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La crise est derrière nous qu’ils disent. Pas si sûr !

par Évariste
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La bourse remonte, les entreprises du CAC40 retrouvent des profits records et les traders touchent de nouveau des primes colossales, nous sommes donc sortis de la crise nous font croire les médias. Et ce n’est pas le gouvernement qui va démentir préférant jouer de la méthode Coué alors que les effets du « plan de relance » s’estompent.
Pourtant le chômage est toujours au plus haut et tout à chacun ne voit pas vraiment sa situation s’améliorer et les perspectives de son environnement social s’arranger.
En fait, 2011 pourrait bien être l’année de la vraie crise, façon de dire que ce que nous avons connu jusqu’à maintenant n’était peut-être qu’un préambule.
Nous vous avions annoncé que la reprise de l’inflation serait inévitable. Après 2 années où l’on nous a serinés avec les risques de déflation, la voilà qui pointe son nez. La dégradation de la situation sociale rend extrêmement risquée toute augmentation des prélèvements obligatoires, la seule solution qui reste pour commencer à éponger les dettes consenties ces 2 dernières années est donc l’inflation.
Le prix des matières premières, notamment agricoles et énergétiques, flirtent avec les plus hauts jamais atteints, comme en 2008 avant le déclenchement de la crise. Et le renversement par la rue du tyran maffieux tunisien est en train d’accélérer le processus, car de nombreux pays craignent une contagion et des « émeutes de la faim » (nom classique donné à ceux qui se révoltent de ne pas pouvoir se nourrir dans un monde où les aliments abondent) et achètent massivement des aliments de première nécessité comme des céréales. Les phénomènes de spéculation provenant d’un report des casinos financiers sur une économie réelle s’en trouvent alors aggravés.
Le désengagement de gros acteurs financiers des marchés financiers (constitués en partie en 2088 par les crédits hypothécaires, et aujourd’hui par les bons du trésor américain et les dettes publiques) risque de provoquer l’implosion d’un système absurde.
Les pays développés n’ont plus aujourd’hui aucune marge de manoeuvre, après avoir financé le sauvetage des banques et laissé le chômage exploser. On constate dès lors qu’ils sont incapables de coopération et de solidarité lorsqu’une catastrophe (qu’elle soit « naturelle » ou non) se produit dans le monde. Dès lors, une catastrophe de grande ampleur pourrait avoir des effets dévastateurs, car la communauté internationale serait dans l’impossibilité d’enrayer les répercussions tant sociales qu’économiques.
Le leadership américain n’est même plus un mirage. Les pays émergents s’affirment, mais sont incapables de jouer un rôle géopolitique au-delà de l’échelle d’un continent, et leur développement s’accompagne souvent d’un accroissement des inégalités porteur d’instabilité potentielle. L’Europe, lancée sur des rails ultra-libéraux, est trop occupée à gérer le bourbier des conséquences sociales, économiques et monétaires dans lequel elle s’est enfoncée. Le reste du monde doit faire face à une situation socio-économique critique, fruit de la mondialisation et des ajustements structurels, et beaucoup de pays sont au bord de l’explosion, qu’une étincelle suffit à déclencher comme on l’a vu en Tunisie, mais on peut craindre des issues moins heureuses.
Comme on peut le voir, il n’est pas sûr que la crise soit derrière nous. On peut craindre au contraire que ces 2 dernières années n’aient été qu’un avant-goût de ce qui nous attend.
Alors que nous rentrons dans une nouvelle séquence électorale, exigeons de nos gouvernants et de ceux qui aspirent à le devenir des réponses concrètes aux questions qui se posent, notamment comment ils proposent d’anticiper le séisme qui se prépare pour mieux l’amortir.

Laïcité et féminisme
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IVG : Choix pour les femmes !

par Jocelyne Clarke

Ce dimanche 23 janvier, une manifestation dite « pro-vie » avait lieu à Paris, avec des cars venus de province et avec le soutien de 25 évêques catholiques, d’une missive papale et d’associations catholiques comme les A.F.C., Associations Familiales Catholiques.
Nous ne laisserons pas imposer une vision religieuse sur le corps des femmes. Ni une vision politique liberticide : l’I.V.G. est un droit, les « pro-vie » ont-ils conscience que ce n’est pas une obligation ? En tout cas, nul doute qu’ils doivent se souvenir qu’en 1942, sous Pétain, l’avortement était un « crime contre l’État » passible de la peine de mort.
Rappelons que la loi sur l’I.V. G. peine à être appliquée, malgré ses trente-six ans d’existence, rappelons que les délais d’attente s’allongent parce que les centres de Planning Familial sont trop peu nombreux, certains supprimés ou trop éloignés donc inaccessibles en régions, parce que de moins en moins de médecins acceptent de pratiquer ces actes peu rémunérateurs et que la plupart des cliniques privées renvoient les femmes vers les hôpitaux publics ( 74% des actes), davantage encore depuis la contre-réforme de l’hôpital public.
De plus, contrairement à ce que prévoit la loi, les règles de gratuité et de confidentialité ne sont pas toujours respectées pour les mineures.
Rappelons également que les études médicales ne consacrent que deux petites heures de cours sur les sept années…
Les femmes en sont aujourd’hui à devoir aller à nouveau à l’étranger, ce que voulait justement éviter la loi Veil.

Quelles régressions !

