaire cette présentation dans tous les cantons du département ou de l’arrondissement considéré. Comme cette stratégie se développe, elle demande de nouvelles compétences et de nouveaux militants, de nouveaux orateurs, et ils seraient très sain que ceux-ci puissent émaner de chaque organisation ou de chaque collectif national.

C’est ce travail de fourmi qui préparera les victoires de demain, bien plus que les enthousiasmes politiques limités dans le temps et souvent déconnectés des couches populaires indispensables pour toute transformation sociale. C’est à ce travail de réflexion, d’analyse stratégique que nous vous convions à Respublica, votre journal de la gauche républicaine, laïque, écologique et sociale. N’hésitez donc pas à nous contacter!

Évariste Pour réagir aux articles,
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2 - états-Unis

1 - L'élection d'Obama : une aubaine pour l'ultra droite américaine ?

Ceux qui croyaient le Ku Klux Klan mort et enterré se trompent. Et l'élection d'Obama pourrait bien redynamiser le discours des suprémacistes Blancs. Dans une interview assez étonnante, un ancien leader du KKK, Richard Barrett, a clairement laissé entendre qu'il voterait Obama. Pour quelle raison ? Avec l'élection d'Obama, le KKK espère ainsi grossir ses rangs. En effet, l'arrivée d'un candidat Noir à la Maison Blanche serait la preuve que les Blancs ont définitivement perdu le contrôle de l'Amérique. Les klanistes espèrent se servir de cette théorie pour raviver le spectre racial.

Le camp démocrate, quant à lui, se veut optimiste et pense que le KKK n'est plus qu'un cauchemar appartenant au passé sombre de l'Amérique raciste et ségrégationniste. « Trop peu nombreux et ne représentant pas une réelle menace » : c'est ce qu'affirment aujourd'hui certains anciens militants des droits civiques. Peut-on le croire ? Ayant compté de très nombreux militants et sympathisants jusque dans les années 60 et bien qu'il se soit rendu célèbre par de nombreux lynchages et assassinats sous l'oeil bienveillant des autorités, le KKK a toujours été, paradoxalement, affaibli par une perpétuelle guerre de chefs. Moins nombreux qu'auparavant certes. Mais le KKK est aujourd'hui, contrairement à son passé, très bien organisé. La société secrète profite pleinement de la prolifération d'armes qui règne aux Etats Unis et ses adeptes s'entraînent au maniement des armes dans des camps d'entraînement. Le KKK est-il dangereux au point de mener des actions violentes sur le sol américain ? On espère que non mais cette hypothèse ne peut être écartée d'un revers de la main. Il y a quelque chose que nous a notamment enseignés un certain terrorisme islamiste ces quinze dernières années : la propension à faire des dégâts lorsqu'une minorité activiste, fanatisée et violente a décidé de frapper.

A cet égard, n'oublions pas que le KKK est encore financé par une partie du complexe militaro-industriel états-uniens, tout comme les terroristes islamistes le sont par l'ancien agent de la CIA, et non moins milliardaire, Oussama Ben Laden, ainsi que par les pétromonarchies et une fraction de la bourgeoisie conservatrice, voire réactionnaires, des pays musulmans.

 

PS : Le mois dernier, une femme a été amenée dans un camp d'entraînement secret pour une initiation au KKK. A cette occasion, elle a été soumise à plusieurs rites dont le rasage des cheveux et une course dans les bois avec des torches. Se rétractant, la femme a voulu arrêter le rituel et partir. Une bien mauvaise idée puisqu'elle a été assassinée par les hommes du Klan. Quand on a décidé de rejoindre le Klan, on ne le quitte plus. Sauf une fois mort.

Caroline Brancher

2 - Economie : Obama choisit ceux qui ont échoué

Certains s’attendaient à ce que Barack Obama, nouveau président des Etats-Unis, nomme une équipe économique profondément renouvelée afin de mettre en œuvre un New Deal. Obama allait changer le capitalisme, à défaut de l’abolir, et procéder à une nouvelle vague de régulation de l’économie. Mais en fait, Obama a choisi les plus conservateurs parmi les conseillers démocrates, ceux-là mêmes qui ont organisé la déréglementation forcenée quand Bill Clinton était président à la fin des années 1990. La cohérence de son choix, à travers trois noms emblématiques, est révélatrice.

Premier en piste, Robert Rubin est secrétaire au Trésor entre 1995 et 1999. Dès son arrivée, il est confronté à la crise financière au Mexique, premier grand échec du modèle néolibéral dans les années 1990. Par la suite, il impose avec le FMI un traitement de choc qui aggrave les crises survenues en Asie du Sud-Est en 1997-98, puis en Russie et en Amérique latine en 1999. Rubin ne doute toujours pas des bienfaits de la libéralisation et il contribue résolument à imposer aux populations des pays émergents des politiques qui dégradent leurs conditions de vie et augmentent les inégalités. Aux Etats-Unis, il pèse de tout son poids pour obtenir l’abrogation du Glass Steagall Act, ou Banking Act, en place depuis 1933, qui a notamment déclaré incompatibles les métiers de banque de dépôt et de banque d’investissement. La porte est alors grande ouverte pour toutes sortes d’excès de la part de financiers avides de profits maximums, rendant possible la crise internationale actuelle. Pour boucler la boucle, cette abrogation du Banking Act permet la fusion de Citicorp avec Travelers Group pour former le géant bancaire Citigroup. Par la suite, Robert Rubin devient l’un des principaux responsables de Citigroup… que le gouvernement des Etats-Unis vient de sauver dans l’urgence en novembre 2008 en garantissant pour plus de 300 milliards de dollars d’actifs ! Malgré cela, Rubin est l’un des principaux conseillers de Barack Obama.

Deuxième personnalité en scène, Lawrence Summers hérite pour sa part du poste de directeur du Conseil économique national de la Maison Blanche. Son parcours comporte pourtant un certain nombre de taches qui auraient dû être indélébiles… En décembre 1991, alors économiste en chef de la Banque mondiale, Summers ose écrire dans une note interne : « Les pays sous-peuplés d’Afrique sont largement sous-pollués. La qualité de l’air y est d’un niveau inutilement élevé par rapport à Los Angeles ou Mexico. Il faut encourager une migration plus importante des industries polluantes vers les pays moins avancés. Une certaine dose de pollution devrait exister dans les pays où les salaires sont les plus bas. Je pense que la logique économique qui veut que des masses de déchets toxiques soient déversées là où les salaires sont les plus faibles est imparable. (...) L’inquiétude (à propos des agents toxiques) sera de toute évidence beaucoup plus élevée dans un pays où les gens vivent assez longtemps pour attraper le cancer que dans un pays où la mortalité infantile est de 200 pour 1 000 à cinq ans[1] ». Il ajoute même, toujours en 1991 : « Il n’y a pas de (...) limites à la capacité d’absorption de la planète susceptibles de nous bloquer dans un avenir prévisible. Le risque d’une apocalypse due au réchauffement du climat ou à toute autre cause est inexistant. L’idée que le monde court à sa perte est profondément fausse. L’idée que nous devrions imposer des limites à la croissance à cause de limites naturelles est une erreur profonde ; c’est en outre une idée dont le coût social serait stupéfiant si jamais elle était appliquée[2] ». Avec Summers aux commandes, le capitalisme productiviste a un bel avenir.

