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France : La gauche minoritaire, le non de gauche en progression

par Évariste Pour réagir aux articles,
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Abstention élevée

L’abstention élevée, lors des dernières élections européennes, symbolise le fait que de nombreux citoyens, tant français qu’européens, ne sont pas persuadés que les résultats de cette consultation vont répondre aux nouveaux besoins liés à la crise du capitalisme. Plus de 60% de votants à la première élection des européennes en 1979, près de 60% s’abstiennent aujourd’hui !

Si l’idée européenne peut encore avoir un sens, il faudra bien un jour rompre avec cette Europe de l’argent, de la concurrence, du chômage, du communautarisme et de la privatisation.

La droite majoritaire

La poussée de la droite est générale en Europe sauf en Tchéquie et en Grèce. Ceci est incroyable vu la crise du capitalisme. Cela montre que la gauche vit une de ses plus grandes crises de son histoire, déconnectée qu’elle est des peuples en général et des couches populaires en particulier. Elle n’incarne plus une alternative à la société d’injustice que nous subissons.

La droite est majoritaire mais avec un parti présidentiel seulement à 28%. Bien qu’arrivés largement en tête, rien n’est simple pour eux. L’avenir des amis de Nicolas Sarkozy s’annonce donc difficile pour le scrutin des régionales de l’année prochaine tant que l’hypothèque Modem ne sera pas levée (bien que l’ambiguïté du Modem soit de plus en plus visible et que sa chute semble bien engagée), tant que l’alliance néolibéraux et libéraux ne sera pas reconstituée et tant que l’extrême droite sera aussi puissante bien que divisée elle-même. Et si on regarde la fronde des médecins libéraux face au couple néolibéral Sarkozy-Bachelot, l’alliance n’est pas pour demain. Cette hypothèque pourrait voir de mauvais résultats pour la majorité présidentielle dès le scrutin des régionales de 2010 malgré une droite majoritaire car nous allons avoir là un scrutin à la proportionnelle mais à deux tours ! Mais le PS, champion de la désunion et de l’ambiguïté peut venir au secours de la droite si d’ici là, il n’arrive pas à faire une alliance durable de toute la gauche, écologistes et gauche de la gauche compris ; alliance qui semble d’ores et déjà compromise, bien qu’il ne faille jamais jurer de rien en politique.

La gauche minoritaire, le PS de moins en moins sexy

La gauche est minoritaire avec un PS en berne. Malgré son score, le PS demeure, porteur d’une idéologie libérale, et c’est pourtant lui qui représente la gauche pour beaucoup de Français. Mais la plupart des promesses du PS sont inapplicables à cause du Traité de Lisbonne qu’ils ont pourtant adoubé à Madrid par la signature de Martine Aubry au manifeste du PSE. De ce point de vue, ils sont aussi hypocrites que l’UMP, le Modem et Europe écologie.

C’est pourtant bien la politique destructrice des droits sociaux et des services publics que le PS a voté dans leur quasi-totalité, avec une bonne partie par les Verts, qui est en cause. De plus, leurs pitreries sur le refus de renouveler le mandat de Barroso, alors que chaque jour, un parti « socialiste » européen apporte son soutien à Barroso, deviennent pathologiques. Et on ne parle plus des propos du « socialiste »français, Pascal Lamy, président de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), du type : « Mieux que le protectionnisme, le chômage partiel ». On voit bien que ce n’est pas lui qui se trouve en chômage partiel !

Poussée du non de gauche

Poussée du non de gauche avec plus de 12% (Front de gauche, NPA, LO) après 8,6% en 2004 et 9% à la présidentielle et avec un peu plus de la moitié pour le Front de gauche. Cependant, il y a loin de la coupe aux lèvres dans la mesure où le vote des jeunes pour le NPA est empreint de dissidence culturelle et donc de refus catégorique d’alliance avec le PS laissant des espoirs maigres pour une majorité de gauche à court terme. Il faut tordre le coup d’une idée que nous avons vu fleurir sur le net à savoir que les nouveaux entrants au NPA étaient unitaires et que c’était la direction qui ne l’était pas. En fait la direction ne l’était pas mais le soutien à la ligne de la direction fut beaucoup plus facile que prévu tant les jeunes du NPA sont en dissidence culturelle. Et c’est la raison pour laquelle très peu de militants NPA ont suivi Christian Piquet quand il a rejoint le Front de Gauche avec Gauche Unitaire.

Seule, pour l’instant, une division de la droite pourrait donner, dans l’état actuel des choses, la victoire à la gauche au prochain scrutin.

Bonne tenue du Front de gauche pour sa première apparition : sa campagne fut la plus républicaine (donc de gauche car il n’y a pas d’espace dans la phase turbocapitaliste d’aujourd’hui pour le républicanisme de droite) et cela lui a permis de marquer des points vu que seule cette ligne stratégique est audible dans les couches populaires (ouvriers, employés). Il ne faut jamais oublier que ces couches populaires représentent plus de 50% des ménages ! Et que la défaite du PS à la présidentielle est due à l’effondrement du vote des couches populaires au deuxième tour de la présidentielle (54% au lieu de plus de 75% le 10 mai 1981 !).

Nous ne pouvons que saluer cette réussite car la stratégie du Front de gauche est la seule crédible aujourd’hui pour la gauche internationaliste, laïque et républicaine.

Mais le Front de gauche pour être crédible doit éviter les errements du type « Indigènes de la république » qui freineraient le renouvellement stratégique. Le relativisme culturel n’est pas de nature à faire avancer la conscience de classe ainsi que la compréhension de la nécessaire action collective pour des droits universels. Le droit à la différence ne doit pas servir la différence des droits. Place aux débats, à la clarté, à la cohérence !

Forte percée historique des écologistes

Le groupe écologiste européen va croître au-delà de leurs espérances. En France, Europe Ecologie talonne le PS au niveau national mais fait près de 50% de plus que lui en région Ile-de-France ce qui est historique. Manifestement, la stratégie d’union des écologistes a payé.

Ce vote obtenu auprès des classes moyennes montre l’importance des questions environnementales dans les solutions à apporter aux crises actuelles. Nos préoccupations vont aussi dans ce sens et nous devons les faire davantage émerger, car le lien entre le social, l’humanisme, la laïcité, la république, l’écologie est naturel, et s’inscrit dans une vision globalisante qui seule peut construire le projet alternatif de société dont la gauche à besoin.

Le passage du film de Yann-Arthus Bertrand la veille du scrutin qui a, au dire de son réalisateur, entraîné quelques votes en faveur de la liste Europe Ecologie, pose au-delà de la manipulation grossière que cela représente et du fait que les médias sont aux ordres du pouvoir, la volonté justement de ce pouvoir de valoriser cet assemblage écologique qui accepte la concussion avec le libéralisme. Il est donc impératif ne pas laisser l’écologie politique aux « bobos » parisiens (et donc de faire croire qu’il n’y a là que de l’écologie pour ceux qui n’ont plus de problèmes par ailleurs et qui sont d’accord avec le néolibéralisme) ; ceci afin de lutter contre le néolibéralisme qui instrumente la cause écologique en minant l’écologie politique. Il faut donc proposer une alternative globale où l’écologie politique est incluse dans le centre d’un projet alternatif de société porté par la gauche de manière à rassembler  les couches populaires et les couches moyennes.

Une extrême droite encore forte mais de plus en plus divisée

Une extrême droite qui sort renforcée en Europe. En France, elle est de plus en plus divisée et avec des courants de plus en plus ouvertement anti-arabe ou antisémite. D’ailleurs, cela est corroboré dans la plupart des pays européens bien que dans certains cas l’extrême droite se soit unifiée comme aux Pays-Bas.

Le républicanisme de droite n’a plus d’espace politique

Ce scrutin a également montré que le républicanisme de droite (Debout la République) n’a plus d’espace politique. En fait, le républicanisme de droite n’a pas survécu à l’arrivée du turbocapitalisme. La bourgeoisie nationale triomphante des « 30 glorieuses » qui fut la base du républicanisme de droite a implosé devant l’hégémonie de la bourgeoisie néolibérale.

Effondrement du château de cartes échafaudé par les militants de gauche et d’extrême gauche qui ont rejoint la droite souverainiste dans un « ni gauche, ni droite » sans avenir et sans réalité politique. Les adeptes de François Morvan, ancien membre du Comité Central de la LCR, d’anciens communistes ou chevènementistes, abandonnant la république pour le souverainisme « ni gauche, ni droite » (ce qui veut dire objectivement de droite !), qui fleurissent sur internet et qui produisent l’illusion d’un impact. En fait, ils n’auront pas d’autres choix que de convenir de leurs erreurs ou de continuer encore plus leur dérive droitière comme dans les années 30.

