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ReSPUBLICA, le journal de la gauche républicaine

n°590 - samedi 24 mai 2008

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1 - chronique d'Evariste

1 - Au mois de Mai : l'individu se prend à rêver

En ce jeudi 22 Mai 2008, le rassemblement pour la défense d’un système de retraites juste a été un succès. Même si elle n’a pas égalée des records, la mobilisation est croissante et elle montre des signes d’enracinement, c’est à dire qu’elle repose de plus en plus sur une construction et une capacité à relier des idées au delà de l’apparence. D’abord, les cortèges ont montré une plus grande variété de personnes. Nombres de jeunes de 30 ans ou moins étaient présents, preuve qu’un système de retraite juste n’est pas qu’une affaire de salariés sur le départ. Notons aussi que l’artifice de l’allongement de la vie justifiant l’allongement de la durée de cotisation est balayé par la prise de conscience que pour cotiser il faut pouvoir travailler, et que là réside le problème essentiel. Autant d’indices qui montrent qu’une prise de conscience est en train de se faire, non sur un point précis, mais bien sur la globalité de ce qui est à l’œuvre actuellement.

En affirmant explicitement sa rupture avec un certain gaullisme qui était à droite, sinon une réalité concrète, du moins une position traditionnelle dans les discours, Sarkozy percute de plein fouet des fondements culturels qui sont les nôtres depuis des générations. Nous ne sommes pas anglo-saxons, ne lui en déplaise, et l’enracinement du Pacte Républicain est profond. Le fait que le président ait du mal à tenir ses troupes UMP illustre que même dans les rangs de la droite, une telle politique de rupture choque les fondements traditionnels de certains.
On l’oublie souvent, car la dénonciation de ce que l’on perd prend toujours le dessus, mais le pétainisme de Sarkozy n’est pas tant destructeur que constructeur d’un nouvel ordre moral. De fait, il n’y a aucune contradiction entre, d’une part, le discours vantant la liberté de tous à entreprendre ou la fin de « Â l’ingérence économique  Â» de l’Etat, et, d’autre part, la volonté d’inscrire « Â en dur  Â» dans la constitution française des règles économiques scellant ainsi la ligne libérale dans les lois de notre pays, privant ainsi la jeunesse à venir de sa liberté à s’autodéterminer (dans sa réforme constitutionnelle, Nicolas Sarkozy a prévu des éléments fixant des règles budgétaires libérales pour l’économie de la France). Seule la constitution de l’Union Soviétique en 1924 avait osé déposséder des êtres humains à venir de leur possibilité de choisir la politique de leur pays.

Du sécuritaire au totalitarisme...
Cette similitude est-elle le fruit d’une pure coïncidence ? Plus qu’une nouvelle avancée libérale, le symbole d’une telle démarche constitutionnelle est révélateur d’une manière de concevoir le monde. La voie totalitaire signe le fait que, malgré les discours, l’individu ne compte pour rien. Il y a sur ce point une ambiguïté fondamentale entretenue par le discours de droite depuis des années (plus de 150 ans !). Cette droite qui se dit protectrice et porteuse de « Â l’individualisme  Â» ne conçoit l’individu dont elle parle que dans l’arène de la loi du plus fort (les plus forts étant déjà en place !). Hors ce cadre, l’individu est un être surveillé, aseptisé, maîtrisé et mis sous sécurité car il est potentiellement porteur de changements. Et on le sait au moins depuis Max Weber, le libéralisme anglo-saxon, outre le fait qu’il n’aime pas vraiment les révolutions populaires, est construit sur des valeurs de vie posant l’existence comme dangereuse, comme une source d’imprévus et de douleurs. On le constate, la vision sécuritaire est toujours liée à un défaut de vitalité heureuse, c’est à dire un défaut de confiance et de joie à vivre. Lorsqu’une personne perçoit la vie avant tout comme une source de dangers et de douleurs, elle tombe dans le sécuritaire par besoin de se protéger. La liberté individuelle est l’incarnation de cette source d’imprévus : contrôler les individus devient une impératif. La politique américaine en matière de surveillance, de justice et de répression est l’illustration flagrante de ce qu’est La Vie et de ce qu’est l’individu pour les valeurs de vie du libéralisme anglo-saxon. De fait, une pensée politique devient totalitaire et sécuritaire non parce qu’elle s’intéresse à l’individualité, mais justement parce qu’elle ne conçoit pas l’individualité. C’est le défaut de capacité à comprendre l’individualisme qui fait qu’un système politique devient méfiant à l’égard des individus et tombe dans la surveillance, le contrôle de l’intimité, la sécurisation, l’internement et la répression. Parce qu’il est méconnu, l’individu est une source d’incertitudes, donc une source de dangers.
N’en déplaise, le libéralisme anglo-saxon n’est pas seul à fonctionner sur ce mode. Toute l’expérience des pays d’Europe de l’Est illustre cette dérive qui conduit de l’immense espoir d’Octobre 1917 à la réalité terrifiante de la Stazi et des goulags. Sarkozy est plus que le porteur d’un mode de fonctionnement économique, il est porteur d’une culture et d’une éthique de vie néfaste à la vie individuelle. Il n’y aura de projet politique à gauche sans la compréhension et la prise en compte de ce qu’est l’individu en dehors de l’aspect économique.
Sur ce terrain, la construction d’un projet à gauche va se heurter à la tradition globalisante qui conçoit l’individu comme un rouage économique et social, et relègue les questions éthiques et anthropologiques dans des corollaires mineurs. Pour relever cette épreuve indispensable et asseoir un nouveau projet de société, la gauche doit réapprendre la place politique de l’individu.
Dans cette tache, une des forces de l’esprit et de la culture de gauche réside dans sa tradition d’érudition et de savoir. Capacité à la critique, à la recherche et à la construction ; désirs de transparence, d’éducation populaire et d’élévation du plus grand nombre, autant de piliers qui fondent la solidité de la pensée et de l’action de gauche. Mai 2005 reste une démonstration grandeur nature, à l’échelle de tout un pays, de cette capacité à la mobilisation et à l’explicitation passionnée par le savoir. Face à des approximations, face à de la politique spectacle, face à des slogans aussi creux que de la publicité, la mobilisation contre le TCE a été la preuve que nous sommes vainqueur dès que nous avons un projet solide à défendre.

Et puis vint le mois de Mai...
Est ce le printemps, de longues années passées à tenter de conserver des acquis, le durcissement qu’incarne le pétainisme d’un sarkozy, ou un 40ième anniversaire qui nous ramène à des élans restés sans réponses, difficile à dire, mais ce début de mois de Mai marque une rupture. Le mot « Â dénonciations  Â» se fait entendre, et avec lui : « Â marre de ne faire que de la dénonciation  Â», « Â il faut sortir de la dénonciation  Â», « Â on ne peut plus se contenter de dénoncer, il faut proposer du neuf !   Â», etc. Voilà ce que l’on pouvait entendre aux détours de conversations dans les manifestations pour défendre les retraites.
De fait, de manière très concrète, un cap a été franchi. La conscience à gauche que le monde des trente glorieuses est achevé prend peu à peu consistance et s’incarne dans ce qui est le réflexe fondateur de l’esprit de gauche : le désir de construire un nouveau monde.
Ce nouveau monde sera le notre.

Évariste Pour réagir aux articles,
écrire à evariste@gaucherepublicaine.org

2 - politique française

1 - Lanques régionales: Mon intervention à la tribune du Sénat

"Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en montant à cette tribune, je suis persuadé que, quels que soient les points de vue que vous exprimez sur ce sujet, tous ici vous vous sentez aussi patriotes que moi-même, aussi attachés à l’unité et à l’indivisibilité de la République française que je le suis et dignes continuateurs du progrès constitué par l’ordonnance de Villers-Cotterêts : ce texte a établi le français comme langue du royaume, permettant à chacun de se défendre, de témoigner, d’attaquer en justice et d’être compris par les autres.

Mais l’homme qui s’exprime en cet instant, fier d’être jacobin, ne parlant que la langue française pour s’adresser à vous ou bien l’espagnol, langue de ses grands-parents, et qui, s’il devait apprendre une autre langue, choisirait l’arabe, langue minoritaire la plus parlée dans la région d’Île-de-France dont il est l’élu, ne vient pas devant vous pour discuter de la question de savoir si l’on est pour ou contre les langues régionales – ce qui est absurde – ou, pire encore, si l’on est pour ou contre la diversité culturelle : il s’agit de savoir si le cadre légal existant est adapté, car il en existe déjà un, ou si la France a besoin de ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires pour faire progresser la diffusion de celles-ci.

Pour ma part, je n’accepte pas la caricature qui voudrait faire croire que la République française réprime ou méprise les langues régionales. Ce n’est pas vrai ! La France s’est dotée dès les années cinquante d’un cadre législatif très favorable aux langues régionales ; elle était même en avance sur beaucoup de pays d’Europe à cet égard.

La loi du 11 janvier 1951 relative à l’enseignement des langues et dialectes locaux, qui porte le nom du socialiste Maurice Deixonne, a officiellement autorisé et favorisé l’apprentissage des langues régionales de France dans l’enseignement public : le basque, le breton, le catalan et l’occitan, auxquels se sont ajoutés ensuite le corse en 1974, le tahitien en 1981, et quatre langues mélanésiennes en 1992. De sorte qu’aujourd’hui, et depuis 1970, tous les élèves qui le souhaitent voient ces enseignements pris en compte pour l’obtention du baccalauréat.

La loi Toubon de 1994 a confirmé ce cadre légal favorable et Lionel Jospin, par la loi du 22 janvier 2002, a mis des moyens particulièrement importants à la disposition de l’enseignement de la langue corse, si bien que quiconque le veut peut suivre un enseignement en corse à l’école, au collège et au lycée, à raison de trois heures par semaine.

L’État a aussi contribué, en lien avec les collectivités locales qui le demandaient, à rendre possibles les signalisations routières bilingues, ce qui permet, dans certains départements, de pouvoir enfin lire les indications rédigées en français, qui étaient jusque-là surchargées de graffitis. Par ailleurs, de nombreuses régions font preuve d’innovation pour favoriser le développement des cultures et des langues régionales.

Par conséquent, rien dans le cadre légal et réglementaire actuel, ni dans la pratique effective, n’est de nature à brider la pratique et la transmission des langues régionales. Et il n’existe pas une voix en France – pas même la mienne ! – qui s’oppose à ce que soient pratiquées les cultures ou les langues régionales. Si le nombre de locuteurs diminue et si leur âge moyen s’élève, il faut en chercher la cause ailleurs que du côté de la République et de la loi !

La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires n’est pas un remède acceptable. Elle est loin de faire l’unanimité en Europe. Contrairement à ce que l’on entend souvent, trop souvent, la France n’est pas l’un des « rares Â» pays européens à ne pas avoir ratifié cette charte. Quatorze pays membres du Conseil de l’Europe ne l’ont pas signée, dont la Belgique, le Portugal, la Grèce ou l’Irlande, qui ne sont pas des États réputés liberticides. Je pense que personne ici n’a l’intention de comparer le comportement de la République française, quels que soient ses gouvernements, à ceux des gouvernements des pays baltes qui, eux, procèdent à une revanche linguistique à l’égard des russophones.