Ce scandaleux constat est fait à la fois par les femmes elles-mêmes, par les associations de défense des droits des femmes et par l’IGAS dans son rapport 2010. Parmi les associations, le Planning Familial, la Cadac (Coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception) et l’Ancic (Association nationale des centres d’IVG et de contraception), viennent d’adresser un recours gracieux près du premier ministre François Fillon…. pour qu’il fasse respecter la Loi… Il a deux mois pour répondre, faute de quoi c’est le Conseil d’État qui sera saisi.
Extraits du rapport 2010 de l’IGAS :

« Huit ans après l’adoption de la loi de 2001, le contexte français demeure paradoxal (…) le fonctionnement réel des dispositifs contredit trop souvent la volonté affichée de donner la priorité à une approche préventive. Ainsi les obligations légales concernant l’éducation sexuelle dans les établissements scolaires ne sont que partiellement et inégalement appliquées. Les jeunes peuvent recourir de façon gratuite et anonyme à la contraception d’urgence et à l’IVG, mais pas à la contraception régulière, sauf dans les centres d’éducation et de planification familiale, dont l’accessibilité demeure limitée. » (…)
« la loi doit être mise en oeuvre, et il importe de maintenir une impulsion politique forte sur les questions relatives à la maîtrise de la fécondité, qui suscitent de réelles préoccupations et qu’on aurait tort de croire résolues. Elles doivent se voir attribuer un niveau de priorité élevé dans la définition et la mise en oeuvre concrète des politiques ayant trait notamment à la santé publique, à l’organisation hospitalière, à l’éducation, à l’action sociale et aux droits des femmes ».

C’est grâce à plusieurs mois de mobilisation du collectif unitaire parisien, des associations et de certain-es élu-es que le centre IVG de l’hôpital Tenon vient de rouvrir. Nous devons transformer l’essai au niveau national et contraindre le pouvoir à faire appliquer la loi.

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L'héritage des parents collatéraux en islam : une spoliation

par Hakim Arabdiou

Il faut savoir qu’en islam, l’inégalité en matière d’héritage ne consiste pas seulement au fait que la femme reçoit la moitié de la part impartie à l’homme. Cette inégalité consiste également en plusieurs autres dispositions tout aussi iniques et scandaleuses : entre frères et sœurs, entre conjoints, entre enfants biologiques et enfants « adoptif »1

L’héritage des parents collatéraux en islam : une spoliation

Un nombre croissant de familles musulmanes assimile ni plus ni moins à la spoliation, le fait que l’héritage de leurs filles, quand celles-ci n’ont pas de frères, revient partiellement à leur oncle, et en cas de décès de ce dernier, à leurs cousins. Les témoignages ne se comptent plus sur la manière, dont ces rapaces s’abattent sur leur victime pour la dépouiller une part non négligeable de son héritage.

En Algérie, cette disposition est stipulée par le Code de la famille, fondé sur la char’ia, en vigueur dans la quasi-totalité des pays musulmans. Tant pis, si cette disposition religieuse (comme plusieurs autres dans ce Code) est en totale contradiction avec les conventions internationales signées par l’Algérie, ainsi qu’avec ses lois civiles, en premier lieu les articles 29 et 31 de sa Constitution. Ceux-ci stipulent l’égalité entre tous les citoyens, et le devoir des pouvoirs publics de promouvoir cette égalité.

Ce type d’héritage, aujourd’hui totalement anachronique, pouvait à la rigueur s’expliquer par le contexte d’il y a quatorze siècles, avec la prédominance de la famille élargie. L’oncle paternel avait selon les préceptes islamiques, les responsabilités matérielle et morale de prendre en charge ses nièces et sa belle-sœur, en cas de décès de leur père ou époux. Or ce n’est plus le cas, depuis l’avènement dans les sociétés musulmanes de la famille nucléaire et l’entrée croissante et en grand nombre des femmes dans la vie active.

En effet, les héritières ne vivent plus avec leurs oncles ou leurs cousins, ni qu’elles ont besoin de leur aide, du fait qu’elles sont matériellement autonomes, si tant est que ces parents aient la volonté et les moyens de les prendre en charge.

Certes, les autorités politiques algériennes ont tenté d’atténuer les effets iniques d’une telle disposition, par l’autorisation de la donation et de la vente des ascendants à leurs descendants. Cette manœuvre légale permet le contournent de l’héritage des parents collatéraux par les musulmans, qui rejettent catégoriquement cet aspect qu’ils estiment profondément injuste de leur religion ; musulmans dont le nombre tendra par la force des choses, à s’accroître et à s’élargir à d’autres dimensions de cette nature contenu dans l’islam. Il reste qu’une telle démarche est fort coûteuse en temps, en énergie, et surtout financièrement.


Habib Bourguiba a aboli l’héritage des parents collatéraux

D’après certaines sources, la Tunisie serait l’unique pays arabe, où l’héritage des parents collatéraux aurait été aboli, dès son indépendance, en 1956, ou les décennies suivantes, par le président, Habib Bourguiba, lorsque celui-ci avait sécularisé une grande partie du Statut du Code personnel. L’une des exceptions notables est relative au partage de l’héritage au détriment des femmes. Le rapport des forces lui avait été insuffisamment favorable, pour qu’il mette fin à une disposition qui défie le bon sens et la morale de notre temps2.

D’ailleurs, la lutte pour l’abolition de cette injustice constitue de longue date le cheval de bataille des féministes tunisiennes. Les féministes d’autres pays musulmans ont elles aussi ajouté, depuis quelques années, la lutte contre cette autre discrimination sexiste, à leur long et difficile combat pour l’égalité totale entre les hommes et les femmes entre musulmanes et musulmans.

Les intégristes musulmans d’Ennahda de Rachid Ghannouchi sont les adversaires les plus acharnés du Code du statut personnel, dont ils réclament l’abrogation pure et simple. Ils n’avaient pas été légalisé, parce qu’ils avaient également refusé de reconnaître ce Code progressiste.


Les pays musulmans sur la voie inéluctable de la sécularisation et de la modernité

En dépit des pressions considérables des islamistes et des conservateurs, l’Algérie et les autres États musulmans, y compris les plus réactionnaires d’entre eux, finiront bon gré, malgré par renoncer les unes après les autres aux lois religieuses souvent misogynes et attentatoires aux droits de l’Homme, très majoritairement à ceux des femmes, et dont les codes de la famille musulmane sont selon les pays les principaux ou les derniers bastions juridiques des forces de la réaction et du conservatisme.
Ces changements auront lieu sous les effets conjugués de plusieurs facteurs, liés aux énormes bouleversements sociologiques que connaissent à divers degrés, depuis la décolonisation, toutes les sociétés et tous les États musulmans. Il s’agit en premier lieu de la production et de la reproduction élargie de couches moyennes nombreuses, dont l’une des fonctions sociales est de servir de vecteurs aux idées, surtout lorsqu’elles sont nouvelles.