Devenu secrétaire au Trésor sous Clinton en 1999, il fait pression sur le président de la Banque mondiale, James Wolfensohn, pour que celui-ci se débarrasse de Joseph Stiglitz qui lui a succédé au poste d’économiste en chef et qui est très critique sur les orientations néolibérales que Summers et Rubin mettent en œuvre aux quatre coins de la planète où s’allument des incendies financiers. Après l’arrivée de George W. Bush, il poursuit sa carrière en devenant président de l’université de Harvard en 2001, mais se signale particulièrement en février 2005 en se mettant à dos toute la communauté universitaire après une discussion au Bureau national de la recherche économique (NBER)[3]. Interrogé sur les raisons pour lesquelles on retrouve peu de femmes à un poste élevé dans le domaine scientifique, il affirme que celles-ci sont intrinsèquement moins douées que les hommes pour les sciences, en écartant comme explications possibles l’origine sociale et familiale ou une volonté de discrimination. Cela provoque une grande polémique[4] tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’université. Malgré ses excuses, les protestations d’une majorité de professeurs et d’étudiants de Harvard l’obligent à démissionner en 2006.

Si sa responsabilité dans la situation actuelle n’est pas encore avérée, sa biographie consultable sur le site de l’université de Harvard au moment de sa présidence affirme qu’il a « dirigé l’effort de mise en œuvre de la plus importante déréglementation financière de ces 60 dernières années ». On ne saurait être plus clair !

Troisième personnalité choisie par Obama, Timothy Geithner vient d’être nommé secrétaire au Trésor. Actuellement président de la Banque centrale de New York, il a été sous-secrétaire au Trésor chargé des Affaires internationales entre 1998 et 2001, adjoint successivement de Rubin et Summers, et actif notamment au Brésil, au Mexique, en Indonésie, en Corée du Sud et en Thaïlande, autant de symboles des ravages de l’ultralibéralisme qui ont connu de graves crises durant cette période. Les mesures préconisées par ce trio infernal ont fait payer le coût de la crise aux populations de ces pays. Rubin et Summers sont les mentors de Geithner. Aujourd’hui, l’élève rejoint ses maîtres. Nul doute qu’il va continuer à défendre les grandes institutions financières privées, sourd aux droits humains fondamentaux, bafoués aux Etats-Unis comme ailleurs suite aux politiques économiques qu’il défend avec véhémence.

Prétendre re-réguler une économie mondiale déboussolée en donnant les leviers de décision à ceux qui l’ont dérégulée aux forceps revient à vouloir éteindre un incendie en faisant appel à des pompiers pyromanes.

Notes

[1] Des extraits ont été publiés par The Economist (8 février 1992) ainsi que par The Financial Times (10 février 1992) sous le titre « Préservez la planète des économistes ».

[2] Lawrence Summers, à l’occasion de l’Assemblée annuelle de la Banque mondiale et du FMI à Bangkok en 1991, interview avec Kirsten Garrett, « Background Briefing », Australian Broadcasting Company, second programme.

[3] Financial Times, 26-27 février 2005.

[4] La polémique a été également alimentée par la désapprobation de l’attaque lancée par Summers contre Cornel West, un universitaire noir et progressiste, professeur de Religion et d’études afro-américaines à l’université de Princeton. Summers, pro-sioniste notoire, dénonça West comme antisémite parce que celui-ci soutenait l’action des étudiants qui exigeaient un boycott d’Israël tant que son gouvernement ne respecterait pas les droits des Palestiniens. Voir Financial Times du 26-27 février 2005. Aujourd’hui, Cornel West, qui a soutenu Obama avec enthousiasme, s’étonne que celui-ci veuille s’entourer de Summers et de Rubin. Voir [charger le lien]

Voir cet article sur son site d'origine

Damien Millet porte-parole du CADTM France (Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde, www.cadtm.org).

Eric Toussaint Président du CADTM Belgique. Ils sont auteurs du livre 60 Questions 60 Réponses sur la dette, le FMI et la Banque mondiale, CADTM/Syllepse, novembre 2008.

3 - débats politiques

1 - L’économie de marché n’est pas propre à l’économie capitaliste

La revue marxiste La Pensée, la Fondation Gabriel-Péri et la Fondation allemande Rosa-Luxembourg ont eu la bonne idée d’organiser les 13 et 14 novembre dernier, au siège de l’UNESCO à Paris, un colloque international intitulé, Marché(s), société(s), histoire et devenir de l’Humanité. Ce colloque ne pouvait pas mieux tomber avec la grave crise des marchés financiers et ses répercussions tout aussi graves sur la sphère de l’économie réelle, ainsi que sur les conditions de vie et de travail des peuples.

L’objectif central de cette rencontre est de démystifier l’idée que l’économie de marché est consubstantielle au système capitaliste ; et de dégager aussi quelques pistes de dépassement aussi bien théoriques que pratique de ce système.

Selon plusieurs conférenciers, l’économie de marché existe sous des formes diverses, depuis l’Antiquité. Cette économie, dans sa version capitaliste, en est certes la forme la plus performante – mais pas la forme aboutie. C’est ainsi que le capitalisme s’est montré incapable de satisfaire les besoins sociaux et environnementaux des peuples, quand il ne les a pas aggravés : crises des matières premières, de l’énergie, de l’eau potable, crise alimentaire, effet de serre, catastrophes naturelles, chômage, non-satisfaction des besoins sociaux vitaux, etc.

Actualité oblige, la plupart des orateurs ont eu l’occasion de dire tout le mal qu’ils pensaient de la crise financière actuelle due à la financiarisation de l’économie capitaliste. Rappelons que cette financiarisation – et son corollaire les multiples crises financières qui ont secoué cette économie ces trente dernières années – est engendrée fondamentalement par la dégradation continue du pouvoir d’achat de la majorité des peuples, à cause du chômage chronique et massif, du sous-emploi, de la stagnation relatif des salaires réels... Le capitaliste, poussé par la concurrence, tente de produire toujours plus et à moindre coût. Produire à moindre coût, veut dire réduire les frais de production, avant tout ceux de la main-d’œuvre, qui en est l’élément le plus cher, pour la remplacer entre autres par la machine. Moins d’emplois signifie moins de revenus, et donc moins de pouvoir d’achats et de débouchés (solvable), pour ce qui est des entreprises. Confronté à une telle impasse, le système capitaliste essaie alors de contourner le problème par deux moyens principaux (mais pas les seuls)  : l’endettement des ménages par l’octroi de crédit à la consommation (dont les subprimes) et la spéculations boursière, qui ne produit que du vent, mais avec des taux de profits de 12 à 15 % au lieu de 4 à 5 % de profits tirés des investissement, dans l’économie réelle.

Orateurs et participants se sont ensuite interrogés, si le capitalisme est réformable. Leur réponse est sans appel : non. Car le marché capitaliste ne peut pas s’autoréguler. Prétendre par conséquent le moraliser, c’est méconnaître les lois intrinsèques et inéluctables du fonctionnement de ce système.

C’est pourquoi des luttes intenses se sont engagées autour de la nature des solutions à apporter à la crise financière actuelle : l’une libérale, vise à préserver les intérêts du grand patronat ; et l’autre, progressiste, vise à remettre radicalement en cause le modèle néolibéral de croissance, modèle fondé uniquement sur la recherche de la maximisation des profits. La seconde solution consiste concrètement, selon plusieurs intervenants, dans l’amélioration des droits sociaux, dont les salaires ; l’instauration d’une sécurité sociale professionnelle des travailleurs  (et l’intervention de ceux-ci dans l’élaboration des choix stratégiques de leurs entreprises)  ; la réhabilitation des services publics ; la création d’un pôle public bancaire privilégiant le financement des projets créateurs d’emplois et satisfaisant les besoins sociaux ; la fin de l’indépendance des Banques centrales ; le contrôle et la taxation de la circulation des capitaux ; la création de monnaies régionales, comme jalon vers la création à plus long terme d’une monnaie mondiale, en vue de mettre fin à l’hégémonie du dollars, etc.