Question centrale : où en sont les couches populaires ?

Le problème principal de la gauche (et de l’extrême gauche) est qu’elle n’arrive plus à avoir un soutien massif des couches populaires (ouvriers et employés). Seul LO a une petite implantation dans les couches populaires, mais son score limité ne lui permet pas de jouer le rôle qu’elle souhaiterait. Sinon, tous les autres partis de gauche et d’extrême gauche (y compris le Front de Gauche et le NPA), ont une implantation limitée dans les couches populaires et sont formés de militants largement issus des couches moyennes avec des directions venant quasi exclusivement des couches moyennes supérieures radicalisées. Le fossé est donc toujours là. Les couches populaires sont aujourd’hui abstentionnistes, faute de propositions programmatiques efficaces et de responsables politiques qui ont leur confiance, ce qui rend pour l’instant impossible une victoire de la gauche par une majorité franche. Il est vrai qu’ici et là, pour le Front de Gauche et à un degré moindre pour le NPA, une minorité de ces couches populaires a voté pour eux. Mais la question programmatique doit pouvoir être discutée en dehors des périodes électorales.

Quand cette gauche comprendra t’elle le nécessaire travail d’éducation populaire tourné vers l’action auprès des couches populaires ?

Quand comprendra t’elle que cela ne peut se faire principalement que dans le mouvement social et non dans les partis ?

Le rôle du mouvement social est de poursuivre la stratégie de front large dans les luttes et d’engager le gigantesque travail d’éducation populaire tourné vers l’action.

Les partis ont autre chose à faire que personne ne peut faire à leur place, celui d’élaborer la ligne stratégique permettant le rassemblement majoritaire pour rompre avec le turbocapitalisme par la prise du pouvoir par les urnes !

Vouloir faire, par le parti, ce qui est dévolu aux organisations du mouvement social (syndicats, associations, mutuelles solidaires), ou l’inverse, est le meilleur moyen de choisir l’impasse théorique et pratique. L’action est impérative dans ces deux sphères, chacune à sa tache, chacune suivant ses actions et les axes qui lui sont propres ; il en va de l’efficacité de notre combat.

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Dans quelle crise sommes-nous?

par Philippe Hervé Pour réagir aux articles,
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La crise, c’est quand le vieux se meurt et que le jeune hésite à naître”. Antonio Gramsci

En juillet prochain, la crise dite des « subprimes » aura déjà deux ans. Ses conséquences  pour les peuples sont dramatiques : 2008 a été une année de « stagflation », c’est-à-dire de stagnation des PIB sur quasiment l’ensemble de la  planète, doublée d’une inflation massive des matières premières et des produits agricoles ; 2009 sera une années de dépression marquée par une déflation liée à la crise de la demande qui existe depuis septembre dernier et l’effondrement du système financier mondial.

Crise d’adaptation ou crise systémique ?

Après deux ans de crise, nous disposons aujourd’hui du recul nécessaire pour  la caractériser : loin d’être une crise d’adaptation, il s’agit en vérité d’une crise dite « systémique » et « structurelle ».

Comment justifier cette affirmation ? En dernière instance, ce qui distingue une crise d’adaptation d’une crise systémique c’est lorsque les mesures de redressements se révèlent être des mesures d’accentuation de la crise traversée, alors la crise systémique et structurelle est dûement caractérisée. Or, cette situation en « boucle » est celle que nous traversons actuellement, car pour tenter de sortir de la crise « de la dette »… les gouvernements développent précisément de la dette. C’est le serpent qui se mord la queue ! La crise actuelle ne peut donc que s’aggraver par ces méthodes.

Depuis septembre 2008, sont administrées à l’économie mondiale, malade de l’endettement, les drogues qui l’ont justement envoyée à l’hôpital. On tente maladroitement de soigner le mal par le  mal et de guérir une économie rongée par le crédit par une relance extrême de celui-ci. Bref, on connaît les causes : trop de dettes et des taux d’emprunt trop bas et les réponses sont : encore  plus de dettes et des taux encore plus bas (alors que dans la réalité ces taux sont près proche de 0%).

Or, cette conjoncture absurde n’est pas le résultat de décisions erronées de quelques technocrates inspirant nos dirigeants, mais elle est la résultante de l’impossibilité historique, dans un système donné, d’auto-détruire les formes objectives de domination du capital qui sont à l’oeuvre.

Charabia ?! Alors détaillons très brièvement ce point central pour la compréhension de la crise  actuelle : la crise de la dette n’est que la résultante de la domination systématique des « circuits longs », c’est-à-dire  mondialisés et contrôlés par les multinationales monopolistes, par rapport  aux « circuits courts » du capitalisme classique qui survivait encore laborieusement à la fin du 20ème siècle. La victoire des « circuits  longs » s’est imposée comme réalité objective grâce à sa capacité à réduire drastiquement le coût du travail par l’emploi d’une  main d’œuvre quasi esclave dans certains pays du tiers monde, ou par un accord stratégique avec les gouvernements en place (le régime chinois par exemple). Mais ces « circuits longs » ne peuvent exister de manière monopolistique qu’à la  condition absolue d’être organisés, hiérarchisés en terme de répartition du profit, et fluidifiés grâce à la superstructure financière et bancaire. Ainsi, cette organisation financière et bancaire loin d’être une forme parasitaire du système, comme on tente de nous le faire croire, est en réalité le noyau vital et central de l’organisation de la domination du capital de nos jours. La financiarisation est le fondement du capitalisme actuel, elle n’est pas un électron libre venue ébranlé un système qui, sans elle, marcherait très bien.

L’exploitation de la ressource « être humain » pour combler le gouffre financier

Là est l’explication des couinements sans fin de nos dirigeants sur le thème : « nous devons sauver les banques ! ». Sans les banques, sans la financiarisation, le système est mort. Dans les faits, ce sauvetage des banques a  été planifié grâce à la panique née au moment de l’effondrement de Lehman Brothers. Pour les tenants du libéralisme, cette faillite a été une « divine opportunité » pour exiger des peuples plusieurs milliers de milliards et ainsi faire passer cette gigantesque dette privée (générée par le système) vers une dette publique (c’est à dire l’impôt payé par les citoyens !). Toute autre solution aurait détruit le noyau vital du système qu’est la finance mondialisée, soit par la relocalisation des organismes financiers (car une nationalisation éventuelle des banques aurait été, comme aurait dit La Palice, nationale) ; soit par la destruction des banques comme émettrices exclusives de la monnaie (par exemple en mettant en place d’un système monétaire en réseau). Voilà pourquoi pour sauver le  système tel qu’il est, il faut le « criser » ! C’est à dire endetter encore davantage les gens…

Ainsi, de hoquet en hoquet, de soubresaut en soubresaut, la crise va continuer, rythmée par des événements soi disant imprévus, permettant de subjuguer les opinions publiques. Le prochain épisode de cette série fleuve sera peut-être une hyper inflation généralisée, capable de dévaloriser massivement la dette de la sphère financière au détriment des salariés, des retraités et des petits  épargnants (c’est à dire 99.9% de la population de la planète… ).

Bien sûr, cette conviction que nous avons de traverser une crise systémique nous amène à penser que les solutions Keynésiennes classiques ne peuvent pas avoir le moindre impact sur la réalité du capitalisme d’aujourd’hui. Car Keynes a proposé dans les années trente des solutions qui avaient pour but de sortir de la crise en accélérant justement l’adaptation du capitalisme moderne. Or, dans une crise systémique, il ne s’agit pas d’adaptation mais de déconstruction. D’ailleurs, pour éviter le débat rationnel, les keynésiens contemporains induisent le plus souvent dans leurs  propos que « la sphère financière est devenue  folle », bref que l’organisation financière et bancaire est réformable et qu’elles est indépendante du capitalisme. Non Messieurs, Wall Street n’est pas réformable, mais simplement arrivé au bout de sa logique matérielle, c’est-à-dire exister, comme nous le disions plus haut, comme noyau vital définitif d’un système d’exploitation.

Crise systémique ou pli historique ?

Ainsi, nous considérons pour notre part que la crise dite des « subprimes », n’a rien à voir avec celle de 1929. C’est même par certains côtés l’inverse de cette dernière. Il suffit pour s’en convaincre de constater l’exemple anecdotique de Général Motors, né du grand krach de 29 et justement mort (en tant que société privée) dans la tourmente financière d’aujourd’hui.

