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ReSPUBLICA, le journal de la gauche républicaine

n°561 - mercredi 26 septembre 2007

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27, rue de la Réunion
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1 - chronique d'Evariste

1 - Ligne de Respublica : une nouvelle gauche, républicaine et laïque.

A l'aube d'une gauche nouvelle, Respublica réaffirme sa ligne héritière d'une tradition républicaine et laïque, ancrée résolument dans les idéaux héritiers de la tradition de la pensée française depuis 1789. En conséquence de quoi, la lutte contre le néolibéralisme et toutes les politiques qui le soutiennent est une priorité ; comme il est une priorité de mettre en lumière les effets dévastateurs de ce système économique, car seule la mise à nu, l'explication et la compréhension des mécanismes permettent la conscience et l'action politique qui sont des marques indiscutables des citoyens de notre pays.

La défense de la Laïcité passe par le respect de la stricte séparation entre la sphère privée et la sphère publique et sur le fait que nulle loi liberticide ne doit venir s'attaquer ou entraver l'intimité de la pensée, la liberté de conscience et d'expression, le libre usage de son corps. A cet égard, la distinction entre les différentes formes de laïcité est essentielle. Il n'est pas question pour Respublica d'accepter une laïcité dite « ouverte » ou « libérale », ainsi qu'une vision communautariste de la société. La laïcité permet l'égalité de tous les citoyens devant les lois de la République, ce que la logique communautariste ne reconnaît pas. De même, la République doit être le garant de la séparation entre sphère privée et sphère publique, car c'est parce que cette séparation existe qu'alors des institutions comme l'école, les hôpitaux et tous les biens communs mis au service des citoyens peuvent fonctionner pour tous, de manière égalitaire, sans avoir à subir dans leur fonctionnement des prises de positions qui relèvent uniquement de la sphère privée (que celle-ci émanent de convictions d'origines religieuses ou d'une autres éthiques de vie).

Sur le plan politique, le bouleversement engendré par le néolibéralisme n'est pas que social et économique, il est fondamentalement culturel et éthique. Avec ce modèle économique dominant déferlent sur nous les valeurs qui l'ont engendré, qui lui sont fondatrices et qui animent les libéraux anglo-saxon : visions de l'individu, de son rapport au monde et à la société. C'est parce qu'elle remet en cause nos valeurs de vie sur tous ces plans que la morale anglo-saxonne est dangereuse pour notre pays et que le libéralisme détruit notre société et les individus qui la composent. De toute son histoire, l'orientation de la politique française n'a jamais été autant tournée vers une destruction de nos valeurs et l'embrassement des valeurs anglo-saxonnes.

Face à un choc culturel et éthique tel que celui-ci, la simple refonte sur le plan politique et social est une réponse bien trop faible. A cette attaque en règle des valeurs qui sont les nôtres, la réaction de la gauche ne peut faire l'impasse d'une remise en cause de ses valeurs fondatrices et de sa manière d'agir. Dans ce contexte de réaction face à l'oppression néolibérale, Respublica aura pour soucis de contrer les changements de valeurs opérés, d'en montrer les ressorts et les enjeux, d'opposer à ces valeurs d'autres référents identitaires, porteurs des idées républicaines laïques et sociales de gauche.

Sur le plan d'un réarmement idéologique vers la fondation d'une gauche nouvelle, deux écueils sont à éviter :

Dans le cadre d'une reconstruction de la gauche, Respublica militera sur plusieurs plans : Le journal militera pour l'édification d'une pensée où oeuvrent toutes les traditions fondatrices de la gauche française, car seule une telle logique est à même de produire une idéologie capable de pacifier les divergences, de créer une réelle unité d'action, et de ramener les rancunes intestines au rang de parasites rétrogrades.
Respublica entend promouvoir et encourager les idées novatrices sur les plans politiques, économiques, mais aussi culturels et éthiques : usage de nouveaux penseurs non plus comme référents secondaires mais comme véritables piliers fondateurs ; usage de la tradition de la pensée française et des valeurs qui lui sont propres ; prise en considération de l'individu ; féminisme et identité masculine ; égalité des citoyens ; conception de la justice et institutions ; écologie et représentation du monde ; éducations ; rapports à la société ; communication, psychologie et média ; usage personnel du corps et bioéthique. Dans le cadre de la République sociale et laïque, tout ce qui relève de la pacification du rapport au monde, à autrui et à soi-même, en tant que citoyen, est directement profitable à la société. Aucune société ne perdure là où les valeurs culturelles et éthiques proposées conduisent à des rivalités fratricides, et où le fonctionnement social a pour conséquence le mal être des individus. C'est pourquoi Respublica défend la laïcité et refuse la logique d'un prétendu « choc des civilisations » qui liguerait un « occident chrétien » contre un « monde islamiste », intégriste par nature. A elle seule, cette doctrine illustre la logique de fond de la culture et de l'éthique anglo-saxonne libérale : obscurantisme et vulgarité de pensée. La République laïque française s'est élevée non dans les guerres de religions, mais dans sa capacité à opposer le progrès, d'où qu'il vienne, face à l'obscurantisme, la fraternité face à la méfiance, le savoir face à la bêtise, l'effort de pacification face aux esprits belliqueux et craintifs. C'est pourquoi la défense de la République passe inévitablement par l'émancipation du savoir, la défense de la laïcité et la construction de la paix.

La République est une audace, un pari, un grand acte de confiance. Elle repose sur une mise en commun d'efforts, d'énergies, pour que chaque citoyen qui la compose puisse recevoir les fruits de son investissement en paix, en sérénité de vie avec autrui, en assurance qu'il a d'avoir à sa disposition des moyens légaux et respectueux pour bâtir le parcours individuel qu'il aura choisi pour sa vie. La République de 1789 a été un tel souffle précisément parce qu'elle a ouvert la possibilité d'une nouvelle forme de société aux individus. La Gauche républicaine ne relèvera le défi qui lui est posé qu'à la condition de s'inscrire dans la logique de cette tradition. Aujourd'hui, une guerre culturelle et éthique est engagée entre nos valeurs, porteuses de la République, et les valeurs anglo-saxonnes, porteuses de la vulgarité néolibérale. Entre ces deux systèmes, un seul peut avoir la suprématie en un même lieu. La France de notre époque sera le théâtre de cet affrontement. C'est tout l'enjeu de la nouvelle gauche, et c'est dans ce cadre que s'inscrira la ligne de Respublica.

Évariste Pour réagir aux articles,
écrire à evariste@gaucherepublicaine.org

2 - La vie de l'association "les Amis de ReSPUBLICA"

1 - Appel pour le financement de Respublica.

Les capacités extraordinaires d'internet à établir les communications et le transfert d'informations, ont eu pour effet secondaire de laisser croire que le fonctionnement d'un journal pouvait désormais sortir d'une logique de financement et entrer dans le domaine d'une gratuité absolue. Hélas, ce n'est pas le cas. Dans une association comme celle des « Amis de Respublica », dont dépend le journal, le travail a jusqu'alors exclusivement reposé sur des bénévoles.

Si les taches de militantisme et d'information, de lecture et d'écriture, doivent absolument rester bénévoles afin de garantir le non intéressement des intervenants, d'autres taches doivent nécessairement faire l'objet de rémunération. Ces taches sont liés à l'informatique (machines, locations des serveur, maintenance et actualisation) et à l'assistance de rédaction (mise en page, relecture et correction du journal avant publication). Dès à présent, ces taches vont être professionnalisées au sein de Respublica. Plusieurs raisons à cela. D'abord afin ne plus demander à des personnes disposant de « temps libre » (retraités, personne en recherche d'emploi ou à temps partiel) de supporter cette charge ; ensuite, parce que l'investissement des personnes impliquées au sein de Respublica doit être mobilisée au maximum vers la production d'articles et la collecte d'informations, et non vers des taches de supports.

Cette démarche de professionnalisme a été l'objet d'un débat interne qui a mis en évidence les limites qu'induit un fonctionnement purement bénévole sur la qualité et la continuité du journal. La rédaction de Respublica lance donc un appel aux dons auprès des lecteurs pour subvenir aux besoins structurels du journal qui, malgré les facilités qu'offrent internet, ne peuvent être réduits à rien. La production d'informations, si elle vise un minimum de qualité, peut certes être réduite grandement, mais ne peut pas être amenée à une absence de dépense.
La somme pour une année de fonctionnement est de 6 000 euros, une somme peu importante en regard des frais colossaux d'un journal papier, et en regard de la liste de diffusion de Respublica qui compte plus de 25 000 personnes. Pour schématiser, il suffit que 1 000 abonnés soucieux de la pérennité de leur journal versent chacun 6 euros (ce qui n'empêche surtout pas de donner plus, le don moyen à Respublica étant de 35€) pour assurer une année de fonctionnement et de développement à Respublica. Les retombées de cette structuration du journal seront une plus grande régularité, une meilleure lisibilité et davantage de richesse dans la publication, autant de points qui nous tiennent à coeur et qui nous paraissent essentiel pour la ligne de ce journal.

Pour nous aider, reportez vous à notre rubrique "soutenir le site" pour les détails pratiques ou ici pour les dons en ligne. Sinon vous pouvez envoyer vos chèques au Amis de Respublica, 27 rue de la réunion, 75020 Paris.

Par avance merci à tous, vous serez informés numéro après numéro de l'avancée de cette campagne de don.

ReSPUBLICA

3 - politique française

1 - Quand le gouvernement Sarkozy brade le logement social

Le 68ème congrès de l’Union Sociale pour l’Habitat a été animé par un véritable show ministériel orchestré par la populiste Christine Boutin, vedette cathodique qui tenait à afficher un leadership “sur le terrain”. Le ministère du logement s’est en effet propulsé à Lyon pendant dix jours, sur la place Bellecour, dans des préfabriqués installés autour d'une tente centrale pouvant accueillir 300 personnes. Sous le chapiteau central se sont tenus des "Réunions de chantier" et ont rassemblé les trente principaux acteurs de la construction de logements en France. La Caisse des dépôts et consignations, l'Union nationale de la propriété immobilière ou l'Agence nationale pour l'habitat ont fait parti de la discussion.

Le shopping lyonnais d’une combattante antisociale

Dès lundi, Christine Boutin s’est rendu à l'association Habitat et Humanisme fondée par le père Bernard Devers qui vise à réinsérer durablement les plus démunis... Le mardi était consacré aux œuvres de l'artiste graphiste Miss-tic, auteur de graffiti poétiques qui s'expriment sur les murs des grandes villes, aux côté de Christine Albanel, ministre de la Culture. Mme Boutin se révèle être aussi une amatrice d’art contemporain à ses heures ! Accompagnée de Fadela Amara, secrétaire d’Etat à la ville et valeur sûre des “cités” lorsqu’elle se lâche en langage branché banlieusard, la ministre Boutin s’est rendue au centre-ville rénové de Vaulx-en-Velin le vendredi. Le maire socialiste de Lyon, Gérard Collomb, dirigeait la visite des Grands Projets de la Ville, comme les grands chantiers d'urbanisme comme la construction du nouveau quartier du Confluent en centre-ville, ainsi que la rénovation du quartier de la Duchère.

Objectif Boutin : faire appliquer le programme Sarkozy

La question épineuse de la vente de 40 000 logements sociaux par an à leurs locataires sur un parc de 4 millions, à savoir 1% du patrimoine des HLM, a mis en désaccord le gouvernement et l’Union sociale pour l’habitat (USH), qui regroupe tous les organismes HLM. Les dirigeants de l’USH, présidée Michel Delebarre, maire PS de Dunkerque, avaient préalablement tenté de négocier un accord au sujet de ces ventes auprès du ministère de la Ville quelques semaines auparavant. Aucun accord n’avait pu être engagé, les différentes composantes de l’Union Sociale n’ayant pas les mêmes objectifs en ce qui concerne l’habitat. Les sociétés anonymes des HLM, reliées au monde de l’entreprise et propriétaires de deux millions de logements, s’associent sans restriction aux 40 000 ventes prévues par le gouvernement Sarkozy, tandis que les Offices dirigés par les élus locaux restent préoccupées par les quelques 1,3 million de demandeurs de logements dans le pays… La Confédération nationale du logement (CNL), première association de locataires, s'est insurgée pendant l’Assemblée Générale de Lyon : “Ce qui est à l'ordre du jour, ce n'est pas d'enlever des logements sociaux mais d'en ajouter !” Pour la CGL (Confédération générale du logement), la vente massive revient à “tuer dans l’œuf l’idée même du droit au logement opposable” : à partir du 1er décembre 2008 où la loi sera effective, les besoins immédiats de logements à prix abordables vont systématiquement augmenter puisqu’ils concerneront quelque 600 000 à 800 000 personnes prioritaires… Cet objectif de vendre 40 000 logements sociaux à leurs locataires étant inscrit dans le programme du candidat Sarkozy, C. Boutin est prête à légiférer pour contraindre les HLM à appliquer le processus de privatisation de l’habitat social. Au mépris de l’utilité publique du logement social et du droit des offices HLM à la propriété de ces logements.