Les chercheurs chinois ont axé leurs exposés respectifs sur la mise en place dans leur pays de ce qu’ils appellent les mécanismes de l’économie socialiste de marché.

L’autre expérience, qui a recueilli l’intérêt des participants, est l’Alliance bolivarienne pour les peuples des Amériques (regroupant Cuba, le Venezuela, la Bolivie, le Nicaragua, la Dominique et le Honduras). Elle avait été créée en 2004 à La Havane, en réaction contre la zone de libre-échange, dont l’unique but est de pressurer davantage les économies des pays de ce continent au profit des entreprises transnationales états-uniennes. D’autres pays latino-américains ne sont pas moins engagés dans des luttes peut-être plus sectorielles, en tout cas moins radicales et moins globales que celle de l’ALBA en vue de se préserver des actions prédatrices contre leurs économies de la part du gouvernement des Etats-Unis d’Amérique.

Hakim Arabdiou

2 - Retour sur le congrès du PS : Reims nous a rappellé Rennes!

La bataille Aubry-Royal à Reims nous a rappelé la bataille Jospin-Fabius au congrés de Rennes. Une gigantesque bataille pour le pouvoir sans grande clarification politique.
Et voilà l'ineffable Filoche qui estime que quelques voix d'écart en faveur de Aubry vont permettre le renouveau du PS et que cela va permettre demain à la gauche du PS de gagner la tête du parti.

De ce point de vue, Gérard Filoche a troqué Marx et Trotsky pour un nouveau camarade : Coué. Car si le contenu de la motion de Benoît Hamon tranchait sur le plan politique avec la direction sortante du PS, les trois autres motions principales étaient difficilement compréhensibles en dehors de querelles d'écuries très proche politiquement voulant prendre le contrôle d'un appareil: Martine Aubry, celle qui grâce à sa deuxième loi sur les 35 heures a diminué le pouvoir d'achat de centaines de milliers de personnes des couches populaires, celle qui a organisé des heures de piscines pour femmes musulmanes, celle qui subventionne une université catholique mais pas l'université publique...
Bertrand Delanöe, celui qui prend l'initiative de donner le nom d'une place à Jean-Paul II, l'homme de l'Opus dei, qui subventionne des crèches confessionnelles car mettre les bébés, dont les parents ne sont pas de la même confession, dans une même pièce serait sans doute un péché!, celui qui finance des lieux de culte dans le 19ème arrondissement malgré la loi de 1905 sous le vocable d'Institut des cultures musulmanes (ce qui rappelle la subvention de Lang à la cathédrale d'Evry sous couvert de musée d'art sacré), celui qui s'est dit libéral et socialiste pour être en phase avec son ami Dominique Strauss-Kahn, grand argentier du néolibéralisme au FMI, quelques semaines avant le krach libéral de la bulle financière et bancaire,
Ségolène Royal, la spécialiste du discours émotionnel chrétien dans le langage politique, qui fort d'avoir fait le plus petit score auprès des couches populaires au deuxième tour des présidentielles (54% au lieu des 75% de François Mitterrand), pense que pour combler ce déficit, il faut faire une alliance avec le Modem de François Bayrou.

En fait ces trois camarades Aubry, Delanoë, Royal, qui n'ont jamais eu un mot contre les franchises médicales nées en 1983, contre la transformation du Code de la mutualité solidaire en Code assurantiel en 2001, qui ne sont jamais revenus sur la contre-réforme Juppé pendant la période 1997-2002 alors qu'ils étaient au pouvoir, ceux qui ont poursuivi toujours dans la même période le processus de marchandisation et de privatisation des services publics, ceux qui ont malheureusement préféré la CMU au droit universel de l'accès aux soins partout et pour tous, ceux qui se sont parjurés en permettant à Nicolas Sarkozy de ne pas faire de référendum sur le traité de Lisbonne alors qu'ils avaient promis dans la synthèse du Congrès du Mans qu'ils utiliseraient tous les moyens pour obliger au référendum, c'est bonnet blanc et blanc bonnet.
Bien évidemment,il y avait la motion Hamon qui avait un tout autre contenu. Le contenu de cette motion était à la hauteur des enjeux mais il manquait la stratégie pour prendre le pouvoir pour pouvoir l'appliquer...

Triste perspective pour le parti socialiste dans ces conditions-là!

Jérôme Manouchian

4 - combat laïque

1 - Retour sur le voyage du Pape en France

Le vendredi 12 septembre 2008, le pape Benoît XVI s’est rendu en France pour une visite de quatre jours pendant lesquels il s’est exprimé successivement devant des personnalités (membres du gouvernement, maire de Paris, dignitaires religieux) à l’Elysée, puis devant des représentants du monde culturel au collège des Bernardins, devant deux cents académiciens à l’Institut de France et enfin devant 170 évêques et cardinaux à Lourdes. Sans compter les messes qu’il a célébrées devant des milliers personnes.

Cette visite est l’occasion pour le M’PEP de revenir sur la prise en compte et l’analyse d’une « ligne de front » particulière qui intéresse le champ politique à plusieurs titres. Il s’agit de la confrontation entre les catholiques non-laïques et les républicains (religieux ou non).

Certes, sur cette question le M’PEP a clairement indiqué dans sa déclaration d’intention politique ses positions républicaines et laïques. Mais au-delà de grands principes philosophiques, nous sommes persuadés que se mènent sur ce terrain de nouveaux combats idéologiques et stratégiques dont l’issue déterminera durablement le fonctionnement de nos institutions, de nos services publics et même l’établissement de nos lois futures. Le M’PEP en tant que mouvement politique tient donc à préciser son orientation au regard de ce rapport de forces qui semble, à la lumière de l’actualité, évoluer de façon rapide et inédite.

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Le M’PEP Mouvement politique d’éducation populaire

2 - Religions, Traditions et Droits des Femmes

Europe: Forum Social Europeen de Malmo
1/10/2008: Vendredi 19 septembre 2008 -
Intervention de Soad BEKKOUCHE, Initiative Féministe Européenne (IFE/EFI). (WLUML Networkers)

Que ce soit la religion catholique, musulmane, juive, hindouiste, aucune religion ne prône l’égalité sociale, juridique et politique des femmes. Bien au contraire, les religions ont toujours sacralisé des traditions de domination masculine maintenant les femmes dans l’unique rôle social d’épouse, de mère, de gardienne des « valeurs » ?