Il s’agit aussi du début de prise de conscience par les femmes musulmanes de leur nombre, et donc de leur force. Cette décantation atteint aussi, mais dans une moindre mesure, les intégristes musulmanes. Elle s’exprime essentiellement, mais pas seulement, à travers certaines revendications égalitaires d’organisations féminines islamistes, bien que ces dernières ne soient pas parvenues, au stade- féministe. Un stade synonyme de leur émancipation de la férule islamiste. (Voir mon article).

Cette prise de conscience se traduit par l’occupation massive de l’espace public de la part des femmes musulmanes, dont une proportion notable porte l’uniforme politico-religieux des islamistes, mais qu’elles vident progressivement de son contenu. Cette occupation concerne avant tout les activités professionnelles, où elles sont de plus en plus instruites, et occupant des fonctions de plus en plus hautes, dans tous les domaines, malgré les blocages et l’ostracisme, auxquelles elles sont en buttes.

Ceci d’autant plus, que ces femmes mettent nettement moins d’enfants au monde que leurs mères, prenant ainsi le Train à Grande Vitesse de la modernité démographique et de la libération sexuelle, dont elles sont d’actifs protagonistes en Terre d’islam.

L’élévation du niveau d’instruction général de leurs populations constitue un deuxième facteur exprimant ces changements. Un exemple : toutes les études sociologiques montrent unanimement le niveau d’instruction moyen sensiblement supérieur des nouveaux migrants en Occident originaires des pays musulmans (et d’autres régions du monde) que celui des migrants des générations précédentes, qui étaient pour la plupart analphabètes ou semi-analphabètes.

Encore un autre facteur parmi beaucoup d’autres : l’influence culturelle et juridique déjà sensible de l’Occident, foyer historique de la sécularisation et de la modernité, sur les pays musulmans. Cette influence est appelée à s’accroître davantage, suite au développement fantastique dans les vingt ou trente prochaines années des moyens de télécommunications de masse et de leurs coûts bon marché. Ces moyens permettront une diffusion mondiale plus large et plus profonde du mode de vie moderne. Cette diffusion fera jonction, une jonction en vérité déjà à l’œuvre depuis un moment, avec l’aspiration encore plus forte à un mode de vie moderne de l’immense majorité des peuples musulmans et des migrants de cette origine.

Il en sera de même du poids de l’Occident dans l’élaboration du droit international et des conventions de cette sorte dans le sens de la sécularisation et de la modernité, ainsi que dans leurs transcriptions contraintes ou non dans les législations nationales des pays musulmans, notamment en matière d’effectivité pleine et entière de l’égalité entre les sexes.

On assistera par conséquent à une réduction de plus en plus accélérée de l’écart entre les modes de vie des sociétés occidentales et celui des sociétés musulmanes, en grande partie par le rapprochement des secondes du mode de vie des premières, que par l’inverse ; partant du principe marxiste que les cultures dominantes sont celles des classes et des nations dominantes.

Il nous faut par ailleurs savoir distinguer entre l’Occident, en tant que aire de civilisation, à l’avant-garde de l’humanité depuis plusieurs siècles ; et l’Occident, en tant qu’entité géopolitique, que les forces de progrès, en Occident-même et dans le monde, ont le droit et le devoir de s’en défier, voire de combattre, quand qu’il fait preuve d’intention dominatrice et de soutien aux régimes corrompus et répressifs sur le dos des peuples musulmans.

Pour autant, le décalage actuel entre d’un côté l’avènement des conditions objectives favorables à l’émancipation des femmes musulmanes, et de l’autre les faibles avancées des conditions subjectives de cette émancipation ne doit pas obscurcir une analyse sereine et juste des mutations en cours et relativement rapides dans ces sociétés et ces États.

Seule la vulgate marxiste peut laisser croire à une synchronisation -nécessairement immédiate- entre infrastructures socio-économiques et superstructures idéologique et juridique.

Souvenons-nous ! C’est seulement depuis quelques décennies que les Européennes ont réussi à arracher la plupart de leurs droits, mais pas encore tous leurs droits, après pourtant six siècles de la Renaissance et plus d’un siècle et demi de la première vague (Royaume Uni et France) de la Révolution industrielle sur leur continent.

Précisons tout de même que les chamboulements sommairement décrits ci-dessus ne sont pas propres aux pays musulmans et à leurs communautés respectives en Occident, mais des phénomènes planétaires.

  1. Selon le Code algérien de la famille, l’enfant « adoptif » en islam n’a pas droit automatiquement. Il faudrait que son tuteur lui attribue par voie testamentaire une part n’excédant pas le tiers de la valeur monétaire du bien hérité. Toutefois, le tuteur peut lui octroyer davantage, à condition qu’il obtienne l’accord des autres héritiers. Ceci du fait que l’islam avait interdit l’adoption, pour que Mohammed, le Prophète des musulmans, déjà polygyne, puisse avec la bénédiction d’Allah épouser une femme, envers laquelle il a eu le coup de foudre. Il s’agissait de Zeineb, la femme de Zeid, son fils adoptif, que celui-ci a dû divorcer à cette fin. C’est pour cette raison qu’Allah substitua dans le Coran le tutorat sur l’enfant à l’adoption, qui existait depuis des siècles en Arabie préislamique et même à l’aube de l’islam. (Voir mon article). []
  2. L’ex-président dictateur de la Tunisie, Zine el Abidine Ben Ali, après avoir tenté de louvoyer durant les deux premières années de son règne, qui avait commencé en 1987, avec les intégristes tunisiens, en commençant à les caresser dans le sens du poil (ce que fait le président Bouteflika, en Algérie), s’est vite rendu compte qu’il risquait d’être phagocyté par eux. Il a alors promulgué plusieurs lois en faveur des femmes tunisiennes. Mais il n’a pas par exemple aboli la circulaire gouvernementale xénophobe interdisant le mariage d’une Tunisienne musulmane avec un non musulman, à moins qu’il ne se convertisse. []
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D'une extrême-droite à l'autre : entretien exclusif avec Nicolas Lebourg

par Nicolas Pomiès

Nicolas Lebourg, chercheur à l’université de Perpignan, animateur du site Fragments sur les temps présents a consacré sa thèse de doctorat aux nationalistes-révolutionnaires puis  un récent ouvrage “Le Monde vu de la plus extrême-droite”. Il travaille actuellement avec Joseph Beauregard à une biographie enquêtée du responsable d’extrême-droite François Duprat. Il répond à quelques questions que nous lui avons posées à l’occasion de la sortie de son livre. Celui-lui étant sorti de presse au moment où les extrême-droite  reviennent au devant de la scène.