La poudre aux yeux du répit

Fort est de constater qu’aucune disposition n’a été prise pour qu’il y ait plus de logements disponibles, malgré la crise qui traverse le pays. Autant dans le parc social que dans le privé où les prix sont à la hausse. L’augmentation des loyers et des charges, résultante de la Loi de Robien, se conjugue avec une pénurie du foncier, d’où de graves problèmes d’accès au logement dans un contexte national de difficultés économiques (chômage, précarité…) et de changements sociologiques profonds (maintien des personnes âgées au domicile, familles monoparentales …). La situation est d’autant plus paradoxale qu’il existerait près de deux millions de logements vacants en France ! Christine Boutin a joué la carte paternaliste : “Ici c’est une grande famille. Je n’ai pas envie de bloquer l’ensemble de la démarche”, a-t-elle expliqué à l’issue du congrès. Chacun des partis va donc se donner le temps de trouver des terrains d’entente. Michel Delebarre a posé des conditions quant aux objectifs gouvernementaux : accord du maire en cas de vente dans sa commune, reconstitution de l’offre locative, interdiction de céder des HLM dans les villes sous la loi SRU qui ont moins de 20 % de logements sociaux… La loi SRU a été adoptée en 2002 pour diversifier l'offre locative et permettre une plus grande mixité sociale. L'article 55 impose à toutes les communes appartenant à des agglomérations de plus de 50.000 habitants d'avoir 20% de logements sociaux. Sur 743 communes concernées, seul un tiers respecte les objectifs fixés. Sur les deux tiers restants, 472 ne les ont pas respectés et 154 communes n'ont produit aucun logement social…

Des droits fondamentaux en France

"Dans les années 2000, 330.000 de ces foyers modestes accédaient à la propriété. Ils ne sont plus aujourd'hui que 256.000. Il est urgent de relancer l'accession sociale", a rappelé Marie-Noëlle Lienemann, présidente de la Fédération des coopératives HLM, prônant notamment une TVA à 5,5% pour les ménages modestes et un plan d'épargne logement HLM pour les locataires. On rappellera que le niveau d'endettement des ménages français a atteint un nouveau record historique en 2006 avec taux de 68,4% de leur revenu. Cette dette a encore augmenté de 11,3% par la politique de développement des prêts à l'habitat en 2007… Le développement de l’habitat social n’entre pas dans les priorités du gouvernement Sarkozy. Or le logement, comme l’électricité, n’est pas une valeur marchande et répond à l’un des besoins les plus élémentaires de chaque être humain. Le congrès de l’USH s’est réuni au moment même où, à Strasbourg, la Fédération des associations nationales de travail avec les sans-abri (FEANTSA) et ATD Quart Monde ont accusé la France de violer ses engagements européens en matière de logement social. L’homme pour qui 53% des électeurs ont voté aurait-il mis les Droits humains et constitutionnels au vestiaire dans son rêve d’ “une France propriétaire” ?

Source

Nathalie Szuchendler egalibre.canalblog.com/

2 - BREIZH TOUCH AU GRISBI

Depuis quelques semaines, les Bretons se sont découverts nantis d’un avantage en nature et, pour certains, en espèces, dénommé Breizh Touch.

La Breizh Touch, présentée par la presse sur le mode exalté, a d’abord laissé ceux qui l’évoquaient légèrement perplexes : fallait-il dire braisetouche, breill’z’touch’, braÿztoutch, brézteutch, breÿc’htaoutch, brèysstatch, brèzteuch ? Breizh, autrement dit Bretagne en breton surunifié, désormais devenu officiel. En effet, en 1941, sur ordre du dignitaire nazi en charge des affaires bretonnes, l’orthographe du breton, déjà unifiée à l’exception de celle du dialecte vannetais, a été surunifiée, le mot Breizh étant le symbole même de cette surunification, le «zh» signifiant que l’on prononce Breih en vannetais et Breiz ailleurs.

Pour les bretonnants de naissance, le mot Breizh, accolé au mot touch, du verbe touchañ, conduire les bestiaux, était énigmatique, mais au diable les hésitations : une fois compris que le mot Bretagne, sous la forme Breizh, uni à un vocable anglo-américain, se change en label commercialisable, tout devient clair.

Et, pour ceux qui peineraient encore à comprendre, en tout petits caractères, au bas d’une affiche montrant une tour Eiffel saucissonnée de manière à ressembler à un phare breton (le célèbre phare du label «produit en Bretagne»), se trouve la traduction : Breizh Touch = esprit Bretagne.

La Breizh Touch, brassant bagadou, cyber-fest-noz (au pluriel: cyberioù-festoù-noz), Breizh-en-Seine avec en prime océan-high-tech, expo-Breizh-numérique et Breizh-parade retransmise dimanche prochain par TF1 en direct des Champs-Elysées, va donc déferler : trois mille sonneurs sonnants défilant en bagadou comme les formations paramilitaires dont ils sont issus - «une panzerdivision, la musique en plus», pour reprendre les termes de Jean-Pierre Pichard, le président du Festival interceltique de Lorient (Ouest-France, 7 août 2007).

C’est lui qui a eu l’idée de cette manifestation paroxystique de la celte attitude unissant Bretons, Irlandais, Gallois et autres frères de race, tels que Galiciens et Acadiens du Nouveau-Brunswick (dont il est convenu de ne pas demander ce qu’ils ont de celte).

La Breizh Touch est le complément de la celte attitude : le Breton qui ne l’a pas est un faux Breton, celui qui n’en veut pas est un mauvais Breton, et celui qui n’apprécie pas la Breizh Touch est un jacobin. Le jacobin est l’ennemi du Breton : il est français. Le Français n’a pas la Breizh Touch ; il a une identité faible, quoi qu’en dise Sarkozy, et n’a donc pas lieu d’en être fier. Le Breton, lui, a une identité forte ; il le prouve par la Breizh Touch qui la promeut ; voilà pourquoi il est fier d’être ­breton.

Le Breton qui n’est pas fier d’être breton n’est pas un bon Breton, et le Breton qui dit que cette bretonnerie labellisée le dégoûte est antibreton.

L’antibreton, fort susceptible d’être aussi jacobin, vous expliquera que cette opération de business identitaire appuyée par les médias, soutenus par des industriels, est une opération politique.

L’antibreton évoquera en termes malséants le label «produit en Bretagne» dont le phare sur fond bleu et jaune orne désormais pâtés, andouilles, livres et CD. Il dénoncera l’indispensable «yoghourtisation de la culture». L’expression est de Reynald Secher, auteur d’une Histoire de la Bretagne en bande dessinée dénoncée en son temps dans les colonnes de Libération. «Il faut yoghourtiser la culture bretonne», aurait-il affirmé, d’après le Huchoer, journal indépendantiste breton.

Bien que cela n’intéresse personne, l’antibreton ne manquera pas de rappeler que «produit en Bretagne» est une association émanant de l’Institut de Locarn.

L’association «produit en Bretagne» a été déclarée en préfecture le 9 février 1995 avec pour siège l’Institut de Locarn (cultures et stratégies internationales).

Le 14 mai 1993 avait été déclarée une première association Coudenhove-Kalergi-Aristide-Briand établissant les liens de l’Institut de Locarn avec l’Union paneuropéenne fondée par le comte de Coudenhove-Kalergi.

Les principes de la pan-Europe sont simples : christianisme, anticommunisme, reconnaissance du droit des groupes ethniques à l’autodétermination.

Rien d’étonnant donc si l’archiduc Otto de Habsbourg, son président d’honneur, connu pour ses liens avec l’Opus Dei, est venu en personne inaugurer l’Institut de Locarn.

"Produit en Bretagne" est une association complémentaire, au service d’un projet politique : faire de la Bretagne un dragon celtique dans une Europe des ethnies enfin délivrée de l’esprit des Lumières.

L’antibreton s’acharnera à démontrer que l’Institut de Locarn, rassemblant un club de patrons bretons pleins d’ardeur à servir leur région, nourrit un projet réactionnaire visant à en finir avec l’héritage de la Révolution française : privatisation, libéralisation, démantèlement des lois sociales, recours à l’identitaire pour inscrire la Bretagne dans une Europe des régions unissant les nations celtes en voie d’obtenir leur indépendance. Oui, pourquoi le nier, le pays de Galles, l’Irlande et l’Ecosse doivent servir de référence au modèle breton.

Il faudra bien que le Français à l’identité faible accorde son autonomie au Breton, dont l’identité forte sera révélée sur les Champs-Elysées avec la force d’une panzerdivision par le biniou et, comme le dit Pichard, la musique en plus.

Le vrai Breton est fier que Patrick Le Lay, un des fondateurs de l’Institut de Locarn, et Patrick Poivre d’Arvor s’associent aux patrons bretons pour célébrer son identité et la lui révéler : Le Lay, qui proclame haut et fort qu’il n’est pas français mais breton, nationaliste breton, a déjà fondé TV Breizh avec François Pinault, Rupert Murdoch et Silvio Berlusconi ; quoi de plus naturel qu’il soit associé à son ami Pinault pour célébrer la Breizh Touch ?

L’antibreton, qui se proclame le plus souvent de gauche, ira jusqu’à s’étonner que ce soient des élus socialistes, le président du conseil régional de Bretagne, Jean-Yves Le Drian, qui ait pris l’initiative de cette dérive identitaire brassant tous les vieux thèmes de Breiz Atao à l’ombre du drapeau breton. Rappelons que Breiz Atao est le nom d’un groupe autonomiste breton rendu célèbre par sa collaboration avec les nazis. L’un de ses fondateurs, Maurice, dit Morvan, Marchal, a dessiné en 1923 le drapeau breton à bandes noires et blanches, appelé gwenn-ha-du («blanc et noir»).

L’antibreton dénoncera le communautarisme de la droite du PS, son allégeance au patronat ultralibéral. Il rappellera que Jean-Yves Le Drian, président socialiste du conseil régional, est allé en juin 2006 présenter son programme à l’Institut de Locarn, jurant de faire de la Bretagne une nouvelle Irlande avec l’appui des autonomistes qu’il a fait entrer au conseil régional. Et il relèvera, bien sûr, le coût de la Breizh Touch : 2,5 millions d’euros dont 1,5 million sorti tout droit de la poche des Bretons, qui se prononcent majoritairement, quand on les consulte, contre la décentralisation, sans même parler de l’autonomie, à laquelle ils vont avoir droit, bien qu’ils soient moins de 3 % à la demander.

L’antibreton acharné ira jusqu’à parcourir le site Internet de la Breizh Touch et railler les propos tenus par les grands auteurs invités pour la célébrer.

Il vous citera en ricanant les déclarations d’Irène Frain sur la Breton pride, celles d’Alan Stivell expliquant qu’il a découvert son identité à l’âge de 9 ans, quand son père a inventé la harpe celtique (laquelle allait devenir, comme le drapeau et le bagad, mis au point peu avant, le symbole millénaire de l’identité bretonne) et celles d’Erik Orsenna assurant que, partout dans le monde, il trouve une bouteille de Coca-Cola et un Breton, et qu’il aime mieux le Breton.

L’antibreton, qui ne comprend pas que l’important pour le Breton c’est de faire la fête, dénonce la cocacolisation du Breton après la yogourthisation de la culture, et voit dans la Breizh Touch une bécassinade à relents ethnistes. Une bécassinade ! Quand tant de personnes qui font la preuve de leur compétence dans le domaine qui est le leur participent à cette vaste opération… C’est le comble.

Françoise Morvan Essayiste
Auteur du "Monde comme si, nationalisme et dérive identitaire en Bretagne", paru chez Babel/Actes Sud en 2005

3 - La société des phobocrates !

Distillés, sélectionnés, purifiés par les aléas historiques, les fondements psychologiques du protestantisme outre-atlantique sont certainement ce que la haine chrétienne face à la vie réelle a produit de plus grand en matière d’inconscient et de prédisposition négative à l’égard de l’existence. La peur, la crainte, sont des conditionnements d’autant plus puissants qu’ils sont enfouis, ancrés, injustifiés, impensés, comme autant de filtres interprétant le monde autour de nous, ceux dont sur lesquels se fonde l’éducation donnée à nos enfants.

L’infiltration de ces valeurs anglo-saxonnes est un poison. S’en faut le regard sur la peur que les média, la presse, les services dits « publics » (au service du public ? ) et TF1 en tête, matraquent à longueur de temps. Insécurité, crainte du danger, angoisse permanente, sentiment rendu tout puissant, car justement impalpable et sans fondements. Mais là ne sont pas tant les dégâts même s’ils sont déjà considérables ! Le pire est de voir l’évolution du regard porté sur la peur, autrement dit ce avec quoi on éduque un enfant. Longtemps, la peur a été posée comme devant être affrontée, elle était perçue – et à juste titre ! – comme une émotion qui diminue, paralyse, affaiblie celui ou celle qui s’y soumet. Devenir grand demandait de savoir maîtriser sa peur, de lutter contre elle, de sortir vainqueur, de ne pas lui céder notre réflexion. Là se trouvait une des marques de ce que l’on nomme « maturité », une frontière entre l’enfant et l’adulte, un enseignement dispensé partout.

Aux antipodes de cette conception, le déversoir médiatique trahit chaque jour son idéologie anglo-saxonne : la peur est respectable, elle nous grandit, il est bien d’avoir peur, d’être craintif, de se méfier de tout. A longueur d’audience, les JT matraquent la peur et l’angoisse, les gravant dans les esprits comme des repères qui font et constituent l’adulte consciencieux, respectable. Avoir peur est désormais une marque de maturité, du sens des réalités, une valeur à inculquer. Valeur misérable… pour des gens que l’on rêve humbles et misérables.

Le choix de vie et d’éducation est d’abord un choix – une lutte !? – entre ce qui rapetisse et ce qui élève. Le dira t-on assez : le courage élève, le savoir grandit, la joie fait croître l’individu. La crainte rapetisse, la peur rabaisse, l’ignorance rend bête – voire haineux ! –, la lutte contre les plaisirs révèle comment on estime soi-même sa propre vie.

Plus que des propos de campagne, Nicolas Sarkozy livre à grandes lignes sa psychologie en affirmant sa conviction intime d’un lien entre génétique et suicide, entre génétique et pédophilie. Le besoin de trouver de la preuve, de l’indiscutable, de « l’écrit dans le marbre » – de l’écriture sainte ?! – confesse au grand jour l’insécurité perpétuelle que nourrissent certains à l’égard de la vie. Avoir des certitudes est une chose, chercher constamment à en avoir davantage en est une autre. Dans un cas, c’est une fondation et un terreau pour croître et s’épanouir ; dans l’autre, le psychologue diagnostique une recherche sans fin et un mode vie compulsionnel qui trahit la crainte à l’égard de l’existence, car l’existence… c’est le risque ! Risque de tomber amoureux, risque de perdre, risque de pleurer, risque d’être surpris, risque de la différence, risque d’être malade, risque de ne pas savoir, risque de découvrir quelque chose d’autre, risque de se faire critiquer, risque de changer, risque de souffrir, risque de vieillir, risque de voir disparaître, et enfin – et surtout… – risque de mourir. La prétendue magie de la science génétique offre à ces craintifs de l’existence le recours à une prétendue certitude pour pouvoir éliminer « les risques » qu’ils encourent à vivre. Ils sont légions, ces misérables qui ignorent tout de la science… En son temps, un autre mis les risques et les angoisses d’un grand peuple dans une prétendue génétique juive…
Contre qui Sarkozy et autres phobocrates tourneront leurs angoisses existentielles ?

