Chronique d'Evariste
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Morale de la politique ou politique de la morale ?

par Évariste
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Alors que l’actualité corrobore l’analyse de notre article sur la crise économique paru dans le dernier numéro de ReSPUBLICA, nous sommes dans la semaine de rentrée scolaire de 12 millions d’élèves : grand retour des cours de morale à l’école ! Imposer une norme dans les comportements, voilà l’objectif. Si les « progressistes » disent beaucoup de mal de Sarkozy et de son gouvernement (là n’est pas notre plainte !), force est de constater que derrière leurs critiques, il y a loin de la coupe aux lèvres pour ceux qui souhaitent une réaction de la gauche à la hauteur des enjeux de la crise globale que nous traversons. Déjà, sur les livres scolaires, la réaction a été faible sur la défense de la théorie scientifique du genre. Et sur le retour de la morale, presque rien ou peu. Et pourtant…
On voit là une nouvelle conséquence de l’alliance des élites ordo-libérales avec les communautaristes et intégrismes religieux de tous poils : la nécessaire conformation au paradigme turbocapitaliste dès le plus jeune âge. Voilà qui est aux antipodes de l’école de Condorcet, lieu d’apprentissage de la liberté du futur citoyen. Car pour les laïques et les républicains de gauche, le but de l’école et de la laïcité est bel et bien la liberté du citoyen ! François Métivier, professeur de philosophie, a raison de dire dans le journal gratuit « Métro » que « Que voir dans ce programme si ce n’est l’art de travailler les apparences et l’apprentissage de l’hypocrisie sociale ». En fait, face à Bernard Lavilliers qui chantait « Je hais la morale », nos élites ordo-libérales veulent nous obliger à l’aimer de force !
En fait, la seule chose qui mérite d’être enseignée pour le futur citoyen, c’est le débat éthique à savoir la réflexion critique sur la ou les morales sans se départir de la politique du doute cartésien ou de la critique nietzschéenne. Mais pour cela, il faut des enseignants formés à cette maïeutique.
Et savoir comment seront « évaluées » ces connaissances. On voit bien là que les élites ordo-libérales (la droite bien sûr, mais aussi ceux qui à gauche acquiescent sous cape) avancent rapidement dans l’entreprise de conformation visant à restreindre la liberté de penser et de conscience du futur citoyen au profit des intérêts des couches dirigeantes. Car toute couche dirigeante a besoin de développer un corpus idéologique : on ne peut pas vivre sans idéologie comme on ne peut pas vivre sans oxygène. Et dans cette phase du capitalisme financier que nous appelons turbocapitalisme, c’est bien la contrepartie de l’alliance dont nous venons de parler entre les élites ordo-libérales et les courants communautaristes et intégristes qui sont chargés de fournir l’idéologie de la période.
Cet arbre, que nous venons de décrire rapidement, cache la forêt de la pensée conformiste qui a comme objectif d’éradiquer la raison critique dans la sphère publique1 suivie par les élites ordo-libérales) pour la remplacer par des « évidences empiristes » appuyées sur le « bon sens » qu’aime bien l’ignorant qui voit la terre immobile et voit dans le ciel, le soleil tourner autour de la terre.
Cette pensée conformiste est du même acabit que la propension à reléguer dans la pensée la citoyenneté républicaine et la lutte des classes très loin derrière la prise en compte des catégories « familles », « contribuables », « automobilistes », etc. Si nous estimons que ces catégories doivent être étudiées et qu’elles doivent faire l’objet, de façon indispensable, de politiques spécifiques, ces catégories ne peuvent pas être premières dans la chaîne de raisonnement, ni être considérées comme unité de base de la République sociale. Pour les partisans du modèle politique laïque de la République sociale, l’unité de base de la République est uniquement le citoyen à qui la république doit donner des droits de plus en plus étendus, le moteur de cette République sociale est la lutte des classes (qui englobe la lutte pour une justice sociale, contre les inégalités sociales de toutes natures voire la modification des rapports de production) et le carburant est le développement et l’émancipation de la pensée permettant l’accroissement des forces productives. C’est cette république sociale là qui est pour nous le modèle alternatif à la globalisation financière du capitalisme. C’est cette République sociale là qui doit mener les 4 ruptures nécessaires : démocratique, laïque, sociale et écologique ; et appliquer ses 10 principes constitutifs : liberté, égalité, fraternité, laïcité, démocratie, universalité, solidarité, sûreté, souveraineté populaire et développement écologique et social.
Nous pourrions aussi faire le parallèle avec la propension de l’extrême droite, des lobbies intégristes religieux2, de la droite, mais malheureusement aussi une partie de la gauche à vouloir rejeter la théorie scientifique du genre qui participe au grand chemin de l’émancipation humaine. Aujourd’hui, l’idée d’un monde uniquement divisé en personnes uniquement de sexe masculin et sexe féminin est devenue une aporie qui doit être combattue.
Nous pourrions aussi parler des politiques actuelles dans la psychiatrie, dans la santé au travail, dans le droit au travail, dans le recul de la démocratie, de la solidarité, de l’égalité, de la souveraineté populaire, etc.
Partout, nos élites ordo-libérales appuyées sur leurs alliés obscurantistes tentent, par tous les moyens, de définir une nouvelle norme à laquelle tout le monde doit se conformer. Tous ceux qui ne s’y conforment pas sont déclarés des déviants et sont sanctionnés. Et bien sûr cette norme ne vient pas du bon sens, mais sert directement ou plus généralement indirectement l’objectif des élites ordo-libérales d’empêcher la baisse tendancielle du taux de profit par des politiques d’austérité où les couches populaires (ouvriers, employés) et les couches moyennes intermédiaires sont priées de financer cette politique au service des puissants.
En fait, ce turbocapitalisme nous amène, si nous ne réagissons pas à la hauteur des enjeux, inexorablement à 1984 de Georges Orwell, mais d’une façon plus subtile, plus hypocrite et conformément au syndrome de la grenouille chauffée3.
« Quand le sage montre la lune, l’ignorant regarde le doigt », dit l’adage chinois. Il ne suffit donc pas de dire une vérité partielle, il faut la soumettre au débat, la populariser. Il faut donc mener une bataille sans concessions contre ces nouveaux « obscurantismes de la modernité » dans le débat général, dans les partis, les syndicats, les associations, les mutuelles. Il faut donc développer l’éducation populaire tournée vers l’action.  C’est cela la nécessaire bataille pour l’hégémonie politique chère à Antonio Gramsci sans laquelle il n’y aura pas d’espoir vers une nouvelle émancipation.
Mais les mouvements sociaux et politiques en Amérique latine, dans les pays arabes, en Israël, en France, en Grèce, en Espagne, en Islande, etc. nous redonnent du baume au cœur.
Refusons la morale de la politique et faisons de la politique à la morale.

  1. elle reste autorisée dans des milieux privés confinés — organisations diverses — à condition que cela n’ait aucune influence sur le cours de la Politique (avec un grand P []
  2. à commencer par le lobby catholique, mais sans oublier tous les autres lobbies religieux []
  3. qui accepte une élévation de température lente jusqu’à la mort, mais n’accepterait pas une élévation rapide et forte de température []
Protection sociale
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Repenser la protection sociale solidaire pour construire un nouveau modèle politique

par Bernard Teper

 

Après le programme révolutionnaire du CNR en matière de protection sociale1 et la déconstruction méthodique réalisée par le turbocapitalisme depuis près de trente ans, il convient de penser pour sortir de la crise actuelle un nouveau modèle politique incluant un nouveau développement de la protection sociale solidaire.

Rappelons les deux principes républicains et révolutionnaires du CNR :

  1. La Sécurité sociale (ordonnances du 4 et 19 octobre 1945) est l’application du principe républicain de solidarité « à chacun selon ses besoins, chacun doit y contribuer selon ses moyens »
  2. La Sécurité sociale est trop importante pour être gérée soit par le privé, soit par l’État. Elle sera gérée par les représentants des assurés sociaux élus lors des élections propres à la Sécu.

Les ordonnances de 1967 démarrent le processus d’étatisation de la Sécu en augmentant les pouvoirs du directeur et en diminuant ceux des représentants des assurés sociaux. Ce processus d’étatisation continuera via les contre-réformes régressives de 1995 (Juppé) et de 2009 (Bachelot). Le deuxième principe est donc largement détruit par l’entrée en lice du paritarisme2 alors que jusqu’ici les représentants des salariés étaient largement majoritaires.
Il faut bien comprendre que le processus de marchandisation, de privatisation des profits et de socialisation des pertes n’a été possible que grâce à cette étatisation. C’est bien par un double mouvement d’étatisation et de marchandisation et de privatisation que la protection sociale solidaire est devenue de moins en moins solidaire. Sans l’un, l’autre n’aurait pas pu avoir lieu. Nous sommes bien là aujourd’hui dans un pilotage césaro-bonapartiste du néolibéralisme. Par exemple, aujourd’hui, c’est le président de la République qui nomme le Comité de pilotage des Agences régionales de santé (ARS), qui nomme les directeurs des ARS, qui nomment à leur tour les directeurs des hôpitaux, ce dernier, seul maître à bord, alors que le corps médical n’a plus de pouvoirs sur l’organisation de l’hôpital. Et quand un directeur nommé n’applique pas la directive du sommet, il est limogé. Dans ce processus, pas de démocratie, ni politique (la représentation nationale est hors course), ni sanitaire ou sociale.

Pourquoi la cible principale des néolibéraux est-elle la protection sociale ?

