n°861 - 04/01/2018
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Initiation aux concepts marxiens : République sociale ? (2/2)

par Évariste

 

Nous avons conclu la première partie de ce texte  sur la nécessité historique, dans une perspective révolutionnaire, de fédérer le peuple. Que signifie alors le refus de ce mot d’ordre ?

Serait-ce un refus d’assumer l’histoire révolutionnaire du peuple français ? Ou une peur du peuple qui bouge ? Ou une volonté de faire pour la France un copié-collé d’autres révolutions qui ont eu lieu dans des pays moins développés ? Nous ne pouvons pas croire un instant que l’on peut mobiliser sans référence à l’histoire de France. Toute évolution sociale s’appuie sur la culture du pays considéré. Comme ceux qui à gauche et à l’extrême gauche veulent construire l’émancipation en France avec un modèle anglo-saxon.

Alors, me direz-vous, que faire quand l’extrême droite ou l’oligarchie néolibérale nous volent un mot, ou dénature son propos ? Doit-on abandonner le mot forgé par les luttes sociales et politiques pour en choisir un autre forgé dans une autre culture ? Devons-nous bannir le mot « révolution » parce ce fut le titre d’un livre du président Macron ? Doit-on bannir le mot « démocratie » parce qu’au nom de ce mot, les néolibéraux ont appliqué le contraire du vote du peuple français le 29 mai 2005 ou que les démocraties dites populaires en Europe de l’Est sont de triste mémoire ? Doit-on bannir le mot « solidarité » parce que les néolibéraux lui donnent comme définition celle de la « charité » ? Doit-on bannir le mot « laïcité » parce que les néolibéraux en dévoient le sens, et financent et entretiennent dans le monde et en France le communautarisme, voire indirectement l’intégrisme ? Doit-on s’interdire de vouloir promouvoir la « République sociale » parce que les néolibéraux ont perverti la république et font que la Vème République n’est pas républicaine ou que les mollahs iraniens ont appelé leur régime la république islamique, oxymore grandiose ? Doit-on s’interdire de dire « fédérer le peuple » parce que d’autres l’utilisent en supprimant la lutte des classes ?

Non ! Nous pourrons mobiliser les travailleurs, les citoyens si, et seulement si, nous nous appuyons sur l’histoire de France des conquis sociaux et des traditions révolutionnaires. Cela ne doit pas nous empêcher d’apprendre des autres histoires nationales, car nous sommes internationalistes

La bataille pour une nouvelle hégémonie culturelle demande la reconquête des mots et des symboles forgés par les luttes sociales et politiques dans l’histoire de France. Car cela fait partie du savoir intériorisé par la grande majorité de ceux qui aspirent au vrai changement.

Qu’est-ce qu’une « République sociale » aujourd’hui ?

C’est un mot forgé dans l’histoire de France par les révolutionnaires de 1848, par les fédérés de la Commune de Paris, par les socialistes du début du XXème siècle, par le Front populaire, par la Résistance, par le programme du Conseil national de la Résistance. Forgé comme une alternative à la République bourgeoise. Un processus alternatif qui vise à porter la République jusqu’à son aboutissement. Par l’élargissement dans le temps de ses principes constituants, de ses ruptures nécessaires, de ses exigences indispensables et par la stratégie de l’évolution révolutionnaire définie par Marx en 1850 et reprise par Jaurès au début du XXème siècle. Une République sociale pourrait être par exemple une république qui s’appuie sur des principes constituants : la liberté (pas celle du capital !), l’égalité (pas seulement l’égalité formelle !), la fraternité, la laïcité, la solidarité, la démocratie enfin, la souveraineté populaire, le droit à la sûreté face à l’arbitraire étatique, l’universalité des droits, le développement écologique et social. Par la réalisation des quatre ruptures nécessaires aujourd’hui : la démocratique, la laïque, la sociale et l’écologique. Par la réalisation des exigences indispensables : dégager du marché la sphère de constitution des libertés (école, services publics, protection sociale), engager le processus de l’indispensable refondation européenne hors de l’Union européenne telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, promouvoir l’indispensable pensée d’une réindustrialisation de la France sous transition énergétique et écologique, réaliser enfin l’indispensable égalité femmes-hommes toujours reportée par la république bourgeoise, reprendre l’indispensable refondation des droits de la nationalité et de l’immigration, et enfin engager l’indispensable socialisation progressive des entreprises1. Cette dernière exigence qui reprend une idée de Jean Jaurès, injustement relégué par certains, par ignorance et absence de formation, dans le fatras des réformistes, qui disait « Quand le prolétariat socialiste aura été porté au pouvoir par les événements, par une crise de l’histoire, il ne commettra pas la faute des révolutionnaires de 1848 : il réalisera d’emblée la grande réforme sociale de la propriété ». Socialisme et Liberté, 1898.