Mais nous pensons également que cette crise paroxysmique, qui risque de s’étaler sur une longue période, c’est-à-dire plusieurs années ou dizaines d’années est l’ultime avatar d’un mode de production en fin de vie. Loin d’être un simple problème de baisse du taux de profit, la crise financière actuelle n’est que la pointe visible de l’iceberg de la crise de la définition de la Valeur elle-même (c’est à dire comment évaluer ce que vaut un objet, un service, etc. ). Comme au 16ème siècle, la crise de la Valeur commence d’abord par sa simple définition. Comme à la Renaissance, nous sommes dans l’incapacité d’avoir une vision comptable cohérente de celle-ci. Depuis plusieurs années, et en particulier depuis le scandale Enron et Andersen Consulting en 2002, il est impossible de simplement croire à l’existence d’une comptabilité réelle et sincère. Ainsi : que valent vraiment les actions des multinationales ? Et réponse : nul ne le sait ! Que valent les actions des banques monopolistes ? Réponse : nul ne le sait !

Le second élément, qui révèle pour nous l’existence d’un pli historique, réside dans le fait que les innovations les plus importantes, impliquant à terme des changements dans les rapports sociaux, se font en dehors d’un quelconque process de rentabilité et de création d’une Valeur quantifiable sur le plan comptable. Nous voyons bien l’émergence de ce phénomène avec la création de l’Internet qui est, par bien des côtés, hors de toute définition de la Valeur en tant que rapport social. Le « libre », c’est à dire la coopération des individus pour faire avancer et évoluer des produits ou des concepts accessible gratuitement à tous (logiciels, ordinateurs, objets divers, etc. ) est en train de se développer très fortement.

Le troisième élément, déterminant à nos yeux, de cette crise de la Valeur tient dans la marginalité de plus en plus grande du travail physique et intellectuel, direct et indirect, dans la transformation de la valeur en prix. Car les prix aujourd’hui sont surdéterminés justement par des « circuits longs » monopolistiques. Nous vivons en quelque sorte l’époque des « prix théoriques ». Cette crise de la réalisation de la Valeur en prix, induit toutes les autres crises, en particulier celle de la monnaie comme équivalent universel.

Bien sûr, cette impossible « révélation » de la Valeur induit un enchaînement de déconstruction des rapports de production et des formes idéologiques de domination du capital. Parmi ces destructions, la Politique, comme expression d’un pouvoir oppressif, est en première ligne dans le « casse-pipe » généralisé.

Il est donc essentiel de débattre entre les femmes et les hommes de progrès de cette opinion que nous émettons, car comment trouver la voie de sortie de cette engeance si nous nous contentons simplement d’envisager l’avenir comme la continuation d’un passé révolu ?

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Un nouvel espoir à gauche

par Henri Pena Ruiz Pour réagir aux articles,
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(tract du Front de gauche - site Internet du Front de gauche)
La droite est satisfaite. Sa base de classe a répondu présent, ce qui se comprend puisque la politique menée va dans le sens de ses intérêts. Une Europe libérale, antilaïque, antisociale, destructrice des services publics, se met en place. Le Parti socialiste, lui, récolte les fruits  amers de ses atermoiements, voire de sa duplicité : voter, d’une part, le traité de Lisbonne et prétendre, d’autre part, défendre une Europe sociale, alors que l’un contredit l’autre. Sur fond d’abstention massive de l’électorat populaire, le Front de gauche vient malgré tout de réussir une belle percée, prometteuse pour l’avenir. Il ouvre la voie à une véritable alternative, aussi clairement à gauche que la droite est à droite. Celle d’une alliance pérenne, destinée à s’élargir à tous ceux qui veulent que la gauche soit vraiment la gauche, car ils en ont assez de ce capitalisme arrogant et des trahisons qui lui laissent les mains libres. La gauche n’a pas à rougir de son histoire. Il faut en finir avec les complexes et les reniements qu’ils entraînent. Qui a défendu l’émancipation politique du peuple ? Ceux qui siégèrent à gauche dans l’Assemblée constituante le 28 août 1789. Qui a amorcé l’émancipation laïque tournée non contre la foi religieuse mais contre son instrumentalisation politique, source d’oppression et d’obscurantisme ? Qui a conçu l’instruction publique, destinée à « rendre la raison populaire » (Condorcet) pour un exercice éclairé de la citoyenneté ? Qui a redéfini la nation dans un sens universaliste comme patrie du vivre ensemble selon le droit, en lieu et place d’une nation fondée sur des particularismes sources d’exclusion ? Qui a lutté sans relâche pour des droits sociaux susceptibles de donner chair et vie aux droits politiques ? Aujourd’hui, dans un contexte de crise systémique du capitalisme, la gauche doit se ressaisir pour offrir au mouvement social une authentique perspective d’alternative à ce monde d’insolente injustice. Cinq orientations majeures peuvent redonner sens à l’espoir.

1 - Lancer une refondation politique et sociale de l’Europe, afin que les promesses de l’internationalisme cessent d’être synonymes de laminage de la souveraineté des peuples et de régression des droits sociaux. En quoi la concorde européenne impliquerait-elle la priorité donnée au profit capitaliste ? Il faut cesser de dégoûter les citoyens d’une belle idée en la confondant avec la dictature du grand marché. L’Europe des peuples, de la paix, de la culture, Victor Hugo en rêvait. Mais elle ne peut advenir que par la justice sociale. Celle-ci implique un nivellement par le haut, et non par le bas, du droit du travail et des conquêtes politiques inaugurées par la Révolution française. L’Europe doit être laïque et sociale.

2 - Développer la laïcité des Etats et des institutions publiques. La loi commune doit assurer non seulement la liberté de conscience mais aussi l’égalité de droits des divers croyants, des athées et des agnostiques. Tout privilège public, financier ou juridique, des religions est une discrimination inacceptable pour ceux qui ont d’autres convictions. Il s’exerce de surcroît au détriment des ressources publiques donc de l’intérêt général. La loi ne saurait être dictée par la foi : celle-ci ne doit engager que les croyants. La sphère morale et spirituelle est ainsi affranchie de toute tutelle. La laïcité est un principe d’émancipation et de concorde, propre à fonder une véritable fraternité en assurant la promotion du bien commun à tous.

3 - Refonder la souveraineté populaire en restituant au champ d’une citoyenneté active les compétences qui lui ont été ôtées au nom d’experts faussement neutres, car liés aux puissances dominantes du capitalisme et de son idéologie ultralibérale. Penser de nouvelles modalités de l’appropriation collective de tout ce qui est d’intérêt commun. Etudier des formes audacieuses du contrôle populaire du développement socio-économique mais aussi des décisions prises par les pouvoirs publics. Il faut refonder et reconsidérer la politique démocratique comme forme et moyen de la participation populaire à l’élaboration des règles communes.

4 - Développer les services publics
pour assurer un accès égalitaire aux biens de première nécessité : la santé, l’instruction et la culture, le logement, l’accès à l’énergie, la communication et les transports collectifs. La République s’affirme non par un centralisme autoritaire qui instaurerait une hiérarchie géographique entre les régions, mais par une centralité sociale qui assure la solidarité redistributive. Elle le fait par la péréquation et une fiscalité progressive propre à contenir les inégalités dans des limites essentielles pour que soit assurée la dignité humaine de tous. L’école publique, par exemple, met la culture à la portée de tous, pour promouvoir une citoyenneté éclairée.

5 - Prendre en compte concrètement la dimension sociale de toute activité économique, afin de développer l’esprit de responsabilité de ceux de ses acteurs qu’obsède la seule rentabilité à court terme, source évidente d’exploitation et de négligence à l’égard de ses conséquences néfastes. Il est en effet irresponsable de laisser à la charge des pouvoirs publics le soin de réparer les dégâts écologiques d’une telle conception, mais aussi ses impacts humains : santé altérée, désespoir, sentiment d’exclusion, paupérisation liée au chômage, etc. Le droit du travail doit être réaffirmé et développé dans le sens d’un contrôle social de ce qui peut avoir des conséquences néfastes sur les êtres humains. D’où trois exigences conjointes : écologie sociale, code du travail, recherche active d’un mode de développement à la fois juste pour tous et responsable pour l’environnement.

Notre monde n’est pas en panne d’idéal. Nul dogmatisme, nul procès d’intention. Mais la gauche doit oser être elle-même, en conjuguant tous les registres d’émancipation. « Et les bateaux repartiront vers la lumière » (Paul Eluard).