Parce que les dirigeants du monde3 ont compris que le gros de la crise du turbocapitalisme est à venir4. Que les crises de 2000 (éclatement de la bulle internet) et de la crise 2007-2008 (éclatement de la bulle immobilière étasunienne suivi du krach bancaire et financier) ne sont rien par rapport à ce qui va nous arriver. Alors, il convient de leur point de vue d’organiser la croissance du profit capitaliste dans les secteurs ou les salariés, les citoyens et leurs familles se « saigneront aux quatre veines » pour eux-mêmes et pour leurs familles principalement la protection sociale et l’école, secteurs restant encore majoritairement publics et socialisés. Si les militants politiques n’ont pas encore mis ce dossier dans leurs priorités5 contrairement aux cadres syndicaux, les dirigeants néolibéraux, eux, ne se dispersent pas. Par exemple, les quatre frères Sarkozy, sont positionnés principalement dans le secteur de la protection sociale pour bénéficier de la privatisation de cette nouvelle phase qu’ils ont anticipée.

Comment est organisé le démantèlement de la protection sociale ?

Comme pour l’école, la stratégie turbocapitaliste consiste à ne pas proposer d’en faire trop à chaque contre-réforme régressive. Par exemple, le passage scélérat de 37,5 ans à 40 ans pour la durée de cotisation pour les fonctionnaires et les salariés des régimes spéciaux proposé par Juppé en 1995 a échoué. Fillon, lui, a réussi en attaquant séparément les fonctionnaires en 2003 et les salariés des régimes spéciaux en 2008. Leur stratégie est de ne jamais proposer un plan d’ensemble de leur projet scélérat, mais d’organiser une succession ininterrompue (un patchwork plus incompréhensible) de contre-réformes régressives dont les salariés ont quelquefois du mal à en comprendre le sens et la logique. Pourtant, Denis Kessler a très bien expliqué cela dans un article mémorable paru le 4 octobre 2007 dans la revue Challenges6.
Par exemple, pour les retraites, nous avons vécu une succession ininterrompue de petites réformes de 1987 à nos jours. Et ce n’est pas fini. Pour l’assurance-maladie, cela se succède depuis 1967 à nos jours. Pour l’assurance-maladie, cela s’accélère, c’est tous les ans depuis le début du siècle que les coups de boutoir sont donnés. Pour les retraites, sitôt votée la loi Sarkozy-Fillon-Woerth en novembre 2010 que s’engage la contre-réforme régressive sur les retraites complémentaires AGIR-ARRCO.

Le marché de la dépendance prévu dans les griffes des prédateurs

Dans cette accélération de la priorité se déclenchent plusieurs dossiers en même temps. Le dossier de la dépendance démarre dès la promulgation de la loi scélérate sur les retraites. L’enjeu est d’importance. Mme Rosso-Debord, députée UMP chargée par le président de la République, de faire un rapport dans ce dossier a purement et simplement proposé la suppression de l’Allocation personnalisée d’autonomie (l’APA) délivrée par les conseils généraux pour la « donner » au secteur des assurances (on s’assurerait pour la dépendance comme on s’assure pour une voiture : pour eux un être humain et une voiture c’est la même chose !). Tout cela pour le plus grand bien des actionnaires des sociétés d’assurance et au détriment du plus grand nombre d’assurés sociaux. Pourquoi ? Parce que la privatisation du financement augmente considérablement les inégalités sociales de santé, car dans ce cas, les assurés sociaux s’assurent pour le plus grand nombre en fonction de leurs moyens financiers. Et ce n’est pas la charité pour les plus pauvres qui peut remplacer la solidarité de tous pour tous.
Cerise sur le gâteau assurantiel, Mme Rosso-Debord propose de ne plus aider les GIR 4 (représentant 50 % des personnes touchant l’APA)7. Dernièrement et ce n’est pas le moindre problème, il y a un grand débat sur la nature de la prestation et donc le type de lieu qui assurerait cette aide. Il y a au moins 5 positions de ce point de vue :

  • la position de Mme Rosso-Debord qui vise à la suppression de toute solidarité par la privatisation totale de ce secteur, avec bien sûr la charité pour les plus pauvres par l’État
  • la position du statu quo avec l’APA distribuée par les conseils généraux ce qui bien sûr la demande, pour assurer le principe d’égalité sur tout le territoire, d’une péréquation interdépartements, mais aussi d’augmenter les impôts locaux pour mieux répondre aux besoins sociaux,
  • le développement d’une caisse nationale hors Sécu de type CNSA dont il faudrait assurer un financement pérenne,
  • le développement d’une cinquième branche dans la Sécu dont il faudra assurer un financement pérenne. Le président de la République a évoqué cette possibilité,
  • l’incorporation de la dépendance dans la Caisse nationale de l’Assurance-maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) dont il faudra assurer un nouveau financement pérenne.

L’auteur de ces lignes a une préférence pour la dernière proposition, d’abord parce qu’elle est la plus « éloignée » du principe de la privatisation des profits et de la socialisation des pertes du secteur. Mais plus fondamentalement encore parce que cette solution serait cohérente avec la définition de la santé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1946. Alors que de plus en plus, la CNAMTS est sommée de se replier sur ses fondamentaux néolibéraux, à savoir devenir un assureur comme un autre et de ne rembourser (de plus en plus mal !) que les actes curatifs, l’OMS a défini la santé comme un état de bien-être physique, mental et social qui ne se réduit pas à une absence de maladie ou d’invalidité. L’application de la définition de l’OMS de 1946 impose d’y inclure toutes les formes de prévention (primaire et secondaire, diminution des facteurs de risques, éducation à la santé, dépistage approprié), toutes les aides à la perte d’autonomie et tous les déterminants de la santé (logement, santé environnementale, etc.). L’enjeu philosophique et citoyen et donc politique de ce qu’est la santé est bien sûr là capital.
Enfin, l’auteur de ces lignes défend cette dernière idée, car dans le projet global qu’il défend, il souhaite revenir aux propositions du CNR, et donc à une gestion de la Sécu où l’argent socialisé qui n’irait qu’aux services publics serait géré non par l’État, mais par délégation de l’État, par les représentants des assurés sociaux élus sur des élections propres à la sécurité sociale. Cette proposition est donc cohérente avec ce projet global.
La justification d’un débat ponctué d’une élection spécifique s’appuie sur trois arguments. Le premier est que le budget de la protection sociale solidaire8 correspondant aux besoins est près du double du budget de l’État, tous ministères confondus. Cela mérite donc un débat public spécifique qui n’est pas possible si ce premier budget humain est noyé dans l’ensemble des dossiers. Le deuxième est que cela est cohérent avec un financement principalement assis par la cotisation sociale qui est un prélèvement à la source de la création de richesse, contrairement à l’impôt qui finance le budget de l’État même si l’impôt peut être également, suivant le type de prélèvement9, un élément de redistribution des salaires et des revenus notamment vis-à-vis des services publics, de l’école, etc. Le troisième est qu’un prélèvement dès la création de richesse permet d’éviter le transfert de la valeur ajoutée vers des contrées sans imposition, « gymnastique » qui peut se faire facilement dans les firmes multinationales dans un monde où le commerce intrafirmes est le premier poste du commerce mondial en constante augmentation.

Stratégie à front large et globalisation des combats

La politique alternative proposée10 est antagonique avec la logique suivie depuis une trentaine d’années. Elle demande donc que le peuple des salariés et citoyens mobilisés fasse le choix d’une rupture sociale indispensable11 à l’émergence de ce projet alternatif. C’est pour cela que la stratégie à front large est nécessaire pour assurer cette transition par une révolution démocratique et républicaine. L’alliance doit d’abord inclure les couches populaires (ouvriers, employés, qui représentent plus de 50 % des assurés sociaux en France)12, puis les couches moyennes inférieures et moyennes, le lumpenprolétariat (les marginaux, les sans, les précaires, les désocialisés, etc.), les artisans, les petits commerçants, les professions intellectuelles et culturelles et les PME de sous-traitance.
L’auteur pense qu’il n’y a pas de domaine surplombant sur les autres, mais que le fait d’ « oublier » ou de minimiser un secteur nuit à la crédibilité de l’ensemble. C’est pourquoi il faut lier l’ensemble des combats laïques, sociaux (sans oublier la protection sociale), démocratiques, féministes, écologiques dans le cadre d’un modèle de République sociale, inventé par Jean Jaurès, mais qu’il faut aujourd’hui repenser pour le XXIe siècle.

Lier les fronts de résistance avec les initiatives d’éducation populaire tournées vers l’action

La déferlante néolibérale est d’une telle brutalité que l’idée qu’il faudra rompre avec ces politiques se développe. Pour l’aider à se développer, il faut marcher sur ses deux jambes et éviter de ne rester que sur une jambe, car dans ce cas, on avance moins vite. La première jambe est de renforcer les fronts de résistance comme dernièrement le mouvement social des retraites autour de l’Intersyndicale unie, la deuxième jambe est constituée par l’ensemble des initiatives d’éducation populaire tournées vers l’action à savoir les stages de formation, les réunions publiques, les cycles d’université populaire autour des questions que se posent les citoyens éclairés et les militants et plus généralement les salariés et retraités de notre pays.
Dans la première jambe, il convient bien sûr de renforcer le sentiment d’unité du salariat qui seule peut permettre la victoire. Pour la deuxième jambe, il convient au contraire d’aller le plus loin possible et de façon la plus cohérente possible dans l’analyse et les propositions alternatives pour les soumettre au débat du mouvement social. Rien ne serait pire que de renvoyer ces choix à des experts autoproclamés sans la délibération populaire.