Parmi ceux qui ont signé cette charte, comme la France, dix États ne l’ont pas ratifiée, dont l’Italie. Au total, vingt-quatre pays membres du Conseil de l’Europe se refusent donc à rendre applicable cette charte sur leur territoire. Cela peut être attribué non pas exclusivement à leur mépris pour les langues régionales minoritaires, mais probablement à d’autres causes ; j’évoquerai l’une d’entre elles tout à l’heure. La France est donc loin de constituer un cas particulier.
La France applique déjà beaucoup d’articles de la charte sans avoir besoin de la ratifier. Vous savez qu’il existe deux types de dispositions : les préconisations impératives et celles qui sont optionnelles. Un grand nombre de préconisations impératives sont déjà appliquées ; je n’évoquerai, pour l’exemple – je vous en épargnerai la lecture –, que les articles 7-1-f, 7-1-g et 7-2. Parmi les préconisations optionnelles que la France respecte, on peut citer les articles 8-1-b, 8-1-c, 10-2-g.

Il n’est donc pas vrai que nous ayons besoin de ratifier la charte pour en appliquer les dispositions qui ne sont pas contraires à notre Constitution, et c’est de celles-ci qu’il faut parler !

J’ajoute, ayant été ministre délégué à l’enseignement professionnel et ayant eu à connaître de cette question, que la définition des langues minoritaires donnée par la charte est extrêmement discutable et confuse.

J’observe qu’elle exclut de son champ d’application toutes les langues des migrants – je pense à l’arabe, à la langue berbère et à bien d’autres – comme si les citoyens qui les parlent du fait de leurs liens familiaux, alors qu’ils sont Français, devaient considérer ces langues comme des langues étrangères, comme si l’on demandait aux Algériens, aux Sénégalais, aux Maliens et à combien d’autres de considérer la langue française comme une langue étrangère à leur culture ! (Mme Alima Boumediene-Thiery s’exclame.) Pourtant, c’est ce que fait cette charte !

Cette définition extrêmement confuse aboutit à ce que certaines langues soient reconnues comme minoritaires dans un pays et ne le soient pas dans l’autre, alors qu’elles sont parlées dans les deux pays dans les mêmes conditions. C’est le cas du yiddish, reconnu comme langue minoritaire aux Pays-Bas, mais pas en Allemagne ou dans certains pays de l’Est où il est tout autant parlé.

Cette définition très floue peut être, finalement, discriminatoire et elle aboutit à des reconstructions de l’histoire. Je veux bien, chers collègues, que l’on parle de la langue bretonne, mais encore doit-on préciser qu’elle résulte du dictionnaire dit « unifié Â» de 1942 et qu’elle se substitue aux cinq langues qui existent réellement dans la culture bretonne.

M. Gérard Le Cam. C’est vrai !

M. Jean-Luc Mélenchon. À cet instant, je ne ferai mention ni du fait que l’auteur dudit dictionnaire est un collaborateur des nazis, qui a été condamné à l’indignité nationale, s’est enfui et n’est jamais revenu dans notre pays, ni des conditions dans lesquelles ce dictionnaire a été rédigé et financé à l’époque.

La définition retenue par la charte aboutirait, par exemple, à des absurdités concernant le créole, et bien injustement. Je me souviens d’avoir demandé, en tant que ministre délégué à l’enseignement professionnel, quel créole on devait enseigner ; j’y étais prêt, car cela facilitait l’apprentissage des élèves. Eh bien, trois ans après, je n’avais toujours pas de réponse, parce qu’il n’y a pas un créole, mais des créoles ! Par conséquent, on est amené à choisir, trier, exclure, discriminer de nouveau au moment où l’on croit intégrer. Ce n’est pas pour rien que nos institutions écartent ce type de charte !

Enfin, j’aborde ce qui constitue pour moi le cÅ“ur du problème. Il ne s’agit pas de dire que la sauvegarde des langues et cultures régionales nous pousse sur la pente qui conduit automatiquement à la sécession, au particularisme et au communautarisme. Telle n’est pas mon intention ! Mais j’ai bien l’intention de dire que le risque existe. Il ne saurait être question, sous prétexte de respect de la diversité culturelle, d’admettre un point en contradiction absolue avec la pensée républicaine : il n’y a pas lieu de créer des droits particuliers pour une catégorie spécifique de citoyens en raison d’une situation qui leur est propre.

Le fait de parler une langue différente ne suffit pas à instituer des droits particuliers en faveur de ses locuteurs ! Or c’est ce que prévoit explicitement la charte : il s’agit d’encourager la pratique de ces langues « dans la vie publique et la vie privée Â».
S’agissant de la vie privée, je rappelle que le caractère laïque de notre République interdit que les institutions gouvernementales et étatiques fassent quelque recommandation que ce soit concernant la vie privée des personnes.
Quant à la vie publique, il est précisé que les États doivent « prendre en considération les besoins et les vÅ“ux exprimés par les groupes pratiquant ces langues Â».

À l’évidence, ce texte a été écrit à l’intention de pays où des secteurs entiers de la population parlent une autre langue que la langue nationale et seulement celle-là, comme c’est le cas des minorités hongroises ou autres, qui existent dans divers pays de l’Union européenne. Mais en aucun cas il n’a été écrit pour la France, car dans quelles conditions peut-on désigner les représentants de ces groupes ? Va-t-on maintenant élire des représentants des locuteurs de telle ou telle langue ? Non ! C’est en totale contradiction avec l’idée d’égalité républicaine !

Il ne peut être question de faire bénéficier de procédures en langues régionales devant les autorités judiciaires, comme le prévoit l’article 9 de la charte, ou devant les services publics, comme le décide l’article 10. Témoigner, poursuivre en justice, signer des contrats dans une autre langue que la langue française constituerait un recul par rapport à l’ordonnance de Villers-Cotterêts. Pourtant, c’est ce que prévoit cette Charte européenne des langues régionales ou minoritaires !

Le Conseil constitutionnel a donc eu raison de dire, en 1999, qu’en conférant « des droits spécifiques à des “ groupes â€? de locuteurs de langues régionales ou minoritaires, à l’intérieur de “ territoires â€? dans lesquels ces langues sont pratiquées, cette Charte porte atteinte aux principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français. Â»

Après l’exposé de ces raisons juridiques, philosophiques et républicaines, je voudrais enfin souligner, d’une façon plus personnelle, qu’il ne saurait être question de ne pas tenir compte de l’origine de la charte, à l’heure où beaucoup prétendent, à la suite de Samuel Huntington et de sa théorie du choc des civilisations qui est aujourd’hui la doctrine officielle d’un certain nombre de stratèges de la première puissance mondiale et de quelques autres pays, que, dorénavant, « dans le monde nouveau, la politique locale est “ethniqueâ€?, et la politique globale “civilisationnelleâ€? Â».

Cette origine, sans doute nombre de mes collègues l’ignorent-ils ; c’est pourquoi je veux la leur apprendre.
La charte, adoptée en 1992 par le Conseil de l’Europe, a été préparée, débattue et rédigée par plusieurs groupes de travail de cette instance qui étaient animés par des parlementaires autrichiens, flamands et allemands tyroliens. Leur point commun était d’être tous issus de partis nationalistes ou d’extrême droite et d’être membres de l’Union fédéraliste des communautés ethniques européennes, la FUEV selon l’abréviation allemande. Cette organisation est aujourd’hui dotée d’un statut consultatif au Conseil de l’Europe, et elle se présente elle-même comme la continuatrice du Congrès des nationalités, instrument géopolitique du pouvoir allemand dans les années trente ! Un des principaux laboratoires de l’élaboration de la charte fut ainsi le groupe de travail officiel du Conseil de l’Europe sur la protection des groupes ethniques, dont la création a été obtenue par la FUEV et qui est également connu pour ses travaux sur le « droit à l’identité Â», le Volkstum.

Pour toutes ces raisons, la République française n’a donc rien à gagner à modifier sa Constitution pour ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Elle ne pourrait que se renier en le faisant. Elle doit, tout au contraire, continuer sa politique bienveillante et intégratrice, qui donne aux cultures et aux langues régionales toute leur place dès lors que la République est première chez elle ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et de l’UC-UDF). "

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Jean-Luc Mélenchon www.jean-luc-melenchon.fr

2 - Amendement surprise sur les langues régionales dans la Constitution

L’Assemblée nationale a adopté jeudi, à la quasi-unanimité, un amendement surprise au projet de loi sur la réforme des institutions visant à inscrire la reconnaissance des langues régionales dans la Constitution. « Les langues régionales appartiennent au patrimoine Â» de la Nation, prévoit l’amendement présenté par le président UMP de la commission des Lois et qui complètera l’article 1 de la Constitution.

En quoi les langues régionales seraient elles brimées en France pour qu’il faille en catimini modifier l’article 1er de la Constitution, sans débat préalable ?

La diversité linguistique existe même si, bien souvent, elle relève plus du folklore que d’une réelle diversité culturelle. Vous imaginez MOLIERE ou VOLTAIRE traduits dans certains patois dont la conjugaison se limite à 3 personnes au lieu des 6 de la langue française ? Inscrite comme principe constitutionnel, elle introduit la division et contredit l’article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958: « La langue de la République est le français Â». Cette nouvelle disposition : « Les langues régionales appartiennent au patrimoine Â» située à l’article 1er hiérarchise ces principes fondamentaux. Ceci constitue une concession essentielle au communautarisme. Elle sera très vite instrumentalisée par les groupes de pressions qui ont réussi là un bon coup constitutionnel.

Ainsi, dans les écoles bretonnantes DIWAN (fondées en 1942 par le collaborateur notoire « JAN Â» puis finalement agréées quelques décennies plus tard par un certain « Djack Lang Â»), le Français deviendra la « seconde langue Â» pour toute la scolarité des élèves concernés.

C’est le principe même de citoyenneté qui est remis en cause et ainsi « différencialisé Â» selon les ethnies locales. Des droits différenciés constitutionnalisés au nom d’une langue régionale. Les rapports sociaux se construiraient alors dans des logiques communautaires à prééminence linguistique contre le principe de la citoyenneté, selon des droits différenciés et communautaires. Le lien communautaire s’opposera au contrat social, au contrat national. Toutes les revendications alimentées par des foyers identitaires valident ces tentations d’un communautarisme politique. Elles condamnent la laïcité et le « vivre ensemble Â» inhérent à la notion même de Res Publica. Le groupe deviendrait attributaire de droit et non plus le citoyen.

Le Conseil Constitutionnel dans sa décision 99-412 du 15 juin 1999, au sujet de la charte européenne dans langues régionales, confirme nos craintes lorsqu’il énonçait : « ''La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ; que le principe d’unicité du peuple français, dont aucune section ne peut s’attribuer l’exercice de la souveraineté nationale, a également valeur constitutionnelle ;

Considérant que ces principes fondamentaux s’opposent à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelque groupe que ce soit, définis par une communauté d’origine, de culture, de langue ou de croyance'' Â».

Auparavant, dans une décision 96-373 du 9 avril 1996 portant statut d’autonomie de la Polynésie française : « Le Conseil a tenu à préciser, aussi, que la reconnaissance de la possibilité d’utiliser les langues tahitienne et polynésienne ne saurait aller contre le principe inscrit dans la Constitution que le français « est la langue de la République'' Â».