Mais de quelles valeurs nous parlent-on ? Celles qui les maintiennent dans un ordre patriarcal traditionnel.
Si les fondamentalismes religieux nous font croire qu’ils s’opposent les uns aux autres car ils ne reconnaissent pas le même Dieu, il y a deux choses pour lesquelles ils sont unanimes :
la mise en place d’Etats théocratiques;
l’émancipation des femmes qu’ils considèrent comme la cause de tous les fléaux.
L’un n’allant pas sans l’autre, il faut revenir aux conceptions théocratiques patriarcales et à l’acceptation par les femmes de leur soumission.
Nous constatons que les fondamentalistes, qui disent lutter contre l’Impérialisme décadent, n’ont jamais remis en cause l’ordre social en place. Dans tous les pays, leurs idées sont réactionnaires et engendrent le racisme, la xénophobie, etc...
Les fondamentalistes s’appuient sur une lecture stricte des textes rappelant l’ordre patriarcal traditionnel. Ils permettent aux hommes la justification de leur domination et donc l’infériorisation des femmes.
Que cela soit le Christianisme, les Ultras catholiques, le Judaïsme orthodoxe ou l’Islamisme, leur souhait est de ramener les femmes à la maison. En outre, les États, les institutions politiques leur offrent sur un plateau doré, au nom de lois de la famille, les droits des femmes.
En Europe, il existe un véritable malaise autour de la condition des femmes et notamment autour des femmes migrantes, au nom de spécificités culturelles, les militants des Droits de l’Homme refusent de traiter le problème des droits des femmes et se cachent derrière l’éternel débat portant sur le respect des « traditions », des différences culturelles sans jamais définir leurs conséquences sur les droits des femmes. C’est ainsi que la violence s’est institutionnalisée à l’égard des femmes, à la place de lois civiles égalitaires, des statuts personnels justifient l’infériorisation des femmes. En France, et dans d’autres pays Européens, nous constatons un déni de justice à leur égard. Les femmes migrantes sont généralement définies par un statut exclusivement familial, épouse, renvoyant à leur statut personnel, elles se retrouvent donc en situation de dépendance par rapport à leur mari et au droit de séjour de celui-ci. Aucun statut autonome, ce sont des « personnes subsidiaires »
Les femmes françaises issues de l’immigration et les femmes migrantes se retrouvent confrontées à des situations dramatiques du fait de la reconnaissance « implicite » du fait culturel à leur égard (répudiation, polygamie, mariage forcé, excision, crimes d’honneur),
Pères, frères, oncles, cousins peuvent les violenter allant même jusqu’à les tuer en toute impunité au nom du respect des cultures, de la « tradition ».
Par exemple, en Grande-Bretagne des familles commanditent des chasseurs de primes pour rechercher les jeunes filles qui quittent leur domicile familial pour les enlever et les expédier en voyage, sans retour, vers le Pakistan. Les cas extrêmes de certaines familles sont de punir leurs filles en les battant, en leur jetant de l’acide au visage ou en les brûlant à mort.
Je pourrai aussi vous parler de la justice des pays européens où des juges reconnaissent des statuts personnels discriminatoires (algérien, marocain) en acceptant les répudiations unilatérales intervenues à l’étranger, la reconnaissance de la polygamie et autres discriminations les assujettissant plus complètement à leur compatriotes au nom « du relativisme culturel ».
Aujourd’hui nous sommes confrontées à des lois hypocrites qui accordent au fœtus un statut légal de la personne humaine, qui n’a pour seul but de délégaliser l’avortement et de culpabiliser les femmes.
Je voudrais demander à l’ensemble de ces hypocrites qui estiment que le fœtus mort-né doit avoir un statut légal de personne humaine, quel statut au fœtus qui continuera à vivre1 et qui sera une jeune fille, une femme accorderont-ils ?
Celui d’être maintenue dans un statut discriminatoire ? D’être un sous-être humain, une sous-citoyenne pour qui :

C’est pourquoi nous devons faire le lien entre les politiques ultra patriarcales inhérentes aux régimes fondamentalistes (qu’elles soient basées sur une religion ou une culture majeure) et le patriarcat plus subtil des démocraties occidentales.
C’est pour cette raison que les militants des droits humains ne peuvent pas se présenter comme des défenseurs des droits humains sans y intégrer le respect des droits des femmes et continuer à soutenir des groupes fondamentalistes au nom de la lutte contre l’Impérialisme (Comme le souligne si brillamment Azar Majedi, il est impossible de continuer à accepter le principe de « les amis de mes ennemis sont mes amis... »). Les droits des femmes ne sont pas une partie cessible des droits humains.
En conséquence, ce n’est pas un hasard si les véritables ennemies des fondamentalistes sont les féministes qui allient des valeurs égalitaires et démocratiques et qui refusent l’apartheid sexiste.
La séparation du politique est du religieux est un préalable dans la lutte des féministes pour la construction d’une société égalitaire. Il ne doit pas exister de droits différents entre les Citoyennes et les Citoyens en Europe et dans le Monde.
La Laïcité est notre digue de protection face à des chefs religieux qui réclament une obéïssance sans limite.
La Laïcité est notre rempart juridique face aux fondamentalistes.
Qu’ils se nomment Benoît XVI, Talibans ou Rabbins, ils sont tout autant criminels lorsqu’ils œuvrent à la mise en place des politiques permettant la pénalisation de l’avortement, le refus du port du préservatif, soutiennent des lois ne punissant pas les violences conjugales à l’égard des femmes et des enfants, lorsqu’au nom de la conception théocratique patriarcale des femmes sont voilées, enfermées, violées, assassinées.
Les féministes doivent s’affirmer dans leur combat pour une laïcité qui n’accepte aucune compromission allant à l’encontre de l’émancipation des femmes et de toute l’humanité dans son intégralité.

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Soad BEKKOUCHE Initiative Féministe Européenne (IFE/EFI)

5 - Média

1 - Pétition pour l'indépendance et la survie de l'Agence France-Presse

Nous soussignés, citoyens, salariés de l'Agence France-Presse et organisations attachés au pluralisme et au droit à une information complète et objective, affirmons notre soutien à l'indépendance structurelle de l'AFP.

Depuis plus de cinquante ans, son statut ne l'a pas empêchée de devenir l'une des trois grandes agences de presse mondiales, présente sur les cinq continents et travaillant dans six langues.

Nous refusons toute modification qui aurait pour effet soit de transformer l'AFP en agence gouvernementale, soit de la livrer en totalité ou en partie à des entreprises privées quelles qu'elles soient et sous quelque forme que ce soit.

Nous exigeons que l’agence conserve sa particularité, sa capacité à remplir sa mission d’intérêt général et son indépendance structurelle. Par conséquent, nous nous opposons à toute modification qui dénaturerait son statut, inscrit dans la loi de 1957.

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SOS Agence France-Presse www.sos-afp.org/info_fr.php

2 - La galère du pigiste

Dans l’univers polymorphe et hiérarchisé du journalisme, le terme même de « pigiste » traine avec lui quelque chose de dépréciatif - ce qui n’a d’ailleurs rien à voir avec les qualités intellectuelles de celle ou celui qu’il désigne. Qu’est-ce qu’un pigiste ?