  1. La protection sociale comporte actuellement 4 branches de la Sécu (Assurance maladie, Retraites, Famille, Accidents du travail et Maladies professionnelles) et 3 branches hors Sécu (Assurance-chômage, Personnes âgées et dépendance et Handicap). L’ensemble est le premier budget humain (soit 31,3 % de la richesse produite mesurée par le PIB) qui est proche du double du budget de l’État, tous ministères confondus. []
  2. Le paritarisme (50 % syndicats-50% syndicats de salariés) est pour l’auteur un système où le patronat prend le pouvoir en « achetant » un syndicat contre la majorité des salariés. []
  3. La nouvelle gouvernance du monde comporte le patronat multinational, les associations multilatérales (Organisation mondiale du commerce OMC, Banque mondiale BM, Fonds monétaire international FMI), régionales (Union Européenne UE, l’ASEAN asiatique, l’ALENA nord-américain entre autres) et managériales (G7, G8, G20) et l’administration politico-militaire étasunienne. []
  4. La bourgeoisie bureaucratique internationale qui dirige le monde via la nouvelle gouvernance mondiale est une adepte de la propagande schizophrène hypocrite. Toute son argumentation s’appuie sur des dogmes qui ne correspondent à aucune réalité matérielle. Elle est donc obligée de construire une idéologie de toutes pièces pour tenter subjectivement de tromper les salariés, les citoyens et leurs familles (par exemple, le « trou de la sécu », la nécessité de la régression des retraites à cause de la démographie, etc. Et comme il est relativement facile de démonter les dogmes néolibéraux, ils sont obligés à côté d’une forme limitée de démocratie politique d’organiser une dictature médiatique : ne sont autorisées à « causer » dans les grands médias aux ordres que les « belles âmes » dont le logiciel de pensée n’est pas antagonique à celui de la gouvernance mondiale. C’est pourquoi l’éducation populaire tournée vers l’action (stages de formation des militants et cadres politiques, réunions publiques et cycles d’université populaire pour les citoyens éclairés) est aujourd’hui indispensable pour contourner cette stratégie turbocapitaliste. []
  5. Le propos de l’auteur n’est pas de dire qu’il n’y a pas de discours des partis politiques sur ce dossier, mais quand discours il y a, il est souvent conjoncturel et se trouve noyé dans l’océan de l’ensemble des dossiers sans que soit décrété son aspect prioritaire dans la période surtout pour les couches populaires (ouvriers et employés, majoritaires dans le pays). Beaucoup d’indicateurs peuvent être étudiés. Nous en proposons un : celui de regarder le temps consacré dans les universités d’été de l’année 2010 des partis politiques et même aujourd’hui d’une organisation comme ATTAC sur les 7 domaines de la protection sociale. Rappelons qu’il s’agit de 31,3 % du PIB soit près de 9 fois le budget de l’éducation nationale. De nombreux autres critères peuvent être étudiés (place dans la presse politique, dans la formation des militants, nombre de responsables des partis politiques dans les réunions publiques organisées par le mouvement social dans les 7 domaines de la protection sociale ! []
  6. Denis Kessler, alors numéro 2 du MEDEF, président de la Fédération française des sociétés d’assurance (membre du MEDEF) et aujourd’hui président de la SCOR, premier réassureur européen, est un des penseurs et organisateurs de la phase actuelle de privatisation des profits et de la socialisation des pertes dans le domaine de la protection sociale en général. Il a commis un article le 4 octobre 2007 dans la revue Challenges intitulé « ]
  7. L’APA est distribuée en fonction du degré de dépendance allant du GIR 1 (le plus dépendant) au GIR 6 (sans dépendance). Jusqu’ici l’allocation est servie jusqu’au GIR 4. []
  8. L’auteur souhaite une intégration progressive des secteurs hors Sécu de la protection sociale dans la Sécu. []
  9. La tendance turbocapitaliste de développer l’injustice par les impôts : TVA, TVA sociale, impôts locaux actuels, au détriment des impôts qui peuvent devenir plus justes si la progressivité de l’impôt est augmentée (impôts directs, droits de succession, taxes foncières sur le bâti et le non bâti, impôts locaux de solidarité républicaine) est une tendance à combattre si on veut un projet global émancipateur partout et pour tous. []
  10. Voir également la proposition des ]
  11. L’auteur estime que cette rupture sociale devrait s’accompagner de trois autres ruptures pour vivre dans une cohérence globale. Il s’agit de réitérer la rupture démocratique mis à mal récemment (voir par exemple, l’imposition à la France du traité de Lisbonne refusé par les Français le 29 mai 2005 ou encore celui des retraites en 2010), la rupture laïque mis à mal depuis l’alliance des néolibéraux et des communautarismes et intégrismes ethniques et religieux, et l’indispensable rupture écologique pour rompre avec le productivisme tout en refusant les idéologies de la croissance et de la décroissance pour lui préférer un développement écologique, laïque et social. []
  12. Il faut insister sur le « d’abord les couches populaires » car l’ensemble des partis, y compris les partis de gauche et d’extrême gauche, les ont jusqu’ici négligées bien qu’elles soient majoritaires ! Il suffit de voir par exemple, les dernières élections régionales de 2009 où les couches populaires ont boudé les partis de gauche et d’extrême gauche en assurant leur vote majoritaire pour le refus d’aller voter ! Le lien politique entre les partis de gauche et d’extrême gauche et les couches populaires est donc largement rompu. L’auteur de l’article pense que sans un processus visant à supprimer ce fossé, il ne peut y avoir  de transformation sociale et politique. ]
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La protection sociale maltraitée durant l'été par les ordo-libéraux

par Bernard Teper

 

Nous sommes habitués aux mauvais coups que les politiques ordo-libérales1 concentrent sur la sphère de constitution des libertés que sont l’école, la protection sociale, les services publics, mais aussi sur les salaires et les conditions de travail2
Même si la vitesse de mise en œuvre de cette politique est fonction du degré de résistance du mouvement social, la pression continue de peser de plus en plus sur les citoyens et leurs familles et principalement sur les couches populaires (ouvriers, employés, représentant 53 % de la population française) et les couches moyennes intermédiaires (représentant 24 % de cette population).
Voyons l’actualité de cette politique.

A) RETRAITES

Août 2011 fut le bon mois pour que l’institut Montaigne (think tank proche du patronat) pour relancer ses propositions pour la future contre-réforme des retraites pour 2013. Voilà le début de la note de cet institut3 :
Comme l’écrivait Bernard Teyssié4, « nul n’ignore que la réforme [des retraites] opérée [en 2010] ne constitue qu’une étape. D’autres viendront… » La loi, portant réforme des retraites du 9 novembre 2010, prévoit d’ailleurs qu’« à compter du 1er semestre 2013, le Comité de pilotage des régimes de retraite organise une réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d’une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse. » Elle précise qu’il faudra en particulier réfléchir à la « mise en place d’un régime universel par points » ainsi qu’aux « moyens de faciliter le libre choix par les assurés du moment et des conditions de leur cessation d’activité » – ce que l’on appelle ordinairement la « retraite à la carte ».
Suit une note qui considère la contre-réforme de 2010 comme une étape d’une contre-réforme systémique visant à séparer de façon nette la retraite nationale par répartition et la retraite professionnelle par capitalisation. Bien évidemment, on comprend que cette séparation inaugure la diminution lente de la première et le développement de la seconde pour alimenter le turbocapitalisme et la financiarisation.

La note fait beaucoup d’effort pour nous convaincre qu’« Attribuer les droits à pension au prorata des cotisations versées au profit des retraités est contraire à toute logique économique. » Comprendre bien sûr « à toute logique turbocapitaliste » !
La note appelle bien sûr à aligner les retraites des trois régimes de fonctionnaires sur les retraites du privé. Donc ,il y aura diminution des retraites du privé et pour « l’équité », il faudra une diminution plus forte pour les fonctionnaires !
La note souhaite lier la dépendance au système des retraites alors que nous, partisans du modèle politique de la république sociale, estimons préférable de la lier à l’assurance-maladie suivant par là la définition de la santé de L’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 1946 définissant la santé non pas comme une absence de maladie ou de perte d’autonomie, mais comme un « état de bien-être physique, moral et social ».
Qui a écrit cette note ? Réponse : Jacques Bichot, professeur émérite de l’Université Jean Moulin (Lyon 3). Qui est Jacques Bichot ? L’ancien président de Familles de France, cette association familialiste, qui considérait « que ce n’est pas le citoyen qui est l’unité de base de la république, mais la famille », qui défendait le suffrage familial en lieu et place du suffrage universel5, association familiale naguère proche du maréchal Pétain qui organisa la manifestation de 100.000 personnes (passées sous portique de décompte) du 31 janvier 1999 avec les Associations familiales catholiques contre le PACS institué par le gouvernement Jospin. À noter que cette ancienne direction de Familles de France a été mise en minorité et qu’aujourd’hui, cette association est dirigée par une droite classique.
Les conclusions de la note sont très explicites :
« 1. Augmenter les prélèvements sur les actifs ne serait pas équitable, et s’avère politiquement très difficile depuis une quinzaine d’années. Au-delà des raisons conjoncturelles, il en est résulté un déficit croissant des finances publiques.
Pour quitter cette voie sans issue, il faut préparer très rapidement une loi organique comprenant :

  • le rappel que la possibilité de prendre un jour en charge les actifs actuels ne découle nullement des cotisations vieillesse et autres prélèvements destinés aux retraités actuels, mais de l’investissement réalisé dans les jeunes générations. La loi précisera aussi qu’en conséquence l’importance des transferts destinés aux retraités est normalement proportionnée à la fécondité qui fut celle de leur génération à l’époque où ses membres étaient en activité ;
  • l’obligation de mettre en place une enveloppe globale regroupant tous les transferts en faveur des retraités ;
  • le principe de prestations « à cotisations définies », c’est-à-dire l’interdiction de dépenser au total au profit des retraités plus que ce qu’il est possible de financer à l’aide de prélèvements sur les actifs dont le taux devra rester globalement inférieur à un maximum précisé par la loi organique.