Rappelons dans le cadre de l’affaire Diwan d’intégration des écoles communautaires linguistiques par immersion, donc avec l’usage exclusif de la langue bretonne comme langue d’enseignement, le Conseil d’Etat a fait droit à deux recours du CNAL et de l’UNSA Education en s’appuyant sur nos principes constitutionnels. Introduire aujourd’hui cette disposition dans la Constitution remet en question ces décisions. L’enseignement par immersion fait du français une langue seconde. Certes, on peut considérer que c’est du ressort de l’Etat d’offrir aux élèves qui en font la demande la possibilité de compléter le socle commun de connaissances requis par des matières optionnelles (des langues régionales, certains sports peu pratiqués, etc.). Est-ce bien au moment où l’Etat supprime 12500 postes d’enseignants et diminue drastiquement le nombre des heures/classe accordés aux EPLE pour l’enseignement des matières ESSENTIELLES qu’il faut accorder – avec la force d’un texte constitutionnel de surcroît - à quelques minorités locales des moyens supplémentaires… qui vont cruellement manquer pour l’enseignement du Français ou des Sciences Humaines ?

Décidément, le Sarkozysme est de plus en plus synonyme de remise en cause systématique des fondements de notre République et de retour en force à l’Ancien Régime… celui des « parlements Â» locaux réunis sous la seule autorité du Monarque !

Thierry Pontillon Directeur d’école primaire - syndicaliste

3 - La marche des savoirs, Appel national

SLR, SLU, SNCS, SNESUP, SNTRS-CGT

Pour justifier les choix idéologiques qu’il impose à la recherche et à l’enseignement supérieur, au mépris des réformes proposées depuis plusieurs années par de très nombreux scientifiques, le gouvernement laisse penser que nos résultats seraient mauvais. A l’appui, il utilise diverses échelles de mesure comme le fameux classement de l’université de Shanghaï, alors même que le vice-président de cette université reconnaît que le classement « ne rend pas justice aux universités françaises ou allemandes car elles ont un système qui diffère complètement Â». D’autres indicateurs, comme le nombre d’articles publiés par euro dépensé en R&D, placent la France loin devant les USA ou le Japon, mais sont délibérément oubliés. Le gouvernement peut ainsi justifier le remplacement des dynamiques de collaboration et d’engagement de long terme (qui sont fondamentalement nécessaires à la production de connaissances) par des mécanismes de concurrence privilégiant le court-terme et le pilotage gouvernemental : remplacement des crédits de base des laboratoires par des crédits sur projets courts, augmentation du nombre de jeunes chercheurs sur CDD sans création d’emplois stables (sans qu’aucune étude scientifique n’ait jamais démontré que la précarité jusqu’à 40 ans améliore la productivité des chercheurs), politique de primes au lieu des augmentations salariales (un chercheur débute à 1 700 euros nets par mois), probable augmentation en moyenne du service d’enseignement des enseignants-chercheurs, découpe des organismes de recherche en Instituts, etc...

Les chercheurs en ont assez que le Ministère leur assène ces contre-vérités qui témoignent d’une profonde méconnaissance de la logique scientifique et d’une volonté de contrôle par les politiques sur la communauté scientifique. Dans un contexte de pauvreté relative de la recherche par rapport à d’autres pays (que ce soit en terme de financements des laboratoires que des niveaux de salaires, et ce malgré l’augmentation du budget, totalement trustée par la création de l’ANR), ils sont fiers de leurs recherches, de leurs découvertes, des savoirs qu’ils ont produit, des plus discrètes jusqu’aux plus visibles, qui obtiennent des récompenses internationales (Médaille Fields en 2006 ou le prix Nobel en 2007) et qui consacrent le travail de très longue haleine mené par des équipes. Oui, notre valeur scientifique est reconnue comme en atteste, par exemple, l’attrait du CNRS qui recrute 22 % d’étrangers parmi ses jeunes chercheurs.

Surtout, pour produire du savoir et le transmettre, ces métiers de la connaissance fonctionnent fondamentalement et historiquement sur d’autres valeurs qui sont bafouées par ce gouvernement actuel : indépendance du savoir par rapport aux différents pouvoirs (politique, économique...) et groupes de pression ; reconnaissance de la valeur propre du savoir en soi, de sa production et de sa transmission, au delà de toute utilité marchande ; supériorité de la coopération sur la concurrence pour la production de ce bien public qu’est le savoir scientifique (comme en témoignent les effets désastreux de la course aux brevets).

Le gouvernement actuel joue à « l’apprenti-sorcier Â» en cassant le système existant sans maîtriser toutes les conséquences à court et à long terme. Les différentes réformes présentées comme « techniques Â» que nous venons de vivre depuis trois ans (ANR, AERES, LRU), sans qu’un plan d’ensemble ait été clairement annoncé (bien qu’il soit facile à lire entre les lignes), nous amènent à vivre dans un climat d’incertitude profondément déstabilisant au quotidien pour les équipes de recherche, et particulièrement délétère pour les jeunes chercheurs et les doctorants qui renoncent de plus en plus à s’engager dans des carrières scientifiques.

Pour affirmer leur fierté des valeurs qui font nos métiers, et demander des réformes qui respectent leurs propositions des Etats-Généraux de Grenoble, construites il y a près de quatre ans, SLR appelle tous les personnels et les usagers de l’enseignement supérieur et de la recherche à marcher le 27 mai 2008 dans toutes les villes de France.

A Paris, le départ aura lieu à 14h00 devant la Maison des Sciences de l’Homme (54 bd Raspail), parce que les sciences humaines et sociales, qui apportent un regard critique et distancié sur notre monde sont parmi les sciences les plus menacées.

Nous nous dirigerons vers le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, d’où nous repartirons à reculons, pour dire combien les politiques actuellement menées sont régressives. Nous finirons notre marche à Jussieu, université emblématique de cette science fondamentale aujourd’hui menacée par un utilitarisme à courte vue.

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Sauvons La Recherche www.sauvonslarecherche.fr

4 - Fête des mères: entre le 25 mai 1941 et le 25 mai 2008, la Journée des retraites du 25 mai 2003

Après la première arnaque pétainiste et printanière de la Journée de revendication de la Deuxième Association Internationale des Travailleurs devenue fête du Travail (Famille Patrie), en voilà une seconde à rappeler à la mémoire en cette veille du 25 mai.

La date du 25 mai est un double anniversaire:

Le 25 mai 1941, le maréchal familialiste Pétain lance la "Journée nationale des mères"

Est-ce surprenant? Non, du tout. La coïncidence des jours, à 67 ans d'intervalle, attire plutôt l'attention sur le retour présent du pétainisme sous le masque grossier du sarkozysme, un mouvement de fond dont l'ampleur explique les ralliements de quantité de vedettes du parti socialiste à l'Elysée ou au Fonds monétaire international. C'est que le néo-pétainisme ne dit pas son nom, et se déguise; il ne collabore à aucune barbarie, et il convient donc de nommer euro et banque centrale européenne ce que les allemands appellent euromark, et des économistes euro-Bundesbank, ou d'appeler défense des valeurs de la République la constitutionnalisation de l'eurolibéralisme des financiers et de toutes les fractions de la grande bourgeoisie.

Le 25 mai 2003, 1.300.000 manifestants montent à Paris pour défendre les retraites par répartition sur les slogans "37,5 ans pour tous", "public privé même combat", "grève générale!". Beaucoup ont arrêté le travail depuis déjà 3 semaines.

Si les gens avaient su l'origine de la fête des mères en 2003, ils auraient été encore plus nombreux à manifester dans la capitale, ils auraient été non pas 1 gros million mais 2, 3, 5, 8, 13... millions, les femmes et les enfants d'abord, à lutter contre le néo-pétainisme et le néo-libéralisme revanchards... la question de savoir si la face des retraites en aurait été changée pour autant en dépit des directions syndicales est une autre question, qui porte sur les actions rendues possibles les jours suivants, après la nuit passée dans la rue par les foules démocratiques.

N'est-il pas temps de débaptiser une journée pétainiste et depuis longtemps commerçante pour en faire la "Journée des retraites par répartition", de façon à opérer une intervention inverse à celle subie par le 1er mai ?

Ne nous y trompons pas. En septembre 2003, bien des militants étaient Ka-Oh debout, et le sont restés longtemps. Le choc passé, beaucoup se lamentent encore et s'enfoncent dans le pessimisme: le dernier combat s'étant soldé par une défaite due au calendrier, la mobilisation en resterait d'autant difficile. Lourde erreur. Pour se tremper en vue de la lutte, et y préparer les autres, mieux vaut rappeler les fortes mobilisations passées, et en tirer les enseignements, que les victoires aisées qui n'apprennent rien. Voyez Sarko-la-revanche parlant de la défaite bourgeoise de mai 68, pensez à la Révolution russe de 1917 prenant la suite de celle de 1905, admirez le mouvement néo-zapatiste des indiens du Chiapas mexicain qui nous donnent une leçon de résistance, de dignité, d'opiniâtreté et d'organisation.

Et on aurait peut-être bien même pu utiliser, faute de grève sérieuse, la date anniversaire du 25 mai 2008, pour monter à Paris mettre aux poubelles de l'histoire la fête pétainiste instaurée le 25 mai 1941, et lutter pour plein d'autres choses du même coup, par exemple l'Ecole, que le rapport Attila-Sarko promet explicitement à la privatisation, ou encore les allocations familiales promises à réduction, histoire de montrer que l'on tient plus aux revenus nécessaires pour élever les enfants qu'à l'héritage pétainiste d'une fête familialo-commerciale... et en famille pourquoi pas, histoire de faire la fête en nombreuses familles...

Car il serait temps, à l'heure où le gouvernement s'apprête à autoriser le chèque syndical, de comprendre que tous, quel que soit leur âge, ont leur place dans les manifestations, et que celles-ci ne feront plier le libéralisme ploutocratique que lorsque les défilés seront des défilés de populations, et se feront plus volontiers en famille que derrière les banderoles bureaucratiques des rentiers héritiers des fruits du long effort d'organisation du mouvement ouvrier.

Bonne journée aux mères quand même, comme les autres jours d'ailleurs ... elles ne sont pour rien quant à cette fête pétaino-familialiste devenue libéralo-commerciale ... faut-il insister et préciser que ceux et celles qui ont manifesté lors de la Journée du 25 mai 2003, sur une idée de bureaucrate soucieux d'étioler leur mouvement, d'organiser son échec et son repli grâce à l'héritage vichyste, ne défilaient pas du tout contre leur mère, ni contre leur propre état de mère, mais simplement et lucidement pour la retraite par répartition de toutes et tous.

La IIème A.I.T. n'avait pas seulement instauré la journée internationale de grève et de revendication du 1er mai; elle avait créé une Internationale des femmes travailleuses, et celle-ci avait lancé une Journée internationale des ouvrières, et non une journée des mères, par manque de familialisme sans doute, par féminisme aussi.