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La social-démocratie à bout de souffle

par Christophe VENTURA
président de la commission internationale du Parti de Gauche Pour réagir aux articles,
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A l’heure où sont rédigées ces lignes, la répartition des groupes politiques au Parlement européen (PE) n’est pas encore définitive mais les tendances issues des élections européennes des 4-7 juin sont désormais claires. Un premier fait marquant de cette consultation est la chute considérable de la représentation des partis issus de la social-démocratie dans l’Assemblée.

Au niveau continental, le Parti socialiste européen (PSE) est, en effet, le groupe qui connaît la plus grande réduction de ses effectifs  au PE. Avec 162 députés sur 736, ce groupe perd 55 sièges par rapport à la mandature précédente (le PSE avait obtenu 217 élus en 2004) pour ne plus représenter que 22 % des eurosdéputés (contre 27,6 % entre 2004 et 2009).

Comme le constate fébrilement Poul Nyrup Rasmussen (président du PSE), «une espèce de découragement (…) a sans doute touché d’abord nos électeurs dans le contexte actuel».

Une « espèce » ? Un rapide tour d’Europe des votes obtenus par les partis sociaux-démocrates permet de prendre la mesure du phénomène.

En Allemagne, le SPD a obtenu son plus mauvais score pour une élection européenne avec 20,8 % des voix (contre 21,52 % en 2004 et 30,7 % en 1999).

Au Royaume-Uni, avec 15,31 % des voix, le Labour Party du Premier ministre Gordon Brown arrive, humilié, en troisième position après le Parti conservateur et le United Kingdom Independence Party. Il s’agit du plus mauvais score de ce parti à une élection depuis 1918.

En Italie, avec 26,14 % des voix (31,10 % en 2004), le Parti démocrate prolonge sa lente dérive électorale même s’il semble momentanément amortir cette chute grâce aux effets du nouveau scandale qui a touché Silvio Berlusconi pendant la campagne.

Aux Pays-Bas, le PvDA travailliste a été le grand perdant des élections. Avec 12,10 % des voix, il enregistre une chute de 11,50 % par rapport à 2004 où il avait obtenu 23,60 % des voix.

La situation - à l’exception de la Suède et de la Grèce où les sociaux-démocrates obtiennent un score comparable ou supérieur à celui de 2004 - est partout la même. Et ce, dans les pays historiques de la social-démocratie comme dans les autres : perte de 20 % des voix pour les socialistes au Portugal, de 10,5 % en Autriche (le SPÖ perd la première place), de 5 % en Espagne, de 4 % en Finlande, etc.

La sombre réalité de la social-démocratie, partout en Europe, est que sa conversation heureuse à l’idéologie néolibérale et son renoncement à des politiques de transformation et à la défense des intérêts des classes populaires depuis 25 ans ont abouti, durablement, à sa disqualification politique auprès de ces dernières. Ce phénomène a produit une évolution politique majeure dont les tendances s’expriment aussi bien, à des degrés divers, dans les votes nationaux et au niveau européen : pauvres et classes populaires décrochent de la vie politique ou votent à droite.

Dans plusieurs pays - dont la France -, une nouvelle et douloureuse réalité sociopolitique se révèle et s’impose aux partis sociaux-démocrates : une partie de leur électorat issue des classes moyennes aisées et libérales (dont celles qui avaient voté « oui » au référendum de 2005 en France) s’évapore vers d’autres formations, notamment les Verts.

Le constat proposé - dans son éditorial sur les résultats de l’élection européenne - par l’organe de presse de la finance internationale,  le Financial Times, est aussi ironique que lucide : « les partis dont la mission historique fut de remplacer le capitalisme par le socialisme n’ont pas de philosophie de gouvernement. Leurs politiques anti-crise sont à peine distinguables de celles de leurs rivaux. »1
Faut-il s’en remettre à la finance internationale pour que la social-démocratie européenne, si attentive à ses points de vue, comprenne l’impasse dans laquelle elle s’est fourvoyée ?

  1. « Europe’s right turn » (9 /06/2009) []
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Cinq leçons d’une élection

par Jacques Sapir Pour réagir aux articles,
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Les élections européennes du 7 juin ont été remarquables au moins autant par leurs résultats que par l’aveuglement des commentateurs. Ces derniers ont ainsi mis en avant la « vague conservatrice » à laquelle on aurait assisté. Mais, celle-ci a été des plus relative face à l’abstention, elle réellement historique, que l’on a connu dans ces élections. Il convient, avec le recul nécessaire, de comprendre ce que ces élections ont révélé. Au-delà des premières réactions, il est probable que nous avons assisté au début de la fin de la construction européenne telle que nous la connaissons.

Pour lire la suite, téléchargez ce document (pdf) : election_2009_sapir.

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Elections à Mantes et Perpignan : le Front de Gauche doit clarifier sa position

par Zohra Ramdane Pour réagir aux articles,
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Le Front de gauche a plusieurs atouts pour lui : stratégie à front large, clarté vis-à-vis des traités de l’Union Européenne, ligne qui se laïcise et se républicanise (seule possibilité de diminuer le fossé avec les couches populaires ouvriers-employés). Mais il y a loin encore de la coupe aux lèvres tant les embûches sont possibles.

L’avenir est donc dans le 1 … à condition d’une clarification politique, car ce qu’il se passe à Mantes (78) et à Perpignan (66) à l’occasion d’élections locales est inquiétant et doit être condamné par les responsables du Front de gauche !

A Perpignan pour les élections municipales, le PCF a souhaité partir dès le premier tour en alliance avec le PS au lieu de partir au premier tour en stratégie Front de gauche puis négocier pour fusionner au deuxième tour. Voilà qui est contre-productif et va amplifier et renforcer la campagne anti-unitaire du NPA.

Pour la cantonnale à Mantes-la-Jolie, la stratégie du PCF est de présenter un communiste, Joël Jegouzo, avec pour suppléante Nathalie Coste de Décil. Or, Decil qui est une association voulant promouvoir la démocratie et la citoyenneté locale est un repaire de communautaristes islamo-gauchistes , avec comme membre influent le Vert Mariojouls, ami de Tariq Ramadan.

Nathalie Coste était une des dirigeantes d’ « Une école pour tous et toutes » qui soutenait les lycéennes voilées dans le sillage de la “pétition des Indigènes de la république”. C’est une amie de Bénédicte Bauret, conseillère régionale d’Ile de France qui a été la présidente du comité de soutien du Front de gauche à Mantes pour les dernières européennes. Elle est aussi à la LDH. Nous rappelons qu’ Hayet Morillon, ancienne socialiste naguère laïque a brouillé les cartes   en rejoignant avec ses amis l’équipe communautariste et affairiste de l’UMP Bédier qui vient d’être condamné et dont l’invalidation provoque ces élections cantonales. Aujourd’hui, nous avons besoin de clarté pour opposer à la droite néolibérale communautariste une gauche anticapitaliste laïque et républicaine. Toute autre voie est une impasse et ajoute à la confusion.

Le PC s’était engagé dans des alliances Front de gauche à Mantes et dans d’autres villes comme celle de Poissy où vont se dérouler des législatives partielles par suite de la condamnation d’un autre affairiste Masdeu-Arrus. Il revient sur tous ces engagements, ne parlant plus que de stratégies unitaires ce qui veut dire dans son jargon “exit le Front de gauche”. Même Lahsen Zbayar candidat aux élections européennes et secrétaire du Parti de Gauche du mantois a pesé de toute son influence pour faire accepter ce recul anti-républicain et anti-laïque. Le clou de la confusion est que dans le programme, on dit souhaiter « Défendre la laïcité menacée par les attaques récentes du gouvernement qui ne permettent plus d’assurer l’égalité devant la loi de tous les citoyens» mais pour cela, on s’associe avec les adversaires de la laïcité et de la république. C’est insensé ! Bien évidemment, cette stratégie qui a déjà fait tant de mal au PCF provoque des remouds : un dissident communiste, Marc Jammet, se présente également contre le candidat du PCF. Les responsables nationaux du Front de gauche ne peuvent pas faire la politique de l’autruche devant ces dérives qui vont renforcer le camp des sociaux-libéraux d’une part et des nonistes de gauche anti-unitaires de l’autre. Nous attendons fermement une mise au point claire de la direction du Front de gauche pour condamner ces deux errements stratégiques.

  1. alliance entre le Parti Communiste Français, le Parti de Gauche, Gauche Unitaire et République et Socialisme []
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Voile : Obama désavoue des millions de Musulmanes

par Catherine Kintzler
http://www.mezetulle.net Auteur de "Qu'est-ce que la laïcité", publié chez Vrin, 2007. Pour réagir aux articles,
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Au président des Etats-Unis d’Amérique, sur quelques petites phrases de son discours prononcé au Caire le 4 juin 2009.