Pourquoi pas une autre alternative ?

Parce que le problème des mouvements « destituants », ceux qui veulent faire la révolution sans modèle politique alternatif (un catalogue programmatique ne définissant pas directement un modèle politique), « se condamnent eux-mêmes à l’inanité s’ils ne se résolvent pas à l’idée qu’aux grandes échelles il n’y a de politique qu’instituée, ou réinstituée, y compris de cette institution qu’ils ont d’abord voulu contourner : la représentation. C’est sans doute une ivresse particulière que de rester dans le suspens d’une sorte d’apesanteur politique, c’est-à-dire dans l’illusion d’une politique « horizontale » et affranchie de toute institution, mais si le mouvement ne revient pas sur terre à sa manière, c’est l’ordre établi qui se chargera de l’y ramener — et à la sienne. Mais alors, comment sortir de cette contradiction entre l’impossible prolongement du suspens « destituant … et le fatal retour à l’écurie parlementaire bourgeoise ? » (Frédéric Lordon, www.monde-diplomatique.fr/2016/03/LORDON/54925 )… 

Nous répondons par un processus destituant-constituant de type République sociale. Ce processus évolutif de type République sociale est aujourd’hui la seule alternative en termes de modèle politique qui n’a pas été éliminé par l’histoire. Le communisme soviétique a été éliminé par l’histoire pour deux raisons : d’abord parce qu’il n’a pas été en mesure de tenir la concurrence économique face au capitalisme et ensuite, par rapport à sa conséquence stalinienne dont il convient de ne pas s’arrêter à la personne de Staline mais bien aux causes de l’avènement du stalinisme.

Le retour au passé et les pensées magiques également. Sauf dans la tête de ceux qui ne comprennent pas pour les uns que le retour à un passé mythique n’est pas possible dans le cadre actuel des conditions historiques, économiques et politiques et pour les autres parce qu’ils pensent pouvoir analyser le réel sans tenir compte des lois tendancielles du capitalisme2.

Quant aux critiques de certains libertaires de ce modèle politique, ils ignorent que la plus large réalisation autogestionnaire a été porté en France par ce modèle politique de 1946 à 1967 lorsque les caisses de Sécurité sociale étaient dirigés par les représentants élus des assurés sociaux sur listes syndicales et donc ni par le secteur privé ni par l’Etat. De ce point de vue, la République sociale est un processus allant vers la démocratie poussée jusqu’au bout, reprenant ainsi l’idéal autogestionnaire mais sans les dérives de certaines réalisations comme les îlots autogérés noyés et in fine intégrés au capitalisme. Par ailleurs, la République sociale en tant que processus destituant-reconstituant, se doit toujours d’analyser les raisons des échecs ou des insuffisances qui ont eu lieu lors des grandes avancées historiques précédentes. Par exemple, dans le cas de la Révolution russe de 1917, les conséquences négatives de n’avoir pas pensé la nécessaire articulation entre les partis, les soviets et l’assemblée constituante.

Bien sûr, c’est la République bourgeoise qui a tiré sur des grévistes, sur des manifestants, partisans, eux, de la République sociale. Ce sont des républicains sociaux qui ont, les premiers, condamné l’esclavage, le colonialisme, contre la République bourgeoise. Haro sur la République bourgeoise, mais celle-ci n’épuise pas la République qui demain ne pourra être que laïque, sociale, féministe, démocratique et écologique.

Conclusion provisoire

« Rien ne se crée, tout se transforme » disait Lavoisier. Il en est ainsi aussi de l’histoire du monde. On ne fait jamais table rase du passé, toute évolution humaine s’appuie sur un « déjà-là » que l’on transforme, que l’on intègre dans un autre cadre, que l’on libère de ses pesanteurs anciennes en lui enlevant ses chaînes. Mais ce n’est jamais un long fleuve tranquille car les anciens maîtres défendent leurs avantages avec une férocité renouvelée. Le nombre peut vaincre la force brutale si et seulement si on travaille sérieusement les conditions de la révolution.  