Et si Vichy a engendré la Fête dépolitisante des mères, pour rabattre les femmes sur leurs fourneaux familiaux, de la Journée des ouvrières est sorti un 23 février (8 mars pour notre calendrier) la Révolution russe, parce que pour leur Journée, chaque année, les femmes, en foules immenses et défamilialisées, quittaient leurs fourneaux, gagnaient la rue, et sans leurs hommes, sans les banderoles d'organisations à l'époque si peu bureaucratisées, criaient "à bas le tzar", hurlaient "du pain", et exigeaient "la paix". Aujourd'hui, demain, pourquoi les femmes ne pourraient-elles point gueuler "A bas l'euro-libéralisme", "Un emploi stable pour toutes et tous", et "Une retraite décente pour une vieillesse paisible" ?

Il existe diverses façons de marquer la fête des mères et de fêter les femmes ; ce texte en donne la démonstration.

Eric Le Fustier

3 - Droits des salariés

1 - Retraites et pénibilité du travail : à propos d'un argument piégé

Voici un complément à l’article sur les retraites émanant de Combat républicain, paru dans le dernier numéro de Respublica (n°589). Il s’agit d’un éditorial de Combat républicain portant sur "les mauvais arguments des néo-libéraux" à propos des retraites et de leur mode de calcul: nous pensons que ce très bon texte évoque aussi un mauvais argument, qu’on devrait pas, à gauche, utiliser sans bien réfléchir à ses effets réels.

Est-il vraiment si opportun de soutenir que les droits à retraite doivent être indexés sur l’espérance de vie, qui varie selon la classe sociale? Veut-on vraiment que les classes moyennes (vaste fourre-tout qui empêche de penser la notion de classe) restent au travail jusqu’à soixante-dix ans sous le prétexte de financer la retraite des travailleurs manuels dès soixante ans? A-t-on mesuré, derrière le chantage compassionnel en faveur des plus pauvres, quelles sont les catégories concernées par la notion particulièrement floue de "pénibilité" du travail et par ses possibles conséquences en termes de droits à la retraite? Croit-on par exemple qu’un professeur de ZEP ait un travail moins pénible qu’un ouvrier? Est-on vraiment sûr qu’un ouvrier ait un travail plus pénible qu’un petit cadre surexploité? Est-on vraiment si assuré de parvenir à des résultats fiables à partir de statistiques qui ne prennent pas nécessairement en compte avec le recul nécessaire les différences réelles de pénibilité dans le monde social des Trente Piteuses? Qui l’emportera, en pénibilité, de l’ouvrier intégré ou du précaire soumis à une incertitude totale et non mesurée par des statistiques d’espérance de vie? La plus grande longévité des femmes leur vaudra-t-elle de partir en retraite quelques années plus tard ? Quant au manuel au chômage, faut-il s’inquiéter de la pénibilité du travail qu’il n’a plus et qui ne lui assurera aucune retraite, ou bien lui trouver un travail, fût-il pénible?

Il n’est peut-être pas si judicieux de recourir à l’argument de la pénibilité du travail, quand la droite ne demande pas mieux que de pouvoir le manipuler, pour justifier (une fois de plus) le financement de la paix sociale par les classes moyennes, afin de maintenir à flot prolétariat et sous-prolétariat, qui ne doivent surtout pas bouger, pour ne pas mettre en danger les intérêts de la grande bourgeoisie. A-t-on la naïveté de croire que l’argument de la pénibilité du travail serve seulement à protéger les pauvres en faisant payer les riches, quand les seuls vrais "riches" sont ceux qui échappent par la constitution de patrimoines solides à tout besoin d’Etat-Providence, et que tous les autres, classes moyennes incluses, dépendent de cet Etat-Providence? Qui sont ceux qui vont, effectivement, payer une telle différenciation des droits à retraite selon la classe sociale et l’activité professionnelle? Pourquoi un Xavier Bertrand est-il tout prêt à négocier sur ce thème et avec quelle onction de chattemite s’apprête-t-il à rejoindre les quelques culs-bénits qui confondent syndicalisme et charité dans cette entreprise de culpabilisation des travailleurs intégrés?

Cette question renvoie, plus fondamentalement, à ce que signifie "république" : si la notion implique un consensus minimum entre classes sociales, il ne saurait être question de financer la paix sociale en prolétarisant les classes moyennes afin que prolétariat résiduel et sous-prolétariat en pleine croissance se tiennent tranquilles, le tout au bénéfice de la grande bourgeoisie qui organise précarité et chômage pour abaisser le coût du travail dans les pays où les travailleurs avaient acquis des droits. Le discours compassionnel, destiné à empêcher toute analyse des rapports de classes et des intérêts respectifs des uns et des autres, est l’idéologie qui s’impose aujourd’hui pour mystifier les esprits: malheureusement, la question des retraites est loin d’être la seule à laquelle puisse s’appliquer le principe d’une telle analyse.

Véronique Taquin Véronique Taquin (alias Tacquin) a publié des articles sur Eisenstein, Dreyer, Duras et Pasolini, ainsi qu'une étude sur Antigone d'Anouilh. Cinéaste et romancière, elle a réalisé Bartleby ou les hommes au rebut (1993) et publié Vous Pouvez Mentir aux Editions du Rouergue (1998).

Laurent Loty Laurent Loty enseigne à l'Université Rennes 2 et a présidé la Société française pour l'histoire des sciences de l'homme. Il enquête sur la genèse des idées politiques contemporaines, et anime le programme "Alterréalisme" d'incitation à l'écriture d'utopies. Il a codirigé Littérature et engagement pendant la Révolution française (PUR, 2007).

2 - Les syndicats sont-ils vendus ?

Si les petits arrangements financiers de l’UIMM ont été (en partie) mis au jour, ceux des syndicats censés défendre les salariés restent à ce jour encore tabous. Dans un livre, « L’argent noir des syndicats Â» (Fayard), le philosophe et journaliste Roger Lenglet, et deux syndicalistes, Jean-Luc Touly et Christophe Mongermont, révèlent, preuves à l’appui, les magouilles des syndicats, qui dépendent notamment un peu trop… du patronat.

C’est une enquête stupéfiante, qui devrait faire du bruit. Pour la première fois, le voile se lève sur un sujet tabou, « l’argent noir des syndicats ».Depuis le début de l’affaire des fonds secrets patronaux de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM), le doute se propage.

Qui a été arrosé par l’UIMM, notamment avec les 20 millions d’euros en espèces destinés à « fluidifier les relations sociales Â», selon l’expression imagée de Denis Gautier-Sauvagnac, le puissant boss de l’organisation patronale, éjecté de son poste ? Les syndicats de salariés, mal à l’aise, ont tous protesté de leur bonne foi et DGS a promis de ne rien dire.

Le livre du journaliste Roger Lenglet, et des syndicalistes Jean-Luc Touly et Christophe Mongermont n’apporte pas de révélations majeures sur ce scandale entre les mains de la justice. En revanche, l’affaire de l’UIMM n’est visiblement qu’un révélateur de pratiques plus générales entre patronat et syndicats, qui vont de la subvention déguisée à la corruption pure et simple… Dans une absence totale de transparence. Il est vrai que la loi Waldeck-Rousseau de 1884 sur les syndicats leur permet de se dispenser de toute justification sur l’origine de leurs fonds et sur l’identité de leurs adhérents. Ils ont même le droit de détruire chaque année leur comptabilité afin de ne pas laisser de trace ! Un comble. Censé protéger les syndiqués de toutes représailles ciblées, ce système légal est aujourd’hui totalement archaïque.

Pratiques assez troubles entre patronat et syndicats

La réalité, telle que la narrent les auteurs, est bien plus accablante qu’on ne le croit. Les syndicats ont besoin d’argent. Or, ils ont de moins en moins d’adhérents, puisque les cotisations couvrent probablement moins de la moitié de leurs dépenses. La désyndicalisation et la bureaucratisation de syndicats émiettés vont de pair. Résultat : le système D règne. Et les dérives se multiplient.

L’UIMM, par exemple, reste muette sur les subsides qu’elle verse discrètement aux syndicats depuis des années. Or elles existent bel et bien, selon les auteurs.

Téléphones, voitures, primes, embauches amicales…

D’autres PDG anonymes, cités dans le livre, évoquent des pratiques plus tangentes, des petits cadeaux qui entretiennent l’amitié… et permettent d’assurer un climat social très calme dans l’entreprise : « Je reçois moi-même, lors de chaque élection professionnelle de délégués du personnel, les salariés élus pour leur proposer des petits cadeaux, un véhicule de fonction et un téléphone portable. En contrepartie, ce que je demande, c’est qu’ils me préviennent afin de régler en amont et en petit comité tout litige qui pourrait déraper. Â» Pis : les permanents de certains syndicats viennent demander quelques services, en échange de leur promesse de calmer les revendications.

Daniel Guerrier, délégué CGT jusqu’en 2000, témoigne, lui, à visage découvert : « j’ai souvent vu des délégués du personnel prendre leurs ordres auprès de la direction pendant des repas régulièrement offerts par les cadres dirigeants, au cours desquels on se tutoie et on baisse un peu la voix en abordant certains sujets comme le renouvellement du portable ou de la voiture, en passant par les primes spéciales et les horaires allégés, l’embauche de parents ou amis. Â»

Ces pratiques seraient, selon les auteurs, très répandues, par exemple, dans le secteur de la construction ou du nettoyage. Là, les employeurs désigneraient carrément eux-mêmes certains syndicalistes de manière à éviter les soucis. Moyennant quelques avantages salariaux et appartements attribués aux heureux délégués. Même la CGT a du mal à discipliner ses troupes dans le monde atomisé du nettoyage…

Des pages de pub qui posent question

Mais les surprises ne s’arrêtent pas là. Les syndicats sont aussi gentiment arrosés par des pages de pub dans leurs revues internes. Pages qui peuvent êtres payées jusqu’à 100 000 euros « sans que personne ne puisse expliquer leur intérêt commercial Â». Les auteurs notent que la presse CGT a un « penchant prononcé Â» pour les pubs venant notamment des assureurs Satec, Macif, Axa, MMM, Assurance Sport et Tourisme, les groupes Dassault, EDF, SNCF, Air France, Suez, Veolia, France Télécom, l’alcoolier Pernod-Ricard, le Patis 51 et le champagne Henri-Guiraud…

Fonds pour la formation ou les handicapés détournés

Par ailleurs, les collectivités locales, les caisses de retraite complémentaires et l’argent de la formation professionnelle (voir l’encadré) contribuent, eux aussi, à irriguer les syndicats, de manière directe ou indirecte, comme plusieurs rapports de l’Inspection des affaires sociales et de la cour des comptes l’ont déjà dénoncé, sans véritable suites. Pire : les 400 millions d’euros de subventions destinées à l’insertion professionnelles des personnes handicapées seraient en partie détournées vers d’obscurs « conseillers techniques Â». Sans que personne ne s’en émeuve vraiment !

A l’arrivée, le constat du livre est accablant, que ce soit dans les entreprises privées comme dans le cas des entreprises publiques, tels qu’EDF ou la SNCF, où les abus – narrés en détail – sont légion. Le système de financement des syndicats – patronaux et de salariés – est bancal, opaque, perméable à la corruption, sans règles ni contrôles. Il serait grand temps de le réformer, au moins pour lui donner plus de transparence. Et éviter de désespérer ceux qui continuent de militer en toute bonne foi.

« L’argent noir des syndicats », Roger Lenglet, Jean-Luc Touly, Christophe Mongermont (Fayard) sortie le 17 mai, 302 pages, 19 euros

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Sami NAIR Secrétaire national du MRC, ancien député européen.