2. La confusion qui prévaut actuellement concernant le fonctionnement des retraites débouche sur des régimes où se mélangent la retraite obligatoire par répartition et des suppléments professionnels, constituant des rémunérations différées, lesquelles devraient être provisionnées et ne le sont pas toujours. Pour sortir de cette confusion, la loi organique évoquée ci-dessus devra :

  • poser le principe d’une retraite par répartition unique dont les règles seront les mêmes pour tous les Français ;
  • prévoir la mise en place de retraites professionnelles par capitalisation, qui reprendront à leur compte les avantages accordés par certains régimes au-delà de ceux dont disposent les salariés du secteur privé du fait du régime général et des régimes complémentaires ARRCO et AGIRC ;
  • imposer aux organismes tant publics que privés de provisionner intégralement tous les engagements pris dans le cadre de ces régimes professionnels et de comptabiliser leur augmentation entre le 1er janvier et le 31 décembre comme dépense de l’exercice. »

Nous sommes prévenus. Ils ont tiré les premiers. Où est la gauche à la hauteur des enjeux ? Voilà pourquoi nous devons tous ensemble, organiser la campagne d’éducation populaire tournée vers l’action. Lecteurs de RESPUBLICA, participez à l’organisation de cette campagne, rejoignez ici ou là les organisateurs de cette campagne. Si vous souhaitez une mise en contact, écrivez-nous !

B) ASSURANCE-MALADIE

1) Tout d’abord, la revue Prescrire porte un jugement critique sur le nouveau projet de loi sur les médicaments en pointant les progrès et les manques. « Le projet de loi comporte des avancées surtout en termes de transparence et de gestion des conflits d’intérêts par les agences. » Mais plusieurs points importants sont absents, notamment le renforcement de la pharmacovigilance locale et la démonstration d’un progrès thérapeutique pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché ou un remboursement.

Toujours pas à pas de transparence systématique des réunions des agences, et pas d’accès systématique aux données examinées pour préparer les décisions et les avis.
« Le projet de loi prévoit que les liens d’intérêts ne soient déclarés qu’au-delà d’un certain seuil, non précisé, alors que l’influence des liens d’intérêts mêmes modestes est avérée.

« La prescription en dénomination commune internationale (DCI), au lieu d’être promue sans attendre, est différée à l’emploi de logiciels professionnels qui ne seront pas certifiés avant plusieurs années. »
« Enfin, le projet de loi ne dit rien sur l’évaluation de la praticité pour prévenir la survenue d’erreurs médicamenteuses ; rien sur le développement d’une information grand public de qualité sur la santé, la prévention et les thérapeutiques ; rien sur le financement d’une recherche clinique indépendante des firmes pharmaceutiques, condition nécessaire d’une
meilleure évaluation des médicaments et d’une diminution des conflits d’intérêts des experts. »
Conclusion de ReSPUBLICA : peut mieux faire !

2) Dans cette année présidentielle, l’actualité de la santé va se politiser d’ici à fin décembre.

D’abord, des élections professionnelles vont donner le futur rapport des forces dans les syndicats de ce secteur. La fonction publique hospitalière et les Praticiens hospitaliers (PH) seront en période élective.
Le Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS 2012) verra sans doute différents « cavaliers parlementaires » augurer de ce que souhaite la droite néolibérale dans les contre-réformes à venir.
Nous verrons alors ce que deviendront les crédits gelés au titre des Missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (MIGAC). Ce point est capital pour l’hôpital public.
Il est probable que ce PLFSS reprendra certains articles de la proposition de loi Fourcade modifiant certaines dispositions de la loi HPST, censurée par le Conseil constitutionnel pour des raisons de forme, notamment ceux liés à la Responsabilité civile médicale (RCP), au conventionnement hospitalier, à la biologie médicale, aux sages-femmes. Sur ce dernier point, nous ne partageons pas la position des nombreuses associations qui se sont élevées contre la position du Conseil constitutionnel en mélangeant la censure pour des raisons de refus des cavaliers parlementaires et non sur le fond. D’autant plus que ces associations ne disent pas un mot de la loi régressive HPST dite loi Bachelot. D’ailleurs, même avec les propositions Fourcade, la Comission Médicale d’Établissement (CME) n’a pas de regard sur les recrutements médicaux (laissés aux technocrates non médicaux !), son président n’a que voix consultative au Conseil d’UFR [unité de formation et de recherche.par ailleurs,le fait d’enlever toute responsabilité institutionnelle aux médecins hospitaliers est une hérésie.
Il est également probable que ce PLFSS reprenne le début de la future réforme sur la dépendance repoussée par le gouvernement pour deux raisons. D’abord le désaccord persistant à droite sur un sujet qui touche son électorat:rappelons que Nicolas Sarkozy a fait le « break » contre Ségolène Royal en 2007 avec 3 millions d’avance chez les plus de 60 ans. Puis, corolaire du point précédent, il fallait pour contenter sa majorité mettre du grain à moudre et le gouvernement est dans la tourmente de la crise économique et financière.
Le projet d’un secteur optionnel (légalisation scandaleuse du dépassement d’honoraires) entre dans une nouvelle phase visant à faire signer un avenant spécifique entre le gouvernement, l’assurance-maladie et l’union nationale des organismes complémentaires à l’Assurance-maladie (UNOCAM, regroupant la mutualité française, les assurances multinationales et les instituts de prévoyance des amis de Guillaume Sarkozy).
Autre sujet brulant : la 2e tranche du plan Hôpital 2012 qui risque poursuivre la casse du maillage hospitalier français.
Sans compter la poursuite du feuilleton sur l’Ordre national infirmier (ONI) refusé par beaucoup d’organisations syndicales de salariés, la publication des décrets du Développement professionnel continu (DPC) pour l’instant bloquée, le débat sur le plan Santé mentale, le devenir des Praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE) qui devient de plus en plus nombreux dans nos hôpitaux et dont leur autorisation d’exercice arrive à échéance le 31 décembre.

3) La Fédération hospitalière de France (FHF) a écrit lundi à Roselyne Bachelot, pour critiquer la convergence tarifaire pour les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). À noter que ce secteur est déjà principalement privatisé à 80 % ! Le montant de la convergence tarifaire s’élèverait à plus de 88 millions d’euros, « ce qui conduira à la suppression à terme de plus de 2.000 postes dans ces établissements, soit une baisse directe du personnel disponible pour aider les résidents puisqu’il s’agit de postes d’aides-soignants, d’aides médico-psychologiques et d’infirmiers », déplore la FHF. Quand on connaît l’état actuel de la situation, il ya de quoi « frémir », car cela va surtout toucher les citoyens et leurs familles des couches populaires ou des couches moyennes intermédiaires net que la majorité des établissements n’a pas d’infirmière présente la nuit, ni sur place ni en astreinte.
La fédération demande à la ministre de geler la convergence tarifaire en Ehpad « afin que puissent être réexaminées les conditions de son application » alors que la droite patronale et les élites ordo-libérales veulent la convergence tarifaire le plus rapidement possible.
Qui va gagner ?!

4) Le forfait hospitalier crée en janvier 1983 sous la présidence socialiste de François Mitterrand, avec comme premier ministre le socialiste Pierre Mauroy et comme ministre de la Santé le communiste Jacques Ralite fait un nouveau bon en avant et augmente les inégalités sociales de santé. Les demandes d’aide dans les commissions sociales des caisses primaires d’assurance-maladie (CPAM) augmentent.
Le Conseil d’État a rejeté durant l’été 2011 les recours de plusieurs associations de patients qui contestaient la hausse du forfait journalier hospitalier intervenue le 1er janvier 2010. Il est donc de 18 euros (13,50 euros en psychiatrie). Le Conseil d’État estime que le reste à charge n’est pas encore excessif !
En fait, que ce soit pour la laïcité ou pour le social, les ordo-libéraux ont truffé les postes dans cette instance et soutiennent le processus ordo-libéral en cours.
Pour nous, le fait que le Conseil d’État estime que la proposition gouvernementale est conforme aux exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 montre la nécessité d’une modification constitutionnelle sur ce point comme sur tant d’autres.

5) Le scandale du vaccin H1N1, suite !

Suite au scandale du vaccin H1N1, voilà encore des frais supplémentaires à cette gabegie. Rappelons que ce virus a toué moins de personnes que la grippe saisonnière et que c’est les conflits d’intérêts qui sont la cause de cet achat massif au seul profit de l’industrie pharmaceutique. La France a déjà incinéré la moitié de son stock de vaccins contre la grippe H1N1.

6) Une bonne nouvelle !

