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Ne pas se tromper de stratégie

Rétablir le primat de la question sociale

par Évariste

 

L’actuel archipel confus de la gauche est en train de faciliter, contre son gré, un second tour de la présidentielle de 2022 entre l’extrême centre macroniste (avec l’utilisation du terme « extrême centre » donné par l’historien Pierre Serna dans son livre de 2019 L’extrême centre ou le poison français), la droite installée et l’extrême droite. Dans ce réel, notre rôle n’est non pas de simplifier la confusion mais de clarifier la situation.

Nos prises de position

Voilà pourquoi nous avons engagé une tribune contre la loi de « sécurité globale » dans Marianne et ReSPUBLICA (le secrétaire général de l’ONU lui-même, Antonio Guterres, a déclaré le 22 février dernier « Brandissant la pandémie comme prétexte, les autorités de certains pays ont pris des mesures de sécurité sévères et adopté des mesures d’urgence pour réprimer les voix dissonantes, abolir les libertés les plus fondamentales, faire taire les médias indépendants et entraver le travail des organisations non gouvernementales ».)

Et encore une tribune parue dans Le Monde et ReSPUBLICA contre la loi prétendument « confortant les principes de la République ».

Puis, nous avons pris la défense dans ReSPUBLICA, par un article intitulé « Retour à l’envoyeur. À propos d’une recension », écrit par le sociologue Frédéric Pierru, de deux chercheurs Stéphane Beaud et Gérard Noiriel, chercheur en sciences sociales, qui, tout en indiquant qu’ils tiennent compte dans leur analyse de toutes les discriminations et injustices sans exceptions, donne la question sociale comme centrale dans la compréhension du déroulé historique de l’humanité. Pourquoi ? Parce que la gauche communautariste, racialiste, victimaire et essentialiste les a attaqués en meute, comme à leur habitude, sur les réseaux sociaux.

Enfin, nous avons produit la tribune parue dans Le Monde appelant à l’autonomie de la recherche en sciences sociales, face à l’extrême centre macroniste et à la gauche identitaire, intitulé « Pouvoir chercher et communiquer sans être menacé » (que vous pouvez lire et signer sur https://www.petitions.fr/pouvoir_chercher_et_communiquer_sans_etre_menac#form). Ce texte a été largement signé par des universitaires sociologues, historiens, philosophes, scientifiques et des acteurs sociaux. En le signant, vous recevrez une invitation à débattre avec eux !

Ces quatre textes définissent pour nous, notre stratégie dans la séquence. En ajoutant bien sûr, une analyse critique de l’extrême centre macroniste quant à sa politique sanitaire contre le virus Sars-Cov-2. Et en préparant dignement pour le printemps, le 150ème anniversaire de toutes les Communes insurrectionnelles, sans oublier la commune d’Alger réprimée dans le sang comme celle de Paris.

Et pendant ce temps-là, les associés rivaux que sont Macron et Le Pen sur le plan politique, Mediapart et Valeurs actuelles sur le plan culturel et idéologique, s’en sont donné à cœur joie.  L’extrême centre macroniste ne parle par la ministre Vidal qu’à la partie de l’électorat qui peut lui permettre d’être au deuxième tour avec l’extrême droite. Prendre Vidal comme adversaire principal est un leurre. Elle n’est qu’un pantin qui sera bientôt remplacé lorsqu’elle sera usée. Comme Hollande a remplacé Sarkozy et que Macron a remplacé Hollande. La gauche identitaire tente, quant à elle, de détourner la gauche des questions laïque, sociale et républicaine.

Notre rôle dans la séquence est donc d’une part de défendre l’autonomie des sciences sociales à l’université et d’autre part de conforter le camp du primat de la question sociale, seul vecteur que craint le pouvoir macroniste depuis la séquence des gilets jaunes et des fortes mobilisations contre la loi sur les retraites. Mais pour nous, le rapport de force social est prioritaire. Rien de décisif sur le plan stratégique n’est possible sans une mobilisation populaire pour la défense de l’emploi, des salaires, des retraites et plus généralement de la sécurité sociale.