4 - école publique

1 - Pendant qu'on supprime les postes à l'éducation nationale, les retraités rempilent.

A la demande de l’Inspection académique, une institutrice retraitée de la région rennaise avait « repris du service Â» afin d’assurer le remplacement d’une institutrice qui venait d’être arrêtée pour trois semaines. Face à l’indignation des parents d’élèves, cette enseignante à la retraite a finalement renoncé à assurer son remplacement.

L’Union des FAmilles laïques s’associe à l’indignation des parents d’élèves, de la FCPE et des organisations syndicales qui ont manifesté samedi dernier leur mécontentement et qui ont dénoncé ce procédé « inadmissible Â» qui consiste à « recruter des retraités pour pallier le manque de remplaçants Â».

Il ne s’agit pas en l’occurrence de dénoncer le choix de cette institutrice retraitée. Le cas de l’école maternelle publique Les Forairies de Fougères n’est, du reste, pas isolé : l’Inspection académique a déjà recruté huit retraités pour assurer des vacations sur le seul département de l’Ille-et-Vilaine. Le rectorat de Créteil pratique une politique semblable. Il s’agit de dénoncer une logique désastreuse qui consiste à réduire le nombre de postes à l’éducation nationale et à panser les plaies en incitant des retraités à se remettre au travail.

De telles situations constituent un démenti empirique criant à l’argument démographique que le ministre Xavier Darcos a constamment employé pour justifier les 11200 suppressions de postes à l’éducation nationale[1] prévues à la rentrée prochaine : car si les enseignants étaient désormais aussi surnuméraires que l’affirme le ministre, comment expliquer le fait que les Inspecteurs académiques aient déjà tant de mal à trouver des professeurs remplaçants qu’ils en soient acculés à recruter des retraités ? Doit-on comprendre que le ministre compte puiser dans le contingent des retraités pour garantir le ratio nombre de professeurs / nombre d’élèves ?

Allons-nous accepter de remettre au travail des gens qui bénéficient d’une retraite bien méritée alors que le nombre de postes aux concours de recrutement des enseignants de l’école publique est réduit drastiquement chaque année ? Devons-nous nous résoudre à voir des retraités revenir sur le marché du travail alors que le chiffre du chômage des jeunes est des plus préoccupants ? Devons-nous nous résoudre à la paupérisation des retraités qui seront malheureusement de plus en plus nombreux à revenir sur le marché du travail pour compenser le faible montant de leur retraite et à la paupérisation des jeunes qui n’arrivent pas à entrer sur le marché du travail ?

L’Ufal ne se résoudra pas à cette sinistre politique qui, au lieu d’assurer la pérennité du lien social et la transmission entre les générations, organise leur mise en concurrence.

Notes

[1] Cf. pétition initiée par le Secteur Ecole de l'Ufal: "Non aux suppressions de postes, Pour une Ecole publique digne de ce nom", voir le texte : [charger le lien]

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L'Union Des FAmilles Laïques www.ufal.org

2 - Ecole: séparer filles et garçons, c'est de nouveau possible

La nouvelle loi contre les discriminations rend possible les classes non-mixtes, interdites dans le public depuis 1975.

Le 15 mai 2008 restera-t-il dans les annales comme la première grande brèche dans le principe de mixité scolaire? Jeudi, le Parlement a en tous cas adopté définitivement la nouvelle loi anti-discrimination, après plusieurs discussions houleuses tant que le texte faisait encore la navette entre les deux assemblées.

Au détour de cette loi, s'installe en effet la possibilité d'organiser un enseignement séparé pour les garçons et les filles à l'école. La mixité s'était pourtant généralisée dès les années 60 dans l'éducation: une circulaire l'impose en juin 1965 pour toutes les nouvelles écoles élémentaires créées, avant de l'étendre à toutes les écoles primaires à la fin de la décennie. C'est, enfin, la loi Haby du 11 juillet 1975 qui allait rendre la mixité obligatoire dans l'enseignement public primaire et secondaire.

Cette disposition du texte finalement adopté a été très critiquée durant le travail parlementaire. Notamment au Sénat, massivement hostile à cette mesure, tous groupes politiques confondus. Début avril, Valérie Létard, secrétaire d'Etat chargée de la Solidarité, avait d'ailleurs été largement interpellée lors de son audition par la commission des Affaires sociales.

C'est ce que raconte Sylvie Demarescaux, sénatrice du Nord (sans étiquette), qui déplore qu'aucun des trois amendements sénatoriaux soit finalement parvenu à infléchir le texte. Mercredi 14 mai, la veille de l'adoption définitive de la loi, la commission mixte paritaire avait en effet fait retirer ces trois amendements visant à supprimer la disposition liée à l'enseignement.

L'un de ces amendements émanait pourtant du centriste Nicolas About, qui préside les affaires sociales au palais du Luxembourg, et qui n'a pas hésité à parler "d'erreur gouvernementale".

Une directive européenne sert de bouc émissaire au gouvernement

De son côté, le gouvernement n'a cessé, jusqu'à l'adoption définitive du texte et malgré les discussions qu'il soulevait, d'arguer de son "absence de marge de manoeuvre", avançant l'obligation de transposer en droit français cinq directives européennes en matière de discrimination.

C'est ce qui fut du reste répondu à la sénatrice Sylvie Demarescaux alors que celle-ci trouvait à s'émouvoir du pas en arrière que cette mesure représente à ses yeux:

"Valérie Létard nous a expliqué que la Commission européenne laissait une très faible marge de manoeuvre dans la transposition des directives en matière de discrimination et que la France n'avait pas vraiment eu le choix.
"Or, pour moi, on revient à ce que j'ai vécu quand j'étais jeune, c'est à dire à une discrimination sexiste. C'est la première fois qu'on revient tant en arrière, alors qu'on avait plutôt bien avancé récemment en matière d'égalité hommes-femmes."

Or si Bruxelles avait bien exigé de ses Etats-membres qu'ils transposent dans leurs législations respectives des mesures antidiscriminatoires, celles-ci concernaient le champ des biens et services. Et nullement l'éducation, prérogative nationale.

Laurence Rossignol, vice-présidente du conseil régional de Picardie et secrétaire nationale chargée des droits des femmes et de la parité au PS, doute elle aussi de cette explication:

"L'Europe? On sourit... Regardez le nombre de directives européennes pour lesquelles la France traine les pieds. Quand on veut freiner, ou peut. C'est un argument fallacieux."

La non-mixité à l'école fait débat dans les mouvements féministes

De fait, l'Europe était plutôt considérée comme un vecteur de progrès en matière d'égalité d'accès à l'éducation depuis le début, soutiennent les féministes. Et ce, même si les cultures féministes varient grandement d'un pays à l'autre. Dans les pays anglo-saxons, par exemple, les revendications féministes sont depuis longtemps infusées par les questions de genre et les pratiques de discrimination positive. Contrairement à la France qui, traditionnellement, s'est plutôt appuyée sur l'égalité républicaine.

L'élue picarde, reconnue pour ses engagements féministes, fustige également ce qu'elle qualifie de "vraie double régression, pour la laïcité et pour l'égalité d'accès à l'éducation pour les filles". Pour elle, c'est en effet dès l'école qu'on doit créer les bases d'une égalité hommes-femmes, que cette loi était pourtant censée garantir dans le monde professionnel:

Autre argument apparu en marge du débat: certaines revendications féministes auraient elles-mêmes contribué à ce que le verrou de la mixité scolaire saute... Notamment en exigeant des activités séparées pour garçons et filles dans certaines disciplines. On pense bien sûr au sport. Mais certaines voix ont pu s'élever pour que la séparation se fasse dans d'autres cours, arguant que la présence des garçons pouvait inhiber leurs congénères féminines.

La socialiste Laurence Rossignol doute pourtant fortement de cette explication:

"Des discussions de comptoir et de couloir sur le sujet, j'en ai eu beaucoup. J'ai même entendu dire que la mixité pouvait engendrer une forme de harcèlement. C'est vrai que c'est ce qui s'est dit à un moment donné. Mais, moi, je m'en tiens aux écrits et aux propos publics. Or, en France, je n'ai jamais lu une féministe tenir de tels propos par écrit."

Pervertir l'image des religions: l'autre effet pervers de cette loi

Pour Laurence Rossignol, plus que l'Europe ou le serpent féministe qui se serait mangé la queue, cette disposition révèle plutôt "une grande porosité du gouvernement à toutes les menées qui sont possibles contre la mixité":

"On sait très bien, aujourd'hui, que les courants fondamentalistes sont marginaux et minoritaires. Que la grande masse des écoles primaires, des collèges et des lycées fonctionnent avec toutes les confessions, et que ça se gère bon an mal an assez bien au quotidien. Mais le gouvernement s'est montré poreux à des revendications fondamentalistes.
Cette complaisance m'irrite d'autant plus qu'en plus de remettre en cause la mixité, la laïcité, cette concession aux plus marginaux pervertit notre regard sur les communautés religieuses. On est à tous points de vue dans le symbolique, et il faut faire très attention à ces symboles, dans le droit fil du discours de Latran de Nicolas Sarkozy."

Concrètement, il faudra attendre le décret d'application de cette loi pour savoir comment sera organisée sur le terrain cette possibilité d'enseignements non-mixtes. Un ultime obstacle, très pragmatique, celui-là, pourrait bien entrer en ligne de compte: comment organiser des dédoublements de classes en séparant garçons et filles à l'heure de 11 200 suppressions de postes dans l'Education nationale?

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Chloé Leprince rue89.com

5 - débats politiques

1 - La réforme et le réformisme (2de partie)

Lire la première partie.

Nous pensons que les institutions ne sont ni gratuites, ni inopérantes et que certains choix, à certains moments, ont des conséquences sur leur évolution et, plus largement, sur la vie politique en général.
Il est assez facile de reprocher au Parti Socialiste de n’avoir plus produit d’idée neuve depuis longtemps. Pourquoi ne pas essayer de dater cette stérilisation progressive d’un intellectuel collectif dont la mission, au moins pour que sa revendication de l’exercice du pouvoir, ait un embryon de légitimité, est précisément de produire des idées ?
A tort ou à raison, il nous semble que la gratuité du choix, ou l’absence de choix fondamental, ou le refus de proposer une alternative à la gestion tranquille et " loyale " du capitalisme, remonte en France, de manière délibérée, parce qu’il s’agissait bien d’une interprétation de la Constitution, de la remise en cause des intentions de son initiateur et d’un jeu politique induit ainsi banalisé, à 1986 et à la première " cohabitation ". Ce qui a pu être présenté comme une pacification du débat politique en introduisant après une alternance, une complication (comme on parle de montres à complication) dans la relation entre l’exécutif et le législatif et au sein de l’exécutif, fut en fait une banalisation du politique au niveau de la gestion.