C’est une réalité : le risque est intimement lié au fait d’exister. Mais force est de constater que ce risque inhérent au fait même de vivre accapare la psychologie outre-atlantique. Il la conditionne, la torture, la guide au point d’en justifier la peur comme valeur qui élève. du protestantisme des premiers colons aux néoconservateurs de Bush, le lignage psychologique est une ligne droite.
Entre plaisir de découvrir, voir, toucher, jouer, percevoir, savoir, sentir, rire, voyager… et la peur des risques à vivre… le christianisme a tranché, le protestantisme a enfoncé la lame au paroxysme. La peur et son cortège de méfiances, de violences et de rancoeurs, voilà le lit de la morale anglo-saxonne qui déferle aujourd’hui sur le monde occidental, terre de Spinoza, Nietzsche ou Deleuze ; tous hérauts du courage, du savoir et du rire.
Aujourd’hui, le choix de vie est devenu une lutte. Loin des religieux et des métaphysiciens que « Pourquoi vivre ? » obsède, la question de l’existence est bien « Comment vivre ? ». Dans ce choix et cette lutte, choisira-t-on pour faire un adulte de vanter le courage, ou bien la peur ? Tel est le choix à faire pour nous, pour l’enfant à éduquer.

Guillaume Desguerriers

4 - Immigration : le Sénat retoque les tests ADN

La Commission des lois a supprimé du projet de loi Hortefeux l’article instaurant un recours éventuel aux tests ADN pour le regroupement familial.

Les Sénateurs ont choisi de contredire les députés. Par 24 voix contre 13, la Commission des lois de la Haute Assemblée a supprimé l’article du projet de loi Hortefeux sur la maîtrise de l’immigration.

Non prévu dans le projet initial, l’article de loi instaurant la possibilité pour des requérants au regroupement familial de recourir à un test ADN pour prouver leurs liens de parenté avait été introduit par le député UMP Thierry Mariani, et voté par l’Assemblée en première lecture le 20 septembre dernier.

A la demande du premier ministre, le gouvernement avait modifié l’amendement Mariani, ajoutant au texte le «caractère nécessairement volontaire du recours» aux tests ADN, mais aussi le « remboursement du coût du test si la filiation est bien établie». Surtout, François Fillon tenait à ce que le texte précise que cette mesure était «mise en place à titre expérimental pendant deux ans et revue sous le contrôle du Parlement » passé ce délai.

Ces aménagements n’ont pas suffi aux sénateurs, qui ont préféré supprimer le texte. Un geste dont se félicitent les socialistes, par la voix de Jean-Pierre Bel, leur chef de groupe à la Haute Assemblée. La suppression de cet article est «conforme à la vision» que les sénateurs socialistes se font «de la France, de ses valeurs républicaines et de son image de pays des droits de l'homme», se félicite-t-il, précisant que les sénateurs PS «attendent du Sénat la confirmation de ce vote important lors de l'examen en séance publique» du projet de loi.

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L. S.

5 - Lettre aux députés: Le Protocole de Londres

Bonjour,

Voici le courriel que nous venons d'envoyer à Mesdames et Messieurs les députés français afin de leur faire part de notre profonde inquiétude devant l'éventualité de la ratification du Protocole de Londres.

Cordialement.

Sylvie Costeraste
pour l'A.FR.AV

Communiqué de l'A.FR.AV

Madame, Monsieur le Député,

Mercredi 26 septembre, au Parlement, vous devrez vous prononcer « pour » ou « contre » la ratification du protocole de Londres.

Nous vous demandons, au nom de la langue française, au nom de la Francophonie, au nom du respect de la diversité linguistique, d’avoir l’extrême lucidité de voter « NON ».

Pour mémoire, nous vous rappelons que ce protocole va donner la possibilité à tout déposant d’un brevet en France d’avoir le choix, pour le déposer, entre 3 langues : allemand, anglais, français.

Il est bien évidement, eu égard à la conjoncture mondiale actuellement favorable à l’anglais, que l’immense majorité des déposants optera pour l’anglais. Pour prendre un exemple, voyez dans nos écoles primaires lorsqu’on demande aux parents quelle langue étrangère ils voudraient pour leurs enfants : 98 % demandent l’anglais.

Ainsi, si ce protocole est ratifié, pour la première fois de notre histoire, des textes en anglais feront foi en France, suprême insulte pour nous, peuple latin et francophone.

De plus, cette mise en place de brevets en langue anglaise en France, va entraîner inexorablement une perte en terminologies techniques et scientifiques francophones, car, bien sûr, à travers un brevet écrit en anglais, on ne prendra plus la peine d’inventer des mots en français pour traduire ce qui se fait de nouveau, autrement dit, notre langue va s’appauvrir et son recul sur la scène internationale ne fera que s’accroître.

Un autre problème apparaîtra aussi : devant l’ambiguïté d’un texte en anglais, en cas de litige, il faudra faire appel à des experts anglophones, à des cabinets d’avocats anglophones, d’où le fort risque de faire entrer en France le droit anglo-saxon en lieu et place de notre bon vieux droit romain.

Tout cela est extrêmement grave, c’est pourquoi, nous vous demandons de bien réfléchir avant de voter, et de penser qu’au-delà des partis politiques, l’intérêt supérieur de la Nation prévaut. Et, dans cette affaire, l’intérêt supérieur de la Nation, c’est de défendre bec et ongle la langue française pour qu’elle reste la langue de notre pays, la langue de la République comme le stipule l’article 2 de notre Constitution.

Pour de plus amples renseignements, n’hésitez pas à consulter notre dossier sur le Protocole de Londres sur notre site : www.francophonie-avenir.com

En espérant vivement qu’au soir du vote au Parlement, nous pourrons vous compter parmi ceux qui auront refusé que la France abdique sa souveraineté linguistique face au Protocole de Londres, pour votre Honneur et celui de notre pays, nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur le Député, l’expression de toute notre considération.

Régis Ravat
Pour l'A.FR.AV

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4 - Extrême Droite

1 - La Journée européenne contre la peine de mort supprimée sous pression polonaise

La journée européenne contre la peine de mort en date du 10 octobre n’aura pas lieu. La Pologne a refusé de s’associer au projet proposé à Bruxelles par le Conseil européen, qui nécessitait l’approbation de tous les membres de l’Union pour sa mise en œuvre. Jugeant cette manifestation inutile dans une Europe privée du châtiment suprême, les dirigeants polonais ont décidé de boycotter cette journée, sauf si elle était élargie à l’interdiction de l'avortement et de l'euthanasie. Le thème de “la défense de la vie” en leitmotiv, ils tentent de réduire celui de la peine de mort à un sujet de débat au sein de l’Union européenne. Alors que la Convention européenne des droits de l’homme s’applique aux 47 états membres du Conseil et leur interdit de pratiquer la peine capitale.

Le raisonnement rétrograde des Kaczynski

Les frères Kaczynski sont décidément cohérents dans leur logique réactionnaire. Il s’agit non seulement de faire entrer le fœtus dans le cadre d’êtres humains vivants et de protéger les futurs polonais dans le ventre de leurs mères, en décrétant qu’un avortement serait une forme de peine de mort, mais aussi de désigner parmi les vivants ceux qui seraient “dignes” de vivre. Et ceux qui, par leur “vocation contre-nature”, sont un danger pour autrui et pour l’avenir de l’homme… L’appel est ainsi jeté en direction des chaque parent- ou potentiel parent- et de leur hypothétique réaction face aux agresseurs de leur enfant. “Débattre de la peine de mort au moment où l'on fait l'impasse sur d'autres menaces pour la vie humaine, parfois institutionnalisées et légales, est une hypocrisie”, renchérit Andrzej Duda, vice-ministre de la Justice polonais, pour qui la question de la peine de mort est liée à celle de l'euthanasie et de l'avortement…aussi appelée la “culture de mort”.

Une remise en question de la Convention des droits de l’homme

“L’application de la peine de mort représente un acte de torture et une peine inhumaine ou dégradante au sens de l’article 3 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. La volonté de décréter un moratoire immédiat concernant les exécutions et d’abolir la peine de mort est devenue une condition préalable pour pouvoir adhérer à l’organisation” a souligné le président de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), René van der Linden.

La Pologne tente à nouveau de détourner la législation européenne en matière de droits fondamentaux. Il existe des dispositions européennes concernant la peine de mort, mais l’absence d’arsenal législatif européen concernant l’avortement et l’euthanasie permet aux factions les plus conservatrices polonaises de faire entendre leur voix. Ainsi en Août 2006, la Ligue des Familles polonaises (LPR – parti membre de la coalition gouvernementale en Pologne) avait appelé à la réintroduction de la peine de mort pour les meurtres pédophiles. Le Président Kaczynski avait alors soutenu cette pétition qui tentait de faire basculer la Convention des droits, et souhaitait un débat européen sur la peine capitale. “Il faut en discuter en Europe et je pense qu'avec le temps l'Europe changera d'avis sur ce point” avait-il déclaré à l’époque.

Des législatives anticipées

Après la rupture de l’été 2007 entre Droit et Justice (PIS, parti du président et du Premier ministre actuel), le parti populiste Autodéfense de la République de Pologne (SRP) et la Ligue des Familles Polonaises (LPR), la Pologne est actuellement en campagne pour les élections législatives anticipées du 21 octobre. Les frères Kaczynski ont promis de rétablir la peine de mort en cas de victoire. Il s’agit aussi de contenter l’électorat emmené par le père Rydzyk et la célèbre Radio Maryja. Le groupe médiatique du révérend intégriste brasse quelques trois millions d'auditeurs, auxquels s’ajoutent cinq à six millions de fidèles ultra-catholiques qui gravitent autour de ce mouvement politico-religieux. Le veto du gouvernement polonais pourrait être considéré comme un appel du pied à destination de ses ultraconservateurs, puisque la Pologne ne semble pouvoir se passer des subventions européennes auxquelles elle peut prétendre à titre de “ pays pauvre”. Elle devrait obtenir, au cours de sept prochaines années, 67 milliards d'euros de transferts des pays riches occidentaux comme l'Allemagne, premier contributeur net au budget européen !

La peine de mort a été abolie en Pologne en 1997, où elle n'était plus appliquée depuis 1988 en vertu d'un moratoire. La peine maximale dans ce pays membre de l'UE depuis 2004 est donc la prison à vie.

Un frein à la campagne internationale contre la peine capitale

Les institutions européennes et le Conseil de l'Europe ne signeront pas à Lisbonne lors de la conférence internationale le 9 octobre, comme initialement prévu, une déclaration créant cette "Journée européenne" du 10 octobre, qui devait coïncider avec la "Journée mondiale contre la peine de mort". "Décréter une journée est une chose, mener un combat est une autre. Tout ne va pas se jouer en une journée d'été" a déclaré M. Costa, président portugais de l’Union, en relativisant l’impact d’une décision polonaise peut-être provisoire. Tandis qu’Amnesty International demande aux autorités polonaises d'honorer leurs obligations internationales et de respecter leurs engagements en ce qui concerne l'abolition de la peine de mort. En refusant de donner son accord à cette proposition de la Commission européenne, déjà soutenue par le Parlement européen et qui nécessite encore l'accord unanime des Etats membres, la Pologne a porté un coup à l’une des grandes causes européennes et à l'action internationale menée contre la peine capitale. Elle freine, de quelque manière que ce soit, l’objectif de pouvoir proposer à l'Assemblée générale des Nations unies que le principe de la Journée européenne contre la peine de mort soit adopté par l'ONU.

Que ce soit à propos du sida, de la santé des femmes, ou du respect de la dignité humaine, la Pologne tente encore une fois de bloquer une campagne relative aux droits fondamentaux, en collaboration étroite avec le Vatican dont elle reste l’un des vecteurs depuis les années quatre-vingt dix.

La Chine, le Pakistan, l’Iran, l’Irak, le Soudan et les États-Unis sont les principaux pays qui appliquent encore la peine de mort, même si régulièrement, des pays comme le Gabon, le Rwanda, l’Ouzbékistan, viennent d’abolir la peine capitale. Selon les dernières informations dont dispose Amnesty International, 125 pays, soit plus de la moitié des pays du monde, ont désormais aboli la peine de mort dans leur législation ou en pratique. Mais 1.591 personnes ont été exécutées dans le monde en 2006.

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Nathalie Szuchendler egalibre.canalblog.com/

5 - combat laïque

1 - Laicité : un voile peut en cacher un autre

Entretien de Barbara Lefebvre avec Alain Seksig (LICRA), Professeur d'histoire / co-président de la Commission éducation de la LICRA

Le 15 juin dernier, La Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme (LICRA) émettait un communiqué pour exprimer son désaccord devant la décision de la HALDE donnant tort aux directeurs d’école refusant de voir des mères de familles portant le voile islamique encadrer des activités pédagogiques aux côtés d’enseignants de l’école publique. Ce refus est qualifié par les juristes de la HALDE de « discrimination de nature religieuse », à la grande satisfaction de ceux qui l’ont saisie en 2006 au nom de leur lutte contre « l’islamophobie ». Interpellé par le communiqué de la LICRA et les enjeux soulevés par cette délibération du collège de la HALDE, le Meilleur des Mondes a voulu en savoir plus en interrogeant Alain Seksig, co-président de la Commission éducation de la LICRA et qui fut en première ligne en qualité d’inspecteur de l’éducation nationale dans le 93 où, depuis 2004, ont eu lieu des cas litigieux.
Vous avez été en première ligne sur cette question et êtes connu pour votre attachement irréductible au principe de laïcité dans l’école publique, attachement forgé par votre expérience personnelle dans les quartiers populaires en tant qu’instituteur, directeur d’école et enfin, aujourd’hui, inspecteur de l’éducation nationale. Pouvez-vous faire un rapide rappel des faits ayant conduit à la saisie de la HALDE fin 2006 et à cette délibération rendue en mai 2007 ?