Pour montrer que nous ne faisons pas que critiquer, voilà une bonne nouvelle.
L’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) a annoncé la naissance de deux enfants, conçus par fécondation in vitro suivie d’une vitrification embryonnaire à l’hôpital Jean-Verdier à Bondy (Seine-Saint-Denis), indiquant qu’il s’agissait des premières naissances en France avec cette technique.
La vitrification des embryons, qui consiste en une congélation ultrarapide au lieu de la congélation traditionnelle lente, a été autorisée par l’Agence de la biomédecine en novembre 2010.
Cette technique permet « une augmentation considérable des taux de survie des embryons après processus de congélation-décongélation », l’optimisation de « l’ensemble de la prise en charge des patients en AMP », l’augmentation des chances de grossesses cumulées, sans recours à une nouvelle ponction ovocytaire, puisque tous les embryons obtenus deviennent disponibles pour être transférés », la réduction considérable du « risque de grossesses multiples, majeur en AMP, en diminuant le nombre d’embryons transférés d’emblée suite à la ponction ovarienne, sans craindre la lyse des embryons surnuméraires lors de la décongélation ».

C) SANTÉ AU TRAVAIL, ACCIDENTS DU TRAVAIL ET MALADIES PROFESSIONNELLES

1) Médecine du travail

Le Parlement a adopté cet été une loi relative à l’organisation de la médecine du travail.
Elle reprend des dispositions du projet de loi de contre-réforme régressive des retraites annulées par le Conseil constitutionnel.
Chaque Service de Santé au Travail(SST) devra signer un contrat d’objectifs et de moyens (COM) signé avec l’autorité administrative et les organismes de sécurité sociale.
Mais le conseil des SST interentreprises sera OBLIGATOIREMENT présidé par un représentant du patronat alors qu’il s’agit de la santé des salariés!!!!!

2) La sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP)

Elle s’est maintenue pendant les trois dernières années, pour atteindre en 2010 un coût oscillant entre 587 millions à 1,1 milliard d’euros, selon le rapport de 171 pages de la commission chargée d’évaluer ce montant, commission présidée pour la troisième fois par le conseiller maître à la Cour des comptes Noël Diricq.
La majeure partie du coût de la sous-déclaration est liée aux cancers professionnels, qui représentent entre 251,3 millions et 657 millions d’euros.
Parmi les autres pathologies professionnelles figurent les affections périarticulaires, comme l’épaule douloureuse (62,6 millions d’euros), le canal carpien (24 millions) la tendinite du coude (12,8 millions) et de la main (4,6 millions).La commission pointe aussi la sous-déclaration des dermatoses allergiques et irritatives (de 35,9 millions à 73,6 millions d’euros), de l’asthme (de 44,3 millions à 95,1 millions), de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO, de 49,3 millions à 77,7 millions) et d’une affection qui n’avait pas encore été évaluée, la surdité (3,6 millions).
Elle estime à 95.000 le nombre de cas non déclarés d’accidents du travail (113.000 en 2008), dont 40.000 avec arrêt et 55.000 sans arrêt, avec un coût respectif de 87,3 millions et 11,7 millions d’euros.
Aucune des préconisations portées par notre honorable conseiller-maître n’est de nature de changer les choses. Notre proposition est simple. Elle consiste en un changement de paradigme. Il faut que la santé au travail soit sous la responsabilité des salariés et non du patronat et que le statut, le rôle et le nombre des médecins du travail et des inspecteurs du travail soient revus en conséquence et qu’en dernier lieu soit renforcées les sanctions aux employeurs qui ne respectent pas la loi.

D) PERSONNEL DE LA SÉCU

Le personnel des organismes de sécurité sociale Ucanss est concerné pour 15 % d’entre eux (sur 163.923 salariés au 31 décembre 2010) par un départ en retraite dans les 5 ans qui viennent ce qui est considérable. La crainte d’une baisse du suivi des assurés sociaux plane !

E) PERTE D’AUTONOMIE

1) Le Parti socialiste a raison quand il dit que « La situation s’est considérablement aggravée depuis dix ans, du fait de l’inaction de la droite et nécessite une réforme équivalente au grand progrès qu’avait représenté la création de l’APA par la gauche en 2001. » Mais quand le Parti socialiste « s’engage, dans le cadre du Projet 2012, à construire un service public universel et personnalisé de l’autonomie répondant aux besoins de tous et adapté à la situation de chacun. Ce dispositif plus lisible et égalitaire, articulé autour de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, dans le cadre de la Sécurité sociale, sera fondé sur une fiscalité progressive. Le financement paritaire de l’APA entre l’État et les conseils généraux sera assuré. Nous nous appuierons sur l’expertise de ces derniers en matière d’accompagnement des personnes en perte d’autonomie. » Nous sommes contents et inquiets à la fois. Contents de voir ce parti proposer une amélioration tangible incontestable. Mais avec des inquiétudes :

  • on ne dit pas comment la CNSA serait intégrée dans la Sécurité sociale (elle ne l’est pas aujourd’hui),
  • on voit là le projet du Parti socialiste engager la fiscalisation de la protection sociale en lieu et place de la cotisation sociale (comme la droite néolibérale et l’extrême droite)

2) Un tiers des personnes âgées vivant à domicile et aidées régulièrement pour des raisons de santé ou de handicap ont déclaré ne pas recevoir toute l’aide dont elles auraient besoin dans leur vie quotidienne, selon une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees).
Parmi les plus dépendantes (GIR 1 et 2), elles sont 42 % à estimer avoir besoin d’une aide supplémentaire pour les activités essentielles de la vie quotidienne (se laver, s’habiller, s’asseoir, manger, etc.), contre 28 % de celles modérément dépendantes (GIR 3 et 4) et 12 % des légèrement dépendantes (GIR 5).

Toutes choses égales par ailleurs, les personnes ayant de faibles ressources (revenu mensuel du ménage inférieur à 1.000 euros) déclarent le plus souvent ressentir le besoin d’une aide humaine supplémentaire que les personnes les plus aisées.

Parmi les personnes âgées aidées, 48 % reçoivent uniquement une aide de leur entourage, 20 % uniquement l’aide de professionnels et 32 % une aide mixte. L’avancée en âge tout comme l’augmentation du degré de dépendance s’accompagne d’une hausse de l’aide mixte.

  1. Dans la famille de pensée néolibérale, la pensée dominante aujourd’hui est l’ordolibéralisme. Cette théorie née en Allemagne donne à l’État la responsabilité de créer le cadre légal et institutionnel de la concurrence « libre et non faussée ». Elle crée une division des tâches :

    • la politique monétaire est sous la responsabilité d’une banque centrale totalement indépendante avec comme axe la lutte contre l’inflation et la stabilité monétaire.
    • la politique budgétaire qui doit être en équilibre
    • la fixation des salaires et des conditions de travail est négociée par les employeurs et les syndicats au plus près du lieu de travail

    Cette politique s’est mise en route très progressivement (en France de 1973, année de la fin de la création monétaire par la banque de France jusqu’à nos jours en passant par le traité de Lisbonne, la stratégie de Lisbonne, etc.). Les effets ont donc été visibles que bien plus tard. []

  2. voir le texte intitulé « Repenser la protection sociale solidaire pour construire un nouveau modèle politique
    » avec tous ces annexes et renvois). []
  3. Voir ]
  4. La semaine juridique – Social, n° 49, 7 décembre 2010. []
  5. suffrage toujours en place au sein de l’Union nationale des associations familiales (UNAF) selon la loi de 1975 qu’il faudra bien un jour changer ! []
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  • Protection sociale

Un feu d’artifices(*), ou les dernières exactions gouvernementales à l’encontre de la protection sanitaire et sociale collective

par Raymond MARI

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Dans le domaine de la protection sanitaire et sociale, les décisions prises par les gouvernements libéraux qui se sont succédé depuis une décennie ont consisté à faire basculer le système collectif solidaire mis en place à la libération, vers un dispositif assurantiel privé. Les quelques semaines écoulées démontrent une accélération des atteintes à ce que certains nomment notre pacte social.

Vive le marché. Tant pis pour la santé.

Sans qu’il s’agisse d’un début, car la liste des exactions commises en la matière est longue et ancienne, les amendements à la dernière loi sur le financement de la protection sociale présentés par le sénateur Fourcade (UMP) ont dépouillé le texte originel des timides dispositions qui tentaient de « moraliser » un dispositif sanitaire doté de forces centrifuges agressives au regard de l’intérêt collectif : les contraintes des médecins libéraux qui pouvaient être amenés à compenser les carences de certains territoires sous-équipés ont disparues, l’opacité des prix de la prothèse dentaire a été rétablie, l’obligation de signaler les congés au Conseil de l’Ordre (pour l’organisation de la permanence des soins) a été levée. En résumé, l’affirmation d’un libéralisme débridé au profit du secteur ambulatoire privé qu’il convient de comparer aux dégradations perpétrées à l’encontre du service public (voir la situation des hôpitaux publics).

Un financement accru de la médecine libérale

Dans la foulée, il y a une quinzaine de jours, une nouvelle convention a été signée entre l’assurance maladie et les syndicats les plus conservateurs des médecins libéraux. Ce qui caractérise cette convention (nous y reviendrons), c’est le financement très substantiel des comportements vertueux des praticiens dans leurs démarches thérapeutiques et dans l’organisation de leur cabinet (utilisation de l’informatique par exemple… !). En ce qui concerne les démarches thérapeutiques, le respect des protocoles de soins qui prévoient tel ou tel examen, la pratique des vaccinations, l’utilisation à bon escient de certains médicaments, pour ne prendre que quelques exemples, seront sur-rémunérés en fonction d’un barème payant la « performance »1. Mais il ne s’agit évidemment pas d’une performance sur les résultats (la santé du client), mais sur la bonne utilisation des moyens. Les patients seront sans doute rassurés de savoir qu’ils financeront désormais la condition normale (nous semble-t-il ?) de bien faire son métier.