Devant la situation catastrophique du pays…

Or, un constat s’impose : en ce début 2021, notre pays est dans une situation économique totalement catastrophique. En 2020, nous avons subi une baisse de Produit Intérieur Brut (PIB) de – 8,3 %, alors que la moyenne pour les pays développés, les membres de l’OCDE, est de 5,2 %. Nous sommes dans la queue du peloton. Les entreprises françaises sont couvertes de dettes, incapables de rembourser les Prêts Garantis par l’État (PGE), c’est-à-dire garantis en dernière instance par les citoyennes et les citoyens de ce pays. Bref, l’économie française est aujourd’hui une économie « zombie ». Il est fort probable qu’une offensive du pouvoir pour imposer une nouvelle austérité à la grecque se déclenche cet été ou à la rentrée prochaine. Macron a déjà annoncé la couleur : « J’aurai des mesures impopulaires à prendre d’ici l’élection présidentielle de 2022 » a-t-il déclaré dans un débat avec les jeunes il y a quelques semaines.
Donc, les mois qui viennent vont être décisifs sur le plan de la lutte des classes. Il faut nous y préparer ! La responsabilité politique pour notre journal est de faire tout son possible pour que le maximum de militants syndicaux et politiques comprenne la situation concrète et en mesurent la portée. Car il est indispensable d’avoir pleinement conscience des enjeux sociaux mais aussi politiques dans la « zone des tempêtes » qui arrive à l’horizon.

…Nous devons conforter le primat de la question sociale

Estimant que nous devons également lier le combat laïque au combat social pour fédérer le peuple, nous avons participé, le 6 février dernier, à une belle rencontre par visioconférence sur le thème « Combat laïque-combat social, fédérer le peuple ».

Dans son prolongement, nous vous proposons une nouvelle rencontre en visioconférence le mercredi 31 mars 2021 de 18 h 30 à 21 h sur le thème « Laïcité et République sociale, vecteurs de l’émancipation ». Comme d’habitude, pour s’y inscrire et recevoir le lien de visionnage, vous pouvez joindre au choix l’une des adresses banalisées des outils de notre Réseau : le journal électronique ReSPUBLICA evariste@gaucherepublicaine.org ; le Réseau Education Populaire (REP)  reseaueducationpopulaire@gmail.com ; l’Appel « Combat laïque-combat social, fédérer le peuple » (Clcs-flp)  combatlaiquecombatsocial@gmail.com.

En attendant, n’hésitez pas à devenir correspondant de notre Réseau dans votre territoire et, vu que nous ne pouvons pas compter sur nos gouvernants, protégez-vous ainsi que votre entourage du virus Sars-Cov-2.

À vous voir, à vous entendre, à vous écouter…

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Printemps 1871, la floraison des Communes dans toute la France... et au-delà même de l’Hexagone !

par Philippe Hervé

 

Dès l’automne 1870, les villes françaises s’enflammèrent pour la République. Les premières tentatives de proclamation de Communes eurent lieu le 28 septembre à Lyon et les 1er et 2 novembre à Marseille. Malgré leur échec, à partir de l’hiver 1870-1871, l’agitation reprit dans de grandes villes comme Bordeaux ou Nantes et dans des cités moyennes comme Tours, Vierzon, Limoges, Carcassonne, Mâcon, Rouen, dans tout l’Ariège, le Vaucluse ou encore dans le Nord.
Après la proclamation de la Commune de Paris le 18 mars, il n’aura fallu que quatre jours pour que des délégations de villes de province arrivent dans la capitale afin de s’enquérir des objectifs de la révolution parisienne. Immédiatement, la Commune fut proclamée dans six villes : Lyon, Marseille, Le Creusot, Saint-Étienne, Toulouse et Narbonne. D’autres suivirent dans les semaines postérieures, notamment Limoges.
Par manque de coordination, mais surtout par manque de perspective politique d’ensemble, les Communes de province n’ont pas survécu longtemps. Parfois en raison de la répression comme à Marseille, mais le plus souvent en raison de la confusion entretenue par les politiciens pseudo-républicains locaux, le mouvement communard n’a jamais représenté un « contre-pouvoir » crédible face à la cohérence et à l’efficacité d’un Adolphe Thiers à la tête du pouvoir versaillais.

Proclamation de la Commune de Paris

Pour illustrer notre propos, prenons deux exemples de Communes peu connus et assez révélateurs des rapports de force politiques dans la France de 1871.