Monsieur le Président, en novembre 2008 j’ai été magnifiquement accueillie par l’université de Princeton, où votre épouse Michelle a fait une partie de ses études. Avec les étudiants et mes collègues, nous avons parlé de sujets « académiques », de littérature, de musique. Mais, à la demande des collègues qui me recevaient, j’ai donné une conférence sur la laïcité. Et j’ai pu constater, lors des discussions qui ont suivi, que la laïcité n’est nullement méconnue ni incomprise par les Américains comme on le croit faussement en France - comme si la laïcité était une spécialité régionale réservée aux seuls initiés.

On nous accuse, nous Français, de faire volontiers la leçon. Je ne vous ferai pas l’injure de croire que ce sujet vous est étranger. Vous savez que la laïcité est un minimalisme qui suppose que le lien religieux n’est pas nécessaire pour penser et construire le lien politique. Vous savez que la France l’a installée à la suite de plusieurs siècles d’histoire, face à une religion dominatrice et hégémonique -expérience dont les Américains n’ont pas fait l’épreuve, mais qu’ils connaissent et qui mérite, sinon l’approbation, du moins un peu d’attention. Vous savez que la laïcité ne s’oppose pas aux religions : elle s’oppose seulement à leurs prétentions politiques en leur demandant de renoncer à faire la loi. Vous savez que l’abstention qu’elle exige dans l’espace relevant de l’autorité publique a pour corollaire la plus grande liberté dans l’espace civil pour toutes les croyances et incroyances.
C’est en toute connaissance que vous avez abordé le sujet, à plusieurs reprises, dans le discours que vous avez prononcé au Caire le 4 juin.

Vous n’avez, il est vrai, donné aucune leçon. Vous n’avez pas non plus présenté une opinion, un souhait qui vous serait propre. Reprenant sur ce point la tradition de vos prédécesseurs vous avez simplement, tranquillement, avec l’assurance et l’arrogance d’un maître du monde, accordé une caution, exprimé un désaveu et donné des ordres.

En encourageant et en justifiant le port du voile islamique, vous avez désavoué les millions de musulmanes qui ne le portent pas, vous avez réduit au silence celles qui luttent pour la liberté de conduire leur vie au péril même de celle-ci, vous n’avez même fait aucune distinction entre celles qui le portent librement et celles auxquelles il est imposé.

Parmi toutes les interprétations de l’islam, et malgré votre volonté de vous adresser par ailleurs aux musulmans qui rejettent l’intégrisme, vous avez ainsi fait un choix, n’hésitant pas à vous mêler aux débats internes à une religion. A entendre l’approbation que vous avez reçue sur ce point des organisations les plus dures, les plus rétrogrades du monde musulman, nul ne peut douter que ce choix est politique. Ce choix n’est pas nouveau, et là encore vous renouez avec une tradition que vous prétendez par ailleurs rompre : car votre pays l’a fait naguère en soutenant les talibans ; on en connaît les conséquences aujourd’hui. Vous avez offert sur un plateau les femmes et des millions de musulmans non intégristes en cadeau aux groupes les plus réactionnaires : est-ce le prix que vous avez choisi pour la nécessaire réconciliation de votre pays avec le monde musulman ? Un tel prix risque d’attiser la violence y compris en Europe. Car, par cet éloge appuyé du voile islamique, vous risquez de redonner vigueur à ceux qui, aux Pays-Bas, ont assassiné Theo Van Gogh, à ceux qui, au Royaume-Uni, rendent une justice dite « islamique » où la parole d’une femme ne vaut pas celle d’un homme, à ceux qui, au Danemark, ont prétendu faire taire la presse en criant au blasphème, à ceux qui, dans plusieurs pays d’Europe, ferment les yeux sur les crimes dits « d’honneur ».


A son frère qui, fort de votre autorité, lui demandera de s’ « habiller correctement » et lui imposera le port du voile, que pourra désormais répondre une jeune fille de culture musulmane désireuse de ne pas le porter ? Vous l’avez déjà bâillonnée, vous lui avez donné l’ordre de s’incliner, vous lui avez fait savoir qu’une résistance équivaut à un désaveu de sa religion : vous avez déjà fait d’elle, soit une renégate, soit une ombre silencieuse. Vous savez que au moins ici, en France, elle pourra s’abriter derrière la double vie que lui offre, pour un temps, l’école publique. Mais sans doute ne le savez-vous que trop bien. Car là aussi, vous avez coupé sa retraite : vous avez laissé entendre que cette double vie, elle n’y a droit qu’en vertu d’une sorte d’intolérance et d’un « faux semblant de libéralisme », faisant clairement allusion à la laïcité. Comme si le libéralisme et la liberté étaient coïncidents. Comme si l’interdiction d’arborer des signes religieux ostentatoires à l’école publique visait uniquement l’un d’entre eux, comme si cette disposition n’avait pas été un facteur d’apaisement, comme si elle n’était pas corrélative de la plus grande liberté de manifester ses opinions religieuses -y compris en portant librement le voile- dans l’espace civil, comme si la laïcité faisait obstacle à la vie philosophique, religieuse, spirituelle des personnes vivant sur le territoire de la République française jusqu’à leur dicter leur façon de s’habiller. Ce faisant, vous n’avez pas hésité en outre à vous introduire dans les affaires d’un Etat et d’un peuple souverains, ni à les désigner comme un exemple d’intolérance à la face du monde -et on parle de l’arrogance française !

Comme des millions de personnes dans le monde, j’ai salué votre élection, j’ai célébré avec mes amis américains la fierté retrouvée d’un grand peuple libre et libérateur, j’ai étudié votre superbe discours dit « sur les races » avec délectation. J’ai attendu votre discours du Caire comme un grand moment pour la paix du monde : il serait stupide et malhonnête de ma part de lui refuser ce statut et ce rôle, il serait absurde de le rejeter en bloc sous prétexte de ce qui me choque dans vos propos. Mais je serais en revanche lâche et indigne de me taire sur ce que j’y considère comme décevant, humiliant et inquiétant.

Aujourd’hui, en lisant ces phrases qui sont loin d’être anodines, je suis déçue, car elles me font voir en vous un président américain comparable à ceux que j’ai connus, se conduisant en maître du monde, dictant aux autres ce qui est bon et mauvais. En les lisant, je me sens humiliée comme femme -je croyais que le temps est révolu où on faisait d’elles un bien à négocier, à offrir, à sacrifier. Je me sens humiliée comme citoyenne d’un grand peuple dont vous avez balayé en quelques petites phrases une longue expérience historique et tout un pan de la pensée. Je suis gênée à l’égard de mes concitoyens musulmans sincèrement attachés à la laïcité (qui leur offre la garantie d’une vie religieuse libre et paisible) car vous les avez désavoués en tâchant de les réorienter vers ce que vous leur avez indiqué comme la bonne voie. Je suis inquiète surtout pour ceux qui, ici et ailleurs, très nombreux, luttent pour se délivrer de l’intégrisme auquel on veut les identifier sans aucun égard pour leur diversité, pour les débats qu’ils ont le courage de mener, pour leur pensée. Aujourd’hui, je crains que cette alliance légitime et nécessaire que vous offrez au monde musulman, puisqu’elle comprend hélas ce geste appuyé de désapprobation envers les pays laïques, ne scelle à terme une alliance avec tous les intégrismes contre la laïcité et contre les femmes.

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Dans la prison des identités religieuses : où sont les femmes et les laïcs des pays musulmans dans le discours d’Obama au Caire ?

par Marième Helie Lucas Pour réagir aux articles,
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Sans aucun doute bien des gens d’obédiences diverses vont se sentir soulagés devant le discours du Président des Etats Unis au Caire aujourd’hui. Ils y verront un ton nouveau, un appel à la paix, bien loin du clash des civilisations à la Bush. Mais est ce vraiment le cas ?

On peut s’attendre à ce que les commentateurs politiques montrent du doigt le fait qu’ Obama renvoie dos à dos la violence des palestiniens occupés et celle des colonisateurs israéliens, ou bien qu’il n’a pas abandonné l’idée que les Etats Unis doivent donner au monde des leçons de bonne conduite y compris sur la meilleure façon d’exiger ses droits, ou bien qu’il réduit le conflit israelo-palestinien à un conflit religieux, ou bien qu’il continue à justifier la guerre en Afghanistan, etc… Certes, il faut le remettre en question sur tous ces points.

