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« Dialogue pédagogique sur la Charte de la Laïcité », par Pierre Hayat

L’Académie de Paris a mis en ligne un document passionnant et original de notre ami Pierre Hayat, issu de sa pratique de professeur de philosophie dans un lycée du 9e arrondissement. Il s’agit d’une libre reconstitution de son enseignement auprès de terminales, depuis 2013, organisée sous forme de questions-réponses pour commenter la Charte de la Laïcité de l’Education nationale. Trop long pour le reproduire, nous vous invitons à le télécharger ICI.

La  première partie porte sur la définition de la laïcité, la seconde sur la laïcité de l’école. Il faut recommander à tous de ne pas se satisfaire de la première partie car, même si nous ne sommes ni élèves, ni parents d’élèves, ni professeurs, elle comporte des enseignements qui débordent le champ scolaire. L’optique est bien celle de la philosophie – politique, morale et civique – et évite à la fois le juridisme et la référence à des cas de figure concrets d’application de la laïcité. Pour autant, rien d’inactuel on le verra, et les références livresques vont de Descartes à C. Kintzler ou A. Bidar en passant par J. Simon et F. Buisson, tandis que les références historiques vont de la Saint-Barthélémy  aux attentats de 2015 en passant par le CNR.

« Comme bien des idées politiques, la laïcité se retourne contre ses principes lorsqu’elle est appliquée de façon simpliste, ou quand elle sert de façade à une autre politique », note l’auteur en ouverture de la partie consacrée aux définitions, soulignant le lien entre la laïcité et les luttes émancipatrices au travers de l’histoire. Suit l’examen des notions de liberté de conscience et de liberté d’expression, puis de celle de neutralité tant de l’Etat que de ses agents.

Que la liberté soit au cœur du principe laïque est envisagé sous l’angle individuel mais aussi, ce qui est moins fréquent, sous l’angle de l’intérêt général et c’est là parmi les considérations les plus neuves de Pierre Hayat. Il montre en effet comment la laïcité sous-tend le refus des violences et favorise un exercice de la citoyenneté tourné vers le bien public, ce qui lui permet de boucler la triade républicaine sur les rapports de la laïcité avec la fraternité.

Cette première partie se conclut par l’idée que, pour la jeunesse, la laïcité pourrait bien être une réponse à la perte de sens dont elle souffre et le propos devient militant lorsque l’auteur écrit : « La connivence, insuffisamment remarquée, des intégrismes religieux et de l’ultralibéralisme contemporain, qui livre des millions d’hommes à la précarité et à l’insécurité généralisées, est pour la laïcité un enjeu majeur, l’obligeant à ne pas se réduire à un indispensable cadre juridique qui met tous les hommes à égalité devant le droit commun. C’est pourquoi la laïcité ne saurait ignorer les questions sociales, culturelles, économiques et écologiques, insolubles sans des structures sociales solidaires et sans la contestation de l’appropriation des richesses par une infime minorité. » (p.16)

Dans la seconde partie consacrée à la laïcité scolaire, Pierre Hayat relève les apparentes contradictions de l’expression « neutralité scolaire » en analysant les particularités de la neutralité qui s’impose à l’enseignant – il doit faire découvrir à ses élèves le sens des principes républicains dans défendre un point de vue partisan, mais aussi protéger leur liberté de conscience du prosélytisme – et celle de la neutralité des élèves, de nature différente, telle qu’en particulier l’exprime la loi du 15 mars 2004, « exigeante pour certains élèves » mais débarrassée au terme d’une analyse rappelant les circulaires Jean Zay de 1937 de tout soupçon d’intention « répressive ».

Un cran au-delà de la notion de liberté de conscience, le texte s’achève sur celle de libre arbitre, de son exigence morale, et Pierre Hayat d’écrire allègrement, citant Descartes qu’il « embarque » dans la laïcité du XXIe siècle,  que l’école se doit d’ « offrir à chaque élève le maximum de moyens pour ‘’voir clair en (ses) actions et marcher avec assurance en cette vie’’. Elle lui fait comprendre par quels chemins, exigeants et joyeux, on peut résister à la dépréciation de soi et acquérir l’estime légitime de soi.[…] L’École laïque a précisément pour mission de former les élèves à analyser, douter et juger, et, bien sûr, dialoguer.»

Monique Vézinet

 

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