Dans ce nouveau contexte, expérimenté de manière symétrique par deux présidents différents, ce qui n’était plus en débat, du moins plus en débat pour l’opinion, c’est l’intérêt de proposer des politiques réellement alternatives. Dans une certaine mesure, c’est V. Giscard d’Estaing, annonçant qu’il laisserait l’Assemblée nationale élue en 1973, 1 an avant sa propre élection, aller à son terme qui avait montré la voie; dans " 2 français sur 3 ", il donnait d’ailleurs la clé de son attitude. Mitterrand a mis ses pas dans les siens. C’est peut-être choquant pour certains, mais quelles autres motivations qu’un accord de fond sur l’essentiel, invoquer ? La conséquence, c’est évidemment que le mot " Réforme " est désormais abusivement employé et dans tous les cas de figure : adapter les institutions aux besoins à court terme des actionnaires ou sous la pression d’un modèle néolibéral indéfini, ou au contraire, mais est-ce bien le contraire car il faut toujours admettre une contractualité centrale, renforcer les possibilités d’intervention d’un Etat régulateur, ce n’est plus de la réforme, c’est de la gestion au quotidien. Mais comme le discours politique biaise généralement avec le réel, on préfère utiliser le mot, même si certains, plus provocateurs, ont adopté pour se faire élire, celui, plus juste dans un certain nombre de domaines, de rupture.
De la rupture à la révolution, il n’y a qu’un pas, et en voulant tuer 1945, c’est presqu’à la " révolution nationale " que renvoie le programme du medef, la dimension " nationale " en moins. Casser le Code du Travail, réduire la fonction publique pour privatiser au maximum l’espace public et marchandiser la quasi totalité des activités humaines, y compris la garde des prisonniers condamnés, ce qui est le comble de la régression, c’est bien une révolution, à rebours certes !
Parler de réforme à droite, c’est donc, tout simplement et toujours, mentir, soit parce qu’on est dans une " gouvernance " mieux adaptée aux besoins, intérêts ou modes (ne négligeons pas le dérisoire) du moment, soit parce qu’on est effectivement dans la rupture ou la tentation de la rupture, et qu’il faut éviter, pour la paix civile, que les citoyens prennent le mot au sérieux.

Le tabou de la révolution

Le mot n’est plus dans la nouvelle déclaration de principes du Parti Socialiste, et cela fait la joie des fermes soutiens du " Système " mais le concept n’en est pas pour autant totalement évacué, au grand dam de quelques-uns de nos idéologues de service évoqués plus haut. On peut lire en effet comme la définition d’une perspective de révolution dans l’expression " projet de transformation radicale ", et la précision utile : " qui ne se décrète pas " et qui " résulte d’une volonté collective forte assumée dans le temps, prenant en compte, l’idéal, les réalités et l’histoire " ; la deuxième partie de la phrase, cependant, est littéralement ce qu’on appelle de la bouillie pour les chats, car une transformation sociale radicale passe par un seuil de crise dont la durée peut être plus ou moins longue, mais assurément pas faire l’objet d’une théorisation a priori pour en éviter les hypothétiques dégâts collatéraux. Ce qui explique sans doute cette définition embrouillée. C’est qu’il manque dans cette déclaration un concept qui n’est plus guère opérationnel il est vrai, mais qui demeure beaucoup plus combattu, car plus réel, plus sensible et toujours pertinent dans la vie sociale, qui est celui de classe sociale. On ne saura pas si les auteurs de cette déclaration ont lu le livre de Peter Sloterdijk " Colère et temps " (traduction française, Paris, 2007), et c’est dommage car on y trouve des analyses intéressantes sur l’histoire et la réalité du concept et sur ses corollaires, la conscience de classe et la lutte des classes. On n’est pas pour autant obligé d’en conclure que définir l’appartenance à une classe aboutit à désigner ceux qu’il sera légitime de tuer.
Il manque un autre mot, une autre précision : s’il est question de capitalisme, on ne trouve rien à dire sur le capital. Or le capital est un être animé, en perpétuel mouvement ; c’est un acteur de l’histoire et se refuser à le définir, c’est se refuser à construire sur des bases crédibles " une société nouvelle qui dépasse les contradictions du capitalisme ", elles-mêmes non précisées.
" Aller à l’idéal et comprendre le réel ", selon la formule de Jaurès, ne semble guère facilité par ce texte en l’état.
On relèvera enfin une série d’à-peu-près et de formules ambiguës, voire rédhibitoires. Que signifie l’expression, reprise plus loin, du préambule : " il fait siennes les valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité proclamées par la Révolution française" ? L’intention est peut-être bonne, mais la traduction en est calamiteuse : qui en France peut penser que le PS n’est pas inscrit dans cet héritage et cette continuité ? Mais pourquoi revendiquer l’héritage de la République ? N’y serions nous plus ?
Le parti socialiste évoque, pour le récuser, le fonctionnement spontané de l’économie et de la société ; mais cela revient à accréditer malgré tout l’idée totalement fausse qu’une société sans règles, une économie sans cadres peuvent fonctionner ; dans l’état sauvage du plus fort ou du mieux armé sans doute, mais dans nos sociétés du XXI ème siècle, sauf dans une science-fiction décrivant un retour à la barbarie, tout fonctionne selon des règles et c’est même cela qui justifie l’existence d’une société politique, de partis et de politiciens.
Il n’est pas davantage convenable qu’un parti qui se propose de " contribuer à changer la vie " décrive notre société comme une " société duale où certains tireraient leurs revenus de l’emploi et d’autres seraient enfermés dans l’assistance " ; faut-il voir dans cette simplification abusive une conséquence de l’absence de définition du capital ? L’emploi, sans autre précision, n’est nullement la source des revenus des patrons du CAC 40, des traders, des stars du monde la culture ou des sports, ou des héritiers ! Cela fait peu de monde, certes mais quelques-uns possèdent l’équivalent du PIB d’un état. Nier la réalité, n’est peut-être pas le meilleur moyen de la changer.
Enfin, si le parti socialiste s’affirme républicain, il est singulier que les citoyens soient liés par " un contrat entre citoyens libres et responsables " et accomplissent " aussi " leurs devoirs vis-à-vis de la collectivité, comme si cette deuxième caractéristique de la condition de citoyen pouvait être en débat ; il est tout aussi singulier qu’à propos de la laïcité, ne soit pas fait le rappel de l’obéissance à la loi commune.
La République est une et indivisible !
La conception de la citoyenneté gagnerait donc à être précisée pour que " sa pratique dans tous les domaines et sous toutes ses formes " n’aboutisse pas à un furieux désordre ou à une regrettable confusion.
Tous les principes qui redéfinissent les bases idéologiques du Parti Socialiste sont résumés dans l’article du Larousse cité en exergue ; il est vrai que pour l’accepter tel quel, il faut partir d’un héritage social-démocrate historiquement fondé et inscrit dans une continuité de la philosophie politique occidentale, alors qu’aujourd’hui cet héritage est nié et remplacé par du storytelling,
La planète s’en remettra, mais la politique n’est pas affaire de séduction, elle est affaire de pensée, de doctrine et de conviction. C’est ce qui fait la vraie force des néo-libéraux !

Jean-Paul Beauquier

2 - Un puissant et urgent besoin de communisme

Où en est le peuple de France dans son cheminement de recherche d'une alternative aux exploitations et aliénations qu'impose la domination du capitalisme à toute la société comme à chaque individu qui la compose ?

UN MOUVEMENT DANS LA LONGUE DUREE

Pour nous en tenir aux dernières décennies, c’est certainement en 1992, lors du référendum sur le traité de Maastricht, qu’il rompt pour la première fois nettement avec la " pédagogie du renoncement " que le florentin Mitterrand lui avait quelque peu machiavéliquement instillée dès 1983, et reprend l’offensive en s’inscrivant dans le prolongement d’un mai 1968 laissé jusque là dans les jachères de son inachèvement...
Les années 70 sont celles du " programme commun ", de la montée consécutive des aspirations et des illusions, qui aboutissent, après bien des aléas, à l’élection de François Mitterrand en 1981. Il n’avait pas " mégoté " pour donner une crédibilité à la " rupture avec le capitalisme " qu’il préconisait haut et fort.
Las, très vite, il apparaît, aux dépens des illusions engendrées, que ce n’est pas le mouvement de 1968 qui va enfin trouver son expression finale. Au contraire, avec le " tournant " de 1983, ce sont les premières mesures de débridement des marchés financiers, l’instauration de la libre circulation des marchandises et des capitaux qui allait accélérer et consacrer une double évolution du capitalisme dans sa mondialisation et sa financiarisation au détriment des peuples.
En France, ainsi, ce sont les gouvernements dits de " gauche " qui mettent en place les fondements de la " Révolution conservatrice " et contribuent à donner à la construction européenne des instruments étatiques nouveaux, notamment monétaires avec l’euro, la BCE et un ensemble de dispositions financières visant à enlever aux peuples des éléments essentiels de leur souveraineté, avec des effets et des conséquences dont le caractère néfaste apparaît maintenant clairement avec la nouvelle crise financière et l’impossibilité d’y apporter des remèdes salvateurs.

LE PEUPLE S’INSURGE!

Mais déjà en est-ce trop puisque le peuple français s’insurge une première fois : au référendum de 1992, le OUI au Traité de Maastricht l’emporte d’extrème justesse et ce sera l’avertissement majeur qui annonce les mouvements de 1995, puis la victoire de la " gauche plurielle " en 1997... et la sanction impitoyable de son bilan et de son gouvernement en 2002 !
Le peuple comprend qu’il ne peut compter sur les gouvernements de "gauche", de "droite", sinon de " cohabition ". Ce sera dans les luttes sociales qu’il cherchera à affirmer sa souveraineté dans une conscience toujours plus claire que, derrière la "gauche" et la "droite" au pouvoir, c’est bien le capitalisme et les formes institutionnelles qu’il s’est donné qui sont l’ennemi qu’il doit combattre.
Ainsi, en 2004, aux élections au Parlement européen, le peuple confirme et amplifie son rejet de l’évolution vers un Etat européen castrateur en s’abstenant au niveau de 57 %, abstention qui monte à plus de 80 % dans certains pays de l’Est récemment " admis " dans l’"Union", avertis qu’ils étaient par l’expérience supranationale dont ils venaient de s’extraire !
Nouvelle insurrection populaire, le rejet est confirmé en 2005 contre l’avis de la quasi-totalité des forces politiques et des médias lors du référendum relatif au Traité constitutionnel. Parallèlement, une étude d’opinion confirme et amplifie ce résultat en mettant en évidence que 61 % des Français considèrent le capitalisme comme négatif, pourcentage qui est dépassé jusqu’à plus de 70 % chez les jeunes, voire à plus de 80 % quand il s’agit du MEDEF, jeunesse qui ne tardera pas à s’affirmer dans des luttes et manifestations remarquables par leur niveau politique et leur responsabilité.

2007, UNE RUPTURE ?

L’élection présidentielle de 2007 s’inscrit-elle en rupture dans ce mouvement qui se construit et s’affirme dans la longue durée ?
A l’évidence non ! Cette élection est plutôt la négation, la caricature, tant les contrefaçons ont dénaturé, perverti jusqu’à la farce tragique les aspirations démocratiques et sociales du peuple français ! Elle condamne devant l’histoire tous ceux et celles qui ont pris la responsabilité d’apporter leur contribution à cette mystification.
Une candidature inspirée par les grands médias capitalistes s’impose finalement au Parti socialiste et aux différents prétendants à la candidature. Elle en affronte une autre, également émanation des forces du capital et de la finance, tandis qu’à " la gauche de la gauche " une comédie tragique ne trouve que de mauvais acteurs pour laisser délibérément et honteusement le champ libre à l’affrontement préfabriqué !
Ne sommes-nous pas là dans les summums de la contrefaçon, de la caricature, de la mystification, de la tromperie collective, de l’imitation burlesque ou de la parodie démocratique ?