La Commune du Creusot-Montceau-les-Mines : la nouvelle classe ouvrière à l’action !

Ce bassin industriel est le fief de la famille Schneider, leader du patronat « moderniste » du Second empire. C’est une terre de luttes ouvrières tout au long du XIXe siècle. Fraîchement arraché à la paysannerie, ce nouveau prolétariat (Montceau-les-Mines est une « ville nouvelle » fondée en 1856) fait montre d’une combativité exceptionnelle. Les grèves furent fréquentes et l’action politique radicale. Ce bouillonnement révolutionnaire amena certainement Eugène Varlin à se rendre en 1870 au Creusot pour y fonder une section de la Ière Internationale. Celle-ci fut animée par un militant exceptionnel qui avait déjà fait ses preuves : Jean Baptiste Dumay. Fils de mineur et ouvrier mécanicien, Dumay fut à la tête de toutes les grèves de mineurs, en particulier celle de 1869, où seule l’armée put rétablir l’ordre. Lors du plébiscite de mai 1870, Jean-Baptiste Dumay anima un comité anti-plébiscitaire contre Napoléon III. Au Creusot, le « non » l’emporta avec 3 400 voix contre 1 900.

Après la déclaration de la guerre à la Prusse, la section du Creusot de l’Internationale appela à une manifestation qui rassembla 4 000 personnes.

En septembre, après la proclamation de la République, les Prussiens approchant du Creusot, Jean-Baptiste Dumay présida un comité de défense nationale. Le 24 septembre, il fut nommé « maire provisoire » du Creusot par Gambetta, ministre de l’Intérieur. Il demanda la dissolution du conseil municipal élu sous l’Empire, le licenciement des groupes armés de l’usine et l’armement d’une nouvelle garde nationale populaire et républicaine. Il fut soutenu par la population au cours d’une réunion qui réunit 3 000 citoyens.

Aux élections législatives du 8 février 1871, Jean-Baptiste Dumay rassembla 77 % des voix au Creusot. Mais, sur l’ensemble de la Saône-et-Loire, la liste bourgeoise et conservatrice l’emporta. Le parti réactionnaire suscita des troubles et le gouvernement versaillais envoya des troupes au Creusot.

La Commune, à Paris, commença le 18 mars. Le 24 mars, au cours d’une réunion publique, 3 000 creusotins adressèrent au comité central de la garde nationale de Paris l’expression de leur vive sympathie. Le 26 mars, appuyé par la garde nationale de la ville qui fraternisa avec la troupe, Jean-Baptiste Dumay proclama la Commune du balcon de l’hôtel de ville. Le 27 mars, le gouvernement versaillais fit occuper militairement la ville. Fait prisonnier, Jean-Baptiste Dumay réussit à s’enfuir. Candidat aux élections municipales du 30 avril, il fut élu, dès le premier tour, avec trois de ses colistiers. Il ne put siéger et sera destitué définitivement en 1873.

Le 10 juillet 1871, Jean-Baptiste Dumay se réfugia à Genève. Le 29 septembre 1871, il fut condamné par contumace aux travaux forcés à perpétuité. Mais son combat républicain et révolutionnaire continua encore pendant un demi-siècle.

La Commune d’Alger : la désunion entre le prolétariat européen et le peuple kabyle mena à l’échec !

L’annonce de la Révolution à Paris, dans la nuit du 4 au 5 septembre 1870, provoqua à Alger des manifestations révolutionnaires contre le Second empire. Les quartiers populaires, comme Bab El Oued, se soulevèrent. Dans la ville se formèrent des comités révolutionnaires.

Puis des clubs démocratiques firent leur apparition dans plusieurs villes d’Algérie. Une association républicaine fut créée, comprenant, entre autres, des proudhoniens, des fouriéristes et des néo-jacobins, le rôle dirigeant étant assuré par des démocrates petits-bourgeois. Ceux-ci eurent une attitude négative vis-à-vis de la population indigène, étant contaminés par un nationalisme français. Ce qui entraîna des mouvements contradictoires et interdit aux indigènes de prendre des initiatives en faveur de leur indépendance (les proudhoniens ignoraient totalement cette aspiration).