Mais ce qui m’affecte le plus, en tant que laïque algérienne, c’est qu’Obama ne s’est pas démarqué de l’idée pernicieuse qu’il existe des civilisations homogènes, idée qui était au coeur de la théorie du ’clash des civilisations’. A ceci s’ajoute le fait qu’en bon américain, il mélange civilisation et religion. Il oppose de façon répétée ’ l’Islam et l’Occident’ ( en tant qu’ entités-civilisations hétérogènes), ’l’Amérique et l’Islam’ (un pays / une religion) ; il souligne que ’ l’Amérique n’est pas en guerre avec l’Islam’ ( un pays / une religion). Donc, il y a des nations en ’Occident’, mais en ’Islam’ pas.

Le vieux Jomo Kenyatta disait des colons britanniques : ’quand ils sont arrivés, nous avions la terre, ils avaient la Bible ; maintenant nous avons la Bible, ils ont la terre’. Le discours d’Obama le confirme : la religion, c’est assez bon pour nous et ça suffit à nous définir. Sa compilation finale de sagesse monothéiste laisse à penser que c’est là le seul discours intelligible aux barbares.

Tout ceci est de bien mauvais effet sur nous, citoyens de pays où l’Islam est la religion majoritaire et souvent la religion de l’Etat.

Tout d’abord, Obama s’adresse à ’l’islam’, comme si une idée, un concept, une croyance pouvait l’entendre. Comme si ceux ci ne devaient pas nécessairement être médiatisés par des gens - ceux qui adhèrent à ces idées, ces concepts, ces croyances. Comme le disait Soheib Bencheikh, autrefois Grand Mufti de Marseille, actuellement Directeur de l’Institut des Hautes Etudes Islamiques à Marseille : ’je n’ai jamais vu un Coran marcher dans la rue’…

Peut on imaginer une seule minute qu’Obama parle au christianisme ? ou au boudhisme ? Impossible, ils parlerait aux chrétiens, aux boudhistes, … bref, à des gens, des individus différents les uns des autres.

Obama essentialise l’islam, il ignore les vastes différences qui existent entre les croyants musulmans, - différences d’interprétations religieuses et d’écoles de pensée certes, mais aussi différences culturelles, et divergences politiques. Il est impossible, devant une telle diversité, de parler d’’Islam’ de façon aussi totalisante qu’il le fait. Il n’oserait pas faire de même s’il s’agissait du christianisme, en amalgamant, par exemple, l’Opus Dei et la théologie de la libération…

Malheureusement, essentialiser l’Islam fait le jeu des intégristes musulmans dont l’effort permanent est de promouvoir l’idée qu’il existe un seul islam - le vrai, c’est à dire le leur - , un monde musulman homogène, et par voie de conséquence, une loi islamique unique qui devrait être respectée par tous, au nom des droits religieux. La moindre étude des lois dans les pays ’musulmans’ montre que celles ci varient , et parfois dramatiquement, d’un pays à l’autre, s’inspirant non seulement de différentes interprétations religieuses, mais aussi de pratiques culturelles diverses selon les continents où l’islam s’est répandu, et de circonstances historiques et politiques spécifiques, y compris coloniales1 - toutes sources qui ne sont manifestement pas divines.

C’est là la première conséquence néfaste de la façon qu’a Obama d’essentialiser l’islam et d’homogénéiser les ’musulmans’ : quelle que soit sa critique des intégristes - qu’il appelle une ’minorité d’extrémistes’ - , il utilise leur langage et leurs concepts. Voilà qui peut difficilement soutenir la cause des anti intégristes dans les pays musulmans.

Ensuite, Obama parle aux religions , pas aux citoyens, pas aux nations ni aux pays. Pour lui, il va de soi que chacun doit avoir une religion ; le fait le trouble peu que, bien souvent, les gens subissent une identité religieuse qui leur est imposée par la force. Il est de plus en plus fréquent que, dans les pays ’musulmans’, les citoyens soient forcés à observer une pratique religieuse2, et qu’ils payent toute dissidence de leur liberté et parfois de leur vie. C’est donc un grand coup que leur porte le Président des Etats Unis, à eux, à leurs droits humains, à leur liberté de pensée, à leur liberté d’expression, quand il soutient publiquement l’idée que tout citoyen d’un pays où l’islam est la religion majoritaire est automatiquement un croyant musulman (sauf à être d’une religion autre minoritaire).

Qu’ils soient croyants ou pas, pratiquants ou pas, les citoyens décident parfois que la religion ne sera pas leur marqueur identitaire. Par exemple, ils peuvent donner priorité à leur identité en tant que citoyens. Bien des citoyens de pays ’musulmans’ entendent cantonner la religion à sa place et l’écarter de la politique. Ils soutiennent la laïcité et veulent des lois laïques, c’est à dire des lois démocratiquement votées par le peuple, modifiables selon le choix et le vote du peuple ; ils s’opposent, au nom de la règle démocratique, à l’introduction de lois immuables, a-historiques et supposées divines. Ils combattent le pouvoir des religieux.

Obama prétend défendre la démocratie, le processus démocratique et les droits humains. Comment cela est il compatible avec le fait de s’adresser à des nations entières à travers leur identité religieuse présumée, et par le fait même imposée ?

Où est la place des laïcs dans le discours d’Obama ? La place de leur droit démocratique de voter les lois et non de se les voir imposer au nom de dieu ? La place de leur droit humain fondamental de croire ou de ne pas croire, de pratiquer ou de ne pas pratiquer ? Ils n’ont tout simplement pas droit à l’existence. Ils sont ignorés. Ils sont rendus invisibles. Ils sont faits ’musulmans’. Et pas seulement par nos gouvernements oppressifs - mais par Obama aussi… Et quand il fait référence à ses concitoyens, ces ’7 millions de musulmans américains’, s’est-il enquis de leur foi personnelle ou a-t-il induit celle ci de leurs origines géographiques ?

Au sein de ce carcan religieux, les droits des femmes sont limités à l’éducation - et Obama fait clairement savoir que pour lui, contrairement aux arrogants occidentaux dont il se démarque , le voile n’est pas un obstacle à l’émancipation. Et encore moins, si c’est ’leur choix’, à ces femmes… Et pendant ce temps là, l’Iran, juste à côté, au nom de ses lois religieuses, pourchasse avec sa milice de moralité , juge et emprisonne les femmes qui ont laissé échapper une mèche de cheveux… Et que dire de l’Afghanistan ou de l’Algérie, dont les femmes furent kidnappées, torturées, violées, mutilées, brûlées vives, égorgées, exterminées, pour ne s’être pas couvertes3 ?

A aucun moment Obama ne soulève la question de savoir qui définit la culture, qui définit la religion, qui parle au nom des musulmans - et pourquoi ce ne seraient pas les femmes elles mêmes qui les définiraient, cette culture et cette religion,- sans religieux, sans police de moralité, sans vieux leaders religieux conservateurs auto proclamés,- si leurs droits humains fondamentaux étaient vraiment respectés ? De toute évidence, Obama a négocié les droits des femmes contre des alliances économiques et politiques avec ’l’islam’… Il est vrai que ’l’islam’ possède du pétrole, entre autres.

Oui, ce discours est bien conforme à celui d’un Président américain : Obama reste confiné au clash des civilisations- religions. Comment un tel discours pourrait il nous sauver de la montée mondiale des intégrismes religieux, qu’il était supposé battre en brèche ? Obama affirme que, ’aussi longtemps que notre relation sera définie par nos différences, cela renforcera ceux qui sèment la haine…/… déclenchent les conflits…’, mais la seule chose qu’il trouve que nous avons en commun c’est ’d’aimer nos familles, nos communautés et notre dieu’…Les intégristes musulmans ne désavoueraient pas un tel programme.
In God we trust…

Creative Commons License

  1. par exemple, de 1962 à 1976, la source de la loi algérienne sur les droits reproductifs fut la loi pro-nataliste française de 1920 ; quand à la source de la loi pakistanaise sur l’héritage promulguée à l’indépendance en 1947 , c’était la loi victorienne que le Royaume Uni avait abandonnée depuis belle lurette []
  2. Un des Etats de Malaisie a rendu les prières quotidiennes obligatoires ; quand à la justice algérienne elle a condamné à des années de prison, en 2008, des gens qui avaient mangé pendant le Ramadan ; enfin l’Iran continue d’ emprisonner les femmes pour comportement ’un-islamique’ []
  3. Voir le Shadow Report on Algeria, sur wluml.org []
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Meeting du 7 mai 2009, à Paris, sur les résultats de Durban II

par Hakim Arabdiou Pour réagir aux articles,
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Le Mouvement pour la paix et contre le terrorisme a tenu, le 7 mai dernier, dans une salle de la Mairie du 3e arrondissement, à Paris, un meeting sur les résultats de la Conférence, dite Durban II, qui s’est tenue, du 20 au 24 avril dernier, à Genève, en Suisse. Rappelons que cette Conférence est relative au suivi du Programme d’action contre le racisme, qui a été élaboré en été 2001, dans la ville de Durban, en Afrique du Sud. C’est devant une assistance composée aux quatre cinquièmes de femmes que se sont exprimées. Bernice Dubois, membre dirigeante du Mouvement pour l’abolition de la prostitution, de la pornographie et de toutes les formes de discriminations, et déléguée à la préparation et au déroulement de la Conférence en question ; ainsi que Malka Marcovich, historienne et auteure de l’ouvrage les Nations désunies : l’ONU contre les droits de l’homme ; et Fodé Sylla, président de la Fédération internationale de SOS-Racisme.