ReSPUBLICA : Nicolas lebourg, vous venez de sortir un livre intitulé “Le Monde vu de la plus extrême droite” aux éditions Presses Universitaires de Perpignan. Vous y décrivez un courant peu connu du grand public ou des médias car pas exactement en phase avec l’extrême-droite lepeniste.  De la fin de la seconde guerre mondiale à nos jours les structures du nationalisme-révolutionnaire semblent avoir toujours eu une durée de vie éphémère, des cadres volatiles, un impact mineur sur les masses pourtant pourquoi selon vous mérite t-il l’étude ?

Nicolas Lebourg : L’histoire politique française souffre quelque peu d’un excès de parlementarisme. Les groupuscules hors du système électoral n’y paraissent souvent pas dignes d’intérêt. Or, c’est souvent là que les choses se passent d’abord. Les groupes ont besoin de justifier leur autonomie et essayent d’étendre leurs assises. Résultat, pour faire une analogie avec l’économie, ils innovent en matière de propagande, d’offres nouvelles, dont ils espèrent qu’elles puissent accroître leur part du marché politique, entre autres en débusquant des demandes politiques insatisfaites.
Par exemple : jusqu’à la fin des années 1970, le Front National et tous les autres groupes d’extrême droite vivotent car sur le créneau de l’anti-communisme il y a une offre plus crédible que la leur. Les groupuscules nationalistes-révolutionnaires ont amené au F.N. trois thèmes : le rejet socio-économique de l’immigration, l’antisionisme, et l’antiaméricanisme. Le F.N. perce et, sans même participer à une coalition gouvernementale, sans être à l’Assemblée hormis la période 1986-1988, il pèse tant sur la vie politique française que la législation relative à l’immigration change à chaque législature, voire dorénavant plusieurs fois par législature. Ce sont d’ailleurs les groupuscules nationalistes-révolutionnaires qui ont introduit d’Allemagne la thématique de « l’identité nationale » dans les années 1970.
Par ailleurs, les cadres issus des groupuscules s’y sont souvent bien formés, aguerris, pétris de principes d’organisation léninistes. Quand ils passent à des partis plus classiques, ils apportent une vraie capacité d’organisation.
Enfin, le choix de l’objet « nationaliste-révolutionnaire » permet de faire une histoire au long cours du fascisme français et de ses spécificités. Dans notre pays, le fascisme n’a jamais connu un grand parti de masse avec un leader charismatique. C’est une nébuleuse toujours. C’est peut-être paradoxal, mais l’étude du néo-fascisme permet de bien mieux comprendre le fascisme dans sa première période en dégageant des structures séculaires.

ReSPUBLICA : Le nationalisme-révolutionnaire serait donc l’héritier du primo-fascisme des années 20 à 40 ? Quelles sont les constantes, les clefs et les codes que l’on peut retrouver de cette origine au néo-fascisme de nos jours ?

NL : La question de la périodisation et de la définition du fascisme est un débat historiographique très vigoureux, car cela a des conséquences sur l’analyse que nous faisons de nos sociétés. En Italie, jusqu’aux travaux de Renzo de Felice au début des années 1970, le fascisme c’était l’aventure de Mussolini. De Felice a montré l’adhésion populaire au régime : on l’a insulté, on l’a menacé physiquement. On l’accusait de réhabiliter le phénomène. Aujourd’hui, dans le monde intellectuel italien, il y a la grande place d’Umberto Eco qui, lui, décrit le fascisme comme un phénomène éternel et universel s’incarnant de diverses manières. On voit à quel point le regard a changé en peu de temps. Mais la dilution de la caractérisation de l’objet « fascisme » n’est sans doute pas la meilleure voie analytique.
Peu ou prou, on peut proposer de voir le fascisme en deux grandes étapes, elles-mêmes subdivisées en deux parties. Primo, la période « fasciste » qui compte un premier temps avec les « fascismes-mouvements », développant un verbalisme révolutionnaire fort et un activisme contre-révolutionnaire dynamique, puis les « fascismes-régimes », qui vont de l’alliance avec les conservateurs jusqu’au tourbillon totalitaire.
Durant la Seconde guerre mondiale, il y a une césure : l’enlisement sur le Front de l’Est, ouvert à l’été 1941. Changement de braquet : le III Reich passe de l’exaltation de l’impérialisme germano-aryen au « Nouvel ordre européen », unifiant les nations européennes, voire les ethnies, dans ce que le SS belge Degrelle nomme un « socialisme sans les juifs ». A la fin de la guerre la moitié des 900  000 Waffen SS ne sont pas des Allemands, mais des Français, des Flamands, etc. Pendant ce temps, en 1943, le fascisme italien se dote d’un nouveau programme donnant pour utopie une communauté européenne socialiste. Le néo-fascisme ensuite conserve ses fondamentaux. Il considère que les erreurs centrales des fascismes-régimes furent le nationalisme et le racisme intra-européens, ainsi que l’alliance avec la réaction. Donc, en fait, la seconde période, le « néo-fascisme », s’entame dès 1942.
Ce néo-fascisme connaît deux temps à son tour Une phase jusqu’en 1962 qui est surtout la quête d’une internationale européenne pouvant réinitialiser diverses utopies de grands-espaces produites antérieurement. Puis, une modernisation, par une imitation et un apprentissage auprès des mouvements de libération nationale, de l’anti-impérialisme, des courants nationalistes-révolutionnaires et révolutionnaires-conservateurs de l’Allemagne de la République de Weimar.