 

  1. Pour développer ces notions dans nos livres, cliquer sur « Librairie militante » sur la colonne de droite du site du journal Respublica (www.gaucherepublicaine.org []
  2. tendance à la bureaucratisation, tendance à la baisse tendancielle du taux de profit, tendance à l’intégration ou au contournement des opposants, tendance au contrôle social de la société civile, etc. []
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Il faut savoir écouter les slogans des manifestants en Iran

par Chahla Chafiq

 

Depuis près d’une semaine, les protestations qui tournent à l’émeute dans différentes villes iraniennes surprennent de toutes parts : les gouvernants iraniens, les personnalités politiques étrangères, les observateurs intérieurs et extérieurs, etc. La prudence s’empare de chacun. Seul Donald Trump semble avoir une position tranchée, ce qui ajoute à la confusion des médias des pays démocratiques, y compris de la France. Tout se passe comme si certains voulaient minimiser l’importance des événements en les réduisant à un mécontentement essentiellement économique. Même Hassan Rohani, l’actuel président iranien, dans une tentative de calmer les esprits, reconnaît que ce n’est pas le cas, sans aller jusqu’à proposer d’autres explications. Or, un simple coup d’œil sur quelques slogans fréquemment repris permet de comprendre ce qui motive les Iraniens.

« Lâche la Syrie, l’Iran est par ici », ce slogan pointe les importants investissements militaires et donc financiers du régime iranien pour soutenir le régime syrien, alors que les Iraniens connaissent une pauvreté galopante. D’autres slogans tels que « Ni Ghaza, ni Liban ! Je ne donne ma vie qu’à l’Iran » ciblent l’ensemble de la politique étrangère iranienne, plus soucieuse du développement de l’idéologie islamiste du régime que des intérêts nationaux du pays. Le slogan réclamant une république d’Iran, « Liberté, indépendance, une république d’Iran » et « Garde la honte, rends nous l’Iran » appellent sans détour à la fin de la république islamiste. Tout comme « Libérez les prisonniers politiques » dénonce le caractère liberticide du pouvoir islamiste, caractère qui explique la surprise engendrée par le mouvement de contestation. Les mécontentements accumulés depuis des années ne pouvant s’exprimer librement et de manière organisée, leur expression collective, aujourd’hui, nous étonne comme une explosion. Mais le pouvoir conserve tous les moyens de la répression qui lui ont permis d’étouffer les révoltes populaires jusqu’à présent.

« Sur le trône de dieu, agha (Khamenei) s’est assis / à la mendicité, le peuple est soumis » dénonce la structure politico-religieuse de la République islamique grâce à laquelle agha (l’autorité religieuse suprême) exerce sa mainmise sur le pays. « De l’islam, tu as fait ton tremplin / Au peuple, tu casses les reins » et « Armes, tanks, tirs / Que le mollah se tire », « rejettent aussi l’instrumentalisation de l’islam au service du pouvoir et non du peuple. Rappelons que le régime islamiste est arrivé au pouvoir, en 1979, en promettant la justice sociale mais qu’il a mené le pays dans le gouffre financier, social, culturel. À titre d’exemple, la FIDH et la LDDHI indiquent, en se basant sur des sources locales crédibles et concordantes, que plus de 50% des 75 millions d’Iraniens vivent sous le seuil de pauvreté. Des rapports d’enquêtes récents montrent que le pouvoir d’achat de la population a chuté de 72% entre 2005 et 2013. Des observations réalisées par des journalistes en Iran informent de la baisse de l’âge d’entrée dans la toxicomanie ou la prostitution (13 ans), deux phénomènes en progression conséquente. En réalité, l’idéologie islamiste n’a fait que sacraliser les discriminations, le sexisme, les violences de tout genre, la corruption et la dictature.

Dans un pays riche comme l’Iran, ces données témoignent de l’énorme défaite politique de l’islamisme. Et ce fait n’est pas nouveau. En 2009, les protestations massives qui ont éclaté à l’occasion des élections présidentielles traduisaient la même réalité. Qu’Obama n’ait pas tenu, à l’époque, le même discours que Trump, aujourd’hui, ne change rien à l’authenticité de cette réalité. Mais, hélas, celle-ci semble moins intriguer certains journalistes, observateurs et experts que les éventuels enjeux qui animeraient les pouvoirs étrangers envers l’Iran. Cette approche a un effet pervers : elle réduit d’emblée les Iraniens à des marionnettes. Ce mépris qui me met mal à l’aise, et m’évoque un souvenir personnel par lequel je vais terminer mon propos.