Le 24 octobre 1870, le gouvernement français nomma le général Chanzy gouverneur civil de l’Algérie, rattaché au ministère de l’Intérieur. Une manifestation dans laquelle se trouvaient des éléments français mais aussi de nombreux Arabes et Kabyles l’empêcha de prendre ses fonctions. Ils s’emparèrent du palais du gouvernement et obligèrent la délégation française à se réfugier sur un navire de guerre ancré dans la baie d’Alger.

Le 2 septembre 1870, la chute de Sedan entraîna un grand mouvement révolutionnaire, surtout dans les grandes villes comme Alger, Orléansville, Oran, demandant la démission du gouvernement.

En mars 1871, la nouvelle que s’était constituée la Commune de Paris provoqua une insurrection en Algérie. La Kabylie tout entière était soulevée et commençait à déferler sur Alger. La ville était alors dégarnie de troupes parties en métropole pour la guerre. Le nouveau gouverneur, l’amiral De Gueydon, mit plusieurs semaines à juguler la révolte. La répression de l’insurrection kabyle fit près de 20 000 morts… autant de morts que la Commune de Paris !

La question coloniale fut mise de côté par les immigrés européens de toutes les tendances républicaines. Seuls quelques militants de la Ière Internationale et des anarchistes appelèrent à l’unité révolutionnaire des prolétaires de tous les pays. Cette division ethnique, pour le plus grand bénéfice des magnats coloniaux, perdura pendant encore 90 ans, jusqu’à l’indépendance de 1962.

Education populaire
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ÉducPod : les nouveaux podcasts du Réseau Éducation Populaire

par ReSPUBLICA

 

La nouvelle saison de EducPod a commencé avec trois épisodes publiés au mois de février :

EducPod S2ep1 –
Entretien avec Christophe Prudhomme
sur la Covid-19 et les vaccins
[05-02-2021]]

https://podcast.ausha.co/reseau-education-populaire/entretien-avec-christophe-prudhomme-sur-la-covid19-et-les-vaccins-05-02-2021

Franck reçoit Christophe Prudhomme, médecin urgentiste au SAMU93, porte-parole de l’Amuf, l’association des médecins urgentistes de France, membre du syndicat CGT Santé et co-auteur du livre « Contre les prédateurs de la santé« .

Christophe Prudhomme est également auteur d’un billet « Il y a urgence! » dans le journal L’Humanité depuis le début de la crise sanitaire.

EducPod S2ep2 – Santé environnementale, avec Nathalie Ferrand-Lefranc

[15-02-2021]

https://podcast.ausha.co/reseau-education-populaire/educpod-s2ep2-sante-environnementale-avec-nathalie-ferrand-l

Franck reçoit Nathalie Ferrand-Lefranc, chirurgienne dentiste et déléguée du Réseau Environnement Santé  pour la région Occitanie.

Nous parlerons de conservation des aliments, de phtalates, de perturbateurs endocriniens …

EducPod S2ep3 – Projet Hercule, avec Arnaud de Morgny

[18-02-2021]

Franck reçoit Arnaud de Morgny, juriste en droit public et coordinateur Île de France de la Gauche Républicain et Socialiste.

Nous aborderons dans cet épisode le projet Hercule de transformation d’EDF, en commençant par un peu d’histoire sur la production et la distribution de l’électricité en France.

https://podcast.ausha.co/reseau-education-populaire/educpod-s2ep3-projet-hercule-avec-arnaud-de-morgny

A cette occasion, nous vous invitons à consulter et signer l’appel du Collectif national « Pour un véritable service public de l’énergie ! »

 

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Joseph Ponthus, dernière ligne

L’auteur d’À la ligne, feuillets d’usine est décédé le 24 février 2021

par Rachel Haller

 

C’est l’histoire d’un éducateur social qui a fait ses classes en prépa littéraire et entrepris une analyse lacanienne, qui déménage en Bretagne pour rejoindre la femme qu’il aime, son « épouse amour » comme il la nomme et qui, ne trouvant pas d’emploi dans son domaine, se retrouve à travailler à l’usine, dans plusieurs usines agroalimentaires.