Alain Seksig : Suite aux travaux de la commission Stasi, la loi de mars 2004 relative à l’interdiction de signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires a été votée à une très large majorité par les deux assemblées. Le ministère de l’éducation nationale en a logiquement rédigé la circulaire d’application ; celle-ci détaille de manière très précise la conduite à tenir vis-à-vis d’élèves qui arborent de façon ostentatoire de tels signes, mais cette circulaire se contente de dire, par ailleurs, que « la loi ne concerne pas les parents ». Cette formule laconique peut sembler ne pas poser problème, or dans un certain contexte, pour le militant fondamentaliste entendant faire primer sa vision de la morale religieuse sur la loi commune, elle est devenue une brèche par laquelle se sont engouffrés à nouveau ceux qui ont toujours refusé la loi de mars 2004 qualifiée par eux « d’islamophobe ».
On doit admettre en effet que la loi ne concerne pas les parents lorsque ceux-ci participent à des réunions d’information (rencontres parents-professeurs) ou administratives (suite à une élection au sein des conseils d’établissement). Mais la donne change du tout au tout lorsque des parents participent, aux côtés des enseignants, tenus eux au strict devoir de réserve et de neutralité laïque, à des activités éducatives telles que des travaux en bibliothèque, sorties scolaires (théâtre, musées, visites de monuments historiques, sport). Cet accompagnement parental est assez fréquent dans les écoles maternelles et élémentaires. Or, dans certains quartiers populaires, ce sont souvent des mères portant le voile islamique qui se proposent pour encadrer ces activités pédagogiques. Dès la parution de la circulaire au BOEN, nous avons été un certain nombre d’inspecteurs de l’éducation nationale et de directeurs à nous inquiéter des conflits potentiels recélés par une formulation si vague. Ceux-ci sont rapidement apparus en plus d’un endroit, principalement en région parisienne et s’ils ont été peu médiatisés, c’est notamment parce que les enseignants ne souhaitaient pas mettre de l’huile sur le feu. Anticipant les problèmes, j’avais en tant qu’inspecteur dans le 93, demandé aux directeurs d’école d’inscrire dans leur règlement intérieur : « la loi ne concerne pas les parents ; ceux-ci doivent cependant respecter la règle laïque dès lors qu’ils participent à l’encadrement d’activités pédagogiques ou de sorties sur le temps scolaires. Ils sont dans ce cas soumis, comme les enseignants, à un strict devoir de neutralité ». Ce point a évidemment fait débat avec des représentants de parents d’élèves mais a été globalement accepté car il avait le mérite de clarifier les choses : c’est le signe politico-religieux que l’on ne pouvait accepter de voir inscrit dans l’activité éducative et non la personne en elle-même. Ainsi a-t-on vu des mères d’élève portant le voile islamique accepter de le retirer le temps d’accompagner une sortie. Démonstration fut ainsi faite que dès lors qu’un principe est clairement énoncé et expliqué, il peut être parfaitement compris. Mais bien entendu, les opposants à la loi laïque ne sont pas restés inactifs et en bons militants ont tout aussi rapidement organisé leur contre-attaque en s’arc-boutant à la formule « la loi ne concerne pas les parents ». Ils ont soutenu quelques mères voilées afin qu’elles saisissent en 2006 la HALDE au motif que l’interdiction de porter le voile dans ce contexte précis relevait de la « discrimination fondée sur la religion ». J’avais personnellement reçu dès la fin 2005 des mères d’élèves accompagnées d’une juriste membre du Collectif Contre l’Islamophobie en France venues m’expliquer que je pratiquais une forme de racisme à leur égard et qu’elles iraient plus loin dans leur « combat », invoquant déjà une saisine de la HALDE et des médias.

Tout au long des quatre pages de la délibération de la HALDE, deux termes cohabitent pour qualifier le voile islamique porté par les mères accompagnatrices, mères voilées mais majoritairement c’est celui de foulard qui semble avoir les faveurs du rédacteur. Ce qualificatif indistinct de foulard n’est pourtant plus guère usité pour qualifier le hidjab islamique dont tout le monde a compris qu’il est un héritage de l’histoire politique du monde musulman contemporain, en particulier de la Révolution iranienne. Il n’a que peu de lien avec le foulard porté traditionnellement par les femmes musulmanes, notamment en Afrique du nord, un foulard porté d’ailleurs également, dans les zones rurales, par des femmes non musulmanes du monde méditerranéen catholique ou orthodoxe. Comment comprenez-vous l’emploi de ce terme neutre appliqué au hidjab par les rédacteurs de l’avis de la HALDE ?

A.S : Vous avez en effet bien relevé que le choix du vocabulaire n’est pas innocent. A employer des termes neutres comme « foulard », on minimise le sens du port du voile islamique, qui n’est pas un couvre-chef comme un autre. Il est d’autant plus regrettable de constater qu’après les éclaircissements apportés sur ce sujet tout au long des débats en 2003-2004 autour des commissions Stasi et Debré, la HALDE use d’un terme que plus grand monde n’utilise pour nous faire croire qu’il n’y a pas là matière à débat et moins encore à combat. Déjà en 1989, on avait dit aux citoyens attachés à la laïcité que deux collégiennes portant le voile ne menaçaient en rien la République et son école ; on a vu le résultat dans les quinze années qui suivirent et rendirent au bout du compte une loi nécessaire. Il est également important de souligner que c’est toujours le corps de la femme, mineure ou adulte, qu’il s’agit de marquer et, paradoxalement au nom de la « pudeur », de le rendre visible / invisible dans l’espace public. Quand nous acceptons le voile islamique au nom du respect des différences culturelles, les fondamentalistes ne le voient pas comme une marque de notre ouverture d’esprit mais bien davantage comme une victoire sur nos valeurs jugées comme inférieures puisque les leurs émanent d’une Vérité révélée et non de la Raison. De plus, valider l’idée que la femme musulmane est celle qui porte le voile, justifie le combat des fondamentalistes et méprise l’immense majorité de femmes de culture musulmane qui, dans nos quartiers comme dans le monde, le refusent, parfois courageusement, car il ne faut pas ignorer les pressions auxquelles elles sont soumises au quotidien. Des parents d’élèves de culture musulmane refusent de voir leur enfant, DANS l’école publique, encadré dans son éducation par une femme voilée. En effet, que répondront des parents à leur enfant qui de retour de l’école, leur demandera pourquoi maman n’est pas voilée ? Ce genre de dilemme familial m’a été concrètement rapporté par des parents qui ajoutaient être en droit d’attendre de notre école républicaine qu’elle les soutienne dans leur projet éducatif et leur choix laïque, plutôt que de les contrarier.

Le Collectif Contre l’Islamophobie en France (CCIF) et ceux qui défendent la position de la HALDE mettent systématiquement en avant l’argument selon lequel la loi de mars 2004 « ne concerne pas les parents », mais lorsque ces derniers accompagnent l’acte d’enseignement lors d’activités scolaires, aux cotés d’éducateurs de l’école publique, doit-on considérer qu’ils ne sont pas soumis aux mêmes exigences de neutralité politique et religieuse que les enseignants ?

A.S. : Comme je l’ai dit précédemment, toute activité programmée par un enseignant dans le cadre de son action pédagogique a forcément un caractère éducatif. Une sortie au stade, à la piscine, en classe verte, sont porteuses d’un enseignement de même, a fortiori, qu’une visite au musée d’Orsay ou à Notre-Dame de Paris. Nier le caractère éducatif de ces sorties est une aberration, à moins de ne les considérer que comme des moments d’amusement et de défoulement récréatif.

Quelles ont été jusqu’ici les réactions dans le monde éducatif et associatif à cette délibération de la HALDE ?

A.S. : D’un côté, la FCPE, le MRAP et le CCIF ont manifesté leur contentement à la lecture de l’avis de la HALDE. La FCPE va même jusqu’à saluer le fait que le collège de la HALDE ait ainsi rendu leur « dignité » à ces mères. Contresens absolu : outre que la laïcité, en fixant les règles communes du « vivre ensemble», ne bafoue la dignité de personne, c’est la FCPE, par une telle prise de position, qui confère dignité et légitimité à une signe politico-religieux dans l’espace public particulier de l’école ; la boîte de pandore est ouverte. Mais, nous le savons, bien des dissensions existent au sein de la FCPE comme du MRAP : les comités locaux et régionaux sont loin de partager les positions de leurs instances nationales.
Concernant les syndicats enseignants, on n’a pas encore entendu grand-chose de précis. Seul le SI-EN affilié à UNSA-Education a exprimé par un communiqué son opposition aux termes de la délibération de la HALDE.
Autour de la Commission éducation de la LICRA, une plateforme s’est constituée en juillet dernier pour fédérer les associations contestant l’avis de la HALDE, comme Ni Putes ni Soumises, Regards de femmes, le Comité Laïcité République, l’Union des Familles Laïques , ELELE Migrations et cultures de Turquie, Laïcité Ecologie Association, Histoire de mémoire, le Syndicat de l’Inspection de l’Education nationale et l’UNSA. Sollicité, SOS Racisme ne semble pas encore avoir arrêté son point de vue, mais nous espérons qu’après leur avoir clairement exposé les enjeux, le mouvement de Dominique Sopo nous rejoindra, comme cela a toujours été le cas jusqu’à présent.

Une prise de position du ministère est expressément demandée par le HALDE ; on sait M. Xavier Darcos attaché au principe de neutralité laïque de l’école de la République, quelle est sa position sur le sujet ?

A.S. : L’attachement de M. Darcos au principe de laïcité ne fait aucun doute, il est d’ailleurs régulièrement accusé sur des sites islamistes français d’être un des principaux « instigateurs » de la loi « raciste » de mars 2004 ! Il a certes choisi de répondre aux injonctions de la HALDE de façon prudente en demandant aux recteurs « de veiller à ce que les règlements intérieurs des écoles ne contiennent pas de clause qui interdiraient, par principe, la participation de certaines catégories de personne », mais il évoque dans le même temps la nécessité impérieuse de « ne pas limiter d’une manière ou d’une autre, le pouvoir d’appréciation du directeur d’école ». Cela montre bien que le ministre a conscience des tensions existant dans certains quartiers et n’entend pas remettre en question le rôle fondamental des directeurs d’écoles dont, il le sait, certains sont soumis à la pression constante du fondamentalisme religieux et ne doivent pas rester isolés. Je pense toutefois que le ministère de l’éducation nationale ne pourra longtemps faire l’économie de recommandations précises sur le sujet. Souhaitons seulement qu’elles soient alors clairement laïques.

in www.lemeilleurdesmondes.org sep. 2007.

Alain Seksig Professeur d'histoire
Co-président de la Commission éducation de la LICRA

2 - Laïcité et accommodements raisonnables au Québec

A la suite de vives réactions populaires face à des demandes requérant de facto de la société québécoise qu’elle modifie quelques-unes de ses règles publiques en vue d’accommoder la différence de l’Autre au sein du Nous collectif, le gouvernement a établi une commission d’études chargée de le conseiller quant à cette problématique complexe et politiquement sensible. Présidée par deux intellectuels fort respectés au Québec, les professeurs Taylor de l’université McGill et Bouchard de l’université du Québec, cette commission a sollicité l’avis du public pour alimenter sa réflexion.

Ce mémoire aborde la problématique des accommodements sous le seul angle de ses conséquences sur la laïcité du pays. Il expose simplement quelques réflexions relativement aux dangers que fait peser sur la laïcité des institutions publiques québécoises une application trop libérale de la notion d’accommodement raisonnable tant au plan juridique que sociétal. Après avoir brièvement décrit les différentes formes et pratiques de laïcité ayant influencé le Québec, nous donnerons quelques exemples de transformation des systèmes publics, réclamées par « l’Autre » et de certaines de leurs conséquences spécifiques pour le système et pour les individus, ce qui nous amènera à formuler une recommandation de portée générale.

Laïcité et accommodements raisonnables au Québec

Les modèles de laïcité

Au-delà de la notion générale de séparation de l’Église et de l’État, le principe de laïcité renvoie à deux grands modèles distincts, les modèles français et anglais. Les autres pays démocratiques et laïcs s’en inspirent plus ou moins. Nous ferons référence ici aux modèles qui ont le plus influencé le modèle québécois par la filiation, l’Histoire et la proximité.

Le modèle anglais prend sa source dans la philosophie de la tolérance élaborée par Locke et ses successeurs. Ce modèle découle d’une conception pragmatique de l’État qui détermine ce qu’il peut tolérer dans le cadre de sa responsabilité d’assurer l’ordre, la protection des biens et la paix civile, notamment en veillant à harmoniser les différentes composantes majoritaires et minoritaires de la nation, ce qui l’amène à accommoder autant que faire se peut les différentes communautés culturelles et religieuses. Ne partant pas historiquement d’un a priori universaliste, la loi ne prescrit pas de règles normatives sur la façon d’organiser les rapports sociaux au sein du corps politique. Visant d’abord à conforter l’ordre et la paix civile, la sphère publique s’appuiera sur un principe de tolérance pour intégrer ce qui est différent tant que le consensus social le permettra. C’est pourquoi la laïcité n’est pas constituée comme principe politique fondateur : c’est plutôt un résultat, l’espace neutre de la chose publique.

Le modèle français, identifié souvent comme le plus radical, repose sur le choix délibéré de la non-croyance, la suspension de la foi comme base de l’association politique, d’une association qui se fonde sur le pouvoir critique et rationnel d’individus singuliers et libres et qui n’a aucune dette, du coup, à l’égard d’une quelconque appartenance religieuse, tribale, communautaire, culturelle ou ethnique. Cette conception, fruit des Lumières, doit beaucoup à la théorie politique de Condorcet qui est avant tout une théorie de la souveraineté individuelle. « L’individu n’a aucune raison de faire confiance, de croire sur parole : car seul le vrai a valeur d’autorité et hors de l’usage de la raison, il n’existe pas de critère absolu du vrai ; dans ces conditions l’État devra faire le maximum pour armer les citoyens contre l’erreur. Tel est au fond le rôle de l’école publique. Tel est aussi le rôle de la loi qui est là pour protéger l’instruction, pour écarter les pouvoirs, toujours suspects, autrement dit pour garantir l’indépendance de chacun ». La loi française sera donc délibérément aveugle eu égard aux considérations de culture, de communauté ou de religion, le citoyen français n’aura aucun trait distinctif. Cette approche découle de la philosophie et tradition universaliste de la France. Au sein de la sphère publique, la loi représente la volonté générale élaborée par un pur acte de rationalité publique et non la résultante d’intérêts privés ni même la nécessité d’assurer l’ordre et la paix civile. L’abstention absolue de la puissance publique en matière de croyance et l’exclusion des communautés de la formation de la loi sont les deux versants d’un État laïc où la laïcité est une condition quasi-transcendantale de la sphère publique.