Avec une hypocrisie confondante, ce financement supplémentaire est présenté comme une alternative au paiement à l’acte, ce qui est faux dans la mesure « la prime » s’ajoutera au paiement des actes sans en réduire le nombre.

On discerne, bien entendu, qu’à l’approche de certaines échéances électorales, il convient de caresser dans le sens du poil une catégorie influente. Dans le même temps, les malheureux usagers voient leurs prestations fondre comme neige au soleil (ex : augmentation forfait hospitalier, déremboursement des médicaments à service « modéré », après ceux qualifiés de « service insuffisant », etc.)

Majorer la charge des ménages pour alléger celle des organismes complémentaires.

La stratégie gouvernementale de « basculement » vers un système assurantiel consiste à réduire la couverture sociale obligatoire (la Sécu), ce qui entraîne mécaniquement un report sur les assurances complémentaires composées de mutuelles, d’organismes de prévoyance et de sociétés d’assurances, ces trois acteurs s’affrontant désormais dans une course aux parts d’un marché de plus en plus juteux.

Toutefois, pour ne pas trop alourdir les charges de ces partenaires du « marché » et, conformément à la logique bestiale de la « responsabilité individuelle », il faut pénaliser les consommateurs qui s’abandonnent lâchement à la maladie. Il convient donc de transférer une partie de la charge des frais de santé sur les ménages. Tant pis si une partie de la population y perd la capacité de se soigner.

C’est ainsi que la loi « Douste Blazy » de 2004 a inventé les « contrats solidaires et responsables » qui encourageaient les organismes d’assurance complémentaires à ne pas rembourser les franchises, la majoration du ticket modérateur pour non-respect du parcours de soins et les dépassements tarifaires, en offrant auxdits organismes une réduction (3,5 % au lieu de 7 %) de la taxe sur les conventions d’assurance (TCA). On observera le côté ubuesque de la situation, puisque les citoyens financent des exonérations fiscales destinées à réduire la prise en charge de leurs frais médicaux !

Dès l’année 2010, cette « niche fiscale » était dans le collimateur du Ministère de finances. À point nommé, « la crise » vient de libérer le gouvernement de ses hésitations. La TCA des contrats responsables passera de 3,5 % à 7 %. Et pour faire bonne mesure, les autres contrats, sans doute moins responsables et de moins en moins solidaires, passeront, de 7 % à 9 %.

Cette gymnastique coutera 1,2 milliard d’euros aux organismes complémentaires (à comparer avec la contribution supplémentaire des hauts revenus : 200 millions). Pour ceux qui auraient la légèreté de ne pas se sentir concerné, il faut immédiatement leur rappeler que ce qui augmente les dépenses des systèmes d’assurance privés, se traduit automatiquement par une augmentation du coût des contrats. En conséquence, les assurés paieront plus cher une couverture financière qui n’aura pas augmenté !

Un encouragement au développement du marché de la dépendance.

Parmi d’autres graves lacunes, la protection sociale est dramatiquement carencée pour la dépendance des personnes âgées. En 2000, 800 000 personnes âgées n’étaient plus autonomes. En 2040, selon les simulations, elles seraient 1 200 000 ou 1 500 000 dans cette situation. L’évolution de notre société n’incitant pas à compter sur la solidarité familiale, on peut donc prévoir que les structures d’accueil (maisons de santé médicalisées) seront à l’avenir de plus en plus sollicitées. De grands groupes financiers privés l’ont anticipée et investissent dans la création de ces établissements. Mais le placement dans ces structures présente un inconvénient majeur : son coût, que l’allocation personnalisée d’autonomie (l’APA à la charge des collectivités locales) ne couvre que très modérément. Devant la pénurie de maisons de santé à statut public, les personnes dépendantes et leurs familles sont donc confrontées à des dépenses considérables (2500 à 5000 euros mensuels) qui provoquent rapidement la ruine des débiteurs, dans la mesure où la protection sociale, qu’elle soit publique (Sécu) ou privée (assurances complémentaires), est pratiquement absente. Le Président de la République avait multiplié les effets d’annonce sur le sujet avec promesse d’une réforme rapide. Le candidat Sarkozy vient de l’ajourner sine die. Le « marché » de la dépendance a de beaux jours devant lui.

(*) Artifices au sens leurres, subterfuges, tromperies

  1. Barème dont la pertinence est d’ailleurs contestée (cf. étude de François PESTY expert en pharmacie)  []
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Le leurre et l’argent du leurre

par Raymond MARI

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L’assurance maladie découvre les inconvénients des dépassements tarifaires

Il y a quelques semaines, nous exprimions le regret des lanceurs d’alerte anonymes, d’être peu ou pas entendu. Dans le tohu-bohu médiatique, l’anonymat est un obstacle infranchissable. L’actualité leur apporte parfois une caution qui ne les rendra d’ailleurs pas plus audibles. Mais après tout, ces cautions sont la revanche des doutes qui les assaillent quant à la justification de leurs efforts.

Aujourd’hui, la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (terminologie contestable, dans la mesure où depuis longtemps et heureusement, cet organisme a dépassé le salariat), fait paraître une étude portant sur les dépassements tarifaires des médecins du secteur 2 de la convention médicale (publiée le 17 mai 2011), avec le sous-titre alléchant de la « nécessité d’une réforme structurelle du système ».

Si les lecteurs du présent article ont la curiosité de consulter les archives de l’UFAL ou du journal Respublica, ils constateront les efforts que nous avons accomplis depuis plusieurs années pour dénoncer ce qui constitue désormais un obstacle aux soins infranchissable pour une proportion de plus en plus importante de nos concitoyens. (Cf. l’article « Processus de régulation des honoraires médicaux qui ne respectent pas les règles conventionnelles et déontologiques » - février 2010 -)

S’il faut saluer la nouvelle volonté de la CNAMTS de renoncer au mutisme qui l’affectait depuis plusieurs années au sujet des pratiques tarifaires des professionnels de santé libéraux (la dernière publication de l’activité et des honoraires des professionnels libéraux date de l’année 2008 !), l’irruption de cette communication et de ses lacunes dans le contexte actuel est plus que suspect.

Ce que la CNAMTS dit…

La somme annuelle des dépassements tarifaires (les honoraires supérieurs aux tarifs de remboursement de la Sécu) facturée par les médecins libéraux s’est élevée à 2,5 Mds d’euros en 2010. Les dépassements représentaient 900 Millions d’euros en 1990.

Cette augmentation résulte de deux phénomènes : le renforcement du secteur 2 (honoraires « libres ») dans les spécialités (30 % en 1985, 41 % en 2010) et, dans ce secteur, l’augmentation du taux de dépassement moyen (23 % en 1985, 54 % en 2010).

Pour être plus précis, il faut savoir que l’inscription des généralistes dans les secteurs conventionnels autorisant la pratique des honoraires « libres » a été « gelée » en 1990, alors qu’elle reste possible pour les médecins disposant de titres universitaires et qui s’installent pour la première fois en libéral (essentiellement des spécialistes). Résultat : si le nombre de généralistes diminue avec le temps dans les secteurs de liberté tarifaire - ceux qui cessent leur activité - (22 % en 1990, 11 % en 2010), l’effectif des spécialistes augmente car actuellement, lors de leur installation, 6 spécialistes sur 10 optent pour le secteur honoraires « libres ».

Encore faut-il savoir que les chiffres présentés ne sont que des moyennes nationales qui lissent des disparités considérables.

• En fonction des territoires tout d’abord, les zones urbaines, le niveau socio-économique de la population et l’attrait géographique ayant une influence positive sur l’installation des médecins et leur propension à exercer dans les secteurs de liberté tarifaire. À titre d’exemple, Paris détient le record de médecins pratiquant les dépassements tarifaires, alors que cette singularité est faible dans la région centre par exemple.

• Selon les spécialités ensuite. Ainsi, une forte proportion (85 %) des radiologues applique les tarifs de la Sécu, alors, par exemple, que 85 % des chirurgiens facturent des dépassements tarifaires.

• La disparité géographique s’observe également dans les taux de dépassements, une étroite corrélation s’établissant entre la proportion de médecins exerçant dans les secteurs de liberté tarifaire et le niveau des dépassements facturés. Dans ces conditions, les Parisiens subissent une double peine : c’est là où les médecins pratiquant les tarifs conventionnels sont les moins nombreux et c’est dans ce périmètre que les dépassements sont les plus élevés.

• Bien entendu, les pratiques tarifaires individuelles sont elles aussi très disparates et les écarts sont considérables. Pour ne prendre qu’un seul exemple, la moitié des chirurgiens ne dépasse les tarifs que de 49 %, mais l0% d’entre eux dépassent de plus de 229 % et 1 % de ces praticiens culminent au-dessus de 630 % ! (étude IGAS sur les dépassements d’honoraires médicaux, 2007).

Il aura donc fallu attendre le 17 mai 2011 pour que la CNAMTS exprime ses inquiétudes sur l’accès aux soins de ses assurés, notamment les plus modestes, du fait de la dégradation progressive de la notion de tarifs opposables qui était et qui reste, semble-t-il, dans le cadre du paiement à l’acte, le seul moyen d’assurer une couverture optimale des frais médicaux, tout en maîtrisant (relativement) les dépenses de santé. C’était et ça reste le principal objectif de la convention médicale.

Et c’est à cet instant que le magicien fait apparaître le lapin de son chapeau…

Le secteur optionnel. Voilà la solution que préconise la Caisse Nationale ! Nous allons renouveler notre analyse de cette imposture (cf. article du 6 novembre 2009 « L’imposture de la création du secteur optionnel »)

Mais au préalable il convient de développer ce que la CNAMTS ne dit pas.