C’est l’usine et ses longues heures pénibles desquelles il faut que l’esprit s’échappe qui pousse Joseph Ponthus à écrire, à écrire à la ligne. Son œuvre se présente sous la forme d’un long poème sans aucune ponctuation, faite de morceaux de phrases et de retours à la ligne. Comme il le racontait au micro de France Culture, le rythme de la ligne de production dans lequel il faut économiser chaque geste a enlevé « tout le gras » de son écriture. L’auteur y confie la dureté du travail physique, l’effet de l’usine sur le corps et sur l’esprit qui doit convoquer les poètes et les chansonniers – au premier rang desquels Charles Trenet – pour tenir les longues heures de labeur. Cette lecture permet de se rendre compte concrètement du travail éreintant nécessaire à la production d’aliments préparés et de la viande que nous consommons (Joseph Ponthus est passé par une usine de poissons et de crustacés avant de travailler dans un abattoir). Le récit décrit bien sûr la précarité de la condition d’intérimaire : les coups de fils deux heures avant de devoir pointer, l’incertitude d’être réembauché et l’impossibilité de faire grève (« Je prie saint Karl pour que je jaune que je / puisse sembler être ne soit pas condamné sur / l’autel de la révolution industrielle » écrit-il avec humour). On y retrouve aussi certaines réalités du monde du travail ouvrier (les accidents, les atteintes au droit du travail), mais c’est un exposé de la vie ouvrière sans misérabilisme ni héroïsation. À la ligne est un témoignage rare et sans doute unique en sous genre en France : ce n’est pas celui d’un ouvrier de métier, ce n’est pas celui d’un établi ou d’un journaliste infiltré, c’est celui d’un intellectuel déclassé obligé d’aller à l’usine « pour les sous » : « Je n’y allais pas pour faire un reportage / Encore moins pour préparer la révolution / Non / L’usine c’est pour les sous / Un boulot alimentaire / Comme on dit / Parce que mon épouse en a marre de me voir traîner dans le canapé en attente d’une embauche dans mon secteur / Alors c’est / L’agroalimentaire »

Après la publication de son ouvrage en 2019 aux éditions de La Table ronde, la direction de l’usine n’a pas voulu réemployer Joseph Ponthus qui s’est dès lors consacré à la promotion de son livre qui a remporté au total huit prix ; il a également témoigné dans le documentaire d’Arte Le temps des ouvriers (voir notre précédente chronique). Diagnostiqué d’un cancer généralisé en novembre 2020, il est décédé mercredi dernier à l’âge de 42 ans. Si vous n’avez pas encore découvert À la ligne, nous vous encourageons à lire ce récit sensible et poétique.

 

Crise sanitaire
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Maintenus à l'écart sans concertation

par Julien Vernaudon

 

Parlant en leur nom, dans l’optique officielle d’assurer leur bien-être et leur survie, le pouvoir contraint les personnes âgées, en Ehpad tout particulièrement, à se conformer à des mesures d’exception allant contre leur liberté sans tenir compte de leur autonomie ni solliciter la société civile (article initialement publié dans la revue Pratiques).

 

S’il est bien une population fragile et fragilisée face à la Covid-19, c’est celle des personnes âgées, voire très âgées. Ceci est bien relayé et mis sur le devant de la scène : « Attention les vieux sont fragiles, protégeons nos aînés ! » Ce qui est bien moins mis en lumière en revanche, c’est leur absence criante du débat public où, intéressées au premier chef, elles n’ont pas voix au chapitre. C’est d’autant plus navrant que sous prétexte de les protéger, l’accès à la parole ne leur est pas possible.