Le modèle américain a officiellement vu le jour en 1791 avec le premier amendement de la constitution. Contrairement à la France où la laïcité s’est bâtie contre l’obscurantisme oppressant de l’Église, aux États-Unis, comme l’avait déjà remarqué Tocqueville, la religion et le corps politique n’ont jamais connu de conflit de légitimité même si plusieurs des pères fondateurs, nourris par la philosophie révolutionnaire des Lumières, étaient très soupçonneux à l’égard de la religion. La séparation de l’Église et de l’État dans la jeune République visait non à protéger l’État de l’emprise des religions, mais plutôt à protéger la religion de toute interférence de l’État en rejetant notamment la notion d’une religion d’État qui pourrait menacer les autres religions minoritaires - c’est pour cette raison d’ailleurs que les puritains s’embarquèrent pour l’Amérique. En 1947, la Cour suprême américaine a renforcé, pour reprendre les termes du juge Hugo Black, le « mur impénétrable de séparation » entre l’État et toute religion. Bien que les modèles français et américains partagent un même héritage, tous deux issus de philosophies politiques qui firent florès en ces temps révolutionnaires, ils diffèrent notablement dans leurs pratiques et chacun ressemble à une image inversée de l’autre. Aux États-Unis, il est formellement interdit à l’État de subventionner des écoles religieuses, mais il n’y a pas de problèmes à exhiber des signes distinctifs de sa religion dans les écoles publiques. En France, on subventionne très largement les écoles confessionnelles, mais il est interdit d’afficher des signes religieux distinctifs trop voyants. Chacun de ces deux modèles véhicule une part de paradoxes eu égard aux principes auxquels il se réfère.

Le modèle canadien, dans le sillage anglais, évolue très rapidement sous l’effet des jugements pris en vertu de la charte des droits et libertés du pays. Toutefois la constitution canadienne en affirmant la suprématie de Dieu, sans en même temps ériger un mur de séparation entre la religion et l’État, reconnaît la légitimité des pratiques existantes de services publics confessionnels.

Le modèle québécois de laïcité est récent, il a commencé à émerger timidement dans la mouvance de la Révolution Tranquille lorsque celle-ci démarre en 1960. Toujours en construction, il résulte d’un processus accéléré de déconfessionnalisation massive de l’État ainsi que des structures et établissements publics dont bien entendu le système éducatif des commissions scolaires. Alors qu’un système confessionnel scolaire existait encore il y a une dizaine d’années, un visiteur venu de la planète Mars aurait bien du mal à en déchiffrer les signes archéologiques, tant le lessivage a été profond et tant cette élimination des ombres du passé clérical est en parfaite résonance avec le consensus social. Parce qu’au Québec la tutelle de l’Église a été vécue comme une étouffante chape de plomb, le modèle québécois s’identifie par sa sensibilité plutôt au modèle français qu’anglais. Mais de par sa généalogie, le modèle québécois est au cœur de tensions vives entre d’une part la charte canadienne des droits - suprématie des droits individuels - et les aspirations de sa majorité francophone pour une citoyenneté plus collective, née d’une soif identitaire, mais dépouillée toutefois de sa gangue religieuse et ethnique. C’est donc un modèle tiraillé entre des forces oppositionnelles. De plus, aucun texte constitutionnel ou loi organique ne vient, comme en France ou aux États-Unis, fonder philosophiquement et légalement une séparation étanche de l’Église et de l’État, ce qui donne lieu à de multiples requêtes d’accommodements dits « raisonnables » en lien avec la politique canadienne de multiculturalisme. La laïcité québécoise n’est pas orpheline, elle a beaucoup de pères !

La laïcité n’est jamais « pure » elle est toujours « incarnée »

Jusqu’à l’avènement de la Révolution française, quasiment toutes les sociétés ont été officiellement et effectivement religieuses. La non-croyance relevait de l’hérésie et ne s’exprimait que dans certains salons littéraires ou philosophiques. La religion d’État se présentait par définition comme dépositaire de la vérité et du salut. Les églises présentes jusque dans les plus petits villages assuraient l’homogénéisation des croyances et des comportements bien mieux que l’État ou la nation. La confluence des pouvoirs religieux et temporel allait de soi. La laïcité n’est pas naturelle, c’est une conquête historique qui n’advint qu’à la suite des Révolutions française et américaine. Conceptuellement la laïcité est tout à la fois un mode d’organisation et une philosophie politique de gouvernance de la cité. Elle propose une coupure radicale entre le monde de la religion et des croyances et l’État et ses institutions publiques. D’un côté, le monde coloré des intérêts privés, des idéologies, de l’identitaire, de la religion, de l’autre côté, des institutions neutres, à l’abri de toute interférence religieuse ou émanant d’un pouvoir particulier. En somme, idéalement un corps étatique exclusivement dédié à l’intérêt général, garant des droits et libertés de la personne. Bien entendu cet idéal démocratique est une illusion, Nietzsche l’aurait qualifié d’idole, c’est pourquoi il importe d’appréhender le principe de laïcité non seulement du point de vue de sa logique formelle, mais également du point de vue de ses diverses pratiques. En effet, au-delà des nobles intentions et sans aucune directive explicite, les institutions publiques et au premier chef le système scolaire visent naturellement à homogénéiser les comportements des citoyens au regard des valeurs fondatrices de la culture dominante. Cet objectif aurait profondément irrité Condorcet parce qu’il dérogeait à la seule recherche de la vérité. Ces pratiques concrètes, qu’elles soient américaines, anglaises, françaises, canadiennes ou québécoises, témoignent toujours d’un décalage irréductible entre la laïcité déclarée de l’État, son discours audible et le sous-texte muet du récit culturel de la nation. Ce sous-texte, c’est le mythos qui décrit la filiation et les gestes fondateurs du peuple ; qu’ils soient réels ou rêvés, ces gestes vont durablement sculpter la personnalité, la sensibilité, le « weltanschauung » de la nation. C’est ainsi que les vacances scolaires des écoles publiques au Québec suivent un calendrier dicté aussi par la tradition religieuse. De même, l’État américain bien que ne professant aucune religion inscrivit dans les années 50 sur ses billets de banque In God, we trust, pour marquer sa différence d’avec l’URSS athée, ce qui était bien dans l’air du temps, mais dérogeait au strict principe de neutralité vis-à-vis des croyances diverses des citoyens. On le sait, la laïcité ne surgit pas ex nihilo du front de la raison pure ; sa forme découle des réalités singulières qui ont façonné les sociétés où elle s’est imposée comme principe de gouvernance et une laïcité qui serait aux antipodes des valeurs communément partagées de cette société serait fort certainement fragile et connaîtrait de violents soubresauts sur la longue durée. Peut-on imaginer une Arabie saoudite laïque ? Peut-on même imaginer un Israël laïc, pays pourtant démocratique ? Dans nos pays occidentaux, les valeurs communes, quoique se voulant de portée universelle, ne peuvent là comme ailleurs émerger que de coutumes propres à une société historiquement constituée, c’est-à-dire spécifiques à une identité non universelle. Cette identité particulière va au cours du temps servir de matrice au développement de l’espace public de cette société, espace public certes dégagé de sa gangue religieuse, mais dont l’origine est ineffaçable. Les codes implicites de fonctionnement de l’espace public d’une société refléteront donc les mythes et l’éthos du peuple fondateur, méritocratie américaine, différentialisme aristocratique anglais, élitisme égalitaire français... La laïcité n’implique pas le renoncement à son histoire, c’est en fait impossible ; les églises sont des espaces privés pour l’exercice du culte, cela ne les empêche pas cependant d’être simultanément des monuments historiques publics, témoignant des empreintes spirituelles et esthétiques du peuple qui les a édifiés. Demander qu’on enlève le crucifix dans l’enceinte de l’Assemblée nationale du Québec, c’est méconnaître l’historicité des civilisations et réduire la laïcité à des gestes mesquins.

Nous vivons une dynamique explosive.

Au vu des diverses conceptions et pratiques de laïcité existantes, on peut déjà réaffirmer qu’il n’y a pas d’antinomie de principe entre laïcité et pratiques religieuses en autant qu’un mur étanche sépare l’État et ses institutions publiques des diverses religions et croyances. Il importe de rappeler que les lois fondamentales des pays occidentaux et démocratiques reposent sur la liberté de conscience et sur l’égalité absolue des personnes en droits et dignité. Chacun a le droit à l’expression pleine et entière de sa culture et de sa religion, en autant que cela respecte l’ordre public et le principe de séparation de l’État et de l’Église. Là où le bât blesse, c’est précisément dans la volonté affichée de zélateurs religieux d’affaiblir cette séparation en vue de grignoter l’espace supposé neutre de la sphère publique. On s’explique. Les exemples de non-respect des principes laïcs dans les institutions et lieux publics ne manquent pas, Dieu merci comme diraient les religieux :
- promotion du voile à l’école en France et de la burka au Royaume-Uni,
- poursuite judiciaire contre l’École supérieure de technologie au Québec pour disposer de lieux de prière,
- requête de création de tribunaux islamiques de la famille en Ontario,
- érection illégale de la table des 10 commandements par un juge d’obédience évangélique dans l’enceinte de son tribunal en Alabama,
- proposition du ministre de l’Éducation du Land de Hesse en Allemagne, Mme Karin Wolff, qui a suggéré que les questions théologiques concernant l’origine du monde soient abordées dans les écoles lors des cours de biologie,
- demande d’horaires distincts pour les femmes et les hommes dans des piscines publiques en France et au Québec,
- exigence de juifs ultra orthodoxes au Québec d’avoir un examinateur du même sexe pour passer le permis de conduire,
- exigence que la cantine scolaire dans certaines écoles publiques en France ne serve pas de viande de porc,
- et last but not least, contestation violente et judiciaire dans de nombreux pays du droit à la liberté d’expression lorsqu’on parle de la religion musulmane... La liste est longue, très longue, trop longue ! La diversité, le nombre et la gravité des demandes « d’accommodements » de l’espace public soulignent que ce phénomène n’est ni frivole ni anodin quant à ses implications philosophiques et juridiques et encore moins quant à sa signification sociétale. Pour qu’un tel phénomène éclose ici au Québec autant que dans l’ensemble du monde occidental, deux conditions simultanées étaient nécessaires : Premièrement, la perdurance et la vigueur des demandes d’ouverture de l’espace public à l’expression religieuse, demandes individuelles au départ qui se transmuent rapidement en exigences communautaristes. Deuxièmement, une tolérance remarquable de la société interpellée. Ce qui est demandé in fine à la société est perçu généralement comme exorbitant. Qu’on en juge simplement à cet exemple emblématique, la demande d’instauration de tribunaux islamiques de la famille basés évidemment sur la charia qui attribue des statuts juridiques distincts aux femmes et aux hommes. Cette demande remet en question l’essence démocratique du Québec, pour la plupart des observateurs, elle est inacceptable comme règle publique. La demande fut rejetée, mais de peu, la commissaire aux droits de la personne en Ontario avait recommandé à la législature ontarienne de l’adopter. Comment expliquer la patience de la société face à des exigences qui portent en elles la répudiation de ses valeurs essentielles ? Deux raisons majeures expliquent en bonne part cet état de fait :

Nous l’avons déjà dit, la laïcité ne va pas de soi, ce n’est pas un phénomène naturel au sein des sociétés. Elle requiert une discipline sociétale stricte, celle de limiter son droit à l’expression de sa religion ou croyance particulière dans la maison commune par respect pour la neutralité du lieu - conception anglaise - et parce que c’est le lieu de l’universel - conception française. Pour durer dans le quotidien ambigu et souvent contradictoire qui est le lot des collectivités humaines, la laïcité requiert deux composantes essentielles, d’une part, une garantie sous forme constitutionnelle de ce principe d’organisation et, d’autre part, un consensus sociétal minimal pour défendre l’intégrité de ce même principe. Lorsque l’une de ces deux composantes faiblit ou vient à manquer, les assauts contre la laïcité par des intérêts et idéologies particulières sont inévitables. C’est ainsi qu’en 1941, en France, suite à la défaite, le régime de Vichy abolit la loi de 1905 de séparation de l’Église et de l’État, pour laisser le champ plus libre à l’influence religieuse. Il y a peu, le nouveau président de la République française avait même envisagé de « toiletter » la loi de 1905 et n’a changé d’avis que devant la clameur des protestations. Récemment en Turquie, le parti islamiste au pouvoir a essayé subrepticement de réintroduire les préceptes islamiques, telle la criminalisation de l’adultère, heureusement retiré du menu législatif du fait de la vigilance des laïcs. Quant aux États-Unis, il y a fort à parier que si le premier amendement n’existait pas et ne bénéficiait donc pas de la révérence accordée aux textes constitutionnels, le congrès serait dans l’incapacité de le faire adopter comme loi et encore moins comme nouvel amendement constitutionnel tellement l’emprise des mouvements religieux est forte. Georges Bush ne ressemble manifestement pas à James Madison ! Le Québec n’est pas en reste dans l’oubli de principes fondamentaux ; en janvier 2005, le Premier ministre du Québec annonçait, sans consulter son cabinet ni évidemment l’Assemblée nationale, que le gouvernement financerait à l’avenir à 100 % les écoles juives privées. Devant l’énorme tollé du public et une quasi-révolte au sein de son cabinet suscité par un geste si manifestement partisan - le paiement d’une dette politique à des contributeurs de fonds - le Premier ministre dut reculer et annuler sa décision. Ironiquement, le Premier ministre a renforcé par sa bourde la nécessité de tracer une frontière claire entre la sphère publique et la sphère privée.