Ce que la CNAMTS ne dit pas

2,5 milliards de dépassements ne sont que ceux comptabilisés pour les médecins libéraux en 2010. Il faut y ajouter 4,5 milliards facturés par les dentistes1. On atteint donc la somme respectable de 7 milliards qui reposent essentiellement sur les ménages puisque la Sécu ne les rembourse pas et les assurances complémentaires, peu (environ 30 %).

Sans doute convient-il de rappeler à propos des assurances complémentaires (assurances, mutuelles et instituts de prévoyance) que, comme tout système d’assurance, elles accentuent les inégalités : elles couvrent d’autant mieux leurs adhérents qu’ils appartiennent aux catégories favorisées. Les cadres en activité par exemple qui bénéficient de contrats collectifs d’entreprise, ont des revenus qui leur permettent de payer des cotisations élevées assurant des couvertures optimales. Pour les catégories moins favorisées (retraités notamment) dont l’état de santé général est beaucoup plus précaire, la charge devient insurmontable. Actuellement, 7 à 8 % de la population seraient dépourvus de complémentaire.

La Caisse nationale d’assurance maladie, quasi service public, lance donc l’alerte : la dégradation de la protection sociale s’accentue, il faut que ça cesse ! Et le magicien (cf. ci-dessus) lance une proposition dont la logique est aveuglante (elle aveugle donc). Il faut limiter les dépassements tarifaires… ! Et, à cet effet, créer un nouveau secteur dans lequel des dépassements limités seront autorisés.

Ce qui voudrait dire que jusqu’alors, rien ne permettait de parvenir à régulation des honoraires.

Or, c’est faux !

Un élargissement de la liberté des honoraires pour ne pas appliquer les règles en vigueur ou réformer un mode de rémunération des soins pernicieux !?

Les institutions peu suspectes de céder aux approximations ou à des idéologies « gauchardes » le rappellent régulièrement (Cour des Comptes, Inspection Générale des Affaires Sociales, Ministère de la santé encore récemment dans un rapport présenté à la conférence Nationale de santé (cf. article « Il vaut mieux être jeune et bien portant que pauvre, étranger et malade » - avril 2011 -) , un arsenal juridique existe et est à la disposition des organes de régulation (Caisses d’assurance maladie, Conseils des Ordres…) pour canaliser et, éventuellement, réprimer les prétentions financières excessives de certains professionnels de santé.

En premier lieu, le code de santé publique instaure « le tact et la mesure »2 dans la fixation des honoraires médicaux. Ensuite, plusieurs dispositions du code de Sécurité Sociale (Art. L. 145-1, Art. L. 145-2, Art. L. 162-1-14-1) prévoient les actions disciplinaires et financières que peuvent utiliser les Caisses. Enfin, la Convention Médicale des médecins (contrat conclu entre la Sécu et les praticiens) fixe les règles en matière d’honoraires, rappelle à ce propos la notion de tact et de mesure, et prévoit des sanctions pour les comportements irréguliers.

Sachant que les organismes d’assurance maladie disposent d’une connaissance exhaustive des pratiques financières des professionnels de santé libéraux (sous-produit de la liquidation des prestations), pourquoi assiste-t-on à l’inflation exponentielle des honoraires dépassant les tarifs conventionnels ?

Et comment la Caisse Nationale peut-elle exprimer dans son étude, sans la moindre trace de culpabilité, que : « …la lutte contre les dépassements abusifs permet de sanctionner les pratiques tarifaires excessives… », que cette lutte est : « …indispensable… », en ajoutant toutefois que la lutte « …ne concernerait qu’une minorité de médecins… », ce qui est faux ! et qu’elle « n’apporte pas de solution globale aux problèmes d’accès aux soins que pose un développement excessif du secteur 2… »

Changer le mode de rémunération des soins

En remontant le courant de cet argumentaire, on pourrait proposer à la CNAMTS de faire voter par son conseil (composé des représentants des assurés - syndicats, associations, mutualité -) une résolution destinée aux pouvoirs publics pour faire cesser le mode de financement des soins catastrophique (sur le plan sanitaire et sur le plan économique) du paiement à l’acte, au bénéfice par exemple d’une rémunération globale calculée sur les caractéristiques de la clientèle du praticien (comme en Angleterre), ce qui supprimerait tous les problèmes énoncés ci-dessus, dans la mesure où le patient n’aurait plus de relation financière directe avec le médecin, puisque les actes de ce dernier seraient directement rémunérés par le système de protection sociale.

Des règles existent. Elles ne sont pas appliquées.

Mais pour être réaliste, car un changement de mode de rémunération des actes demandera vraisemblablement quelques années, pourquoi ne pas suggérer à la CNAMTS, quasi service public, d’appliquer la loi (…) et de sanctionner les déviants qui sont loin d’être « une minorité » comme elle le prétend… !? À propos de proportion, l’étude IGAS d’avril 2007 a analysé la répartition des taux de dépassements et a constaté qu’en moyenne, sur l’ensemble des spécialistes libéraux pratiquant les dépassements tarifaires, la moitié d’entre eux, dépassaient les tarifs conventionnels (base du remboursement) de 50 % et plus, 20 % dépassaient de plus de 94 % et 1 % de plus de 385 %. Pour illustrer ce que lissent les moyennes, citons quelques spécialités : 20 % des chirurgiens présentent des dépassements moyens de plus de 133 % et 1 % de plus de 630 %. 20 % des stomatologues dépassent de plus de 180 % et 1 % de plus de 551 %. 20 % des gynécologues dépassent de plus de 107 % et 1 % de plus de 316 %. Etc…Sacré « minorité » !

En ce qui concerne l’apathie des organes de contrôle, après la Cour des comptes qui relevait cette anomalie, l’IGAS regrettait dans son rapport de 2007, le très faible intérêt de l’organisme national et de la branche maladie en général pour les contrôles en matière de dépassements tarifaires et l’absence de sanctions pour les praticiens dont les comportements démontrent un évident défaut au regard des règles en vigueur. Pour citer un témoignage plus récent (avril 2011), l’étude sur les refus de soins présentée devant la conférence nationale de santé soulignait les résultats dérisoires de l’action disciplinaire dans la répression des comportements professionnels qui entraînent le renoncement aux soins des malades.

L’assurance maladie est donc défaillante, les Conseils des Ordres ne cachent pas leur volonté de favoriser la liberté des honoraires et le gouvernement démontre son opiniâtreté à laisser dériver le prix des prestations sanitaires, ce qui lui permet d’atteindre les trois objectifs qu’il poursuit : 1/ satisfaire une clientèle électorale majoritairement favorable (les professionnels de santé libéraux) qui obtient une revalorisation de ses revenus, et ce, 2/ sans alourdir les dépenses de l’assurance maladie qui ne rembourse pas les dépassements, 3/ accentuer le transfert de la protection sociale solidaire publique (la Sécu), vers les assurances complémentaires privées. Comme effets « collatéraux », le reste à charge des ménages les plus modestes est alourdi, ce qui les exclut de l’appareil sanitaire. Mais cela ne ressort-il pas de la sélection naturelle qui inspire la logique libérale ?

Une question obsédante : Qu’est-ce qui peut expliquer, justifier, l’inertie des partenaires sociaux et des organisations qu’ils représentent (les syndicats notamment) qui, bien que composant les Conseils des organismes d’assurance maladie, assistent depuis des décennies, sans véritablement réagir, à cette grave remise en cause du droit à la santé… ?

Le leurre : limiter les dépassements tarifaires, le secteur optionnel

Une dégradation progressive de l’encadrement des honoraires

Pour dévoiler le piège tendu par les contempteurs du socialisme (société où la collectivité régule les relations individuelles), il convient d’analyser les divers éléments d’une situation complexe.

Rappelons tout d’abord qu’en 1980 la convention des médecins a dégradé l’encadrement des honoraires médicaux en instaurant une catégorie (le secteur 2 ou « honoraires libres ») dans laquelle ceux qui s’y inscrivaient n’étaient plus tenus de respecter les tarifs conventionnels, mais devaient respecter la notion de « tact et mesure ».

Pour résumer le résultat actuel de cette organisation, les médecins se répartissent en deux grandes catégories, ceux qui ont obligation de respecter les tarifs conventionnels (le secteur 1 de la convention) et ceux qui peuvent pratiquer des tarifs différents (principalement le secteur 2 - 11 % des généralistes et 41 % des spécialistes en 2010 -), mais avec tact et mesure.

Un court point d’histoire semble nécessaire pour préciser le contexte qui influence les enjeux considérables de l’encadrement des honoraires médicaux qui ne se limitent pas aux charges résiduelles des malades (7 Mds malgré tout !), mais qui mettent en cause la capacité de se soigner des catégories défavorisées et modifient fondamentalement le choix fait à la libération d’instaurer une protection sociale publique fonctionnant sur des mécanismes de solidarité.

En 1990, devant les dégâts causés par l’instauration du secteur 2 (gouvernement Barre), les pouvoirs publics ont gelé la généralisation du secteur « honoraires libres », sans revenir sur les avantages obtenus par les médecins avant cette date (cf. ci-dessus). On doit reconnaître que la situation qui en résulte est assez inéquitable. La solution aurait évidemment été de supprimer le secteur 2.

Un contexte politique très défavorable

Depuis, surtout au cours de la dernière décennie, les gouvernements libéraux se sont évertués, par petites touches, à desserrer les contraintes tarifaires. La dernière initiative en la matière a été d’obliger la CNAMTS à engager des négociations avec les syndicats médicaux pour créer le fameux « secteur optionnel ».