Littéralement, c’est un journaliste non salarié, payé à l’article. En cela, il est proche du statut de n’importe quel vacataire ou intermittent dans d’autres secteurs d’activités. De prime abord il n’y a là rien qui puisse être tenu pour désobligeant. Il suffit de rappeler que la plupart des grandes plumes de la littérature française moderne ont toutes été, avec plus ou moins de longévité et de bonheur, des pigistes. A commencer par Nerval pour la chronique de voyage et Baudelaire pour la critique d’art. Il en va autrement sur le versant interne de la profession. Là comme ailleurs, le statut prime sur le talent et plus d’un journaliste a tendance à confondre sa valeur intrinsèque avec le chiffre de son salaire sur sa feuille de paye. Cette situation est évidemment préjudiciable au pigiste, élément extérieur au journal faisant appel à ses services et qui, au regard de ses collègues appointés mensuellement, fait souvent figure de journaliste raté. La vérité est sans doute ailleurs ; dans la défiance de ces derniers pour celui qui peut s’avérer être un possible concurrent ; ou dans le désir d’indépendance de beaucoup de pigistes et leur volonté de ne pas se laisser enfermer dans une seule fonction, fut-ce dans une grande structure. La liberté, du moins au début de leur carrière, prime sur la recherche d’une sécurité professionnelle. Mais cette marge de manœuvre, qui devrait idéalement générer des articles plus recherchés ou même une écriture littéraire en parallèle, se révèle vite être un piège pour celui qui l’a revendiquée. Son quota de travail, trop souvent inégal, va l’entrainer à rechercher de nouvelles collaborations (tâche de prospection dans laquelle il laissera une partie de son énergie créatrice) ou à accepter des sujets pour lesquels il n’a aucune dilection. Au niveau de sa rétribution, c’est la même fluctuation. Rares sont, en effet, les journaux et magazines qui appliquent le tarif syndical (environ 50 euros par feuillet) et le pigiste, s’il veut continuer à travailler, devra accepter des conditions peu avantageuses pour lui. Face à un directeur de presse, sa situation est forcément fragile : c’est le pot de terre contre le pot de fer. Car le pigiste n’est que rarement en mesure de négocier ses prestations et il ne peut guère compter, à défaut de contrat, que sur la parole de ses interlocuteurs. Ceux-ci le savent bien et quelques-uns en abusent, lorsqu’ils ne sont pas délibérément malhonnêtes. J’ai personnellement vécu plusieurs affaires d’impayés, suite à des commandes pourtant honorées. Certaines le resteront ; d’autres, pour obtenir gain de cause, ont nécessitées le recours à un avocat : peut-on imaginer profession plus menacée ? Elle l’est à présent dans ses bases mêmes avec le déclin de la presse écrite en France. Dans cette situation de crise, la plupart des grands journaux se recentrent sur leurs équipes rédactionnelles (celles-ci subissant aussi le dégraissage et les restrictions budgétaires). Concrètement, cela signifie qu’il n’y a plus de place pour des collaborations extérieures, même ponctuelles. Le pigiste, qui devait souvent bénéficier d’un revenu indépendant de son travail pour vivre à peine décemment, est un peu partout poussé à la reconversion. Et cependant ?

Le problème est qu’il est mentalement difficile de renoncer à un métier pour lequel on s’est formé durant de longues années. Il faut d’autre part souligner que l’écriture n’est pas une activité professionnelle comme une autre. La solitude qu’elle requiert tend à marginaliser celui qui s’y adonne complètement. En outre, elle implique, même dans une perspective journalistique, un énorme investissement affectif et engendre, reconnaissons-le, une forme de dépendance. Même dans une société dominée, comme la notre, par l’économie et la technique, la création intellectuelle conserve un certain prestige. D’où une demande qui est plus que jamais excédentaire sur l’offre (problème qui se pose aussi pour les métiers du spectacle). Il y a déjà longtemps de cela, j’avais écrit que, parmi les nombreuses tensions générées par la société moderne, la frustration culturelle était – et serait – l’une des plus cruelles. Où que l’on se tourne, les exemples ne manquent guère. Frustration des sujets producteurs de culture pour préciser les choses car, évidemment, en tant que sujets récepteurs, nous n’avons que l’embarras du choix. Ainsi on aboutit à une situation où des gens cultivés et intellectuellement formés ne peuvent pas trouver leur juste place dans la société. S’ils travaillent, c’est avec le sentiment d’être sous-employés et de ne pouvoir donner le meilleur d’eux-mêmes. « Ilotes des mots » - selon l’expression du philosophe Georges Steiner - ils se sentent condamnés à jouer les éternels bouche-trous. En ce sens, on peut mettre en parallèle leur condition avec celle des nombreux intérimaires auxquels recourt le monde industriel.

Cet état de choses pour le moins vicié a fini par trouver un peu d’écoute. Le terme « intello précaire » a reçu son aval médiatique suite à la publication, voici quelques années, d’un rapport édifiant sur cette forme de pauvreté. Quant au Syndicat national des Journalistes, il continue, via Internet, à faire un important travail d’information sur les droits des pigistes, publiant au besoin des jugements rendus dans des affaires qui les opposaient à leurs employeurs. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres et les changements propres à revaloriser cette profession incertaine tardent à venir.

Jacques LUCCHESI

6 - école publique

1 - Place des stéréotypes et des discriminations dans les manuels scolaires

Motion sur le rapport publié par la HALDE

Le Comité de l’APL, réuni le 22 novembre 2008, a pris connaissance avec stupeur et indignation du rapport intitulé Place des stéréotypes et des discriminations dans les manuels scolaires, réalisé pour le compte de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Égalité. Entre autres exemples, elle relève dans ce rapport les remarques regrettant que parmi les écrivains cités dans les manuels de français le nombre des femmes soit très inférieur à celui des hommes (p. 97 sqq.), ou bien qu’un poème tel que « Mignonne, allons voir si la rose… » « véhicule une image somme toute très négative des seniors » (p. 181).

  1. L’APL dénie à toute autorité politique le droit de censure sur le contenu scientifique des manuels scolaires, en matière d’histoire littéraire comme dans les autres domaines. Ce que la HALDE appelle stéréotype dans les manuels n’est critiquable que quand il est contraire à l’exactitude scientifique.
  2. Elle rappelle que la formation de l’esprit critique, vocation essentielle de l’école, implique qu’on arme l’enfant face à la réalité en l’amenant à la voir telle qu’elle est et telle qu’elle a été, et non pas qu’on le trompe en la remodelant en fonction d’un idéal. Si les femmes sont peu nombreuses parmi les auteurs, comme parmi les personnages politiques des siècles passés, cela tient à l’asservissement dans lequel elles ont été longtemps tenues, ce qui est un fait indéniable.
  3. Quand bien même certains textes véhiculeraient des stéréotypes contestables, il est utile que l’enseignement des lettres, consistant pour une bonne part dans la discussion critique, les porte à la connaissance des élèves, ne serait-ce que pour les en prémunir.
  4. Elle souligne le fait que, si l’on supprimait des manuels de lettres tous les textes donnant de le vieillesse une image défavorable, on devrait par exemple interdire l’étude de L’Avare ou du Malade imaginaire. Elle rappelle que la critique des vieillards a été un des thèmes à travers lesquels s’est exprimée dans l’histoire la libre pensée, tout comme la critique de certaines catégories professionnelles comme les médecins, ou comme celle des religions.
  5. Plus généralement, elle rappelle que le droit à la critique, quand il ne tombe pas sous le coup de la loi, est inhérent à la démocratie et qu’un régime qui interdirait l’expression de toute opinion de nature à déplaire à telle ou telle catégorie de personnes (ce qui n’a rien à voir avec une discrimination réelle, par exemple quand il s’agit d’obtenir un emploi ou un logement), ne serait qu’une tyrannie qui, en ce qui concerne l’école, prétendrait conditionner la jeunesse à un conformisme intellectuel, moral et politique qui est tout le contraire de sa vocation.