ReSPUBLICA : Etes vous d’accord avec Bernard Henry Levy qui dans “l’idéologie française” estime que le fascisme est profondément ancré dans l’identité de notre pays ?
De même que pensez-vous de l’analyse marxiste qui fait toujours du fascisme le bras armé du capital ou de la classification classique de René Remond qui explique qu’il y a en France toujours une droite bonapartiste ?

NL : Ce sont des théories qui sont toutes aujourd’hui un peu datées. Bernard-Henri Lévy tend à situer tout ce qui est pour part nationaliste et socialisant dans l’étiquette « fasciste », puis, mirant l’histoire de France, il n’y voit plus que fascisme… Il le voit partout car il s’en tient à des schèmes (le nationalisme, le socialisme, le césarisme, l’antisémitisme…) alors qu’avec sa formation philosophique il ne devrait pas oublier qu’une forme est un état supérieur à la somme des éléments qui la composent. Le problème est plus sa méthodologie qu’une culture française pas plus portée qu’une autre au fascisme ou à l’antisémitisme (qu’il tend aussi à amalgamer à un prurit fasciste).
On voit bien le problème de sa méthode dans l’épisode récent où il fustige le Bloc identitaire qu’il qualifie de « néo-nazi » et l’islamisme, d’ « islamo-fascisme ». Or, l’islamisme n’a rien à voir avec le fascisme, s’il fallait le rapprocher de la politique européenne on ferait mieux de penser justement à la Révolution conservatrice sous Weimar. Quand au Bloc identitaire, son projet s’inspire certes de l’Europe des régions ethniques tel que rêvé par certains SS, mais il n’est pas néo-nazi, il n’est pas fasciste, il ne prône pas une hiérarchie des races, bref il est bien une continuité de l’histoire dont nous parlons mais ce n’est pas le néo-nazisme. Or, c’est ennuyeux car Bernard-Henri Lévy se définit comme un philosophe militant, un combattant des Droits de l’Homme, qu’il jouit d’un certain poids dans les élites, et il devrait donc être le premier à s’astreindre à bien qualifier pour bien cibler.
La thèse de René Rémond définissant les traditions droitières en France était une avancée considérable, mais il est vrai que l’ensemble de la radicalité lui est un peu étranger : à un journaliste qui lui parlait du Front National et de l’extrême droite, il avait répondu qu’il préférait que l’on parle d’une « droite extrême musclée »… Le problème de ceux qui finissent par ne plus voir du tout de fascisme en France vient du fait qu’ils cherchent le parti de masses, type allemand ou italien, alors qu’en France c’est une réalité par réseaux, par maillages.
Enfin, relativement à l’analyse marxiste, elle a eu de belles lettres, mais participe de cet aveuglement qui faisait dire à Lénine qu’aucun ouvrier ne pouvait être antisémite…. Bien sûr que le fascisme a su utiliser le Capital pour prendre le pouvoir et y demeurer. Mais, l’histoire est toujours multi-causale, cette analyse a souvent tant voulu pouvoir amalgamer le fascisme et le capitalisme qu’elle est à la limite méthodologique du conspirationnisme parfois. Cette assimilation entre Capital et fascisme repose sur autant de vraies-fausses évidences que celle faite entre fascisme et stalinisme via l’usage simplifié du concept de totalitarisme (que seuls quelques chercheurs comme Gentile ont affiné et rendu opératoire). Les deux procédés se ressemblent d’autant plus d’ailleurs que, dès qu’on accepte de ne plus en faire des dogmes mais des outils, des fins mais des moyens, ils peuvent redevenir féconds !

ReSPUBLICA : Le courant nationaliste-révolutionnaire objet de votre étude  semble toujours orienté par un européisme parfois ethno-régionaliste, d’autre fois jacobin centralisateur mais toujours à connotation socialisante.  Comment expliquer une utopie finalement en phase avec une construction européenne voulue et réalisée par une majorité de démocrates humanistes ?

NL : On vit politiquement dans la cité comme on s’y entretue, et la géographie dépend de cette histoire de la violence. Sous l’Ancien régime, c’est la société d’ordres, les fiefs, et les nobles qui manient l’épée. La Révolution Française c’est l’État, la nation et le peuple en armes. Or, la première mondialisation capitaliste à la fin du XIXè siècle et la Première guerre mondiale soldent le siècle des nations. De la Grande Guerre naissent les partis de masses et leurs projets totalitaires, de même que l’européisme et la volonté d’un ordre supra-national, certes encore basé sur cette idée (Société des Nations, Organisation des Nations Unies) mais qui témoigne de ce dépassement au fur et à mesure que des dizaines de pays nouveaux naissent. L’idée d’Europe va donc son chemin, qui peut être emprunté par des gens très différents et selon des modalités très diverses.
Le cas le plus problématique demeure celui de l’euro-régionalisme. Ce dernier a été amplement fondé par des nazis et des collaborationnistes qui mettaient en avant une fédération du travail (corporatisme), des pays (ethno-nationalisme) etc. Mais l’idée correspond à une préservation et une valorisation de l’ethnie, avec un nationalisme non de contrat social mais du sol, du sang, de la langue (fédérant Pays Basque, Catalogne, Bretagne etc.). On peut être euro-régionaliste et progressiste, mais il est clair que la limite avec la hantise du métissage et l’organicisme ethnique est délicate. Entre l’ultra-gauche, certains courants écologistes, et la plus extrême droite, il peut y avoir là une passerelle que l’essentiel des partisans de gauche refusent de voir. Ceux d’extrême droite préfèrent être réalistes et s’en féliciter.