À la veille de l’élection iranienne de juin 2003, qui mena à la présidence Ahmadinejad, j’ai été invitée sur un plateau télé face à plusieurs autres personnes, parmi lesquelles des experts et des représentants du régime iranien. La plupart d’entre elles misaient sur l’ancien président, Hachemi Rafsandjani (de tendance réformiste islamiste). Etonnée de les entendre parler des candidats comme si les mécanismes électoraux en Iran étaient identiques à ceux d’un système démocratique, j’ai tenté d’expliquer que ces élections n’étaient pas libres. Aussitôt, la journaliste m’interrompt pour signaler que je parlais comme Georges W. Bush. Maîtrisant ma colère tant bien que mal, je lui ai rappelé que j’avais mis par écrit mes analyses bien avant que Bush ne devienne président et je l’ai invitée à revisiter ses positions méprisantes qui me privaient, parce qu’Iranienne, du droit de penser et de réfléchir par moi-même.

À ce souvenir, je réalise que 13 ans se sont écoulés depuis cet épisode, que deux autres présidents américains ont succédé à Bush, mais que l’esprit qui régnait sur ce plateau n’a pas, hélas, cédé la place à un esprit critique plus affûté. À quand une prise de conscience sur la complexité de la réalité iranienne, non réductible aux seuls (en)jeux des pouvoirs étrangers ?

Source de l’article : Marianne

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République, laïcité, encore et toujours !

par Bellon André

 

Nommer Rokhaya Diallo au conseil national du numérique allait à coup sûr provoquer d’âpres polémiques et, une fois l’erreur admise, la biffer de la liste des heureux élus revenait à la hisser au rang de victime, figure positive qui, de nos jours, a remplacé le héros. Le secrétaire d’État concerné a raison de considérer que les qualités, en matière numérique, de la militante « féministe intersectionnelle et décoloniale » (sic) ne sont pas en cause car, inutile de se voiler la face, c’est bien de l’idéologie qu’elle défend qu’il est question.

Jean Baubérot a récemment pris la défense de Mme Diallo avec laquelle il a écrit un livre.  Or ses arguments – souvent d’autorité – étonnent de la part d’un esprit pourtant connu pour sa finesse, de la part de l’ancien titulaire de la chaire d’histoire et sociologie de la laïcité à l’École pratique des hautes études ; à croire que le cas est décidément difficile à plaider.

L’intellectuel va jusqu’à considérer qu’à travers Rokhaya Diallo, c’est « à la République que l’on fait du mal ». Et c’est à la République qu’on fait du mal car Mme Diallo jouirait d’une « reconnaissance internationale » ! Elle s’est en effet exprimée récemment au sein de l’ONU dans le cadre d’un groupe d’« experts »… Il faut se méfier de ce genre d’argument qui reviendra, à en suivre la logique, à conférer une légitimité plus grande encore à l’intervention d’une fripouille qui, elle, prêcherait du haut, excusez du peu, de la tribune de l’assemblée générale des Nations Unies – pure hypothèse, certes.

Précisément, qu’a dit Mme Diallo, aux Nations Unies ? Ses propos valent d’être cités ; ils concernent plusieurs États dont la France : « C’est un racisme d’État que je dénonce comme tel, même si les États le contestent, car il est produit par des institutions et car les États ne mettent pas en œuvre les moyens d’y mettre fin, bien qu’il mette en péril la vie de centaines de citoyens. » Passons sur ce dernier chiffre sorti de nulle part pour apprécier la cohérence : on dénonce à la fois un racisme dont l’État serait sciemment à l’origine et son impuissance à y mettre un terme… Comprenne qui pourra. Mme Diallo poursuit : « Il est impératif aujourd’hui que tous les pays se mobilisent pour reconnaître le caractère institutionnel du racisme hérité d’une histoire coloniale et esclavagiste et des pratiques créées à cette époque. » C’est la fameuse et fumeuse théorie du continuum colonial chère au parti des indigènes de la République… Continuum dont on exclut les Africains et les Arabes eux-mêmes puisqu’il semble que la conquête arabo-musulmane du Maghreb soit frappée de prescription et puisqu’on ne veut pas savoir que noirs et arabes ont également pratiqué l’esclavage – l’historien Pétré-Grenouilleau a failli naguère faire les frais de ce rappel devant les tribunaux. Le racisme ne peut qu’être celui des blancs ; en effet, selon les antiracistes racialistes, le noir ou l’arabe ne peut pas être raciste puisque, par nature, victime du blanc mû à son insu par le passé colonial de son pays – on exagère à peine hélas et peu importe que Clemenceau ait pris la tête dès les années 1880 d’un courant anticolonialiste qui n’aura cessé de prendre de l’ampleur. Finalement, la pensée « Diallo » s’inscrit comme une démarche raciste au sens où elle essentialise volontairement les blancs. Noir = victime, Blanc= bourreau.