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L'APL ASSOCIATION DES PROFESSEURS DE LETTRES
www.aplettres.org

7 - à lire, à voir ou à écouter

1 - Qu’est-ce que l’intégration ? de Dominique Schnapper

Dominique Schnapper nous retrace dans son ouvrage, Qu’est-ce que l’intégration ? (éd. Gallimard, Paris, 2007) à travers notamment de travaux sociologiques pionniers et fondateurs, l’évolution de cette question sensible, et les deux synonymes, intégration et assimilation, qui la désignent.

Il s’agit d’abord du livre, le Paysan polonais, de William Thomas et Florian Znaniecki, de l’École de Chicago (1920-1935). Ce livre montre que les déviances sociales dans les milieux immigrés polonais (violences, taux élevés de divorces et de délinquance de leurs enfants, etc.) aux États-Unis d’Amérique ne sont pas dues à leur émigration dans ce pays, mais à la crise de leurs valeurs paysannes en Pologne qui les a forcés à émigrer. Ils se sont trouvés dès lors moralement fragilisés dans la société d’accueil, dont ils ignoraient de surcroît les valeurs. Il leur fallait donc une phase de transition avant de s’intégrer. C’est ainsi qu’ils vivaient à l’écart du reste de la population et dans les mêmes quartiers, où ils reproduisaient leur ancien mode de vie. Les deux auteurs ont conclu que ce regroupement communautaire ne constituait pas un quelconque obstacle à leur assimilation, mais une étape nécessaire et inévitable à cette assimilation.

Pitirim Sorokin, de la même École, a réalisé une avancée notable dans l’étude de cette question, en montrant l’existence de deux modes nécessaires et complémentaires d’intégration des immigrés : l’assimilation culturelle, qui est l’adoption par eux des principes, des valeurs et des normes de leurs sociétés d’accueil, et l’assimilation structurelle (ou sociale), à savoir l’intensité des rapports qu’ils entretiennent avec les diverses instances de leur nouvelle société : lieu de travail, milieu familial, activité citoyenne, contacts avec la population autochtone, etc.

Louis Wirth, autre membre de cette École, indique quant à lui, dans son célèbre ouvrage, le Ghetto (1920-1930), que les immigrés juifs aux États-Unis d’Amérique s’étaient d’abord regroupés dans un même espace géographique autour d’une synagogue et où ils reproduisaient eux aussi leurs propres traditions communautaires. Mais leurs descendants adultes quittaient le ghetto, car ce dernier ne pouvait plus répondre à leurs nouvelles aspirations sociales. Car ils s’étaient imprégnés de la culture états-unienne à l’école et avaient connu une promotion sociale bien plus élevée que celle de leurs parents. La principale conclusion à laquelle est parvenu cet auteur est que les ghettos, qui existaient alors dans toutes les villes des États-Unis d’Amérique et qui abritaient séparément chacune des communautés, étaient vus par leurs membres, généralement pauvres ou de conditions sociales modestes, comme le moyen de s’assurer un minimum de protection matérielle et morale. Ils ne constituaient donc pas (au début) un obstacle à leur assimilation. Ils sont, bien au contraire, la condition nécessaire- en tant qu’étape et moyens- de cette assimilation.

Cependant, deux livres, publiés aux débuts des années 1960, ont opéré une rupture d’avec la conception normative de l’intégration en vigueur jusque-là, et qui se définit comme le dépouillement progressif des populations immigrées de leurs caractéristiques ethniques et leur adoption des valeurs de la société d’accueil. Il s’agit de Beyond The Melting Pot de Nathan Glazer et Patrick Moynihan, et de Assimilation in Américan Life, de Milton Gordon.

Pour les deux premiers sociologues, le regroupement communautaire des étrangers dans la société états-unienne, n’est ni une étape, ni un moyen d’intégration, ni une survivance temporaire, mais le produit naturel et permanent de la société états-unienne. Les partisans de cette vision ethniciste de l’intégration, et de son corollaire le différencialisme, vouèrent alors aux gémonies et marginalisèrent la conception universaliste de l’intégration.

C’est pourquoi, les termes intégration et assimilation avaient été fortement contestés aussi par les populations immigrées, à cause de leur sens implicite supposé (désintégration, inassimilés à la collectivité nationale...) et leur rangement parmi les populations marginalisées (délinquants, pauvres...) Ces deux notions sont également accusées de désigner le mécanisme de destruction de leurs identités d’origines. Pour la génération des chercheurs des années 1960-1985, la question de l’intégration est seulement ou avant tout celle des discriminations subies par les populations immigrées dans leur accès aux droits civiques et sociaux.

Le second livre reprend et enrichit, quant à lui, la théorie de Sorokin sur les modalités d’intégration des immigrés. Il n’y a pas non plus selon lui forcément concordance entre assimilation culturelle et assimilation structurelle. Il en veut pour preuve les Afro-Américains, qui vivent depuis des siècles dans ce pays, qui sont parfaitement assimilés culturellement, mais qui ne l’étaient pas structurellement, à cause du racisme, dont ils avaient été victimes. C’est également le cas de leurs compatriotes juifs, mais dans une situation inverse : leur parfaite ascension économique et assimilation des valeurs états-uniennes contrastaient avec leur faible assimilation sociale, notamment par des mariages endogamiques.

Dans les années 1980-1990, des débats ont opposé en France, d’une part « intégrationnistes », partisans d’une intégration républicaine et universaliste des migrants, et d’autre part « multiculturalistes » prônant, sous l’influence des chercheurs « communautariens » états-uniens et canadiens, la prise en compte non seulement dans la sphère privée, mais aussi dans la sphère publique (État et collectivités locales), des cultures d’origines des migrants, gage selon eux d’une meilleure intégration.

Cela n’a pas empêché chercheurs et pouvoirs publics de conserver le terme d’intégration, mais d’abandonner celui d’assimilation, trop connoté, qu’ils employaient concurremment avec le premier, et que leurs homologues états-uniens ont conservé. Ces chercheurs se sont également mis d’accord sur le fait de considérer que l’intégration n’est pas un « état », mais un processus ; que ce processus peut prendre diverses modalités et que le décalage entre l’intégration culturelle et l’intégration structurelle peut être source de déviances sociales.

Les enquêtes Mobilité géographique et insertion sociale (MGIS, 1992), dirigée par Michèle Tribalat, et l’enquête (EFFNATIS, 1999-2000) menée dans trois pays européens (France, Allemagne et Grande-Bretagne) font toutes deux états de l’intégration croissante des populations immigrées et de leurs enfants dans leurs pays d’accueil, que ce soit en matière de mariages mixtes, de taux de natalité, de mode de consommation et de loisirs, de la fréquence de l’usage et de la maîtrise de la langue locale, et du faible emploi de la langue d’origine, de l’intensité des relations sociales extra-communautaires, de participation citoyenne, etc.

Hakim Arabdiou

2 - L’espace géographique comme lutte des classes

Première traduction française des travaux du géographe américain David Harvey, qui étudie la dimension spatiale de la domination capitaliste.

Géographie de la domination, de David Harvey, traduction N. Vieillescazes, Éditions les Prairies ordinaires, 2008, 12 euros.

Le capitalisme est un système pétri de contradictions fatales, et pourtant, il perdure. Si ce mode de production parvient à dépasser ou à retarder ses crises, c’est notamment, nous dit Harvey, grâce à ses ruses géographiques, à son incroyable capacité à se déplacer et à réorganiser ses espaces. On pense bien sûr aux délocalisations d’entreprises, mais c’est là seulement un cas de ce qu’Harvey appelle des manœuvres de « montage spatial » (en anglais, « spatial fix »), c’est-à-dire des solutions de fortune pour répondre à une crise structurelle, des bricolages consistant à changer d’espace pour gagner du temps.