Une tactique non préméditée, mais efficace contre la laïcité

Ce que les groupes religieux, notamment chrétiens fondamentalistes, musulmans intégristes, juifs ultra orthodoxes veulent, ce n’est pas un simple respect de demandes d’accommodements individuelles, c’est ultimement transformer les règles gouvernant l’espace public de façon à le rendre à nouveau malléable aux desiderata des religieux et des communautarismes. Pour ce faire, sans que cela relève d’une stratégie délibérée, les groupes revendicateurs présentent d’abord des demandes de dérogation en apparence anodines et créent de ce fait des précédents, des têtes de pont pour les futures demandes. Pensons à l’autorisation donnée par la Cour suprême à un garçon sikh québécois de porter sur lui son poignard religieux rituel en classe, ce garçon devenu juge pourrait éventuellement arguer du fait qu’il peut porter son poignard en cour en tant que juge, puisque autorisé dans la sphère publique. Il faut bien réaliser que les accommodements dans l’enceinte publique qui touchent au religieux agrandissent à chaque fois la brèche ouverte dans le tissu laïc, puisque par définition ils confortent le particulier au détriment de l’universel ou minimalement au détriment de la neutralité. On part d’exceptions individuelles pour aboutir par effet jurisprudentiel à la constitution de fait de droits communautaristes entraînant inévitablement une dynamique d’enfermement, frein puissant à l’acculturation aux valeurs publiques communes et à l’esprit des lois de la nation. Très soucieux de la suprématie des droits individuels, les tribunaux ont généralement favorisé les solutions concrètes en vue d’accommoder autant que faire se peut les coutumes religieuses spécifiques des requérants. Cette sollicitude commence à poser problème non seulement au Québec, mais également dans le reste du Canada. L’issue est quasiment prévisible, regardons ce qui s’est passé en Angleterre, en Hollande et notamment en France. À la suite d’atermoiements du gouvernement français au sujet du voile islamique, la situation devenait quasiment chaotique ; il fut finalement décidé suite aux recommandations de la commission Stasi d’interdire le port de tout signe religieux ostentatoire dans les écoles. Cette initiative avait été fortement critiquée à l’époque par l’opinion publique britannique et hollandaise, accusant même les législateurs français de fascisme. Or on constate, à la lecture du sondage du Pew Global Attitudes Project, que c’est en France que l’Autre s’intègre le mieux au Nous collectif, alors qu’au Royaume Uni, celui-ci paie actuellement le prix de sa politique de laisser-faire vis-à-vis des immigrants musulmans et que plusieurs ministres se disent maintenant choqués et offensés par le port de la burka dans les institutions ou rencontres publiques. Au Québec, deux types d’arguments sont généralement invoqués à l’encontre des principes laïcs de l’espace public :
- D’abord, on invoque toujours des dénis de droit reconnus par la charte des droits et libertés. Or il est important de comprendre que la charte elle-même déclare que certains droits peuvent êtres légitimement limités dans une société démocratique et libre, si leur usage particulier dans certaines situations contrevient au bien général.
- Ensuite, on objecte que la dichotomie, espace public, espace privé, est aujourd’hui dépassée, que la présence musulmane requiert une adaptation de la société à ses spécificités religieuses, qu’il est possible de concilier de multiples cultures au sein d’une nouvelle convivialité, qu’un nouveau Nous peut advenir comme conjugaison d’identités au sein de la citoyenneté commune. En lien avec ce deuxième argument général, les musulmans seraient conviés à pratiquer leur religion avec quelques restrictions, par exemple la mise de côté de la polygamie en échange d’accommodements de la société pour tenir compte des besoins autres de ces nouveaux citoyens. Avec des structures publiques d’accueil reflétant l’identité de chaque composante du corps social, le sentiment d’aliénation individuel et communautaire ressenti par certaines minorités serait grandement atténué, ce qui favoriserait la rencontre des esprits, des cultures et des religions dans un climat apaisé. C’est en gros la thèse du Pr Tarik Ramadan le célèbre intellectuel suisse musulman, apôtre d’un Islam occidental procédant à une lecture du coran adaptée à la vie musulmane en pays non musulman, mais conservant l’intégralité des préceptes inaltérables. Mais derrière cette bonne volonté, il y a autre chose ; Tarik Ramadan a montré récemment le bout de l’oreille lorsqu’il a déclaré lors d’une interview à Montréal le 17 juin 2007 donnée à Présence Musulmane « les laïcs n’ont pas à juger du contenu des religions, ils doivent les respecter ». Le Pr Ramadan ne pouvait pas faire référence à la société civile puisque les principes de laïcité reconnaissent explicitement que l’État et ses fonctionnaires n’ont pas à s’immiscer dans les affaires privées sauf pour y faire respecter l’ordre et la paix civile. Il faisait donc référence aux fonctionnaires de l’espace public, s’étant en d’autres temps prononcé contre la conception laïque de l’école française en rapport avec le voile islamique ; or pourquoi, les laïcs devraient-ils s’abstenir de juger du contenu des religions lorsque celles-ci prétendent s’immiscer dans le cadre de l’espace public ? On peut considérer les religions, au vu de leur rôle de gardiennes des dogmes révélés, comme étant généralement hostiles à l’acquisition par les écoliers d’une véritable réflexion indépendante basée sur les évidences de la raison. Il est donc légitime de s’opposer fermement à toute influence de leur part sur l’école publique, dont le rôle est d’enseigner certes, mais aussi d’armer les futurs citoyens contre les erreurs. Céder au nom de la tolérance molle qui laisse passer tout et n’importe quoi devient au sein de certaines institutions publiques une pratique qui anticipe les demandes ! C’est peut-être dans cet esprit d’accommodement de la différence que récemment en vue des élections législatives en mars 2007 au Québec, le directeur général des élections (DGE) publia un communiqué disant que la loi électorale n’interdisait pas à une femme au visage totalement voilé de voter sous réserve que son identité fût certifiée par deux témoins non voilés. Aucun groupe musulman n’avait pourtant demandé un tel « accommodement ». Devant le tollé soulevé par sa position, le DGE dut reculer et annuler ce qu’il avait initialement autorisé. Histoire invraisemblable ? Invraisemblable, mais hélas vraie ! On court au-devant d’une demande jamais formulée, jugée farfelue par tous les observateurs, voter à visage masqué ! On a ici l’image inversée de l’autocensure à laquelle se contraignent certains éditeurs par peur de représailles violentes d’extrémistes musulmans. Que nous enseigne un tel comportement d’un personnage officiel aussi important ? Qu’on peut être tellement conditionné par la pseudo bienpensance ou la peur, qu’on accroche comme on dit familièrement, son cerveau au vestiaire. Est-ce la bonne façon de promouvoir les valeurs publiques communes et le respect de l’esprit des lois de la nation ? Le problème est sérieux, revenons encore une fois à l’éducation des enfants, futurs citoyens qui devront gérer une société toujours plus complexe. L’exemple qui revient sans cesse est l’absurde bataille que livrent aux États-Unis dans les écoles publiques, les tenants du créationnisme et de l’intelligent design contre la théorie de l’évolution en classe de biologie. Exemple caricatural et emblématique s’il en est un, de l’assaut sans cesse recommencé du religieux contre la science et donc contre l’usage de la raison.

Impossible au Québec ? Pas si sûr !

Que faire ?

Le Québec a failli dans sa responsabilité à expliquer aux immigrants l’importance de préserver pour la vie démocratique de la nation le caractère nécessairement laïc de la « Res Publica » la chose commune. Cette nécessité du principe laïc ressort de l’évidence dans un pays devenu hétérogène, multiculturel et complexe du fait de la mondialisation et des vagues migratoires des dernières décennies. Pour beaucoup de croyants d’ici ou d’ailleurs la chose laïque ne va pas de soi, la foi ne se concevant pas sans que les commandements religieux ne soient observés en tout lieu et en tout temps ! L’islam intégriste étant plus encore que toute autre religion, une conception totalitaire de la vie en société. Un casse-tête manifeste pour des institutions publiques québécoises cherchant à intégrer la multitude des cultures et sensibilités en leur sein. Devant les assauts ouverts ou furtifs des propagandes et manipulations religieuses contre la notion même de raison universelle, il faut d’abord clairement réaffirmer au sein de la sphère publique le pourquoi de l’incompatibilité entre les assises philosophiques de la laïcité et les a priori des religions ; les pratiques de l’une relèvent de la raison, les pratiques de l’autre de la foi. Toute demande d’accommodement qui altérerait le caractère laïc des institutions est donc contraire à l’impératif public de neutralité et d’universalité.

En conclusion

  1. La plupart des pays démocratiques et pluralistes ont adopté constitutionnellement ou de fait mis en pratique le principe de laïcité.
  2. La laïcité n’est pas naturelle, elle résulte d’une lutte en vue d’ériger la « raison critique » comme fondement de la Res Publica, la chose commune.
  3. Les pratiques de laïcité reflètent dans chaque pays, nolens volens, la personnalité, la culture et l’histoire du peuple fondateur.
  4. Les convictions religieuses de certains citoyens les conduisent à contester le mur de séparation entre la sphère privée et la sphère publique, notamment dans le milieu scolaire.
  5. Presque tous les pays occidentaux sont aux prises avec des demandes de dérogation aux principes de laïcité, principalement de la part de groupes musulmans ; ce phénomène n’est pas propre au Québec.
  6. Au Québec, les demandes « d’accommodement » le sont presque toujours pour des motifs religieux de la part de personnes ou de communautés. Les réponses fréquemment positives des tribunaux à leurs demandes d’exemption, créent une dynamique où l’accumulation des accommodements individuels accrédite peu à peu l’idée de droits communautaristes spécifiques.
  7. Cette dynamique religieuse et communautariste met en danger l’universalité de valeurs fondamentales de la société québécoise, notamment à titre d’exemples, l’égalité absolue entre la femme et l’homme au regard de la loi et chez les écoliers, l’apprentissage de la raison critique, peut-être le bien social le plus précieux pour l’individu et le plus nécessaire pour la démocratie.
  8. Il n’y a pas d’alternative au respect fort de la laïcité au sein de la sphère publique. C’est une condition sin qua non pour l’exercice serein de la démocratie et la défense des droits et libertés de la personne dans des sociétés culturellement et ethniquement hétérogènes.
  9. La tentation de mettre de l’eau dans son vin pour faire modéré ne serait pas un geste sage, car il renverrait à plus tard un problème dont les ramifications seraient devenues encore plus inextricables à l’instar de ce qui se vit maintenant dans plusieurs pays européens.
  10. Il importe de prendre acte de ce processus potentiel de délitement de la laïcité et de l’arrêter fermement avant qu’il ne produise des schismes traumatisants dans la société.

En conséquence, nous recommandons :

  1. Que le Québec, faute de disposer d’une assise constitutionnelle, proclame solennellement l’inviolabilité du principe de laïcité dans toutes les structures et activités relevant de la sphère publique.
  2. Que cette reconnaissance d’un principe fort de laïcité ne doit en rien limiter la liberté de tout individu ou communauté d’exprimer leurs cultures et ses convictions religieuses dans la sphère privée, en autant que cela respecte intégralement les lois du Québec.

La lutte contre l’obscurantisme est un combat sans fin, il y a des hauts et des bas et très souvent les tenants de la raison n’osent pas exprimer leurs critiques vis-à-vis des religions dans leurs rapports aux institutions publiques, à cause de ce que le philosophe Daniel C. Dennet appelle une révérence paralysante, longuement cultivée par l’Église et ajouterons-nous par toutes les religions.

Or toutes les opinions n’ont pas la même valeur au plan de la raison.

Source

Léon Ouaknine

6 - combat féministe

1 - Contre le féminisme victimaire de Ségolène Royal

J’ai voté Ségolène Royal. Moins par adhésion à sa campagne que pour faire barrage au projet de société de Nicolas Sarkozy. Pendant toute cette période, j’ai dû taire mes agacements de féministe radicale face à son féminisme électoraliste : «Votez pour moi parce que je suis une femme …. Je saurai gouverner parce que je suis une mère.» Sans parler des envolées lyriques façon «Aimez-vous les uns les autres» ou de sa sortie grotesque sur les femmes policières - qu’il faudrait raccompagner, pauvres choses, après leur service. Mais l’heure n’est plus à l’union sacrée. En tout cas pas avant une bonne dose d’autocritique. D’où la floraison d’ouvrages analysant les raisons de la défaite et donc critiquant, ici ou là, le style Royal. Que répond celle qui aspire à demeurer l’une des leaders de la gauche socialiste ? «Sexisme !» Une fois encore.

Elle aurait pu choisir la contre-attaque féroce, devancer la critique ou la relever sur le mode ironique. Elle aurait pu, par exemple, trouver comique de se voir donner des leçons sur le mode «Comment la gauche aurait pu gagner» de la part de… Lionel Jospin. Mais non, il a fallu qu’elle en rajoute sur le mode de la femme victime. «Si j’étais Jeanne d’Arc, on m’aurait brûlée !» Et voilà le féminisme une fois de plus malmené, dénaturé, instrumentalisé pour esquiver des coups pourtant bien légitimes.

A force, Ségolène Royal va finir par ajouter une nouvelle catégorie, le féminisme victimaire, à la longue liste de déclinaisons que le féminisme comporte déjà. Pour n’en citer que quelques-uns… Le «féminisme radical» souhaite déconstruire l’incitation sociale au masculin et au féminin pour obtenir l’égalité dans le droit à l’indifférence, voire le droit à l’indifférenciation. Le «féminisme lutte des classes» fait du combat pour les droits des femmes une sous-catégorie de la lutte des classes. Le «féminisme différentialiste» prône la mise en valeur du féminin en insistant sur ses vertus naturelles et sur sa complémentarité avec le masculin.

Soyons juste, le féminisme victimaire de Ségolène Royal n’est ni si réactionnaire ni si novateur. Il incarne surtout une sous-catégorie malheureuse du féminisme paritaire. Le dommage collatéral attendu et craint d’une avancée stratégique indéniable, la parité ; mais qui, entre les mains de femmes politiques plus tacticiennes que théoriciennes, a débouché sur la tentation de vouloir valoriser l’apport des femmes à la politique comme étant une vertu en soi et non une étape nécessaire pour appliquer l’un des plus beaux principes de notre République : l’égalité. Bien sûr, la frontière entre posture victimaire et égalitaire est toujours difficile à distinguer. Et il y a bien eu, pendant cette campagne, des attaques que Ségolène Royal n’aurait pas essuyées si elle avait été un homme. Mais raison de plus pour ne pas dégainer la carte du sexisme lorsque des critiques s’adressent enfin à la femme politique et non plus seulement à la femme.

