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Notre profession est menacée

Un texte de Jean Estivill, historien et professeur d’histoire-géographie, sur les attaques actuelles contre le statut d’enseignant.(1)Il est également l’auteur du roman Les blancs il faut les manger crus, que nous avions précédemment chroniqué dans cet article..

 

Notre profession est menacée, comme toutes celles qui ont un statut, comme toutes celles qui relèvent de la fonction publique, comme l’est la République sociale telle qu’elle est définie par la Constitution.
La réforme de la retraite est l’un des aspect de cette politique de remise en question totale comme le souhaitait déjà dans la revue Challenges, en 2007, le vice-président de l’époque du MEDEF, Denis Kessler, quand il déclarait qu’il fallait revenir sur tout ce qu’avait créé le CNR , y compris son esprit même. Nous assistons actuellement à cette mise en œuvre, il s’agit entre autres en plus des retraites, par répartition, des pensions des fonctionnaires définies en 1945, de la Sécurité sociale.
Le but est de marchandiser tout ce qui jusqu’à présent échappait au profit : santé, école, protection sociale. C’est particulièrement évident avec la volonté, un temps dissimulée, d’établir une retraite par points, induisant la capitalisation et le recours aux fonds de pension, but ultime de l’opération. Le moyen : détruire la garantie des statuts, transformer les emplois de la fonction publique en emplois précaires soumis désormais à une autorité qui ne sera pas contrôlé et soumise à des règles de droit et de transparence. Ainsi pour les enseignants la disparition des commissions paritaires où siégeaient administration et représentants des enseignants pour les promotions, les mouvements etc. Les établissements aux mains de chefs d’établissement dociles embaucheront, jugeront au plan pédagogique et établiront selon leur seul jugement des raisons de formations complémentaires en réalité punitives, des ruptures conventionnelles (comprenons des pressions pour démissionner). Là où il y avait un corps d’inspecteurs formés certes pour sanctionner le cas échéant mais également évaluer positivement, avec lui aussi statut, il y aura des missi dominici, chargés des besognes, liées on l’a compris aux directives de rendement, du pouvoir politique,et sans aucun contrôle des représentants enseignants.
Déjà cette politique a une traduction : l’explosion des cours privés, en particulier avec Parcoursup et la disparition du bac, des cliniques privées pour les opérations qui rapportent, du nombre d’employés « kleenex » à la place des fonctionnaires territoriaux… Avec comme corollaire la fin de l’égalité du citoyen dans son traitement par le service public, l’employé précaire ne pouvant même plus s’appuyer sur la déontologie liée à son statut de fonctionnaire.
La fin du statut du corps enseignant, lié à celui de la fonction publique, élaborée par Fillon puis Peillon et mis au point par Hamon, c’est le retour au prof du « petit chose » de Daudet,  du maitre qui fut le communard Lefrançais ou du père humilié de Jules Vallès, une régression sans nom : un enseignant sans liberté pédagogique, mobile à volonté, dépendant comme au XIXe siècle du chefaillon recruté comme un chef de rayon de chez Auchan.
Actuellement on veut nous faire croire à des grèves corporatistes et égoïstes, en réalité c’est tout le système républicain auquel les enseignants en particulier sont attachés qui est attaqué. La pioche des démolisseurs est depuis longtemps à l’œuvre, nous le savons par la dégradation de nos conditions de travail.
Devant la résistance, le pouvoir actuel dévoile à la fois son cynisme et sa fragilité en cédant ici ou là (on nous fait miroiter une revalorisation qu’on nous a toujours refusée) niant ainsi l’argument fallacieux d’universalisme, recréant de fait des secteurs privilégiés, là où l’histoire, les conditions de travail, les luttes salariales avaient établi des statuts, conformes aux conditions de professionnalisation, de compétences et de pénibilité.
Ne laissons pas les grévistes isolés, ils défendent notre modèle de société, nos élèves nous regardent.

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1 Il est également l’auteur du roman Les blancs il faut les manger crus, que nous avions précédemment chroniqué dans cet article.
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