Harvey reproche aux économistes d’avoir largement négligé la dimension spatiale des phénomènes qu’ils étudient. L’espace n’est pas un simple contenant, un cadre extérieur dans lequel se déroulerait la vie économique. C’est aussi son objet même. Obstacle aux déplacements en même temps que lien entre les lieux, l’espace géographique fait l’objet d’intenses modifications. Il est lui-même historiquement produit. L’histoire du capitalisme apparaît ainsi comme une incessante diminution des temps de déplacement grâce aux moyens de communication, ce que Marx décrivait comme l’« annihilation de l’espace par le temps ». Mais ce processus de contraction spatio-temporelle est gros de contradictions. Si le capital circule et organise sa propre mobilité, il lui faut pour cela s’ancrer, s’immobiliser dans de lourdes et coûteuses infrastructures, qui permettront elles-mêmes à leur tour la fuite des capitaux qui avaient justifié leur implantation. C’est cette tension fondamentale entre la fixité des lieux et la mobilité spatiale accrue du capital qui explique la grande instabilité des paysages géographiques contemporains.

En contexte de crise, la question se pose de savoir quelle région, quelle aire géographique devra en subir les effets dévastateurs. Il y a aujourd’hui, outre la lutte des classes, une lutte des espaces ou des territoires, une compétition entre espaces régionaux, dont l’enjeu est l’exportation du chômage ou de l’inflation. En étudiant la géographie du commerce des vins - dans de beaux passages de son texte sur « l’art de la rente » qui font immanquablement penser au film Mondovino -, Harvey montre comment les régions cherchent à se doter d’un « capital symbolique collectif » centré sur leur identité propre afin d’attirer des capitaux. Barcelone, par exemple, a su, au moment des JO de 1992, valoriser en espèces sonnantes et trébuchantes son « capital symbolique collectif » constitué des bâtiments de Gaudi et du charme inimitable de ses Ramblas.

Autre paradoxe donc : alors même que la mondialisation marchande tend à l’homogénéisation des choses et à la « disneyfication » des lieux, elle promeut aussi de façon contradictoire certaines particularités locales ou spécificités culturelles dans l’espoir d’en retirer des « rentes de monopoles ». Dans cette logique, le marché opère une valorisation paradoxale de l’unique, de l’authentique, du particulier - autant de dimensions de la vie sociale qui sont tendanciellement incompatibles avec l’homogénéité que présuppose la production marchande. Au sein de ces espaces - et notamment au sein des lieux culturels et artistiques instrumentalisés par les nouvelles instances de « l’entrepreneurialisme urbain » - peuvent donc aussi naître de nouvelles formes de résistance, prometteuses à condition qu’elles refusent de s’enfermer dans le particularisme étroit et mercantile qui leur est assigné : « Le problème des mouvements oppositionnels est de savoir utiliser la validation du particulier, de l’unique, de l’authentique, des significations culturelles et esthétiques de façon à ouvrir des alternatives et des possibilités nouvelles. »

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Grégoire Chamayou philosophe

8 - International

1 - Max-Jean Zins « L’Inde est entrée dans une ère insurrectionnelle »

Ce spécialiste de l'Inde a présenté un exposé sur le développement de l'économie capitaliste de marché dans ce pays au cours du colloque international coorganisé, mi-novembre dernier à Paris, par la revue marxiste la Pensée, la Fondation Gabriel-Péri et la Fondation allemande Rosa-Luxembourg.
LA Rédaction

Quelles sont les raisons profondes de cette explosion de violence à Bombay ?
Max-Jean Zins[1].
Les problèmes viennent de très loin et ont entamé la figure de la laïcité indienne. Il faut remonter à la fin des années 1970, lors de la promulgation de l’état d’urgence par Indira Gandhi. Elle avait alors pris des mesures qui, limitant les libertés, avaient semé les premières inquiétudes dans la communauté musulmane en tant que minorité de l’Union indienne. La lutte menée contre les Sikhs la décennie suivante a conforté cette inquiétude. Plus tard, Rajiv Gandhi a porté un autre coup à la laïcité en adoptant des lois favorables aux rigoristes musulmans et hindous. Cette approche des relations intercommunautaires qui laisse une large place à la religion a bousculé la nature du pouvoir politique. Ce changement lent mais très profond s’est concrétisé par la victoire du Parti nationaliste hindou le BJP en 1998. Ce n’était qu’une étape dans la résurgence du nationalisme hindou.

Quelle en ont été les retombées pour la communauté musulmane ?
Max-Jean Zins.
La méfiance entre communautés s’est aggravée surtout après les terribles massacres de musulmans en 2002 dans l’État du Gujarat, qui ont fait plusieurs centaines de victimes, on parle même de plus de 2000. Le BJP au pouvoir jusqu’en 2004, a couvert, sinon impulsé, ces émeutes meurtrières sous la houlette de Narendra Modi, le premier ministre du Gujarat qui a été réélu en décembre 2007.
Ce champion de la cause hindoue est un dangereux extrémiste. Il développe un discours sécuritaire haineux qui alimente les conflits communautaires et il entend désormais jouer un rôle national. Dans un tel climat, la communauté musulmane est renvoyée à un statut de minorité, de citoyens de seconde zone. Ou, du moins, se perçoit-elle ainsi. Un certain nombre de ses jeunes cèdent aux sirènes du radicalisme, influencés par les mouvements islamiques régionaux comme en Afghanistan et au Pakistan, dans un climat croissant d’anti-occidentalisme.

Que vous inspire ce nom de « Moujahidin du Deccan » ? Pensez-vous qu’il existe des ramifications avec les voisins de l’Inde ?
Max-Jean Zins.
L’identité exacte des responsables reste pour le moment un mystère. Mais la menace du terrorisme à motivation islamiste devient plus complexe que ce qu’elle semblait être il y a quelques années, quand les dirigeants pouvaient accuser soit le Pakistan, soit le Bangladesh, d’être des incubateurs de mouvements terroristes. L’arrestation, en mars, de plusieurs chefs du groupe indien islamiste Students Islamic Movement of India (SIMI), impliqué dans l’attentat contre le réseau des transports publics à Bombay en 2006, témoigne de la radicalisation dont je parle plus haut. Pour l’heure, la quasi-totalité des Indiens musulmans est restée imperméable aux arguments de l’extrémisme. Orchestré par la droite hindoue et amplifié par les médias, un même refrain sur le « terrorisme islamique » se fait entendre. Ce qui signifie pour elle que c’est la question musulmane dans son ensemble qui pose problème aujourd’hui au sein de l’Union indienne.

Les Chrétiens ont aussi été victimes du nationalisme hindou...
Max-Jean Zins.
En aout dernier, il y a eu des tueries de chrétiens en Orissa. Plus de 600 églises ont été détruites, 4 000 chrétiens ont été contraints de s’enfuir de leurs villages. Au moins 25 d’entre eux ont été tués. C’est une marque supplémentaire dans la politique du BJP et de ses alliés, visant à asseoir la suprématie nationale hindoue.