Paru dans Libération le jeudi 20 septembre 2007

Source

Caroline Fourest

2 - Les « différences culturelles » peuvent-elles excuser le sexisme ?

Au cours du forum annuel de discussions (« Ideas for Freedom », « Des Idées pour la Liberté ») organisé par l’Alliance for Workers Liberty les 9 et 10 juillet derniers, l’un des débats a porté sur « La gauche* et le relativisme culturel ». Nous présentons ci-dessous un résumé de l’intervention de Janine Booth établi à partir de notes. Malgré le caractère un peu elliptique de ce texte sur certains points, il nous semble important de le faire connaître, étant donné l’essor du multiculturalisme en France, à gauche comme à droite, comme en témoignent notamment le mouvement autour de l’Appel des indigènes de la République ou les propositions de Sarkozy en matière de « discrimination positive ». (Ni patrie ni frontières.)

Les « différences culturelles » peuvent-elles excuser le sexisme ?

L’AWL est une organisation socialiste[1]. Nous faisons partie de « la gauche ». Cela signifie que nous soutenons inconditionnellement les droits, les libertés et l’égalité des femmes. De même, nous combattons fermement toute forme de racisme et d’homophobie. Pour nous, ces idées et ces principes de base sont clairs et évidents : pas de socialisme sans libération des êtres humains, pas de libération sans socialisme. Nous combattons l’oppression et le fanatisme religieux d’où qu’ils viennent. Pour d’autres individus ou groupes de « gauche », les choses ne sont pas aussi simples. En effet, ils usent de faux-fuyants quand l’oppression se manifeste au sein d’« autres cultures ». Je prendrai quelques exemples :

Une femme sikh a récemment écrit une pièce de théâtre (Behzti, Déshonneur) sur la question du viol et de « l’honneur » dans la communauté sikh. Un mouvement de protestation s’est organisé contre cette pièce, exigeant son interdiction pour « blasphème ». Le directeur du théâtre de Birmingham a cédé sous la pression et déprogrammé Behzti. Un conseiller municipal travailliste local a même condamné cette œuvre parce que, selon lui, elle ne respectait pas les convictions religieuses des sikhs.

En 2001, Bob Pitt, un militant qui se prétend socialiste, a condamné dans Weekly Worker, l’hebdomadaire du Parti communiste britannique, la prétendue « arrogance raciste » de ceux qui refusaient de défendre les talibans parce que ce mouvement n’était pas progressiste !

Le même Bob Pitt a créé un site de surveillance de l’islamophobie (Islamophobia Watch). Ce site particulièrement sinistre recense toutes les critiques adressées à l’islam ou aux dirigeants musulmans - y compris celles dénonçant des actes incontestablement sexistes, homophobes ou antisémites. Bob Pitt range pêle-mêle toutes ces critiques sous la rubrique « islamophobie » et ne fait aucun effort pour esquisser la moindre explication. L’Alliance for Workers Liberty et Peter Tatchell (du groupe Outrage !) partagent le grand honneur d’être considérés comme « islamophobes » par ce site web.

Ken Livingstone, maire travailliste de Londres, a invité officiellement Youssouf al- Qaradawi à Londres en juillet 2004. Le même al-Qaradawi soutient la « circoncision féminine », c’est-à-dire l’excision, qui est une mutilation du corps féminin ; il pense que les maris doivent frapper leurs femmes pour les « mettre en garde » contre toute « désobéissance » si d’autres moyens n’ont pas été efficaces ; et il considère que les maris doivent obliger leurs épouses à se voiler. Outrage ! (créé en mai 1970 après l’assassinat d’un acteur homosexuel, ce groupe pratique l’action directe et rassemble des militants homosexuels, lesbiennes et bisexuels) a confectionné tout un dossier notamment sur ce sujet. Ceux qui se sont opposés à l’invitation de Qaradawi par le maire de Londres ont évidemment été dénoncés comme « islamophobes ».

La coalition Respect (créée par le Socialist Workers Party, trotskyste, et d’autres forces comme la MAB, Muslim Association of Britain, proche des Frères musulmans) nous demande de voter pour des candidats hostiles à l’avortement et qui ont des conceptions sexistes sur le rôle social des femmes.

En même temps - et les deux phénomènes sont liés - le mouvement féministe a pratiquement disparu en Grande-Bretagne. Et pourtant il nous fait cruellement défaut :

Quelle est l’origine de cette attitude ?

Pour comprendre la situation actuelle, il faut remonter à plus d’une vingtaine d’années en arrière, et souligner la convergence entre plusieurs phénomènes d’origine diverse, dont le rôle du SWP ne constitue qu’un des éléments.

1) Dans les années 70, le mouvement féministe, qui était puissant à l’époque, a politisé beaucoup de femmes et modifié les comportements de beaucoup d’hommes. Ce mouvement s’est divisé entre d’un côté les « féministes socialistes » et de l’autre les « féministes radicales ». Ce sont malheureusement les féministes radicales qui ont gagné ce combat politique et leurs positions sont devenues hégémoniques. A la suite de cela, les travailleuses se sont désintéressées du mouvement féministe et celui-ci s’est effondré. Une nouvelle idéologie politique est apparue, que l’on peut grosso modo résumer ainsi : seuls ceux (ou celles) qui ont directement l’expérience d’une forme particulière d’oppression ont le droit d’exprimer une opinion à ce sujet. Conséquence : il est devenu pratiquement impossible de critiquer les positions politiques de certaines catégories de la population, et de certains peuples. 2) Au début des années 80, des militants travaillistes de gauche élus dans des conseils municipaux se sont trouvés en opposition avec le gouvernement conservateur qui voulait diminuer leurs ressources financières.

3) Pendant ce temps, dans les milieux intellectuels et universitaires, le postmodernisme prit son essor. Cette idéologie combattait (et combat encore) l’idée qu’il puisse exister des droits ou des concepts universels, et soutenait que, les cultures étant essentiellement différentes, on ne pouvait leur appliquer les mêmes valeurs. Parallèlement, le mouvement du « politiquement correct » dans les universités américaines affirmait que les structures du langage étaient plus importantes que celles de l’oppression. Ce mouvement nia, lui aussi, le droit d’analyser de façon critique les opinions émises par les membres de communautés opprimées.

4) L’essor de la religion. Dans les années 80, l’ère de Reagan et Thatcher, ces deux dirigeants politiques prétendirent agir au nom de Dieu et bénéficièrent de l’appui de la droite chrétienne. Les courants fondamentalistes grandirent dans les différentes religions, souvent dans des parties du monde où les individus se sentaient abandonnés par le capitalisme séculier. Bien sûr, il existe des différences entre les religions, et, au sein de chacune d’elles, on trouve des courants plus libéraux ou conservateurs que d’autres, etc. Mais le fondamentalisme religieux a pris de l’importance, en même temps que des mouvements politiques qui voulaient imposer la religion sur la scène politique et dans les affaires publiques.

En 1989, des femmes ont donc créé le groupe Women Against Fundamentalism (WAF, Les Femmes contre le fondamentalisme) car elles voulaient dénoncer ce nouveau danger qui menaçait les droits des femmes.

Comme l’écrit WAF : « Lorsque nous parlons de fondamentalisme, nous ne visons pas les pratiques religieuses qui, pour nous, relèvent plutôt d’un choix individuel, mais nous visons des mouvements politiques modernes qui considèrent la religion comme un outil pour prendre le pouvoir, ou consolider leur domination et étendre le contrôle social (...) Le contrôle de l’esprit et du corps des femmes se trouve au centre de tous les projets fondamentalistes. » L’une des premières campagnes menées par WAF - contre le droit d’une école publique non religieuse de changer de statut, d’être subventionnée par l’État (conformément à une loi votée par les conservateurs) et de devenir une école sikh - se termina par un succès parce qu’elle mobilisa des jeunes filles sikhs qui avaient parfaitement compris que l’adoption d’un nouveau statut religieux par leur école limiterait leurs libertés individuelles et leurs choix en matière d’éducation. Ces jeunes filles, tout comme WAF, furent bien sûr condamnées comme « racistes » par certains dirigeants de la communauté sikh.

5) Le multiculturalisme, pour la plupart des travailleurs, apparaît comme une idée plutôt positive puisqu’il vise à unir et mélanger des personnes dont les origines ethniques et culturelles sont différentes. Mais comme WAF et d’autres groupes l’ont souligné, il existe une forme plus pernicieuse de multiculturalisme, qui fait pleinement partie de l’idéologie dominante : ce multiculturalisme-là valorise les différences, et non l’unité entre les opprimés,

En 1994, Taslima Nasreen, féministe du Bengladesh, a reçu des menaces de mort et une fatwa a été lancée contre elle parce qu’elle critiquait l’islam. L’AWL l’a invitée en Angleterre pour une tournée de conférences. Au cours d’une interview, elle a nous déclaré : « Les femmes continuent à être persécutées au nom de la tradition. Les féministes des pays occidentaux doivent apprendre à faire preuve d’esprit critique face aux traditions de l’Asie et de l’Afrique. J’ai entendu des femmes occidentales déclarer que nous devrions suivre nos traditions. Pour ma part, j’aime la nourriture et les vêtements de mon pays, et je veux donc les conserver. Mais pourquoi accepterais-je aussi les traditions d’oppression de mon pays ? Pourquoi devrais-je accepter une société qui oblige les femmes à porter le voile et permet aux hommes de les dominer ? »

6) A l’échelle internationale, s’est développée une idéologie politique qui considère que la ligne de fracture essentielle ne passe pas entre les classes, mais entre « l’impérialisme » et l’« anti-impérialisme ». Si l’on adopte ce point de vue, toute personne qui lutte contre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne défend une cause juste et doit être soutenue, même lorsqu’il s’agit de mouvements ou de régimes comme les talibans qui violent les droits des femmes (ou ceux des travailleurs, ou les droits démocratiques, ou ceux des minorités nationales, ethniques ou religieuses).

7) Pour finir, la conception du SWP britannique à propos de la « construction du Parti » repose sur l’idée qu’il serait plus important d’attirer le maximum de personnes au sein de l’organisation que de faire de la politique. Cela conduit ce groupe à penser qu’il y aurait plus de recrues potentielles pour eux chez les partisans de l’islam politique que chez les féministes.

Je viens d’énumérer sept phénomènes différents : qu’ont-ils en commun ? L’abandon de la défense des droits des femmes, Le renoncement aux droits humains universels, mais aussi l’abandon de toute politique de classe. Ce n’est pas un hasard si cette évolution a pris forme dans une période de défaites du mouvement ouvrier.

Pourquoi cette politique est-elle erronée ?

Ce n’est pas faire preuve de racisme que de s’opposer au sexisme à l’intérieur de telle ou telle communauté ou minorité ethnique. Bien au contraire : il est raciste de suggérer que les femmes et les jeunes filles d’une communauté déterminée devraient supporter le sexisme ou bien se débrouiller toutes seules.

Nous n’opposons pas le féminisme à l’antiracisme. Nous ne considérons pas non plus que l’oppression des femmes serait plus importante que celle des minorités ethniques, ou vice versa. Pour nous l’essentiel est de ne pas fermer les yeux devant l’oppression des femmes appartenant aux minorités ethniques. Ceux qui prônent le « relativisme culturel » disent en quelque sorte aux femmes : « Ne vous opposez pas aux pratiques sexistes, sinon vous trahirez l’unité de votre communauté et/ou la lutte anti-impérialiste. » Curieusement, les Occidentaux de gauche qui avancent ce type de raisonnement ne l’accepteraient jamais pour eux-mêmes.

En effet, la culture britannique a des composantes fortement sexistes, est-ce que nous les acceptons parce qu’elles appartiennent à « notre » culture ? Non !

Prenons quelques exemples pour illustrer l’absurdité de cette démarche, si elle était appliquée à la Grande-Bretagne : les bas salaires : « C’est une pratique normale, une tradition britannique. » la violence domestique : « Elle fait partie de nos coutumes. » le travail domestique : « C’est à la femme de s’en charger, comme le dit la Bible. » « La pub de Nestlé pour sa nouvelle barre chocolatée "Yorkie, c’est pas pour les nanas", c’est seulement un truc culturel », etc.

Si un groupe politique de gauche défendait ce genre de discours, aucune femme ne le suivrait. Pourquoi donc devrions-nous accepter ce type de raisonnement vis-à-vis de femmes d’autres cultures ?

« Nous ne défendons pas la « culture britannique, mais celle des groupes opprimés », répondront nos détracteurs. C’est ainsi que Socialist Worker, hebdomadaire du Socialist Workers Party, affirme : « Notre défense des musulmans ne laisse place à aucune équivoque. » Mais, dans ce cas, pourquoi leur défense des droits des femmes est-elle si équivoque ?

« Vous refusez donc de soutenir les communautés qui sont discriminées à cause de leur religion ou de leur appartenance ethnique ? » Non, nous les soutenons, bien sûr, mais en n’oubliant pas pour autant que ces communautés ne sont pas homogènes : elles connaissent des conflits et des contradictions internes, entre traditionnalistes et progressistes, conservateurs et révolutionnaires, patrons et ouvriers, bigots et laïques, etc. Dans le cadre de ces conflits, nous ne sommes pas neutres. Nous soutenons par exemple les femmes qui refusent de porter le hijab lorsque des partisans du patriarcat veulent le leur imposer. « Mais vous oubliez que le racisme est très répandu, et qu’il existe une propagande anti-musulmane. En fait, lorsque vous critiquez certaines pratiques culturelles (notamment celles des musulmans) vous faites le jeu des racistes. »

Certes, il existe des préjugés anti-musulmans particulièrement puissants, et cela a abouti par exemple à des agressions physiques, suite aux attentats du 11 septembre ou à d’autres attentats. Mais ces agressions ne viennent pas de militants qui luttent contre le racisme et le sexisme. Elles sont perpétrées par des groupes, ou des individus, opposés aux droits des femmes, et qui défendent des idées réactionnaires sur les questions religieuses et ethniques. Il faut prendre le problème exactement à l’envers : c’est parce que l’on ne s’oppose pas suffisamment à ce qui est inacceptable dans ces communautés que les actions des racistes et des fanatiques d’autres religions peuvent avoir lieu.