Panoptique sanitaire

Dans le but de protéger leurs vies, les aînés et notamment ceux résidents d’Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) se retrouvent pris au piège de leurs citadelles médico-sociales. Afin d’éviter la propagation du virus, un certain nombre de restrictions leur sont imposées. À la peine de réclusion à perpétuité en collectivité forcée, peine souvent courte il ne faut pas l’oublier, qui déjà, en dehors de toute épidémie, a fait intituler par le Comité consultatif national d’éthique son avis n° 128 : « Quel sens à la concentration des personnes âgées entre elles, dans des établissements dits d’hébergement ? »1, s’ajoute tout un arsenal de mesures disciplinaires qui ont tout du carcéral. On y trouve des visites encadrées de leurs proches dans une salle commune, derrière une vitre de plexiglas, version à peine édulcorée du parloir avec des soignants changés en matons, à leur corps défendant, cela va de soi. Quand tout bonnement les visites et les sorties de leur chambre ne leur sont plus autorisées, version hygiéniste du mitard. Ces restrictions d’aller et venir, contrairement aux prisons et aux hôpitaux psychiatriques, ne peuvent même pas faire l’objet d’un appel au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, les Ehpad étant hors de sa juridiction, car censément non des lieux de privation de liberté. On assiste parfois aussi à des situations kafkaïennes où les visites sont autorisées, mais seulement du lundi au vendredi de 10 heures à 17 heures, soit pendant les horaires de travail des proches en activité professionnelle. Bien entendu, les professionnels du soin et les membres de la direction s’évertuent dans bien des endroits à trouver des expédients pour tenter d’adoucir cet isolement forcé, par exemple les appels avec caméra via des tablettes numériques, des photos envoyées aux proches ou encore plein d’autres initiatives locales. Des ersatz de relations sociales qui ne remplacent toutefois pas le lien physique, l’affection passe aussi par le corps et les gestes en réalité réelle. Difficile de prendre soin de son parent sans une certaine proximité physique.

Démocratie autoritaire

À ces remarques, on peut faire prévaloir, à juste titre, que si on ne prend pas de telles mesures, la propagation de l’épidémie dans ces lieux peut être massive, mortelle et saturer les hôpitaux. De même, on peut opposer risque individuel d’être infecté et risque collectif de transmettre le virus aux autres résidents. Tout cela s’entend et est fort juste. Cependant, en démocratie, rien ne justifie en réalité l’absence de débats sur l’adoption de règles extraordinaires. Malheureusement, il semble bien que désormais, les états d’urgence se succédant les uns aux autres, le temporaire devenant permanent, l’arbitraire technocratique, malhabilement camouflé derrière un conseil scientifique objectif, faisant force de loi, le citoyen soit devenu l’esclave d’une « démocratie autoritaire »2. Au printemps, lors de la première vague, tout le monde a été pris de court, la sidération initiale et la temporalité ont pu justifier l’inexistence du débat public sur les mesures prises. Quoiqu’en libérant nombre de citoyens de leurs rôles d’exécutants et de consommateurs passifs d’un système néolibéral mis temporairement entre parenthèses, déjà des réflexions et des critiques se faisaient jour. Malgré tout, il devient difficile actuellement, après l’accalmie estivale qui aurait pu être propice à la réflexion à froid, d’accepter l’absence totale de concertation sur la suite. Le retour de l’épidémie n’est une surprise pour quiconque se renseigne un peu et surtout le virus est là pour longtemps. Dans ce cadre, les mesures arbitraires non débattues, non étayées par la société civile et d’autres « experts » que ceux choisis par nos dirigeants : philosophes, juristes, soignants, enseignants… demeurent certes légales, le législatif étant asservi à l’exécutif, mais complètement illégitimes. Toutes ces mesures ont un impact sur la vie des gens et sont amenées à perdurer.
Dans ce contexte, où l’urgence à agir, bien réelle, ne peut plus, ne doit plus justifier l’absence de concertation, à quel moment tiendrons-nous compte de l’avis des aînés confinés, isolés dans un milieu aseptisé ? Quand écouterons-nous ceux qui réfléchissent à cette situation ?

Considération des personnes âgées

L’Espace de réflexion éthique de la région Val-de-Loire a récemment produit une réflexion intéressante sur la situation des personnes âgées en Ehpad durant cette épidémie3. On y lit que trois libertés fondamentales y sont refusées : interdiction d’aller et venir, négation du consentement et contrôle des relations. Comme cela se joue dans le huis clos d’établissements volontairement mis à l’écart, l’indignation ne semble pas avoir explosé en place publique. Cet isolement social et affectif permet d’évaluer la dignité et le statut accordés à nos aînés les plus vulnérables. Ces longs mois de privation, chez des personnes arrivées à l’étape finale de leur vie, éclairent d’une lumière crue l’estime qu’on leur porte. Également, le choix de l’étalon-or consistant à publier médiatiquement la comptabilité des lits de réanimation pour évaluer la pression sur l’hôpital, sans évoquer l’augmentation parallèle, continue et très inquiétante du nombre de lits de gériatrie, offre un contraste de considération saisissant. Si l’on voulait paraphraser Lucien Bonnafé, on pourrait affirmer aujourd’hui que si on juge du degré de civilisation d’une société à la manière dont elle traite ses vieux, l’image du Pays-des-Lumières-et-des-Droits-de-l’Homme est bien écornée.
Si la valeur première défendue par ces mesures est la vie, on est tout bonnement en droit de se demander de quelle vie on parle. Le plus court pour ces personnes est devant elles et on les priverait des ultimes instants de bonheur pour prolonger leur vie, assurer leur survie ou plutôt, en réalité, leur sous vie, une vie dépouillée de tout ce qui peut faire sens pour elles, une vie biologique, une « vie nue »4 sous-tendue par une « biolégitimité »5.