L’Inde est-elle en voie de déstabilisation ?
Max-Jean Zins.
Elle est tout au moins entrée dans une ère insurectionnelle. Il y a ces attaques à Bombay mais ces derniers mois il y a eu résurgence de l’insurrection maoïste dite des naxalistes. Elle s’étend désormais à 14 des 28 États de l’Inde. C’est une véritable guérilla capable de mener des opérations militaires dans des villes pour s’emparer d’armes. Ce fut le cas en février dernier avec la cité de Nayararh, l’une des plus importantes de l’Orissa. En 2006, le premier ministre Singh a reconnu que les naxalistes étaient devenus « le défi interne le plus grand pour la sécurité de l’Inde ». Il faut dire qu’il s’appuie sur l’immense pauvreté de millions d’Indiens vivant dans la misère absolue.

Des élections législatives doivent avoir lieu en mai 2009. Qu’en sera-t-il ?
Max-Jean Zins.
Le BJP va certainement en tirer parti. Depuis juillet dernier les communistes ont retiré leur soutien au gouvernement Singh pour cause de signature d’accord sur le nucléaire civil avec les États Unis. Il faut aussi compter avec la crise économique qui frappe durement le pays en dépit des déclarations optimistes. La coalition au pouvoir menée par le parti du Congrès est confrontée à des pressions croissantes pour juguler l’inflation qui, avec un taux de 11 %, a atteint son plus haut niveau depuis treize ans.

in L'Humanité du 28 novembre 2008

Notes

[1] Max-Jean Zins, chercheur au Centre d’étude de recherches internationales (CERI/CNRS), spécialiste de l’Inde et du sous-continent indien, analyse les raisons profondes des événements de Bombay.

Dominique Bari

2 - Amos Oz et d’autres appellent à la constitution d’un nouveau parti de gauche

Sources : Ha’aretz, passim
Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant

"J’espère que le mouvement de gauche élargi deviendra une alternative au Parti travailliste", a déclaré Amos Oz dimanche. "Le rôle historique du Parti travailliste est terminé, il ne présente plus aucun programme et rejoint n’importe quelle coalition." Amos Oz a fait partie d’une trentaine d’intellectuels et de personnalités présents à la conférence de presse qui annonçait le lancement de ce nouveau parti.

Parlant du refus d’Ehoud Barak, président du Parti travailliste, de s’engager à ne pas faire alliance avec une coalition dirigée par le leader du Likoud Benjamin Netanyahou, Amos Oz a encore ajouté : "Pendant des années, il y a eu un fossé énorme entre les paroles et les actes du Parti travailliste." Il espère que le potentiel électoral de ce nouveau mouvement pourra se traduire à la Knesset, en réunissant le Meretz, d’ex-travaillistes, des écologistes, les électeurs de Dov Khenin (candidat communiste battu, mais avec un excellent score, aux élections municipales de Tel Aviv), des religieux de la mouvance Reform et des Arabes.

Ce nouveau parti n’a pas encore de nom officiel. Compte tenu du désir de changement de nombre de ces nouveaux soutiens, le nom "Meretz" sera réévalué dans les prochains jours. La crainte, alimentée par les sondages, est que de nombreux électeurs de gauche préfèrent voter pour Tzipi Livni et le Kadima de centre droit, qui apparaît aujourd’hui comme la seule alternative crédible au Likoud de Benjamin Netanyahou et comme engagée sur la voie de la négociation avec les Palestiniens.

Parmi les personnalités présentes à la réunion de vendredi dernier, on comptait, outre Amos Oz, Uzi Bar’am, ancien ministre travailliste, Gilad Sher, ancien conseiller diplomatique de Barak, Mordekhai Kremnitzer, professeur de droit à l’Université Hébraïque de Jérusalem, Avraham Burg, ancien président (travailliste) de la Knesset et Tzali Reshef, l’un des fondateurs de Shalom Arshav (La Paix Maintenant) et ancien député.

D’autres soutiens au nouveau parti sont attendus, comme ceux de l’ancien ministre travailliste Shlomo Ben Ami et du romancier David Grossman. Quant à Ami Ayalon, récent démissionnaire du Parti travailliste, qui a négocié avec le Meretz, il préfère rejoindre, soit le parti Meimad (petit parti religieux traditionnellement allié aux travaillistes), soit Kadima.

La Paix Maintenant www.lapaixmaintenant.org

Agenda

samedi 6 décembre 2008, 10:00

CRISE FINANCIERE ET ENVIRONNEMENT

101 rue de l’Université, 75007 Paris
Assemblée nationale
Inscription obligatoire

« Vers une écologie sociale et solidaire »
ou comment stopper le néolibéralisme pour imposer de véritables politiques environnementales et sociales

Colloque organisé par le Mouvement politique d’éducation populaire (M’PEP)

Intervenants :

Sous la présidence de Monsieur François ASENSI, député de Seine-Saint-Denis.

PROGRAMME ET BULLETIN D’INSCRIPTION

mardi 9 décembre 2008, 19:00

"Laïcité & Communautarisme"

Restaurant Le Châlet des Pommiers
CD 2 (Chemin Départemental 2)
Camp Major
13 Aubagne
tél. 04 42 03 12 06

par J.-François Noyes, conseiller général de Marseille

15€ + boisson

Réservation OBLIGATOIRE
Contact:

midi@ufal.fr - tél. 06 19 58 40 84 - www.ufal.fr

mardi 9 décembre 2008, 20:00

« La séparation des Eglises et de l’Etat aujourd’hui »

Amphithéâtre DONZELOT,
Faculté des Lettres
Besançon

La LIGUE des DROITS de l’HOMME
Section de BESANÇON

Vous invite à célébrer
le 103ème anniversaire de la loi relative à la séparation des Eglises et de l’Etat

avec

Henri PENA RUIZ

mercredi 17 décembre 2008, 20:00

RESISTER ET AGIR !

Centre Culturel Jacques Franck
Chaussée de Waterloo 94
1060 Saint-Gilles

Fraternité ! Les rencontres de la laïcité, de l’égalité et de la mixité. Thème 2008 : RESISTER ET AGIR !

Sous la présidence de Pierre Efratas, écrivain.

Une initiative du Réseau d’Action pour la Promotion d’un Etat Laïque (RAPPEL), du Comité belge Ni Putes Ni Soumises, et du Centre Communautaire Laïque Juif (CCLJ), réalisée dans le cadre du Parcours de la Diversité de Saint-Gilles. Sous le Haut Patronage de l'Université Libre de Bruxelles (ULB). Avec le soutien de Mme Françoise Dupuis, Ministre et Membre du Collège de la COCOF, le Collège de la Commission Communautaire française, et le Service de l’Education permanente de la Communauté française.

Présentation des sujets :

Novembre 1958 : Pacte scolaire. Novembre 2008 : vers un nouveau pacte philosophique ? A observer l’actualité récente (offensive créationniste dans l’enseignement et les sciences, tentatives d’immixtion de la sphère religieuse dans la sphère de l’Etat, traditions qui enferment, régression de la mixité dans l’espace public et le monde hospitalier…), il apparaît urgent non seulement de résister, mais aussi d’agir tou/te/s ensemble pour fixer un nouveau contrat social et définir un nouveau vivre ensemble démocratique. Car chacune et chacun voit bien que le statu quo est devenu à la fois de plus en plus improductif et de plus en plus impraticable.

C’est pourquoi, cette année, les rencontres « Fraternité ! » aborderont ces problématiques très concrètes en proposant des analyses de la situation et des pistes d’action.

Voilà autant de questions essentielles au cœur d’une Europe traversée par les mêmes interrogations…

fratgeerts

Voir l'agenda complet en ligne

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