ReSPUBLICA : La hantise du métissage et le programme de séparation identitaire permettent donc d’identifier un courant s’excluant par ses thèses des principes républicains ! Que pensez-vous des nouvelles convergences entre identitaires et ultra-laïques ? Que pensez-vous du FN version Marine Le Pen contre le FN version Bruno Gollnisch ?

NL : Dans les relations entre Riposte Laïque et le Bloc Identitaire, le premier poursuit la dynamique qui était foncièrement la sienne, le second continue à être ce qu’il est, en s’étant trouvé un allié. Il n’y a donc pas de convergence nouvelle, ni de raison de sonner le tocsin sur un pseudo monstre « rouge-brun ». Dire que Riposte Laïque est un mouvement « ultra-laïque » de « gauche » me paraît étrange puisqu’au niveau électoral on ne lit guère sur son site que des appels à voter Marine Le Pen. Étrange manie des éditorialistes : si quelqu’un appelle à voter UMP il est de droite, PS il est de gauche, NPA il est d’extrême gauche, et là, en revanche, il faudrait qualifier de gauche des gens qui reprennent les arguments d’extrême droite, une vision du monde d’extrême droite, et appellent à voter à l’extrême-droite… Cela me laisse circonspect, la seule rationalité que j’y vois tient moins à Riposte Laïque et au Bloc Identitaire (qui, somme toute, défendent leurs idées et ne cachent pas leurs préférences) qu’aux faiblesses du champ politique en général.
Ce qui est nettement plus pertinent c’est effectivement que là encore les groupuscules servent de laboratoire. Marine Le Pen rompt avec une extrême droite marquée par la Seconde Guerre mondiale et la Guerre d’Algérie. Elle intègre le programme minimum de représentation collective : laïcité, République, alors que la contre-société de l’extrême droite tendance réactionnaire en faisait litière. Elle déclare à Haaretz que le FN est pro-israélien, et expose au Monde que le CRIF participe à la dilution communautariste de la nation. Plutôt que de vouloir rassembler les Français quant à un ensemble de valeurs traditionnelles (Gollnisch) elle parle de resouder le corps social par la réintroduction de la régulation du marché. Il y avait eu pléthore de tentatives de gens plus radicaux que Jean-Marie Le Pen, tel Bruno Mégret, pour affirmer qu’il fallait rompre avec les provocations et appliquer ce type de ligne. Cela avait toujours été un échec car les provocations étaient un marqueur anti-système, donc de vote FN, et que la personnalité de Jean-Marie Le Pen en faisait un animal politique hors-pair. C’est la première fois qu’une telle ligne va avec quelqu’un qui a le même nom et le même talent tribunicien. Elle me paraît capable de réunir des catégories électorales très divergentes, du vote populaire aux quartiers bourgeois. Si la droite lui fournit une légitimation de ces thématiques sur l’islam et l’immigration, si la gauche fait comme en 2002 et en 2007 une campagne qui ne s’adresse pas aux classes populaires, la voilà probablement à l’orée d’une très belle carrière.

Propos recueillis par Nicolas Pomiès

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La conversion républicaine et laïque du Front national n'est qu'un leurre

par Henri Pena Ruiz
Philosophe.
Membre du Parti de Gauche.

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Juste, et nécessaire, est la critique de l’islamisme. Mais pas au nom d’un christianisme absous de ses violences millénaires par une mémoire sélective. Sans surprise, Marine Le Pen se situe dans la logique du choc des civilisations chère à Samuel Huntington. Mais cette fois-ci elle prétend récupérer des principes révolutionnaires. Elle affirme que les principes émancipateurs consignés dans le triptyque républicain sont issus d’une tradition religieuse propre à l’Occident, alors qu’ils ont été conquis dans le sang et les larmes, à rebours d’oppressions sacralisées par le christianisme institutionnel.

Faire dériver les trois principes de liberté, d’égalité et de fraternité du transfert aux autorités séculières de valeurs religieuses est une contre-vérité. Pendant près de quinze siècles de domination temporelle, et pas seulement spirituelle, de l’Eglise catholique en Occident - en gros de la conversion de Constantin en 312 à la Révolution de 1789 -, jamais le christianisme institutionnalisé n’a pensé ni promu les trois valeurs en question. Il les a bien plutôt bafouées copieusement et ces valeurs sont à l’inverse nées d’une résistance à l’oppression théologico-politique. Qu’on en juge.

Liberté ? Le droit canon de l’Eglise n’a jamais fait figurer la liberté de conscience (être athée, pouvoir apostasier une religion, en changer, etc.) dans ses principes essentiels. Tout au contraire. La répression des hérétiques (les cathares, par exemple), des autres religions (protestante, juive, puis musulmane), de la science (Giordano Bruno, Galilée), de la culture (l’index des livres interdits supprimé seulement en 1962) ne procède pas d’une philosophie de la liberté, mais d’une théologie de la contrainte. En 1864 encore, un syllabus de Pie IX (encyclique Quanta cura) jette l’anathème sur la liberté de conscience.

Egalité ? L’Eglise a toujours considéré que l’inégalité était inscrite dans l’ordre des choses et voulue par Dieu. Elle a entériné et sacralisé le servage de l’ordre féodal, la monarchie absolue dite de droit divin, et même, avec le pape Léon XIII à la fin du XIXe siècle, la domination capitaliste. La répression des jacqueries paysannes se fit le plus souvent avec sa bénédiction. La seule égalité qu’elle a affirmée est celle des hommes prisonniers de leur finitude et de leur tendance au péché, et jamais elle n’en a fait la matrice d’une émancipation sociale ou politique.

Ceux qui le tentèrent furent réprimés. La théologie de la libération, en Amérique latine, fut condamnée par Jean Paul II. La collusion du politique et du religieux fut aussi celle de l’ordre social et du religieux, si bien représenté par les soldats du Christ d’une noblesse peu soucieuse de ses serfs, à l’époque des croisades. Lors de l’affaire Dreyfus, l’Eglise n’a pas brillé dans la défense de la liberté et de l’égalité, et n’a guère mis en garde contre l’abjection de l’antisémitisme.