CE N’EST PAS LE POUVOIR DU PEUPLE MAIS L’INVERSE !

Ou bien dans les abords de la contre-démocratie chère à Pierre Rosanvallon ?
Ou encore faut-il dire avec Jacques Rancière que la " présidentielle n’est pas l’incarnation du pouvoir du peuple mais l’inverse! " tandis que d’autres, comme Alex Lantier, considèrent que " les élections locales françaises révèlent le discrédit de l’établissement politique ! ".
Pour sa part, Anicet Le Pors interroge : " Pacte républicain ou dérive bonapartiste? " tandis que pour Paul Allies il s’agit de l’enlisement de la démocratie locale avec la disparition tendancielle de l’élu local.
Matthieu Baumier, lui, veut penser la modernité post-démocratique, une démocratie virtuelle aidée par une propagande politique et médiatique toute puissante rejoignant de fait Jacques Juillard s’interrogeant aussi sur l’ère post-démocratique : "Fin de siècle ou fin de cycle ? Démocrates, encore un effort ! "

LES FINS D’UN SYSTEME

Oui, nous sommes sans doute dans les fins du système et, par delà les constats, il conviendrait de définir les causes profondes de ces évolutions profondément négatives.
Oui, il y a des évolutions qui ont été, et sont toujours plus encore funestes pour le pouvoir du peuple, du citoyen que l’on amuse avec des démocraties dites participatives sans compétences et moyens financiers, qui souvent ne sont plus dupes de ces comédies auxquelles on veut les soumettre en les faisant participer à ces parodies.
Nous avons déjà noté le rôle de la " gauche " dans le dérèglement, la dérèglementation des mouvements de capitaux, des marchandises et des marchés financiers qui, ainsi, ont été émancipés de toute maîtrise publique. On se souvient du fameux " Oui à l’économie de marché " de Lionel Jospin et de l’impuissance politique à laquelle il se condamnait ainsi, impuissance qu’il reconnaissait lui-même quand il avouait ne pouvoir rien faire face à un patron comme Michelin décidé à licencier, à fermer un site industriel !

Michel Peyret

6 - International

1 - La famine fait spéculer

(un petit article accablant paru dans Libération).
On admirera la ligne de défense de cette banque d'affameurs et de véritables "criminels économiques contre l'humanité" (si les mots ont un sens) qui ne concède jamais qu'une anodine erreur de communication, comme d'habitude.
Quant à la conclusion de l'article, elle est sidérante : Déjà 140 fonds financiers spéculatifs indexés sur ces tout nouveaux "profits" du changement climatique, de la misère, de la faim et de la pénurie d'eau ?
Parmi eux, combien de produits financiers made in France ?

Carte postale de Bruxelles. Chaque mardi, la mondialisation en histoire
De notre correspondante à Bruxelles JULIE MAJERCZAK
Libération : mardi 13 mai 2008

« Tirez avantage de la hausse des prix des denrées alimentaires. Â» C'est avec ce slogan que la banque belge KBC a lancé un nouveau placement financier, indexé sur le cours des six matières premières agricoles (cacao, café, sucre, blé, maïs et soja). Pour attirer ses clients, la banque invite sans détour à saisir « l'opportunité Â» que représente« l'énorme accroissement de la population Â», « les changements climatiques Â», « la pénurie d'eau et de terres agricoles Â». Rendement estimé, mais pas garanti : 14 %.
Alors que la flambée des prix agricoles entraîne des émeutes de la faim dans de nombreux pays du Sud, est-il décent de proposer un tel produit financier ? Peut-on spéculer sur la famine mondiale ? Est-il moral de miser sur la pénurie d’'eau ? L'’information, sortie récemment dans la presse belge, suscite la polémique dans le pays. Indignés, les parlementaires socialistes belges ont annoncé leur intention de déposer une proposition de loi visant à «interdire l’'offre et la diffusion de produits financiers dont le seul objectif est de spéculer sur la hausse des prix des denrées alimentaires et d'’en tirer profit».

[ Puis réaction des députés européens socialistes, proposant à leur tour aux institutions européennes d'interdire ce type de placement. (...) L'article ne dit pas si une proposition de directive européenne a été effectivement déposée. Apparemment pas de réponse connue des mouvements militants altermondialistes ou syndicaux, mais il est vrai qu'ils n'ont jamais appris à résister méthodiquement à la financiarisation du monde, malgré l'intuition de départ d'ATTAC, à sa création en 1998.]

«Je m’'excuse auprès des gens qui ont été choqués par le slogan», a déclaré à Libération la porte-parole de la KBC, Viviane Huybrecht, qui avoue que le dépliant commercial était mal formulé. Mais, sur le fonds, la KBC estime n’'avoir rien à se reprocher. «Ce n'est pas ce produit qui influence le cours des matières premières, assure la porte-parole. La hausse actuelle trouve son origine dans une série de facteurs comme l’'augmentation continue de la population mondiale, l'’impact négatif du réchauffement climatique sur les rendements agricoles, la demande croissante de biocarburants…» Elle précise que le produit s'’adressait à un groupe restreint d’'investisseurs sur une période de souscription de courte durée (du 1er au 29 février 2008) avec des mises de fonds très limitées.
En tout, quelques centaines d’'investisseurs se sont manifestés. Mais la KBC est loin d'’être la seule institution financière à proposer ce genre de placement. Selon la commissaire européenne chargée de l'’Agriculture, Mariann Fischer Boël, 140 fonds indexés partiellement ou totalement sur les prix des matières premières agricoles ont été lancés en février dans l'’Union européenne.

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Luc Douillard

2 - Le point sur les négociations entre la Syrie et Israël

Les négociations israélo-syriennes ne partent pas de zéro, loin de là. Début 2007, Akiva Eldar avait d’ailleurs révélé dans Ha’aretz l’existence d’un accord officieux entre les deux parties, résultat de contacts qui se sont étalés entre 2004 et 2006. Accord qu’il rappelle et dont nous nous étions fait l’écho (voir note qui renvoie aux détails de l’accord, avec carte). Le point sur les questions en suspens

Ha’aretz, 21 mai 2008

http://www.haaretz.com/hasen/spages...

Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant

Le point de désaccord essentiel entre les positions israéliennes et syriennes réside dans l’exigence formulée par Damas d’un retrait d’Israël sur les lignes du 4 juin 1967 ("ligne Verte"), alors que pour Jérusalem, ce retrait doit s’effectuer sur la frontière internationale.

A première vue, il ne s’agit que de quelques centaines de mètres, mais le point de friction est que les Syriens veulent récupérer une langue de terre qui atteint la rive nord-est du lac de Tibériade, leur permettant ainsi d’y "tremper les pieds".

Les contacts officieux entre les deux parties via une médiation suisse, qui avaient duré jusqu’en été 2006, avaient débouché sur un accord[1] selon lequel la zone se trouvant entre les lignes de 1967 et la frontière internationale ferait partie d’un "parc de la paix" qui couvrirait tout le plateau du Golan. Les Syriens avaient alors accepté que les Israéliens puissent visiter librement ce parc pendant la journée sans avoir à formuler une demande particulière.

Entre-temps, le président syrien Bachar Assad a exigé qu’Israël respecte un engagement pris par Itzhak Rabin auprès des Etats-Unis, où il promettait que, si toutes les autres exigences d’Israël étaient acceptées, Israël se retirerait sur les lignes de 1967.

Les pourparlers entre les deux parties vont aborder une série de questions dont toutes joueront un rôle dans le succès de la négociation, à des degrés divers.

LES RESSOURCES EN EAU : la Syrie, qui souffre de déficit en eau, a dit récemment à l’ancien président américain Jimmy Carter qu’elle était prête à s’engager à ne pas puiser d’eau du lac de Tibériade (principale réserve d’eau pour Israël, ndt), mais qu’elle souhaitait une aide financière pour créer des usines de désalinisation ainsi qu’un engagement de la part de la Turquie qui fournirait la Syrie en eau.

EVACUATION DES COLONIES : lors de contacts précédents entre Israël et la Syrie, un désaccord est apparu sur le calendrier de l’évacuation des colonies israéliennes sur le Golan. Israël demandait une période de 15 ans, la Syrie envisageait plutôt 10 ans.

LES LIENS DE LA SYRIE AVEC L’IRAN, LE HEZBOLLAH ET D’AUTRES GROUPES PALESTINIENS, DONT LE HAMAS : Israël a insisté pour que la Syrie s’engage par avance à rompre ses liens avec ces parties. Damas a soutenu que cette question devrait être mise sur la table des négociations et qu’elle ferait partie de toutes les questions à négocier. De façon générale, la Syrie a toujours refusé toute condition préalable aux discussions.

IMPLICATION DES AMERICAINS : la Syrie s’en tient à sa demande d’une implication des Etats-Unis dans les négociations et souhaite les voir modifier son attitude envers Damas, dont l’inclusion de la Syrie par le président Bush dans « l’axe du mal Â».

DEMILITARISATION DU TERRITOIRE SYRIEN À L’EST DE LA FRONTIERE MUTUELLEMENT AGREEE : la Syrie avait auparavant exigé qu’Israël crée lui aussi une zone démilitarisée. Aucun accord n’est encore intervenu sur l’étendue de ces deux zones démilitarisées.

NORMALISATION DES RELATIONS : la Syrie a soutenu une résolution de la Ligue arabe adoptée en 2002 lors de la conférence de Beyrouth. Celle-ci évoquait une normalisation des relations du monde arabe avec Israël en échange d’un retrait complet des territoires arabes conquis en 1967. On ignore si la Syrie accepterait de normaliser ses relations avec Israël avant que celui-ci ne cède la Cisjordanie et Jérusalem Est dans le cadre d’un accord de paix avec les Palestiniens.

LA LOI D’ANNEXION DU GOLAN : en 1981, une loi annexant le Golan a été adoptée par la Knesset. Cette loi pourrait aujourd’hui rendre plus difficile pour le gouvernement israélien d’obtenir l’approbation de la Knesset, pour l’évacuation des colonies comme pour le retrait territorial. En leur temps, Rabin et Barak s’étaient engagés à soumettre un quelconque accord sur le Golan à un référendum.

Notes

[1] Voir les détails de cet accord, avec carte : [charger le lien]

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La Paix Maintenant www.lapaixmaintenant.org

7 - société

1 - Sauvons le Palais de la Découverte !

Le Palais de la Découverte semble menacé de disparition par des projets gouvernementaux.

Ce serait une grave atteinte contre la pensée, contre la connaissance, contre la culture.

Nous perdrions un lieu unique où chacun prend plaisir à interroger le monde et remettre en cause son savoir.

« Où sommes nous dans l’Univers ? Qu’est-ce qui fait trembler la Terre ? Comment la vie y est-elle devenue possible ? En quoi les défauts de la matière peuvent-ils être utiles ? D’ou vient le vertige, pourquoi est-ce que je ne suis pas toujours d’accord avec moi-même ? Pourquoi le yaourt intéresse-t-il des chercheurs ? Nos larmes sont-elles fabriquées à partir de notre sang ? Pourquoi l’araignée ne reste pas collée à sa toile ? Comment éviter d’être pris à son propre piège ? Et plus de moins, ça fait quoi ?… Â»

Le public est en contact direct avec la science en marche. Chaque jour, des centaines d’expériences, des dizaines d’exposés sont présentés par des médiateurs scientifiques qui invitent chacun à poser un regard neuf sur le monde qui l’entoure.