Vu la richesse de chacune des trois interventions, nous ne rapporterons ici que la première ; les deux autres le seront dans notre prochaine édition.

Bernice Dubois nous apprend que l’une des principales manœuvres de l’Organisation de la conférence islamique avait consisté, grâce au soutien des pays non respectueux des droits de l’Homme, tels que la Chine, Cuba, le Venezuela, la Russie, etc. à introduire un maximum de dispositions contraires aux valeurs humaines universelles. Leur but : en faire autant d’objets de « marchandage », tout au long des deux épuisantes années de préparation de cette conférence, pour faire mine ensuite d’accomplir d’énormes concessions, et prendre ainsi à témoin l’opinion publique mondiale de l’ « intransigeance inacceptable » des pays démocratiques.

D’ailleurs, les résultats de Durban II étaient selon l’oratrice « prévisibles », « subtils », et non moins « graves » que ceux de Durban I. D’après elle, ils ne servent donc en rien la cause antiraciste, si ce n’est le contraire.

C’est ainsi qu’ils ne font état selon elle de « discriminations » et de « racisme » que dans les pays démocratiques, et aucunement dans les pays les plus « racistes » ou les plus « discriminants ». L’intéressée faisait allusion au nombre non négligeable de pays musulmans (l’Arabie saoudite, l’Iran, le Pakistan, etc.), et à leurs soutiens parmi les pays non musulmans où sévissent ces fléaux.

A ses yeux, la dénonciation par exemple par Durban II des discriminations envers les populations autochtones n’est rien moins que de la « supercherie ». Car si les discriminations à l’encontre des Roms et des jeunes immigrés ont été condamnées, c’est parce que ceux-ci vivent en Europe. Sinon, pourquoi n’ont-ils pas cité, là aussi à titre d’exemple, les discriminations, dont sont victimes les Dalis en Inde ? Il est vrai que ce pays vote docilement toutes les résolutions des régimes islamistes.

Il n’est qu’à voir également le « harcèlement » par les représentants de leurs Etats des ONG porte-parole des Amazighs au Maghreb, des Tibétains en Chine, des Bahaïs en Iran, des Kurdes au Moyen-Orient… Ils les interrompaient régulièrement au cours de leurs prises de parole et leur interdisaient parfois d’intervenir.

De plus, de nombreuses autres ONG des Cooptes d’Egypte, des Pygmées d’Afrique, des Noirs du Soudan… n’ont pu y assister, soit faute de moyens financiers, soit parce qu’elles ont été empêchées par leurs Etats (l’aval de ces derniers est nécessaire), soit parce qu’elles craignaient leurs représailles.

Durban II a également dévolu un rôle central aux religions ; ce qui constitue une grave régression des droits humains, quand on sait que les avancées des sociétés se sont faites aussi par la substitution des lois civiles aux lois religieuses, lesquelles sont très souvent conservatrices, voire rétrogrades.

Autre fait gravissime : les régimes réactionnaires islamiques et leurs complices ont pu introduire la condamnation de la « haine des religions » et de l’ « islamophobie ». Eux et leurs relais que sont les organisations islamistes se sont de ce fait octroyés une redoutable arme de guerre, afin de disqualifier, et demain, faire condamner à de lourdes peines de prison ou à de très fortes amendes, toute tentative de s’opposer aux offensives qu’ils mènent depuis plusieurs années contre les libertés d’opinion et d’expression, contre les droits des femmes, etc.

Ces régimes ont réussi également à ce que la conférence fasse fi des droits des homosexuels, et ne réitère pas les droits des femmes tels que stipulés par l’ONU.

Bernice Dubois a fustigé, vers la fin de son intervention, les remerciements indus, selon elle, adressés dans les documents de la Conférence au très controversé Rapporteur spécial, Doudou Diène, pour son « rôle important sur les formes contemporaines de racisme. » Rappelons que cet individu fut au sein de l’O.N.U l’homme des basses besognes des régimes réactionnaires musulmans et des organisations islamistes en Occident.

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Qui voudrait transformer la France en théocratie ?

par Jocelyne Clarke Pour réagir aux articles,
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Le droit de fonder un parti politique est incontestable, donc incontesté à l’endroit de la ministre du logement de N. Sarkozy : celle-ci vient d’annoncer pour le 20 juin, la naissance du parti chrétien-démocrate.Même si on n’a de cesse de s’interroger sur la valeur du mot « démocratie » , arrêtons-nous aujourd’hui sur un futur parti qui se nomme chrétien, initié par Christine Boutin, une catholique qui n’a pas hésité à brandir la bible dans l’hémicycle. Elle présente dans la presse (« La Croix » et « Famille chrétienne ») l’opportunité qu’elle estime avoir aujourd’hui, de créer ce parti, à la faveur d’une nouvelle donne qui serait constituée par différents facteurs : la place occupée en France par la religion musulmane (pourquoi alors dans le cadre d’un parti politique, privilégier une religion particulière ?), la notion de « laïcité positive » qu’elle reprend en citant le livre du président « La République, les religions, l’espérance » et la référence à l’héritage chrétien de la France.

Grâce aux résultats des élections du 7 juin dernier, grâce à la politique anti-laïque du gouvernement, C. Boutin ne peut qu’aspirer à la concrétisation de l’avènement à la fois d’une France et d’une Europe chrétiennes.

Madame Boutin a besoin de relire la loi de 1905 qui respecte toutes les croyances, religieuses ou non, et qui dans sa sagesse, maintient les religions hors des affaires de l’Etat.

Madame Boutin a besoin de relire notre Histoire qui a connu, bien avant la loi de Séparation, des conflits sanglants entre catholiques et protestants, des expulsions de juifs, ceci n’ayant cessé qu’avec notre Révolution qui a reconnu le statut de citoyen à chacun et les mêmes droits.

En créant ce parti, souhaiterait-elle faire de la France une filiale du Vatican ? S’accorde t-elle avec N. Sarkozy pour placer le prêtre au-dessus de l’instituteur ? Veut-elle accélérer le financement des écoles privées au détriment de l’école publique ? Peut-être même restituer à l’Eglise les biens légitimement confisqués par le peuple ? Qu’en serait-il des libertés et notamment celle des femmes à disposer de leur corps ? Des lois de bioéthique ? Sachons attendre quelques jours et nous connaîtrons le programme…

Le moins que l’on puisse dire aujourd’hui est que ce parti annoncé s’affiche comme un projet anti-républicain.

Certes, on peut gloser sur un projet, mais le bilan d’une mandature ne manque pas non plus d’intérêt : C. Boutin s’est-elle par exemple saisi de l’exercice de son ministère pour faire appliquer la loi républicaine instaurant 20% de logements sociaux dans chaque commune ?

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Algérie : 4e colloque sur la Kahina, reine berbère

par Hakim Arabdiou Pour réagir aux articles,
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L’Association culturelle et scientifique berbère de la ville de Khenchela a organisé, les 21 et 22 mai derniers, un quatrième colloque, sur la Kahina, une reine berbère algérienne, du VIIe siècle, qui avait combattu l’invasion arabo-musulmane. 

Selon Tayeb Djellal, président de cette association, créée en 1998, et enseignant d’amazyghe, poète, auteur, journaliste et réalisateur, l’objectif de ce colloque est de rendre hommage à cette aïeule et de la sortir de l’oubli.