La transdisciplinarité, remède en cas de crise

Dans ses prises de position, le gouvernement se voudrait empreint d’humanité et de sollicitude envers nos aînés, alors pourquoi ne pas solliciter leur avis ? On peut monter un « grand dialogue », un « Ségur de la Santé » en quelques semaines et une convention citoyenne impliquant les premiers concernés sur ce sujet ne serait pas réalisable ? La démocratie ne s’use que si l’on ne s’en sert pas et l’urgence ne doit pas à nouveau être prétexte à empêcher toute analyse, critique ou idée contradictoire. La transdisciplinarité est une clé dont il faut se saisir dans des moments aussi critiques6. Le printemps a montré qu’il existe une aspiration à plus de transparence et de démocratie dans les institutions notamment sanitaires (tribunes, pétitions, témoignages…), la Convention citoyenne pour le climat que les citoyens savent se former et réfléchir pour aboutir à des propositions ambitieuses et solides. L’heure n’est plus aux décisions autoritaires, versatiles, culpabilisantes et répressives. Cela ne fonctionne pas et personne n’en sort digne, ni nos aînés ni les décideurs.

https://www.change.org/SoignonsEnsemble et https://blogs.mediapart.fr/atelier-pour-la-refondation-du-service-public-hospitalier/blog/290920/atelier-pour-la-refondation-du-service-public-hospitalier

 

 

1 Avis n° 128 du 15 février 2018 – Enjeux éthiques du vieillissement. Quel sens à la concentration des personnes âgées entre elles, dans des établissements dits d’hébergement ? Quels leviers pour une société inclusive pour les personnes âgées ? Comité consultatif national d’éthique.

2 Didier Fassin et al., « La démocratie à l’épreuve de l’épidémie », Esprit, vol. octobre, n° 10, 2020, pp. 81-106.

3 M. Ladiesse, T. Léonard, B. Birmelé, « Les libertés en Ehpad, à l’épreuve du confinement », Éthique et Santé, (2020) 17,147-154.

4 Giorgio Agamben  : «  Qu’est donc une société qui ne reconnaît pas d’autre valeur que la survie  ?  », L’Obs. 27 avril 2020 (nouvelobs.com).

5 Didier Fassin et al., « La démocratie à l’épreuve de l’épidémie », Esprit, vol. octobre, n° 10, 2020, pp. 81-106.

6 Pablo Servigne, Raphaël Stevens, Gauthier Chapelle, Une autre fin du monde est possible Vivre l’effondrement (et pas seulement y survivre), Seuil, 2018.

 

 

Brèves
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Visioconférence sur un pôle public du médicament le 5 mars à 18 h 30

Organisée par la Convergence Nationale des Collectifs de Défense et de Développement des Services Publics

par Convergence nationale des Collectifs de défense et de développement des Services Publics

 

La Convergence Nationale des Collectifs de Défense et de Développement des Service Publics organise le 5 mars prochain à 18 h 30 une visioconférence sur le thème d’un pôle public du médicament : pourquoi ? Comment ? Pour libérer les brevets ? Pour produire en France ?

Participeront à la conférence :

  • Jacques Haiech, professeur émérite de biotechnologie à l’université de Strasbourg ;
  • Nathalie Coutinet, économiste de la santé ;
  • Thierry Bodin, responsable CGT Sanofi ;
  • Dr Michel Limousin, représentant en France pour l’ICE.

Inscription par courriel à convergenceservicepublics@gmail.com.



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