Fraternité ? Si théoriquement les hommes sont frères comme fils du Dieu chrétien, ils ne le sont que dans la soumission et non dans l’accomplissement, toujours stigmatisé comme “péché d’orgueil”. La transposition de la fraternité issue de la condition commune des êtres humains tant qu’ils sont mortels en fraternité sociale et politique est l’invention d’un concept tout nouveau, qui doit bien plus au droit romain d’une humanitas que Cicéron tenait pour source de la République qu’au décalque d’une fraternité de finitude.

Rappelons que la réécriture cléricale de l’histoire visant à faire d’une tradition religieuse particulière la source des principes universels de l’émancipation est devenue courante, malgré son évidente fausseté. Elle consiste à nier les apports du droit naturel (jusnaturalisme souligné par les historiens du droit) issu de l’Antiquité gréco-latine mais aussi les souffrances et les luttes, qui furent les vrais leviers de l’émancipation, en dessinant les idéaux qui, en creux, dénonçaient les oppressions.

Il faut que Spartacus prenne les armes pour transposer en termes sociaux l’égalité de droits des citoyens et étendre la liberté juridique à tous les hommes. Quant à l’égalité évoquée par Paul de Tarse elle n’est jamais un concept socio-politique ni juridique, mais un nivellement religieux de tous les hommes compris comme fidèles soumis à Dieu.

Ce qui est pervers et idéologiquement redoutable dans le nouveau discours du Front national, c’est le fait de tenter d’assumer les valeurs républicaines alors que traditionnellement c’est l’ordre social dominateur qui était encensé. Joseph de Maistre, penseur chrétien contre-révolutionnaire, ironisait sur les droits de l’homme, qu’il jugeait abstraits et peu crédibles au regard d’inégalités tenues pour naturelles. C’est lui qui fonde l’idéologie de la droite extrême. Il rejette du même coup l’universalisme qui consiste à tenir l’humanité comme d’égale dignité, abstraction faite des hiérarchies sociales sédimentées dans la tradition occidentale et des différences de civilisation. Et il en tire une condamnation de la Révolution française. Voilà la tradition occidentale façonnée en partie par le christianisme institutionnel.

Cette fois-ci l’opération séduction de Marine Le Pen consiste à assigner à résidence les idéaux émancipateurs, à particulariser l’universel, à taire le long passé de luttes et de larmes qui les fit advenir contre une tradition fondamentalement rétrograde et oppressive. La nouvelle figure du différencialisme discriminatoire consiste à prétendre que seuls certains peuples habités par certaines religions ont accouché des droits de l’homme, et que les autres, par essence, sont hostiles à de tels droits.

Défendre ceux-ci, c’est donc continuer à exalter subrepticement certains peuples par rapport à d’autres. Au fond rien n’a changé, sinon l’habillage idéologique. Pas de Turcs dans l’Europe vaticane ! Après le différencialisme biologique, le différencialisme dit culturel se mue en discrimination hiérarchique et s’efforce de nourrir le rejet de certains peuples au nom de principes universels… qui seraient nés spontanément de civilisations particulières !

La ficelle est grosse mais elle peut hélas être efficace si l’on pratique l’amnésie volontaire de l’histoire. Et son instrumentalisation pour nourrir un prétendu choc des civilisations est dangereuse. Elle prétend essentialiser des données historiques, diaboliser certaines religions en les clouant à leur figure intégriste et en présentant les autres sous leurs traits “nouveaux” après avoir effacé de la mémoire collective les tragédies que leur instrumentalisation politique déclencha. En écrivant le livre noir du christianisme officiel, Kant et Hugo ont réfuté par avance les thèses de Marine Le Pen.

L’analyse effectuée ici pour le triptyque républicain vaut donc a fortiori pour la laïcité, dont une nouvelle idéologie prétend qu’elle serait née du christianisme, alors que celui-ci, dans son institutionnalisation, en a constamment piétiné les principes constitutifs. Ni la liberté de conscience ni l’égalité des divers croyants, des athées et des agnostiques n’ont jamais été défendues en théorie ni promues en pratique par les autorités chrétiennes, et il a fallu que les luttes pour l’émancipation laïque les fasse advenir. Le “ralliement” (ambigu d’ailleurs, car nostalgique des privilèges perdus) de l’Eglise à la laïcité ne s’est fait, du bout des lèvres, qu’au XXe siècle. C’est bien tard pour une institution présentée comme habitée par de telles valeurs dès l’origine…

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Tunisie : l'intervention des États-Unis est-elle de bon augure ?

par Nicolas Pomiès

Le Canard Enchainé du 19 décembre 2011 a rapporté les propos de la ministre française Michelle Alliot-Marie qui a déclaré qu’en Tunisie « nous n’avons rien vu arriver. Ce sont les Américains qui ont pris les choses en main. Ils étaient convaincus que le maintien par la force du régime ne pouvait que faire le lit, à terme, des islamistes ».
« Les militaires américains ont parlé avec leurs homologues tunisiens, et Ben Ali a été prié de quitter, sans plus attendre, le territoire. Inutile de préciser que les Américains n’ont pas pris la peine de nos tenir au courant ».
On en connaît beaucoup plus, depuis, sur la Révolution de Jasmin, sur le rôle joué par l’armée tunisienne et par les États-Unis.
Dans une interview au Parisien, l’amiral Jacques Lanxade, ancien chef d’état-major des armées françaises qui fut ambassadeur de France à Tunis dans les années 1990, suggère que le refus de l’armée d’ouvrir le feu dans les jours qui ont précédé la fuite de Ben Ali a joué un rôle essentiel.
Le 12 janvier, le département d’État américain s’est dit profondément préoccupé par les informations faisant état d’un recours à la force excessif par le gouvernement de Tunisie.
Le 13 janvier, le chef d’état-major de l’armée de terre tunisienne, le général Rachid Ammar démissionne ,ayant reçu des pressions américaines et refusant de faire tirer l’armée, c’est probablement lui qui a conseillé à Ben Ali de partir en lui disant qu’il était “fini”, avance l’amiral Lanxade.
Il semble bien que Ben Ali ait tenté de contraindre l’armée à tirer sur des civils et c’est pourquoi la France, ignorante les manœuvres américaines a tenté de le convaincre de le maintenir l’ordre avec des moyens moins violents. (d’où aujourd’hui une polémique contre la ministre Alliot-Marie).
Le 20 janvier, Gordon Gray, ambassadeur des États-Unis d’Amérique en Tunisie a rédigé une tribune dans laquelle il s’adresse au peuple tunisien « … peuple tunisien, je vous félicite pour votre courage et votre détermination dans la conduite de la Révolution de Jasmin. Vos exigences des droits humains fondamentaux et votre exercice de la liberté d’expression et la liberté de réunion ont été une inspiration. Les États-Unis sont avec vous pendant que vous entamez la transition vers une démocratie stable et pacifique… »
L’administration Obama miserait donc sur le gouvernement de transition pour maintenir la stabilité et faire barrage aux islamistes dans un pays qui devrait voir passer un nouvel oléoduc important dans la géostratégie américaine.
Lorsqu’on connaît le peu d’efficacité des politiques américaines face aux islamistes (Afghanistan, Irak, Iran, Soudan, etc.) on peut craindre pour la situation d’un pays qui nous est si proche.
De même, qu’il est à craindre que comme les révolutions de couleurs des pays de l’Est, encouragées par les États-Unis, la révolution de jasmin ne finisse par se retourner contre le peuple tunisien.
Les républicains ont un devoir de solidarité avec les Tunisiens !