Permanentes ou temporaires, les expositions posent des questions, incitent à la réflexion, suscitent les vocations.

L’émotion est grande de voir chaque jour ces milliers de visiteurs (600 000 par an), l’émerveillement des petits et des grands, leur enthousiasme à comprendre et à raisonner, même chez ceux qui s’étaient crus « allergiques aux sciences Â» ; plaisir des questions vertigineuses, des réponses sidérantes. Respect de l’esprit qui s’interroge.

Les regards sont beaux au Palais, parce qu’ils s’étonnent. Et qu’au Palais on prend ça au sérieux.

Que l’on soit scientifique, littéraire, artiste, quelle que soit la forme de créativité ou d’engagement dans le monde, le Palais ouvre des voies, jette des ponts entre les savoirs, les expériences, les intuitions. Nul besoin de connaissances approfondies pour ressortir en se sentant plus intelligent, plus curieux, plus humain.

Le Palais est aussi un grand incubateur de vocations scientifiques.

Plus de la moitié des scientifiques franciliens, dont certains prix Nobel, disent y avoir trouvé leur vocation, dans l’émerveillement de visites enfantines.

La France manque cruellement de scientifiques et d’ingénieurs, tout le monde le sait. Ce serait une totale absurdité de détruire un lieu créateur de tant de motivation chez les jeunes.

Le Palais est enraciné dans une idée visionnaire.

Il a été créé pendant le Front Populaire par Jean Perrin, prix Nobel de physique pour ses travaux sur l’atome, à l’époque où, ministre du Front Populaire, il créa aussi le CNRS.

Son ambition était de : « â€¦ répandre dans le public le goût de la culture scientifique, en même temps que les qualités de précision, de probité critique et de liberté de jugement que développe cette culture et qui sont utiles et précieuses à tout homme… Â»

Voilà, c’est ça le Palais : rendre accessible à chacun une pensée exigeante, sans rien nier de la complexité du monde.

Le savoir et la curiosité sont un bien, un trésor, un héritage.

Et on va le détruire ?

La vie ou la mort du Palais se jouent en ce moment

Les semaines à venir sont cruciales. Son sort se discute en ce moment entre le Ministère de la Culture, celui de la Recherche et l’Élysée, sur un fond extrêmement inquiétant : à plusieurs reprises, la menace de sa fermeture à court terme a été évoquée.

Les raisons mises en avant pour imposer à la hussarde une « Ã©volution Â» du Palais de la Découverte, évolution qui pourrait être fatale, sont techniques en apparence : elles se réfèrent à la rationalisation des politiques publiques et à des contraintes d’organisation administrative. Elles n’intègrent en rien la particularité, la spécificité du Palais de la Découverte, ce contact unique entre la science et le public qu’il rend possible.

Nous demandons au gouvernement d’arrêter un processus qui semble mener droit au saccage.

Nous lui demandons prudence et respect pour cette institution et pour ce qu’elle représente. Nous lui demandons de mettre un terme à la politique du secret et des coups bas en ouvrant une discussion avec les représentants du monde scientifique et culturel, les sociétés savantes, les académies, les associations d’enseignants, afin de déterminer les meilleures conditions de développement de ce remarquable lieu de culture qu’est le Palais de la Découverte.

Pour singer l'appel : http://www.sauvonslepalaisdeladecouverte.fr/

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Sauvonslepalaisdeladecouverte.fr

2 - Nous sommes tous Noirs

Face aux provocations lepenistes, à la politique de fermeture ethnique du gouvernement, des chercheurs sont arrivés à une conclusion qui remet le racisme à sa place.
Les déclarations scandaleuses de James D. Watson, spécialiste de la génétique, et prix Nobel, portant sur l’intelligence des Noirs, ont ouvert une polémique.
Bertrand Jordan, chercheur généticien au CNRS, et auteur d’un livre récent (l’humanité au pluriel) tout en essayant de minorer les propos du prix Nobel, a déclaré " Watson déconne, il aime provoquer. Il se base sur des travaux qui ont été totalement remis en question. "

La polémique a été relancée par la publication (le 9 décembre dans le Sunday Times) d’une étude scandinave qui affirme que l’ADN de nos ancêtres comporte 16 % de gènes légués par des ancêtres noirs, et 9 % par des aïeux asiatiques.
Pour Craig Venter, biologiste de l’université de Buffalo : il est impossible de découper l’humanité en plusieurs races, au sens scientifique du mot, en dépit des différences morphologiques.
La revue Science va plus loin :
Elle vient de publier l’étude génomique la plus complète jamais effectuée.
Cette étude porte sur 938 individus, issus de 51 ethnies différentes, et a comparé 650000 nucléotides.
Les conclusions font apparaître qu’il existe 7 groupes biologiques et une seule race.
Les Africains sub-sahariens, les Européens, les habitants du Moyen Orient, les Asiatiques de l’Est, les Asiatiques de l’Ouest, les Océaniens, et les Indiens d’Amérique.
Howard Cann, de la fondation Dausset, et co-signataire de cette étude, apporte en effet une lumière nouvelle et révolutionnaire :
Tous les hommes descendent d’une même population d’Afrique noire, qui s’est scindée en sept branches au fur et à mesure du départ de petits groupes dits fondateurs. Leurs descendants se sont retrouvés isolés par des barrières géographiques (montagne océan…) favorisant ainsi une légère divergence génétique.
Cela revient à dire que nous sommes à l’origine tous des Noirs.
Cette découverte aurait rempli de joie le regretté Claude Nougaro, lui qui aimait a chanter :
… au delà de nos oripeaux, noirs et blancs sont ressemblants comme deux gouttes d’eau
Si les sept groupes sont génétiquement très proches, c’est en raison de la relative jeunesse de l’espèce humaine.
En 60 000 ans, l’évolution n’a pas eu le temps de creuser des fossés génétiques.
Car à bien y réfléchir, au fil des ans, il n’y a eu que 3000 générations pour arriver à ce que nous sommes aujourd’hui.
Quand à la prétendue supériorité intellectuelle des blancs sur les noirs, fondée sur des critères génétiques, Bertrand Jordan déclare :
c’est totalement faux.
Tout porte à croire qu’avec la facilité que nous avons aujourd’hui à nous déplacer, ces 7 groupes finiront dans quelques milliers d’années, à se rassembler pour ne faire plus qu’un seul et unique groupe.
A condition bien sur que l’homme, avec son étrange faculté de détruire son environnement, ne provoque avant la création de cet unique groupe, sa propre disparition.
Nous avons fabriqué assez de bombes nucléaires pour détruire plusieurs fois la planète, et nous sommes en train de piller toutes les richesses énergétique de notre sous sol en quelques années.
Car comme disait un vieil ami africain :
Tous les hommes blancs ont une montre, mais ils n’ont jamais le temps.

Olivier Cabanel

Agenda

mardi 27 mai 2008, 10:00

Academic Pride - la marche de tous les savoirs

Grandes villes françaises

Le mardi 27 mai, aura lieu la première édition de "l’Academic Pride - la marche de tous les savoirs". Toutes les personnes attachées à la transmission
et au développement des savoirs sont invitées à marcher le 27 mai 2008 dans plusieurs villes de France (voir ci-dessous et le site: http://www.academicpride.fr.nf).

« L’Academic Pride – la marche de tous les savoirs Â» sera l’occasion
pour tous ceux qui défendent l’importance du service public de la recherche
et de l’enseignement, d’affirmer publiquement la fierté des valeurs qui
fondent les métiers qui font vivre ce bien commun.

Ce sera l’occasion de dire haut et fort que dans un contexte de fortes
difficultés financières, nous sommes fiers de nos recherches, de nos
découvertes, des savoirs que nous avons produits et transmis. Nous sommes
fiers de nos réussites, des plus discrètes jusqu’aux plus visibles, qui
obtiennent des récompenses internationales (Médaille Fields en 2006, prix
Nobel et prix Turing en 2007) et qui consacrent le travail de très longue
haleine mené par des équipes.

Ce sera l’occasion de dire que le gouvernement actuel, déterminé à mettre
la recherche et la formation directement et uniquement au service de
l’économie, fait un choix irresponsable en cassant le système existant sans
tenir compte de l’avis des professionnels qui font fonctionner le service
public d’enseignement supérieur et de recherche. Les différentes
"réformes" et réorganisations mises en place depuis trois ans (ANR, pacte sur
la recherche, AERES, LRU) créent un climat d’incertitude profondément
déstabilisant au quotidien pour les équipes de recherche, et
particulièrement délétère pour les jeunes qui renoncent de plus en plus à
s’engager dans des carrières scientifiques ou à les poursuivre. Les
dégâts créés seront très difficiles à réparer.

Le 27 mai sera enfin l’occasion de dire que nous en avons assez du
comportement méprisant de ce gouvernement. Alors que des scientifiques
éminents ont mis en garde le gouvernement contre le danger qu’il y aurait à
démanteler les organismes de recherche, et que le CA du CNRS qui doit décider
de cette question le 19 juin ne s’est pas réuni, Valérie Pécresse, dans
une interview au Monde du 20 mai, a annoncé le découpage du CNRS en 8
instituts c’est à dire la disparition de fait de cet organisme
internationalement reconnu ! Cette décision ne concerne pas que le CNRS. Une
telle disparition affaiblirait l’ensemble de la recherche et mettrait plus
encore les universités sous le contrôle du pouvoir politique.

Le 27 mai, l’Academic Pride - la marche de tous les savoirs doit être un des
moments forts pour entraver la démolition du Service Public d’Enseignement
Supérieur et de Recherche.

Informations locales :

- Bordeaux : à partir de 12h15, rassemblement sur le parvis de l’université
de Bordeaux II, place de la Victoire.
- Lyon : place Bellecour à 12h, pour un casse-croûte festif.
- Marseille : 10h place Castellane avec slogans, blouses, affiches,
banderolles, instruments de musique, etc !....
- Montpellier : Pique-nique à partir de 11H30 sur la Comédie. Départ pour la
préfecture à 13h30 où une délégation sera reçue. (Blouses blanches et
toutes initiatives pour montrer nos métiers de la recherche et de
l’enseignement supérieur à prévoir)
- Nice : Place MASSENA (Angle de la rue Gioffredo) à 10h30
- Orléans, rassemblement prévu à 10h30 le mardi 27 mai, Place d’Arc.
Ensuite, les participants prendront le train pour Paris.
- Paris : Départ à 14 h 30 du 54 boulevard Raspail (Maison des Sciences de
l’Homme)
- Roscoff : 13 h devant la Station Biologique
- Toulouse : rassemblement Place du Capitole à 14 h 30, et constitution
d’une pyramide de thèses et de publications.

Voir l'agenda complet en ligne

ReSPUBLICA, le journal de la gauche républicaine est édité par l'association:
"Les Amis de ReSPUBLICA"
27 rue de la Réunion
75020 PARIS

Courriel: respublica@gaucherepublicaine.org
Site: http://www.gaucherepublicaine.org