Des syndicats professionnels très influents qui réclament dans leur majorité une généralisation de la liberté des honoraires. Signalons une exception notable : le SMG - Syndicat de la Médecine Générale.

Pour parachever ce contexte défavorable, et pour souligner l’ambiguïté des attitudes syndicales qui participent à la gestion des Caisses, il convient de rappeler que ces organisations ont voté (à l’exception de la CGT qui s’est abstenue) pour l’ouverture des négociations en faveur de l’instauration du secteur optionnel…

Dans l’esprit des syndicats de médecins, celui de la CSMF en particulier, le secteur optionnel tel qu’il se dessine aujourd’hui est le cheval de Troie, le pied mis dans la porte, pour disloquer ce qui reste de l’encadrement des tarifs. Ces organisations n’ont pas caché leur volonté de généraliser ce qui serait aujourd’hui réservé aux seuls chirurgiens, anesthésistes et gynécologues obstétriciens.

L’embryon de secteur optionnel : les prémices de la disparition de l’encadrement des honoraires

Dans la mesure où ils souscriraient à ce nouveau secteur tarifaire, ces médecins s’engageraient à réaliser au moins 30 % de leurs actes au tarif opposable et à limiter leurs suppléments d’honoraires pour les autres actes à 50 % du tarif conventionnel.

La « carotte » pour les praticiens actuellement en secteur 2 consisterait à leur payer (sur le budget de la Sécu bien entendu) les cotisations sociales comme c’est le cas pour les médecins du secteur 1.

Compte tenu de la situation actuelle, nous pouvons apprécier ce que cette hypothèse risque d’entraîner :

  • Une diminution des médecins pratiquant les tarifs conventionnels.
    En premier lieu, les 15 % de chirurgiens, les 66 % d’anesthésistes et les 34 % de gynécologues obstétriciens qui sont actuellement en secteur 1 et qui doivent limiter leurs honoraires aux tarifs conventionnels, n’auront aucune raison de ne pas choisir le secteur optionnel, puisqu’ils pourront dépasser ces tarifs dans les limites précitées, sans perdre le bénéfice de la prise en charge de leurs cotisations sociales. Beau progrès pour les malades !
    Pour les médecins de ces trois spécialités qui sont aujourd’hui en secteur 2 et qui pratiquent des dépassements, seule environ la moitié de l’effectif des chirurgiens et des anesthésistes facturait des dépassements inférieurs à 50 %. Cette proportion se limitait à 30 % des gynécologues restant en-deçà de la limite des 50 % de dépassements. Encore faut-il noter que ces résultats ont été obtenus sur les honoraires facturés en 2005 et que la situation s’est forcément dégradée depuis lors.

  • Une migration des médecins du secteur 2 vers des tarifs régulés peu probable.
    Pour plus de la moitié des spécialistes, la barre des 50 % de taux de dépassement (maximum autorisé dans la perspective du secteur optionnel) était donc franchie en 2005 (revenus analysés par l’IGAS) et, ainsi que nous l’avons déjà observé, cette situation s’est depuis très sensiblement aggravée.
    Sachant que la part des dépassements augmente plus rapidement que le chiffre d’affaires et le revenu de ces médecins, on voit que cet élément, libre de contraintes dans la situation actuelle, mais encadré dans l’hypothèse du secteur optionnel (50 %), est un paramètre déterminant pour une amélioration desdits revenus à la discrétion des intéressés.
    Il y a fort à parier que les spécialistes concernés auront ce raisonnement au moment d’opter pour le nouveau secteur. Quant à ceux qui se situent largement au-dessus du plafond de 50 %, le paiement partiel de leurs cotisations sociales a peu de chance de les séduire.

Aucune contrainte pour les médecins qui resteront en secteur 2

Car on a bien compris que le secteur 2 tel qu’il existe, n’est pas remis en cause. En conséquence, pour des praticiens dont les dépassements constituent une part essentielle de leurs revenus et qui atteignent parfois des niveaux vertigineux, rien ne viendra réguler les excès financiers que nous avons signalés, puisqu’il est probable que l’apathie des organes de contrôle ne se perpétue.

En conséquence, qu’auront gagné les malades dans cette belle manipulation :

Les dindons de la farce

Il ne devrait plus y avoir de chirurgiens, d’anesthésistes et de gynécologues obstétriciens qui appliquent les tarifs de remboursement en secteur 1.

Une partie de ceux qui sont en secteur 2 et qui utilisait des dépassements relativement modestes (de 10 à 30 %) va entrer dans un régime où les dépassements seront légitimes jusqu’à 50 %. On peut craindre qu’elle s’adapte et atteigne plus ou moins vite ce plafond autorisé.

Les malades qui auront de plus en plus de mal à se soigner pourront sans doute se consoler en sachant qu’une partie plus importante de leur financement sera consacrée au paiement des cotisations sociales des médecins choisissant le secteur optionnel.

La CNAMTS rappelle que l’UNOCAM (institution qui réunit tous les organismes d’assurance complémentaire), s’est engagée à favoriser la prise en charge des dépassements « optionnels ». Encore faudra-t-il en vérifier la réalité. Tout en sachant que ce qui alourdit la charge des assurances complémentaires se traduit immanquablement par une augmentation des primes d’assurance qui connaissent depuis quelques années de substantielles majorations.

Voilà le beau projet des stratégies libérales. Les citoyens se plaignent d’être confrontés à des honoraires médicaux qu’ils ne peuvent plus assumer ? Le magicien fait apparaître son lapin : on va limiter les dépassements tarifaires… en les généralisant !! Sans pour autant supprimer les possibilités de dépasser les limites… !

Le leurre et l’argent du leurre… craignons pour l’intégrité de la crémière.

  1. Les dépassements facturés par les dentistes concernent principalement la prothèse. Pour favoriser l’esprit critique des consommateurs, une disposition législative (21 juillet 2009) obligeait les praticiens à indiquer sur le devis qu’ils doivent remettre au patient, le prix d’achat de l’appareil (payé au prothésiste). Le gouvernement vient d’annuler cette disposition en rétablissant l’opacité des prix. []
  2. Le tact et la mesure est une notion insuffisamment précise pour être opérationnelle. Lors de la préparation de la loi sur la Sécurité Sociale, le gouvernement s’était engagé à en préciser les contours. Ce qu’il n’a pas fait. Dans la mesure où le Conseil de l’Ordre des médecins s’évertue à rendre cette notion encore plus abstraite, le moyen de parvenir à des précisions en la matière, consisterait à développer un contentieux (utilisation des procédures et des sanctions conventionnelles) aboutissant devant les juridictions supérieures à l’émergence d’une jurisprudence. []
Crise du capitalisme
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La dette publique dans l'œuvre de Marx

 

À la lecture du texte suivant, n’avez-vous pas envie de placer le financement de la protection sociale par la cotisation sociale via des institutions salariales déconnectées de l’État ?
Extraits de l’article “MARX, LES IMPOTS, LA DETTE, L’ETAT” sur Rémy Herrera, du CNRS, qui présente une « Brève introduction à la théorie de l’Etat chez Marx et Engels », ce texte ayant fait l’objet d’une communication au Jeune Séminaire d’Etudes Marxistes (CEPREMAP) en juin 2000.
Première citation de Marx : « L’impôt est la source de vie de la bureaucratie, de l’armée, de l’Église et de la cour, bref de tout l’appareil du pouvoir exécutif. » Mais il ajoute que cet appareil est placé, grâce à la dette publique en particulier, sous le contrôle financier étroit de la classe dominante, « l’aristocratie financière, les grands promoteurs d’emprunts et spéculateurs sur les valeurs d’État. »
Marx poursuit : « Tout le monde financier moderne, tout le monde des banques est très étroitement impliqué dans le maintien du crédit public. Une partie de leur capital commercial est nécessairement investie et placée avec intérêts dans les valeurs d’État rapidement convertibles. Les dépôts, le capital mis à leur disposition et qu’ils répartissent entre les commerçants et les industriels, proviennent en partie des intérêts perçus par les rentiers de l’État.  »
« Si en tout temps la stabilité du pouvoir d’État a signifié Moïse et les prophètes pour le marché de l’argent et les prêtres de ce marché, n’est-ce pas le cas maintenant, où chaque déluge menace d’emporter, avec les vieux États, les vieilles dettes d’État ? »
Mais il n’y a pas que dans Le Dix-huit Brumaire qu’il en parle. Voici ce qu’il dit dans Le Capital. Pour lui, c’est un moyen permettant à la classe dominante à la fois de tenir l’État dans sa main (par le contrôle de son financement) et d’accélérer l’accumulation du capital (par l’expansion du crédit et de la finance) :
« La dette publique opère comme un des agents les plus énergiques de l’accumulation primitive. Par un coup de baguette (magique) elle doue l’argent improductif de la vertu reproductive et le convertir ainsi en capital, sans qu’il ait pour cela à subir les risques inséparables de son emploi industriel. »
« Les créditeurs publics à vrai dire ne donnent rien, car leur principal, métamorphosé en effets publics d’un transfert facile, continue à fonctionner entre leurs mains comme autant de numéraire. Mais, à part la classe de rentiers oisifs ainsi créée (« financiers intermédiaires entre le gouvernement et la nation », etc) la dette publique a donné le branle aux sociétés par actions, au commerce de toute sorte de papiers négociables, aux opérations aléatoires, en somme, aux jeux de bourse et à la bancocratie moderne ! »

Nous remercions Rémy Herrera de nous avoir permis cette brève.