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Algérie : suite à la marche du 22 janvier

par le PLD
Parti pour la Laïcité et la Démocratie

Le Parti pour la Laïcité et la Démocratie (PLD) salue l’ensemble des citoyens qui ont répondu à l’appel à la marche pacifique du samedi 22 janvier 2011, initiée par le RCD et soutenue par notre parti.

Ni l’interdiction officielle de la marche, ni les intimidations, ni les moyens hors du commun mis en œuvre pour la saborder : provocations, agressions, arrestations, tabassage, appareil de répression impressionnant, blocage des routes, fermeture des accès vers la capitale, etc.… n’ont eu raison du courage des milliers d’Algériennes et d’Algériens venus nombreux à la place du 1er mai à Alger et devant le siège national du RCD pour marquer leur soutien aux objectifs de cette importante manifestation.

Le PLD rend hommage à ces milliers de citoyens, notamment les jeunes et les femmes qui ont bravé tous les dangers tendus par les manœuvres du pouvoir et compatit à la douleur des blessés.

Le PLD dénonce les méthodes utilisées par un pouvoir dont le but principal est de tenter de museler toute expression citoyenne et démocratique et de perdurer en croyant pouvoir écraser à jamais toute manifestation populaire par la violence.

Une délégation de la direction du  PLD a rencontré  au siège du RCD  le Dr Said Sadi et ses collaborateurs le samedi 22 janvier 2011. Le PLD s’y est engagé à multiplier les efforts pour élargir la concertation à toutes les forces vives de la nation pour impulser une transition démocratique engageant le pays dans la voie du progrès de la modernité et de la justice sociale.

Alger le 23 janvier 2011
Le Bureau National<

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Le droit à une mort digne va-t-il être enfin autorisé ?

par L'Union des FAmilles Laïques

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L’UFAL salue l’examen en séance publique au Sénat, demain mardi 25 janvier, d’une proposition de loi relative à l’assistance médicalisée pour mourir. L’Assemblée Nationale avait déjà examiné une proposition de loi similaire émanant de membres du groupe socialiste en novembre 2009. Mais cette fois, il s’agit d’une proposition de loi rédigée et votée par la commission des affaires sociales du Sénat à partir de trois propositions émanant de trois groupes différents.

Les opposants à la liberté du droit de mourir dans la dignité font évidemment feu de tout bois pour s’opposer à l’initiative du Sénat. Les plus actifs sont les lobbies catholiques intégristes et leurs faux nez médicaux comme la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), la Société française d’anesthésie réanimation (SFAR) et le Centre de recherche et de formation sur l’accompagnement de la fin de vie (CREFAV). Leurs arguments éculés sont de plus en plus en décalage avec la volonté des Français d’en finir avec l’hypocrisie et les timides avancées comme l’euthanasie passive permise par la loi Leonetti de 2005.

L’opposition artificielle entre euthanasie et soins palliatifs, savamment entretenue par les opposants au droit de mourir dans la dignité, est un leurre qui ne trompe plus personne puisque tout le monde est d’accord pour dénoncer le manque de moyens et de places dont disposent les services de soins palliatifs.

Pourtant le lobbying de ces opposants repose sur cette opposition : par exemple, ils ont financé et mis en avant un sondage qui conclut que 60% des personnes interrogées “préfèrent le développement des soins palliatifs à la légalisation de l’euthanasie”. A ce sondage réalisé par OpinionWay, on pourrait opposer un sondage réalisé à la demande de l’Association pour le Droit de Mourir dans la dignité (ADMD) fin 2009 et dans lequel 86% des sondés étaient favorables à ce que « l’euthanasie soit dans certains cas autorisée en France, lorsqu’une personne atteinte d’une maladie incurable en phase terminale la réclame ». Plus récemment, le journal Sud-Ouest a publié un sondage qui faisait ressortir que seuls 6% des Français étaient opposés à une loi légalisant l’euthanasie.

Pour l’UFAL qui, dans son rapport d’orientation 2007, s’est prononcée “pour le droit à une mort digne”, c’est le droit de mourir dans la dignité qui est en jeu. Or nul ne doit pouvoir édicter sa conception de la dignité de l’être humain aux autres en dehors d’un cadre démocratique à visée universelle. C’est pourquoi nous dénonçons les opposants à cette loi qui souhaitent imposer l’idée qu’ils se font de la dignité à l’ensemble des citoyens et que nous demandons aux parlementaires qu’ils permettent enfin aux citoyens qui le souhaitent d’avoir recours à l’euthanasie selon leur volonté.