Plusieurs conférences ont été données à cette occasion par des professeurs de lycée et d’université, et par un journaliste. C’est ainsi que Saci Abdi a parlé des principales études historiques tant en Orient qu’en Occident sur la vie de la reine Kahina ; Khelifi Laroussi a évoqué la vie de cette rêne ; Saïd Manchar et Noureddine Bergadi sont intervenus pour expliquer la venue des Arabes musulmans en Afrique du Nord ; et Rachid Hamatou a mis en exergue le rôle des médias pour la connaissance de l’histoire antique de l’Algérie, notamment de ses grandes figures tels que la Kahina, Saint-Augustin, Massinissa…

Le colloque a également achevé ses travaux sur un certain nombre de recommandations, qui ont été transmises au ministère algérien de la Culture. Il s’agit entre autres d’introduire l’étude de l’histoire de la Kahina dans les manuels scolaires, de créer un Prix pour la meilleure étude historique et un autre, sur la meilleure production cinématographique, ainsi que d’un centre d’études historiques sur cette personnalité. Les participants à cette rencontre demande aussi l’érection d’une seconde statue de la Kahina, mais à Alger, l’ouverture d’un musée près de la cité de Baghaï, qui fut la capitale de son royaume, lieu situé tout près de la ville de Khenchela, dans les Aurès, dans l’est de l’Algérie, etc.

Les trois précédents colloques ont déjà défriché le terrain, puisqu’ils ont abouti notamment à l’ érection d’une statue de la Kahina et la clôture des ruine de la cité à Baghaï.

La Kahina signifie «la prophétesse », « la prêtresse », « la deveniresse », Mais aussi « sorcière ». Il est cependant possible que ce dernier surnom lui ait été attribué par des historiens arabes de cour, pour la diaboliser. Son véritable prénom est Déhya ou Déhya Tadlut, qui signifie en berbère, la  « Belle gazelle ».

Certains lui attribuent une origine chrétienne, voire païenne. Mais l’historien andalous, Ibn Khaldoun, lui attribue une appartenance juive et la relie à la tribu des Djawara.

Elle avait amené ses compatriotes à se soulever une nouvelle fois contre les envahisseurs arabo-musulmans, après la mort de Koceila, autre roi berbère, auprès de qui elle avait commencé à les combattre. Les forces ennemies l’avait fait prisonnière, puis l’avait décapitée.

Les féministes algériennes ne manquent pas une occasion pour se proclamer fièrement, comme les héritières de deux héroïnes, la Kahina et Fatma N’soumer, qui a participé en Kabylie à la lutte (1850-1857) contre les envahisseurs français.

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La barbarie du 8-Mai 1945 en Algérie : la France doit demander pardon

par Hakim Arabdiou Pour réagir aux articles,
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Le 8 mai 1945, tandis que les Français fêtaient l’écrasement de la barbarie nazie, une autre barbarie se commettait à l’encontre du peuple algérien, qui avait manifesté ce jour-là dans de nombreuses villes d’Algérie à l’Appel des Amis du manifeste et des libertés (A.M.L), un front constitué par le Parti du peuple algérien de Messali Hadj, âme de la revendication de l’indépendance ; par l’Union démocratique du manifeste algérien, de Ferhat Abbas ; et par l’Association des ouléma algériens. Les manifestants criaient et portaient des banderoles où ils avaient écrit : « A bas le colonialisme ! », « Vive l’Algérie indépendante ! », « Libérez Messali ! » (leader du Parti du peuple algérien), etc. La répression policière avait entraîné des blessés et quelquefois des morts, parmi les Algériens.

Mais les choses furent autrement plus graves dans le Constantinois. A Sétif, la manifestation s’était déroulée dans le calme, jusqu’à ce que la police aie tué des manifestants, parce qu’ils leur avaient résisté, en refusant de leur remettre les drapeaux algériens, qu’ils avait déployés. Ce fut la débandade générale. Certains manifestants s’étaient dispersés dans la ville et s’étaient attaqués à coups de gourdins, de haches et de couteaux à des Algériens d’origine européenne, entraînant des morts et des blessés, parfois graves, parmi ces derniers. Des rumeurs sur de prétendus massacres de musulmans circulèrent le jour-même dans les hameaux, villes et villages situés à des dizaines de kilomètres à la ronde de Sétif, Guelma et Kherrat. Des campagnards musulmans tuèrent, mutilèrent ou massacrèrent des hommes, des femmes et des enfants d’origine européenne, quelquefois plusieurs membres d’une même famille. Bilan officiel : 103 morts et 109 blessés.

Dès le lendemain, le 9 mai, le massacre à grande échelle des Algériens d’origine musulmane commença. Méthodique. Impitoyable. Disproportionné. Bref, de la barbarie à l’état pure. Objectif : terroriser suffisamment le peuple algérien pour lui extirper pour longtemps la revendication de l’indépendance nationale. De Gaulle ordonna lui aussi de baigner l’insurrection dans le sang.

De mai à août, pendant ces quatre longs mois, blindés, artillerie, aviation et marine de guerre bombardèrent et incendièrent de nombreux hameaux et fermes appartenant à des musulmans. Des milliers d’Algériens furent abattus sans sommation ou exécutés sommairement par groupes de 10, 20 ou plus par des militaires, des gendarmes, des policiers et des miliciens d’origine européenne. Leurs cadavres ont été jetés dans des fosses communes, des fours à chaux ou du haut des falaises de la ville de Kherrata. Femmes, hommes, vieillards et enfants avaient été mis à genoux, les mains sur la tête, pendant des heures sous un soleil de plomb, et étaient obligés par les militaires de crier : « Vive la France ! », « Nous sommes des chiens et Ferhat Abbas est un chien ! »…

Selon les chiffres officiel du gouvernement algérien, ces massacres ont entraîné 45 000 morts parmi les Algériens d’origine musulmane. C’est en réalité une reprise des estimations établies par le Consulat états-unien en Algérie durant ces événements. Cependant, les évaluations les plus sérieuses en l’état actuel de la recherche historique varient entre 15 000 et 18 000 morts (sans compter les blessés), et entre 5 et 10 000 arrestations, dont 99 condamnations à mort, 64 condamnations aux travaux forcés à perpétuité et 329 autres à des travaux forcés à temps.

Tous furent toutefois amnistiés l’année suivante, grâce à la puissante campagne menée en ce sens, principalement par les communistes algériens et français, par le journal, l’Humanité.
Auparavant, outre le parti socialiste, Jacques Duclos, Maurice Thorez et leurs camarades du bureau politique du Parti communiste français, le Parti communiste algérien et l’Humanité avaient qualifié cette révolte du peuple algérien de « complot fasciste », fomenté de conserve par les leaders nationalistes algériens, les agents nazis et ceux de Vichy. Ils avaient traité les indépendantistes algériens d’« agents hitlériens », eux qui avaient subi, ainsi que les communistes, la répression de l’administration coloniale prohitlérienne ; et demandé de les « châtier impitoyablement et rapidement ».

Ces massacres sonnèrent toutefois le glas du système colonial en Algérie. Pour beaucoup de leaders nationalistes et d’historiens, le compte à rebours de la lutte armée du peuple algérien pour son émancipation avait commencé cette année-là. D’ ailleurs, le général Duval (commandant de la subdivision militaire de Constantine et l’un des principaux auteurs de cette boucherie) ne s’était pas trompé dans ses prévisions, quand il avait écrit à ses supérieurs : « Je vous ai donné la paix pour dix ans. Mais il ne faut pas se leurrer. Tout doit changer en Algérie. » Mais rien n’avait changé.

Les peuples ex-colonisés et leurs enfants réclament que la France, qui avait avant tout trahi ses propres principes républicains, humanistes et de justice, demande pardon pour ses crimes coloniaux, comme elle l’a fait pour les Juifs, qu’elle avait voulu exterminer en collaboration avec les nazis, et comme l’ont fait les Etats-Unis d’Amérique avec leurs ressortissants noirs, et l’Australie avec ses aborigènes…

N’en déplaise à quelques attardés de l’Histoire de l’extrême droite et ses idiots utiles, parmi une minorité de « laïques » musulmanophobes de « gauche », cette idée est en train de faire son chemin au sein de l’opinion publique, notamment des nouvelles générations non gangrenées par le racisme anti-Arabes, et dans les plus hautes sphères de l’Etat français.

Sources :

  • Henri Alleg (collectif), la Guerre d’Algérie, T.1 , éditions Messidor, Paris, 1981.
  • Annie Rey-Golzeiger, Aux Origines de la guerre d’Algérie : 1940-1945, de Mers-el-Kébir aux massacres du nord-constantinois, éditions La Découverte-Syros, Paris, 2001.
  • Jean-Louis planche, Sétif 1945 : histoire d’un massacre annoncé, éditions Perrin, Paris, 2006.