« Mais les comportements culturels de certaines communautés n’expriment-ils pas une réaction contre l’oppression impérialiste ? » Non, ce n’est absolument pas vrai. Le sexisme est une pratique et une idéologie très anciennes. Les coutumes oppressives que nous dénonçons sont bien antérieures à la « guerre contre la terreur », à l’impérialisme et même au capitalisme. Nous pouvons comprendre que certaines personnes se tournent vers d’anciennes coutumes (par exemple que des femmes musulmanes décident de porter le hijab) pour manifester leur opposition à l’impérialisme et à l’oppression. Mais leur attitude est-elle politiquement juste pour autant ? Non.

Les êtres humains « réagissent à l’oppression » de toutes sortes de façons, certaines positives, d’autres négatives. Même si nous reconnaissons que certains comportements expriment une réaction contre telle ou telle oppression, cela ne doit pas nous empêcher d’exprimer fermement notre opinion à ce sujet. La gauche a pris de mauvaises habitudes : elle sait généralement contre quoi elle lutte, mais beaucoup moins pour quoi elle se bat ; c’est pourquoi ses mots d’ordre sont souvent « Arrêtons ceci », « Supprimons cela ». Donc, si un mouvement prétend être contre l’impérialisme, le capitalisme, le racisme ou contre Blair, certains groupes de gauche affirment automatiquement que les positions de ce mouvement sont justes et qu’il est inutile de s’interroger sur les propositions positives qu’il avance. Avec ce type d’attitude, la gauche en vient à oublier qu’elle est contre le sexisme ! Lorsque des ouvriers blancs votent pour le British National Party (parti d’extrême droite britannique) ils réagissent sans doute contre leur oppression : ils vivent dans des quartiers pauvres, où le chômage domine, où les services publics sont lamentables, etc. Nous pouvons comprendre leur réaction, mais cela ne nous empêche nullement de la condamner fermement. La gauche qui défend le « relativisme culturel » se montre beaucoup moins compréhensive vis-à-vis de la classe ouvrière blanche que des communautés musulmanes, par exemple. Enfin, il existe de nombreux points communs entre les positions idéologiques de cette gauche, et celles de Blair et des cercles dirigeants britanniques.

Les militants de gauche s’indigneront en entendant ce genre de critiques : ne défendent-ils pas des positions opposées au gouvernement en ce qui concerne la guerre, l’immigration, le droit d’asile, l’impérialisme, etc. ? Pourtant, si l’on prend le temps de réfléchir, la gauche et la droite ont de nombreux points communs, notamment leur attitude molle vis-à-vis de l’autoritarisme religieux. Mais les convergences ne s’arrêtent pas là, car la gauche accepte les projets multiculturalistes de la bourgeoisie et que, dans une certaine mesure, l’antiracisme de la gauche n’est qu’un multiculturalisme bourgeois repeint en rouge.

Que devons-nous faire ?

Tout d’abord appeler les choses par leur nom. Certaines pratiques ne sont pas « culturelles », elles sont purement et simplement sexistes. Comme l’explique Taslima Nasreen : « Dans certaines régions d’Afrique, la tradition veut que l’on excise les femmes. S’agit-il d’une tradition ? Il faut appeler cette coutume par son véritable nom : il s’agit d’une forme de torture ! »

Revenir à une politique de classe

Comme je l’ai expliqué auparavant, le « relativisme culturel » est apparu comme une solution alternative face à une politique fondée sur les luttes de la classe ouvrière. Nos combats contre les différentes formes d’oppression, les fanatismes religieux, les discriminations font partie intégrante de notre lutte pour l’auto-émancipation de la classe ouvrière, pour le socialisme. Pour atteindre le socialisme, la classe ouvrière doit être unie, et il existe une puissante tendance vers l’unité et contre le fanatisme religieux. Bien sûr, cela ne signifie pas que le fanatisme religieux ne sévit pas dans la classe ouvrière ni même au sein du mouvement ouvrier organisé, syndical ou politique. Bien sûr, il touche aussi ces milieux. Mais c’est l’intérêt de la classe ouvrière de se montrer solidaire, de vaincre et dépasser ces divisions.

Le communautarisme, lui, pousse dans la direction opposée, il sépare et divise les êtres humains. L’idée que chaque communauté ou chaque pays devrait bénéficier de droits ou de critères différents empêche de construire le mouvement ouvrier multi-ethnique, internationaliste et antisexiste dont nous avons besoin.

Comprendre ET condamner

Le dirigeant conservateur John Major a un jour déclaré, à propos de la criminalité, qu’il fallait « comprendre un peu moins et condamner un peu plus ». On se demande comment une intelligence plus limitée de la réalité pourrait avoir la moindre utilité ou efficacité politique ! La gauche multiculturaliste reprend en quelque sorte à son compte le mode de raisonnement de John Major car elle se sert de critères d’appréciation doubles : quand des ouvriers blancs votent pour le British National party, elle condamne mais ne comprend pas, quand des groupes religieux soutiennent des pratiques sexistes, elle comprend mais ne condamne pas.

Nous sommes opposés à la nouvelle loi contre l’« incitation à la haine religieuse ». Bien sûr, nous condamnons la haine et les discriminations contre tout individu et tout groupe à cause de ses convictions et de son identité. Mais, contrairement à ce que prétendent ses partisans, cette loi ne fera qu’encourager les groupes religieux à faire taire leurs critiques et leurs dissidents au sein de leurs communautés. Par exemple, si cette loi avait été adoptée, ceux qui ont protesté contre la pièce Behzti, dont j’ai parlé au début de mon intervention, auraient pu porter plainte - à condition que le directeur du théâtre ait au moins eu le courage de présenter cette œuvre au public, bien sûr. Nous avons besoin d’un nouveau mouvement féministe et pour cela nous devons tirer les leçons des erreurs et des échecs passés. Il nous faut défendre le droit à l’avortement, qui sera bientôt mis en cause par le gouvernement, mais aussi combattre pour tous les droits des femmes travailleuses (notamment contre l’inégalité des salaires).

Et surtout nous devons rester fermes sur nos positions et n’accepter aucun compromis sur la question des droits des femmes.

(21 septembre 2007) Traduction Ni patrie ni frontières

Notes

[1] En anglais le mot Left désigne tantôt la gauche parlementaire, tantôt la gauche et l’extrême gauche. Nous avons délibérément gardé le terme très flou (et politiquement désastreux, du moins à nos yeux) de « gauche », d’autant plus qu’il correspond aux positions de l’AWL, groupe trotskyste. De même, nous avons traduit socialists par « socialistes », même si en français on utiliserait le plus souvent le mot « révolutionnaires » dans un contexte similaire (NPNF).

Source

Janine Booth Alliance for Workers Liberty

7 - Média

1 - DU NOUVEAU POUR LA « JOURNÉE SANS SARKO » : C’EST LE 30 NOVEMBRE !

Nous ne sommes pas seuls à penser que le bourrage de crâne médiatique a atteint un niveau sonore et visuel totalement insupportable. Les jours et les semaines s’enchaînent avec la même omniprésence du Sarkoshow. Parallèlement à Respublica, une association de Tours, le Rassemblement pour la Démocratie à la Télévision, présidée par le sociologue Pierre Biloun, a lancé une journée sans Sarko pour le 30 novembre prochain, date de la déclaration de candidature de l’omniprésident en 2006. Cette association déclare : "Pas une image, pas un son, pas une ligne sur les faits et gestes de Nicolas Sarkozy ne doivent sortir ce jour-là des rédactions ! Ni éloge, ni critique, ni commentaires ! Rien de rien, s'il vous plaît, qu'un inhabituel et démocratique silence ! Rompez, pour 24 heures, avec vos habitudes et aidez ainsi les Françaises et les Français à se désintoxiquer de la sarkozite médiatique !"

Rien à redire sur le principe, c’est pour cela que Respublica se joint à ce mouvement et va militer à partir d’aujourd’hui pour que la journée du 30 novembre soit une première riposte à cette tyrannie médiatique dont nous sommes tous victimes. Cela dit, ne nous berçons pas d’illusions : penser que les journalistes ont les moyens d’intervenir sur la ligne éditoriale des supports médiatiques dont ils sont salariés, c’est croire (…et faire croire) à « l’indépendance de la presse ». Or, depuis plusieurs mois, plusieurs rédactions sont en effervescence : des comités de rédacteurs se sont formés et coordonnés pour dénoncer la censure dont ils doivent subir la loi. Dans sa grande majorité, la « base » des journalistes déteste le climat de pression dans lequel sont plongés les médias. Mais nous pouvons constater, par exemple, que malgré la quasi révolte contre la censure de la rédaction du Journal de Dimanche, la ligne éditoriale de cet hebdomadaire du groupe Lagardère ne change aucunement et reste servilement aux ordres du pouvoir en place. Il est donc illusoire de penser que les journalistes ont aujourd’hui les moyens d’influencer les contenus des médias… même durant une journée !

La meilleure manière d’aider le mouvement des journalistes, c’est justement de ne pas leur demander l’impossible et d’organiser par nous-même un mouvement de dissidence dans l’ensemble de la société pour briser l’inter-passivité qui nous opprime. Un mouvement social n’existe jamais par délégation. Ne déléguons donc pas aux journalistes le droit à la révolte, le droit à la dissidence dont nous sommes porteurs.

Pour nous, la « journée sans Sarko » du 30 novembre doit être une grève médiatique, une action de conscientisation qui doit mettre en lumière la vulnérabilité du spectateur face au bourrage de crâne permanent. Sortir de l’isolement du spectateur passif est une nécessité si nous voulons voir émerger un mouvement social dans les mois qui viennent. Les citoyens doivent retrouver leur libre-arbitre et ne pas imaginer qu’il est du ressort des journalistes, des cheminots ou, que sais-je, des enseignants d’engager la lutte à leur place, « par délégation ». Au contraire, les journalistes ou les cheminots n’engageront le fer que lorsqu’ils ressentiront une tension sociale et un début d’actions de terrain qui permettraient à leur mouvement de devenir victorieux. Sinon, ils ne bougeront pas !

Respublica se joint donc à l’action du 30 novembre mais sur ses propres bases, c’est-à-dire la grève de la consommation d’info avariée par le Sarkoshow.

Nous reviendrons prochaine sur les modalités possibles de cette action. Mais dès aujourd’hui la rumeur doit courir, chacun doit relayer et amplifier le mot d’ordre : le 30 novembre, zappons Sarko !

Philippe Hervé

2 - Connaissez-vous la SPA, Sarkozy Press Agency ?

Composée d'étudiants en journalisme ou de sciences-po, la cellule de veille d'actualité qui officie à l'Elysée a été réorganisée par Nicolas Sarkozy dès son arrivée. Elle permet au président de réagir au quart de tour à la moindre information et d'inonder les rédactions de communiqués divers. Une improbable « agence de contenus » au service du seul et unique sujet « Sarkozy ».

« Super journaliste », selon le mot de Régis Debray, « Super-Sarko » ne saurait laisser à d'autres ce qui lui réussit si bien. Balayé l'amateurisme des débuts, il entend désormais « inonder les rédactions ». La communication tous azimuts omniprésente et déferlante doit reléguer aux oubliettes l'économie de la parole présidentielle et les relations presse d'antan aussi désuètes que les neiges du même métal.
L'idée (de génie, n'est-ce pas) ? Installer une véritable « mini-rédaction » à l'Elysée chargée de prémâcher le travail des journalistes. Ce qui est fait-et par les siens, n'est plus à faire par d'autres. C'est ce qu'on appelle à L'Elysée : la professionnalisation de la communication.

Pourtant, Emmanuelle Mignon directrice du cabinet du président réfute les termes de « mini rédaction », voire même de « cellule de veille « et décrit le travail qui a été fait par ses services : « il y avait une cellule de permanence chargée de collecter les informations, surveiller l'actualité pour permettre au service de communication de réagir ou alerter le président sur des évènements importants. Le travail était réalisé par des appelés du contingent. J'ai réorganisé cette cellule de permanence pour en faire un outil beaucoup plus professionnel, plus réactif et opérationnel comme c'est le cas place Beauvau ».

La reconnaissance du ventre

Au point de s'imposer comme « le premier rédacteur en chef de France ». Au point que certains journalistes en viennent à culpabiliser quand ils jugent qu'un sujet transmis par l'Elysée (le « réd chef ») ne mérite pas d'être traité. Et ce temps « gagné » par les journalistes à diffuser complaisamment une parole présidentielle livrée clés en mains est autant de temps perdu pour l'analyse, la critique, l'enquête ou encore la prise en compte d'une parole d'opposition etc.
Face à la déferlante, les journalistes, un temps submergés, commencent à s'interroger mais comme son nom l'indique trop bien la « cellule de permanence » produit 24 heures sur 24. Le prochain communiqué de la Présidence de la République –ou le suivant- retiendra bien l'attention quelque part. Communiquez, communiquez, il en restera toujours quelque chose… Ou rien, tant la communication tue l'information.

Premier « réd chef » de France

Etudiants venus de sciences-po, de facultés parisiennes ou encore d'écoles de journalisme, rémunérés 2000 euros par mois et embauchés pour 18 mois, ils sont huit à travailler dans la nouvelle « SPA » (Sarkozy Press Agency) du président. La mission de ces drôles de « veilleurs » : permettre au président de réagir plus vite que son ombre. Mais pourquoi donc avoir fait appel à des étudiants tous susceptibles de s'orienter vers le journalisme ? Emmanuelle Mignon répond, faussement candide : « c'est un job génial pour eux, intéressant, intuitif, tout en étant à l'Elysée, ça leur permet d'avoir une première expérience professionnelle ». Sûr qu'ils se souviendront plus tard de qui leur a mis le pied à l'étrier…
Et d'évidence la cellule est efficace, chaque jour les journalistes sont bombardés de mails venant de la présidence de la république, l'un pour commenter le décès d'une célébrité (oups, Jacques Martin…), l'autre commenter un fait divers (une spécialité du service) ou annoncer un déplacement. Une forme de harcèlement médiatique que les esprits chagrins pourraient assimiler à de la petite délinquance…. A lui seul, le chef de l'Etat pourrait, sans difficultés, saturer un « fil d'actualité » : « Il submerge ses contradicteurs par une occupation constante de la scène médiatique, si bien que sa parole prend le dessus » constatait Marcel Gauchet dans l'Express.

Source

Régis Soubrouillard marianne2.fr

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