À la lumière des seuls propos ci-dessus cités, le plus étonnant n’est pas qu’on écarte Mme Diallo du CNN du fait de ce qu’elle pense mais qu’on ait songé à elle malgré ce qu’elle pense. Plus étonnant encore : elle n’a pas poussé des cris d’orfraie à l’idée qu’on lui propose de collaborer avec un État selon elle raciste par système ! Elle a préféré, donc, jouer la carte de la victimisation – carte gagnante si l’on en juge par la résonance médiatique de son exclusion du prestigieux conseil national avant même d’avoir pu y siéger.

La République a failli se compromettre avec une égérie d’une nouvelle forme de racisme appelée racialisme mais dont l’identité de structure avec le racisme politique « traditionnel » est claire et nette malgré l’indulgence dont il bénéficie de la part d’une certaine gauche – tout comme le racisme antérieur bénéficie de la mansuétude d’une certaine droite. Ce seul constat suffit à exclure Mme Diallo de toute structure étatique ou para-étatique tout comme un antisémite n’y aurait pas sa place. Jean Baubérot ne veut pas voir que cette idéologie différentialiste est précisément celle qui ethnicise la société au mépris de l’universalisme républicain qui voit avant tout l’homme en l’individu et non sa couleur de peau ou quelque autre caractéristique physique. Déjà Pierre-André Taguieff, il y a trente ans, mettait en garde contre cette dérive possible de l’antiracisme…

Le premier écart vis-à-vis de cet universalisme humaniste est d’ailleurs la bipartition radicale de l’humanité à travers la pratique de l’écriture inclusive – d’apparition récente dans les articles de Jean Baubérot – ou, ce qui revient au même, la systématisation du redoublement du masculin par le féminin et réciproquement (le fameux « celles et ceux ») qui essentialise l’homme-mâle et la femme, réduit l’individu à son sexe, lui interdisant l’abstraction émancipatrice grâce à laquelle il est partie de l’humanité indifféremment aux différences visibles dont il n’est pas responsable, différences qu’il ne s’agit pas de nier – et sur ce point M. Baubérot a raison : la République est indivisible mais pas « une et indivisible » – mais de subordonner à la loi commune afin qu’elles ne soient précisément pas source de droits particuliers.

On sera d’accord avec lui pour dénoncer le délit de faciès dont on ne saurait contester la réalité – exagérée par Mme Diallo puisque c’est son fonds de commerce –, mais défendre l’idée qu’il y aurait un racisme institutionnel en France est non seulement malhonnête d’un point de vue factuel mais moralement dangereux en ce que l’amalgame qu’on est dès lors immanquablement amené à faire avec les régimes de l’Europe occidentale du premier tiers du XXe siècle, ou avec l’Apartheid, conduit à banaliser ces derniers.

Que Jean Baubérot défende le droit pour Rokhaya Diallo d’aller rabâcher cette sornette, qui n’a pas la moindre réalité, selon laquelle il existerait un racisme d’État en France et que les blancs y seraient guidés par un inconscient colonialiste, nous le défendrons avec lui ; mais qu’il la soutienne sur le fond laisse pantois. Car si nous sommes d’accord pour dénoncer toute forme de racisme, de violence, policière ou autre, le remède n’est certainement pas le racialisme paranoïde de la gauche diversitaire mais bel et bien l’universalisme républicain, bien compris, si imparfaitement réalisé, et dans lequel s’inscrit la loi de 1905 que Jean Baubérot maitrise si bien : un texte qui dépasse un tolérantisme mortel à la République – celui de nos jours prôné par les différentialistes –, la République n’étant rien si elle ne fait fond sur les articles 1er et 3 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 – d’une actualité brûlante et qui resteront toujours à conforter.



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